Délit d'Initié n°6

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Février 2009

Le Délit d’initié

Numéro 6

EDITO

E

n attendant 2010, toute l’équipe du délit souhaite une bonne année à ses lecteurs. Elle s’annonce terriblement tumultueuse. Une vague de froid a visiblement envahi nos foyers et notre appétit sur les marchés financiers. Le moral des consommateurs et des investisseurs est en berne, le pétrole est au plus bas et des menaces déflationnistes pèsent sur les économies occidentales. Nous ne sommes pas à l’abri d’une rechute des marchés mondiaux. Même en cette période de grande braderie, le délit vous recommande de braver le froid et de vendre du marché. C’est la glace qui semble s’écrouler sous nos pieds. Alors shortons, oui shortons pendant qu’il en est temps ! Mais shortons couverts les amis !

Une année pétrolière..

Transac EDHEC

Bourse et Ballon rond: mariage réussi ?

Quand «Bernie» les a tous bernés...

« Le capitalisme produit ses propres forces autodestructrices » disait Marx. Madoff est le symbole même de ce paradoxe. Aujourd’hui la société perd l’un de ceux dont on contait depuis des années la success story. Retour sur une escroquerie sans précédent. Madoff est né en 1938 dans le quartier populaire du Queens à New York. Pour financer ses études, il occupe plusieurs petits jobs à la fois. Successivement maître-najeur et server, il est vite considéré

comme un brave gars, honnête, travailleur et généreux. A cette époque, il a faim, très faim et justement, la bourse de NewYork a besoin de petites mains. Au début des années 60, on est en plein boom économique, et le monde de la finance prend déjà le pas sur celui de l’industrie. Mais rapidement, à 22 ans et 5000 dollars en poche, « Bernie » comme on l’appelle, décide de fonder sa propre société de courtage. Le travail est simple mais ingrat : il s’agit de collecter des ordres auprès d’investisseurs pour les confier au Nyse. A chaque ordre passé, Bernie encaisse une commission. Associé à son frère, il va dès les années 80 faire le pari de l’informatique. Ces investissements sont payants et Madoff fait enfin son trou dans le gotha des financiers NewYorkais. A la fin des années 80, sa notoriété lui permet de gérer l’argent des autres mais toujours de façon confidentielle. Pas de paseo pour ce travailleur infatigable.


Il est considéré comme intègre et généreux. Fort d’une société de courtage, il va réaliser une sorte de délit d’initié quotidien. En effet, lorsque vous êtes vous-mêmes un passeur d’ordre important, vous pouvez deviner quelle orientation va prendre le marché. Il suffit ainsi de jouer à la hausse ou à la baisse et de revenir à des placements sans risques comme des bons du trésor lorsque la situation est incertaine. C’est sur cette martingale que se fondait l’essence de son fonds. En 1993, il devient ainsi président du Nasdaq, la bourse des nouvelles technologies aux Etats-Unis. L’homme est riche, connu et admiré. Il est fort d’une structure familiale qui emploie ses fils, son frère et sa nièce. C’est un homme de confiance à qui on confie beaucoup d’argent. L’ennui c’est qu’il utilise un système de vente pyramidale. Un système vieux comme le monde qui a

Dans ces temps de crise financière, où chaque semaine apporte son lot de scandales ou de mauvais résultats financiers, une seule bonne nouvelle nous est parvenue, la baisse du cours du pétrole. Retour sur une année mouvementée où le prix du pétrole a atteint des sommets. 3 janvier 2008, le baril dépasse pour la première fois la barre psychologique des 100 dollars, on parle alors de hausse conjoncturelle liée à la hausse de la demande des Etats-Unis due à une vague de froid inattendue. Ce pic que l’on pensait ponctuel, va obscurcir les 7 premiers mois de l’année malgré la baisse de la demande des Etats-Unis et la menace d’une récession globale. Le 12 mars 2008, la nouvelle chute du dollar, la baisse des stocks US, les tensions géopolitiques entraînent le cours du pétrole vers un nouveau sommet 110 dollars. La demande globale baisse peu, en effet les Pays En Développement ont un fort taux de croissance, leurs habitants ne pâtissent pas des taxes pétrolières car les autorités régulent le prix à un niveau extrêmement bas. Les tensions géopolitiques, en Iran avec le développement du programme nucléaire iranien, au Pakistan avec l’assassinat de Benazir Bhutto, au Nigéria (6ème producteur de pétrole) avec un regain de violence

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A la une fait la fortune d’un dénommé Ponzi dans les années 20. Il s’agit tout simplement de recevoir de l’argent, de promettre et de distribuer des bénéfices records (ici plus de 10% par an)avec l’argent des derniers arrivés. Les premiers ont donc sans doute gagné, les derniers ont tout perdu. Mais comment cela a-t-il donc pu se passer ? A cette époque, Madoff est insoupçonnable. Il jouit d’une notoriété certaine, distribue des bénéfices records et rémunère ses intermédiaires grassement, jusqu’à 135 millions de dollars pour les époux Noël. La plupart des banques et des particuliers ne sont pas très regardants, il leur accorde chaque année plus de 10% d’intérêt. La finance est, contrairement à ce que l’on pense, affaire de réputation. Si votre banquier privé de la BNP vous dit que vous allez être riche, par nature, vous allez le croire. Après tout, vous vous

dites que vous n’êtes pas un spécialiste et que l’institution qu’il représente est renommée. De plus, sa nièce est mariée avec un des hommes de la SEC, le gendarme de la bourse américain. Il passe ainsi à travers les mailles du filet à trois reprises de 1999 à 2004. Aujourd’hui, Madoff ne passera plus ses jours sous un soleil de plomb dans son yacht nommé Bull. Après la bronca, c’est au système judiciaire qu’il aura à faire. Il est soupçonné d’avoir fait perdre 50 milliards de dollars et risque jusqu’à 20 ans de prison. Fortis, HSBC et Santander font parti de ses plus grandes victimes. Mais maintenant c’est lui qui va se retrouver au milieu de l’arène, c’est à lui que l’on va porter l’estocade.

contribuent aux tensions sur le marché. Le 22 mai 2008, le Brent atteint 135 dollars sous l’impulsion d’une nouvelle chute du dollar et l’intervention des spéculateurs et des analystes. En effet, d’après certains pétroliers, le coût unitaire d’un baril de pétrole s’établit entre 60 et 70 dollars, la plus grande difficulté d’extraction et des investissements nécessaires à celui-ci entraînent ce prix fixe élevé. A cela s’ajoute la spéculation qui est le résultat de deux facteurs. D’abord, les lois américaines qui favorisent la spéculation (loi dite Enron Loophole) : les Hedge Funds qui réalisaient 0,2% des transactions avant la loi en réalisent maintenant 35%. Ensuite, l’abondance de liquidités possédée par les pays émergents aux forts excédents commerciaux entraîne également le cours à la hausse. La Chine par exemple, se détourne de l’offre d’actifs et du dollar en chute libre pour se positionner sur des valeurs plus sûres comme les matières premières, le pétrole au premier rang. Pour montrer la spéculation, on peut étudier l’indice qui mesure la demande mondiale pour transporter des marchandises : le Baltic dry index. Depuis l’automne 2007, il s’est effondré entraîné par la chute du fret maritime et du ralentissement économique mondial alors que dans le même temps

le prix des matières premières n’a cessé d’augmenter. Les analystes influencent également le cours, Arjun Murti de chez Goldman Sachs a fait trembler les marchés new-yorkais et londonien le 5 mai en annonçant que le prix de pétrole pourrait atteindre 150 à 200 dollars avant la fin de l’année 2008. Cette prévision a conduit les investisseurs à acheter davantage de barils, cette prévision est devenue auto réalisatrice, cela a alimenté la flambée du cours. Le prix atteindra un nouveau record le 3 juillet 2008 à 145 dollars, un dernier baroud d’honneur avant la rechute amorcée par la baisse spectaculaire de la parité euro/dollar de 1,60 à 1,33 qui conduit le prix du pétrole sous la barre des 40 dollars. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette baisse, tout d’abord la baisse de la demande globale, symbolisée par la demande Chinoise plus restreinte depuis la fin des Jeux Olympiques, le dollar qui agit mécaniquement sur le cours du pétrole et la baisse de la spéculation. Le président de l’OPEP a récemment déclaré que « le baril du pétrole est désormais indexé à la hausse ou à la baisse du dollar ». Pendant l’envolée des cours, le cartel de Vienne (42% de la production mondiale) jugeait qu’il n’y avait pas de pénurie de pétrole sur le marché et que

Armand Boissier

Une année pétrolière


Le délit d’initié

la mise en vente de barils supplémentaires n’aurait aucun impact sur le cours de pétrole. Ils l’apprennent maintenant à leurs dépens, tous les pays exportateurs de brut réduisent leur production afin de faire repartir le cours à la hausse. Mais rien n’y fait, même une baisse inattendue et très forte des stocks

américains ne relance pas le cours à la hausse. En effet, les Etats-Unis considèrent que le prix actuel n’est pas encore le prix d’équilibre et que la croissance mondiale molle prévue pour 2008 va entraîner le cours du brut durablement en dessous des 40 dollars. Les mêmes analystes qui prédisaient un baril de

200 dollars fin 2008 ou courant 2009, nous assurent du maintien du prix de pétrole en dessous des 45 dollars, alors est-ce le bon moment pour faire le plein ? Marc Primot

Des investissements pour 2009

Le 22 Novembre 2008, le Délit est allé pour vous au salon Actionaria à Paris se renseigner sur les bons investissements en cette année difficile et établir quelques portefeuilles intéressants. Vous n’avez pas investi à Transac ? Ce n’est pas grave ; on vous donne quand même quelques tuyaux pour profiter des soldes !

Avant d’investir, il faut avoir conscience de l’état du marché afin de ne pas partir à l’aveuglette. De l’avis de tous les experts, le marché est encore baissier, il faut donc se méfier des idées telles que le fait qu’il existerait des valeurs plancher des actions, l’exemple des valeurs bancaires ces dernières semaines est à ce titre assez éloquent. Il semblerait de plus que les mauvais résultats attendus pour 2009 ne soient que partiellement intégrés dans les cours. Le marché est de plus très volatile, c’est-à-dire que le risque est élevé. Le marché a donc tendance à favoriser les valeurs dites « défensives », i.e. celles qui sont le moins corrélées aux cycles financiers (on y retrouve les concessions, la santé par exemple). A contrario, investir dans l’automobile ou dans l’immobilier est peu recommandé sauf si vous recherchez des valeurs très spéculatives. Mise à part les valeurs défensives, investir dans du monétaire peut s’avérer payant ; en effet, certains placements assurent des rendements parfois plus intéressants sur le long terme et surtout plus sûrs que les portefeuilles en bourse. Le secteur de l’environnement et du développement durable vont également être porteurs (avec des titres comme Suez Environnement, VEOLIA, Vestas, Sechilienne) et vont profiter notamment du plan énergie lancé aux USA, qui va doper (on espère) les investissements. Lors du Salon, certains experts ont

avancé l’idée que la reprise du marché ne se ferait que par des « maxis plans de relance » ou une baisse agressive des taux des banques centrales. Ce n’est pas le cas aujourd’hui de la BCE, mais la Fed a historiquement baissé ses taux, ce qui devrait donner un peu d’oxygène au marché, et peut-être donner des idées à M. Trichet. Stratégies et valeurs Il faut prêter attention au « Darwinisme économique » ; seules les entreprises les plus robustes, celles qui se trouvent leaders dans des niches prometteuses, les « winners » de la crise, celles qui ont réussi à s’adapter rapidement vont subsister, et les autres sont amenées à disparaître. Il faut donc s’ingénier à repérer ces leaders, et les entreprises dont les bilans sont solides, avec du cash ou peu de dettes. Certains indicateurs sont à ce titre intéressants à analyser, en particulier le spread corporate qui est le prix de la dette émise par une société. Les experts, notamment Patrick Leguil, stratégiste chez VP Finance et Pierre Puybasset, gérant chez Financière de l’Echiquier ont fortement conseillé les valeurs suivantes : Sanofi-Aventis, Ingénico, France Télécom, BioMérieux, Rubis, Faiveley, Boiron, Essilor, EDF, L’Oréal, Saipem, Deutsche Börse, Sonova, Total. Prenons l’exemple de BioMérieux. C’est une entreprise spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de systèmes de diagnostic in vitro destinés à des applications médicales et industrielles. Le titre a pris 4.72% du 24 Novembre au 24 Décembre, et sur les 3 derniers mois, le titre n’a cédé que 1.62% de sa valeur, tandis que BNP en cédait 56.10% et le CAC 40 perdait 26.28% de sa valeur. Autre valeur, plus connue, France Té-

lécom. Le titre n’a chuté que de 1.61% sur les 3 derniers mois (du 24/09 au 24/12). Ce qui confirme l’intérêt des gestionnaires de portefeuille pour ces valeurs qui résistent assez bien aux crises, et qui ont su conserver leur capital confiance auprès des actionnaires. A moyen ou long terme, les maisons de retraite peuvent également être un bon placement (Orpea ou Korian par exemple). A long terme, compte tenu de leur nette sous-évaluation, les valeurs bancaires peuvent être intéressantes. On peut également jouer de forts rebonds sur le court terme (je pense tout particulièrement à Dexia qui a enregistré une hausse de 18.70% le 22 décembre). Pour les plus joueurs d’entre vous, recherchant des valeurs spéculatives, certains trackers sur les matières premières (et bien entendu le pétrole) sont faits pour vous (ABN Amro). Pour les plus curieux d’entre vous, reportez vous au lien : http://www.boursorama.com/ partenaires/salon_actionaria/interviews.phtml Paul Lamy

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Le délit d’initié IRFS, vertu toxique ?

Le rôle des nouvelles normes comptables dans l’aggravation de la crise financière confirme-t-il l’adage, « l’enfer est pavé de bonnes intentions »? Le début des années 2000 fut marqué, particulièrement aux Etats-Unis, par des scandales financiers où, systématiquement, la qualité et la sincérité de l’information furent mises en cause. L’emblématique scandale Enron reste l’incarnation de cette époque de « comptabilité créative ». En l’espèce, Enron publiait des comptes particulièrement flatteurs, avalisés par son auditeur Arthur Andersen, alors que la réalité se résumait à des montagnes de dettes, habillement dissimulées dans des structures de defeasance offshore. La faillite brutale de cette société, que des analystes réputés recommandaient encore à l’achat très peu de temps avant, fut un véritable choc pour les marchés et pour l’opinion publique. Pour ramener la confiance, et se dédouaner d’une accusation de collusion, les autorités politiques américaines engagèrent rapidement des mesures drastiques, dites de «moralisation» (loi Sarbale-Oxley). D’autres scandales du même style (Worldcom, Parmalat,...) convaincurent les autorités de régulation comptable de la nécessité de refondre les normes de présentation des états financiers, et profitèrent de l’occasion pour harmoniser les normes comptables internationales. Après plusieurs années, ce chantier aboutit à la mise en place des fameuses normes IFRS qui, aujourd’hui, sont appliquées dans la plupart des grands pays industrialisés. Une des avancées « phare » de cette norme est le principe de « fair value ». L’idée étant, qu’à tout moment, la valeur comptable d’un actif doit correspondre a minima à sa «

valeur de marché » (les plue values latentes n’étant pas comptabilisées, suivant la règle de prudence). Ce principe vertueux n’est en soi pas critiquable puisqu’il permet aux tiers qui analysent les comptes des entreprises de ne pas être dupés par des valeurs fictives. Cependant, la crise financière internationale qui sévit déjà depuis plusieurs mois, a montré les limites et les dévoiements de ce système. En effet, nombreux sont ceux qui font aujourd’hui remarquer que le principe de coller au plus près à la réalité d’un marché erratique a conduit à des situations aberrantes, voire à être un facteur aggravant de la crise. La véritable panique qui aurait pu conduire à la désintégration du système bancaire en est un exemple frappant. On sait aujourd’hui que cette crise a pris naissance principalement aux Etats-Unis avec la mise en place d’un système de prêts permettant de solvabiliser des emprunteurs à faibles ressources. Entraînés dans ces mécanismes relevant plus du marketing que de la saine gestion financière, des centaines de millier d’emprunteurs furent ainsi conduit au défaut de paiement. De plus, du fait de la titrisation des créances, les banquier aventureux ne furent pas les seuls frappés, et des « actifs toxiques » contaminèrent le reste du monde. Face au risque, la quasi-totalité des banques se sont brutalement arrêtées de se prêter entre elles. Et cette crise du marché interbancaire fut encore aggravée par le principe de « fair value » imposées par les règles IFRS.

En effet, les banques titulaires de titres et de créances négociables, rendues illiquides par l’état de panique du marché, se retrouvèrent contraintes de les provisionner massivement. L’annonce de provisions abyssales a donc eu des conséquences sur la solvabilité de nombreuses banques les contraignant au dépôt de bilan par l’impossibilité de se refinancer. Grâce à cet exemple, on peut dire que la norme IFRS a eu pour effet de démultiplier une perte réelle par un effet de contagion et par les conséquences psychologiques que cela a entraîné sur le consommateur. Bien sûr, il ne s’agit pas de remettre en cause l’idée que les valeurs présentes dans les comptes d’entreprise puissent être discutées. Mais le principe de coller instantanément à des valeurs de marchés qui pourraient être soumises à des variations irrationnelles, ne correspond certainement pas à la volonté des promoteurs de cette réforme comptable. Par conséquent, les autorités de contrôle et les professionnels du secteur devront repenser la question pour parvenir à concilier la nécessité de protéger les tiers et les investisseurs, et d’éviter que les méthodes comptables ne constituent des facteurs aggravants des crises économiques.

Il faudra que l’Irlande vende beaucoup de bière dans les années à venir si celle-ci désire sortir de la récession dans laquelle elle est plongée depuis quelques mois. En effet, ce pays ne peut plus guère compter sur la finance ou la construction pour tirer sa croissance dans le contexte actuel. L’Irlande, qui affichait un taux de crois-

sance de 6.8% en moyenne alors que la zone euro frôlait à peine les 2.8% entre 1997 et 2007, est le premier pays à être entré en récession en Europe en 2008, menaçant ainsi d’augmenter son taux de chômage jusque-là relativement faible par rapport à celui de ses homologues européens. Cette situation n’est néanmoins pas

étonnante lorsqu’on analyse les leviers de la croissance irlandaise tirée principalement par la finance et la construction qui représentent 14% de l’emploi en 2007. Sans oublier que l’endettement croissant des ménages a fortement stimulé la demande intérieure de sorte que la dette des ménages est passée de 64% à 153% entre 1998 et 2008, même

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La crise Irlandaise

David Laroque


si cette tendance tend à s’atténuer avec le resserrement des conditions de crédit. De plus, la santé de l’économie irlandaise est étroitement corrélée à celle de l’économie américaine en raison de l’importance des investissements américains à forte valeur ajoutée comme les produits pharmaceutiques et biotechnologiques. Notons également que les fonds européens ont contribué à la croissance irlandaise à hauteur de 2% par an de 1989 à 2006 mais qu’aujourd’hui le PIB par habitant est trop élevé pour bénéficier des fonds de Bruxelles. De surcroît, la politique fiscale irlandaise, particulièrement avantageuse a poussé de nombreuses firmes étrangères à s’implanter dans le pays, expliquant ainsi le fameux « non » irlandais au Traité de Lisbonne qui menaçait sérieusement ces pratiques fiscales. Face à cette situation, l’Etat irlandais a tenté de mener des politiques budgétaires destinées à sauver le pays de la crise financière et maintenir son attractivité auprès des entreprises étrangères. Dès octobre 2008, le gouvernement de Brian Cohen adopte une loi qui garantit

A la une l’intégralité des dépôts, ce qui lui a valu de vives critiques de la part des pays européens. Plus récemment encore, l’Etat est venu à la rescousse de ses trois principales banques, Bank of Ireland, Allied Irish Banks et Anglo Irish Bank, à hauteur de 5.5 milliards d’euros, ce qui amène Londres à protester contre ces distorsions de concurrences. Malheureusement, toutes ces mesures n’empêcheront pas les délocalisations : Dell, principal exportateur du pays et générant 5% du PIB, vient ainsi d’annoncer la suppression de son usine de Limerick au profit de la Pologne. Sur le plan immobilier, le gouvernement a annoncé une hausse de la prime de taux d’intérêt sur les crédits hypothécaires sous certaines conditions. Mais l’Irlande dispose t - elle des instruments nécessaires à la lutte contre la récession ? Tout d’abord, l’Irlande ne peut guère recourir à l’instrument financier pour lutter contre la récession étant donné les restrictions imposées par la BCE. Sur le plan budgétaire, les recettes de TVA tirées de la fiscalité immobilière ont fortement diminué et le contexte économique menace de réduire les res-

sources de l’Etat au moment même où l’Irlande doit faire face à la récession et financer le plan de développement national 2007-2013. Quelles perspectives pour l’Irlande ? Il est évident que la crise actuelle a remis en question les fondements de la croissance irlandaise (investissement américain, consommation intérieure et l’endettement, services financiers, bâtiment…) et laisse présager une année 2009 morose. Sur le long terme, notons que la faiblesse des investissements de recherche et développement en Irlande peut menacer l’attractivité du pays. Relevons que l’immigration, qui s’est accélérée ces dernières années, a été insuffisamment exploitée puisque les travailleurs immigrés sont souvent sous payés et peu formés. Sur le plan politique, la crise a aussi envenimé les relations entre l’Union Européenne et l’Irlande, montrée du doigt pour ses politiques unilatérales. Mais l’accord récemment conclu, qui prévoit un nouveau référendum sur le Traité de Lisbonne d’ici novembre 2009, a apaisé les tensions au sein de l’Union. Loan Pung

Le football coté, un bon investissement ?

L’Olympique Lyonnais va fêter le second anniversaire de son introduction en bourse début février. Il existe à l’heure actuelle une trentaine de clubs cotés en bourse, de la prestigieuse Juventus à Birmingham city. Le 9 février 2007, le club lyonnais était le premier club français à ouvrir son capital aux investisseurs, 10% du groupe OL a été mis en vente à hauteur de 24 euros l’action OL Group. Grâce à cette introduction, les clubs permettent à leurs supporters de s’engager et de participer à la vie du club comme à Manchester (shareholders United), d’assainir leurs finances, d’engager d’importants investissements : renfort(s) dans l’effectif, création de boutiques, amélioration ou création d’infrastructures : stade ou centre de formation. Ces valeurs obéissent aux mêmes règles de cotations et d’échanges que les valeurs traditionnelles. En effet, l’OL, la Juventus ou encore l’Ajax sont cotés à l’intérieur d’un indice : le Dow Jones STOXX Football, où ces actions

s’échangent comme celles du CAC 40. L’OL est une valorisation boursière commune, elle a, par exemple, versé des dividendes à ses actionnaires en décembre dernier : 0,14 euro. Une étude récente de José Allouche et Sébastien Soulez, révèle les comportements des cours de ces actions d’une manière très efficiente. Ces valeurs sont, bien sûr, corrélées aux résultats sportifs : un match gagné et la valeur de l’action grimpe de 0,5%, une défaite et c’est la chute de 0,7%. De plus, plus le club évolue dans une division élevée, plus l’impact est important. La défaite peut restreindre les chances d’une qualification à une coupe européenne très lucrative ou amoindrir les perspectives de remporter un championnat. Exemple concret, le 21 janvier, Lyon perd 3-0 à Lens, Bordeaux n’est plus qu’à trois points de Lyon et le championnat est peut-être relancé. L’action chute de 4,76% le lendemain de la défaite des lyonnais car les investisseurs ont peur que Lyon ne devienne pas

septuple champion de France. Les qualifications ou éliminations en coupes nationales ou européennes (Ligue des Champions) peuvent parfois produire plus d’effets sur les cours que les résultats des matchs de championnat. Un club de football coté reste néanmoins une capitalisation boursière comme les autres, elle n’échappe pas à la variation de son cours liée aux résultats financiers publiés. En effet, des résultats positifs améliorent le cours et des résultats négatifs le font plonger. Des investissements structurels comme la création ou la rénovation d’un stade, la signature de contrats de sponsoring accroissent la confiance du marché envers l’entreprise, ce qui valorise le cours de l’action. Plus surprenant, l’achat ou la vente d’un joueur fait varier la cotation, l’achat entraîne la baisse (dépenses), même si la venue d’une nouvelle recrue talentueuse devrait engendrer de nouveaux gains. De même, la vente (recettes) d’un joueur entraîne la montée du cours. Le 30 juin 2008, l’officiali-

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sation du départ d’Hatem Ben Arfa à l’Olympique de Marseille, entraîne la hausse du cours de 6,32 % de l’action. En effet, cette vente qui rapporte 12 millions d’euros à l’OL rassure les investisseurs. Le renvoi d’un entraîneur incompétent, d’après l’étude, peut se caractériser par une hausse de 4% de la valeur de l’action. La seule réussite boursière notable est Manchester United dont le titre avait un rendement de 26% par an de 1992 à 2005. Malcom Glazer a pris le contrôle de Manchester à cette date, l’a sorti du London Stock Exchange pour se pré-

A la une munir d’une OPA. Les risques sont importants, la prise de contrôle est bien sûr envisageable mais surtout il faut constater que peu de clubs ont vu leur cours augmenter : Tottenham, Arsenal et Copenhague. Les clubs italiens ont vu leur titre s’effondrer jusqu’à 97% (Lazio Rome). Lyon a, par exemple, vu son cours se diviser par 3 en 2 ans, cependant sa réussite sportive, ses finances saines ainsi que son projet de stade qui conduira à une diversification accrue de ses revenus, ses filiales, devrait permettre à Lyon de suivre l’exemple d’Arsenal ou Tottenham qui possédant leur

Cours d’OL Groupe au départ d’Hatem Ben Arfa

stade, ont vu de nouveaux fonds arriver grâce au merchandising et les diverses activités qu’elles exploitent sur le site de leur nouveau stade. Entre janvier 2007 et janvier 2009, le CAC a perdu près de 50% de sa valeur, l’indice anglais 35% et l’indice italien plus de 50%, dans le même temps, le Dow Jones STOXX Football n’a perdu que 25% de la sienne. Le football est-il en passe de devenir le nouvel eldorado des investisseurs ? Marc Primot

Le même cours, après la défaite de l’OL, 3-0 face à Lens

La fin des dogmes libéraux ... quelle régulation ?

En cette période de marasme économique et boursier il est bon de prendre un peu de recul et d’adopter un regard critique sur les bouleversements qui sont en train de se produire. L’économie politique dominée depuis les années 1980 par les théories néolibérales est en passe de s’ouvrir à une plus large diversité et à d’autres discours en réponse à la « crise » qui s’est amorcée il y a de ça quelques mois. Force est de constater que derrière le pragmatisme économique invoqué de concert par les politiciens, les banques et les agents économiques se cache une remise en cause sévère des dogmes libéraux. La remise en cause de croyances libérales n’impliquant pas (loin de là) la fin du capitalisme mais plutôt une modification de son mode de fonctionnement et de régulation. Il importe de comprendre cette transformation (au moins partielle) afin d’évaluer son impact sur l’économie et

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le marché et de tenter de découvrir quel peut être le nouvel encadrement légal de la sphère financière.

Le libéralisme repose sur quelques postulats fondamentaux dont l’un des principaux est l’autorégulation du marché. Cette croyance découle de la pensée smithienne qui exposa dans son Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations sa théorie de la « main invisible » organisant de façon efficiente les intérêts purement personnels et les échanges, le tout aboutissant à une allocation optimale des ressources et à la maximisation de l’intérêt général. Léon Walras donna à cette intuition sa première expression formelle dans sa théorie de l’équilibre général, reprise par la suite par une partie de l’école néoclassique. La conséquence de ces travaux est que le marché est naturellement optimal et que toute ingérence

de l’Etat est à proscrire car elle ne ferait qu’entraîner des déséquilibres et empêcher l’efficience du jeu de l’offre et de la demande. Or, il est aujourd’hui forcé de constater que la politique du « laisser passer, laisser faire » initiée à partir des années 80 n’a pas été aussi efficiente que l’on pensait. Les Etats délaissent aujourd’hui les principes théoriques énoncés et dans un élan pragmatique se portent au secours du système financier avec le concourt plus ou moins prononcé des banques centrales. Après l’injection massive de capitaux au cours du début de l’année 2008, les Etats sont passés à la vitesse supérieure en nationalisant de fait plusieurs banques privées tel que la Northern Rock ou la banque franco-belge Dexia (nationalisation partielle à hauteur de 6,4 milliards d’euros). Plus récemment le « plan Paulson » a prévu le rachat des actifs « toxiques » (qualifiés


Creusons !

tel quel dans le monde) des banques au frais du contribuable américain. A ce propos il est judicieux de noter que la rémunération au mérite prônait par nombre de penseurs libéraux apparaît lourdement discrédité. Il est en effet légitime de récompenser les initiatives fructueuses et de se refuser à mutualiser les gains mais il serait utile de rappeler que l’autre pendant du raisonnement et de dénier toute mutualisation des pertes. Les gouvernements se sont parallèlement à leurs actions dans des diatribes sur les excès spéculatifs des agents économiques (de là à voir une référence à la pensée keynésienne et sa vive critique

contre la spéculation il n’y a qu’un pas) et se targuent d’instaurer une indispensable régulation du marché boursier. Toutefois, il est bon de rappeler que le marché est régi par des règles assez strictes dans plusieurs domaines mais sont elles les bonnes ? C’est certainement moins le fait d’une insuffisance quantitative de la régulation qui a entraîné la crise que le développement de techniques de titrisation aux effets en définitive fort mal maîtrisés. L’ingéniosité des montages financiers reposant sur des modèles mathématiques est louable en tant que construction intellectuelle mais elle est certainement trop déconnectée de la sphère économique

réelle pour être sûre et permettre un assainissement de la sphère financière. C’est donc vers ce type de produits que la régularisation doit à terme s’exercer.

C’est parti pour le club d’investissement Transac Edhec 2009 ! Notre but est de faire un maximum de profit tout en minimisant les risques. Notre stratégie est donc d’avoir un portefeuille diversifié. Nous croyons en un rebond du cours du baril de pétrole grâce à un hiver froid, des tensions géopolitiques au Moyen-Orient, en Russie, en Afrique et les menaces de Ben Laden. De même

nous avons fait un petit aller-retour spéculatif sur Bourbon (+7,5%), entreprise de construction de plateforme pétrolière offshore. Selon nos experts 2009 devrait être une année riche en épidémies. Avec les laboratoires Boiron nous profiterons des perspectives de croissance de l’industrie pharmaceutique. Enfin nous spéculons activement sur une hausse à court terme du Cac 40.

Pour cela un Lyxor ETF Leverage Cac 40 amplifiant par deux les variations du Cac 40 a été acheté. Enfin nous misons sur un rebond technique d’une entreprise immobilière(Orco) implantée dans les PECO dont l’analyse graphique a révélé un fort potentiel haussier à court terme.

Defeasance : Ce mot désigne une pratique employée par les entreprises qui consiste pour un emprunteur à céder simultanément de la dette et un portefeuille d’actifs sans risques (Bons du Trésors, obligations d’Etat…) à une société indépendante de cet emprunteur. C’est une technique comptable qui permet à l’entreprise qui emprunte de supporter en une seule fois le coût de l’opération ; on réunit dans une même structure un actif avec les passifs nécessaires à son autonomie. Downsizing : aussi appelé dégraissage en France, c’est un mot qui désigne un plan de restructuration d’une entreprise, accompagné de réductions d’effectifs et parfois de changement de direction. Cette technique a été reprochée aux Hedge Funds qui achetaient des entreprises, effectuaient un down-

La solution n’est donc pas une inflation légaliste visant à sur contrôler le marché mais dans une intervention mesurée des Etats en vue de faire appliquer les principes libéraux (transparence, prohibition des monopoles ...) et de sanctionner les agents qui les bafouent tout en les érigeant sans une gêne quelconque en dogmes inébranlables. Laurent Bonnard

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sizing et revendaient la même entreprise avec de fortes plus-values. Un schéma qui ne prend évidemment pas compte de l’avis des employés… Offre à Prix Ouvert (OPO) : C’est une technique d’introduction en bourse ; on met à disposition des titres financiers destinés aux particuliers, sur le marché, et on propose une fourchette de prix pour ces titres. Les investisseurs passent leurs ordres dans cette fourchette, et à la clôture de l’offre, on détermine le prix définitif par rapport aux ordres qui ont été passés. SRD : ou Service de Règlement Différé. C’est un système qui permet aux actionnaires de bénéficier de l’effet de levier et du règlement différé. Ce dernier est notamment utilisé pour contourner l’interdiction pesant sur certaines valeurs

Patrick Wattiau Marianne Antonicelli

d’effectuer du short-selling. Le principe est le même que pour le paiement par carte ; toutes les opérations (paiement des achats et encaissement des ventes) s’effectuent à la fin du mois boursier. Ce service n’est disponible que pour un nombre limité de valeurs. Les conditions d’éligibilité au SRD sont l’appartenance à l’indice SBF 120, une capitalisation supérieure à 1 milliard d’euros, et un volume quotidien de transaction supérieur à 1 million d’euros. Volatilité : La volatilité est une mesure mathématique de l’ampleur des variations des cours d’un actif financier. Elle permet ainsi de modéliser et de prévoir le risque lié à un titre ou un portefeuille. Elle est donnée par l’écart type des rentabilités d’un actif ou d’un portefeuille.

Le Délit d’initié - Page 7


« Les financiers sont toujours ceux qui foutent la merde et c’est ceux qui s’en sortent le plus vite » Noël Amenc, directeur de l’Edhec Risk and Asset Management Research Centre

Le Délit Quizz De quels films sont tirées ces images ?

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1. Boiler Room 2. American Psycho 3. Trader 4. Wall Street

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«Octobre est un mois particulièrement dangereux pour spéculer en bourse. Mais il y en a d’autres : juillet, janvier, septembre, avril, novembre, mai, mars, juin, décembre, août et février» Mark Twain Le délit d’inité, n°6 - Transac EDHEC Rédacteur en chef : Armand Boissier - PAO : Julien Peschard - Contact : Mathieu Ramadier


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