"L"architecte émancipé" Note pédagogique n°2

Page 1

Daniel Estevez, note n°2, profil n° 5 TPCAU, concours externe des professeurs des ENSA

note pédagogique n°2, profil n°5 « L’architecte émancipé. » Expériences d’enseignement en école d’architecture. Daniel Estevez, note pédagogique n°2, profil n°5, TPCAU, ENSA Toulouse, 2015

__________________ "Comprendre, c'est modifier ses représentations. [...] apprendre, c'est transformer ses conceptions, faire avec pour aller contre" A. Giordan A et G. De Vecchi Les origines du savoir

__________________

"Ne rien dire que nous n'ayons fait !", c'est par cette formule autrefois énoncée par le pédagogue Fernand Oury que pourrait à mon avis se résumer l'un des apports fondamentaux des approches pragmatistes de la conception architecturale. Il s'agit de mettre son travail et ses hypothèses à l'épreuve des faits, et par là de produire un savoir d'expérience construit dans un esprit de recherche. S’il est bien vrai que le métier d'architecte se concrétise en des modes d'exercices professionnels multiples, (maître d'oeuvre, paysagiste, scénographe, architecte BF, conducteur d'opération, formateur, consultant urbain et tant d'autres) il n’en demeure pas moins que cette richesse est organisée autour d'un élément central que l’on peut appeler la raison pratique. Pour décrire ma vision d’un enseignement possible du projet dans la formation à l'architecture je propose donc, comme je le demande toujours aux étudiants, d'appliquer ici la formule même de Oury. Et plutôt que de décrire un programme d'enseignement de principe, tel un schéma technocratique préalable à une application future sur le terrain, je préfère au contraire utiliser une sorte de méthode ascendante, c'est à dire de partir d'en bas, de partir des faits et du contexte, pour aboutir à une stratégie d’intervention. Il s'agira précisément de partir de deux expériences que j'ai menées récemment à l'école d'architecture de Toulouse même. Ces deux exemples, choisis parmi d’autres semblables, sous tendent les évolutions, les transformations et les ruptures qui pourraient, à partir de là, être introduites de façon effective dans l'enseignement. Je voudrais indiquer succinctement tout d'abord les trois grandes orientations de travail qui ont guidé mon action dans le passé récent de l'école de Toulouse. Sur le plan institutionnel, j'ai été en première ligne de la transformation de cette école entre 2000 et 2005, puisque j'ai assumé successivement les rôles d'animateur de la CPR et ensuite de président du Conseil d'Administration lors de la mise en place très controversée de la réforme LMD en 2004. Il s'agissait d'une période très intense de débat et d'action qui a débouché pour l'école de Toulouse sur une intégration positive à la première vague d'habilitation de la réforme. Dans le domaine scientifique, j'ai dirigé par ailleurs le laboratoire de recherche Li2a (BRAUP) entre 2005 et 2010. Ce travail m'a donné la satisfaction de participer à la transformation en profondeur de la recherche scientifique dans l'école. En effet, lorsque j'ai pris mes fonctions de directeur scientifique, le laboratoire Li2a possédait le simple statut d'équipe habilitée, nos efforts communs ont permis d'accéder ensuite au statut de laboratoire

1


Daniel Estevez, note n°2, profil n° 5 TPCAU, concours externe des professeurs des ENSA

habilité en 2007. Le succès de ces transformations a entrainé dans un troisième temps la fusion de toutes les formations de recherche de l’ENSA en 2010 dans l'actuel laboratoire LRA et son rattachement à l’école doctorale TESC de l’Université Toulouse le Mirail puis à l’ED MEGEP de l’Université Paul Sabatier. Enfin, d’une façon générale, toutes mes activités ont toujours pris pour centre l’enseignement et l’apprentissage de l’architecture. Comme je l’ai écrit notamment dans une tribune publiée par le journal Libération (« Enseignant, un métier à plein temps », Libération du 29 décembre 2006), je n’ai jamais interprété les tâches de l’enseignement comme des compléments ou des périphéries. Prendre au sérieux l’enseignement et l’apprentissage implique bien entendu de renouveler en permanence ses propres contenus et méthodes de travail. J’ai d’ailleurs à ce titre créé et transformé de nombreux enseignements dans l’école de Toulouse. Mais l’essentiel n’est pas là, il réside dans une découverte qui s’est construite peu à peu au cours de mes expériences, de mes rencontres d’enseignant en école d’architecture et de ma fréquentation étroite du milieu de la production contemporaine de l’architecture. Cette découverte doit beaucoup également à certains écrits, comme ceux de Jacques Rancière, en particulier son fameux « Maître ignorant », et l’on pourrait donc la résumer en disant que l’acte d’apprendre est un mode d’action sur le monde, une force de transformation objective. Par conséquent les stratégies d’apprentissages de tout apprenant peuvent en réalité recouper très exactement des démarches de conception en architecture. Afin d’illustrer ces attitudes qui défendent un enseignement tourné vers la raison pratique en architecture et l’opérationnalité critique dans l’apprentissage, je propose de décrire deux expériences représentatives récentes menées à l'ENSA Toulouse. La première est centrée sur un programme de recherche ANR concernant le thème des « Enveloppes Habitables » mais qui a impliqué des étudiants finissant du PFE S10 Représentation & Espace que je dirige. La deuxième correspond à la mise en place d’un atelier multidisciplinaire international, mêlant enseignement, recherche et pratique opérationnelle. Cet atelier de master s’intitule « Learning From » et touche à la réhabilitation urbaine en milieu critique. Une expérience de recherche : techniques.

« Enveloppes Habitables », reformuler les questions

En 2008, j'ai remporté un projet de recherche ANR intitulé EFFINOV-BOIS dirigé par le centre FCBA sur l'isolation des bâtiments par l'extérieur (CSTB, INES-CEA Chambéry, OSSABOIS Grenoble, TREFLE Bordeaux). Ce programme proposait d’étudier les performances des technologies d’ossature bois dans la problématique de l’isolation par l’extérieur des bâtiments existants. La question posée initialement aux architectes (équipe sous ma direction regroupant des étudiants de PFE et un chercheur) était de réaliser le design d’une solution de paroi composite. Mais nos études préliminaires concernant les caractéristiques architecturales des dispositifs d'isolation thermique par l'extérieur nous ont rapidement conduit à reformuler complètement cette question. En argumentant notamment sur les capacités structurelles des systèmes à ossatures bois, nous avons ainsi proposé d’orienter le programme de recherche vers l'étude et l'évaluation de solutions techniques polyfonctionnelles et susceptibles d'offrir des surfaces d'enveloppement accessibles aux usagers donc potentiellement habitables. Nous avons alors produit un Cahier de Prescription Architecturales qui définissait des principes de conception de ces dispositifs d’habillage et les désignait par l'expression Enveloppes Habitables. L’un des premiers résultats de cette opération de recherche a donc été de montrer qu’un Cahier des Prescriptions Architecturales est un document revêtant une valeur scientifique digne d’intérêt, nous le considérons comme un outil pratico-conceptuel, une production de « praticien réflexif » tel que l’a décrit Donald A. Shön. Ce CPA est d’ailleurs réactualisé en permanence en fonction notamment des interprétations que peuvent en faire les étudiants de PFE durant leurs expérimentations. Deux objectifs scientifiques nous ont guidé dans cette reformulation négociée de la question technique posée par le programme EFFINOV-BOIS. D’une part il s’agissait d’orienter la recherche vers le thème de la sémantisation des solutions techniques (il n'y a pas de question technique séparée de l'architecture, toute question technique doit se formuler en terme architectural). D’autre part, nous considérions que le critère central de la viabilité de ces dispositifs thermiques tenait dans l'intégration des usages humains dès leur conception opérationnelle (appropriation et qualification

2


Daniel Estevez, note n°2, profil n° 5 TPCAU, concours externe des professeurs des ENSA

des dispositifs techniques). Nous affirmions en effet que les dispositifs architecturaux peuvent améliorer le confort en agissant sur le confort perçu par l’usager. La notion de sensation de confort, ou de confort perçu, doit donc entrer dans les objectifs principaux de la conception des dispositifs techniques d’amélioration des performances de l’habitat. En particulier, nous avons insisté sur le fait que tout progrès dans la définition de normes et de standards de confort en architecture (thermique, accessibilité etc.) doit clairement inclure le comportement des habitants comme l’une des données objectives principales. La capacité d’action et de contrôle de l’usager sur son environnement est également présentée comme un critère objectif de la réussite des interventions d’amélioration. Cela conduit par exemple à orienter la conception technique des Enveloppes Habitables vers un principe de simplicité constructive. À partir de là, les Enveloppes Habitables sont conçues, plus généralement, comme un outil pour l’amélioration du confort dans l’habitat existant. A certains égards, les terrains d’étude choisis par certains étudiants participants à cette expérience (logement sociaux, bâtiments tertiaires désaffectés) ont montré que l’outil Enveloppe Habitable possède également à partir d’une certaine échelle d’intervention une vocation de réhabilitation urbaine. Nous pouvons souligner quelques caractéristiques des expérimentations menées par notre atelier sur la conception et la définition de l’outil de réhabilitation urbaine « Enveloppes Habitables » : - Nous ajoutons à l’existant de l’espace extérieur (jardins d’hivers, terrasse alcôves…), nous travaillons sur des espaces non étanches à l’air. Le but est de créer un coussin d’air autour de chaque bâtiment afin d’améliorer son climat intérieur, cette stratégie a été intitulée « fabriquer le deuxième mur de chaque bâtiment ». Ce « deuxième mur » est composé d’une succession de couches, d’enveloppes ou de membranes non étanches et combinables entre elles. Il s’agit d’ajouter de l’espace à vivre sans affectations fonctionnelles déterminées. - Nous produisons des dispositifs qui peuvent être manipulés et contrôlés facilement par les habitants. Par exemple, des propositions de volets pivotants articulés ont été étudiées dans certains projets (voir http://issuu.com/daniel-estevez/docs/h_a_b_i_t_a_b_l_e_s_k_i_n_s) de façon à offrir un grand nombre de degrés d’ouverture et de variations. Il s’agit de parvenir à adapter précisément l’édifice à son environnement (climat, moment, orientation, ensoleillement, usage…) avec un grand niveau de finesse. En valorisant la technique plutôt que la technologie dans la construction, nous orientons la conception des Enveloppes Habitables vers un principe de simplicité des dispositifs d’aménagement. Cette recherche de la simplicité d’usage et de fonctionnement est également un moyen d’augmenter l’implication des usagers sur la vie de l’édifice, ce qui constitue aussi un critère de confort. - D’autres thèmes et méthodes de conception sont abordés dans la recherche (réorientation des édifices existants, conception par pattern d’usage, organisation des vues). Chaque expérimentation est donc menée avec les étudiants, puis sous certaines conditions étudiées par les partenaires de la recherche. Ici, pour les étudiants comme pour les chercheurs, ingénieurs et architectes, apprendre et produire de la connaissance sont deux versants d’une même action dans laquelle l’échange collectif argumenté et structuré prend une place importante. Une expérience d'enseignement : « Learning From », décentrer la conception architecturale. En 2010, j'ai créé un atelier d’étude et de projet à l’Ecole d’Architecture de Toulouse avec l'architecte Christophe Hutin. Nous l’avons intitulé atelier Learning From (http://learning-from.overblog.fr/). Cet intitulé désigne d’abord une attitude critique dans la conception, je veux dire une manière d’aborder le travail en architecture qui est basée sur un décentrement. Pour les étudiants, comme pour les architectes, il s’agit d’adopter le point de vue des autres, (de l’habitant, du constructeur, de l’écosystème…) et ce décentrement constitue la dynamique même de la conception en architecture. Partir du monde, des choses qui nous entourent, partir du contexte pour proposer une architecture pertinente et adaptée. Ainsi, l’attitude Learning From correspond à l'adoption par l'architecte d'un regard accueillant envers ce qui n’est pas attendu, l’imprévu. C’était très frappant durant nos derniers workshops en 2010 et 2011 qui se sont déroulés à Johannesburg. Les étudiants de notre atelier ont rencontré des étudiants sud africains afin de constituer des groupes de travail. Il s’agissait de traiter d’une situation critique réelle, le projet de réhabilitation d’un immeuble du centre ville squatté, un ancien hôpital

3


Daniel Estevez, note n°2, profil n° 5 TPCAU, concours externe des professeurs des ENSA

nommé Florence House, actuellement désaffecté et occupé spontanément par 247 familles. Une première découverte pour ces jeunes étudiants a été de voir tout ce qu’ils avaient en commun, et d’abord la diversité des origines, des personnes et des langues. Ensuite, lorsque les groupes ont abordé le contexte de la Florence House, ils se sont aperçus immédiatement que la population qui était logée dans ce bâtiment provenait essentiellement d’une immigration extérieure à l’Afrique du Sud. Soudain, la situation prenait un sens inattendu, il s’agissait de réfléchir au sort réservé aux immigrés dans un pays qui attire les populations pauvres. Donc une question très contemporaine, très difficile et qui concerne aussi bien la France et l’Europe. Les étudiants découvraient cela, ils voyaient que nous nous posons les mêmes questions et que le décentrement n’est pas l’exotisme pittoresque. Ainsi le travail devient vraiment un échange productif entre étudiants, enseignants, chercheurs et habitants. Très souvent, dans le milieu de l’architecture en particulier, on estime qu’il y a un temps pour apprendre et puis un autre moment pour appliquer ce qu’on a appris, et donc pour agir. Mais apprendre devrait être l’ambition première de chaque architecte dans chaque projet, car intervenir sur le monde n’a aucun sens si on ne s’informe pas du monde, si on n’apprend pas. Bien sûr apprendre suppose l'usage de techniques et de méthodologies identifiées, l’existence d’outils de travail stables chez les étudiants. Mais ce que montre l’expérience concrète de l’enseignement c’est que même l’usage d’un outil bien établi réclame une appropriation personnelle qui est toujours une réinvention de cet outil par l’étudiant qui le manipule. Dans cet atelier Learning From, nous avons l’habitude par exemple de mettre en place en particulier des outils d’inventaire du contexte. Ces grilles d’analyse peuvent très facilement demeurer de simples techniques d’autopsie qui n’activent aucune stratégie projectuelle. Sur ce point, introduire les étudiants dans un travail d’analyse active, ce que nous appelons la lecture de l’existant, suppose par exemple que soit clairement définis le maniement et la notion de protocole d’étude. Ainsi notre atelier, suivant le prolongement des positions de Rancière, assume qu’un groupe d’étudiants qui apprend peut produire des propositions d’architecture pertinentes justement parce que les étudiants expérimentent la situation d’apprentissage. Bien sûr cette attitude de travail entraîne certaines remises en cause des hiérarchies établies entre ce qui est digne d’intérêt ou non pour l’architecte dans les situations que l’on aborde. Rien n’est exclu a priori, telle est l’exigence absolue de neutralité scientifique. Il faut examiner les choses avec attention et précision, le site, les gens, les modes de vie, les modes constructifs, les systèmes d'informations, les ressources et compétences disponibles. Ce travail d'inventaire relève de compétences multiples et vise à comprendre tout ce qui est déjà là et qui contient peut-être une réponse intelligente là ou l'on ne voyait d’abord qu'un problème à résoudre. La question méthodologique que l'on tente d’amener chaque étudiant à se poser dans notre atelier est aussi d’ordre scientifique : «Qu’est-ce que c’est qu'un résultat en architecture ? Qu’est-ce qu’on obtient ?». Les architectes sont souvent obsédés par l’idée de produire un objet, faire une architecture visible, laisser une trace etc. Ce sont des attitudes d’auteur, de vedette, qui s’expliquent beaucoup par le système de production économique dominant de l’architecture en occident. La nature de la commande implique en général de faire des plans masses, des pleins, des objets etc. d’adopter une approche quantitative plutôt que qualitative et critique. Et de raisonner sur des objets statiques et inertes comme s’il devaient exister, tels quels, sans évolution possible. Dans le cas de notre atelier Learning From nous cherchons à produire au contraire des réponses provenant de la situation étudiée. Pas de solution unique ou globale, et donc plutôt des réponses multiples et parfois hétérogènes, avec une idée de connexions possibles des différentes propositions qui sont faites par différents groupes de projet. Si on voulait paraphraser le philosophe Gilles Deleuze dans son livre Mille Plateaux, on peut dire que cela définit une approche rhizomatique, qui accorde une place importante à la dimension collective du projet d’architecture. Le projet est conçu comme un assemblage, comme un agencement de recherches différentes, et donc ce n’est pas une sculpture, une oeuvre, c’est un parcours sans point culminant. Au cours de nos workshops, les étudiants ont observé, écouté, interprété le contexte de la Florence House, et ils y ont trouvé une grande richesse de situations et d’informations. Leur travail alors a consisté à soutenir et intensifier méthodiquement ce qui était déjà donné. Les projets menés ont été décrits dans un article collectif à paraître dans la Revue de l’Université de Séville « Reciclaje de Barrios », sous l’intitulé : Un édifice en mouvement. Projet de transformation de la Florence House. (http://issuu.com/daniel-estevez/docs/atelier_learning_from_2011).

4


Daniel Estevez, note n°2, profil n° 5 TPCAU, concours externe des professeurs des ENSA

Contre le risque technocratique de l’enseignement du projet à Toulouse: des stratégies plutôt qu’un programme. A l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse la situation des enseignements relevant du champ TPCAU est sujette aujourd’hui à plusieurs difficultés qu’il faut bien identifier pour pouvoir les surmonter. Je les résumerais brièvement en disant que les formes d’enseignement dominantes aujourd’hui sont de nature transmissive (verticale) et disciplinaire (circonscrite). L’accent est placé sur les contenus programmatiques dispensés, ceux-ci ont valeur contractuelle auprès des étudiants, mais sans égard pour les performances effectives de ces derniers en situation non scolaire (décontextualisée). Ainsi, la capacité à prendre des initiatives, la méta-connaissance (capacité de savoir où trouver les connaissances), l’esprit d’expérimentation, l’autonomie dans l’évaluation d’une situation d’action et plus généralement la capacité de transfert des connaissances scientifiques dans le contexte du projet d’architecture, tous ces éléments sont finalement très peu développés par la formation actuelle. Cela est spécialement frappant dans le cursus de Licence sur lequel doivent sans doute porter nos efforts pédagogiques. Pris dans le cercle des structurations successives des programmes d’enseignement exigées par les habilitations LMD, on constate que les savoirs disciplinaires sont désormais très morcelés et dispensés de façon scolaire (STA informatique, ATR représentation, STA construction, STA ambiance etc.). Ceux-ci sont d’ailleurs perçus malheureusement comme des éléments de sélection plutôt que comme des leviers de la formation des architectes. Aussi, les approches basées sur l’émancipation et sur l’autonomie des étudiants ou bien sur les interactions disciplinaires (telles que nous les avions défendues par exemple en Licence avec notre expérience des Ateliers Coordonnés STA/Projet/ATR, cf. dossier détaillé joint) sont donc assez peu soutenues dans les orientations récentes de l’ENSA Toulouse. Nous devons modifier cet état de fait et ma candidature présente s’inscrit dans cette démarche de renforcement pédagogie pragmatistes en TPCAU. Les deux situations d’enseignement décrites plus haut (programme Enveloppes Habitables et atelier Learning From) témoignent de principes pédagogiques qui peuvent selon moi aider l’école de Toulouse à se dégager des risques d’un formalisme didactique artificiel et souvent peu efficient. Ces deux expériences témoignent en effet d’une possibilité d’intégrer des disciplines différentes selon la formule pédagogique du projet, c’est à dire dans le cadre d’actions multiples impliquant différents acteurs spécialisés mais finalisées par un but commun. Ces méthodes contemporaines sont typiques notamment de la forme d’enseignement par ateliers intensifs (workshops), au point que certains architectes et enseignants se définissent désormais aujourd’hui comme des « architectes workshopers », à l’instar de l’architecte japonais Kinya Maruyama qui a participé à notre atelier Learning From en 2011 à Johannesburg et en 2013 à Soweto. Un attachement immodéré aux programmes formels plutôt qu’aux objectifs d’enseignement, pousse en général les enseignants à abandonner les approches par projet, plus difficiles à formaliser mais pourtant plus efficientes en terme de formation car elles lient étroitement théorie et pratique. A contrario, les formes d’enseignement que nous défendons ici sont donc bien de nature stratégique et non pas programmatique : "La stratégie suppose l’aptitude du sujet à utiliser, pour l’action, les déterminismes, les collaborations et les aléas extérieurs, […] on peut la définir comme la méthode d’action propre à un sujet en situation de jeu où, pour accomplir ses fins, il s’efforce de subir au minimum et d’utiliser au maximum les contraintes, les incertitudes et les hasards de ce jeu. Un programme est prédéterminé dans ses opérations et dans ce sens, il est automatique ; la stratégie est prédéterminée dans ses finalités mais non dans toutes ses opérations."1. La pédagogie de projet, consiste selon nous à intégrer les approches interdisciplinaires stratégiques dont nous avons fourni ici deux exemples mais aussi à fédérer les champ de disciplines en s’éloignant d’une juxtaposition statique de spécialisations indépendantes. L’espace de la conception architecturale est intégrateur, il est ouvert, curieux, libre, toujours aux aguets, toujours en action.

1 Morin, E. 1986. La Méthode 3. La connaissance de la connaissance. Le Seuil, Paris, p.62

5


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.