CATALOGUE POUR LES NOUVEAUX CONSTRUCTEURS DE OUAGADOUGOU I Manuscrit
______ www.nouveauxconstructeurs.com
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Auteur ______
Sommaire
Cyril Chabaud
I *
Remerciements ______
À Valéry Didelon, mon directeur d’études, qui a joué avec talent son rôle de coach, pour m’avoir soutenu et guidé. À Jean Attali, le technicien autant que le philosophe, et son regard subtil. Anitié à Thomas Granier, pour son aide précieuse et sa disponibilité, et à toute l’équipe d’AVN Burkina Faso pour leur accueil à Boromo en juin 2012. À Thierry Kobyagda, chef de chantier à Ouagadougou, pour avoir répondu à mes questions en un temps record. À Liliane Pierre, pour sa générosité et le partage sans retenue de son expérience. À Anne Bossé pour ses conseils précis concernant ce mémoire de diplôme. Enfin merci à Nicolas Bisensang, lecteur critique et perspicace ; et à Louis Bordenave, auprès de qui j’aurai travaillé cette dernière année d’étude, pour nos discussions et son écoute.
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Contact ______
info : cyril88chabaud@gmail.com +33(0) 6 01 76 58 44 www.nouveauxconstructeurs.com
L’étalement inéquipé des périphéries, loties et non-loties
II
Ouaga R+1
4
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état des lieux et enjeux de la construction
III
Voûte nubienne
18
De l’importance des techniques créolisées
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Observations parcellaires
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IV
Tradition versus modernité
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V Récit de la ville vécue
Corpus typologique et anthropologique
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Conclusion
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Avant-propos Résumé _ Ce diplôme concerne la densification de l’habitat à Ouagadougou, au Burkina Faso. Densification qui est une réponse à l’étalement inéquipé des périphéries et à la demande croissante de logements. Ouagadougou étant pour l’essentiel une ville bâtie seulement en rez-de-chaussée, il s’agit de proposer des modèles d’habitat avec étages. Ces modèles – qui répondent à un triple enjeu économique, pratique et esthétique — sont basés sur l’emploi d’une technique appelée « voûte nubienne » (originaire d’Égypte), qui permet la réalisation de toitures et planchers en voûtes de briques de terre. Dans un pays où le salaire mensuel moyen correspond à 5 sacs de ciment, cette technique relativement bon marché se révèle comme une alternative unique pour les constructions en hauteur. Cette approche correspond à un positionnement critique en faveur de « l’architecture moyenne » ; au-delà de la production d’icônes — qu’elles concernent les plus riches ou les plus pauvres — l’objectif est celui d’un impact large et massif. Il s’agit de donner à l’architecture une dimension opératoire, et de proposer pour cela des modèles alternatifs pour l’architecture « normale », celle qui en fin de compte est la plus répandue.
Ici sont les lions _ La plupart des projets conçus en occident pour les villes du « tiers-monde », et visant à la destruction même de cette catégorie, tombent néanmoins dans un double écueil, corollaire de cette dynamique de désoccidentalisation. Le premier est celui d’une persévérance de certaines visions romantisées, extase devant la débrouille mais oubliant la misère en arrière-plan ; le second est celui de la ville africaine considérée d’office comme nouvelle icône postmoderne 1. Il s’agit de regarder au-delà du paysage a priori « monotone et poussiéreux » de Ouagadougou, sans pour autant saupoudrer de sucre glace l’état existant des choses, comme on le ferait d’un dessert ennuyeux. Ma position dans ce travail est celle qui consiste à éviter l’emphase à tout prix, le misérabilisme ou la fascination, pour tenter d’aller audessous de ces « blancs de la carte », non moins porteurs d’un imaginaire d’autrefois, sur lesquels les anciens cartographes inscrivaient volontiers en lieu et place des déserts encore inexplorés : hic sunt leones, ici sont les lions.
Super-catalogue _ Mon projet se compose de trois cahiers distincts. Le premier, que vous avez entre les mains, explicite le processus du projet et les conditions de son émergence (l’essentiel des photographies et productions graphiques de ce premier cahier a été réalisé dans le cadre d’un mémoire de recherche, au sein de « l’Atlas Partagé » dirigé par J. Attali ) ; le deuxième cahier est un catalogue architectural présentant 4 modèles d’habitats ; le troisième est un manuel à la fois plus technique et offrant un panel d’exemples pour les aménagements intérieurs et les finitions. La réunion de ces trois cahiers constitue une forme de super-catalogue, à l’attention des citadins-promoteurs de Ouagadougou 2.
Exploration _ La technologie est peu développée à Ouagadougou, et les informations urbaines disponibles sont relativement limitées. Saisir la ville avec les moyens habituels (photos aériennes, street view sur google, bird eye sur bing map, etc..) est impossible. Cette absence a laissé place à des pratiques locales de dérives automobiles, caméra en main ou flanquée sur le tableau de bord, qui permettent aux Ouagalais d’emporter virtuellement leur paysage. La première réponse pour Ouagadougou sur Youtube, intitulée sobrement « Ouagadougou (Burkina Faso) » , 26 000 vues, en est la preuve en 28 minutes — le back-ground musical n’est sûrement pas innocent à ce succès... Le projet de diplôme est l’occasion de faire le point sur son apprentissage, et sur la manière dont on entend pratiquer la profession d’architecte. Au fil du récit, ma « posture » sera ainsi précisée progressivement. Je crois qu’au commencement, le projet est une exploration, une occasion pour parcourir autrement la réalité, un alibi presque tant la joie de ses moments est vive. De manière récurrente, j’ai utilisé la dérive à la ouagalaise dans des trajets plus ou moins aléatoires et le relevé, comme méthodes pour observer et comprendre. Le travail ici présenté repose de manière fondamentale sur une approche de terrain, et la tentative de répondre à des questions issues de cette connaissance.
Notes : 1 - L’exemple le plus criant de cette approche étant la description de Lagos offerte dans Mutations (“Lagos : How It Works”, Rem Koolhaas et Clejine) où la ville est décrite comme l’avant garde de la modernité mondialisante. Dans cette filiation on trouve aussi “African Cities : Alternative visions of urban theory and practice. what if the postmetropolis is Lusaka? (Myers, 2011). Cf “Désoccidentaliser la pensée urbaine”, par Armelle Choplin, article du 02/11/2012, www.metropolitiques.eu 2 - Dans le contexte Burkinabé, et plus généralement dans les métropoles africaines, l’auto-construction doit être entendue comme auto-production : le maître d’ouvrage produit sa maison non pas lui-même brique après brique, mais plutôt avec le concours de maçons et d’artisans qualifiés. Le citadin est ainsi le véritable promoteur de son logement et de celui qu’il met sur le marché locatif pour héberger ceux qui ne peuvent encore faire construire. Voir bibliograpie: “Construire la ville africaine : chroniques du citadin promoteur”.
4 I L’étalement inéquipé des périphéries, loties et non-loties.
1. Première exploration _ À partir de photos prises sur place entre juin et août 2012, un voyage linéaire a été reconstitué du Sud vers le Nord, et coupant la ville en son coeur. 12 photos équitablement réparties sur ce fil imaginaire, illustrent avec un champ le plus large possible les différentes atmosphères de cette artificielle traversée (page 8). Ouagadougou semble s’étendre sans limites, et l’oeil inexpérimenté ne voit dans cet étalement fluide qu’un évanouissement prochain. Le paysage urbain et sa teinte ocre homogène ne sont pas étrangers à ce sentiment ; mélange d’argile et de latérite, de constructions en banco et de pistes plus ou moins damées ; la poussière du Sahel se chargeant de recouvrir ce qui n’aurait pas d’office le pigment local. L’exploration, au-delà de cette homogénéité mise à nue, est surtout là pour révéler que les réseaux d’eau et d’évacuation sont inexistants dans la plupart des situations, que le rejet des déchets dans la rue reste le lot d’une grande partie de la population, que les voiries se développent à une vitesse bien inférieure à l’évolution du bâti. Les « 6 mètres » de terre, faute de canalisations, se transforment en torrent à la moindre pluie 1. L’électricité est présente à l’intérieur de la Circulaire (infrastructure routière périphérique) mais les lampes à piles ou à pétrole restent indispensables en période de délestage 2. Force est de constater que même l’équipement du « centre » reste faible pour une ville d’un million et demi d’habitants. Et il faut faire preuve de finesse pour décrypter les variations de notre ligne virtuelle qui permet toujours moins de remarquer la diversité attendue des séquences que l’uniformité générale, d’où seul Ouaga 2000 semble sortir au sud-est de la ville. Un état des lieux cartographié des pratiques quotidiennes en matière d’éclairage ou d’ordures ménagères, et répertoriant ainsi l’alimentation en électricité, la qualité du réseau d’assainissement ou la gestion des déchets, complète ce qui est observé sur les photos. On découvre sans surprise un double rapport de disparités, principalement entre centre et périphérie, puis entre périphéries loties et nonloties3. Il nous faut ajouter néanmoins que la distinction entre périphéries loties et informelles est loin d’être aussi franche qu’on l’imaginerait. Car aujourd’hui, la logique qui associait le lotissement d’une zone à sa viabilisation et son équipement en infrastructure est révolue, et l’étalement urbain s’effectue ainsi au prix d’une absence quasi totale de services et de réseaux de bases. Le projet tente d’être une alternative aux inégalités produites par cette situation.
Photo: Vue depuis la Grande Mosquée, 2012.
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LEGENDE _ Transect Sud-Nord _ Repères photos, p 8. _ Limites administratives (Centre historique et Circulaire).
_ Echantillons Ø = 1 km “observations parcellaires” PARTIE III p22.
PARTIE I
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1. Sud-Ouest de Ouaga 2000 (non-loti).
4. Derrière Ouagarinter (gare routière).
2. Sud-Ouest de Ouaga 2000 (non-loti).
5. La circulaire.
3. Ouaga 2000 (haut standing).
6. Cissin (quartier loti).
PARTIE I
7. x.
10. Au nord du barrage (loti).
8. Dapoya, quartier ancien (loti en 1950).
11. Près d’un marigot.
9. Niongsin, quartier des bronziers, près du barrage n°3 (loti en 1950).
12. x.
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10 I L’étalement inéquipé des périphéries, loties et non-loties. (suite)
2. Culture du lotissement et détournements _ Cet étalement non équipé est issu d’un mode de production de la ville très singulier, basé exclusivement sur une logique itérative, de développement informel, puis de conquête/ réaménagement par le lotissement. Ce phénomène est un héritage de la politique urbaine révolutionnaire des années 80 et de certains projets expérimentaux des années postindépendance 4.
3. Détournements bis _ Depuis les années 90 l’État s’est entièrement désengagé du système de production de l’habitat au profit des sociétés privées, telles la société Aliz immobilier (AZIMMO) et la SOCOGIB (Société de Construction et de Gestion Immobilière du Burkina). Il se concentre désormais à la réalisation de projets prestigieux, favorables à de riches investisseurs, notamment les projets ZACA et Ouaga 2000.
À la fin des années 70, suite à deux décennies de laisserfaire et une forte croissance démographique 5, 70% de la population Ouagalaise vivait dans l’habitat non-loti. La révolution engagée par Thomas Sankara s’est appuyée largement sur ce climat de mécontentement, et de 1983 à 1991, le Conseil National de la Révolution qu’il dirige, tente d’enrayer le développement anarchique de la ville, notamment à travers le lotissement systématique et rapide de la périphérie et la nationalisation du foncier 6. Les pouvoirs publics s’engagent ainsi à attribuer une parcelle à chaque ménage ; six ans plus tard, 60 000 parcelles ont été livrées à la population, dont 42 000 à Ouagadougou.
ZACA (Zone d’Activités Commerciale et Administrative) : là où jadis se tenaient les quartiers les plus anciens, se trouve désormais un grand vide. Les voiries neuves sont ornées de luminaires en attente, qui faute d’événements à éclairer, illuminent seulement le caractère exceptionnel de la situation, vierge de tout bâtiment, en dehors de l’Avenue Kwamé Nkrumah. L’avenue existait déjà, et la mise en œuvre n’a donc été que l’opération de déguerpissement 10 des populations effectuée en 2003, les parcelles « libérées » restant nues 11. En dehors des incidences financières, le centre-ville est caractérisé désormais par le paradoxe de ce trou inoccupé depuis 8 ans... En ce qui concerne le quartier de Ouaga 2000 c’est plus simplement le déplacement du centre politique et institutionnel en périphérie : un nouveau palais présidentiel pour Blaise Compaoré et des ambassades, noyés dans un tissu de villas cossues. Le quartier conçu comme une zone d’aménagement spéciale est passé de 730 hectares en 1996 à 3120 hectares en 2006. La surface a été multipliée par 4,45 en 10 ans, alors que de grandes poches vides perdurent même dans les premiers noyaux 12.
La technique d’aménagement mise en place et appliquée dans l’ensemble de la périphérie consiste à définir des parcelles légales à la place d’un quartier spontané. Ce « lotissement », au sens de procédure foncière, est accompagné d’un aménagement, et d’un équipement en infrastructures et réseaux de base, financés par l’État. La périphérie informelle est ainsi transformée progressivement en périphérie aménagée. Dans ce processus, l’État fait en sorte que le bénéfice d’une parcelle soit restreint à certaines catégories de personnes, en priorité aux anciens résidents. Ces derniers obtenant un droit de jouissance sous simple condition de mise en valeur 7. La population invente pourtant rapidement des pratiques d’acquisitions foncières « hors normes » : corruption, listes fictives, demandes multiples, etc... ; car les premiers terrains issus des lotissements étaient presque gratuits (l’acquisition d’une parcelle pour un particulier entraînait des frais administratifs très modestes). Alors qu’avant la Révolution, la spéculation foncière était limitée aux classes aisées, la frange urbaine devient soudainement convoitée par tous les citadins, ceux qui sont en quête de terrains légalisés en zones loties, et les autres, qui désirent seulement cumuler plusieurs parcelles, étoffant ainsi un patrimoine qui témoigne de leur intégration urbaine 8 (cf Alain Prat). Avec ce processus de « lotissement/aménagement », le développement des zones informelles est inhibé quelque temps, mais le déséquilibre entre l’offre et la demande en logement est tel que le non-loti et sa conquête progressent finalement en duo depuis le début des années 1990 9. Ouagadougou compte de nos jours plus de parcelles que de ménages, ce qui témoigne bien que le phénomène de spéculation évoqué plus haut s’est prolongé encore vingt ans après la Révolution, malgré les changements politiques. La culture du lotissement, au sens d’aménagement et de fabrication de la ville, est devenue une machine épuisée. Pervertie par la spéculation à grande échelle, elle a fini par laisser place à une course après la ville, où faute de moyens elle a reprit désormais son simple sens de division foncière.
La présidence produit ainsi ce qu’elle nomme ellemême des gestes architecturaux, ou des formes urbaines dites de standard international : quartier d’affaire, objet monumental, équipements de prestige (centre d’affaire, hôtel de luxe, échangeur routier), soutenus par des acteurs étrangers (Libye, Taiwan 13, France, Pays bas). Et l’on voit dans les deux projets décrits notamment, la faiblesse d’une politique urbaine indexée sur l’attraction des investissements étrangers. La Mairie réussit elle aussi à composer avec des acteurs internationaux de son échelle, bailleurs et collectivités locales, mais ces échanges, qui permettent en particulier l’évolution des structures administratives et l’apport de nouveaux modes de gestion, ne sont cependant pas au niveau de la problématique mise à jour.
4. Densité relative et sans réponse _ La ville continue donc de s’étaler et cette macrocéphalie s’explique, outre la spéculation foncière mentionnée, par deux autres raisons : en partie par les évolutions démographiques de la commune, qui au cours des 20 dernières années a vu sa population doubler (atteignant aujourd’hui 1 475 000 habitants) et aussi parce que la ville occupe un terrain plat, sur le plateau Mossi, où il n’existe que peu d’obstacles naturels 14. Ouagadougou, dont la périphérie est d’ores et déjà largement lotie (sur le cadastre) dépassera bientôt ses limites administratives. Pour limiter cet étalement et subvenir à la demande massive en logements, l’augmentation de la densité est une solution évoquée dans les discours officiels. Il faut dire que Ouagadougou est une ville en rez-de-chaussée, et que cette caractéristique ne semble plus entièrement compatible avec les problématiques contemporaines.
Ce projet est sous-tendu par une même motivation : trouver un moyen de densifier Ouagadougou. La zone urbaine de Ouagadougou fait 426 km², pour une population d’ 1 475000 habitants, ce qui correspond donc à une densité de 3460 habitants/km² ; très loin derrière toutes les capitales voisines 15. Le rapport de présentation du POS indique que le nombre de logements par hectare se situe entre 20 à 25, soit également le plus faible des villes de la sous-région. Il convient donc de relativiser ; et il faut comprendre que nous sommes éloignés ici des débats qui animent si l’on peut dire les pros et les anti-densités. Multiplier par deux le nombre de logements au km² ferait toujours de Ouagadougou une ville de densité très modérée. Cela étant dit, même avec modération, la densité ne peut qu’offrir un certain nombre d’avantages, a fortiori dans un contexte où l’État ne dispose que de très faibles ressources pour l’aménagement urbain. Et malgré les questions certaines qui se posent en terme de compatibilité avec l’amélioration des réseaux, la perspective de ce travail se place dans le sens des économies en réseaux et en infrastructures de bases. À un autre niveau, en regardant des villes telles que Kinshasa, d’une densité faible également mais animée par 10 millions d’âmes, on peut imaginer des problèmes tels que les heures de marches quotidiennes auxquelles sont soumis la majorité des Kinois, et auxquels serait confronté Ouaga s’il elle continuait de se développer sans se réinventer.
5. pour une architecture opératoire _ Cette relative densification de la ville, qui fait partie des discours officiels et des diverses stratégies urbaines, des études urbanistiques et sociologiques, reste aujourd’hui sans réponse concrète, et l’on sait bien que le manque de moyens ne permettra finalement pas une application et un contrôle suffisant de mesures prises au sommet. En définitive, on remarque que l’État — hier et aujourd’hui — est toujours en retard sur les stratégies populaires de contrôle du foncier en milieu périurbain, en dépit de l’arsenal juridique dont il dispose pour la gestion foncière. Il s’agit moins d’une critique que d’un constat global, et face à l’échec historique des politiques urbaines successives, on imagine que les choses puissent se jouer désormais à une autre échelle, à l’échelle architecturale. Dans ce contexte, où une stratégie par le bas (bottom-up) semble s’imposer, notre objectif est d’inventer et de proposer de nouveaux modèles d’habitats, qui par effet de masse transformeront la ville. Le projet prend la forme d’un catalogue, et tente de réinvestir ainsi un médium qui par essence est adapté à l’architecture « populaire » et à la communication à large échelle. Entre l’habituel catalogue de promoteur (avec ses plans d’exécutions et ses images sans promesses) et des représentations plus artistiques. C’est pour cette raison également, que ce mémoire prend la forme d’un journal, facile à imprimer et à distribuer en grand nombre.
PARTIE I
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De même, le catalogue comprend des patrons en papier, sous la forme de poster à détacher. Ces derniers pourront être découpés, pliés, collés, et transformés en maquette de papier. Ainsi, au-delà de leur fonction picturale, les patrons représentent une astuce pour produire et transporter en grand nombre des maquettes à faible coût ; et illustrent encore ma recherche d’outils et de médiums adaptés quant à cet objectif de donner à l’architecture une dimension opératoire au niveau urbain. ___________________
Notes : 1 - 70 % des voiries primaires goudronnées étaient concentrées dans le seul arrondissement de Baskuy en 2004. Seulement 8 % des voiries secondaires étaient bitumées selon les mêmes études de la DGSTM, les 92 % restant étaient en terre battue. (Rapport de présentation du POS de Ouagadougou, juin 2012, p35.) 2 - En période de forte demande (notamment pendant les fortes chaleurs de mars à mai), le délestage consiste à arrêter volontairement l’approvisionnement de certains quartiers pour rétablir rapidement l’équilibre entre la production et la consommation du réseau électrique, et éviter la coupure de la totalité du réseau. 3 - Les termes « spontané, informel, irrégulier » parfois utilisés, ne sont pourtant pas adaptés à la situation, car nous sommes loin des bidonvilles observables dans d’autres villes du Sud. Il s’agit généralement de propriétés variées (allant de l’habitat en banco abrité de tôles à la villa construite par des résidents plus fortunés). La construction d’un quartier « spontané » nécessite en fait un investissement considérable de la part des résidents, et il existe un mimétisme confondant entre les quartiers légaux et illégaux. 4 - Projets “Cissin Habitat” et “Cissin Restructuré”, en partenariat avec les Pays-Bas. 5 - Le laisser-faire s’explique entre autres par une instabilité politique rare : cinq coups d’État en moins de vingt-cinq années. La croissance démographique quant à elle, 10 % entre 1975 et 85), est liée aux sécheresses exceptionnelles de 1973 et 1984 intensifiant ponctuellement l’exode rural. 6 - Ouagadougou est régie par la confrontation de deux régimes fonciers depuis la colonisation : l’un coutumier fondé sur la propriété collective du sol où la cessation de celui-ci ne se fait qu’à titre d’usufruit, l’autre moderne fondé sur la propriété privée imposant la marchandisation du sol. C’est particulièrement dans ce non loti que les chefs de terres coutumiers s’étaient accaparés les terres, y menant un système d’échanges et de droits d’usage, et que Sankara tenta de briser. 7 - Il faut réaliser une construction suffisamment grande attestant d’un réel usage. Le degré de mise en valeur est calculé à partir de la surface de tôle métallique utilisée pour le toit. Aujourd’hui, la mise en valeur indispensable pour se voir délivrer le Permis Urbain d’Habiter est estimée à 18 tôles. 8 - On voit dans la reproduction d’aires spontanées l’apparition de maisonnettes alibis qui marquent l’appropriation du sol par les familles. Devançant les aménageurs, les ménages anticipent sur le lotissement pour y acquérir ensuite une parcelle, accentuant davantage encore l’étalement de la ville. 9 - En 2009, l’habitat spontané s’étendait sur 7 800 ha et concernait 30% de la population. 10 - Le déguerpissement est l’opération par laquelle il est fait obligation pour des motifs d’utilité publique à des occupants d’une terre appartenant à la puissance publique de l’évacuer. 11 - Il est dit que les raisons de cet échec sont dues à la mauvaise constitution du sol, et à la présence inattendue d’une nappe phréatique superficielle, empêchant la réalisation de fondations profondes et de bâtiments élevés. 12- G2 Conception, Rapport de présentation du POS de Ouagadougou. 13 - Le Burkina Faso est l’un des rares pays africains à reconnaître Taiwan. Par conséquent la Chine n’y effectue aucun investissement, contrairement aux pays voisins tels que le Bénin ou le Ghana. 14 - Les verrous qu’ont été les barrages, la forêt classée Bangr Weogo, et les différentes ceintures vertes aménagées pour contenir les extensions pé riurbaines n’ont pas longtemps résisté à la progression du front urbanisé. 15 - Classement des capitales voisines par densité, en nombre d’habitants par km² : Abidjan 16 000, Accra 12 200, Cotonou 9600, Lomé 9300 , Bamako 6700 et Niamey 5000 hab/km².
Photos: La ville en attente, ZACA, 2012. Ouaga 2000, vue depuis la grande mosquée, 2012.
12 II Ouaga R+1 état des lieux et enjeux de la construction
1. Une ville sans étage — deuxième exploration _ Ouagadougou est essentiellement une ville en rez-dechaussée. Les constructions à étage y sont rares, mais elles existent. Puisque l’observation du réel est une de mes motivations, il a fallu mesurer cette si faible proportion de bâtiments élevés, mesurer leur absence et surtout, comprendre qui sont-ils vraiment. C’est donc par une deuxième exploration, sinueuse, plus ressemblante que la première aux fameuses dérives ouagalaises, qu’a été faite cette mesure. Une cartographie des bâtiments à étages, effectuée à moto entre le 27 et le 31 août 2012, avec l’aide d’Armel Nana, conducteur et co-cartographe. La zone d’étude fait une surface de 25km² et dessine un rectangle le plus large que nous ayons pu, partant de l’échangeur Kadafi au sud et allant jusqu’au nord de l’aéroport. Il s’agit donc plus ou moins de la moitié sud de la ville intra-circulaire. Il faut entendre le fragment de la carte comme représentatif d’un schéma valable pour l’ensemble de la ville, dont le tissu urbain est — hormis quelques très rares aspérités telles que Ouaga 2000 au sud, le centre administratif, ou l’avenue Kwamé Nkrumah au nord de l’aéroport — d’une constance plane et bouleversante. Le relevé, complété de photographies géo-localisées, fait abstraction des greniers et des entrepôts, mais identifie de façon exhaustive les habitations et les bâtiments d’activités commerciales ou administratives dépassant le rez-dechaussée. C’est une coupe horizontale dans ce qui reste de la ville à 4 ou 5 mètres au dessus du sol. Exploration flottante donc, dans les brumes de la ville s’évaporant. Sur la page suivante, le tracé rouge représente le parcours ainsi réalisé pour faire le repérage. Après des journées sous le soleil puissant de Ouagadougou, des centaines de virages répétés sans fin à gauche et à droite, deux crevaisons et une panne sèche, il faut donc voir dans la cartographie de Ouaga+1 un véritable effort physique et éthique qui répond à la volonté coriace de révéler les choses dont on parle toujours mais que l’on ne montre jamais.
Photo aérienne: La trame divise la carte en carrés d’1 km de côté.
PARTIE II
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14 II Relevé des constructions à étage
LEGENDE _ Trame 1 km _ Parcours en moto _ Début et fin de séqeunces _ Bâtiment à étage(s) _ Nombre d’étages _ Arbres _ Emprises privées _ Limite des marigots _ Limite aéroport _ Référence photos
PARTIE II
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Des extensions verticales de petites surfaces en R+1...
2. Matériaux importés _ Émergent donc d’incroyables architectures, façonnées par la liberté ambiante 1 et des participants rivalisant de créativité. Tourelles aux murs arrondis ornées de carrelage, motifs plats de pierres peints sur le parpaing, terrasses panoramiques protégées par des pergolas de béton, béton moulé en d’extravagantes formes, escaliers alambiqués conduisant à des hauteurs inachevées, autant de détails qui façonnent les carrures et les personnalités de ce petit monde. Cet état des lieux révèle que le mode constructif est unique, et que le ciment est omniprésent. Toutes les constructions à étages utilisent des matériaux importés (ciment Portland et fers à béton principalement) qui seuls semblent permettre la réalisation de structures élevées : poteau-poutre pour la structure, poutrelles précontraintes et hourdis pour les planchers le plus souvent, fondations lourdes dont les coûts décuplent avec la hauteur. Derrière la diversité burlesque, se distinguent finalement 3 types de constructions : des extensions verticales de très petites surfaces en R+1, des villas de haut standing et de taille imposante qui atteignent le R+2, et des immeubles de services ou de bureaux, le plus souvent de 3 ou 4 étages - quelques rares bâtiments administratifs grimpent exceptionnellement jusqu’à R+6. On remarque ainsi que la construction en hauteur aussi modeste soit-elle est avant tout réservée à une classe privilégiée locale ou aux investisseurs internationaux (la diaspora libanaise en particulier), et qu’elle ne participe par ailleurs pas du tout à la densification de la ville. De cette exploration, peuvent être tirés un certain nombre d’enjeux, décisifs quant à ma position.
3. Contexte économique & solvabilité. _ La situation géographique et économique 2 du Burkina Faso fait de l’emploi massif de ces matériaux un luxe peu abordable, et la rareté des constructions à étages s’explique avant tout par le décalage existant entre le prix du ciment Portland importé et le faible niveau de vie actuel au Burkina Faso. Une comparaison simple dévoile l’intensité de ce décalage : 5 sacs de ciment ont la même valeur que le salaire minimum interprofessionnel garanti, salaire que par ailleurs 90 % de la population Ouagalaise n’atteint même pas 3. Plus précisément, le salaire moyen au Burkina Faso correspond à environ 27 000 Fcfa (42 euros) et le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est évalué à 30 684 Fcfa/mois — lui n’est touché que par 10 % de la population Ouagalaise 4. Le coût moyen d’un loyer à Ouagadougou s’élève à 18 000 Fcfa par mois pour un deux pièces (chambre/salon), et à 7000 Fcfa pour une seule pièce. À partir de ces chiffres, on voit déjà à quel point la marge de manoeuvre des ménages est faible et leur solvabilité réduite. Or il s’agit là de construction en rez-de-chaussée. Les loyers des immeubles construits lors de la période révolutionnaire s’élèvent au minimum à 44 000 Fcfa par mois, et il est question ici de logements subventionnés par l’état. Les loyers des appartements émanant du secteur privé de l’immobilier correspondent en général à 100 000 Fcfa par mois. Le strict minimum semble être 50 000 Fcfa, ce qui revient à dire qu’un logement en hauteur ne peut être conçu pour des personnes ayant un salaire inférieur à 150 000 Fcfa par mois 5 (cinq fois et demi le salaire moyen burkinabé). L’accès au financement d’un logement est relié à de
des villas de haut standing et de
nombreux paramètres, les principaux étant le coût de la construction du logement lui-même, le montant du loyer, la valeur foncière du terrain, la période d’amortissement et le taux d’intérêt. De même, la concurrence limitée, le manque de contrôle de la part des pouvoirs publics, et l’absence de subventions imposant des retours d’intérêts à court terme, sont des facteurs qui peuvent expliquer le prix rédhibitoire de l’offre faite par les promoteurs. Pourtant, l’analyse de divers scénarios basée sur la permutation de paramètres financiers (période d’amortissement, taux des prêts, coût du foncier et des taxes administrative) 6 va dans le sens de cette intuition : « dans le contexte Ouagalais la question constructive est le principal levier pour diminuer le coût global d’un logement ». 4. L’écologie et le confort _ Au-delà des enjeux économiques que soulève la construction à étages, on se dit aussi qu’une proposition alternative sera l’occasion de remettre en question les monopoles en place. Pour un pays tel que le Burkina Faso, sans côtes maritimes, sans réseau fluvial et dont le réseau ferré est peu développé, le coût en énergie grise des matériaux importés est conséquent. D’autant plus que ces importations représentent 45 % des produits manufacturés liés au secteur des BTP. Dans la plupart des cas, la conception des bâtiments utilisant ces matériaux pose question. Les villas et les immeubles dont nous avons fait les portraits plus haut sont toujours des édifices aux fenêtres closes et opaques. Le nombre de climatiseurs sur une façade semble être signe de
PARTIE II
taille imposante qui atteignent le R+2...
prestige. Les coûts d’utilisation participent à faire de cette manière de construire une chose inabordable. De manière générale maintenant, est plus seulement en ce qui concerne les constructions à étages, la tôle, omniprésente, parait tout aussi inadaptée. L’utilisation du ventilateur (quand il y en a un) est une nécessité, mais la demande énergétique estivale finit toujours par provoquer des coupures électriques, qui transforment du même coup l’habitation en fournaise inhabitée 7. La plupart des logements sont ainsi de par leur inconfort de simples rangements. L’utilisation des ressources énergétiques et le confort sont intimement liés ; on se dit que le fait de construire « durable » ne peut qu’aller avec l’amélioration du bienêtre quotidien, et que l’écologie pourrait être un moyen autant qu’une fin. Plus largement, réinvestir le champ de l’architecture « normale », c’est à dire la plus répandue — aujourd’hui délaissée par les architectes burkinabés, en partie pour des raisons financières, mais pas uniquement— peut laisser imaginer des impacts larges sur les équilibres environnementaux à l’échelle planétaire 8. 5. Enjeu social _ Ce que le relevé ne dit pas, c’est qu’aux problèmes de coûts expliquant l’absence des constructions en hauteur, se superpose celui des représentations mentales et du climat culturel ambiant. La villa, modèle de réussite sociale par excellence, est devenue un idéal en matière de logement et marque tous les esprits, en particulier celui des penseurs et des décideurs de l’aménagement Ouagalais. Dans des travaux cherchant à évaluer la vision des acteurs politique
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des immeubles de services ou de bureaux, de 3 ou 4 étages.
et des concepteurs, en marge du discours officiel, on nous apprend ainsi qu’aucun d’entre eux ne loge actuellement en appartement. L’ancien directeur du projet ZACA, confirme cet état d’esprit : « Il faut changer de modèle de logement dans l’esprit des concepteurs. Je pense que ce changement ne s’effectuera pas par le haut mais par les jeunes ménages 9». Ce problème d’évolution des mentalités est d’autant plus important qu’actuellement, l’offre disponible sur le marché de l’immobilier alimente l’idéalisation du logement de type villa. Ouaga 2000, «le quartier des boss », constitue l’apogée d’un parcours résidentiel. Outre cela, il faut noter que les habitudes et pratiques locales ne correspondent pas forcément à un logement décollé du sol. Les Africains de l’Ouest pratiquent en effet un habitat de cour, où les taches ménagères s’effectuent dehors. Les espaces extérieurs y supportent autant, si ce n’est plus, d’usages que les espaces intérieurs, et la cour constitue toujours un espace central tant du point de vue typologique que dans l’organisation de la vie quotidienne. Les formes diverses que peut prendre la cour, et son importance relative en fonction des types d’habitats sont décrites en partie V dans un corpus typologique et anthropologique. Par ailleurs, on remarque aussi de nouvelles stratégies mises en place notamment par les jeunes ménages 10 ; et loin de focaliser notre attention sur la cour comme un espace idéalisé ou empreint d’une vision romantisée purement occidentale, nous tenterons de rester attentifs à l’évolution contemporaine de la famille, et à la diversité des besoins exprimés. _________
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Notes :
1 - Liberté sur le plan de la réglementation urbaine notamment. La rédaction du POS de Ouagadougou devrait être finalisée en 2012. Seul un retrait de 1 mètre en mitoyen et de 3m sur la façade sont mentionnés dans le document pour l’ensemble de la ville ; l’impossibilité de contrôler de manière fine son application justifiant ce choix. 2 - Le BF est classé 181 sur 187 au classement IDH, 2011. 3 - un sac de ciment se vend environ 6000 Fcfa, soit 9 euros, tandis que le salaire moyen du Burkina est de 27 000 Fcfa. 4 - 25 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté et 62 % de la population dispose de faibles revenus (INSD 2006). La difficulté à évaluer le salaire des populations est d’autant plus importante que la plupart des ménages complètent ceux-ci par des revenus émanant du secteur informel, captant à lui seul près de 70 % des travailleurs urbains (INSD-2010). 5 – Oddo Sophie, « Habitat social en hauteur », Entretien avec Mr SoubeigaDG de la DGPHL. On considère solvable une personne dont le salaire est trois fois supérieur au montant du loyer. 6 - Desjardins Développement international, Burkina Faso housing finance market study, march 2008. 7 - À cela, il faut ajouter que l’inconfort thermique subi sous ces toitures ne se résume pas seulement aux moments de chaleur. En fait, le froid est un problème aussi important, que les décideurs ignorent couramment. 8 - Chabard Pierre, Les structures d’un monde meilleur, construire un pont en Haïti, Criticat 05 9 – Mr Alain Bagré, in Oddo Sophie, Le logement social en hauteur, une solution adaptée aux enjeux de densification de la ville de Ouagadougou?, magistère d’urbanisme, 2010. 10 - La vie en appartement peut par exemple être citée comme une alternative pour éviter la pression familiale, puisque la famille ne peut y « débarquer et rester trop longtemps ».
18 III Voûte nubienne De l’importance des techniques créolisées
1. Voûte nubienne _ En parallèle à cette entrée en matière plutôt conventionnelle, il est temps de préciser d’autres raisons, plus intuitives, qui expliquent tout autant le choix d’un tel sujet et mon approche. Dans le village de Boromo, entre Ouagadougou et BoboDioulasso, je découvrais au cours de l’été 2012 la technique de la voûte nubienne, plus particulièrement la version qu’en a développé l’Association Voûte Nubienne (AVN) 1 durant ces dix dernières années. AVN est une structure qui se charge du contrôle de l’auto-formation des maçons locaux et de la vulgarisation auprès des villageois, en d’autres mots elle fonctionne sur un principe entrepreneurial développant en parallèle offre et demande. Le véritable point de départ du projet a donc toujours été une solution technique; de ce zoom hyper précis il a fallu élargir et confronter systématiquement, détail, architecture, ville, territoire... Cette technique ancestrale, issue de la région du haut Nil, permet de construire des habitations intégralement en terre. De manière générale, le terme désigne une voûte en briques de terre crue, bâtie inclinée et sans coffrage. Dans la version qu’en a développée AVN, une toiture-terrasse a entre autres été ajoutée au dessus de la voûte, jouant le rôle de contrefort (voir dessins pages suivantes). Dans toute la région du Sahel, face à la déforestation et la croissance démographique, le bois utilisé pour la construction de charpentes, recouvertes de terre ou de paille, est en voie d’épuisement. Les méthodes traditionnelles ont été remplacées progressivement par des toitures en tôle 2. Ces dernières (pourtant seule alternative accessible au plus grand nombre) ne sont clairement pas adaptées pour des questions tout autant économiques que de confort, comme nous l’avons déjà noté. La voûte nubienne s’étend donc comme technique de substitution. La mission d’AVN est de permettre l’accès à une architecture adaptée pour le plus grand nombre de personnes. Et ses activités sont donc naturellement concentrées pour l’instant en zone rurale (80 % de la population Burkinabé), où la disponibilité de la terre et l’entraide au sein du village rendent la solution ultra-compétitive face à la tôle. Pour ces raisons, hormis quelques villas à Ouagadougou et Bobo Dioulasso, la voûte nubienne reste encore inexploitée en milieu urbain — même si son développement y est clairement un objectif exprimé par AVN. Si un tel milieu réduit certains des atouts originaux (non disponibilité insitu du matériau par exemple, plus grande difficulté à trouver des manoeuvres bon marché), d’autres qualités apparaissent, notamment dans la perspective d’une densification relative, puisque la voûte nubienne permet de réaliser des étages sans ciment jusqu’à R+2.
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20 III La voûte nubienne en 10 étapes. Méthode AVN, en milieu rural.
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1. Remblai des fondations, en pierres sauvages. (les grandes pierres sur leur côté plat à l’extétieur) 2. Remblai de la couche supérieure 3. Largeur des fondations sous murs porteurs : 70cm (la profondeur des fondations dépend de la nature du sol) 4. Première rangée de brique, appareillage alterné à chaque couche. 5. Fabrication du guide servant à dessiner la voûte (fil de fer torsadé) 6. Le cable est fixé de part et d’autre des murs pignons 7. Le cable, perfectionnement apporté par AVN dans sa quête de simplification, permet de repérer l’arc de la voûte sur la longueur de la construction. 8. On démarre la construction dans un angle. 9. La voûte est bâtie inclinée, on avance tranche par tranche. 10. Au sommet de la voûte, on s’écarte du plein ceintre pour avoir des descentes de charges verticales et une voûte plus stable 11. Décalage de 1 doigt, puis 2, puis 3, puis 4 en haut de la voûte.
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15. pour la toiture, on pose une première couche de mortier de terre. 16. Des bandes de bâches plastiques sont déroulées, pour certifier l’étanchéité. (la bâche est pliée et maintenue en place sous l’acrotère) 17. Une deuxième couche de banco de finition est appliqué, et lissé avec de l’eau. (épaisseur min 6cm) 18. Les gouttières sont découpées dans des plaques de métal, insérées sous la bâche, et fixées avec un peu de ciment. 19. Les murs extérieurs et la toiture peuvent être enduit de différents types d’enduits: enduit de terre traditionnels, sable-goudron, etc... 20. Les enduits sont fabriqués sur place, et appliqués à l’éponge.
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12. Contreforts construits par couches successives de briques de banco 13. Il est conseillé d’avoir une pente de toit la plus faible possible. (l’eau s’écoule plus lentement, et la toiture est donc plus résistante à l’érosion) 14. Il est possible de réaliser des grands arcs dans les murs pignons. (à condition d’équilibrer les poussées horizontales par une autre voûte ou un contrefort)
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22 III Voûte nubienne De l’importance des techniques créolisées (suite)
2. Du spectaculaire vers l’ordinaire _ En tant qu’architecte, le regard sur l’utilisation des techniques et des technologies est déterminant. Ce projet, et l’utilisation massive de la voûte nubienne qui y est faite, est aussi une façon d’exprimer une posture claire à ce sujet. Alors que notre culture occidentale a tendance à cultiver l’innovation technique, et à privilégier souvent la valeur de l’invention à celle de l’usage ; nous proposons de déplacer notre attention du spectaculaire vers l’ordinaire et d’employer des techniques dont l’importance est liée non pas à la “reconnaissance” scientifique mais à l’usage global qui en est fait. À partir du moment où l’on réfléchit au-delà d’une architecture extraordinaire, l’emploi de matériaux et techniques high-tech ne peut apparaitre comme solution adaptée, ne serait-ce que d’un point de vue économique. Bernard Rudofsky faisait dès 1964 la critique de l’intérêt exclusif portée à « la noblesse de l’architecture, qui est aussi l’architecture de la noblesse » 3. Alors que les nouvelles technologies sont toujours présentées en solutions face à l’enjeu d’un développement « durable », ce projet est l’occasion de prendre le contre-pied de la culture de l’innovation dans laquelle nous baignons, en s’ appuyant au contraire sur un héritage commun de techniques moins visibles mais tout à fait importantes. L’analogie avec le dessin des ouvrages d’art est des plus explicites : dans ce domaine en effet, « on remarque aujourd’hui que sont toujours privilégiés davantage l’invention morphologique, l’expressionnisme structurel, la prouesse ostentatoire. Pourtant, dans la longue histoire des ponts, ces exceptions ne sont que des arbres qui cachent une forêt de modèles génériques, dont la production en très grand nombre a permis d’affiner la morphologie, de sophistiquer les détails, de rationaliser la mise en œuvre » 4. David Edgerton 5 , historien des sciences, explique que les mondes du Sud abritent ce que l’on pourrait appeler des techniques « créoles ». Des techniques transplantées de leurs lieux d’origine et qui, à l’instar de la voûte nubienne, peuvent trouver ailleurs des utilisations à plus grande échelle. Le projet ne s’appuie pas sur une technique locale et n’a pas pour horizon la remise en valeur d’un savoir-faire traditionnel du Burkina. Il s’agit d’une technique créole. Ainsi, et comme le dit Gilles Perraudin à propos de son architecture de pierre, « l’objectif n’est pas de promouvoir un pastiche d’architecture passée, dite vernaculaire, que d’autres appellent architecture sans architecte, mais de proposer ici une nouvelle architecture vernaculaire d’avant-garde, critique. Pas un retour en arrière, mais une quête pour dépasser la modernité » 6. _________ Outre cela, il est intéressant de noter que ce changement d’orientation va de pair avec un second basculement. Dans la construction à base de produits importés, qu’il s’agisse de béton, de parpaing, ou de tôles, nécessitant des maçons et des tâcherons relativement peu qualifiés, la répartition des coûts est largement déséquilibrée au profit des négociants de matériaux et de l’industrie. La technique nubienne, du fait de l’emploi d’un matériau bon marché et d’un savoirfaire spécifique, est aussi l’occasion de renverser l’équilibre entre coût des matériaux et rémunération du travail.
3. Le choix de la simplicité _ La voûte nubienne a été expérimentée et développée en divers endroits sur le globe, et il existe au sein même de la technique générique, une multitude de méthodes. Hassan Fathy en Égypte est peut être l’un des premiers à l’avoir remise à jour et utiliser dans ces projets. Au Burkina Faso, Development Workshop 7 a développé la technique de la Construction Sans Bois qui privilégie, à l’instar de Fathy, la technique nubienne sous la forme de coupoles, également bâties sans coffrages. Comparés aux voûtes, les dômes permettent un amincissement certain des épaisseurs, et des portées plus importantes (jsuqu’ à 6 mètres de diagonales pour la CSB), le corolaire étant que cette augmentation des portées va de pair avec un besoin en maçons particulièrement qualifiés. De même, on remarque chez Fathy une grande complexité dans la réalisation des dômes (double chaînette dans les angles intérieurs, paliers à l’extérieur) et une grande variation de leurs dimensions. Cette complexité, qui demande une grande maîtrise de la part des maçons, explique peut-être le faible succès local de son entreprise – sujet sur lequel nous reviendrons plus loin. Fathy et Development Workshop, peut-être parce qu’ils ont finalement privilégié l’innovation et la performance, n’ont en tout cas pas réussi à développer le savoir-faire et l’émergence d’une filière de maçon autonome. Encore une fois, le seul moyen d’une stratégie à grande échelle initiée par le bas est de s’inscrire dans une économie existante, au-delà de réalisations d’exception. Le postulat sur lequel AVN appuie sa démarche, me semble en ce sens d’une grande force : “il faut une solution globale intégrant : une technique de construction adaptée, maîtrisée par des artisans de métier capables de diffuser leur savoirfaire, dans une réalité de marchés locaux”. AVN recense 260 maçons formés et 300 apprentis en formation. Dans la perspective d’une diffusion massive des modèles proposés, le choix a été fait de s’inscrire dans la filière en place et donc de se contenter des plus petites portées de la méthode AVN (3,30 mètres maximum). Cette décision est d’importance capitale car à la différence de l’architecture « d’exception », l’architecture « moyenne » ne peut se contenter de produire des objets sans lendemain. Être reproductible en grand nombre, et s’insérer dans des marchés en place sont deux de ses conditions.
« La forme esthétique de l’objet compte moins que sa capacité à articuler simultanément un écheveau inextricable de facteur en un modèle qui soit à la fois réalisable, adaptable et par-dessus tout reproductible » 8.
4. Productivité des maçons, un catalogue pour les citadins-promoteurs _ Dans le contexte ouagalais, l’architecte est largement absent, et le maçon joue donc un rôle prépondérant. L’un des schémas courants est le suivant : le client n’ayant pas de notions approfondies prend simplement une décision de principe. Il se réfère ensuite entièrement aux conseils d’un maçon informel ainsi promu temporairement au rang de concepteur. Ce dernier, qui a suivi une « formation » sur le tas, puise dans son répertoire, recherche une des solutions qu’il connaît suffisamment bien et propose celle-ci au client. Il n’est pas étonnant qu’on rencontre donc dans les villes du Burkina Faso une répétition de modules standards, appelés « modèles ». La productivité d’un maçon qui travaille en parpaing est deux fois plus élevée qu’en adobe 9. Acteur central dans le conseil au client, le maçon a aussi un intérêt personnel à diriger ce dernier vers le recours aux matériaux « définitifs ». On comprend donc l’éternel problème de la construction en terre, et particulièrement de la technique nubienne. Malgré sa forte compétitivité, son développement ne peut donc qu’être entrepris principalement par les clients euxmêmes. C’est pourquoi notre catalogue est avant tout un outil d’information à l’attention des citadins-promoteurs — en particulier la classe moyenne émergente, avec des moyens modestes mais suffisants pour construire et louer. 5. Une place pour l’architecte _ A Ouagadougou, la taille réduite des parcelles (voir analyse ci-après) combinée avec les contraintes propres de la voûte nubienne (dimensionnements, circulations intérieures, épaisseur des murs, poussées horizontales), font du transfert de la technique en milieu urbain un véritable défi. À cela, s’ajoute l’idée que le fait de pouvoir construire des étages à très faible coût, est dans une métropole telle
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que Ouagadougou, un avantage nouveau et un moyen unique pour attirer l’attention des petits promoteurs et des citadins en quête d’espace, de prestige ou de rentabilité. Cet objectif ne fait qu’intensifier le premier défi ; architectural par essence, il s’agit de donner forme aux choses pour convaincre. Des travaux de recherches cantonnées aux cercles intellectuels, le retrait temporaire d’AVN vis-à-vis des contextes urbanisés, la distance économique des projets conçus par les ONG internationales, et la double réticence des concepteurs locaux et des promoteurs privés à l’égard de la construction en terre et en dehors du modèle de la villa, expliquent également la place laissée libre pour un tel travail. ___________________
Notes : 1 - AVN est une initiative de deux maçons Thomas Granier et Séri Youlou, respectivement français et burkinabé. L’association est active au Mali, Niger, Ghana et Sénégal ; elle compte une vingtaine de salariés, 260 maçons actifs, 300 apprentis en formation et 1600 voûtes réalisées depuis 2002. 2 - La tôle, tout comme le bois rouge servant aux charpentes, est un produit importé du Ghana. Une tôle de 1 m² environ et de 22 mm d’épaisseur (la meilleure marché) coûte 3500 Fcfa. 3 – Bernard Rudofsky, in Architecture without architects : a short introduction to non-pedigreed architecture. Academy Editions, London, 1974. 4 - Chabard Pierre, à propos de l’expérience de JC Grossot, Les structures d’un monde meilleur, construire un pont en Haïti, Criticat 05 5 – David Edgerton, in Quoi de neuf ? Du rôle des techniques dans l’histoire globale. Seuil, Paris, 2006. Un livre qui revisite l’histoire globale de la technologie moderne à travers le rôle des techniques et l’analyse des usages collectifs, et où le pousse-pousse japonais joue un rôle aussi important que la bombe nucléaire. 6 – Gilles Perraudin, Monographie, éditions du réel, Dijon, 2012. p32. 7 - Development Workshop a été fondé au début des années 80 par trois architectes diplômés de la AA school de Londres. Ils ont travaillé quelque temps aux côtés d’Hassan Fathy. 8 - Chabard Pierre, ibid. 9 - Le gain de productivité est fonction des éléments suivants : économie de matériau et de transport car un mètre carré de mur nécessite seulement 160 kg de parpaing et 18 litres de mortier contre 270 kg de briques adobe et 40 litres de mortier de terre. Economie de main-d’oeuvre dans la préparation du mortier de terre, et économie d’efforts physiques (malaxage de la terre, poids supérieur des briques de banco). Photos: Constructions en banco et tôle Voute nubienne dans un village Voûte nubienne au Mali, extérieur en grès. Intérieurs de voûtes nubiennes, en milieu rural. Voûte en construction.
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24 III Observations parcellaires Ce projet — qui est de l’ordre d’une stratégie opératoire et d’une action initiée par le bas — s’adressera aux propriétaires désirant faire construire. Les choses se jouent donc à l’échelle parcellaire, plus petit maillon de la chaîne, ce qui fait de la connaissance du tissu urbain de Ouagadougou une nécessité. Cette analyse est en lien avec le mode de production actuel de la ville et le processus de lotissement évoqués en partie I, et qui consiste en général à appliquer une trame uniforme sur un quartier entier.
Les échantillons sont repérés sur la page 6. Ø = 1 km
En procédant par échantillonnage, dans des quartiers lotis à diverses périodes, on distingue les évolutions et les nuances des différentes politiques urbaines de 1950 à nos jours. Cet échantillonnage permet de constater qu’au fils des ans, la taille moyenne des parcelles diminue progressivement, de 25x25 mètres dans les quartiers centraux lotis en 1950, elles passent à 12x20 en 2010 pour une grande partie de la périphérie, à l’exception bien sûr de Ouaga 2000 (que j’ai placé dans cette série à simple titre comparatif).
Ce contexte fait de Ouagadougou une situation unique où la variété des parcelles est très réduite, et cette caractéristique devient un véritable atout, dès lors qu’on vise à une architecture qui puisse être répétée facilement et en grand nombre. _________
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Niongsin, Dapoya période coloniale
- 1950 -
1950
Niongsin, Dapoya période coloniale
25 x 25
20 x 20
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SIAO
- 1983 1983 -
- 1987 1987-
quartier restructuré
-
Cissin, Paag la yiri quartier restructuré
Ciao _
14 x 22
12 x 28 16 x 20 16 x 22 16 x 20
15 x 24
1 kilomètre
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Pissy
Ouaga 2000
- 1987 / 1991 1987/1991
- 2000 2000 -
-
-
Ouaga 2000 _
18 x 25
30 x 40 20 x 30 16 x 25
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Sud Ouest de Ouaga 2000 lotissment en cours
- 2010 -
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2010
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_
12 x 20
30 IV Tradition versus modernité De l’entretien et de l’esthétique.
1. Héritage et enseignements _ L’utilisation de la voûte nubienne et plus largement la nécessité d’en exprimer la modernité, font que notre projet entretient une relation directe avec deux architectes, dont les expériences constituent un héritage unique. À partir des années 40, ils ont tenté chacun à leur manière, de redévelopper et de mettre en avant des techniques traditionnelles, se distinguant ainsi largement de leurs contemporains. Hassan Fathy, en Égypte, le premier à ressusciter les techniques millénaires des maçons nubiens ; et qui toute sa vie explorera les possibilités architecturales et sociales offertes par la technique de la voûte nubienne. André Ravéreau, au Maroc, qui conçoit dans le M’zab des projets à caractère fortement local. Dans les deux cas, une attention particulière au geste productif artisanal est à la source de l’architecture, et en ce sens ce diplôme leur doit beaucoup. Bien qu’informés des théories du Mouvement moderne, ils ont cherché sans cesse à s’ancrer dans les traditions autochtones pour mieux les dépasser ; à adapter les techniques ancestrales aux contraintes modernes et aux besoins nouveaux de la vie contemporaine. Deux projets importants réalisés l’un par Ravéreau en 1976, l’autre par Fathy en 1945, nous permettent de mieux comprendre les rapports que peuvent entretenir la tradition et la modernité. - Ravéreau & Siddi Abbas : Alors que traditionnellement dans la région du ksar, au sudest du maroc, les rues ressemblent à des couloirs ponctués de temps à autre par un trou, pour laisser passer la lumière, les dispositions modernistes de l’époque remplacent cela par des rues de huit mètres de large où les façades ne sont plus protégées du soleil. Lorsqu’il réalise son projet inspiré de la tradition (photo ci-contre), bien que très pratique, les habitats lui demanderont pourquoi eux n’auraient pas le droit à la modernité. Il s’agit pour la population de changer la condition ancienne, grevée de difficultés de circulation et d’assainissement. Il est très difficile, raconte Ravéreau, d’expliquer que l’on peut réussir à conserver les avantages d’une disposition traditionnelle, tout en y apportant les commodités auquel chacun aspire aujourd’hui. - Fathy & New Gourna : Pour l’extension du village de Gourna, Fathy décide de concevoir le projet entièrement en voute nubienne (habitations, marché, mosquée et école). Après avoir visité des villages, observé longuement la misère de la majorité d’entre eux, l’échec des nouveaux matériaux ; Fathy fait le choix de recourir à la terre car il est convaincu qu’il n’y a pas d’autre issue économiquement parlant. Le projet devait être un prototype du renouveau architectural rural dans le Sahara, et un exemple pour le reste de la campagne égyptienne, mais en fin de compte les tracasseries administratives, d’une part, et les réticences des gournis à venir s’y installer, d’autre part, ont finalement eu raison du projet qui demeura inachevé.
2. Paradoxe _ Bien que ces deux œuvres aient eu de larges retombées, notamment sur un plan culturel élargi et en terme d’impacts sur toute une génération d’architectes méditerranéens, il faut noter qu’elles n’ont eu que très peu de retombées locales et directes. Le paradoxe constant de la vie de ces deux hommes, qui souhaitaient construire pour le
Précisions : Tous ces projets sont financés (et décidés) par des instances externes. Le lien économique entre l’habitant et le projet y est généralement inexistant. Pour ces raisons, et puisque l’on rejette toujours volontiers quelque chose qu’on n’a pas choisi, deux choses sont à distinguer : les préoccupations d’usage et le problème de l’entretien d’une part (qui est important dans l’architecture en terre), et les questions de perception et d’image d’autre part.
3. L’entretien et l’ornement Traditionnellement, les bâtiments en briques de terre crue, sont protégés par un enduit de terre 2. Ces enduits, dont la recette diffère d’une région à une autre, sont relativement fragiles, et doivent être repris chaque année. Cet entretien correspond à une organisation saisonnière de la vie, agriculture pendant la saison des pluies, et construction pendant la saison sèche, où la société traditionnelle répond de façon cyclique à deux besoins fondamentaux de l’être humain : se nourrir et se loger. Cet entretien indispensable, et la fragilité générale des constructions en terre face à la violence des pluies, sont les raisons qui expliquent que la terre soit considérée aujourd’hui comme un matériau précaire et dont l’utilisation renvoi au monde rural ou à la pauvreté.
peuple, est qu’ils ne furent fondamentalement appréciés à leur juste valeur que par une élite cultivée 1. Tant en Égypte qu’au Maghreb, la leçon de la tradition se heurte à bien des réticences. Leur message survient-il trop tôt pour recevoir la large audience qu’ils auraient pu espérer ? Les deux architectes qui cherchaient à nourrir leur modernité de tradition, resteront incompris. Et ils bâtiront finalement peu : Hassan Fathy réalisera une trentaine de projets en voûte nubienne en cinquante ans d’activité, Ravéreau moins d’une dizaine ; en générale des équipements ou de grandes maisons pour des commanditaires fortunés. Dans la construction en terre, manquer sa cible est une erreur courante. Aujourd’hui au Burkina Faso, les matériaux locaux (ou matériaux appropriés) sont le plus souvent utilisés par des acteurs bien spécifiques, issus des milieux humanitaires ou du développement, dont la position commune paraît fragile. On observe de la part de ces organismes, et même de certaines instances locales, une volonté d’ancrer fortement les projets dans la culture locale (éléments architecturaux, et matériaux), mais en fin de compte ces projets sont pratiqués en grande partie ou essentiellement par des voyageurs, touristes et expatriés (à l’instar du SIAO ou du Musée de la musique par exemple). Leurs réalisations sont souvent des projets exceptionnels, financés par des bailleurs de fonds étrangers, et même lorsqu’il s’agit de petits équipements ou d’habitations, les matériaux employés (Brique de Terre Comprimée, Tuile de Mortier Vibré pour n’en citer que deux) sont tout à fait inabordables pour le citoyen-constructeur lambda. Les projets qui se veulent initiateurs restent stériles.
En construisant en voûte nubienne, bien que les murs soit d’une épaisseur importante (60cm pour les murs porteurs, 40cm pour les murs pignons) et donc plus résistants, la pérennité de la façade est un élément clé quant à la quête de modernité, et doit être compatible avec les attentes urbaines contemporaines. Des techniques existent pour répondre à ces préoccupations d’usage, elles sont présentées dans le troisième cahier. Cela étant, on voit à travers l’expérience de Ravéreau qu’il ne suffit pas de satisfaire les aspects pratiques pour faire preuve de modernité. Il faut également satisfaire ou dépasser une « image », qui semble correspondre à la modernité. Ravéreau, en réaction à son époque et à l’architecture des beaux arts, a fait une critique sans concession de la volonté de « faire beau ». Il y a d’après lui une logique sans faille dans tous les gestes traditionnels, qui finirait par produire une sorte d’esthétique. Pourtant, contrairement à l’idée que « plaire n’a jamais pu être le but de l’architecture, ni la décoration architectonique son objet » (et pour rester dans le thème des enduits mentionnés plus haut en réponse pratique à la question de l’entretien) on peut observer dans l’architecture populaire de nombreux cas où l’enduit est utilisé comme ornement. Dans certaines ethnies du Burkina Faso, ce procédé fait partie d’une longue tradition, notamment chez les Gurunsi où ce savoir est maitrisé exclusivement par les femmes. A Ouagadougou, on remarque couramment des jeux d’enduits et de décorations sur les façades, généralement localisés au niveau de l’acrotère des bâtiments, ainsi que des arcades en béton de style soudanien ; et qui, contrairement au symbolisme des peintures murales gurunsi, ne véhiculent aucun message et sont simplement appréciés pour leur valeur esthétique.
PARTIE IV
4. Modernité et voûte nubienne _ On voit que les rapports tradition-modernité sont soumis à des paramètres qu’il est difficile de mesurer, néanmoins, toute une panoplie d’éléments laisse imaginer que l’on pourra convaincre du dépassement de la modernité apparente du parpaing et de la tôle. Au delà du confort thermique et acoustique, et de l’usage possible du toit-terrasse, qui surpassent sans communes mesures les toitures de tôles, l’originalité des spatialités et les escaliers intérieurs vont avec l’idée que les gens se font d’une maison moderne. Mais dans un premier temps, qui correspond au gros-oeuvre, c’est surtout le fait de pouvoir construire en hauteur qui peut être un gage de prestige, et participer à moderniser l’image de la voûte en terre. On trouve ensuite une seconde strate de travail superposée à la première : enduits, matériaux de revêtement, finitions intérieures. Ce travail-là, secondaire d’un point de vue constructif, apparaît finalement aussi important que le reste (si ce n’est plus) dans cette quête de modernité. Avec la construction en voûte nubienne le coût du gros œuvre est diminué d’environ 50 % par rapport au parpaing et à la tôle. Les libertés en terme de finitions et de revêtement sont donc considérablement élargies, et c’est d’après moi cette qualité du second-oeuvre qui peut pleinement convaincre (voir photos ci-contre). Pour la protection extérieure des murs, plusieurs axes sont à considérer, tels que les enduits améliorés (enduit terregoudron, technique d’adhérence terre-ciment : enduit ciment sur « Brique Sauce Cailloux ©), et les murs mixtes avec des matériaux résistants à l’eau à l’extérieur (brique de latérite, pierre taillée de grès). En fin de compte, raisons pratiques et questions d’image s’entremêlent en partie, ce qui donne au sujet sa grande complexité. L’évolution des mentalités est une chose que l’on ne contrôle pas. Il y a toujours une part d’inconnu, et c’est pourquoi ce catalogue, au-delà de son ambition, reste avant tout une proposition, que seul le réel pourra définitivement juger. ___________________
Notes : 1 - Zulficar Saïd, « préface » in Steele, James. 2 - Les enduits traditionnels sont des mélanges terre-substance végétale. En fonction des régions et des ethnies on trouve des racines de Vounou, des feuilles de Fouga, des huiles de Néré et de Kartité. Voir rapport -AVN, Le signor Pierre, Les revêtements en terre au BF, 2011. Photos: Siddi Abbas, André Ravéreau, 1976. New Gourna, Hassan Fathy, 1945. à Tiebele, sud du Burkina. Cuisine moderne dans une voûte nubienne à Ouagadougou Maison des énergies alternatives de Thiangol, Mali.
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32 V Récit de la ville vécue
Un corpus typologique et anthropologique
1. _ Beaucoup de recherches et d’études existent sur la ville, la majorité pourtant reste éloignée des réalités quotidiennes, et ne permet pas de répondre à une question importante : qu’est-ce qu’habiter à Ouagadougou ? Dans la lignée des deux premières explorations réalisées, voici une série de relevés, décrivant des familles et leur habitat. Présentées sous le format d’axonométries (reconstituées à partir de relevés métrés) accompagnées de photos, ces observations se veulent être des compte-rendus où chaque élément du dessin raconte une partie des pratiques quotidiennes. Pour chaque cas, la représentation est complétée d’un récit — dont le lecteur pressé peut se dispenser — visant à élargir le champ de l’image en incrustant une multitude de détails plus ou moins importants, mais qui participent tous à l’identité de la famille, à son histoire et à ses préoccupations. Puisque les observations découlent de véritables situations, il ne s’agissait pas de représenter a priori de véritables types avec la part d’abstraction que cela impliquerait. Le métier d’un des membres de la famille, la religion, le nombre de femmes du mari sont autant d’éléments qui influent largement sur la manière d’habiter et distance aussi l’habitat de catégories trop figées. Pourtant, en fin de compte la distinction en 3 types d’habitats est évidente : concessions familiales, célibatoriums en bande, et locatif de moyen standing. L’étude ne considère pas les logements de haut standing (villas et appartements) qui correspondent à une faible part de la population, et qui ne nous intéressent donc pas. Ces relevés précisément documentés donnent donc un aperçu des modes de vie et du contexte de la construction, laissant aussi imaginer la constitution globale de la ville. Le corpus anthropologique et typologique ainsi constitué est une étape clé, puisqu’il permet en définitive de mettre un sens derrière les types nommés précédemment, et d’établir les bases à partir desquelles le catalogue sera développé.
PARTIE V
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225 m² 6 habitants 8 pièces (dont laverie) 29m² de parcelle /pièce
PARTIE V
CHEZ GHISLAIN (concession familiale) _ Ghislain habite au sud ouest de l’aéroport dans le quartier de Paag-la-yiri, littéralement femme-meilleur-maison, et qui peut être traduit par « le foyer est la meilleure place de la femme ». Dans le quartier, une mutation récente vers le profil de commerçant explique les quelques villas cossues fringuées de Mercedes brillantes et fraîchement lavées. Le grand-père de Ghislain a été directeur de la gare ferroviaire de Ouagadougou, et il a dans ce cadre effectué plusieurs voyages en France dont témoignent encore plusieurs objets, en particulier la tapisserie française à l’effigie d’un cerf sur l’un des murs de sa chambre. Ghislain habite dans la concession familiale avec sa mère, sa sœur, son frère, sa belle-sœur et sa nièce.
La maison patriarcale, où habitent aujourd’hui la mère et l’une des filles, a été construite par le propriétaire. On y trouve un salon, trois chambres dont une servant de cagibi, une partie de la cuisine abritant les ustensiles et des plaques fonctionnant au gaz ; le reste de la cuisine se développant sous un abri extérieur. Un retrait d’environ un mètre a été respecté sur certains des murs mitoyens. Dans cet espace résiduel, sur lequel s’ouvrent les fenêtres des chambres, et dont on ne sait que faire, se trouve comme souvent le fil à linge. Le fils aîné dispose d’un « chambre-salon » d’une surface de 18m². Ghislain quant à lui — animateur, comédien, réparateur informatique, et célibataire — habite un simple « entrée-couché » de 10m², soit une pièce dont le nom explicite en dit suffisamment sur l’usage qui en est fait. En général, les « entrée-couché » sont divisés en deux par un rideau qui sépare le matelas du reste de la pièce. Toutes
les constructions de la concession sont réalisées en briques de parpaing, enduite à l’extérieur et peinte à l’intérieur. À gauche du portail, un local ouvert sur la rue (et sur la cour) a été construit, il est loué à une personne tierce. Cette pratique, loin d’être limitée aux seuls axes passants, est courante même dans la profondeur des tissus, et permet aux propriétaires qui en ont les moyens d’investir pour une rente mensuelle. En l’occurrence il s’agit d’une blanchisserielaverie de 7,2 m² dont le loyer s’élève à 7500 francs CFA. La cour n’a pas d’accès à l’eau courante, ce dernier se fait par le passage quotidien d’un « livreur » et le remplissage de bidons. Au centre de la cour, un jeune manguier qui peine à grandir, profite un peu de ceux qui s’y lavent les mains. Les évolutions de la maison suivent un processus qui avance au grès des opportunités financières. Ainsi s’expliquent les parpaings stockés dans l’attente de regrouper tous les matériaux nécessaires à la reconstruction des toilettes et des douches actuellement en banco, et supportant mal la saison des pluies en cours.
1. Maison familiale 1997 2. Entrée-couché de Ghislain 10m² 3. Chambre-salon du frère 17m² 4. Blanchisserie/ Laverie 7,2m²
1. Vue de la cour depuis l’entrée. 2. Le salon de la maison patriarcale. 3. La chambre de la mère. 4. un mètre entre maison murs mitoyens 5. Tapisserie française léguée par le grand-père. 6. Chambre-salon du fils aîné. 7. Entrée couché de Ghislain, Cuisine intérieure 8. La blanchisserie-laverie en location. 9. Toilettes et douches avant leur reconstruction.
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CHEZ ARMEL (concession familiale) _ Armel vit au nord du quartier Somgandé près de la forêt de Bangr-Wéogo, soit tout à fait au nord de la ville lotie. La rue est donc une frontière, quasiment invisible, entre habitats loti et non-loti. Le père d’Armel travaille à la brasserie « Brakina » située dans la zone industrielle de Kossodo, c’est-à-dire à une centaine de mètre de la maison, juste après le non-loti. Son emploi lui permet d’acheter des boissons à un prix avantageux, et dans l’angle de la parcelle la famille a donc construit un kiosque avec un comptoir ouvert sur le carrefour pour vendre la Brakina et les « sucreries » (soda), et arrondir les fins de mois. La mère est vendeuse de bois de chauffage, ce qui explique la présence d’une petite montagne de bois qui occupe une grande partie de la cour. En plus des parents d’Armel, vivent également sur la parcelle de 247m² un petit frère qui dort dans la maison principale, l’une de ses sœurs aînées qui habite comme lui dans une construction annexe, et un cousin avec qui il partage sa chambre. La maison patriarcale et la bande de chambres sont prolongées en extérieur par une pergola en béton et un auvent en tôles plates.
1. Devant la maison. 2. La cour. 3. Pergola de la maison principale. 4. Ciuisine 5. Vue depuis le kiosque. 6. Le kiosque dans l’angle. 7. Entrée & chambre 8. Chambre séparée en deux par un rideau. 9. Le salon.
1. Maison principale 50m² 2. Entrée-couché (fils) 9m² 3. Entrée-couché (fille) 9m² 4. Cagibi 5. Kiosque “informel” 6. Toilettes 7. Cuisine ext
PARTIE V
247 m² 7 habitants 7 pièces (dont bar) 35m² de parcelle /pièce
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267 m² 13 + 5 habitants 11 pièces 24m² de parcelle /pièce
PARTIE V
CHEZ LES togolais (célibatoriums en bande) _ Le cas présenté est une variante déformée d’un « habitat de cour » — habitat collectif au sein d’une même parcelle généralement en locatif — sur la parcelle de 267 m² se trouvait une construction de moyen standing, à laquelle ont été ajoutés par la suite 5 célibatoriums. Ces derniers sont tous loués à des familles de nationalités togolaises. La maison quant à elle, est louée à une association voisine et ses volontaires étrangers de passages. La cohabitation de ces types d’habitants est intéressante pour comprendre la différence de leurs niveaux de confort. Par exemple, seule la maison de moyen standing a un accès à l’eau courante. Ce dernier est situé à l’extérieur, le robinet est cadenassé pour éviter que toute la cour n’en fasse usage. De même, trois des célibatoriums n’ayant accès à l’électricité utilisent une prise extérieure de la maison pour recharger quotidiennement leurs téléphones portables. Tous les célibatoriums sont des simples entrée-couché. Alors que l’on compte 6 habitants pour 5 chambres et un salon dans la maison (78m²), on atteint 15 habitants pour les 5 célibatoriums (qui font de 9 à 14m²). Les Togolais partagent des sanitaires extérieurs tandis que dans la maison se trouvent une douche et des toilettes avec une fosse indépendante, au pied du manguier. Le plus grand célibatorium possède un espace extérieur avec des bancs, couvert de tôle et abrité du soleil et du vent par des rideaux en toile de jute. La femme y prépare chaque matin de la viande bouillie ou du tô. Et chaque midi, l’espace se transforme en une sorte de cantine où viennent manger pour l’essentiel des habitués togolais du quartier.
1. Entrée-couché (couple et trois enfants) 11,5m² 2. Entrée-couché (couple) 9m² 3. Entrée-couché (père et deux enfants) 9m² 4. Entrée-couché (père sa fille) 9m² 5. Entrée-couché (couple et un enfant) 14,5m² 6. « cantine » informel 7. Maison de moyen standing 78m² 8. Point d’eau
1. Vue de la cour depuis l’entrée. 2. Vue de la cour depuis la terrasse de la maison 1. 3. Au pied du manguier. 4. Salon, sanitaires extérieurs 5. Toiles de jute protégeant la cantine. 6. Vue de la cour depuis la terrasse de la maison 2. 7. Chez Wilfried 8. Vue depuis la rue. 9. Femme faisant la cuisine dans la cour.
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40 ZACA Nééré
(célibatoriums en bande)
13 pièces
300 m² x habitants 22m² de parcelle /pièce
3 WC, 3 douches
PARTIE V chez christian
(célibatoriums en bande) 294 m² x habitants 15 pièces (+1) 20m² de parcelle /pièce 2 WC, 2 douches
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CHEZ ISSA (locatif de moyen standing) _ Issa vit à proximité du SIAO, de l’autre côté de la circulaire, dans un quartier résidentiel récent, bien différent des quartiers plus populaires tels que Cissin ou Somgandé des cas précédents. L’habitat y est majoritairement de type dit moyen standing. Dans ces quartiers nouvellement lotis, la taille des parcelles a été réduite en principe pour augmenter la densité — des 250 à 300 m² habituels on passe à des parcelles sous-divisées ne dépassant pas 130m². Avec la réduction de la taille des parcelles, la typologie de concession basée sur une évolution progressive et généalogique n’est plus possible, et laisse place à d’autres modèles. Jusqu’à présent on opposait la cour fermée de l’ouest africain à sa réplique inversée, la parcelle pavillonnaire de l’Afrique bantoue. Désormais, on trouve à Ouagadougou la version chimérique et monstrueuse de ces deux modèles : la parcelle pavillonnaire à cour fermée, que l’on retrouve un peu partout dans la couronne périphérique et à Ouaga 2000. Issa vit en collocation avec deux autres personnes. Les 3 chambres font de 9 à 11m². On trouve WC et douche dans une salle de bain intérieure. La cuisine se fait également à l’intérieur, ce qui montre une certaine évolution des pratiques de la part des jeunes. La « cour » est de taille réduite, ce qui n’empêche pas d’y consacrer la moitié pour le stationnement d’une voiture. Au sud Ouest, là où le vent peut faire rentrer la pluie à l’intérieur, les fenêtres sont protégées par des casquettes métalliques.
1 La cour. 2 Devant la maison. 3 Pergola de la maison principale. 4 Toilettes et couloir 5 Abri voiture. 6 Abri voiture. 7 Entrée 8 Salon. 9 Vue depuis une chambre.
1 Maison principale 50m² 2 Cuisine intérieure 3 Abri voiture
PARTIE V
130
x2
x2
130 m² 3 à 5 habitants 4 pièces 28m² de parcelle /pièce 1 WC, 1 douches
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44 V Conclusion Les règles du jeu
1. Quelques précisions _ Dans la perspective d’un ancrage optimal au sein de la réalité ouagalaise, les propositions faites dans le catalogue s’appuient sur les types déjà en place. Le projet, qui a été une constante exploration — autant sous la forme de discussions avec les acteurs concernés que sous la forme de dessins — aboutit au fait que parmi les 3 types décrits dans le corpus, c’est probablement les deux modèles locatifs qui correspondent le mieux à la « stratégie nubienne », et encore plus particulièrement le locatif de moyen standing. Le corpus, bien qu’il accorde une part importante à la concession familiale, a surtout permis d’établir une compréhension générale de l’habitat et une proximité avec les modes de vie existants. J’insisterais sur le fait que le projet n’a pas pour objet une transformation radicale des modes de vie. Au contraire, il s’agit de faire en sorte que la modification qu’entraînent la construction en étage et la quête de densité, se fasse au profit d’une mise en valeur des activités et des manières de vivre relevées. Je précise également que les modèles sont conçus pour des parcelles vides. Parcelles qui, au vu de la spéculation généralisée, sont très nombreuses et disséminées partout dans la capitale. La « densification » qui est notre objectif global, est donc celle de la ville en général, et non uniquement du centre-ville, ou de parcelles déjà habitées. La taille des parcelles influant fortement sur les possibilités architecturales — 4 mètres de plus dans la largeur ou la longueur, et c’est une voûte de plus qui peut être placée – l’objectif du catalogue est de proposer pour chaque type, différents modèles, pour des tailles de parcelles notoirement différentes.
2. Densité, méthode de calcul _ Pour définir des objectifs de densification et pouvoir mettre en perspective les changements par rapport aux constructions existantes, il a fallu inventer une méthode de calcul et de comparaison appropriée. À Ouagadougou, la surface des habitations est en moyenne très réduite 1, pourtant, trop augmenter ces surfaces ne ferait qu’augmenter les loyers, et réduire du même coup la part des familles pouvant prétendre à l’accession au logement, sans assurer non plus une augmentation du nombre d’habitants. Le COS 2 , qui prendrait seulement en compte la surface habitable ne paraît donc pas un moyen de comparaison efficace des densités. Finalement, la méthode employée utilise la pièce (chambre ou salon) 3 comme unité de base pour les calculs. Pour chaque type, on a ainsi calculé la surface moyenne de parcelle qu’occupe une pièce : 25m² pour les célibatoriums en bandes, 45m² pour le locatif de moyen standing. Ces chiffres ont été définis à partir du corpus, de l’adaptation des chiffres relevés à la nouvelle réglementation du POS 4, et à partir d’un catalogue réalisé par ICI dans le cadre de la promotion de l’autoconstruction.
En terme de projet, pour une surface de parcelle donnée, on peut déterminer le nombre de pièces qui auraient pu être construites avec les techniques conventionnelles, et mesurer ainsi le succès de notre entreprise. L’objectif est de doubler les densités actuelles, tout en cherchant en parallèle à augmenter un peu les dimensions des pièces, et très largement leur confort. Exemple ; parcelle de 12x20m=240m² nombre de pièces construites aujourd’hui avec toiture en tôle : 240/44=5,5 pièces Densité x2, objectif final de 11 pièces environ (chambres et salons).
3. Règles du jeu _ La série d’observations et de relevés, a permis d’établir pour chaque type les constantes que les modèles du catalogue devront reprendre ou améliorer. Ces constantes sont devenues pour moi des « règles du jeu », et forment la base programmatique du projet. Ces règles peuvent être la disposition de la cuisine, l’organisation de la cour, la taille des chambres, le stationnement d’une voiture sur la parcelle, les dispositifs de prolongements extérieurs du logement, etc. Célibatoriums en bande : Derrière la forme similaire de la concession et de l’habitat de cour se retrouvent en fait deux types d’habitats bien distincts : les concessions qui sont la forme d’habitat familial considérée comme classique dans le contexte africain, et l’habitat de cour, c’est-à-dire un habitat collectif au sein d’une même parcelle, en locatif. Dans le cas de l’habitat de cour, sa forme est relativement constante, une addition de petits studios appelés « célibatoriums » construits en bande sur des parcelles en longueur (entre 250 et 300 m²), et ouvrants sur une cour commune étroite. Ces célibatoriums (qui font entre 10 et 25 m²) sont au nombre de 5 à 7 par cour le plus souvent, en rez-de-chaussée, et sont loués à de jeunes ménages ou des célibataires, d’où leur nom. On distingue les deux pièces dits chambre-salon, et les une-pièce dits entrée-couché. Du fait de leurs tailles limitées, la cuisine se pratique à l’extérieur, sur le palier. Dans tous les types présentés, mais particulièrement dans celui-ci, se pose la question de ce qui est extérieur au logement. Pergolas, abris, auvents pour les cuisines, porches d’entrées, espaces ombrés sous les arbres constituent une forme de prolongement « bonus » de l’habitat. Prolongement qu’il nous faudra explorer au maximum. — sanitaires communs — un espace extérieur, couvert où non, est en relation directe avec chaque pièce à vivre, pour y cuisiner. (valable également pour les logements des étages) — la cour est centrale et partagée par tous les habitants. — les logements sont de 1 à 3 pièces, avec une large majorité de deux-pièces. — faute d’espace couvert commun, la cour doit être généreusement ombrée. — chambres 10m² ou plus ; salon 10m² ou plus.
Locatif de moyen standing : Il s’agit d’un locatif de standing plus élevé, on trouve 3 à 4 chambres par logement, des salons plus spacieux, sanitaires et cuisines à l’intérieur. Les exemples de sous-divisions de parcelles sont nombreux (une parcelle de 15x20 mètre peut ainsi être divisée en deux parcelles de 7,5x20 mètres) et il est aussi courant que le propriétaire habite une partie de sa parcelle et destine seulement l’autre moitié à la location. Le plus souvent ce procédé aboutit à une construction centrale divisée en deux parties miroirs, ce qui permet d’éviter le retrait d’un mètre sur cette limite mitoyenne. La taille des parcelles réduisant, on remarque enfin que la cour rétrécit au point de presque disparaitre. Le projet a donc aussi pour horizon une remise au centre de la cour comme espace pratique et symbolique. — cuisine et sanitaires intérieurs — espace pour le stationnement nocturne d’un véhicule à l’intérieur de la parcelle — le projet s’affranchit de « la cour » pour plusieurs petites cours, une par logement. — la cour comprend une terrasse abritée de la pluie et du soleil. — surface minimale de la cour 20m². — 3 ou 4 chambres par logements. — chambres 10m² ou plus ; salon 15m² ou plus.
___________________
Notes : 1 – Le parc actuel de logement est déficitaire, mais également en grande partie en deçà des conditions minimales d’habitabilité. Les taux d’occupation des pièces sont donc élevés (2 à 4 personnes par pièce) en particulier dans ces habitations à usages locatifs. In La mondialisation des formes urbaines à Ouagadougou, troisième partie (2005), p25. 2 – COS : coefficient d’occupation du sol, rapport surface habitable / surface de la parcelle. 3 – Les cuisines et les sanitaires, qui sont souvent des éléments extérieurs, ou qui à l’intérieur du logement ont des dimensions très variables, ne sont pas inclus, et devront être ajoutés plus tard, indépendamment du calcul. 4 – Un retrait d’un mètre en mitoyenneté est désormais obligatoire. 5 – Cette approche est lagement inspirée de l’ « Etude pour un dispositif d’assistance à l’autoconstruction des logements au Burkina Faso » réalisée par les agences ICI et Perspective, en mars 2011.
PARTIE V
Conclusion _ Ce diplôme a pour objet la densification de l’habitat. Densification qui est une partie de la réponse à l’étalement constant et inéquipé des périphéries, et à la demande croissante de logements. Ouagadougou étant pour l’essentiel une ville bâtie seulement en rez-de-chaussée, il s’agit de proposer des modèles d’habitat avec étages, adaptés aux modes de vie locaux, et qui contournent le décalage économique existant entre le niveau de vie et le prix démesuré des matériaux importés. Face au désintérêt de l’État vis-à-vis de l’habitat, et étant donné l’impuissance certaine de mesures prises au sommet, l’idée est de proposer une réponse par le bas, une architecture à dimension opératoire, un catalogue de modèles alternatifs. Ces modèles sont basés sur l’emploi de la « technique nubienne » parce qu’elle permet la réalisation de toitures et planchers en terre, et qu’elle se révèle donc être un substitut compétitif unique pour les constructions en hauteur. La construction en terre étant moins rentable que la construction conventionnelle (en parpaing et tôle) pour les maçons, le projet d’adresse avant tout aux habitants, dans le but de stimuler leur demande. Le projet se base enfin sur l’idée que le principal moteur de la densité (via la construction en terre) sera la quête de rentabilité, notamment de la part d’une classe moyenne émergente ayant les moyens de faire construire pour la location. Le rôle de l’architecte étant donc de montrer que “construire plus”, peut aller de pair avec une amélioration sans conteste du confort global de l’habitat.
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“Les villes du Sahel sont presque des villes du désert, et leur architecture est une réponse à l’intensité de la lumière qui aplatit tout. Il y a une forme d’invisibilité qui se passe ici, à cause de la lumière, et cet aplatissement est quelque chose face auquel l’architecture locale commence à travailler. Ceci explique certains monuments dramatiques que l’on peut trouver à Ouagadougou. Il y a aussi l’usage d’un certain type de volumes pour donner géométrie et forme à la lumière, manipuler la lumière et agir comme antidote à la luminosité du ciel. Ceci explique la vigueur des formes employées : cylindres et cubes. Ils représentent un désir absolu de voir la géométrie exprimer à la lumière. Ce n’est pas une architecture qui fait avec le réfléchissement de la lumière, comme on l’a trouve en méditerranée, mais plutôt qui utilise la lumière pour révéler des formes dans un environnement qui les rends normalements en un plan indistinct. Ces formes audacieuses, avec leurs fortes silhouettes, permettent de voir les choses dans des conditions qui sont autrement très difficiles. C’est l’idée fascinante de l’architecture du Sahel. Il n’y a pas trace des différentes couches conventionnelles dans le détail de l’architecture ; la progression méthodique des échelles qu’on attend normalement à l’approche d’un édifice n’existe pas. Elle opère purement en tant que monument dans le paysage.” David Adjaye. A photographic survey of metropolitan architecture.
Photos: Ramses Wissa Wassef, habitat en voûte nubienne, égypte, 1950. Ramses Wissa Wassef. // Gouache de l’architecte Hassan Fathy.
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______ www.nouveauxconstructeurs.com