Notes sur l'enseignement de l'architecture principes d'action

- principe d'HÉTÉROGÉNÉITÉ Le principe d'hétérogénéité concerne la possibilité pour chaque étudiant de connaître et de pratiquer des approches différentes voire antagoniques de l'architecture. Le programme pédagogique doit pour cela garantir et organiser pédagogiquement les hétérogénéités dans l'enseignement (notamment de projet ). Il doit aider l'étudiant à construire sa singularité de concepteur à partir de la diversité des apports pédagogiques. "Quel (Quelle) architecte veux-tu être ?" voilà la question posée à chaque étudiant par l'école à travers son programme. L'expertise de l'architecte repose sur ses capacités à s'informer du monde dans son hétérogénéité, et puis à proposer une lecture critique personnelle des données qu'il ou elle recueille (cf. R. Venturi). Cette lecture critique subjective de l'environnement est alors à la base de toute action concrète de projet. La logique initiée en 2004 avec la réforme LM-D visant un rapprochement avec l'université répondait à une ambition d'ouverture institutionnelle. L'idée était aussi d'ouvrir les écoles à des expériences internationales diversifiées. Ce rapprochement avec l'université doit donc soutenir des actions d'ouverture à l'interdisciplinarité de l'enseignement de l'architecture. Plusieurs ouvertures ont eu lieu par le passé. Les ouvertures entre le monde de l'ingénierie et celui de l'architecture sont les plus délicates à organiser car l'approche critique est généralement une singularité de l'architecte par rapport à l'ingénieur (cf. Alberto Perez-Gomez). Les rapprochements institutionnels entre les écoles d'art et les écoles d'architecture sont aussi très fréquents et généralement productifs sur le plan des apports de savoir et de pensée critiques. D'autres injections extérieures provenant en particulier des sciences humaines permettent de renforcer la pratique de méthodes critiques sur la ville contemporaine. A partir de là, soutenir l'interdisciplinarité dans la formation des architectes est donc un thème central mais qui réclame de s'interroger systématiquement sur l'apport critique (et non pas sur le seul apport technique) que peuvent proposer les disciplines sollicitées. La dimension critique doit être une exigence de toute ouverture, un critère d'évaluation de toute proposition interdisciplinaire.

- principe d'EXPERIMENTATION : Une école est aussi un lieu de transformation permanente de la définition de l'architecture. Former à un métier et aussi repenser le métier. L'expérimentation est une modalité d'enseignement de la liaison théorie/pratique, c'est aussi un caractère effectif du métier d'architecte. L'architecte est un "praticien réflexif" (cf. Donald A. Shön) et la conception en architecture est une boucle entre tâche pratique et questionnement théorique. Le lien théorie-pratique permet d'appréhender la complexité de toute situation d'action sur le réel. La recherche en architecture doit jouer un rôle central sur ce point car l'expérimentation est aussi un apport de la recherche qui doit être intégrée à l'enseignement contemporain. Placer l'action et l'expérimentation au centre de l'enseignement, signifie concrètement qu'il faut minorer le schéma de transmission verticale hiérarchique dominant et encore en cours dans les écoles "1 leçon 2 application 3 évaluation" (Cours Magistraux, Travaux dirigés, Partiels). En conséquence, la formation doit privilégier la boucle expérience/interprétation dans la formation. Privilégier les dispositifs (rhizome et réseaux) plutôt que les systèmes (arbre hiérarchique) : privilégier le format "workshop", le format équipe, le format séminaire, le format projet, etc. Tous ces formats sont favorisés par l'intégration des dispositifs contemporains de conception et de représentation (mixité des supports et des techniques soutenant la mobilité de la pensée et articulant à bon escient l'ensemble des systèmes de représentation issus de l'héritage traditionnel tout autant que des apports technologiques les plus récents). Les évaluations formalistes actuelles (AERES et ANR) ne permettent pas de faire progresser les écoles sur le sujet de l'expérimentation (cf. Pascal Convert). L’expérimentation demande également de repenser la progressivité de l’enseignement (les prérequis), du simple vers le difficile. Bernard Huet avait écrit : "[...] la progressivité du simple au complexe est toujours une fausse dialectique, un point de vue de professeur." Les écoles d’architecture forment des concepteurs qui doivent être confrontés en permanence et directement à la complexité du monde. Il s’agit d’enseigner une pensée complexe. L'expérimentation est une voie d'appropriation de la complexité.

- principe de RENOUVELLEMENT : Le premier renouvellement concerne les contenus d'enseignement. Pour faire expérimenter aux étudiants la relation complexe entre théorie/pratique qui est au centre du travail de projet en architecture, on ne peut pas se contenter de répéter et de transmettre (des recettes, des grands noms, des cours). Répéter, reproduire et transmettre, à ce jeu les écoles risquent de devenir de simples lieux de consolidation des stéréotypes et des académismes. Un enseignement intuitif ne prenant aucun recul sur les situations d'enseignement qu'il crée, fige les fausses évidences et entretient des illusions, par exemple = illusion de la progressivité des enseignements (vs l'autonomie des parcours étudiant et enseignant), l'illusion de la nécessité de l'homogénéité (des cursus, des contenus), l'illusion de la structure hiérarchique (délégué, sous délégué, représentant etc.). C'est aussi le rôle de la recherche en architecture de construire des espaces de renouvellement et de questionnement de l'enseignement. La mise en place de périodes de Congé pour Etudes et Recherche devrait être systématisée et proposée régulièrement aux membres du corps enseignant afin de favoriser l'expertise et le renouvellement des pédagogies. Un autre principe de renouvellement concerne la politique de RECRUTEMENT. La création d'un corps d'enseignants titulaires dans les années 1990 dans les école a été très positif (diminution du localisme, augmentation du niveau de qualification). Mais ces titularisations ont consacré des champs de recrutement très cloisonnés entre eux, mal définis et qui prennent peu à peu une valeur de statut immuable pour les enseignants (TPCAU, STA, ATR, HCA, SHS etc.). Ces champs doivent être aujourd'hui repensés, leur importance dans la structuration des programmes doit être relativisée. Il s'agit de

renouveler les structures d'enseignement sur la base des projets et des équipes multiples plutôt qu'en raisonnant par quotas, statuts et champs de recrutement. Le renouvellement permanent des contenus enseignés doit être également favorisé par la possibilité d'inviter des experts de différents domaines à venir travailler dans l'école temporairement. C'est pourquoi des postes de Professeurs Invités doivent être dégagés dans cet objectif en fonction des projets d'enseignement.

- principe de MULTIPLICITE : La formation au métier d'architecte est une formation généraliste qui permet à chaque architecte d'affronter la complexité du réel, la diversité des commandes, des contextes et des exercices professionnels. La spécialisation des écoles selon des pôles d'excellence spécifiques présente des dangers pour une formation initiale généraliste (Licence et Master). Une école d'architecture complète est également un apport pour son territoire d'implantation, le raisonnement par pôle de spécialisation est au contraire d'ordre extraterritorial. Le territoire national nécessite une multiplicité d'écoles généralistes et complètes. En 2004 il a été mis en place des outils pertinents de spécialisation dans la formation post-diplôme des écoles d'architectures, ces outils font leurs preuves sans altérer la formation initiale au métier. Il s'agit des DSA et DPEA, ces dispositifs très positifs doivent être soutenus, prolongés et amplifiés. Ils offrent des espaces d'autonomie pédagogique, de formation professionnelle, de formation continue et de partenariat internationaux scientifiques et didactiques. Toutes les écoles d'architecture devraient inscrire leurs actions pédagogiques et de recherche à l'échelle internationale par le biais de collaborations et d'échanges construits sur des problématiques transversales.

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