Université Libre de Bruxelles Faculté d’Architecture La Cambre-Horta Place Eugène Flagey 19, 1050 Ixelles
La permaculture appliquée à l’architecture : Outil et philosophie pour la résilience urbaine
Auteur : David Delangh Directrices du TFE: Isabelle Prignot Julie Neuwels Deuxième session, Septembre 2012
Deuxième année du grade de master en architecture
“ L’utopie ne signifie pas l’irréalisable, mais l’irréalisé... ” T. MONOD Ce mémoire de fin d’étude est le fruit du travail et des idées de bien des personnes, par ces quelques lignes, je voudrais les remercier. Premièrement, je voudrais remercier Julie Neuwels, ma co-directrice de mémoire, pour son aide et son engagement, tant pour les multiples corrections qui ont permis à de nombreux passages de trouver un peu plus d’harmonie, que pour les références qu’elle m’a apportées qui m’ont bien souvent inspirées. Je voudrais également remercier mon autre directrice de mémoire, Isabelle Prignot, pour les mêmes raisons mais également pour avoir repris la direction d’un travail déjà lancé et pour la direction qu’elle a su y apporter. Je voudrais remercier ensuite Fabienne Delcorps, permacultrice convaincue et formatrice en permaculture à la Ferme Cense équi’voc, ainsi que toute son équipe pédagogique qui m’ont initié à la permaculture et m’ont formé à son design lors de l’été 2011. Je voudrais les remercier plus particulièrement pour m’avoir permis d’intégrer que le travail en coopération permettait d’aller plus loin, que l’abondance n’est pas un gros mot quand elle est mise en œuvre avec respect pour l’Homme et la nature et qu’elle est partagée équitablement mais surtout qu’il existait d’autres alternatives viables et intelligentes au monde dans lequel nous évoluons. Je voudrais remercier également ma famille et mes proches pour m’avoir soutenu dans toutes mes démarches et plus particulièrement mes parents, qui depuis des années m’ont laissé la liberté intellectuelle de faire mes propres choix et mes propres expériences. Un grand merci à mon père pour ses corrections et pour enfin avoir compris ce qu’était la permaculture. Je voudrais enfin remercier tout particulièrement ma compagne et meilleure amie, Jessica, pour son aide et son soutien dans chaque étape de ce mémoire, pour m’avoir écouté et donné son avis à chaque fois que j’en ai eu besoin et surtout pour partager avec moi l’envie de vivre dans un monde différent, plus sain et plus simple.
TABLE DES MATIÈRES 6
0. INTRODUCTION
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1. LA RÉSILIENCE 1.1 La résilience 1.2 Un réel changement de paradigme 1.2.1 Produire et consommer différemment 1.2.2 Se réconcilier avec la Nature 1.2.3 Une vision sur trois axes
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2. LA PERMACULTURE 2.1 La permaculture 2.2 L’éthique permacole 2.3 Les principes 2.3.1 Les principes d’attitude & principes écologiques 2.3.2 Les principes de design 2.4 La méthode 2.5 La permaculture urbaine 2.5.1 La ville est-elle un écosystème ? La permaculture peut-elle s’appliquer à elle? 2.5.2 Les Initiatives de Transition ou la permaculture urbaine
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3. DES APPLICATIONS CONCRÈTES 3.1 Les sept domaines structurants 3.2 Habitat 3.2.1 Point de vue permacole 3.2.3 Les matériaux biosourcés 3.2.3 Zoom sur … le chanvre en construction 3.3 Outils & technologie 3.3.1 Point de vue permacole 3.3.2 Le vélo 3.3.3 Zoom sur … les cyclomessagers
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3.4 Culture & enseignement 3.4.1 Point de vue permacole 3.4.2 L’autoconstruction et l’autoformation 3.4.3 Zoom sur … Rural Studio 3.5 Finance & économie 3.5.1 Point de vue permacole 3.5.2 Les Biens Communs 3.5.3 Zoom sur … le « Air Tree Commons » 3.6 Foncier & gouvernance 3.6.1 Point de vue permacole 3.6.2 L’habitat groupé en autopromotion 3.6.3 Zoom sur … Tübingen, une ville en autopromotion 3.7 Soins à la nature et à la terre 3.7.1 Point de vue permacole 3.7.2 L’agriculture urbaine 3.7.3 Zoom sur … La ferme Nos Pilifs 3.8 Santé & bien-être
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4. CONCLUSIONS
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5. ANNEXES
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6. BIBLIOGRAPHIE
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7. RÉFÉRENCES IMAGES
CHAPITRE
« Nous vivons un période décisive ; une période où le changement s’accélère et où l’horreur de ce qui pourrait arriver si nous ne faisons rien et la splendeur de ce que nous pourrions accomplir si nous agissons peuvent l’un et l’autre nous intimider »1. C’est ainsi que Rob Hopkins commence son livre « Manuel de transition, de la dépendance au pétrole à la résilience locale ». Et tout comme lui, nous baserons ce mémoire sur un postulat simple : nous vivons les dernières heures d’un pétrole bon marché et cela affectera l’ensemble de nos modes de vie. De plus, le changement climatique, les crises des ressources naturelles et fossiles, et les crises socio-économiques ne sont que la cristallisation de dérèglements plus globaux qui accentuent le manque de stabilité de nos sociétés industrialisées. Celles-ci ont connu de grands bouleversements et on assiste, décennie après décennie, à un effondrement de leur résilience, cette « capacité […] à absorber un changement perturbant et à se réorganiser en intégrant ce changement, tout en conservant essentiellement la même fonction, la même structure, la même identité et les mêmes capacités de réaction »2. La ville, biotope principal de l’Homme, est composée d’une multitude de systèmes complexes fonctionnant en interaction les uns avec les autres : le transport, l’énergie ou l’alimentation n’en sont que quelques exemples. Aujourd’hui, cependant, ces systèmes laissent apparaître de plus en plus de problèmes ; la ville est devenue plus que jamais un système fragile, hyper dépendant des apports extérieurs, produisant énormément de déchet et de pollutions. C’est d’autant plus vrai quand on sait que la plupart des villes n’ont une autonomie alimentaire que de quelques jours3 ; c’est donc un enjeu plus que vital pour le milieu urbain que de retrouver cette résilience. Depuis les années septante, on voit émerger des courants de pensée qui peuvent nous aider à reconsidérer nos sociétés autrement. L’un d’entre eux est la permaculture, qui est une e 1 2
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HOPKINS R., Manuel de transition – de la dépendance au pétrole à la résilience locale, p.17 WALKER B., HOLLINGER C.S., CARPENTER S.R., KINZIG A., « Resilience, adaptability and transformability in Social-Ecological System », Ecology and Society, vol. 9, n.2, 2004, p.5 HOPKINS R., op. cit., p. 60 INTRODUCTION
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« science systémique qui a pour but la conception, la planification et la réalisation de sociétés humaines écologiquement soutenables, socialement équitables et économiquement viables. Elle se base sur une éthique, dont découlent des principes et des techniques permettant une intégration des activités humaines avec les écosystèmes » 1. Tentant d’introduire des modifications dans les écosystèmes étudiés pour les rendre les plus efficients et les plus autonomes possibles, elle s’adapte aujourd’hui à la ville grâce au mouvement des « Initiatives de transitions ». Cette vision nous permet, à une échelle plus locale, d’agir collectivement et de façon créative pour repenser la ville afin de retrouver cette résilience perdue. Après avoir exploré ce qu’est la résilience, pourquoi elle est importante et quels changements de paradigme doivent être effectués pour pouvoir y arriver, nous verrons en quoi la permaculture apporte une réponse différente au développement de nos sociétés mais également comment elle amène des pistes de réflexion pertinentes quand elle est appliquée à la ville. Enfin, nous analyserons sept aspects touchant au contexte culturel humain, auxquels la permaculture peut s’appliquer ; ceci nous permettant par des exemples concrets de comprendre un peu mieux sa philosophie et comment son utilisation comme outil, peut aider à retrouver la résilience urbaine.
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fr.wikipedia.org/wiki/Permaculture LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
CHAPITRE
1.1 LA RÉSILIENCE La résilience représente, selon R. Hopkins, « l’aptitude d’un système, de l’échelle des individus à celle d’économies entières, à maintenir son intégrité et à fonctionner sous l’impact de changements et de chocs provenant de l’extérieur »1. Il s’agit donc de la capacité d’un système à s’adapter pour continuer à subsister lorsqu’un problème survient. Ce concept ne se retrouve pas qu’en écologie où il s’agit de l’adaptabilité d’un écosystème et sa capacité à résister aux chocs. Il est également présent en physique, où elle représente la capacité d’un matériau à reprendre sa forme initiale, ou en psychologie où elle exprime la capacité d’un patient à surmonter un choc traumatique. Cette idée n’est pas nouvelle : la résilience est un concept sous-tendu qui régissait toutes les actions avant l’arrivée de l’ère du pétrole. Ainsi, la plupart des biens étaient produits localement, avec un minimum de déplacement. Par conséquent, lorsque survenait une crise ou que certaines denrées ne pouvaient être acheminées, les communautés étaient en mesure d’assurer leur survie parce qu’elles n’étaient pas dépendantes d’un système externe.Avec l’avènement du transport massif de marchandises et la globalisation, on a connu une délocalisation de plus en plus lointaine de cette économie rurale complexe et diversifiée ainsi qu’une perte des savoir-faire artisanaux et des techniques attachées au terroir. Dés lors a commencé à croitre notre dépendance aux différents systèmes qui sont parfois difficilement contrôlables et donc à diminuer la résilience construite par les générations passées. A l’échelle de la ville, la résilience revêt également un aspect important. Surtout avec sa forte dépendance aux éléments importés tels que l’énergie, la nourriture, etc. Les avantages d’une forte résilience urbaine seraient multiples : « -Si une partie est détruite, le choc ne se répercutera pas à l’ensemble ; -Il y aura une grande diversité de solutions créatives mises au point en fonction de circonstances locales ; 1
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HOPKINS R., Manuel de transition – de la dépendance au pétrole à la résilience locale, p. 12 LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
-Elle [la ville] pourra satisfaire ses besoins malgré une réduction importante des déplacements et des transports ; -Les infrastructures et les bureaucraties de l’économie en multiples paliers seront remplacées par des solutions alternatives adaptées aux besoins locaux à un coût nettement moindre »1. D’après R. Hopkins, il faudrait trois caractéristiques pour qu’un système puisse tendre vers la résilience : la diversité, la modularité et la rétroaction directe du système. La diversité, comprenez le nombre d’éléments composant un système, leurs connexions et leur échange de flux, est essentielle en termes de variabilité de celui-ci mais également d’un système à l’autre. De ce fait, ce qui fonctionne ici et maintenant ne fonctionnera peut-être pas ailleurs et en d’autres temps. Il faut donc l’adapter en tout lieu et en tout temps de façon locale et éviter d’appliquer une solution unique à répéter partout. La modularité, elle, est la capacité d’indépendance de chaque élément par rapport aux autres. Ainsi, quand un élément vient à être instable ou à disparaitre, les autres peuvent continuer à subsister. Enfin, les rétroactions directes «concernent la rapidité et l’intensité avec lesquelles les conséquences d’un changement à un endroit du système sont ressenties et prises en compte à un autre endroit » 2. Pour parvenir à un système résilient, il faut donc apprendre à composer avec ces trois éléments mais également à effectuer un changement de paradigme3. Comme l’explique Einstein, « le monde que nous avons créé est le résultat de notre niveau de réflexion, mais les problèmes qu’il engendre ne sauraient être résolus à ce même niveau»4.
Extrait HOPKINSR.,R.,Manuel Manuel de transition de la dépendance 1 Extrait de HOPKINS de transition – de la–dépendance au pétroleauà pétrole à la résilience locale, 61,Flemming, texte de Lean base : Logic, D Flemming, Lean Logic,of a la résilience locale, p. 61, texte de basep.: D a Dictionnary Dictionnary of Environmental Environmental Manners, 2007, inédit Manners, 2007, inédit 2 HOPKINS R., op. cit. p.61 3 « Appliquée originellement à la langue et à la science, le paradigme se définit comme le cadre de pensée à un moment donné dans lequel s’inscrit les réflexions d’une époque, d’une société, d’une science, etc. […] Il s’agit donc de la vision commune et cohérente d’un monde reposant sur une base définie et partagée. Un paradigme est amené à changer au cours du temps et à se confronter à d’autres paradigmes. » http://www.urbantactics.org/projectsf/lup/lup.html, LUP #22 4 PETERS T., WATERMAN R., Le Prix de l’excellence LA RÉSILIENCE
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La résilience est finalement un concept avec lequel il faudra compter dans l’avenir. Mis en avant dans un des points du sommet Rio+20 qui a eu lieu en juin 2012, c’est un pas de plus vers une société plus durable. Pour arriver à surmonter les différentes crises qui s’annoncent et tendre vers cette résilience, il nous faut compter sur d’autres valeurs : consommer différemment, tendre vers plus d’autonomie, avoir une meilleure relation avec la nature, produire plus localement...
1.2 UN RÉEL CHANGEMENT DE PARADIGME 1.2.1 Produire et consommer différemment « La pollution n’est plus un élément extérieur qui peut bien tuer l’autre du moment que cela procure une satisfaction immédiate de besoins souvent suggérés »1. Il faudrait arriver à une prise de conscience de la façon dont nous consommons, dont sont produits nos objets du quotidien et dont nous les jetons. La planète, l’éducation, la santé, la culture et toutes les activités humaines sont souvent maintenant assimilées à des marchandises. Tout s’achète, tout se vend, afin de retirer un maximum de profit ; le bien de la communauté n’étant qu’un sous-intérêt, prétexte à mieux vendre. Suite aux différents types de crises apparues pendant l’ère industrielle, il est logique de se poser des questions sur les travers de cette époque consommatrice de ressources et source de grandes pollutions. Le processus d’industrialisation a commencé en Angleterre au milieu du XVIIIème siècle dans le secteur du textile.A cette époque, et ce, depuis déjà bien des siècles, l’agriculture constituait l’activité principale pour l’Homme. Seuls quelques artisans travaillaient en atelier en plus de leur travail de la terre. En quelques dizaines d’années, grâce au progrès technique comme la machine à vapeur, la production de biens a commencé à croitre de façon exponentielle, les machines devenant plus rapides, plus efficaces, avec un meilleur rendement…
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LAPP K., L’Homme, la Nature et la ville, p. 132 LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
Au lieu de produire cent objets par mois, l’Homme a commencé à en produire cent par semaine et bientôt cent par jour. On assiste alors à une accélération de l’urbanisation des villes européennes, à une forte croissance démographique (plus de naissance et moins de mortalité) et à un exode rural important. Ainsi, au cours du XIXème siècle Londres passe de 900.000 à 4 millions d’habitants, Paris de 500.000 à 2,5 millions et Berlin de 190.000 à 3,4 millions1. La ville qui était auparavant un lieu où se concentraient marchands et artisans devient dès lors un lieu de production où commence à se concentrer population et pollutions. Ce processus d’industrialisation à cependant permis, entre autre, l’émergence d’une classe moyenne qui n’existait pas jusque là, offrant ainsi à un plus grand nombre de personnes le pouvoir d’achat réservé jusque là à une élite. Cela a permis à l’industrie de continuer à se développer et à évoluer, démocratisant un grand nombre de biens tout en offrant du travail à beaucoup de ruraux qui deviendront alors ouvriers. Dans les années 50-60, grâce à la publicité, le marketing déplace l’industrie du « besoin » vers un commerce basé sur la « pulsion », poussant de ce fait vers une surproduction d’objets inutiles. Les premières industries se sont construites sur le postulat d’un « capital ressource » en apparence infini : bois, métal, minerais, charbon, etc. L’industrie telle que nous la connaissons actuellement étant linéaire, elle produit du « prêt à jeter », ou plutôt du prêt à détruire. Ainsi, elle consomme de grandes quantités de matières premières brutes qui sont transformées, assemblées pour créer des objets complexes divers. De ce fait, le recyclage ou même le réemploi de ces objets est relativement limité, voir impossible. N’ayant été pensés que pour être utilisés une seule fois et pour une seule fonction, ils n’ont pas été conçus pour être démantelés. En architecture, nous retrouvons de nombreux exemples de ce type comme l’isolation en multicouche ou le béton armé qui devront être détruits après utilisation, produisant de grandes quantités de déchets. C’est un réel problème d’actualité, quand on sait que « les entreprises de construction sont responsable de 73,6% du total des déchets produits par l’ensemble du secteur marchand »2. Or il y a quelques 1 2
VAN CRIEKINGEN M., Géographie urbaine et aménagement du territoire, p.26 L’architecture d’aujourd’hui – Hors-série perspectives durables 2012, p.109 UN RÉEL CHANGEMENT DE PARADIGME
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décennies (siècles), toutes les constructions étaient réalisées avec des matériaux qui pouvaient être réutilisés tels que l’ardoise, le bois pour le chauffage ou la pierre… ; ou qui pouvaient être compostées comme la terre, la paille ou le chaume. L’industrie fonctionne aujourd’hui en circuit ouvert : production, utilisation, rejet, destruction. Or nous devons urgemment commencer à penser en termes de cycles et non plus de façon linéaire. Changer notre façon de concevoir chaque objet pour qu’après usage, chaque pièce puisse être démontée et recyclée soit pour être réutilisée, soit pour qu’elle se dégrade d’elle-même par décomposition. La société industrielle a changé certaines de nos habitudes ; « nous sommes tellement déformés par les habitudes industrielles que nous n’osons plus envisager le champ des possibles » 1 nous dit Illich. Nous produisons beaucoup moins de choses par nous même et pour nous même ; notre nourriture, nos vêtements, nos outils, tout dépend complètement du système. Ne faudrait-il pas néanmoins se poser des questions sur la façon dont est produit ce que nous consommons ? Tant sur les matériaux que sur le lieu de production ; sur la façon dont ils sont pensés (nombre d’objets dont l’obsolescence est déjà prévue lors de la fabrication) et la valeur que nous leur accordons (nos biens changeants aux grés de nos humeurs). Toutefois, aujourd’hui de plus en plus de personnes se lancent dans l’autoproduction, suivant le mouvement lancé dans les années, le « Do It Yourself ». C’est en quelque sorte l’utilisation du système D, de la débrouille et de la « récup’ » pour produire les objets du quotidien ou simplement des objets de décoration. Ce système permet de ne plus être aussi dépendant de la consommation de masse tout en réutilisant et recyclant des objets qui ne fonctionnent plus ou qui ne servent plus. D’autre part, la créativité se développe de plus en plus et ouvre ce « champ des possibles » dont nous parle Illich. En architecture, c’est le cas avec l’auto-construction : bien qu’elle reste minoritaire chez nous, elle est de plus en plus relayée dans les médias, et les architectes qui suivent ces projets en sont assez fiers…
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ILLICH I., La convivialité, p. 12 LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
L’autoproduction apporte nombre de points positifs tels que l’augmentation de la créativité, le plaisir de l’expérimentation, l’augmentation de son « empowerment »1 par gain d’autonomie, de confiance en soi et de satisfaction de travail accompli mais également par diminution du stress que peut exercer la société. De plus chaque objet étant unique, il raconte une histoire qui lui est propre. On retrouve donc ici des notions symboliques et psychologiques qui sont très fortes. Je finirai cette réflexion sur l’ère industrielle et la consommation de masse par une autre réflexion qu’Illich nous a apportée. Si l’ère industrielle touche finalement le monde occidental contemporain, « deux tiers de la population peuvent encore éviter de traverser l’âge industriel s’ils choisissent dés à présent un mode de production fondé sur un équilibre post-industriel »2. Il faudrait arriver à requestionner ce que représentent pour nous le travail ainsi que la notion de consommation, et prendre conscience des conséquences directes et indirectes qu’elles engendrent.
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L’empowerment ou la capacitisation est la faculté qu’a une personne à prendre du pouvoir sur sa vie. ILLICH I., La convivialité, p. 9 UN RÉEL CHANGEMENT DE PARADIGME
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1.2.2 Se réconcilier avec la Nature Après avoir été fantasmée et même mystifiée à une certaine époque, « l’opinion occidentale s’est mise à considérer la nature comme une chose dangereuse et brutale à civiliser et à soumettre »1 ; l’Homme a donc par conséquent, cherché à pouvoir la contrôler. Le progrès étant sensé nous amener la maitrise des moyens pour éviter que cette « force hostile » ne prenne le dessus. C’est ainsi que dans la plupart des domaines où l’Homme faisait avancer le progrès, le naturel a été désigné comme agent à combattre voire à abattre. L’agriculture étant le meilleur exemple avec l’insertion des pesticides et autres mots en « -cide », « l’industrie de la mort » a été conçue pour tuer le naturel ; de la plus petite échelle (antibiotiques) à la plus grande pour donner à l’Homme le contrôle absolu. De la sorte, la Nature est considérée comme extérieure à nous-mêmes, comme un objet dont on peut jouir et se servir à volonté et qu’il faut absolument contrôler. Petit à petit, nous avons eu tendance à oublier que nous faisions partie d’elle et que c’était elle qui nous maintenait en vie. De l’eau à l’air en passant par la terre ; des plantes qui purifient l’air à celles qui nous nourrissent ; des insectes qui diffusent les semences aux animaux qui produisent nourriture et fibres… Au fur et à mesure que la science nous éclaire sur les mécanismes de la nature, on comprend que nous ne pouvons pas agir contre elle et encore moins la combattre mais qu’au contraire, travailler avec elle nous est nécessaire et bénéfique… Si l’on parvenait à intégrer ce changement de perception envers la nature, nous changerions probablement le rapport que nous avons avec elle et elle ne serait plus un gisement à exploiter, un objet de commerce et de profit à tout prix. Il faudrait pour cela que l’Homme, « anthropocentrique », ne se considère plus comme le dernier maillon de la chaîne de la vie mais comme un des nombreux éléments qui la composent.
“Si nous prenons la Nature pour guide, nous ne nous égarerons jamais” CICÉRON
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MCDONOUGH W., Cradle to cradle, p. 47 LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
1.2.3 Une vision sur trois axes Bien souvent l’Homme fonctionne avec des œillères, il lui est difficile d’avoir une vision complète et complexe du monde qui l’entoure. Ainsi, il considère souvent chaque élément individuellement et se contente de réfléchir uniquement à son sujet d’étude: les économistes s’occupant de l’économie, les organismes sociaux du social, les climatologues des problèmes du climat, etc. Cependant, il faudrait arriver à adopter une vision plus holistique et systémique, plus adaptée à la complexité de nos systèmes, et créer inévitablement plus d’équipes interdisciplinaires pour obtenir une meilleure compréhension des problèmes ainsi qu’un maximum d’outils pour les régler. De cette manière, on acquerrait une vision plus horizontale ; c’est d’ailleurs un des points fort du métier d’architecte, chef d’orchestre de la construction. IL est en relation tant avec le maître d’ouvrage qu’avec l’ingénieur ou le maçon. Il a une vision complète de chaque élément de la construction mais également du projet et des différentes étapes qui le composent. Il conviendrait également de favoriser le niveau local, la proximité renforçant les liens internes des systèmes pour assurer leur résilience. Ce niveau permet d’obtenir une meilleure gestion du fait que les actions soient proches des personnes qui les vivent. Il faut cependant, parallèlement réfléchir avec une vision d’ensemble, pour avoir une ligne directrice globale et être toujours pertinent à toutes les échelles. Il est essentiel pour ce faire d’effectuer des allers-retours continus entre le local et le global, et donc d’avoir une vision verticale. Enfin, il faudrait également s’inspirer des techniques du passé car certaines méthodes et outils utilisés par nos ancêtres, délaissés, oubliés ou jugés obsolètes, peuvent apporter des solutions simples et efficaces. Ces méthodes comportaient beaucoup d’ingéniosité et de logique et bien souvent demandaient peu d’énergie pour le travail fourni. Aujourd’hui le pétrole à remplacé une partie de cette ingéniosité par une puissance moteur très énergivore... Le troisième axe qu’il faudrait mettre en place est donc également celui du temps, en cherchant dans le passé des éléments qui pourraient améliorer notre présent et notre futur.
UN RÉEL CHANGEMENT DE PARADIGME
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En travaillant ainsi à la fois de « haut en bas » (global/local), de « droite à gauche » (vision holistique) et « d’arrière en avant » (passé/ futur), cette vision « tri-axée » peut permettre d’obtenir une vision plus complète et nous aider à repenser le monde de demain. C’est un tournant unique que nous avons à présent la possibilité de prendre. En étant créatif, en rétablissant des systèmes plus autonomes et à l’échelle humaine, il est possible de renforcer les liens intracommunautaires et de minimiser les exclusions en tout genre. C’est dans ce sens que travaille la permaculture depuis près de trente ans. Radicale par rapport aux changements escomptés mais flexible par rapport aux moyens d’y parvenir, c’est une vision qui rassemble de nombreux points qui ont été évoqués.
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LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
CHAPITRE
2.1 LA PERMACULTURE Concept né en réaction aux dérives du capitalisme et de l’industrialisation, la permaculture est une méthode de conception qui prend la nature comme modèle pour créer des systèmes efficients. Tantôt méthode agricole, tantôt touchant à la culture humaine, elle est une boite à outils mais également une philosophie. Son éthique et ses principes en font une base solide pour repenser nos sociétés, les rendre plus durables et plus résilientes. Le concept de la permaculture a été imaginé en Tasmanie dans les années septante par Bill Mollison et l’un de ses étudiants, David Holmgren, en réaction aux problèmes de climat, de ressources, d’équité sociale, etc. Contraction des mots « culture » et « permanente », les deux fondateurs la définissent comme « un système intégré et évolutif d’espèces de plantes pérennes et d’animaux utiles à l’être humain » 1. Au sens premier, la permaculture est donc un procédé écologique de production d’aliments, « respectueux du paysage, qui se base sur les modèles existants dans la nature et qui vise à produire de la nourriture, de l’énergie et des matériaux en abondance afin de satisfaire les besoins au niveau local. »2. Ce système est réfléchi de manière à interconnecter les plantes, les animaux et les humains pour qu’ils soient le plus durable et le plus autosuffisant possible. Pour cela, les produits d’un élément sont pensés pour devenir la ressource d’un autre et pour que finalement, s’exerce une plus grande synergie, soit « action simultanée d’éléments indépendants qui, ensemble, ont un effet plus grand et bénéfique pour l’ensemble que s’ils étaient seuls. »3. Mais aujourd’hui, le concept a connu divers développements et la permaculture n’est plus une simple méthode de jardinage biologique ; elle aborde divers sujets tels que l’auto construction, la gestion de 1 2 3
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Extrait du magazine imagine – spécial transition p.17, texte de base dans Permaculture one, Bill Mollison et David Holmgren, 1978 www.nbcorp.be/fiches-techniques/permaculture/article/introduction-a-lapermaculture NATHIER F., Permaculture en climat tempéré, p. 7 LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
l’énergie et des déchets, les cycles de l’eau ou encore la santé. Ses fondateurs nous expliquent que « les humains, leurs habitats et leurs moyens d’organisation sont fondamentaux en permaculture. C’est pourquoi la vision d’une agriculture permanente (durable) a peu a peu évolué vers celle d’une culture permanente (durable) »1. Il s’agit donc d’une approche intellectuelle qui va toucher l’évolution des sociétés humaines en essayant d’intégrer au mieux l’Homme dans les écosystèmes. Elle préconise de réfléchir en terme de flux et d’échanges entre les éléments afin de solidifier les liens et donc la stabilité du système. Ses concepteurs n’ayant pas établi de schéma figé ou dogmatique dictant une façon de faire ou à quels sujets elle peut être appliquée, sa définition est finalement difficile à établir et en perpétuelle évolution. A contrario, la permaculture s’est construite autour d’une éthique et de principes, ce qui la place entre une boîte à outils et une philosophie de vie alternative. Elle utilise l’éthique comme guide, les principes comme structure et les méthodes comme outils, ceux-ci pouvant servir pour n’importe quel type de projet et à n’importe quelle échelle. « Elle est un processus local à visée globale, toujours en mouvement »2, trouvant sa cohérence dans le « faire » et permettant de recréer un lien avec son milieu.
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SERVIGNE P., Magazine imagine – spécial transition, p. 17 PEZRÈS E., La permaculture au sein de l’agriculture urbaine : Du jardin au projet de société , http://vertigo.revues.org/9941
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LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
2.2 L’ÉTHIQUE PERMACOLE L’éthique permacole1 est composée de trois piliers fondamentaux : - Le respect de la Terre et la connaissance de la Nature. - Le respect des personnes et la connaissance de l’Humain - La redistribution des surplus et l’autolimitation consciente. Lors de la conception d’un projet, on veillera à minimiser les nuisances et pollutions engendrées. Il va de soi que pour mettre en œuvre des écosystèmes, il faut de bonnes connaissances de la nature et des relations qui existent entres les éléments. Cette connaissance est souvent acquise par la pratique, l’expérimentation et un travail empirique, en conservant les succès et en les améliorant, et en écartant les échecs, pour essayer d’atteindre un maximum d’autonomie dans le système. La permaculture tend à créer des systèmes efficients2 pour l’agriculture en premier lieu mais le concept en s’élargissant, a mis en exergue l’importance de veiller aux divers besoins de l’Homme, garants de son bien-être. L’objectif n’est donc pas de laisser tomber l’industrialisation mais bien de repenser le système pour qu’il soit plus respectueux de l’environnement et plus juste pour l’Homme. Il s’agit de concevoir des systèmes efficients qui nécessiteront moins d’effort pour un même rendement, voire un rendement supérieur. L’autolimitation consciente prend racine dans le besoin d’une prise de conscience que la Terre possède un nombre de ressources limitées et existe donc dans un environnement fini. Nous nous devons, dés lors, de diminuer notre consommation, de redéfinir quels sont nos véritables besoins et de combien de ressources nous avons besoin pour les combler. La question de la pression démographique mondiale est également visée par cette question d’éthique bien que d’un permaculteur à l’autre les avis divergent. Certains pensent qu’en mettant en place partout 1 2
Adjectif ; qui touche à la permaculture ; permaculturel peut également être utilisé Efficace avec le moins d’effort, avec coût réduit ou une consommation minimum L’ÉTHIQUE PERMACOLE
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le fonctionnement en permaculture on pourrait arriver à nourrir 7 milliards de personnes et bien plus ; d’autres pensent que l’empreinte écologique de l’Homme est déjà bien trop grande, que le poids que notre espèce exerce sur le monde amène au déséquilibre et mènera à sa destruction1 et qu’il faudrait donc diminuer la population mondiale. 2.3 LES PRINCIPES Les principes qui composent la permaculture visent à aider le permaculteur lors de la conception et de la mise en place de son projet. On retrouve deux grands types de principes : les principes d’attitude et les principes écologiques qui représentent la philosophie du travail en permaculture, ainsi que les principes de design qui expliquent comment concevoir un système efficient.
2.3.1 Les principes d’attitude & principes écologiques 1. Le Feed-back La permaculture « s’écarte de l’analyse qui fabrique de la connaissance par la tentative de synthèse de la division, pour renouer avec une raison procédurale pratique s’appuyant sur la force de faire et valorisant la propension à relier de l’esprit humain »2. L’analyse, tant quantitative que qualitative, des résultats est primordiale ; ce qui importe c’est l’analyse des flux pour comprendre quelles interactions fonctionnent mieux et lesquelles ne fonctionnent pas, et ainsi réajuster constamment les cycles écologiques. L’échange et le partage d’informations sur les résultats des expériences pratiques permettent de surmonter et d’éviter les échecs tout en améliorant les réussites.
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Destruction de l’espèce humaine ; vu que la nature est résiliente, elle reprend toujours le dessus, même sous une forme différente. PEZRÈS E., La permaculture au sein de l’agriculture urbaine : Du jardin au projet de société , http://vertigo.revues.org/9941
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LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
Permandala: Mandala reprĂŠsentant la vision permacole
LES PRINCIPES
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2. Travailler avec la nature et non contre elle En travaillant en coopération avec la nature, celle-ci peut résoudre bien des problèmes. Pour ce faire, une bonne compréhension de son fonctionnement et de la créativité pour la mettre en œuvre sont dés lors nécessaire. 3. Travailler avec ce qui existe déjà Dans les différents biotopes, beaucoup de choses sont déjà en place ; cela ne sert donc à rien de tout réinventer. Avec une bonne observation du milieu, on peut comprendre quels sont les éléments influençant le système (topographie, ensoleillement, pluies, végétation, etc.). On peut donc utiliser ce qui nous convient et tenter d’améliorer ce qui peut l’être. Ensuite, seulement, si cela s’avère nécessaire, on pourra introduire de nouveaux éléments. 4. Le problème est la solution. Dans une vision classique des choses,un problème est un problème et la solution est de s’attaquer directement à celui-ci. Or, en permaculture, un problème est dû à un dérèglement au sein du système. De ce fait, le problème est représentatif d’un déséquilibre et la connaissance de la nature nous montre comment y remédier. Bill Mollison cite l’exemple d’un potager où il y a trop de limaces ; le problème n’est pas le fait qu’il y ai trop de limaces mais bien qu’il y a un « manque de canards ». On ne perçoit plus le problème comme un obstacle à surmonter mais bien comme une solution créative de changement vers l’équilibre. 5. Un minimum d’effort pour un maximum de bénéfice. Le permaculteur va essayer de mettre en place un maximum d’interconnections entre les éléments pour que le système soit un maximum autonome et se régule seul. Ainsi, un système bien conçu, permet qu’après quelques saisons, il n’y ait qu’à faire un travail de gestion, comme peut le faire un garde forestier dans une forêt. De même, un élément qui devra être utilisé souvent se trouvera plus près qu’un autre utilisé occasionnellement.
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LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
Tasse de thé industrielle
Tasse de thé permacole
LES PRINCIPES
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6. Ne produire aucun déchet En permaculture il est important de refermer les cycles qui peuvent l’être. Ainsi, il n’existe pas en réalité de déchet ; ceux-ci sont considérés comme des ressources non utilisées qui pourraient l’être au bénéfice d’autres éléments du système. Au lieu de jeter un déchet, on essayera donc de voir en quoi il pourrait être utilisé ailleurs. C’est une notion très importante pour la ville par exemple, vu que c’est un des écosystèmes qui produit le plus de déchets. 7. Autres principes : -Favoriser et valoriser la diversité -Utiliser des solutions lentes et petites -Penser local et de petite taille. -Intégrer plutôt que séparer -Utiliser et mettre en valeur les ressources et les services -renouvelables -Obtenir un rendement 2.3.2 Les principes de design 1. Emplacement relatif En permaculture, les différents éléments d’un projet sont placés de façon relative les uns par rapport aux autres; l’objectif étant de maximiser le nombre de relations bénéfiques entre eux. L’emplacement relatif tiendra donc également compte des influences externes telles que soleil, vent, pluies pour créer ces interrelations. 2. Chaque élément remplit plusieurs fonctions Il s’agit de favoriser l’introduction d’éléments pouvant apporter plusieurs fonctions, à l’image de l’arbre fruitier : il produit des fruits, du bois pour le chauffage, crée de l’ombre, contrôle l’érosion, c’est un habitat pour insectes, etc.
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LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
3. Chaque fonction importante est remplie par plusieurs éléments Pour assurer la stabilité du système, il est important de ne pas permettre qu’une fonction ne soit remplie que par un seul et même élément. En agriculture par exemple, on variera le type de culture pour assurer qu’en cas de problème il y aura quand même une récolte. La diversité des éléments étant d’autant plus importante que la fonction l’est. 4. Prévoir l’efficacité énergétique Il faut analyser les énergies qui influencent le système et organiser les éléments de la façon la plus efficace possible. Il faut également positionner les éléments du système en fonction de la fréquence de soins et de l’attention nécessaire. Par exemple, des poules auront besoin d’un soin journalier et seront donc proche de la maison alors qu’un étang ou une ruche en auront moins besoin et pourront être placés plus loin. 5. Autres principes : Capter et stocker l’énergie Aller du général au spécifique Utiliser des ressources naturelles Valoriser et utiliser les lisières
LES PRINCIPES
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Jardin imaginé en permaculture : L’utilisation des relations bénéfiques entre plantes crée des jardins denses et abondants.
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LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
2.4 LA MÉTHODE La méthode utilisée par les permaculteurs est celle du design, très proche finalement de celle que l’architecte utilise pour concevoir un projet. Un de ces outils de cette méthode est l’OBREDIM, acronyme désignant : Observation Bordure Ressource Évaluation Design Implémentation Maintenance. Cette méthode est principalement utilisée pour des petits projets tels que la création d’un potager ou d’une habitation mais elle peut être adaptée à des projets plus grands. La première étape est donc l’observation. Il est préconisé d’observer le terrain étudié pendant une période d’un an en prenant soin de noter tous les changements qui surviennent. Cette période permettra à l’observateur de voir évoluer le lieu sur les quatre saisons de l’année et ainsi mieux le comprendre ; cependant, vu le temps d’attente, cette étape est difficile à imaginer pour un projet d’architecture. L’observateur notera également tout ce qui concerne la topographie du terrain, la faune et la flore, le climat, les types de sol, les données sociologiques (gens du voisinage, présence de commerce, etc.) et le type de zone (forêt, prairie, ...). Le concepteur fera également une analyse précise de ce qui se trouve en périphérie du terrain (végétation, mur, …), les limites du projet (matérielles ou non, cela inclus le budget ou les règlementations), ainsi que ses ressources (apports pour le projet : eau, vent, soleil, temps, finances, technologies, savoir-faire, personnes,…). Vient ensuite le temps de l’évaluation qui comprend la synthèse des trois points précédents pour avoir une vision globale du projet. On définira également les besoins en énergie, les entrants et les sortants, et ensuite on réalisera les plans du lieu sur lesquels on disposera tous les éléments de la synthèse. L’étape suivante est le design, la création du projet sans perdre de vue les principes et l’éthique de la permaculture. On réfléchit aussi à la manière dont on va le réaliser, avec quoi et quand. Le phasage est bien sûr une donnée importante (tout comme en architecture). Et enfin la réalisation du design. Au final, on procédera à une ré-analyse constante du projet qui sera modifié en fonction des résultats pour tendre vers l’autonomie et une durabilité future.
LA MÉTHODE
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“Les villes devraient être l’expression des gens qu’elles abritent, des contacts directs, de la concentration du ferment de l’activité humaine, de la création et des structures R. ROGERS locales” 2.5 LA PERMACULTURE URBAINE La permaculture essaye donc de recréer des écosystèmes les plus naturels et les plus ouverts possibles. Un système ouvert « utilise l’énergie solaire pour fabriquer sa matière première à partir de la photosynthèse […]. Deux processus régulent son métabolisme : l’écoulement du flux d’énergie externe qui la traverse, d’une part, le recyclage de la matière interne circulant entre ses divers éléments d’autre part. Ces mécanismes ne peuvent s’exercer harmonieusement que lorsqu’un certain ordre se maintient que l’on qualifie, sans trop l’expliquer, d’équilibre »1. 2.5.1 La ville est-elle un écosystème ? La permaculture peutelle s’appliquer à elle? Un écosystème est « un système biologique qui incorpore une communauté vivante à son environnement »2. Cette communauté vivante est elle-même constituée d’un ensemble d’éléments : des producteurs (les plantes vertes), des consommateurs (les animaux, les Hommes) et des décomposeurs (les bactéries, les champignons) qui forment une chaîne trophique « mangeur-mangé ». La ville est bien différente d’un écosystème naturel ouvert, comme la forêt par exemple, mais en constitue tout de même un : il sera qualifié d’« artificiel ».
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L’écosystème urbain, application à l’agglomération bruxelloise. Colloque international organisé par l’agglomération de bruxelles 14 et 15 septembre 1974 p. 35 L’écosystème urbain, application à l’agglomération bruxelloise. Colloque international organisé par l’agglomération de bruxelles 14 et 15 septembre 1974 p. 16 LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
Tout comme la forêt … … la ville reçoit une quantité d’énergie solaire1 mais au lieu de la capter et de l’utiliser, elle importe son énergie2 des ressources fossiles provenant de plusieurs milliers de kilomètres. … la ville reçoit une quantité d’eau3 mais de par l’imperméabilité des sols urbains, la moitié est directement évacuée avec les eaux usées tandis que l’autre moitié s’évapore sous l’effet de la chaleur ou de l’évapotranspiration des plantes. Elle est donc obligée d’importer son eau4 de l’extérieur via des sociétés de distribution et des canalisations. … la ville possède un sol-substrat mais il est en grande partie bétonné. Au lieu de stocker l’énergie solaire en la transformant en plantes, elle se transforme en chaleur, surchauffant les villes en créant des îlots de chaleur urbains. … la ville possède des communautés d’êtres vivants mais, en lieu et place d’une diversité d’espèces, l’Homme occupe une place prédominante sur le reste5. Les autres espèces étant « parquées » dans des zones bien définies. … la ville nourrit ses communautés mais est obligée pour ce faire d’importer toute l’alimentation6. … la ville produit des déchets7 mais, au lieu de les recycler sur place en les dégradants grâce aux décomposeurs, la ville exporte ses déchets, parfois à des milliers de kilomètres. Restes alimentaires non consommés, containers divers, excréments, eaux usées, etc. sont soit incinérés, soit exportés, le recyclage sur place ne concernant finalement qu’une infime partie des déchets. 1 2 3 4 5 6 7
58x1012 kcal . Duvigneaud 1970 30x1012 kcal. Duvigneaud 1970 113x106 tonnes. Duvigneaud 1970 61x106 tonnes, dont 57 finiront dans les égouts. Duvigneaud 1970 Avec les rats, les cafards et autres espèces qui sont attirées par le mode de vie urbain. 450 x103 tonnes. Duvigneaud 1970 277x103 tonnes dont 237 pour les immondices et 40 pour les égouts. Duvigneaud 1970 LA PERMACULTURE URBAINE
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Écosystème de Bruxelles 1970
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LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
La différence principale entre la ville, écosystème artificiel, et la nature, écosystème naturel, est finalement son rapport import/ export. La nature essaye de perdre le moins possible d’énergie en la transformant et la retransformant, alors que la ville privilégie l’importation/l’exportation massive. Elle est donc très consommatrice, polluante et absolument pas autonome ; de plus l’exode vers les villes est de plus en plus important de par le monde1 et donc, les besoins, les pollutions et les nuisances vont en augmentant. La permaculture, tant dans sa philosophie que comme boite à outil, apparaît dès lors comme une solution pertinente pour tendre vers la résilience urbaine. Ne faisant pas tabula rasa de ce qui existe, elle peut permettre d’analyser le fonctionnement urbain, comment se font les flux, les modifier et y ajouter ce qui peut l’être. Elle développe une vision systémique et considère toute chose comme un système ; soit « une totalité organisée, faites d’éléments solidaires ne pouvant être définis que les uns par rapports aux autres en fonction de leur place dans cette totalité »2. Elle opère sur l’interaction plus ou moins complexe entre éléments, dans une vision globale avec une organisation particulière. Là où la logique cartésienne nous pousse à tout simplifier, compartimenter et à écarter l’inconnu, il nous faut admettre que tout système est complexe et comprend des inconnues. Le fait de les écarter ne nous permettant pas de l’appréhender dans son ensemble. C’est dans cette logique que sont nées les « Initiatives deTransitions » ou « Transition Towns ». Application même de la permaculture à l’écosystème urbain, ce jeune mouvement, principalement citoyen, tente d’amener les villes vers un avenir postindustriel, en augmentant leur résilience, et ainsi réduire au maximum leur dépendance au pétrole.
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Aujourd’hui plus de cinquante pourcents de la population mondiale est urbaine.
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DURAND D., La systémique, p.7 LA PERMACULTURE URBAINE
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2.5.2 Les Initiatives de Transition ou la permaculture urbaine Nées en 2006 des recherches d’un professeur en permaculture (Rob Hopkins), les initiatives de transition sont un mouvement qui vise à faire passer notre société de la dépendance au pétrole à la résilience locale en recréant des liens, des réseaux, et en créant un P.A.D.E1 (voir Annexe). L’objectif de ces initiatives est non seulement d’imaginer la société postindustrielle mais surtout de la matérialiser par des actes concrets. Il s’agit donc ici de créer l’ère de « transition » qui nous permettra peut être d’arriver dans quelques années à recréer la résilience que nous avons perdue. Ce mouvement, né à Totnes2, a depuis six ans et de part le monde conquis plus de 880 villes et villages officiellement reconnus par le réseau des initiatives de transition3… Originellement appelé « Ville en transition », ce nom a rapidement été considéré comme trop restrictif car c’est toute la société qui se met petit à petit « en transition » ; non seulement des villes mais également des villages, des campagnes, des hameaux, des îles, … Les Initiatives de transition sont fondées sur quatre prémices : « - Nous ne pourrons éviter de vivre en consommant beaucoup moins d’énergie. Il vaut mieux s’y préparer que d’être pris par surprise. - Nos établissements humains et nos communautés manquent de la résilience nécessaire pour survivre aux importants chocs énergétiques qui accompagneront le pic pétrolier4. - Nous devons agir collectivement et nous devons le faire maintenant. 1 2 3 4
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Plan d’Action de Descente Energétique Première ville à avoir commencé sa transition, dans le sud-ouest de l’Angle terre Réseau visible sur le site http://www.transitionnetwork.org/ Moment où la moitié des reserves mondiales de pétrole auront été consommés et que le prix commencera à devenir prohibitif. LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
- En stimulant le génie collectif de notre entourage pour concevoir en avance et avec créativité notre descente énergétique, nous pouvons construire des modes de vie plus interreliés, plus enrichissants et qui reconnaissent les limites biologiques de notre planète. »1 Nous ne pouvons aller de l’avant sans avoir une vision plus ou moins claire de là vers où nous allons. Ainsi, le fait d’avoir une vision nous permet d’atteindre plus facilement cet objectif. L’atout du mouvement de transition à cet égard est sa vision positive et son rêve d’un avenir résilient et plus sobre. « Un avenir plus pauvre en pétrole pourrait, si l’on y consacre à l’avance assez de réflexion et d’imagination, être préférable à notre présent. Un futur plus sobre en énergie et plus résilient ne signifie pas forcément de jouir d’une qualité de vie inférieur à celle du présent. Au contraire, un avenir où l’économie locale serait revitalisée, posséderait bien des avantages par rapport au présent, entre autre, une population plus heureuse et moins stressée, un environnement amélioré et une stabilité accrue »2. Les initiatives de transition étant issues de la permaculture, elles ont adoptés son approche holistique du travail en équipes interdisciplinaires et du dialogue entre les différents acteurs à tous les niveaux. Ainsi, la transition permet de rassembler tant des acteurs politiques que des citoyens, des personnes âgées et des jeunes avec ou sans enfants, des chômeurs avec des dirigeants de grandes entreprises, ... On peut de cette façon écouter les points de vue de chacun mais surtout maximiser les idées et faire agir en synergie « l’intelligence collective ». Il est essentiel d’informer les citoyens des dangers auxquels nous aurons à faire face, non pas dans un objectif moralisateur mais pour une prise de conscience de l’urgence dans laquelle nous évoluons. En expliquant le concept de la transition et la vision positive, chaque citoyen est interpellé et appelé à trouver des solutions qui lui correspondent sans se sentir coupable. Très souvent, les experts exposent les problèmes climatiques ou environnementaux en donnant soit des petites solutions qui ne changent pas réellement le problème, soit inaccessibles pour le citoyen 1 2
HOPKINS R., Manuel de transition – de la dépendance au pétrole à la résilience locale, p. 133 HOPKINS R., op. cit., pp. 133-134 TITRE DU CHAPITRE
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car situées dans des sphères nationales et internationales. Les initiatives de transition proposent justement de revenir à une échelle d’entre deux, celle de la communauté ; en proposant des projets accessibles pour des citoyens engagés tels que la création de jardins communautaires, la mise en réseau de système de partage et d’échange, etc. Du fait que chaque initiative est pensée et agit au niveau local, il n’y a pas de solution unique à reproduire. Chaque initiative de transition, comme chaque projet en permaculture, s’adapte au milieu au sein duquel elle se situe. La situation géographique, les réseaux déjà existants, la démographie, le type de population, etc. sont tout autant de variables qui modifient chaque projet. Il y aura donc normalement autant d’initiatives de transition qu’il y en aura de créés. Les principes et l’éthique de la permaculture adaptés à une échelle plus grande, comme celle de la ville, nous montrent donc une voie différente de développement. Plus proche du citoyen et simple à comprendre, elle permet de recréer un réseau solide de personnes qui peuvent commencer à évoluer en communauté, partager leurs expériences, leurs réussites et leurs échecs. Ces communautés étant en perpétuelle évolution, elles ont pour but de retisser la résilience et une cohérence dans leur milieu, et aspirent à diminuer l’impact de nos sociétés sur la planète. La créativité et l’optimisme sont finalement nos deux meilleures armes dans cette lutte vers la société postindustrielle.
“ Le message essentiel à retenir ici est que l’avenir avec moins de pétrole pourrait être meilleur que le présent, mais seulement si nous nous mettons à concevoir cette transition avec suffisamment de créativité et d’imagination... ” R. HOPKINS
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LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
En quoi l’approche de transition diffère-t-elle de celle des groupes environnementaux ? (extrait du Manuel de Transition, p. 133) APPROCHE ENVIRONNEMENTALE
L’APPROCHE DE TRANSITION
CONVENTIONNELLE
Comportement individuel
Comportement collectif
Une seule cause à la fois
Holistique
Moyens : lobbying, militantisme et manifestation
Moyens : participation de la population, éco-psychologie, arts, culture et formation créative
Développement durable
Résilience et relocalisation
Motivée par la peur, la culpabilité et le risque d’un choc
Motivée par l’espoir, l’optimisme et l’action préventive
Changement des politiques nationales et internationales par des pressions
Changement des politiques nationales et internationales en rendant les mesures rentables électoralement
a Les gens ordinaires sont la source du problème
Les gens ordinaire sont la solution
Campagnes médiatiques grand public
Interventions ciblées Niveaux d’implications diversifiés
Un seul mode d’implication Prescriptive : recommande les solutions et les façons de faire
Rôle catalyseur : aucune solution toute faite
Mesure de l’empreinte écologique
Mesure de l’empreinte écologique et indicateurs de résilience
Foi dans la possibilité de croissance économique mais plus « verte »
Préparation d’une renaissance écologique mais locale.
LA PERMACULTURE URBAINE
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CONCRETES
CHAPITRE
3.1 LES SEPT DOMAINES STRUCTURANTS La permaculture contemporaine ne se limite pas un simple système agricole ca elle considère également le contexte culturel de l’Homme. David Holmgren, l’un de ses fondateurs, a ainsi classifié nos contextes culturels en sept domaines qui structurent nos sociétés.
SANTÉ &
HABITAT
BIEN-ÊTRE
FONCIER & GOUVERNANCE
OUTIL & ÉTHIQUE
TECHNOLOGIE
PRINCIPES
FINANCE & ÉCONOMIE
CULTURE & ENSEIGNEMENT
SOINS À LA NATURE ET À LA TERRE
Fleur d’Holmgren Chaque projet mis en place en permaculture, en partant de son éthique et de ses principes, est censé progresser en abordant chacun de ces domaines, symbolisant ainsi une vision holistique. Lors de la conception d’une maison par exemple, il ne suffit pas de penser au domaine « Habitat » mais bien de penser le projet dans une globalité. C’est à travers cette approche que nous allons développer des réflexions visant à rapprocher la permaculture, l’architecture, l’urbanisme et l’urbain. Ces réflexions sont structurées à partir de ces sept domaines. Pour chacun desquels nous tenterons de dégager l’essence même de la permaculture et de démontrer comment elle peut constituer un outil de résilience transposable au système urbain.
LES SEPT DOMAINES STRUCTURANTS
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“Tout produit industriel dont la consommation par habitant dépasse un niveau donné exerce un monopol radical sur la satisfaction d’un I. ILLICH besoin”
3.2 HABITAT 3.2.1 Point de vue permacole Par rapport à l’habitat, la permaculture n’apporte pas de concepts innovant en soi car la méthode de conception qu’elle met en œuvre utilise des principes déjà utilisés dans les conceptions bioclimatiques et vernaculaires. On y retrouve ainsi l’usage de ressources renouvelables, de « l’emplacement relatif », de principes physiques de base, la recherche de la meilleur intégration possible eu égard au paysage et son environnement, etc. Les enjeux futurs de l’habitat sont cependant liés à deux choses : le cycle de vie du bâtiment et l’énergie qu’il consomme pendant ce cycle de vie. Face aux problèmes énergétiques auxquels nous aurons à afronter dans un avenir proche, la question des matériaux de constructions utilisés en architecture constitue une problématique importante. Le choix des matériaux pouvant, soit limiter l’impact de la construction sur son environnement, soit l’augmenter. Il s’agit aujourd’hui d’avoir une vision plus globale de la construction et non plus seulement de se limiter à la consommation d’énergie lors de son utilisation. Il faudrait intégrer un ensemble de nouvelles problématiques : l’énergie grise consommée par les matériaux, l’impact qu’ils ont sur l’environnement et sur la santé des habitants et des artisans, la gestion en fin de vie et le recyclage du matériau, le développement social et local équitable, la valorisation des métiers artisanaux liés aux différentes filières, etc.
HABITAT
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3.2.3 Les matériaux biosourcés Les matériaux biosourcés sont des matériaux issus d’une production animale ou végétale. Leur utilisation dans le milieu de la construction n’est pas nouvelle, ils étaient déjà utilisés plusieurs siècles auparavant dans nos régions et sont encore utilisés de par le monde dans de nombreuses constructions. Terre, paille, chanvre, laine, etc. sont autant de matériaux « oubliés » qui reviennent à l’avant plan grâce à l’augmentation d’une conscience du développement durable, aux différentes crises liées à l’énergie et au respect qu’ils ont pour l’environnement. Ainsi, ils constitueront des matériaux bien moins polluants, dans un domaine souvent pointé du doigt comme source de forte pollution ; ce qui devrait soulager un peu l’impact que nous avons, entre autre, sur la biodiversité. L’énergie est l’un des grands enjeux lié à la construction. L’énergie grise, appelée aussi énergie incorporée, représente « la somme des consommations énergétiques requises tout au long du cycle de leur vie pour extraire, broyer, cuire, transporter, conditionner, diffuser, mettre en œuvre, mettre en décharge, réemployer ou recycler en fin de vie les matériaux nécessaires à la réalisation d’un projet »1. Elle ne représenterait aujourd’hui que 10% de la consommation énergétique d’un bâtiment2, le reste étant lié à l’usage quotidien en chauffage, électricité, etc. Cependant, avec l’augmentation des exigences en matière énergétique dans le bâtiment3, les consommations énergétiques devraient considérablement diminuer dans les années à venir, l’énergie grise prendra dès lors une plus grande part dans le bilan énergétique global. Elle représente de ce fait, un enjeu pour les constructions à venir, les moyens pour réduire cette énergie grise étant multiples et dépendant du moment auquel elle est dépensée.
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MARCOM A., Construire en terre-paille, p. 28 L’architecture d’aujourd’hui – Hors-série perspectives durables 2012, p.90 La « basse énergie » et le passif étant devenue des objectifs dans les politiques publiques
LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
A l’instar des autres marchés, celui des matériaux de construction est actuellement structuré sur des « filières longues »1. Un des objectifs des matériaux biosourcés est donc également de relocaliser la production afin de revenir à des circuits courts et locaux et d’éviter un transport trop long. Un des meilleurs exemples est bien sûr celui des constructions en terre qui peuvent être construites, si le matériau trouvé sur place est propice, avec les terres de déblais de cette même construction. De plus, les matériaux sont souvent mieux adaptés au climat dans lequel ils sont utilisés ; il y aura donc moins de problèmes liés à l’acidité des pluies ou aux autres pollutions. On peut regretter ainsi en Belgique, l’utilisation de plus en plus rependue de l’Asian Blue, « pierre bleue »2 asiatique qui réagit assez mal sur le long terme à notre climat, alors que l’on produit de la pierre bleue de qualité dans le Hainaut, à moins de 60km de Bruxelles. Certes, le prix de la pierre asiatique est moins élevé mais son transport étant plus de 100 fois plus long, il produit donc plus de 100 fois plus de CO2 et consomme autant de fois plus d’énergie pour le transport. La question du CO2 est également une problématique importante à laquelle les matériaux biosourcés peuvent parfois apporter des solutions, certains de ces matériaux étant de véritables puits de carbone. Ainsi, un arbre peut capter de grandes quantités de CO2 3 lors de sa croissance via l’air qu’il respire et stocker4 alors le carbone dans sa biomasse. Favorisées par la globalisation qui bénéficie, en partie, d’une main d’œuvre moins chère et de grandes quantités de matières premières dans des pays un contrôle rigoureux sur leurs ressources naturelles pays ayantayant un contrôle moinsmoins rigoureux sur leurs ressources naturelles et et de moins bonnes structures de moins bonnes structures sociales sociales 2 L’Asian Blue ne peut en réalité pas être appelée pierre bleue n’ayant pas mêmes propriétés qui provient de Belgique. est les mêmeslespropriétés chimiqueschimiques que celleque qui celle provient de Belgique. Elle est Elle en fait composée de 70% dolomite, que pierre bleue du Hainaut composéeen defait 70% de dolomite, alorsdeque la pierrealors bleue dulaHainaut est composée de est composée demême 86% de calcite. Elles même ce ne 86% de calcite. Elles ont la apparence mais ont ce nela sont pasapparence les mêmesmais pierres, la sont pas les mêmes la belge première résistant moinsetc), bienàau climatoubelge première résistant moins bien pierres, au climat (acidité des pluies, l’usure aux (acidité des pluies, etc), à l’usure ou aux taches. taches. Source : http://www.lalibre.be/index.php?view=article&art_id=388809 Source : http://www.lalibre.be/index.php?view=article&art_id=388809 3 « Selon MacPherson, les arbres de la ville de Sacramento emmagasinent 172 tonnes de CO² par hectare en moyenne, contre 52 t/ha à Chicago et 40 t/ha à Oakland en 1998. À titre de comparaison, la forêt sauvage capte 202 t/ha et la forêt urbaine 100 t/ha (Rowntree et Novak, 1991). » Source : www.vrm.ca/documents/rapport-puits.pdf, p. 16 4 « À Chicago, Novak enregistre une séquestration de 16kg/an [NDLR : séquestration par arbre] pour les arbres de 8 à 15 cm de diamètre, et 340 kg/ 1
HABITAT
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Quand l’arbre est coupé et utilisé comme matériau de construction, le CO2 qu’il a stocké est conservé pendant tout le cycle de vie du bâtiment. Certaines constructions réalisées à l’aide de matériaux biosourcés locaux peuvent avoir, de ce fait, un bilan carbone négatif, stockant plus de CO2 qu’elles n’en ont consommé pour être construites. Alain Marcom1 a ainsi analysé une construction réalisée en béton cellulaire pour une partie enterrée et en structure bois, remplissage en terre paille avec enduit extérieur pour le reste. Il a comparé ses résultats avec des maisons ayant les mêmes caractéristiques (volume, emprise au sol, etc.) ; l’une réalisée de manière plus « conventionnelle » (murs en parpaings plus isolation), l’autre correspondant aux critères de la « construction verte » (Monomur en terre cuite). Pour les émissions de gaz à effet de serre, il a obtenu des résultats assez surprenants : la construction en terre paille obtient un bilan carbone négatif de 9 Tonnes Equivalent CO2 (Teq CO2), ce qui signifie que cette construction stocke une grande quantité de carbone ; la construction « conventionnelle » obtient un bilan carbone positif de 22 Teq CO2,elle produit donc plus du double de CO2 stocké par la première. Enfin, la construction produite par l’industrie « verte » produit 34 Teq CO2, soit 43 Teq CO2 de plus que la construction terre paille. Cette différence s’explique par le fait que la fabrication des monomurs en terre cuite demande une énergie incorporée considérable, dégageant 21 Teq CO2 tandis que la maison en terre paille est construite en grande partie en matériaux végétaux légers produits localement2. Un avantage des matériaux biosourcés réside ainsi dans le fait qu’ils n’ont pas nécessairement besoin d’industrie lourde ni de subir de transformations utilisant de grandes quantités de chaleur lors de leur fabrication3 . Ces matériaux seront la plupart du temps compressés, liés ou transformés pour en faire des briques, des ballots, des panneaux
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an pour les arbres de plus de 76 cm. Le calcul moyen de la séquestration de l’arbre varie 1 kg/an à 93 kg/an selon la taille de l’arbre (Novak, 1994b) » Source : www.vrm.ca/documents/rapport-puits.pdf, p. 16 Spécialiste de la construction en terre-paille qui à écrit un ouvrage de référence à ce sujet. Pour tous les chiffres susmentionnés: MARCOM A., Construire en terrepaille, pp. 37 et 39 Or cette étape augmente considérablement le besoin en énergie et donc l’émission de gaz à effet de serre LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
ou des rouleaux à déployer, etc., utilisant de ce fait assez peu d’énergie. De plus, tous les matériaux provenant des végétaux ou des animaux sont issus de ressources renouvelables, intéressant en comparaison aux matériaux synthétiques provenant de ressources fossiles. Il faut cependant veiller à ce que les ressources aient le temps de pouvoir se régénérer et qu’elles n’épuisent pas les sols dans lesquelles elles croissent. Ce type de gestion est encadré par divers instruments tels que des labels type FSC. De plus, il faut également intégrer la fin de vie des matériaux dès la conception du bâtiment, ainsi les matériaux biosourcés doivent pouvoir être recyclés, réutilisés voire compostés. Leur mise en œuvre sera donc essentielle en termes de démontagerecyclage futurs. À l’inverse, certain matériaux peuvent être conçu grâce à des matériaux recyclés. C’est le cas par exemple de l’isolant « Métisse » 1 fabriqué à base de vêtements en coton ne pouvant plus être revendus. La santé constitue un autre aspect essentiel. Nombreux sont ceux qui, après des années d’utilisation, se révèlent dangereux et nocifs pour la santé, à l’image de l’amiante. Les matériaux biosourcés doivent en tenir compte et éviter toute émission de Composés Organiques Volatiles (COV), de gaz toxiques, de substances cancérigènes ou allergisantes, pendant tout le temps d’utilisation du bâtiment mais également lors du recyclage. Provenant de sources locales, les matériaux biosourcés favoriseront une résilience sociale ainsi que la réintroduction de savoir-faire plus artisanaux à forte valeur culturelle, et la création et le maintien d’emplois et de mains d’œuvre non délocalisables. Pour chaque technique, on retrouvera donc un ensemble de corps de métier formés et spécialisés. L’utilisation de ces matériaux induit cependant un surcoût par rapport à la construction conventionnelle. Bien que les matériaux ne soient pas spécialement plus chers à la base, leur mise en œuvre nécessite soit plus de main d’œuvre (en quantité ou en temps de travail), soit une main d’œuvre qualifiée assez rare chez nous. Ces matériaux sont donc actuellement financièrement peu concurrentiels, 1
http://www.lerelais.org
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tant que le prix de l’énergie sera aussi bas1 et que ne sera pas considéré le coût environnemental global. Cependant, il est possible de réduire les coûts de construction en faisant appel à des chantiers participatifs2 ou en réalisant certaines parties en autoconstruction. Les matériaux biosourcés se heurtent à d’autres difficultés. On peut ainsi évoquer le manque de main d’œuvre qualifiée disponible en suffisance. Les filières d’approvisionnement de ces matériaux sont également parfois instables et peu structurées en comparaison avec les autres filières du bâtiment, les artisans ne peuvent pas toujours compter sur un arrivage régulier en quantité ou en qualité. Enfin, certains matériaux biosourcés ne permettent pas de répondre à certaines réglementations en vigueur (résistance au feu, isolation, etc.) qui nécessitent des garanties parfois difficiles à obtenir étant donné les variations que connaissent certains délivrables (terre, paille, etc.). Bien sûr, les matériaux de construction ne pourront pas toujours être à la fois locaux, naturels, bons pour la santé et stockant du CO2. Il faudra faire au mieux pour trouver un équilibre et parfois se passer d’éléments très écologiques pour diminuer le besoin total en énergie du bâtiment. Tout est une question de choix en fin de compte et vu que la solution efficiente et 100% écologique n’existe pas, il conviendra de faire au mieux en fonction de ses besoins et de ses objectifs mais surtout en fonction du contexte dans lequel on se situe à chaque fois. En conclusion, la démarche des matériaux biosourcés peut être un réel levier permettant d’opérer un changement écologique et social mais également financier. En relocalisant le travail au plus près des communautés et en utilisant des matériaux issus de sources renouvelables, on augmente la résilience de ces dernières mais également celle du système global tout entier, entre autre par la diminution des besoins énergétiques. Ces matériaux suivent donc en tous points une démarche permacole en essayant, d’une part, de prendre soin des hommes et de la terre et en limitant la consommation, et de l’autre, en intégrant divers principes permocoles. 1
2
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1kWh fournit par le travail d’un ouvrier coute 60€ contre 0,8€ pour 1kWh thermique fournit par une énergie fossile et 0,4€ pour 1kWh fournit par l’électricité, source page 48 alain marcom. cf chapitre 3.4.2 sur les chantiers participatifs LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
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LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
3.2.3 Le chanvre en construction Délaissé des producteurs et industriels belges depuis plusieurs décennies, le chanvre réapparait notamment à travers ChanvrEco, première entreprise wallone à produire des matériaux de construction avec le chanvre. « Depuis janvier 2011, et pour la première fois en Belgique, ChanvrEco S.A., une entreprise installée à Tinlot (Huy), a développé une unité de production de granulats de chanvre : la jeune entreprise, est capable de produire mécaniquement un millier de tonnes de granulats de chanvre par an. […] Jusqu’à présent, les entreprises intéressées par les matériaux isolant en construction à base de chanvre devaient se fournir en France. […] La Belgique, comme tous ses voisins, a cultivé le chanvre jusqu’au début du XXe siècle. La Flandre possédait plusieurs filatures industrielles dont les principales productions étaient le fil pour la corderie et la cordonnerie. En Wallonie, il n’existait aucune industrialisation du chanvre. Les productions étaient familiales et travaillées de façon artisanale ; particulièrement en Gaume, où jusqu’au début du XXe siècle, toutes les familles de cette région réservaient une partie de leurs meilleures terres (environ 2 ares) proches des habitations, pour y cultiver le chanvre. […] Le retour du chanvre dans nos campagnes est une très bonne nouvelle pour les agriculteurs : la culture du chanvre est en effet une « bonne tête de rotation », un précédent idéal pour les céréales d’hiver car il libère le sol tôt dans l’arrière-saison, après l’avoir nettoyé. […] Seul transformateur de chanvre industriel en Belgique, ChanvrEco S.A. a été créé en 2007 par Sébastien Ernotte et Laurent Cimonetti. […] A la différence de la production française, le chanvre de Tinlot n’est pas défibré, ce qui permet à l’entreprise hutoise de produire un granulat fibreux spécialement adapté au secteur de l’isolation des bâtiments, en optimisant sa granulométrie et ses performances, principalement dans les Bétons de Chaux Chanvre (BCC). De taille, de forme et de qualité très maîtrisée, le granulat chanvre de Tinlot est mélangé à la chaux aérienne et à de l’eau : un mélange qui permet de produire un béton léger ou un enduit isolant. Ce mélange permet aussi la confection de murs au travers de l’ossature bois. Le traitement du chanvre à Tinlot ne dégrade pas la chènevotte (le brin de HABITAT
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chanvre dépouillé de l’écorce). La présence de fibres pourrait participer à la résistance mécanique du béton. […] Sur le plan de l’empreinte écologique, utiliser un matériau naturel, produit, transformé et utilisé dans le secteur de la construction en Wallonie a évidemment plus de sens que d’utiliser des isolants tels que le polyuréthane issus de la pétrochimie ou la laine de verre, voire la laine de roche dont le recyclage est encore problématique. […] Enfin, sur le plan technique, le chanvre offre une inertie thermique bien supérieure à celle du polyuréthane ou des laines, par exemple : en clair, la chaleur entre et sort de l’habitation beaucoup plus lentement qu’avec d’autres matériaux isolants. […]En outre, la porosité du matériau lui permet de réguler l’humidité dans l’habitation. On sait en effet que le taux d’humidité et la qualité de l’air intérieur de votre habitation sont des facteurs qui influencent le confort et la santé de votre famille. […] ChanvrEco S.A. a mobilisé l’an passé 135 hectares de terres agricoles […] dans un rayon de 30 km du site de Tinlot. Elle dispose ainsi de la matière première nécessaire à la réalisation de plus de 1200 tonnes de granulats, soit plus de 12.000 m³. Car la demande est bien là : depuis que l’unité de production est finalisée, c’est-à-dire depuis janvier 2011, plus de trente tonnes de granulats ont déjà été vendus aux entrepreneurs et aux particuliers. […] Si les Français (mais aussi les allemands, les canadiens…), eux, défibrent, c’est parce que dans le chanvre, tout est valorisable. Et qu’au cours des siècles, à force de produire du chanvre, nos voisins ont développé des filières industrielles autour de ce matériau. Naguère, à l’époque de la marine à voile, on utilisait la fibre de chanvre pour la fabrication de cordage, de voiles et de tissu.Aujourd’hui, les fibres de chanvre servent à la fabrication de pâte à papier, en particulier le papier à cigarette ou le papier « bible ». En outre, les fibres de chanvre sont incorporées dans les matières plastiques. Notamment dans le secteur automobile où la fibre mais aussi la tige de la plante (Chènevotte) sont utilisées comme composants de garnitures intérieures : tableau de bord, intérieur des portières… […]
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LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
Le chanvre, cultivé par des agriculteurs partenaires, est une excellente tête d’assolement : cette culture écologique est un précédent idéal pour aérer et régénérer les sols. Semé début mai et récolté fin septembre, le chanvre se développe sans aucun besoin de produits phytosanitaires (fongicides, herbicides ou insecticide). La levée et la croissance très rapide du chanvre provoquent l’étouffement des adventices, ces espèces végétales non désirées qui poussent en culture.»1
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Dossier de presse de ChanvrEco, source : www.chanvreco.be HABITAT
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“ Pour autant que je maîtrise l’outil, je charge le monde de mon sens ; pour autant que l’outil me domine, sa structure me façonne et informe la représentation que j’ai de moi-même” I. ILLICH 3.1 OUTIL & TECHNOLOGIE 3.3.1 Point de vue permacole La permaculture dans ce domaine se rapproche très fort de l’écologie politique, avec entre autre l’idée d’une société et d’outils « conviviaux ». Ainsi, une société conviviale serait une société «qui donne à l’Homme la possibilité d’exercer l’action la plus autonome et la plus créative, à l’aide d’outils moins contrôlables par autrui »1, et un outil convivial le serait « dans la mesure où chacun peut l’utiliser, sans difficulté, aussi souvent ou aussi rarement qu’il le désire, à des fins qu’il détermine luimême. L’usage que chacun en fait n’empiète pas sur la liberté d’autrui d’en faire autant »2. Les outils et les technologies sont aujourd’hui inévitablement liés à l’énergie et cette énergie liées à des ressources polluantes et non renouvelables. Ainsi, la moitié de l’électricité que l’on consomme en Belgique est produite par l’énergie nucléaire3 et les moteurs que l’on utilise sont des moteurs thermiques utilisant des ressources fossiles : pétrole, charbon, gaz, etc. Il y a plus d’un siècle pourtant, il existait une diversité de solutions, que ce soit pour le transport ou pour la production de biens et de services qui utilisaient des moyens certes plus lents, mais qui ne consommaient pas d’autre énergie que celle de l’Homme, de l’animal ou des éléments. Bien sûr, il n’est pas question ici de revenir aux outils utilisés au XIXème siècle, mais bien de retrouver une diversité entre ceux qui ont besoin de cette énergie, tout en essayant d’avoir une consommation rationnelle, et ceux qui peuvent 1 2 3
ILLICH, La convivialité, p 43 ILLICH, op. cit., p 45 45.547tWh sur les 89.250 tWh produite, soit 51% de la production d’énergie d’après http://www.eia.gov OUTIL & TECHNOLOGIE
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être remplacés en partie par des outils utilisant l’énergie animale, humaine ou provenant de sources renouvelable comme le vent ou le soleil. L’outil et la technologie influencent les répartitions spatiales et sociales à l’image de la question des modes de mobilité extrapolé ici par une comparaison voiture / vélo.
3.3.2 Le vélo Dans son texte intitulé « À la recherche du temps gagné »1, JeanPierre Dupuy pose la question de savoir si l’automobile fait vraiment gagner du temps. Il fait le constat que même si pour la plupart des automobilistes, les durées des trajets sont plus courtes grâce à l’usage de la voiture, on constate néanmoins une importante perte de temps en termes de « coût généralisé » soit, « la somme des dépenses monétaires liées au mode de transport utilisé pour un trajet donné, et de la durée de ce trajet convertie en unités monétaires, au moyen d’une valeur du temps. 1
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À la recherche du temps gagné, paru dans le Bulletin interministériel pour la RCB, n°20, mars 1975 LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
On décide en général que cette valeur du temps est égale au revenu horaire du sujet étudié.»1. J-P Dupuy, lui, a fait le travail inverse en convertissant les dépenses monétaires2 en temps afin d’obtenir une unité « temps généralisé »3 ; et en divisant la distance parcourue par le sujet, grâce au résultat obtenu, il détermine également une « vitesse généralisée ». Il a ensuite réalisé une étude comparative des « vitesses généralisées » de quatre véhicules de puissance différentes en fonction de quatre catégories socioprofessionnelles. Celle-ci date de l’année 1967 mais nous permet tout de même d’avoir un ordre de grandeur entre les résultats. Catégorie socioprofessionnelle
Bicyclette
Citroën 2CV
Simca 1301
Citroën DS 21
Cadre supérieur (Paris)
14
14
14
14
Employé (Ville moyenne)
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13
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Ouvrier spécialisé (Ville moyenne)
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Salarié agricole (Commune rurale)
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Vitesse généralisée en km/h, données relatives à l’année 1967.4
1 ILLICH, La convivialité. , p. 434 2 J-P Dupuy Dupuy liste liste dans dans son son texte texte toutes toutes les les dépenses dépenses directes directes comprises comprises dans dans J-P les dépenses : « amortissement des frais d’acquisition du permis de les monétaire dépenses monétaire : « amortissement des frais d’acquisition du conduire permis ; amortissement des frais; amortissement d’achat de la voiture ; frais fixes de payables annuellement vignette, de conduire des frais d’achat la voiture ; frais fixes :payables assurance, annuellement garage ; dépenses courantes d’utilisation pneus,d’utilisation graissage, : : vignette, assurance, garage: carburant, ; dépenseshuile, courantes vidange, révisions périodiques, réparations normales dues à périodiques, des accidents, frais de stationcarburant, huile, pneus, graissage, vidange,ou révisions réparations nement et normales péages, amandes, d’accessoires » ou dues achats à des accidents, frais divers. de stationnement et péages, amandes, achats d’accessoires divers. » 3 Temps de travail nécessaire à l’acquisition et à l’utilisation de la voiture, ainsi que le temps des trajets (embouteillage compris) et le temps passé pour la voiture hors trajets (entretiens, plein d’essence,…) 4 ILLICH, Énergie et équité in Œuvres complètes Volume 1, p. 435 OUTIL & TECHNOLOGIE
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J-P Dupuy tire plusieurs conclusions de cette étude. Premièrement, dans tous les cas, le vélo permet une « vitesse généralisée » plus grande ou égale à celle de la voiture et plus l’outil de locomotion est puissant et permet d’atteindre une vitesse élevée, plus il possède une « vitesse généralisée » faible. Deuxièmement, l’automobile nous prend en moyenne de trois à quatre heures par jour si l’on comptabilise les trajets et le travail nécessaire pour payer la dite voiture. Bien sûr, cette notion de vitesse n’est généralement pas prise en compte car elle n’est pas perçue par l’Homme et parce que l’impression de gain de temps à court terme prédomine. Cependant elle nous permet de mettre en évidence certains disfonctionnements avec entre autre le fait que la voiture soit un outil moins « convivial » que le vélo. La « vitesse généralisée » du vélo varie très peu en fonction de la catégorie socioprofessionnelle, alors que celle de la voiture peut varier du simple au triple, nous pouvons donc conclure que tous les Hommes ne sont pas égaux face à la technologie. Ensuite, le vélo est d’autant plus un outil d’équité sociale que tous les Hommes ont une puissance motrice plus ou moins similaire : une personne qui a de petits revenus peut donc avancer, plus ou moins, à la même vitesse qu’une personne plus aisée. Une des différences entre ces deux modes de transport est l’énergie ajoutée à l’outil pour le faire avancer : le premier utilise de l’énergie fossile non-renouvelable et payante1 ; le deuxième, de l’énergie métabolique, accessible gratuitement à toute personne quand il se nourrit et quand il respire. Cette différence d’apport énergétique, ajouté au prix d’achat parfois prohibitif de la voiture, induit encore une fois un certain clivage social. Illich nous explique par ailleurs qu’ « en deçà d’un seuil déterminé d’énergie par tête, les moteurs améliorent les conditions du progrès social. Au-delà de ce seuil, la consommation d’énergie augmente au dépend de l’équité »2. Le problème avec cette différence énergétique ajoutée est que nous assistons à un gaspillage énorme d’énergie. Ces deux outils ont beau avoir sensiblement le même rendement3, la quantité d’énergie 1 2 3
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Donc pas nécessairement accessible à tous dans les mêmes quantités. ILLICH, Énergie et équité in Œuvres complètes Volume 1, p. 385 Entre 15,5 et 19,1% pour la voiture d’après www.hkw-aero.fr/pdf/rende ment_voiture.pdf, page 25 ; entre 17 et 22% pour le vélo d’après http:// LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
ajoutée n’est pourtant pas la même, un plein d’essence apportant la même quantité d’énergie qu’une année de travail d’un ouvrier du bâtiment à 35 heures semaine1, les pertes énergétiques sont donc proportionnelles à la quantité d’énergie ajoutée. Aujourd’hui, notre rapport aux moyens de transport a également été modifié. Ainsi, « à la différence de tous les propriétaires passés de moyens de locomotion, l’automobiliste allait avoir un rapport d’usager et de consommateur – et non pas de possesseur et de maître – au véhicule dont, formellement, il était le propriétaire »2. De ce fait, notre véhicule nous oblige donc à consommer constamment biens et services ( essence, pneus, etc.). Enfin, nous avons perdu en autonomie avec la voiture. Certaines technologies tendant à se complexifier, d’autant plus avec l’avènement de l’électronique embarquée dans le cas de la voiture, rendent toute réparation ou entretien par soi-même impossible. A contrario, le vélo constitue un outil favorisant l’autonomie des personnes par sa simplicité mécanique mais également par le fait qu’à n’importe quel moment, le cycliste peut redevenir piéton et vice versa. La dépendance à la voiture se fait également ressentir en termes de structures urbaines. Elle a ainsi favorisé un étalement urbain prononcé et une augmentation des centralisations d’usages et de services en certains points extérieurs à la ville, à l’image des grands centres commerciaux. Selon Bruxelles Mobilité « 25,4% des déplacements automobiles des Bruxellois font moins d’un kilomètre, 50% moins de 3, 62,2% moins de 5 »3. La voiture a donc modifié complètement tant la morphologie urbaine que notre façon de nous mouvoir et plus nous lui laissons de la place, plus nous l’appelons à encombrer la ville. Celle-ci est aujourd’hui presque entièrement pensée par et pour l’automobile : larges avenues, autoroutes urbaines, parkings, structures spécifiques et lourdes qui consomment l’espace urbain et imperméabilisent tout ce qu’elles touchent. 1 2 3
www.polarfrance.fr. MARCOM A., Construire en terre-paille, p.47 GORZ A., Ecologica p. 76 MADEC P., Conférence sur : La ville pantoufle, http://www.philippemadec. eu/ecrits-classes-par-date-page-2.html OUTIL & TECHNOLOGIE
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Une ville qui serait basée un peu plus sur une mobilité lente et douce et qui favoriserait l’utilisation de la marche et du vélo pourrait sûrement retrouver plus de cohérence et de résilience locale. La « ville pantoufle » de Philippe Madec a été pensée spécifiquement dans ce sens. Imaginée comme la ville du baril à plus de 200$, elle reprend entre autre les notions de proximité des fonctions du « New Urbanisme »1. Ainsi, il essaye de remettre au plus près des communautés, les usages dont elles ont besoin au quotidien, pour obtenir un quartier où la majorité des besoins peuvent être couverts à moins de 10 minutes à pied (+/-800m). Le vélo lui, avec une vitesse de déplacement de 3 à 4 fois plus rapide que la marche à pied, permettrait d’atteindre avec moins d’effort des fonctions plus éloignées nécessitant d’être plus centralisées, élargissant de ce fait le rayon d’action de l’Homme. En limitant l’accès des voitures à certains axes bien précis et en recréant une diversité de maillages permettant d’accueillir des circulations différentes en fonction des besoins et des envies, tantôt directe et plus rapide pour aller travailler, tantôt plus lente, laissant place à la déambulation et à la flânerie sur un retour de l’école et du travail, on redonne la possibilité au citoyen de se réapproprier sa ville mais surtout son quartier. Comme nous l’explique Gorz : «pour que les gens puissent renoncer à leur bagnole, il ne suffit point de leur offrir des moyens de transports collectifs plus commodes : il faut qu’ils puissent ne pas se faire transporter du tout parce qu’ils se sentiront chez eux dans leur quartier, leur commune, leur ville à échelle humaine, et qu’ils prendront plaisir à aller à pied de leur travail […]. Aucun moyen de transport rapide et d’évasion ne compensera jamais le malheur d’habiter une ville inhabitable ».2 Pour conclure, nous préciserons que la valeur de la technologie et des outils dépend surtout de l’usage que l’on en fait. Si l’on ne peut plus continuer à dépendre du transport motorisé individuel, il est nécessaire de développer des quartiers plus diversifiés, couvrant les besoins de ses habitants. Une utilisation plus répandue du vélo, nous permettra peutêtre de remodifier les structures urbaines et leur habitabilité, améliorer les infrastructures pouvant accueillir en toute sécurité les cyclistes3, 1 2 3
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DECLEVE B., ANANIAN P., ANAYA M., LESCIEUX A., Densités Bruxelloises et formes d’habiter, p. 26 GORZ A., Ecologica p. p85 Des pistes cyclables mais également des ateliers d’accompagnement pour LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
mais également modifier certaines de nos habitudes, comme celle du parking attenant à l’habitat. Ainsi, plus nous les éloignons des domiciles, en les rassemblant dans des silos par exemple, tout en y rapprochant l’accès aux transports doux, plus nous offrions la possibilité de modifier les habitudes liées au transport ; ainsi libérées, les anciennes places de parkings peuvent devenir des espaces réappropriable par les riverains pour divers usages privés ou collectifs.
Diagramme de proximité: Montre la distance idéale entre le domicile et une fonction donnée
apprendre à réparer ou à construire soi-même son vélo, etc. OUTIL & TECHNOLOGIE
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3.3.3 les cyclomessagers Encombrement des rues, nuisances sonores et fortes dépenses énergétiques sont certains des inconvénients liés au transport urbain de marchandises, et vont chaque jour en augmentant grâce entre autre, au développement du commerce en ligne. Là, où sont de plus en plus envisagés les modes de « transports doux » pour les personnes, les livraisons urbaines de marchandises, elles, restent très peu étudiées. Or elles constituent « plus de 30% des émissions polluantes, pour 9 à 15% de l’ensemble de la circulation en ville »1. Dans l’article du journal Le Soir que nous allons citer ci-dessous, il est justement question des cyclomessagers et de l’utilisation du vélo comme mode de livraison pour la ville. « Concept déjà bien implanté dans plusieurs grandes villes américaines et européennes, la livraison à vélo se développe à présent en Belgique. Rapide, silencieux et écologique. À l’heure où les grandes métropoles sont de plus en plus embouteillées, les sociétés de livraison à vélo connaissent un véritable essor. Plusieurs villes américaines et européennes ont déjà adopté ce mode de livraison propre et efficace. Citons en vrac Londres, Paris, Dijon, Lille, Lausanne, Amsterdam, Genève… Bruxelles a d’abord tardé à suivre le mouvement. Mais aujourd’hui, la capitale européenne ne dénombre pas moins de quatre sociétés de livraison à vélo (contre 140 entreprises de livraison motorisée). Au total, cela représente environ quinze emplois. Sans surprise, la formule rencontre aussi un franc succès en Flandre où Anvers, Gand, Louvain et Hasselt proposent ces services. Les coursiers new-yorkais font figure de pionniers. Depuis les années 80 déjà, la circulation qui engorge The Big Apple a rendu ce mode de livraison compétitif.Véritables bolides, les coursiers new-yorkais sont aussi connus pour braver le code de la route et les dangers. Certains cyclomessagers aiment entretenir leur réputation de bad boys du trafic en postant des vidéos de leurs exploits sur YouTube. Des compétitions de cyclomessagers sont même organisées à travers les États-Unis et l’Europe.
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L’architecture d’aujourd’hui – hors-série perspectives durables 2012, p.55
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Heureusement, tous les cyclolivreurs ne sont pas des kamikazes à deux roues ! Chez Écopostale, dernier arrivé sur le marché bruxellois, on met un point d’honneur à respecter la sécurité routière. Une formation est d’ailleurs dispensée aux nouveaux engagés. Les candidats ne manquent pas pour les postes de livreurs, mais il y a beaucoup de cyclistes chevronnés qui commettent encore des imprudences, remarque Nicolas Étienne, fondateur de cette société en activité depuis six mois1. Du pli diplomatique aux caisses de paniers bios, toutes sortes de colis sont transportés chaque jour à la force des mollets. Avec ses vélocargos, sorte de tricycles couverts, Écopostale peut transporter des charges allant jusqu’à 200 kilos ! La livraison en petite reine est aussi très rapide. Certaines sociétés, comme Pedal Bxl, s’en sont fait une spécialité. Équipés de vélos de course ultralégers, leurs livreurs athlétiques se targuent de pouvoir délivrer un colis dans les 30 minutes qui suivent l’appel d’un client. Le vélo permet de se faufiler entre les voitures, d’emprunter les bandes de bus et la plupart des sens uniques. Pour relier un point A à B, on estime en moyenne que l’itinéraire d’un cycliste sera 10 à 15 % plus court que le trajet emprunté par une voiture pour relier les mêmes lieux. Pourquoi utiliser un moyen compliqué comme la voiture quand on peut faire plus simple en vélo, argue Damien Lesca, qui a fondé Dioxyde de Gambettes il y a un an et demi2. En dix-huit mois, le jeune homme a déjà roulé plus 6500 km. Soit 1,1 tonne de CO2 qui n’a pas été émise. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces services ne se limitent pas forcément au territoire d’une ville. Pedal Bxl s’est associé avec le Fietscourrier d’Anvers. Une fois par jour, les cyclomessagers anversois prennent le train pour Bruxelles pour un échange de courrier. De son côté, Écopostale va étendre son champ d’activité en assurant la liaison entre les villes grâce à des petites voitures électriques. Parmi les clients des sociétés de livraison à vélo, on trouve aussi bien des bureaux d’avocats, des ambassades, des cabinets médicaux, des boîtes de pub… L’image verte constitue indubitablement un plus au niveau commercial. Pour ses clients, Écopostale vend d’ailleurs des espaces publicitaires sur ses 1 2
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Société créée en juin 2010 Société créée le 1er juillet 2009 LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
vélos. L’image verte a un capital sympathie évident, mais cela n’est pas suffisant pour convaincre. L’écologie n’est pas le premier critère pour les clients, qui regardent d’abord le tarif et la rapidité du service, constate Nicolas Étienne. Même réflexion du côté de la Green Company. L’économique l’emporte sur l’écologique. Les gens regardent d’abord les prix. Et dans le secteur de la livraison de colis, la concurrence est rude. Plus que l’environnement, un des arguments pour le vélo, c’est son efficacité, juge Daniel Debecker. C’est ainsi que les chutes de neige à Noël ont fait une publicité inattendue aux livreurs à deux roues. Alors que seuls les grands axes des villes étaient déblayés, la plupart des livreurs en voiture ont été obligés de fermer boutique. Pendant ce temps, les cyclomessagers ont continué vaillamment à assurer le service. »1
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Le Soir, Samedi 19 février 2011 OUTIL & TECHNOLOGIE
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3.4 CULTURE & ENSEIGNEMENT 3.4.1 Point de vue permacole Initialement, les fondateurs de la permaculture ont imaginé leur enseignement, non pas comme un apprentissage des différentes techniques liées à la permaculture, mais plutôt comme un éveil et une sensibilisation à l’observation profonde. Lors de leurs cours, ils essayaient d’amener leurs apprentis à développer leur sens de l’observation et à utiliser un peu plus leur cerveau droit, l’intuition donc, pour permettre une appréhension plus complexe du problème étudié, dépassant ainsi la simple analyse cartésienne. Nous nous rapprochons donc ici d’une vision analytique bien plus goethéenne1, où l’on ne se limite pas à mesurer et quantifier mais également à qualifier et à utiliser tous les sens pour le faire. Ainsi, nous tiendrons également compte des couleurs, des odeurs, des formes, etc., valeurs plus subjectives dans l’approche cartésienne, mais qui peuvent aider à une compréhension plus large. Cette typologie de pédagogie plus alternative permet également d’amener la personne à développer ses propres codes d’apprentissage. Dans le cas de la permaculture, plus « agricole ». C’est l’observation de la nature qui amènera ainsi les savoirs nécessaires à sa mise en place. Ce savoir ne se basera pas seulement sur l’observation mais également sur l’expérimentation. Les deux fondateurs de la permaculture mettent d’ailleurs un point d’honneur à expliquer qu’un design sans réalisation ne peut être de la permaculture. L’utilisation du cerveau droit suscite une plus grande créativité lors du design qui, suite à une observation attentive du milieu concerné, favorisera l’émergence de logiques et d’apprentissages. Ainsi, le permaculteur est en formation permanente dans une pédagogie participative où ce qu’il apprendra sera directement lié à son sens de l’observation profonde et à sa capacité à mettre en place des réponses créatives pour répondre aux problèmes qui se posent à lui. In fine, il sera également important de partager les avancements réalisés, les succès ainsi que les échecs, pour faire avancer les recherches de chacun, internet constituant aujourd’hui l’outil parfait pour ce faire. 1
Johann Wolfgang von Goethe, 1749-1832, botaniste, écrivain, artiste et politicien allemand. CULTURE & ENSEIGNEMENT
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Ainsi, culture et enseignement sont considérés comme deux piliers qui permettent la stabilité et l’évolution de nos sociétés, favorisent une plus grande autonomie des personnes tout en encourageant le partage des savoirs et l’entraide afin d’y assurer une plus grande résilience. L’autoconstruction constitue justement une méthode qui va également dans ce sens tout en appliquant certains principes permacoles, comme par exemple celui d’utiliser des moyens plus lents et plus petits ; c’est le sujet que nous allons aborder dans le chapitre suivant. 3.4.2 L’autoconstruction & l’autoformation Dans bien des pays, l’autoconstruction constitue encore le mode principal de construction d’habitats, savoir ancestral des architectures vernaculaires parfaitement adaptées au milieu dans lesquels elles s’implantent. A contrario, actuellement, dans les pays occidentaux, la faculté de chacun de construire son habitat connait des limites importantes. Cela peut s’expliquer, entre autres, par les multiples instruments incitant l’usage d’entrepreneur agréés afin d’obtenir des primes lors d’une construction ou d’une rénovation ou par la complexification des techniques à mettre en œuvre. Notre société, basée sur la spécialisation et l’expertise des différents corps de métier1, où chacun maîtrise une petite part d’un processus global de production, induit une certaine notion de complexité des tâches à réaliser. Le passage par des experts devient dès lors incontournable étant donné que, souvent, « il est vivement conseillé à l’utilisateur final du produit de s’en remettre à plus compétent que soi, qu’il s’agisse de construire sa maison, d’organiser un voyage, de régler un conflit, de composer un menu, d’apaiser une angoisse, d’éduquer ses enfants ou de prendre soin de ses parents âgés »2. L’usager devient donc dépendant de services, sous prétexte d’acquérir plus d’efficacité, de confort et de sécurité réduisant par la même son autonomie. S’affranchir de cette dépendance implique cependant d’avoir une vision complète et complexe de l’ouvrage. Il faut donc penser, concevoir, réaliser et anticiper, seul ou en groupe restreint, chaque corps de métier 1 2
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La loi de 1939 concernant la protection du métier d’architecte en est un bon exemple MARTIN HR., Eloge de la simplicité volontaire, p.89 LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
qui travaille normalement à la construction. Ce type de construction permet de faire un ensemble d’économies. En réalisant soi-même son habitat, l’autoconstructeur ne doit plus payer toute la main d’œuvre nécessaire à la construction. Or cela fait partie des grosses dépenses liées à un chantier. L’autoconstruction peut également amener à un changement plus global dans la vie du bâtisseur et l’amener à un certain moment à adopter une démarche tendant vers plus de simplicité. Chaque mètre carré ajouté représente des heures de travail en plus, chaque fantaisie, des efforts supplémentaires, etc. . L’autoconstructeur privilégiera donc souvent une maison plus petite et relativement compacte qui sur le long terme consommera moins d’énergie, demandera moins de maintenance et donc coûtera moins cher tant dans la mise en œuvre que sur le long terme1. L’autoconstructeur, souvent seul ou accompagné d’un petit groupe, ne pourra pas non plus mettre en place des techniques trop complexes. Ceci l’amènera donc souvent à utiliser des matériaux maniables et légers, comme la paille, mais également à construire à une échelle plus humaine qui alliera économie et écologie évitant des surconsommations à outrance. L’autoconstruction peut permettre également d’avoir une autre vision de son habitat. Comme l’autoconstructeur participe à toutes les étapes du chantier, il acquiert une connaissance très poussée de son nouveau lieu de vie et peut de ce fait, non seulement se sentir plus en relation avec celui-ci, et il acquerra également plus de facilités à l’entretenir ou à l’améliorer par la suite. L’autoconstruction permet de se rapprocher de l’éthique de la permaculture. Non seulement nous assistons à une augmentation de l’autonomie du bâtisseur mais également à un plus grand respect de l’humain et du rythme des saisons. Dans les métiers de la construction, les ouvriers sont constamment tenus à un rendement qui peut être extrêmement éprouvant pour eux. Ce travail peut dès lors avoir des répercutions négatives sur leur santé vu les efforts physiques qui leur sont demandés et les substances respirées tout au long de leur carrière. L’autoconstruction étant une démarche plus lente, elle s’adapte à la capacité de chaque bâtisseur et coïncidera souvent avec le cycle des saisons. 1
CHEVALLIER S., Autoconstruire une maison en paille, petit guide de l’écoautoconstruction p.7 CULTURE & ENSEIGNEMENT
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L’apprentissage par soi-même et l’expérimentation sont d’autres points qui touchent tant à la permaculture qu’à l’autoconstruction. L’avantage avec ce type de construction, c’est qu’il existe depuis des années toute une communauté qui expérimente et partage ses expériences et ses connaissances et qui recherche à mettre au goût du jour des connaisances, des savoir-faire et des techniques de nos ancêtres. Le futur bâtisseur ne sera donc pas seul dans sa démarche et pourra faire appel à tout un réseau d’autoconstructeurs pour diminuer ses craintes, poser des questions, obtenir de la documentation ou même se former. D’ailleurs, nombreux sont les autoconstructeurs qui ouvrent les portes de leur chantier pour mettre en place ce que l’on appelle un chantier participatif1. Ces chantiers un peu spéciaux d’initiative privée sont des réels lieux d’apprentissage, d’entraide et d’échange, où un ensemble de bénévoles désireux d’apprendre comment réaliser soimême son habitat ou simplement de passer un moment à bricoler, offrent leur temps et leur l’énergie pour aider un autoconstructeur à bâtir une partie de sa maison2. En échange, l’autoconstructeur offrira à chaque bénévole un lieu pour loger, ainsi que 3 repas par jour. Cela permet d’apprendre non seulement, in situ, de nouvelles techniques en touchant directement la matière, mais également d’expérimenter le travail en équipe, d’apprendre des expériences des autres dans un esprit plus communautaire3. Enfin, l’autoconstruction peut également être un réel outil de résilience dans les endroits où règne un manque ou une mauvaise qualité de logement. Nous assistons à une augmentation continue de la pression exercée sur les populations les plus pauvres, pour qui le logement ne représente plus un lieu synonyme d’épanouissement et de sécurité. Dans de nombreuses villes, surtout dans les pays émergeants, nous voyons ainsi apparaitre ou grandir de plus en plus de bidonvilles, 1 2
Également appelé chantier coopératif Nous aurons souvent des chantiers spécifique ; par exemple un chantier « montage des murs en paille » ou « montage d’une toiture » Bien 3 Bien souvent, souvent, ces ces chantiers chantiers sont sont tout tout de de même même assistés assistés par par un un profes professionnel qui donnera de cours pourleexpliquer sionnel qui donnera quelquesquelques heures deheures cours pour expliquer travail à le travailmais à faire, mais également pour les rappeler règles deIlsécurité. Il suivra faire, également pour rappeler règles les de sécurité. suivra générale généralement une pour partieveiller du chantier pour veillerdes auoutils bon maniement des ment une partie du chantier au bon maniement et ainsi éviter et ainsi tout risquereste, d’accident, construction reste, tout risqueoutils d’accident, caréviter une construction malgré car tout,une un endroit potentiellemalgré d’autant tout, un plus endroit dangereux, plus pour des ment dangereux, pourpotentiellement des personnes qui n’y sont d’autant pas habitués. personnes qui n’y sont pas habitués.
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structures urbaines ou périurbaines, autoconstruites et autogérées mais bien souvent insalubres et présentant un fort taux de criminalité. C’est donc pour contrer en partie le problème du logement pour les populations pauvres qu’Alejandro Aravena, avec l’association Elemental, a imaginé un concept d’habitat préfabriqué contenant le minimum nécessaire pour vivre dignement. L’aspect novateur de la démarche réside dans le fait que l’habitat n’est construit que partiellement, l’architecte laisse d’une part, la possibilité à chaque habitant d’aménager lui-même son intérieur en fonction de ses moyens et de ses priorités, et prévoit de l’autre un espace complètement vide pour laisser la faculté, en fonction des possibilités ou des besoins, à l’habitat de s’agrandir grâce à l’autoconstruction. Aravena explique que dans cette démarche, il préfère construire une demi-maison bien faite, plutôt qu’un mauvais logement1. En sachant que la population urbaine va continuer à augmenter dans les décennies qui viennent, surtout dans les pays émergents, et que beaucoup de ces nouveaux arrivants seront issus des campagnes plus pauvres, cela augmentera considérablement les problèmes du logement en ville. Comme nous l’explique d’ailleurs A. Aravena sur son site internet : « In 2030, the population of the world living in cities will grow from 3 to 5 billion with 2 billion of these inhabitants living below the poverty line. The equation that the world needs to solve: to build a 1-million-inhabitant city per week for the next 20 years with $10,000 dollars per family”2. Encadrée, l’autoconstruction peut donc constituer dans ce cas, une méthode pour éviter de plus grandes inégalités entre les populations pouvant s’offrir un logement décent et celles qui ne le peuvent pas. Ainsi nous pouvons favoriser la résilience sociale et économique des villes, tout en soutenant une diversité incroyable dans les formes, les matériaux et les couleurs et en créant, une ville en perpétuel mouvement. 1 2
http://lucky.blog.lemonde.fr/2009/01/02/alejandro-aravena-chili-autogestionet-dignite-dans-lurbanisme-et-larchitecture-sociale/ « En 2030, la population du monde vivant dans les villes accroîtra de 3 à 5 milliards avec 2 milliards de ces habitants vivant au-dessous de la ligne de pau vreté. L’équation que le monde doit résoudre : construire une ville d’un million d’habitant par semaine pendant les 20 années à venir avec $10.000 dollars par famille ». Extrait du site http://alejandroaravena.com/obras/vivienda-housing/ elemental/ CULTURE & ENSEIGNEMENT
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“ L’innovation exige une bonne idée, de l’initiative et quelques amis... ” H. SHEPARD
3.4.3 Rural studio Un des reproches les plus récurant que font les étudiants en architecture est souvent le manque de pratique pendant les études. Or, il est une école aux États-Unis qui a mis l’accent sur cet aspect et même plus particulièrement sur l’autoconstruction. Réel apprentissage sur le terrain, avec comme problématique principale construire dans un milieu très pauvre, en utilisant des solutions économiques et écologiques, ces étudiants se voient confrontés à un apprentissage bien différent de l’enseignement conventionnel. Nous retrouvons ici un extrait d’article paru sur le site lecourierdelarchitecte.com qui nous explique un peu mieux les fondements de cette école. « Le Rural Studio a été créé en 1992 par l’Université d’Auburn. Le projet du professeur Samuel Mockbee consistait à emmener les étudiants concevoir et construire des logements pour les nécessiteux, au plus profond de la Black Belt. Les mal-logés pouvaient reconstruire une maison, sur des plans faits avec les étudiants et grâce à des subventions du Comté. Samuel Mockbee voulait confronter les étudiants au réel : du projet, de leur société, de leur siècle. L’Université a accepté de financer le workshop pour quelques semestres. Mais 15 ans plus tard, le Rural Studio est toujours en activité. Plus de 400 étudiants ont travaillé dans ce comté perdu; lequel s’est comme repeuplé de maisons qui ont réhabilité la condition de leurs habitants et sont aujourd’hui aux USA un modèle d’architecture sociale et ‘earth friendly’. D’expérience pédagogique, le Rural Studio est devenu un laboratoire d’architecture contemporaine responsable. Il faut pour comprendre cette évolution revenir à la figure attachante de son fondateur, Samuel Mockbee, né en 1944, mort d’une leucémie en 2001. Architecte, peintre, écrivain, l’homme est consterné par la paupérisation de sa région, après la crise des années 90. Son ami l’essayiste Wendell Berry, un CULTURE & ENSEIGNEMENT
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sudiste comme lui, conclut alors que l‘industrialisme fut un autre colonialisme, qui n’a pas développé mais exploité la région. L’analyse ravive une utopie emersonienne toujours présente chez les sudistes : après le cyclone industriel du XXe siècle, on peut dégager et reprendre les fondations agrariennes d’une société américaine qui fut décentralisée, tissée de communautés solidaires et construite sur une éthique de responsabilité personnelle dans le travail. Le Rural Studio est l’outil d’une stratégie mûrie : rénover l’habitat pour rénover cette société. Mockbee choisit un lieu, le Comté de Hale, vieille région agricole qui vît l’industrie du coton puis du soja prospérer puis s’effondrer. Mais les fragments d’une vie rurale séculaire subsistent : un maillage de bourgs, un espace encore souple, des fermiers reconvertis dans l’élevage de poissons… Aux étudiants, Mockbee ne demande pas de ‘parachuter’ de l’habitat social mais d’oeuvrer avec ce milieu. Avec ses acteurs, qui vont porter les projets, avec ces ‘actifs’, toujours valides. Les équipes d’étudiants et les familles travaillent en partenariat, du programme au chantier. La pénurie des moyens redonne du sens à une économie agraire : auto-construction (un paysan sait construire et entretenir), recyclage des matériaux, chantiers collectifs… Au ‘conservatisme compassionnel’ bushien se substitue le re-développement, qui engage les habitants et utilise l’architecture comme levier. Car il faut parler maintenant de la verve architecturale que Mockbee a conférée à l’histoire, poussant les étudiants à oser, à regarder, à aimer la culture métissée et populaire du deep South. Les moyens manquent ? Le Rural Studio fait des murs en vieux pneus, en tôle automobile, en carrés de moquettes… Mockbee canalise l’énergie des étudiants : le critique radical de l’industrie s’amuse à piller les déchetteries, l’artiste jubile sur les chantiers. Le Rural Studio monte des charpentes et refaçonne ces déchets pour construire des maisons où la maîtrise du projet s’allie à l’art populaire. L’esthétique du recyclage donne un visage au virage »1
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http://lecourrierdelarchitecte.com/article_634 LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
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“ Si vous pensez qu’un changement climatique atténué coûte cher, essayez donc un changement climatique qui n’est pas atténué... ” R. GAMMON 3.5 FINANCE & ÉCONOMIE 3.5.1 Point de vue permacole Actuellement, bien des choses qui n’ont pas de « valeur » financière sont malmenées voire éliminées au profit de ce qui rapporte de l’argent. C’est le cas par exemple des services liés aux écosystèmes ou produits par les écosystèmes ; la pollinisation par les abeilles, la production d’oxygène par les plantes, la dégradation des matières organiques par les microorganismes et les lombrics, etc. Si ces exemples n’ont pas de valeur monétaire en tant que telle, ils jouent néanmoins des rôles majeurs. Il faudrait ainsi retrouver la valeur morale qui leur était attachée par nos ancêtres pour qu’enfin les écosystèmes puissent être valorisés et protégés. C’est ce que recouvre la notion de biens communs. 3.5.2 Les Biens Communs C’est à Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009, que l’on doit la notion de biens communs (ou Commons). Elle fut la première femme à obtenir cette récompense grâce à ses recherches sur la manière dont les gens parvenaient à mettre des choses en commun de façon durable tout en satisfaisant leurs besoins individuels, sortant ainsi les communs de l’ombre dans laquelle la propriété privée les avait placés. Loin d’être une notion abstraite, les biens communs se caractérisent par plusieurs éléments bien concrets. Le premier est bien entendu la ressource, donc le bien en lui-même ; il se caractérise ensuite par la communauté qui le gère, communauté plus ou moins étendue en fonction du type de bien ; enfin, cette ressource est gérée par une FINANCE & ÉCONOMIE
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certaine communauté dans un cadre défini à l’avance. Ce cadre contient les règles d’usage et s’obtient après négociation entre tous les membres de la communauté. Un des principaux avantages de ce type d’économie est que chaque personne a le même poids décisionnel sur le bien. Cependant, cela implique nécessairement une mobilisation sociale et une volonté de s’engager dans cette communauté.
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ÉCONOMIE DES BIENS COMMUNS
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Extrait de: HELFRICH S., KUHLEN R., SACHS W., SIEFKES C., Biens communs – La prospérité par le partage, p.5
Les biens communs sont également structurés en quatre groupes distincts. Les biens naturels dont l’Homme dépend pour la plupart : l’eau, l’air, la biodiversité, les réserves de poissons dans les océans, etc. Ce sont des biens qui ne peuvent être privatisés car chaque individu en a besoin pour sa survie. Ils doivent donc être protégés et équitablement distribués. Viennent ensuite les biens sociaux, tels que les parcs publics, les transports en commun, les réseaux sociaux, etc. qui sont des espaces de socialisation, mais également certaines structures plus complexes, comme la sécurité sociale, qui permettent l’épanouissement des individus d’une société. Les biens culturels tels que la langue, la culture, l’histoire, la connaissance, etc. nécessaires aux activités créatives de l’Homme. Ce sont des structures transmises par les générations antérieures qui permettent aux sociétés de continuer à évoluer et à servir, dans ce sens, les générations futures. Enfin, les biens de la sphère numérique, aidés par internet, sont devenus aujourd’hui un incroyable outil pour relier les gens et les idées. Par le biais de cette
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technologie, on peut assister à un grand nombre d’échanges quotidiens, fertiles à l’épanouissement et à l’évolution de l’Homme. En ce qui concerne le milieu urbain, il existe de nombreux biens communs qui ne sont pas nécessairement visibles directement. Cependant, leur disparition peut coûter bien plus cher que leur préservation.Ainsi la densité urbaine, jusqu’à une certaine limite garantit une accessibilité et une utilisation régulière des divers équipements publics. Une dédensification d’un système équilibré impliquerait, dés lors, une démultiplication des moyens de transports collectifs et individuels, des équipements de loisir, de culture, d’enseignement,… Par conséquent, ce bien doit être défendu collectivement par la communauté pour éviter que les prix et la mauvaise accessibilité ne deviennent un frein à l’évolution et l’épanouissement de la celle-ci. La gratuité pour l’accès aux équipements publics (parc, espaces verts) entre également dans ce type de gestion. Lorsqu’une commune vend ses espaces verts à une société privée car elle ne parvient plus à les gérer, les espace se privatisent. Devenus des espaces privés, ils sont alors exploités par des sociétés qui peuvent alors exiger des frais d’entrée limitant ainsi leur accessibilité. Silke H., Rainer K. et Wolfgang S. nous expliquent dans leur rapport « Bien communs – La prospérité par le partage » que l’usage des biens communs dépend de plusieurs facteurs et notamment de la nature de la ressource. « Les choses qui perdent en qualité lorsqu’elles sont exploitées, comme l’eau, la forêt ou l’atmosphère, ont besoin de restrictions d’accès. Les choses qui se multiplient lorsqu’elles sont exploitées par plusieurs personnes, comme la langue, la connaissance ou les traditions, s’épanouissent d’autant plus que leur accès est libre (Open Access)»1. Cette notion de libre accès n’est pas encore très développée en architecture mais elle tend cependant à le devenir. Dans une démarche de partage et de don, cette notion permet au plus grand nombre de pouvoir profiter d’un ensemble de services gratuits, tels que des plans de développement et 1
HELFRICH S., KUHLEN R., SACHS W., SIEFKES C., Biens communs – La prospérité par le partage, http://www.boell.de/downloads/20101101_ Report_Biens_Communs.pdf, pp. 30-31
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de conception, des détails de constructions1, des articles de presses, etc. dans un cadre légal bien spécifique. Un de ces cadres couvre les contrats « Creative Commons », association à but non lucratif qui tend à « faciliter la diffusion et le partage des œuvres tout en accompagnant les nouvelles pratiques de création »2. Ci-dessous, nous allons voir les quatre options qui composent ce type de contrat, chaque personne cherchant à partager son bien ou sa création peut décider de les inclure ou non. « L’attribution » faisant partie de la législation belge, elle devra d’office être prise en compte.
BY: « Attribution (BY) :Toutes les licences Creative Commons obligent ceux qui utilisent vos œuvres à vous créditer de la manière dont vous le demandez, sans pour autant suggérer que vous approuvez leur utilisation ou leur donner votre aval ou votre soutien.
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Pas d’utilisation commercial (NC) : Vous autorisez les autres à reproduire, à diffuser et (à moins que vous choisissiez ‘Pas de Modification’) à modifier votre œuvre, pour toute utilisation autre que commerciale, à moins qu’ils obtiennent votre autorisation au préalable.
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Partage à l’identique (SA) :Vous autorisez les autres à reproduire, diffuser et modifier votre œuvre, à condition qu’ils publient toute adaptation de votre œuvre sous les mêmes conditions que votre œuvre. Toute personne qui souhaiterait publier une adaptation sous d’autres conditions doit obtenir votre autorisation préalable.
Pas de modification (ND) : Vous autorisez la reproduction et la diffusion uniquement de l’original de votre œuvre. Si quelqu’un veut la modifier, il doit obtenir votre autorisation préalable. »3 1
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À titre d’exemple, le magazine « Bepassive » laisse en libre accès sur internet toutes ses publications et a présenté dans son 6ème numéro, 11 détails d’architecture passive de grands bureaux belges pouvant être téléchargés gratuitement. http://creativecommons.fr/ http://creativecommons.fr/ LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
Ce genre d’avancements légaux peut permettre de renforcer la création et l’utilisation de réseaux offrant un meilleur accès au savoir et à la culture. Loin de l’optique de marché et de concurrence engagée par la propriété privée, le partage peut influencer la résilience de nos sociétés. En architecture, ce partage de savoirs permet de mettre à disposition de tous des solutions créatives, de faire avancer la recherche, etc.. Le concept de gratuité implique que l’évolution de la société vers les biens communs dépend de la volonté de chacun d’avancer dans ce sens.
“ Celui qui œuvre pour les biens communs n’est pas seulement utile à lui-même, mais en même temps aux autres. Celui qui porte atteinte aux biens communs se nuit aussi à lui-même ... ” S. HELFRICH
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3.5.3 Le « Air Tree Commons » C’est à l’occasion de l’Exposition Universelle de Shanghai en 2010, que l’agence espagnole Ecosistema Urbano a révolutionné les mentalités de l’architecture en proposant leur mobilier urbain technicoexpérimental, le « Air Tree Commons », sous licence Creative Commons, laissant de ce fait la possibilité à tout un chacun de télécharger1 les plans de construction, de les modifier et de monter ou de vendre ces ensembles librement. Nous retrouvons ici une brève interview mise sur le site par l’agence où ils expliquent le pourquoi de leur démarche. « Depuis quelques années, ecosistema urbano met à disposition ses travaux et ses recherches, en téléchargement libre, au travers de son blog2 et, en parallèle, il expérimente des nouveaux formats de partage tels que sa chaîne de télévision3 [dédiée] au sujet de l’écologie urbaine créative. Il n’y a pas longtemps, le 8 novembre dernier, ecosistema urbano a fait un nouveau pas dans ce sens, en annonçant sa décision de partager en téléchargement libre et en licence Creative Commons, le projet “Arbre d’Air” avec tous ses dessins d’exécution. Ce projet d’espace publique, développé et construit pour le Pavillon de Madrid à l’Exposition Universelle Shanghai 2010, s’appellera dorénavant “Air Tree Commons”, puisque le projet fait désormais parti du domaine public: toute personne, organisation, agence d’architecture ou entreprise, peut désormais copier le projet, le construire, le modifier et le vendre en totale liberté. […] Depuis le premier projet d’Arbre d’Air, celui de Vallecas à Madrid, dont le prototype de Shanghai représente une variation évolutive et améliorée, des nombreux professionnels et institutions ont manifesté leur intérêt pour le projet. Il est vrai que si l’on veut reproduire (copier) un projet d’architecture, [il existe] certaines limitations: premièrement, il faut tenir en compte la problématique des droits d’auteurs de l’architecte-concepteur et, deuxièmement, il peut y avoir des difficultés contractuelles, spécialement s’il s’agit d’une œuvre publique. Si nous arrivons à créer les conditions qui éliminent ces deux contraintes, tout professionnel pourrait développer, à 1 2 3
http://ecosistemaurbano.org/francais/shanghai-air-tree-le-premier-projetd%E2%80%99architecture-creative-commons/ http://ecosistemaurbano.org/francais/ http://ecosistemaurbano.tv/ FINANCE & ÉCONOMIE
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partir des plans et des documents originaux, un nouveau projet en l’adaptant à un nouveau site et à ses exigences spécifiques, sans nécessité de dépendre de l’équipe qui a développé le projet [original]. De cette manière, le coût de la conception et de l’innovation étant [couvert], il suffit d’une équipe de direction des travaux. Pourquoi ne pas imaginer que tout ceux qui sont intéressé par ce projet [pourraient] le télécharger, le copier, le modifier, le reproduire et même le revendre? […] Au niveau du projet et de sa conception, nous sommes convaincus que, suite à l’ouverture de notre projet à l’extérieur, les développements et les variations pourront atteindre une qualité que nous-mêmes n’aurions pas pu garantir ni imaginer à l’intérieur de notre structure. Nous nous attendons à [ce] que de nombreux professionnels nous suggèrent des propositions, des améliorations et des adaptations à appliquer à des contextes différents, ainsi que des applications partielles et particulières de technologies et d’usage, ou bien d’autres projets sous-licence Creative Commons, dans le but de faire avancer la réflexion et la conception de ce genre de projet. Nous interprétons ce processus comme un travail d’intelligence collective pour la recherche et l’expérimentation de prototypes expérimentaux d’intervention dans l’espace public contemporain, capables de réactiver l’usage collectif de ces lieux. D’autres part, en tant qu’agence, nous considérons que notre modèle économique ne doit pas se baser sur la vente de projets, idées ou produits, mais sur l’offre d’un service de qualité et sur la capacité de concevoir des stratégies et des processus capables de fournir des solutions appropriées au contexte. […] Pour conclure, il est important de souligner que la possibilité de télécharger, copier, modifier et reproduire un projet d’architecture a une grande valeur symbolique mais, également, un grand potentiel: la voie est désormais ouverte à un changement de perspective dans la profession de l’architecte, qui cesse d’être un dessinateur d’espaces et devient un concepteur de processus.» 1
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http://ecosistemaurbano.org/francais/shanghai-air-tree-le-premier-projetd%E2%80%99architecture-creative-commons/ LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
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“ Car c’est de la concertation que naît le partage ... ” E. PRÉDINE 3.6 FONCIER & GOUVERNANCE 3.6.1 Point de vue permacole Le foncier et la gouvernance constituent deux domaines fondamentaux de la résilience de nos sociétés car ils sont souvent source d’exclusion. L’accès à la terre n’étant pas un droit inné mais qui s’acquière et devient de plus en plus difficile à obtenir, tant en ville qu’à la campagne, les inégalités sociales tendent ainsi à augmenter. Il est cependant souvent gage d’une certaine stabilité car, celui qui a accès au sol acquiert le droit d’y mettre son toit ou de cultiver sa nourriture. C’est pour cela que dans les années septante, des associations et des communes américaines ont réfléchi à la manière de d’offrir au plus grand nombre un meilleur accès au foncier. Ces associations, avec l’aide de Ralph Borsodi et Robert Swann, ont inventé le concept de Community Land Trust (CLT)1 qui permet à une association sans but lucratif, le trust, d’acquérir et de gérer des parcelles comme des Biens Communs2 et de les différencier du bâti qui est posé dessus. En séparent la propriété de la brique, de celle du sol sur lequel elle repose, le coût du logement diminue et donc son accès croît, favorisant ainsi la résilience locale et sociale, et entrant dans l’éthique même de la permaculture. La permaculture intègre également le renforcement de la coopération, de l’égalité et l’intelligence collective ; d’autant plus dans les modes de gouvernance. Ainsi, elle tend à se rapprocher de certaines formes du gouverner plus alternatives, comme la sociocratie par exemple, qui autorisent la participation de tous, dans un schéma plus horizontal que pyramidal ; cela permet à un plus grand nombre de participer à l’organisation et la gouvernance de groupe de toutes tailles et de tous types, allant de l’unité familiale à des projets de plusieurs 1 2
Plus d’informations: http://www.periferia.be/pdf/CLT%20en%202%20mots.pdf Cf chapitre 3.5.2 sur les biens communs FONCIER & GOUVERNANCE
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milliers de personnes1, en passant par des SCOP2 ou des squats organisés. Ces notions d’accès plus facile au foncier et de gouvernance se retrouvent aujourd’hui dans certains projets d’habitats groupés. 3.6.2 L’habitat groupé en autopromotion L’habitat groupé est un ensemble composé de plusieurs foyers comprenant des espaces collectifs autogérés et des parties individuelles privées. Il est l’œuvre d’une initiative collective de particuliers. Le terme d’autopromotion, lui, désigne le fait pour les futurs résidents, de se passer de promoteur immobilier pour réaliser leur bien, ils laissent tomber les intermédiaires et s’occupent eux-mêmes de tout ce qui concerne la construction. De tailles très variables, ces projets peuvent accueillir de 2 à plus de 200 familles, comme c’est le cas dans les pays nordiques. Ce genre d’habitat est donc propice à intégrer un maximum de mixité sociale et générationnelle, ce qui rend finalement la mise en place parfois un peu difficile et chaotique, mais plus riche en échanges. Pour éviter ces problèmes, il existe toutefois des chartes de valeurs communes qui définissent divers points qui régiront la vie des futurs voisins : l’utilisation des espaces et des tâches en commun, le statut juridique, un contenu idéologique du groupe, etc. L’idée n’est pas nouvelle. Déjà au Moyen-âge, il existait des constructions qui mutualisaient des espaces pour plusieurs logements tels que des puits, des potagers ou des cours. L’industrialisation a quant à elle induit l’émergence de certaines utopies communautaires telles que celle d’Owen en 1825 ou Godin en 1859. Plus tard, en 1933, on retrouvera également ces notions dans la Charte d’Athènes avec les Locaux Communautaires Résidentiels (LCR) ; Mai 68 jettera les premières bases d’un renouveau vers l’habitat collectif et communautaire 1
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Nous l’avons d’ailleurs vu le 11 novembre 2011 lors du sommet citoyen du G1000, où 1000 citoyens belges choisis au hasard on discuté de sujets qui leur semblaient important pour un avenir meilleur. Ce sommet a donné lieu a plusieurs sous-groupes qui travaillent encore aujourd’hui sur les questions les plus importantes soulevées lors de cette journée. Pour plus d’informations : http://www.g1000.org/fr/ Sociétés COopératives et Participatives
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grâce, entre autres, au travail du Mouvement pour l’Habitat Groupé Autogéré (MHGA) qui a suivi plus de 100 immeubles construits depuis 1977, année de sa création. L’acquisition d’un terrain par un particulier étant devenue presque impossible en ville, aujourd’hui, les personnes souhaitant bâtir leur habitat sont dès lors obligées de se tourner vers les campagnes, ce qui représente un désavantage écologique non négligeable favorisant l’étalement urbain et un style de vie dépendant des transports motorisés. Pour palier cela, la mutualisation des forces, du temps, de l’énergie et surtout de l’argent dans un habitat groupé semble une bonne opportunité. En plus de donner plus facilement accès au foncier urbain, certaines économies peuvent également être réalisées grâce à l’autopromotion : en réalisant soi-même une partie des travaux grâce à autoconstruction, en ne passant pas par nombre d’intermédiaires tels que les promoteurs immobiliers, en mutualisant certains espaces et en réduisant une partie de la surface des espaces privés1 , etc. Ces différentes économies pouvant atteindre de 10 à 20 %2 du coup global de la construction, cela offre donc la possibilité de construire son habitat à moindre coup ou alors de réinvestir vers un habitat plus écologique, par l’acquisition de panneaux solaires ou une conception passive par exemple; ceci permettant également de réaliser ultérieurement des économies d’énergie. Cette façon de construire permet de plus à chaque logement d’être personnalisé par son propriétaire dés le début du projet, a contrario des projets immobiliers « clé sur porte ». C’est donc le logement qui s’adapte au propriétaire et non plus le contraire… Il peut y avoir d’autres avantages économiques, indirects cette fois, liés au groupe et à la mixité quelle comporte. Ainsi, certains achats pourront être réalisés en commun, comme la nourriture3 ou certains outils, réduisant ainsi les coûts d’achat. La mixité, surtout générationnelle, 1
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Par exemple pour un habitat de 6 foyers, il n’y aura peut-être que 2 machines à laver au lieu de 6, diminuant ainsi la surface nécessaire de 4,8m² à 1.6m² (0,8m² par machine) et la facture de 7.200€ à 2.400€ (sur la base de 1.500€/ m²) , soit une économie de 4600m², sans compter le prix des machines à laver. PARASOTE B., Autopromotion, habitat groupé, écologie et liens sociaux – Comment construire collectivement un immeuble en ville ? p.37 Via un GASAP ou un GAC, Groupe d’Achat Solidaire à l’Agriculture Paysanne ; Groupe d’Achat Commun FONCIER & GOUVERNANCE
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permet l’échange de services normalement assez coûteux tels que la garde d’enfant ou les petits travaux de bricolage. On revient ici à un service d’échange et d’entraide dans une communauté et à une plus grande « relience » entre les gens. Ceci est favorisé entre autre par le fait que les personnes qui fondent un habitat groupé se choisissent et apprennent à se connaitre tout au long du processus de construction de leur habitat. Entre prise de tête et moment de joies, des amitiés peuvent se former tout en apprenant à connaitre l’autre1. Les retombées positives existent également à l’extérieur de l’habitat groupé, par exemple pour les riverains, le quartier ou la commune qui bénéficient alors d’une plus grande mixité architecturale, chaque projet étant unique, réalisé par des groupes composés de personnes différents 2; par l’intégration dans le quartier de citoyens qui seront probablement engagés autant au sein de celui-ci qu’il ne le sont dans leur habitat groupé et qui peuvent mettre en marche une démarche participative constructive dans les quartiers qu’y n’en sont pas pourvue ; par l’intégration d’une microéconomie locale3; par l’intégration de chambre d’amis permettant d’accueillir parfois des personnes en difficulté temporaire4; ou même par l’intégration dans le projet de personnes plus âgées. Pour conclure, il faut préciser que bien que ce genre d’habitat comporte de nombreux aspects pragmatiques, c’est un processus très long à installer, un travail de longue haleine qui peut durer plusieurs années à se mettre en place. De la composition du groupe à la réalisation de la construction, les groupes doivent passer par nombre d’épreuves difficiles qui les fragilisent parfois jusqu’à les dissoudre mais qui soudent ceux qui arrivent jusqu’au bout du projet. La vie en groupe n’est pas non plus toujours idyllique et il faut livrer un combat au quotidien pour garder une bonne ambiance en apprenant à vivre ensemble tout 1 2 3
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PARASOTE B., Autopromotion, habitat groupé, écologie et liens sociaux – Comment construire collectivement un immeuble en ville ?., p. 40 PARASOTE B., op. cit., p. 50 Comme c’est le cas pour certains habitats groupés qui intègrent dans leur projet un four produisant une fois par semaine un bon pain au feu de bois, ou des petits ateliers d’artisanat Comme une mère en instance de divorce ou un SDF, qui auraient besoin d’un logement le temps de pouvoir retrouver une situation plus stable
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en laissant une place à l’intimité de chacun. Quoi qu’il en soit, ce genre de logement est une aventure humaine, juridique et technique qui nécessite de bons outils de communication et qui ne convient peut être pas à tout le monde ; mais qui, quand il aboutit, représente une expérience qui enrichit tous ceux qui ont la chance de la vivre.
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3.6.3 T端bingen, une ville en autopromotion
3.6.3 Tûbingen, une ville en autopromotion L’habitat groupé et l’autopromotion peuvent également être mis en place à des échelles plus grandes que celle de quelques foyers. Nous l’avons déjà vu par exemple au quartier Vauban, où ce sont les futurs usagers du lieu qui ont établi les lignes directrices du projet urbanistique et du Plan Masse. Ainsi, la petite ville universitaire de Tübingen1 a fait de l’autopromotion son nouvel outil d’aménagement pour son développement urbanistique. Nous retrouvons ici un article rédigé par Richard Quincerot intitulé « La ville construite par ses habitant » ; il nous parle justement de cette ville et de comment elle a utilisé l’autopromotion comme fer de lance de sa revitalisation. « Tübingen est une ville moyenne universitaire de l’ouest de l’Allemagne, peuplée de 85000 habitants, dont 25000 étudiants. Pendant les années 70, elle a préservé et restauré son centre-ville ancien, l’un des rares restés intacts après la Seconde guerre mondiale. Les ruelles médiévales, les maisons à colombage et les cafés d’étudiants au bord de la Neckar sont toujours hantés par la mémoire de Kepler, Hegel, Goethe, Hermann Hesse et Hölderlin. Pendant les années 80, comme bien d’autres, elle a connu des problèmes de déclin démographique au centre, d’étalement en périphérie et de hausse des prix de l’immobilier, dopés par le voisinage de Stuttgart. À partir des années 90, la municipalité à majorité “verte” (près de 55 % en 2009) décide d’inverser la tendance en lançant des opérations de densification urbaine, conçues pour offrir des logements accessibles en ville, mais aussi pour renforcer le lien social et enrichir la vie urbaine. L’objectif politique est de “produire de la complexité” en valorisant la diversité de la population et en encourageant toutes les formes de mixité (fonctionnelle, sociale, générationnelle...). Le moyen utilisé, non moins politique, consiste à organiser une procédure d’urbanisme minutieusement réglée pour donner un maximum de liberté à la créativité architecturale de groupes de maîtres d’ouvrage. […] Trois cents personnes se rencontrent, habitants, promoteurs, groupes déjà constitués ou personnes seules cherchant des partenaires pour construire : de jeunes ménages en quête d’un logement, des passionnés d’écologie, des personnes âgées cherchant un lieu à partager pour la retraite, des “bobos” rêvant d’une maison de ville, des familles turques ou serbes... Les groupes intéressés déposent une première candidature indiquant sommairement (sur 1
Ville allemande sitéu à 50 km au sud de Stuttgart FONCIER & GOUVERNANCE
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une page) l’idée générale du projet, la surface de terrain souhaitée et une localisation préférentielle. L’Office du développement urbain fait sa sélection et compose le puzzle du quartier – en plaçant des personnes âgées près d’une école enfantine, par exemple. Il applique cinq critères de choix, validés politiquement par la municipalité : un avantage est donné aux habitants sur les promoteurs, aux projets prévoyant des commerces au rez-de-chaussée, aux programmes les moins risqués, aux personnes habitant déjà à Tübingen et, surtout, aux propositions apportant un supplément de qualité urbaine (mixité, animation, écologie, diversité...). Sur les 100 candidatures déposées, 60 sont retenues. Les décisions de l’Office sont sans recours. Les groupes de maîtres d’ouvrage ont une option sur un terrain et six mois pour préciser leur projet : compléter leur groupe si nécessaire, trouver un financement et établir les contrats juridiques liant les membres – à ce stade, il n’est pas demandé de faire les frais d’un projet d’architecte. Au départ plutôt réticentes, les banques sont aujourd’hui pleinement convaincues par la formule, ayant découvert qu’il était beaucoup moins risqué de prêter à des groupes d’habitantsconstructeurs qu’aux promoteurs de grosses opérations. En 2007, les groupes qui restent en lice affinent leur projet avec l’aide de l’Office pendant que la Ville entame les premiers travaux sur le site. Les groupes de plus de 10 ménages doivent engager un coordinateur professionnel (Projektsteuerung), agissant comme interlocuteur unique de l’Office. En 2008, tous les lots sont vendus. En 2009, une grande partie des immeubles est réalisée. Les finitions se sont terminées courant 2010. […] L’opération est intéressante à plusieurs titres. D’abord son montage. À la différence des villes hollandaises, qui restent propriétaires du sol (via des baux emphytéotiques),Tübingen revend les parcelles aux groupes de maîtres d’ouvrage : pour une raison financière – l’opération est portée par la Ville et doit couvrir les frais de démolition et d’équipement –, mais aussi par choix politique – “Nous ne souhaitons pas une ville municipalisée, précise Cord Soehlke, mais une ville dont le sol soit partagé entre ses habitants”. Ensuite, pour son efficacité : l’opération réalise une densité de 200 habitants à l’hectare avec des prix de sortie tournant autour de 2 000 euros le mètre carré de plancher. Mais aussi, pour sa souplesse, favorisée par des règlements de construction lapidaires : des groupes de maîtres d’ouvrage se passionnent pour les économies d’énergie, d’autres construisent des locaux à réaffecter (bureau, chambrette, etc.), d’autres encore partagent la propriété d’un appartement loué à un prix attractif, etc. Enfin, pour sa signification
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LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
politique, pleinement sensible sur place : le jeu de la règle et de la liberté, la diversité architecturale produite par la diversité sociale, les passages et les jeux d’enfants, les plantes en pots sur les trottoirs... réveillent la nostalgie d’une ville qui ne ferait pas seulement l’objet d’appropriations symboliques, mais dont les habitants seraient réellement les auteurs et les propriétaires. » 1
“ Ce n’est pas le moment de penser en ligne droite vers des conclusions simples et définitives. Mais il n’est pas temps non plus de s’effrayer devant la possibilité de radicalement transformer la totalité de nos vies... ” I. FREMEAUX
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Richard Quincerot, février 2011 - HORS SÉRIE n° 39 / URBANISME / 47 FONCIER & GOUVERNANCE
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“ Créer le monde que nous voulons est un mode d’action bien plus subtil, mais plus puissant que détruire celui dont nous ne voulons plus... ” M. WILLIAMSON 3.7 SOINS À LA NATURE ET À LA TERRE 3.7.1 Point de vue permacole On se rend compte de plus en plus que l’Homme a besoin de la nature, du « vert ». C’est d’autant plus vrai en ville où cette nature est vraiment limitée. C’est pour éviter les exodes vers les périphéries urbaines, « plus vertes », qu’il faut repenser, entre autre, la place de la nature en ville ; tant pour des raisons écologiques, que socioéconomiques. La permaculture peut en ce sens apporter diverses pistes de réflexion. La première par l’agriculture urbaine, qui, pour bien des raisons que nous verrons plus loin, s’intègre dans la philosophie permacole et constitue une stratégie de résilience pour le milieu urbain. Il est également possible de mettre en place des « paysages utiles » comme des lisières comprenant une gestion intégrée de l’eau qui non seulement sont esthétiquement attrayantes, mais qui sont également utiles dans la gestion des flux pluviaux. Ces derniers peuvent être mis en place sous forme de divers maillages (vert et bleu comme à Bruxelles) et ainsi créer de réels corridors écologiques pour tout un tas d’espèces en favorisant les échanges, la biodiversité et les microbiotopes particuliers propices à la vie. A l’échelle de l’architecture proprement dite, les toitures vertes offrent un autre champ de possibilités, en favorisant un retour de la nature en ville sur des surfaces qui n’étaient prévues jusque là que pour protéger des intempéries. En végétalisant les toitures, on peut appliquer le principe permacole selon lequel « un objet rempli plusieurs fonctions » : tels que l’atténuation les effets des changements climatiques, le gain au niveau du confort thermique et acoustique, la SOINS À LA NATURE ET À LA TERRE
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captation une partie du CO² de et autres gaz polluants, la diminution de d’îlots de chaleur urbain et des inondations, et le développement de la biodiversité. C’est d’ailleurs, entre autres, grâce à ce type de toiture que l’on peut pratiquer une apiculture urbaine de bien meilleur qualité, en profitant de l’absence d’insecticides en milieu urbain. 3.7.2 L’agriculture urbaine Doux oxymore que ce type d’agriculture. La société industrielle ayant rendu l’Homme hyper-dépendant à l’industrie, cultiver ses légumes, du moins en partie, est un moyen d’augmenter son autonomie en assurant un contrôle sur sa production et sur la qualité des produits consommés tout en générant une réelle économie financière. Les espaces verts sont des lieux prisés en ville. Lieux de rencontre et de sociabilisassions, ils constituent des espaces « où les habitants se reconnaissent et nouent des liens de civilité qui contribuent au sentiment de bien-être au quotidien. […] Par-dessus la clôture, on bavarde et, de fil en aiguille, on se retrouve, on se donne un coup de main. Des attitudes de copinages évoluent en pratiques de coopération de garde d’enfant, d’arrosage commun, etc. »1. Par le simple fait de partager un espace, on ouvre la possibilité de réintégrer des personnes isolées ou en difficulté ; d’échanger et de partager ; de recréer des liens sociaux qui aideront à la stabilité d’un quartier. L’introduction de l’agriculture urbaine offre de beaux espaces verts en milieu urbain, qui y amèneront non seulement un aspect esthétique mais également des aspects écologiques, économiques et sociaux. Il y a quelques dizaines d’années, beaucoup de personnes avaient accès à la terre, pouvaient cultiver leur petit potager et avaient quelques connaissances en agriculture. Aujourd’hui, ce savoir est presque complètement perdu pour les urbains et sans les supermarchés, nous mourrions vite de faim. Malheureusement, nous pouvons de moins en moins compter sur ceux qui savent, tranche vieillissante de la population. Nous devons donc essayer en priorité de retrouver ces savoirs anciens, ces techniques et ces variétés de plantes oubliées, pour 1
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PREDINE E., Des jardins en partage – échange avec Jean-Paul Collaert, pp 24, 36 et 37 LA PERMACULTURE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE
ne pas les perdre à jamais. En recréant ce genre d’espace de culture, on facilite et favorise cet échange de savoirs entre les personnes âgées et les plus jeunes. L’observation de la nature peut nous apprendre énormément, tant sur notre façon de consommer que sur l’environnement. Ainsi, on peut apprendre que les fraises ne se consomment pas en décembre et que s’il y en a à ce moment de l’année, c’est qu’elles doivent provenir de très loin. On peut apprendre comment réagissent les fleurs au soleil, comment les abeilles cultivent le pollen, comment se présente la plante du haricot. Certains trouveront cela futile, mais c’est en comprenant comment la nature fonctionne que l’on peut commencer à la respecter et ainsi poursuivre le processus vers un monde plus résilient. D’ailleurs, la nature est généralement source de grands plaisirs ; observer le cycle des saisons, découvrir la faune et la flore, chasser les coccinelles et les papillons constituent autant d’activités qui peuvent diminuer le stress du quotidien. De plus, travailler la terre et cultiver sa propre alimentation procure un réel sentiment de prise de pouvoir sur sa vie, et faire naître un sentiment de fierté quand l’on peut manger ce que l’on cultive ; d’autant plus quand on sait qu’il n’y a pas eu de produits chimiques ajoutés et que les légumes ont poussé dans le respect de la nature et des cycles des saisons… Nous retrouvons différentes structures pouvant accueillir cette agriculture en ville. Digne héritier des « community garden », les jardins partagés sont des terrains en friches ou des dents creuses récupérées par une collectivité pour en faire un potager et/ou un jardin collectif géré par cette collectivité. C’est un lieu de rencontre et d’échange où la dynamique de groupe est privilégiée à l’activité individuelle. Avant même la mise en place de cet espace, on assiste a une concertation avec les personnes qui utiliseront ensuite le terrain, permettant ainsi aux riverains, futurs usagers, d’exprimer leurs envies, leurs besoins et leurs craintes. Des personnes âgées rechercheront plutôt un lieu pour discuter et un petit terrain pour cultiver des légumes oubliés; des mères célibataires, un espace de jeux pour leurs enfants ainsi qu’un espace pour planter des fleurs pour se changer les idées; des couples de jeunes, un peu d’espace pour cultiver des légumes, etc. Quand chacun a exprimé son avis, le projet se met en place avec les usagers, les pouvoirs SOINS À LA NATURE ET À LA TERRE
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publics et parfois avec des professionnels de la concertation1. De ce fait, on crée non seulement un espace qui sera géré par la collectivité, et non plus uniquement par la commune, et où le riverain mettra en place tant la conception que les modalités d’utilisation. Ainsi certains jardins seront moins productifs mais comprendront plus espaces de jeux et de récréation, d’autres comprendront une petite cuisine et des espaces de transformation pour les cultures, etc. Ce type de jardin est in fine une « sorte de laboratoire in vivo de la démocratie participative, qui implique à la fois le respect de l’autonomie de l’individu et des formes de régulation collective »2. Le deuxième type de structure accueillant l’agriculture en ville reprend les fermes urbaines qui ont une vocation plus nourricière que les jardins partagés. Ce sont des petites et moyennes unités productives qui permettent de nourrir directement des foyers urbains, soit par un point de vente direct soit par un système de GASAP3, en réduisant ainsi l’énergie liée au transport. L’agriculture urbaine n’a donc pas pour seul avantage de pouvoir manger des produits sains et locaux. C’est un réel changement de vision qui peut se mettre en place et permettre la création de nouveaux réseaux. En retissant les liens sociaux et en favorisant les échanges de savoir, on garantit la stabilité de notre système et donc la résilience de la société et de la ville. Bien sûr, il faut être contient que l’on ne peut pas nourrir toute une population urbaine grâce à ce type d’agriculture sur les friches et sur les toits, mais c’est un moyen de sensibiliser et d’éduquer la population tout en diminuant la facture des ménages. Pour ce faire, il faudra tout de même faire attention à deux points sensibles : la terre et l’eau. L’approvisionnement en eau constitue un problème pour les cultures urbaines ; il est donc primordial d’arriver à capter un maximum d’eau dans les alentours des fermes ou des potagers, et d’essayer de la stocker par des systèmes de citernes, de réservoirs ou d’étangs. Les sols, quant à eux, ne sont pas toujours de bonne qualité et, 1 2 3
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Tel que le bureau d’étude SaluTerre en France. BAUDELET L., BASSET F., LE ROY A., Jardins partagés – Utopie, écologie, conseils pratiques, p.27 Groupement d’Achat et de Soutient à l’Agriculture Paysanne
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souvent, sont pollués par d’anciennes industries situées en milieu urbain ou dans les environs. On privilégiera de ce fait la culture hors sol, sur mulch1 et compost. Pour ce faire, les déchets organiques des riverains peuvent servir à la culture en étant compostés sur place. Il est possible d’imaginer un système d’échange où chaque personne qui amène 10 kilos de déchets pourrait recevoir gratuitement un kilo de légumes. D’autre part, le prix des terrains en ville devenant de plus en plus cher, les emplacements sont donc monopolisés par des entreprises immobilières ayant un fort pouvoir financier, empêchant ainsi la mise en place de ce genre de projet. Cependant, si dans un avenir proche les transports de marchandises deviennent hors de prix, cultiver en ville et en périphérie proche deviendra une nécessité afin de diminuer la distance « producteurconsommateur » et donc logiquement, produire une agriculture plus locale qui entretienne une meilleure relation entre ville et campagne. L’avenir de l’agriculture passera ainsi certainement par une multitude et une diversité de petites fermes qui nourriront directement certains quartiers de la ville en lieu et place des grandes exploitations agricole vendant à des grossistes qui vendent ensuite à des magasins, qui à leur tour vendent aux particuliers… En passant par des petites structures paysannes, on peut recréer de l’emploi ; ou travailler directement du producteur au consommateur en réduisant les intermédiaires qui gonflent les prix ; ou encore produire sans intrants et avec moins de mécanisation. Le changement d’échelle du problème agricole ouvre la porte aux réflexions sur les plans d’urbanisme d’une part et le rôle de la micro échelle de l’architecture d’autre part. Pour conclure, la permaculture peut également aider l’agriculture urbaine par sa façon de concevoir la culture. Ainsi, les surfaces utilisées pour cultiver seront plantées abondamment en tentant de mettre ensemble des plantes compagnes pour qu’elles puissent s’aider les unes les autres et grâce à cette synergie, obtenir une production importante sur un minimum d’espace. Pratique pour la ville, qui commence à en manquer… 1
Couche de matière organique en décomposition placée afin de recréer une couche de bonne terre ; comme le fait la forêt en automne et en hiver en perdant ses feuilles pour qu’au printemps il y ait une bonne couche d’humus fertile. SOINS À LA NATURE ET À LA TERRE
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3.7.3 La ferme Nos Pilifs A Neder-Over-Heembeek1, il existe depuis les années 80, une ferme urbaine un peu particulière. A la fois ferme d’animation et lieu de culture, de vente, de loisir et d’éducation, la Ferme Nos Pilifs intègre des personnes souffrant de déficiences intellectuelles pour réaliser les tâches du quotidien… Un très beau projet en somme, qui tient compte de nombreux points chers à la permaculture : inclusion, résilience urbaine et polyvalence, tout en prenant soin des Hommes dans de la Terre… Lauréate du “Grand Prix des Générations Futures 2011”, elle représente un exemple durable pour les villes du futur. « Située dans un écrin de verdure en pleine ville, dans la commune de Neder-Over-Heembeek, la Ferme Nos Pilifs est une Entreprise de Travail Adapté agréée par la Cocof. Créée en 1984 pour répondre au problème d’emploi des personnes handicapées mentales au Nord de Bruxelles, la Ferme a développé progressivement son activité jusqu’à proposer à ce jour 150 emplois dont 120 sont réservés à des personnes en situation de handicap. L’adaptation du travail à la déficience des personnes permet de réduire le handicap afin que chacun puisse s’épanouir au travers des tâches accomplies. Étendu sur un terrain de 5 ha, le parc animalier accueille tous les animaux présents habituellement dans une ferme. Ce site bucolique est le lieu idéal de belles promenades dans la nature en famille. Derrière ce cadre idyllique, se cache toute une entreprise dont le but est de proposer un travail utile, valorisant et rémunérateur à toute personne en situation de handicap. De plus, nous avons à cœur de rencontrer cet objectif social en y alliant les aspects économiques et environnementaux afin de faire de la Ferme une entreprise durable.Nous composons aujourd’hui six métiers différents, mais complémentaires sélectionnés principalement pour leur utilité sociale dans le quartier et pour le contact qu’ils permettent avec le client et le visiteur. En 2009, une cellule d’accueil des travailleurs en « apprentissage » a été mise en place permettant ainsi l’accès au travail à un plus grand nombre. Depuis sa création, la Ferme a toujours géré ses projets de manière écologique. Nous prouvons chaque jour qu’écologie peut rimer avec professionnalisme, réussite économique et excellentes conditions de travail. Dans le choix et la pratique des métiers aussi, nous sommes attentifs à 1
Nord de Bruxelles SOINS À LA NATURE ET À LA TERRE
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l’intégration d’une gestion environnementale la plus poussée possible. Par ailleurs, nos constructions font toujours appel à des technologies respectueuses de l’environnement. Six métiers, une idée : l’intégration. La ferme d’animation Cette équipe dynamique s’occupe de l’entretien du par cet des animaux qui y vivent. Ils gèrent également les potagers ainsi que l’élevage de poulets. Par ailleurs, ils accueillent des enfants avec leurs écoles ou lors de stages pendant les vacances mais aussi les mercredis après-midi pour les anniversaires fermiers ! La jardinerie Vous souhaitez aménager votre jardin ou égayer votre terrasse ? Notre jardinerie vous propose une grande variété de plantes fleuries, d’arbustes, d’arbres fruitiers ainsi qu’un bel assortiment d’outillage et produits phytosanitaires totalement respectueux de l’environnement pour faire de votre espace vert un véritable coin de paradis. L’entreprise de jardins Espace de détente par excellence, le jardin est aussi un extraordinaire milieu vivant où faune et flore sont en constante évolution. Faites confiance à l’expérience et au savoir-faire des jardiniers professionnels de la ferme pour ou entretenir ou aménager cet espace, et ce de manière 100% écologique. L’estaminet L’estaminet est un endroit agréable où vous pouvez vous arrêter le temps d’un rafraîchissement, d’un petit encas ou même d’un diner copieux. Agréable hiver comme été grâce à sa terrasse, venez vous détendre après une ballade en nature et profiter d’un cadre chaleureux et convivial 7 jours sur 7 ! L’épicerie/boulangerie À l’épicerie, nous vous proposons des fruits et légumes garantis par le label BIO. Nous vendons également des produits « Made In Pilifs » issus de notre élevage mais aussi les fruits de nos cultures. De plus, vous trouverez un assortiment de délices issus de notre atelier de boulangerie artisanale et cuits au four à bois.
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La manutention Une équipe flexible et efficace, au service des entreprises, réalise toutes les opérations de manutention et mailing. Par ailleurs, c’est cette section qui sélectionne des fruits et légumes de saison afin de confectionner des paniers BIO que nous proposons chaque semaine à l’épicerie et livrons un peu partout à Bruxelles. »1
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Texte extrait du feuillet de présentation de la ferme Nos Pilifs. SOINS À LA NATURE ET À LA TERRE
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3.8 SANTÉ & BIEN-ÊTRE Les six domaines vus précédemment nous ont permis de percevoir un peu mieux comment la philosophie permacole pourrait nous aider à tendre un peu plus vers la résilience. Bien que poursuivant le même objectif, ce dernier domaine ne sera pourtant pas vu de la même façon que les autres car il constituera une introduction à la conclusion qui suivra. Comme nous l’avons remarqué lorsque nous avons abordé chaque élément individuellement, on retrouve des notions de chaque domaine dans tous les autres, créant des liens et des ponts entre ceux-ci ; des aspects du foncier dans le soin à la nature, de la finance dans l’habitat, etc. Cela illustre, encore une fois, la nécessité d’une démarche holistique qui comprend une vision large et complexe dans toute chose mise en œuvre par l’Homme. Chaque élément se retrouvant dans les autres, on ne peut limiter un objet ou un système à sa plus simple définition ; il doit pouvoir être mis en relation avec ce à quoi il est relié et ce qui l’influence. De fait, pour influencer le domaine « Santé et bien-être », il faudra prendre tant soin de l’aspect physique de l’Homme que de son aspect mental dans tous les autres domaines. Ainsi, cela passera par exemple dans les domaines « Habitat » ou « Outils & technologie » par l’utilisation de matériaux plus sains ne provoquant pas de maladies, mais également par l’utilisation de techniques favorisant la condition physique de l’Homme, sans pour cela abimer son corps. Dans les domaines « Culture & enseignement » ou « Foncier & gouvernance », il sera peut-être plus question d’éviter les pratiques aliénantes et de favoriser celles qui ouvrent l’esprit et diminuent les angoisses en tout genre. Quand on réfléchit globalement au domaine « Santé », il faut également concevoir, ponctuellement, dans chacun des six autres domaines, un ensemble d’éléments qui peuvent influencer ce domaine. En partant donc du concept de la « Fleur d’Holmgren »1, où chaque projet comprend plusieurs aspects du contexte culturel de l’Homme, et en ajoutant la vision expliquée ci-dessus, où chaque domaine se retrouve dans les autres, nous pouvons obtenir des systèmes beaucoup plus complexes, riches, et tendant vers équilibre et la résilience. 1
cf chapitre 3.1 SANTÉ & BIEN-ÊTRE
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Le bien-être est également une notion importante qu’il ne faut pas négliger dans nos différents projets. D’autant plus en milieu urbain vu qu’il peut représenter un lieu de fortes tensions et de stress dû à la multiplication des stimuli et à la rapidité des flux incessants. L’équation fondamentale du bien-être peut se définir par la somme du niveau de vie, des conditions de vie et du milieu de vie1. Nous pouvons dés lors penser que l’architecte jour un rôle majeur dans le niveau de bien-être des Hommes, vu qu’il peut influencer tant le deuxième que le troisième facteur. C’est dans sa manière même de concevoir et d’imaginer les espaces, de mettre en place une ligne de conduite plus éthique et radicale, pour l’Homme et l’environnement, mais également avec la possibilité qu’il a d’inclure les futurs usagers dans une démarche participative, voir même de les accompagner dans une démarche vers plus autonomie, que l’architecte a la possibilité d’apporter un plus grand bien-être dans ses projets. En recourant à des solutions créatives et adaptées, il peut augmenter la qualité des conditions de vie et assurer un milieu de vie plus sain et agréable à vivre, et ainsi avoir une influence bénéfique sur de nombreuses richesses immatérielles, chères aux Hommes, telles que la santé, la beauté, le bien-être ou l’éveil à des choses jusque-là inconnues…
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L’écosystème urbain, application à l’agglomération bruxelloise. Colloque international organisé par l’agglomération de Bruxelles 14 et 15 septembre 1974, p.31
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CHAPITRE
“ En réalité, une foule d’indices convergents suggère que ce dépassement est déjà amorcé et que les chances d’une sortie civilisée du capitalisme dépendent avant tout de notre capacité à distinguer les tendances et les pratiques qui en annoncent la possibilité ... ” A. GORZ
Dans le cadre des études en architecte, nous avons la possibilité d’acquérir, tout comme avec la permaculture, tant une vision complexe que différentes méthodes censées nous permettre de concevoir n’importe quel type de projet. L’appréhension complexe des situations constitue effectivement une nécessité pour le bon exercice des professions de concepteur et de constructeur. De fait, nous pouvons penser que la permaculture poursuit des objectifs communs à l’architecture en tentant, entre autre, de trouver une cohérence entre l’Homme, sa culture, son habitat et, en prenant comme base de réflexion leur environnement direct. Les chemins menant à la « permarchitecture »1 ne semblent dès lors pas difficiles à atteindre ; il s’agit d’appliquer à notre façon d’exercer, de concevoir et même, plus globalement à notre façon de vivre, une philosophie différente basée sur l’éthique et les principes de la permaculture. On retrouve souvent la permaculture dans des idées, des techniques et des méthodes qui étaient utilisées dans le passé ou dans certains courants de pensée.Ainsi, la permaculture n’apporte fondamentalement rien de neuf et ses principes tiennent surtout du bon sens et de la logique. Cependant, son intérêt réside dans sa capacité à mettre noir sur blanc ces idées et ces techniques autour d’une structure claire et concise, donnant forme à un guide efficient et à un concept complet sous lequel peuvent se rassembler des personnes et des communautés 1
Néologisme inventé par l’une de mes directrices de mémoire, Isabelle Prignot, la permarchitecture pourrait représenter le design en permaculture adapté à l’architecture. CONCLUSIONS
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désireuses d’adopter un mode de vie plus sain et plus durable. Une méthode où la conception de n’importe quel système est réalisée en prenant le temps d’observer, de penser, de rêver et d’agir. Comme nous l’explique d’ailleurs Pablo Servigne, jeune permaculteur et transitionneur1, la permaculture «navigue à contre courant des valeurs dans lesquelles nous baignons depuis longtemps. On doit tout réapprendre : la complexité contre la simplification, la lenteur contre la rapidité, l’éthique contre les normes, la diversité contre l’uniformisation, la pensée globale contre la pensée réductionniste. […] Et si la permaculture peut nous donner quelques clés elle est finalement l’opposé d’une solution clés en main »2. Elle offre, de fait, la possibilité de recréer de nouvelles lignes directrices pour guider nos choix vers la résilience, tout en nous laissant la liberté quant aux manières d’y parvenir. À contrario de la notion de développement durable, qui reste très vague et n’implique pas de réels moyens pour induire des changements3, la permaculture propose un ensemble d’outils pratiquo-pratiques et concrets. Dès le début, elle a été pensée de façon globale mais avec des applications concrètes et locales afin d’amener l’agriculture conventionnelle vers une agriculture biologique spécifique4. Ensuite, en transposant les principes permacoles dans un contexte plus large telle que la ville, Rob Hopkins a imaginé une nouvelle boîte à outils permettant à chaque communauté d’engager sa « transition » par ellemême vers l’après-pétrole et d’acquérir l’autonomie. C’est encore une fois une structure palpable qui émane de la permaculture et qui offre la possibilité à tout un chacun d’entreprendre des actions concrètes. Bien sûr, nous ne possédons pas encore le recul nécessaire5 pour pouvoir juger correctement sur le long terme de l’efficacité d’une telle méthode et encore moins sur des systèmes plus importants en taille et en complexité, elle a cependant le mérite de sortir des schémas classiques et d’essayer d’apporter un point de vue différent tant dans la théorie que dans la pratique. 1 2 3 4 5
Personne engagée dans une initiative de transition. Dans le cas de Pablo, il s’agit d’Ixelles et de Liège en transition SERVIGNE P., Magazine Imagine – spécial transition, p.17 Malgré sa structure claire des trois piliers: Economie, Ecologie, Social Culture sur butte, utilisation de plantes compagnes, culture sur paillis ou sur mulch, etc. La permaculture n’existant que depuis 40 ans pour l’aspect agricole, un peu moins pour son adaptation au sens large de la Culture et depuis à peine six ans pour les initiatives de transition CONCLUSIONS
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La question de la ville constitue un système de choix pour l’application de la permaculture. Lieu de convergences et de concentrations de flux, d’énergies et de personnes, la ville est aujourd’hui, selon moi, confrontée à un défi de taille : tendre ce système hyper-complexe et dépendant vers plus de résilience et d’autonomie. Il s’agit là évidemment de questions d’envergure telles que celles de la sécurité alimentaire et énergétique ou de la fermeture des cycles si souvent ouverts. Ainsi, la permaculture tentera de trouver où il existe des ressources inutilisées (déchets, énergie, etc.) et là où justement il en manque pour, enfin les relier. Pour illustrer ce propos, nous pouvons citer à titre d’exemple le projet Rurban 1 qui met en réseau des éléments urbains et périurbains de domaines différents (économie, habitat, agriculture, mobilité, etc.) afin de recréer une résilience locale, ou le projet des Ekovores qui tente de recréer « un système circulaire, local, résilient, pour alimenter la ville » 2 en proposant un ensemble de nouveaux équipements et de nouveaux métiers.
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Réalisé par l’Atelier d’Architecture Autogérée. Plus d’information sur : http://www.urbantactics.org/projects/rurban/rurban.html http://www.lesekovores.com/
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La ville nous offre finalement un grand nombre d’opportunités, ne fut-ce que par le nombre de personnes qui la font vivre quotidiennement. Cette forte concentration de citadins peut nous aider à réfléchir à l’avenir, à concevoir de nouvelles façons de gouverner ou de se déplacer, mais peut également nous aider à rebâtir cette résilience. Philippe Madec l’explique d’ailleurs très justement : « dans la ville qui est en train d’advenir, la question de la puissance se rejouera, elle sera d’abord la puissance collective des citoyens avant d’être de watts, de joules ou de lumens. Engager le citoyen dans l’aventure commune, ne se fera pas sans engager leurs corps, pas seulement leurs idées dans les réunions de quartiers, mais leurs bras pour planter tous ensemble, leurs mains pour ouvrir les fenêtres de leurs logements, leurs dos pour porter les sacs de pellets de leur chaudière à bois, leurs jambes pour marcher et pédaler. Moins de technique, plus de corps, plus de citoyenneté. »1 La permaculture s’applique en fin de compte à n’importe quel type de conception. Néanmoins, elle ne sera jamais appliquée de la même façon par une personne ou par une autre ; chacun y trouvant ce qu’il a à y prendre. Le projet 100% permacole n’existant pas, nous retrouverons parfois un seul aspect de la permaculture dans une conception et parfois, dans les projets les plus radicaux, une réelle recherche dans ce sens. Mais quoi qu’il en soit, la permaculture reste une démarche, un outil et une philosophie et non pas un objectif en soit et dans chaque conception, nous retrouverons des éléments qui ne suivent pas toujours strictement les principes permacoles. Nous pouvons prendre comme exemple, la conception même de ce mémoire: la démarche établie ici était de concevoir un objet issu de matériaux recyclés ou naturels, afin qu’après utilisation, il puisse être entièrement composté ou recyclé. Or le fait de réaliser manuellement la reliure a demandé plus d’énergie humaine et surtout plus de temps que si elle avait été réalisée avec une force mécanique et un système de spirale ou même simplement collée. Cela nous éloigne donc du principe selon lequel le permaculteur essaye de mettre en place des systèmes demandant « un minimum d’effort pour un maximum d’efficacité ». Et il en sera de même pour chaque projet, où il faudra souvent peser les pour et les contre en fonctions 1
MADEC P., Conférence sur : La ville pantoufle, http://www.philippemadec. eu/ecrits-classes-par-date-page-2.html
CONCLUSIONS
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des besoins, des opportunités et de la direction dans laquelle nous voulons mener notre projet, en sachant que la réponse complètement juste n’existe malheureusement pas. Néanmoins une chose est sûre, un projet en permaculture demandera souvent un plus grand engagement, tant intellectuel que physique, et surtout un plus grand engagement humain pour arriver à concevoir et à construire avec les autres. Car la permaculture reste, malgré tout, une démarche qui se pratique en synergie, tant dans l’intelligence collective que dans l’entraide à l’effort.
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Pour conclure, je souhaiterais mettre l’accent sur l’importance que la permaculture porte à l’expérimentation et à la liberté de chacun de vivre le changement qu’il veut voir réaliser. Les expérimentations ne sont pas simplement importantes pour faire avancer les systèmes dans lesquels nous vivons, ou pour continuer notre apprentissage et notre compréhension du monde : elles permettent également de placer de nouvelles traces hors des sentiers battus, des utopies navigant à contre-courant des modèles établis. Il est crucial de montrer au plus grand nombre que d’autres voies de développement sont possibles. Plus nous expérimenterons et partagerons ces expérimentations, plus elles pourront à leur tour susciter l’envie, la motivation et le courage à d’autres de dessiner et de réaliser une utopie qui leur correspond. Le temps est donc venu de rouvrir bien grand ce « champs des possibles » dont nous parlait Illich et de laisser notre imagination et notre créativité inventer de nouvelles façons d’habiter, de se soigner, de se divertir ou de travailler. Bien sûr, elles ne seront jamais parfaites, et les chemins pour y arriver seront sûrement longs et parfois difficiles, mais chaque nouvelle trace, chaque nouveau projet mis en réseau avec ceux qui existent nous rapproche d’une mise en lumière et d’une prise de conscience élargie qu’il existe des alternatives au capitalisme et à la consommatopie1. Nous ne pouvons pas savoir si la permaculture pourra être l’alternative qui nous aidera à passer le cap auquel l’humanité arrive aujourd’hui, mais une chose est sûre, elle représente un des systèmes les plus enthousiasmants et les plus cohérents qui puisse s’offrir à nous. actuellement En mettant les lunettes de l’éthique et des principes permacoles, nous pouvons apporter de nouvelles réponses aux questions qui se posent à nous et pouvons donc imaginer un développement alternatif à celui qui nous est proposé. Elle nous ouvre les portes de la diversité et de la coopération pour concevoir un avenir différent, un avenir plus sain, plus autonome et certainement plus résilient. Alors, n’ayons pas peur d’imaginer de nouvelles expériences et surtout de les réaliser, pour que même si elles durent une semaine, un an ou plusieurs générations, elles puissent inspirer ceux qui nous entourent à créer ce nouveau paradigme. 1
Concept très imagé imaginé par Isabelle Fremaux et John Jordan dans « Les sentiers de l’utopie » représentant l’utopie même du capitalisme, la consommation pour assouvir son bien-être. CONCLUSIONS
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CHAPITRE
Le PADE (Plan d’Action de Descente Energétique) Le PADE est le premier objectif des personnes qui lance une initiative de transition, appelée le groupe de pilotage. Il met par écrit la vision qu’ils ont de la ville post-industrielle et comment il est possible d’y arriver. Rob Hopkins et Ben Brangwyng ont conçus une méthodologie claire pour y arriver pas à pas :
«1. Établir la ligne directrice: rassembler les informations concernant votre commune relatives à chacun des groupes de travail: les terres arables, les transports, le système de santé, les sources d›énergie renouvelables, les capacités de fabrication textile, les matériaux de construction. Cela pourrait bien avoir été fait au cours des premières activités des groupes de travail. 2. Obtenez le Plan Local d’Urbanisme rédigés par les élus locaux. Leurs plans sont susceptibles d’avoir des plannings et des éléments que vous devez prendre en compte. 3. Imaginer une vision globale qui concerne la commune dans son ensemble. A quoi cela ressemblerait, dans 15 ou 20 ans, si nous émettions radicalement moins de CO2, si nous réduisions de façon drastique notre consommation d’énergie non renouvelable, et si nous étions en bonne voie pour reconstruire la résilience dans tous les aspects fondamentaux de la vie ? 4. Zooms de vision globale: établir, pour chacun des groupes de travail, à quoi ressemblerait en détail la partie qui les concerne, dans les mêmes conditions qu’au point 3. 5. Rétroplanning détaillé: les groupes de travail dressent une liste chronologique des étapes, les préalables, les activités et les processus qui doivent être mis en place pour atteindre leur vision. C›est le moment de définir les indicateurs de résilience qui indiqueront si le travail se fait efficacement.
ANNEXE
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6. Les Contes de la Transition: le groupe des Contes de la Transition rédige des articles, des histoires, des images et des représentations de la vision, de comment y parvenir et de ce qui pourrait se produire en cour de route. 7. Rassembler les rétroplannings dans un tableau d’ensemble: un tableau d’ensemble vous assurera que, par exemple, trois groupes n’aient pas trois projets différents pour le même parking – comme le transformer en potager, en panneau solaire géant ou en éco-village. Ce tableau permettra aux groupes d’adapter et d’harmoniser leurs calendriers. 8. Créer la première mouture du PADE: fusionner le tableau d’ensemble et les Contes de la Transition en un seul ensemble cohérent, et faites le passer à tout le monde pour réexamen et consultation. 9. Finaliser le PADE: intégrer les retours de tous dans le PADE. Soyons réalistes: ce document ne sera jamais «définitif» - il sera continuellement mis à jour et amélioré, lorsque les conditions changeront ou que de nouvelles idées émergeront. »1
1
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Ce texte est tiré d’un texte rédigé par Rob Hopkins et Ben Bangwyn, intitulé « Guide des initiatives de transition. Comment mettre en oeuvre la Transition d’une commune, d’un quartier, d’une ville, d’un village, et même d’une île » qui reprend les grands points permettant de lancer une initiative de transition.
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CHAPITRE
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RÉFÉRENCES IMAGES
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