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Télétravail : aspects transfrontaliers

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Chronique AEnEC

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DROIT DU TRAVAIL

I. INTRODUCTION

Ce document a pour objectif de répondre aux principales questions juridiques soulevées par le télétravail transfrontalier, notamment au sujet des conséquences qu’il entraîne en matière d’assurances sociales et de fiscalité. Nous examinerons ici la situation qui s’applique en temps normal, à savoir à compter du 1er janvier 2022 si les accords dérogatoires signés en raison de la pandémie ne devaient être reconduits.

Tout d’abord, il y a lieu de définir deux notions qui permettent de mieux appréhender cette nouvelle pratique. Le frontalier est la personne qui a sa résidence dans un Etat et qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un autre Etat en retournant à son domicile en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine. Si le travailleur frontalier exerce une partie de son activité salariée en télétravail dans son Etat de résidence, cela entraîne un changement d’assujettissement au régime de sécurité sociale, ainsi que du régime d’imposition, changements que nous allons brièvement parcourir ici.

II. ASSUJETTISSEMENT AUX ASSURANCES SOCIALES

Lorsqu’une entreprise occupe un travailleur frontalier, elle doit impérativement déterminer quel Etat est compétent pour percevoir les cotisations sociales de ce travailleur et verser les prestations sociales (prévoyance vieillesse, survivant, invalidité, chômage, accidents, maladie, etc.). S’il s’agit d’un ressortissant européen résidant dans l’UE/AELE, le principe du lieu de travail s’applique à la détermination de l’Etat compétent pour la question de l’assujettissement aux assurance sociales.

Qu’en est-il lorsque le travailleur frontalier exerce son activité dans plusieurs Etats, par exemple en cas de de télétravail ? Si le travailleur exerce une activité substantielle (au moins 25% de son temps de travail et/ou de sa rémunération) dans son Etat de résidence, c’est le régime de sécurité sociale de son lieu de résidence, pour l’entier de son activité lucrative, qui s’appliquera. Dans ce cas, l’employeur aura le devoir d’effectuer toutes les démarches utiles pour affilier son travailleur dans son Etat de résidence et devra verser les cotisations sociales sur la base du taux de charges sociales de cet Etat.

En conclusion, l’employeur qui souhaite éviter un assujettissement dans l’Etat de résidence du travailleur frontalier doit s’assurer que le taux d’activité salariée effectué dans cet Etat (y compris en cas de télétravail) est inférieur à 25 %.

III. ASPECTS FISCAUX

La fiscalité des collaborateurs frontaliers est un sujet complexe qui varie en fonction des cantons. Le principe est que l’employé frontalier est imposé et remplit sa déclaration d’impôt dans son pays de résidence.

A Genève et dans les cantons qui ne font pas partie d’un accord international (Fribourg par exemple), l’employeur d’un frontalier doit néanmoins prélever un impôt à la source. Dans les cantons de Vaud, Valais, Neuchâtel, Jura (ainsi que Berne, Bâle-Ville, Bâle-Campagne et Soleure), l’employeur n’a pas à prélever cet impôt pour autant qu’il fournisse à l’autorité fiscale une attestation de domicile que doit lui procurer son employé.

Si le télétravail dépasse un jour par semaine, le frontalier risque de perdre son statut de frontalier, selon l’évaluation des autorités fiscales cantonales compétentes. L’entreprise devra alors, obligatoirement, prélever un impôt à la source pour le travail effectué en Suisse. L’entreprise risque alors de subir des contraintes de la France exigeant d’elle de nommer un représentant en France. Si un employeur néglige la perception obligatoire d’un impôt à la source il peut être amené à devoir payer rétroactivement cet impôt, le cas échéant avec des intérêts de retard, voire des amendes.

IV. DROIT APPLICABLE

En principe, le droit suisse est applicable à la relation de travail entre un travailleur frontalier et un employeur suisse lorsque les parties ont choisi d’appliquer le droit suisse à leur relation de travail ou, à défaut de choix, lorsque le travailleur frontalier accomplit habituellement son activité en Suisse.

Il peut cependant arriver qu’un tribunal européen amené à trancher un litige n’applique pas l’ensemble des règles du droit suisse, en particulier lorsque des règles plus protectrices pour le travailleur sont en vigueur dans son Etat de résidence.

Afin de limiter ce risque, il est recommandé de convenir dans le contrat de travail l’applicabilité exclusive du droit suisse et de prévoir qu’une partie prépondérante de l’activité (> 50 %) se déroule en Suisse.

A titre de rappel, toutes les dispositions du Code des obligations (ci-après: CO) ainsi que celles relatives à la Loi sur le travail (protection de la santé, durée du travail et repos, etc.) s’appliquent intégralement par analogie au cas du télétravail. A cet égard, l’employeur doit veiller à ce que la santé de ses collaborateurs soit respectée, y compris lorsque ceuxci travaillent à domicile. Ainsi, l’employeur doit veiller à ce que les postes de travail soient ergonomiques et ne portent pas atteinte à la santé de l’employé. L’employeur doit également s’assurer qu’il dispose du matériel et du mobilier adéquats.

V. PROTECTION DES DONNÉES

Le télétravail dans un Etat de l’UE peut entraîner des obligations, voire comporter des risques en matière de protection des données pour l’employeur et ses collaborateurs frontaliers. Afin de limiter l’application de la règlementation européenne, notamment du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et le risque de lourdes amendes qui peuvent en découler en cas de violation, il est recommandé à l’employeur de prévoir par écrit que seul le droit suisse s’applique à la relation de travail et de veiller à ne pas surveiller le comportement de ses employés.

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