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Transformation alimentaire : tirer son épingle du jeu en période d’incertitude
Comment tirer son épingle du jeu en période d’incertitude
KIM DESPRÉS
conseillère en transformation alimentaire et répondante en relève, directions régionales de la Mauricie et du Centre-du-Québec, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation
MAÏRA DEMERS
conseillère en transformation alimentaire, Direction régionale de la Mauricie, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation
Comme tout le monde le sait, ces deux dernières années témoignent d’un début de décennie mouvementé. Néanmoins, ce contexte hors de l’ordinaire a propulsé comme jamais la réflexion collective sur l’achat local. Rappelons-nous le Défi 12 $ lancé à l’automne 2020 par le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne, afin de relancer l’économie et l’autonomie alimentaire. Les ménages étaient invités à remplacer 12 $ par semaine d’aliments étrangers achetés par leur équivalent québécois.
Entraîné par cette effervescence, le secteur de l’agriculture n’a pas fait exception. En 2020, pour la province, ce sont 1163 nouvelles entreprises qui se sont enregistrées auprès du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Les fermes en maraîchage diversifié sont celles qui ont connu la plus grande croissance : elles comptent 80 entités de plus qu’en 2019. Entre 2015 et 2020, ce secteur a connu une croissance de 237 fermes. Le modèle d’agriculture de proximité avec une offre de paniers hebdomadaires est celui qui a connu la plus grande croissance dans les deux dernières années (Cameron, 2021).
Ce modèle de commercialisation homogène semble toutefois vouloir s’essouffler avec la fin de la pandémie et la hausse de l’inflation. Selon la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique (CAPÉ), le nombre d’inscriptions aux paniers bio en 2022 a subi une décroissance de 11,65 % par rapport à 2021 (Sabourin, 2022). Dans de pareilles circonstances, comment s’assurer que son entreprise demeure concurrentielle et pérenne? Plusieurs pistes de solution sont possibles.
Effectuer une planification stratégique : un cap vers l’avenir
En période plus difficile, la planification stratégique prend tout son sens. Établir les bases de l’entreprise en définissant une mission et une vision à long terme ainsi que des valeurs propres à son organisation permet de garantir les meilleures décisions. La planification stratégique est en outre l’outil parfait pour créer un échéancier et un plan d’action avec des objectifs spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporels, aussi appelés « SMART ». Garder le cap lors d’une crise inflationniste est essentiel pour bien naviguer à travers cette perturbation, en tirer profit et arriver à bon port. C’est exactement ce qu’une stratégie d’entreprise permet d’accomplir.
Établir un plan de commercialisation pour bien connaître son positionnement
L’analyse PESTEL de l’environnement de l’entreprise, la grille FFOM, les études de marché, les personas, la fixation des prix selon la stratégie des 4 P, etc. Que signifient tous ces acronymes? Ils ont un point en commun : le plan de commercialisation! Ce document précieux, intimement lié à la planification stratégique, « [...] présente les activités de marketing et de publicité anticipées [d’une entreprise] pour une période donnée, [soit] habituellement [de] 12 mois », selon la Banque de développement du Canada (BDC). Un tel exercice met en lumière l’avantage concurrentiel, c’est-à-dire ce qui distingue une entreprise et son produit de ses concurrents. Connaître et exploiter son avantage concurrentiel, que ce soit le prix, la qualité ou la valeur ajoutée, accorde un positionnement avantageux par rapport aux concurrents et aide à consolider le succès d’une organisation.
Diversifier son offre pour élargir sa clientèle
Ici, l’expression « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » prend tout son sens. Être diversifié permet de réduire l’effet d’une baisse dans un marché, de répartir les risques et d’avoir une plus grande stabilité. Voici des exemples de diversification de l’offre.
Une ferme maraîchère biologique propose une gamme de produits variant selon les périodes de récolte. Elle offre un abonnement à ses paniers bio saisonniers en plus d’avoir une boutique à la ferme. Elle vend non seulement ses fruits et légumes et ses produits transformés, mais aussi les produits locaux de ses partenaires, comme des bières et du café biologique, des fromages, des repas prêts-à-manger, des viandes et des charcuteries, etc. Cette variété de produits permet de rejoindre plusieurs types de clientèles, telles que les familles soucieuses de manger des aliments sains et frais à proximité ou les touristes gourmands à vélo ou en auto. La ferme pourrait ensuite étendre ses canaux de distribution pour élargir ses parts de marché, comme l’ont fait les agriculteurs dans l’exemple qui suit.
Dans un contexte de réduction du gaspillage alimentaire ou de sensibilisation aux produits locaux et sains, des agriculteurs de différentes régions de la province ont collaboré avec des intervenants régionaux pour se tourner vers les hôpitaux, les garderies ou encore les restaurants pour écouler leurs surplus. Ils sont donc allés chercher un nouveau secteur auquel vendre leurs produits, celui des hôtels, des restaurants et des institutions.
Opter pour une valeur ajoutée
D’une part, on peut se démarquer avec des certifications ou des pratiques qui rejoignent les valeurs de la clientèle. Par exemple, ajouter un volet de développement durable à son entreprise permet d’attirer une clientèle écoresponsable. Mettre en valeur l’aspect local d’un produit est aussi une attraction pour les consommateurs. La certification Aliments du Québec peut être à considérer. D’autre part, l’innovation peut améliorer la marge sur un produit en lui donnant une valeur ajoutée. Ainsi, le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants rapportait en 2020 que «l’Union des distillateurs de spiritueux d’érable [déposait] une demande d’indication géographique protégée (IGP), pour une eau-de-vie d’érable appelée Acerum, qui est exclusivement obtenue par la distillation de l’alcool issu de la fermentation d’eau d’érable, de concentré d’eau d’érable ou de sirop d’érable du Québec »(CARTV, 2020). Pour l’instant, cinq distilleries s’affichent au sein de l’union et promeuvent cette liqueur innovante. Plusieurs déclinaisons de ce produit se trouvent d’ailleurs sur les tablettes de la Société des alcools du Québec. Cette démonstration est un exemple concret d’une innovation en synergie avec le terroir québécois et d’une démarche de mise en valeur rigoureuse.
En résumé, la recette d’une entreprise durable est habituellement composée d’une bonne dose de planification avec une vision sur plusieurs années, d’une approche réfléchie et structurée ainsi que d’une offre variée. Plusieurs actions peuvent être mises en place pour assurer la pérennité de son entreprise. Faire appel au conseiller régional en transformation alimentaire du MAPAQ peut s’avérer gagnant à cet égard. Il peut offrir un accompagnement, aider à trouver les ressources adaptées selon les besoins et aussi suggérer des leviers financiers.
Crédit photo : Éric Labonté.
Bibliographie
- Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV). (2020, 17 juin). Deux nouveaux projets d’appellations réservées. https://cartv.gouv.qc.ca/actualites /deux-nouveaux-projets-dappella tions-reservees/ - Cameron, D. (2021, 15 février). Les petites fermes poussent. La Presse. https://www.lapresse.ca/actualites/202102-15/les-petites-fermes-poussent. - Sabourin, B. (2022, 28 juin). Après deux ans d’engouement, des fermiers de famille perdent des plumes. Le Devoir. https://www.ledroit.com/2022/06/29/apre s-deux-ans-dengouement-des-fermiersde-famille-perdent-des-plumes01ab03b8086fc3aed6eeb9313f850622
La poire et la vigne, matières premières du Domaine des Salamandres
Yves RIVARD
GTA
Si les poirés et vins de glace sont aujourd’hui des produits connus et appréciés des fins palais, c’est qu’il y a environ une quinzaine d’années, certaines personnes ont suivi leur intuition, leur vision, pour se lancer dans une aventure commerciale et personnelle. C’est le cas du Domaine des Salamandres, qui a pignon sur le chemin Covey Hill à Hemmingford, dont les produits tirés de la culture de la poire et de la vigne se distinguent à l’international et sur toutes les bonnes tables. Denise Lavoie et Sylvain Haut, partenaires dans la vie comme au verger, nous explique ce succès.
Fondé officiellement en 2006, le Domaine des Salamandres compte 8000 plants de vignes de cépages hybrides que sont le vidal, le geisenheim, le seyval blanc, le frontenac rouge et le frontenac gris. Un verger de 300 poiriers (beauté flamande, bosc, bartlett) servant à la fabrication de poirés de glace diversifie également le paysage, qui totalise trois hectares.
Lorsque l’aventure débute, les propriétaires comptent sur un associé spécialiste de la transformation (ayant quitté depuis) pour leur enseigner la technique, de même que sur quelques œnologues- consultants pour vinifier leurs produits selon les règles de l’art. Et depuis, certains de leurs produits sont disponibles à la Société des alcools du Québec (SAQ) et à leur boutique.
Action, cryoextraction!
Comme l’explique Denise Lavoie, les poirés de glace sont produits selon deux techniques : la cryoconcentration et la cryoextraction. « Les poires sont cueillies à l’automne, puis conservées au frais. La cryoconcentration consiste à presser les poires au début de l’hiver, puis à entreposer leur jus à l’extérieur. Après plusieurs semaines, les jus dont les sucres se sont concentrés naturellement par l’effet du froid sont collectés, puis mis en fermentation. » La cryoextraction, quant à elle, consiste à disposer les poires entières sur des cagettes laissées à l’extérieur. Les gels et dégels se succédant, les sucres se concentrent et les fruits sont ensuite pressés et leur jus laissé à fermenter.
Des procédés qui charment les papilles… et les investisseurs chinois
À ce jour, l’entreprise tire une dizaine de produits de ses cultures, dont trois poirés de glace, deux vins blancs secs, un vin de glace et une mistelle de poires gelées.
Ceux-ci se distinguent un peu partout dans le monde, notamment aux ÉtatsUnis et en France, où son vin de glace a récemment décroché l’Or dans le cadre de l’événement Vinalies International de Paris 2022.
Cette belle notoriété, y compris dans les magazines et sites spécialisés, lui a même valu des visites de la part d’investisseurs venus de Chine. « On m’a demandé de me rendre sur place pour plusieurs mois et de leur enseigner les méthodes et pratiques de la transformation, en plus de monter une salle de cryo et une cuverie. J’ai fait des recherches, mais en fin de compte, je n’ai pas donné suite », raconte Sylvain Haut. Même constat pour un groupe d’importateurs chinois qui désirait acheter la production du Domaine. « Notre tarif par bouteille était trop élevé pour eux, se rappelle M. Haut. Ils recherchaient un produit de qualité et de coût bien inférieurs, et une production de masse. Nous en sommes restés là, car le Domaine désire demeurer dans la catégorie artisanale et servir la clientèle d’ici. » Une excellente tournure d’événements pour les amateurs, qui pourront continuer à goûter l’excellence des méthodes de transformation « artisanales » de cette entreprise familiale.
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Dans l’ordre habituel : Sylvain Haut, Denise Lavoie, Karelle Haut et Israël Waldemar Coronodo Perez, captés par notre photographe.
Photo François Larivière | Le Courrier ©
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Denise Lavoie, fière d’une gamme de produits qui se distiguent à l’international, et dont le succès repose sur les méthodes de transformation uniques au Domaine des Salamandres.
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Un portail de formations revampé
GUYLAINE MARTIN AGR.
Répondante en formation agricole
Le Portail de la formation agricole s’est refait une beauté. Un tout nouveau catalogue des formations recense les cours disponibles en agriculture pour tout le Québec. On y trouve une belle offre en ligne. C’est toujours le même chemin pour y accéder : uplus.upa.qc.ca.
Le site arbore les couleurs de l’UPA mais les formations sont organisées le plus souvent par les maisons d’enseignement agricole. Pour nos régions, Parcours Formation, l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ), VEC Entreprises et Communauté, Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+), Service aux entreprises du Centre de services scolaires Valléedes-Tisserands et Service aux entreprises Centre-du-Québec.
A la mi-novembre, le site comptait 80 formations en ligne. D’autres s’ajouteront. La formation est offerte en différent mode. Formateur et participants devant leur ordinateur en même temps. Formateur en salle avec une partie du groupe et le restant du groupe à la maison. Formation disponible en tout temps que l’on suit à son rythme. La formation n’a jamais été aussi accessible.
En agriculture biologique, le Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+) propose 25 formations en mode hybride. Les sujets couverts sont la gestion financière, les grandes cultures, la production fruitière.la production laitière, la production maraichère et les sols.
L’offre de formation peut être bonifiée avec les suggestions des producteurs et des productrices agricoles. Il faut contacter sa répondante en formation agricole pour la Montérégie, Karina Salazar Tancredi, au 450 454-5115 poste 6288 (ksalazar@upa.qc.ca), ou pour le Centre-du-Québec, Guylaine Martin, au 819 758-6401 poste 2702 (gmartin@formationagricole.com).
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Une nouvelle image pour U+, le portail de la formation agricole. Photo crédit : courtoisie.
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Prix de la relève agricole du MAPAQ
La coop Agricola l’emporte!
Le Prix de la relève agricole 2022 du MAPAQ, assorti d’une bourse de 7500 $, a été remis à Natalie Childs, Caleb Langille, Hannah Hunter et Heather Syposz de la Ferme Coopérative Agricola, située à Papineauville dans la région de l’Outaouais.
Ces quatre jeunes amis et copropriétaires cultivent des légumes biologiques variés, des asperges et des fleurs coupées. Le succès des lauréats repose sur leur passion commune pour l’agriculture et la protection de l’environnement ainsi que sur leurs compétences diversifiées et complémentaires qui leur permettent de miser sur les forces de chacun.
La mission de cette coopérative de travailleurs est de bâtir une entreprise agricole viable sur les plans économique, environnemental et social. La production et le développement durables sont au cœur des décisions. L’entreprise se concentre notamment sur le renforcement de la résilience climatique dans chaque partie de ses activités agricoles. Un autre volet important de son activité consiste à contribuer à la sécurité alimentaire de tous les membres de la collectivité, quel que soit leur revenu.
Pour être admissible à ce concours, l’entreprise doit être détenue en majorité par des personnes de moins de 40 ans, doit être en activité depuis au moins trois ans mais depuis moins de 10 ans. Elle doit avoir généré au minimum 50 000 $ de revenus bruts lors de l’année précédente.
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