Mint #03

Page 1

n°3

Printemps/Été 2015 Spring/Summer

Free





min t édi to

é dito by: Déborah Pham

Dans nos tempes bat le brouhaha de cette ville étourdissante. Du réveil trop matinal à l’appel de la prière, qui dans un premier temps vous sonne, puis rythmera chacun des chapitres de notre périple; au cri des goélands argentés qui accompagnent les navires le long de la mer de Marmara. Du ronflement des vapur, traits-d’union entre l’Europe et l’Asie, au clapotis des vagues sur les rives du Bosphore où l’on observe les yali, ces anciennes maisons de bois. Des cris des vendeurs ambulants qui arpentent l’artère principale jusqu’à la place Taksim, aux klaxons des voitures dans cette ville au traffic impossible. Du bavardage et du chant des femmes dans le hammam face à l’imposante Sainte-Sophie, aux sirènes des cargos au passage incessant face aux docks de Karaköy. Du ronronnement des narguilés, lorsque les vieillards jouent au backgammon à l’ombre des tilleuls, au crépitement des poissons qui cuisent sur la braise, sous le pont de Galata. Du tintement de l’ancien tramway rouge emprunté chaque jour par les touristes et les locaux sur Istikal caddesi. Oui, il y a quelque chose de pénétrant et d’enivrant dans les sons d’Istanbul, dans son langage et ses chansons. Comme une mélodie au refrain entêtant qui n’a de cesse de nous surprendre et que vous fredonnerez longtemps après votre retour.

The noise of this deafening city beats in our temples. From being woken up early by the call to prayer, which starts out as an alarm and then sets the rhythm to each part of our trip; to the cry of the grey gulls flying over the ferries on the Sea of Marmara. From the rumbling of the vapur, forming links between Europe and Asia, to the lapping of the waves on the banks of the Bosphorus, where you can see yali : old wooden houses. From the cries of the street vendors pacing the main thoroughfare up to Taksim square, to the beeping of the cars in this city with impossibly heavy traffic. From the chattering and singing of the women in the hammam opposite the impressive Hagia Sophia, to the sirens of the cargo ships endlessly passing Karaköy docks. From the purring of narghiles, as old men play backgammon in the shade of lime trees, to the crackling of fish cooking on embers under Galata bridge. And the clinking of the old red tram, taken every day by tourists and locals on Istikal caddesi. Yes, there is something pervasive and intoxicating about the sounds of Istanbul, in its language and in its songs. Like an endlessly surprising melody with an overpowering chorus, which you will be humming long after you return home.

02|03


c ontr ibute urs

c é c il e be c ke r

h u g o c a bri t

s op hie de l l a c or t e

rédactrice

rédacteur

illustratrice

Cécile travaille pour les magazines Zut ! et Novo, fait aussi de la radio et a co-écrit un documentaire sur le tatouage. Au printemps et en été, elle aime manger des pizzas et des pâtes avec du basilic et des tomates juteuses.

Hugo passe son temps à commenter les dernières publicités ou à s'extasier devant un match de foot. Ce qu’il aime aussi, c'est avoir de nouvelles histoires raconter, glanées ça et là dans ses lectures ou ses voyages. Au printemps, il cherche un peu de soleil et un peu de verdure pour jouer aux échecs jusqu'à ce qu'il soit lassé de perdre.

Graphiste et illustratrice indépendante, Sophie explore des paysages ambivalents en associant signes, formes, motifs et symboles pour raconter des histoires dont les contours laissent libre cours à l’interprétation. Au printemps et en été, elle aime écouter pousser les fleurs et l’odeur du foin coupé.

S ILVI JA F LE URIOT

c hloé g a ss i a n

c ol ine gir a rd

IL LUSTR ATRICE

photo graphE

ILLUSTR ATRICE

Silvija est illustratrice, passionnée par le dessin au trait, la calligraphie contemporaine et son stylo Pentel. De plus l’illustratrice à un talent incroyable pour tailler ses crayons. En été, elle adore se chauffer dans la serre près des feuilles de concombres.

Après des études de graphisme, Chloé a obtenu son diplôme en photohraphie, univers dans lequel elle baigne depuis toute petite. Elle aime les mises en scènes et créer de réelles narrations dans ses séries. En été, elle aime Paris vide et l'odeur de la peau qui a pris le soleil.

Coline est illustratrice, elle aime créer des ambiances et de nouvelles perspectives par l’assemblage de dessins au trait, souvent à l’encre de chine. Au printemps et en été, elle aime faire de longues balades et dessiner dans son carnet au bord de la mer.

www.chloegassian.com

www.coline-girard.tumblr.com

www.studiolaserre.fr

www.sophiedellacorte.com

HE J U

i z be rg

jul ie j o s e p h

designers

photo graphes

ILLUSTR ATRICE

Hélène Pinaud et Julien Schwartzmann sont deux jeunes architectes touche-à-tout. Ce duo créatif partage la même passion pour la déco, le design et les DIY. Au printemps, ils aiment travailler la fenêtre ouverte et goûter les premières fraises de la saison.

Agathe & Florian photographient à quatre mains sous le nom d'Izberg au sein du studio Fonta Fonta. L'argentique est leur médium de prédilection même s'il se livrent volontiers à des « infidélités numériques ». En été, ils aiment les bords de mer desserts des fins de journées.

Julie est illustratrice et graphiste. Collectionneuse, elle dispose ses trouvailles dans les contes brefs des images. Au printemps, elle aime voir revivre et s'animer les couleurs et la lumière qui viennent imprimer notre rétine.

www.heju.fr

www.izberg.fr

www.julie-joseph.com


Min t

h u g o c a bri t

s op hie de l l a c or t e

writer

writer

illustrator

Cécile works for Zut! and Novo magazines as well as for radio, and has co-written a documentary on tattooing. In spring and summer, she loves eating pizza and pasta with basil and juicy tomatoes.

Hugo spends his time commentating on the latest ads and getting excited in front of football matches. He also loves having new stories to tell, gathered here and there from reading and travelling. In spring, he looks for a bit of sunshine and greenery where he can play chess until he gets tired of losing.

Freelance graphic designer and illustrator, Sophie explores ambivalent landscapes, bringing together symbols, shapes, patterns and signs to tell stories that give free rein to interpretation. In spring and summer, she loves listening to the flowers grow and the smell of cut hay.

s ilvi ja f l e uri o t

c hloé g a ss i a n

c ol ine gir a rd

IL LUSTR AToR

photo grapher

ILLUSTR ATor

Silvija is an illustrator who is passionate about line drawing, contemporary calligraphy and her Pentel pen. The illustrator also has an amazing talent for sharpening pencils. In summer, she loves warming up in the greenhouse by the cucumber leaves.

After studies in graphic design, Chloé graduated in photography, which she has been fascinated by since a child. She loves staging and creating real narratives in her work. In summer, she loves Paris when it empties and the smell of suntanned skin.

Coline is an illustrator. She loves creating moods and new perspectives through line drawings, often using Indian ink. In spring and summer, she likes going for long walks and drawing in her sketch book by the sea.

www.studiolaserre.fr

www.chloegassian.com

www.coline-girard.tumblr.com

www.sophiedellacorte.com

HE J U

i z be rg

jul ie j o s e p h

designers

photo grapher

ILLUSTR ATor

Hélène Pinaud and Julien Schwartzmann are two versatile young architects. The creative pair share a passion for decoration, design and DIY. In spring, they like working with the windows open and eating the first strawberries of the season.

Agathe & Florian take photographs together under the name of Izberg in the Fonta Fonta studio. They have a preference for film but willingly surrender to digital infidelities. In spring, they love empty beaches at the close of day.

Julie is an illustrator and graphic designer. A collector, she introduces her finds into her short pictorial stories. In spring, she likes seeing the colours stir and come back to life, and the light that marks our retinas.

www.heju.fr

www.izberg.fr

www.julie-joseph.com

04|05

c on t rib u t e urs

c é c il e be c ke r


c ontr ibute urs

zoé l a b at u t

au g us t l il l

c a rol ine ne de l e c

IL LUSTR ATRICE

chef

st yliste

Zoé est graphiste et illustratrice. Elle aime lire des bandes dessinées et observer les gens qui l’entourent. En été, en dehors d'une réelle envie d'exotisme, elle aime beaucoup contempler la nuit.

August est un cuisinier suédois vivant à Paris depuis plus de trois ans. Il a travaillé à la Gazzetta, chez Frenchie, chez Roseval et s’apprête à ouvrir son restaurant Poulet Noir. En été, il profite des jours qui se rallongent pour dîner deux fois, et joue au tennis de table au parc de Belleville.

Caroline aime faire mille choses à la fois : elle est graphiste, styliste, styliste photo et a aussi créé sa propre marque HYES. Au printemps, elle aime les prémices de l'été.

M at t hie u pag a n on

pa ri s s e q ue m a

c h a rl ine p i c a rd

photo graphe

set designers

illustratrice

Matthieu est un photographe qui considère son appareil photo comme un passeport vers l'autre. De nature curieuse et passionné d'histoire, cet ingénieur se donne pour objectif de partir à la découverte de nouvelles cultures à travers de belles rencontres. D'ailleurs, le printemps n'est-il pas la saison la plus favorable pour de belles rencontres ?

Paris se quema, du nom d'une comptine vénézuélienne, est un studio de design graphique et de set design. En été ils aiment partir loin et revenir avec beaucoup d'idées.

Charline est une illustratrice qui s'exprime par la peinture : une belle tâche, les nuances colorées qui se répondent, quelques feutres... Au printemps elle aime écosser les petits pois du marché, les ballades en solex et se faire siffler par les marmottes en montagne.

www.zoe.labatut.free.fr

www.paris-se-quema.com

www.carolinenedelec.com

http://charlinepicard.blogspot.fr

www.flickr.com/photos/matthieupaganon

hé l è ne ro c c o

je ff ro q ue s

jul ie t hié b ault

rédactricE

photo graphE

rédactrice

Hélène est étudiante en journalisme. Elle a vécu à l’étranger et aime autant le voyage que la cuisine. Le printemps, avec sa lumière changeante, est sa saison préférée.

Autodidacte, Jeff aime travailler la spécificité des vieux appareils photo et leurs côtés aléatoires. Au printemps et en été, il aime la lumière crue, très propice pour obtenir de meilleurs contrastes.

Julie est journaliste. Amoureuse des mots et des images, elle fait des screenshots de ses films préférés et écrit ses pensées en technicolor dans son carnet fétiche. L'été, elle aime siroter du ouzo à la paille et sentir l'odeur du soleil sur sa peau.

www.helenerocco.wordpress.com

www.impradine.carbonmade.com


Min t

au g us t l il l

c a rol ine ne de l e c

IL LUSTR ATor

chef

st ylist

Zoé is a graphic designer and illustrator. She loves reading graphic novels and watching the people around her. In summer, besides a real longing for exoticism, she likes gazing out onto the night.

August is a Swedish chef who has lived in Paris for more than three years. He has worked at La Gazzetta, the Frenchie and Roseval, and is getting ready to open his own restaurant, Poulet Noir. In summer, he takes advantage of the longer days to have two dinners and plays table tennis at the park in Belleville.

Caroline loves doing a thousand things at once: she is a graphic designer, stylist, photo stylist and has also founded her own brand, HYES. In spring, she loves the first signs of summer.

m at t hie u pag a n on

pa ri s s e q ue m a

c h a rl ine p i c a rd

photo grapher

set designers

illustrator

Matthieu is a photographer who sees his camera as a passport towards the other. Curious and passionate about history, he sets himself the task of discovering new cultures through chance encounters. And isn’t spring the best season for chance encounters?

Paris se quema, named after a Venezuelan nursery rhyme, is a graphic and set design studio.

Charline is an illustrator who works with paint: beautiful blots, complimentary brightly coloured shades, some felt-tip pens. In spring she loves shelling peas from the market, moped rides and being whistled at by marmots in the mountains.

www.zoe.labatut.free.fr

In summer they like traveling far away and coming back with lots of ideas www.paris-se-quema.com

www.flickr.com/photos/matthieupaganon

www.carolinenedelec.com

http://charlinepicard.blogspot.fr

hé l è ne ro c c o

je ff ro q ue s

jul ie t hié b ault

writer

photo grapher

writer

Hélène is a journalism student. She has lived abroad and loves travelling and food. Spring, with the changing light, is her favourite season.

Self-taught, Jeff loves working with the particularities of old cameras and their unpredictability. In spring and summer, he loves the bright light, ideal for capturing the best contrasts.

Julie is a journalist. A lover of words and images, she takes screenshots from her favourite films and writes her thoughts in technicolor in her favourite notebook. In summer, she loves sipping ouzo through a straw and smelling the sun on her skin.

www.helenerocco.wordpress.com

www.impradine.carbonmade.com

06|07

c on t rib u t e urs

zoé l a b at u t


c ontr ibute urs

m a rie a mé l ie t ondu

m a rie a mé l ie t ondu

photo graphE

photo graphEr

Marie-Amélie est photographe. Elle aime particulièrement la mode et la photo culinaire. Au printemps, elle aime les jours qui rallongent et changer de fruits et de légumes.

Marie-Amélie is a photographer. She especially loves fashion and food photography. In spring, she loves the lengthening days and changing fruits and vegetables. www.marieamelietondu.com

www.marieamelietondu.com

fa nny ve dre ine

fa nny ve dre ine

rédactrice

writer

Fanny est une journaliste originaire du Cantal qui passe la plupart de son temps le nez plongé dans des romans néo-Beat. Après avoir vécu à San Francisco, elle s'est installée à Paris. Dès l'arrivée du printemps, elle traverse la France pour se rendre à divers festivals de musique.

Fanny is a journalist from Cantal who spends most of her time with her nose in neo-Beat novels. After having lived in San Francisco, she moved to Paris. As soon as spring comes, she journeys over France to go to various music festivals.

c hri s t op he r wil s on

c hri s t op he r wil s on

photo graphe

photo grapher

Chris est un photographe amateur, particulièrement intéressé par la photo de rue et les portraits. Ce qu'il préfère à l'arrivée du printemps, c'est cette explosion de vie qui fait suite au froid de l'hiver.

Chris is a photography hobbyist that enjoys street and portrait work. He enjoys art museums and Chicago house music. He loves how Chicago explodes with life in summer after its brutally cold winters.

www.1815photography.com

www.1815photography.com


collection PRINTEMPS  -  été 2015



min t

rédactrice en chef

direction artistique

graphisme & maque t te

Noémie Cédille www.noemiecedille.fr

Agathe Boudin www.agatheboudin.com

o urs

Déborah Pham

ont coll aboré à ce numéro les rédacteurs :

Cécile Becker, Hugo Cabrit, Hélène Rocco, Julie Thiébault et Fanny Vedreine les illustrateurs :

Sophie della Corte, Silvija Fleuriot, Coline Girard, Julie Joseph, Zoé Labatut, Charline Picard et Noémie Cédille les photographes :

Chloé Gassian, Izberg, Matthieu Paganon, Jeff Roques et Marie-Amélie Tondu les designers e t st ylistes :

Heju, Caroline Nedelec et Paris se quema Photo de couverture :

Christopher Wilson Relecteurs :

Hélène Rocco, Anais Harel et Hugo Cabrit

remerciements

Leyla Buyel, Isabelle Du Plessix, Farhod Faamily, Mehdi Kacem, Valentine Cinier, Valentine Benoist, Victoire Louapre, Elodie Spitz, Cécile Durieux, Solène Reymond, Julien Guerrier, Laure Costey, Quentin Caillot, Janik Baré, Joelle Perrier, Dominique Olivier, Véronique Andréi, Olivier Joyard, Emmanuel Brochec, Albert René et le studio Fonta Fonta.

imprimé par

Imprimé en Belgique par SNEL

publicité

WEBSITE

Kamate Régie 01.47.68.59.43 | dolivier@kamateregie.com

www.magazine-mint.fr

distribu tion

www.magazine-mint.fr/a-propos

Si vous souhaitez rejoindre notre réseau de distribution, contactez-nous : contact@magazine-mint.fr

contact@magazine-mint.fr

NOUS TROUVER

contact

mentions légales

ISSN : en cours Dépôt légal à parution. Le magazine décline toute responsabilité quant aux sujets et photos qui lui sont envoyés. Les articles publiés n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Aucun élément de cette revue ne peut être reproduit ni transmis d'aucune manière ni d'aucun moyen que ce soient, sans l'autorisation écrite des auteurs. 10|11


rece t t es

The call of the farm e at - 34 | 3 5

Vitamin Bar e at - 4 8 | 49

L'arrivĂŠe des beaux jours e at - 6 0 | 61

Soul Kitchen e at - 1 36 | 1 3 7

design

Carreaux en liège

e AT - 1 3 2 | 1 3 3

Autoban

e AT - 1 4 2 | 1 4 3

Renc on t res

Cuisine d'auteur e at - 2 0 | 21

Nouvelle Vague e xp lore - 38|39

Le strass et les paillettes e xplore - 84|85

Young folks e xplore - 110|111


Min t SO M M A IRE

D é c o uv e r t e s

The call of the farm e at - 2 8 | 29

All you can eat Singapore e at - 5 4 | 5 5

Mast Brothers e at - 7 0 | 7 1

City guide

explore - 102|103

Portfolio

e xplore - 116|117

Un homme sans moustache e xp lore - 128|129

Les Épices

explore - 102|103

humeur

Donne-moi du rock fort e at - 1 6 | 1 7

L'été vu par... e at - 36 | 3 7

Taxi

e at - 94 | 95

A week in ...

explore - 154|155

s h o pp i n g

Kaléidoscope e at - 76 | 7 7

Resting in Istanbul

e at - 96 | 9 7



e at

02|03 RIC H

TABL E

e x p lore


Donne-moi du rock fort

TEXTE / w o r ds : c é c i l e b e c k e r I l l us t r a t i o n : ju l i e j o s e p h

Perchée sur ma chaise-haute, je tends le bras vers le roquefort en babillant « co, co » à l’attention de mon père, lequel, comme tout jeune parent adepte du masochisme tendre, s’attendait à voir mon visage fendu d’une grimace dégoûtée. Cette petite révolution du goût signait là le début d’une longue carrière d’amatrice de fromages à pâte persillée, puis à croûte fleurie. Persillée ? Fleurie ? Quels jolis mots pour signifier la prolifération de bactéries au cœur de ce mignon caillé, bourgeon d’un fromage en devenir. Aurais-je dû voir là les prémices d’un penchant pour le trash, pour le fort, voire le révolutionnaire ? Perched on my high-chair, I held my arms out to the roquefort and gurgled ‘co, co’ to my father, who, like any young parent skilled in kind-hearted masochism, was expecting to see my face disintegrate into a disgusted grimace. This little taste revolution signalled the start of a long amateur career in blue-veined cheese, followed by bloomy rind. Blue-veined? Bloomy? Such pretty words to describe the proliferation of bacteria at the heart of this lovely curd, the bud of future cheese! Should I have seen then the signs of a penchant for the hard, for the strong, even the revolutionary?


16|17 hu me ur

e at


Au fil des années, j’ai donc fini par établir la théorie selon laquelle les mangeurs de fromage développaient une passion pour le rock. J’ai des preuves, irréfutables.

J’étais trop jeune pour le savoir mais je pris connaissance des années plus tard de faits significatifs validant ce lien fortuit. Exemples : Marie Harel, née à… Crouttes fût, comme le dit la légende, l’inventrice du camembert en pleine Révolution française grâce à l’arrivée d’un prêtre réfractaire qui lui donna la recette de cette icône nous valant notre réputation nauséabonde. Le retour récent du roquefort sur les étals brésiliens a lui été élevé en symbole – salué par l’État français – des rapports diplomatiques florissants entre le Brésil et à la France. Et puis bon, en tant que descendante de famille sicilienne, autant dire qu’engloutir comme je le fais des pizzas trois ou quatre fromages est un acte en soi, révolutionnaire. Sacrilège. Scusami, nonna.

I was too young to know, but years later I unearthed significant facts validating the fortuitous connection. Examples: Marie Harel, born in (wait for it) Crouttes* invented camembert in the middle of the French revolution, as legend has it, thanks to the arrival of an unyielding priest. He gave her the recipe for this icon that now gives us our foul-smelling reputation. The recent return of roquefort to Brazilian shops has given it the status (recognised by the French State) of a symbol of the flourishing diplomatic relations between Brazil and France. And, well then, with Sicilian family roots, one might as well say that guzzling three- or fourcheese pizzas like I do is a revolutionary act in itself. Sacrilegious. Scusami, nonna.

Au fil des années, j’ai donc fini par établir la théorie selon laquelle les mangeurs de fromage développaient une passion pour le rock. J’ai des preuves, irréfutables. Le groupe de rock indépendant Ween a sorti en 1994 un album intitulé Chocolate and Cheese, l’une des membres fugaces du groupe Mothers of Invention autour de Frank Zappa a été surnommée Suzy Creamcheese, et, et, et cette lyric d’Ad Rock sur Get It Together des Beastie Boys résonne encore : « Cause she’s the cheese and I’m the macaroni ». Tout simplement. Aujourd’hui, je suis convaincue que mon amour pour le fromage me prédestinait à un amour sans limites pour Blur. Et le fait que son bassiste Alex James, que le public a longtemps élu pour cible favorite de jets de fromages en tout genre, se soit reconverti en producteur de fromages ne fait qu’abonder dans mon sens. Il paraîtrait même que l’amour partagé du fromage était le ciment du groupe et qu’Alex James, pour enterrer la hache

So, over the years I have ended up establishing the theory by which eaters of cheese develop a passion for rock. I have proof, irrefutable proof. In 1994, the indie rock group Ween released an album entitled Chocolate and Cheese. One of the shortlived members of the Frank Zappa group Mothers of Invention was nicknamed Suzy Creamcheese. And (and) this Ad-Rock lyric from Get It Together by the Beastie Boys still resonates: ‘Cause she’s the cheese and I’m the macaroni’. Simples. Today, I am convinced that my love for cheese fated me to a boundless love for Blur. And the fact that bass player Alex James, who the public has long since elected as their favourite target for spurts of cheese of all kinds, has become a cheese producer only confirms my hypothesis. It even appears that a shared love for cheese was the cement holding the group together, and that Alex James, to bury the hatchet in the war between Oasis and Blur, apparently invited the Gallagher brothers and


e at hu me ur

So, over the years I have ended up establishing the theory by which eaters of cheese develop a passion for rock. I have proof, irrefutable proof.

de guerre entre Oasis et Blur, aurait invité les frères Gallagher et ses comparses à séjourner dans sa ferme pour inventer un Stilton très fort en goût. Rumeurs fort peu probables mais promptes à alimenter mon fantasme du rockeur-maître-fromager. Alex James – comme Paul McCartney ou dans une autre mesure nos nouveaux chefs préférés dont on ne connaît que trop les attaches à la culture alternative – illustre parfaitement la prophétie hipster clamée dans Country House : t’en as trop marre de l’argent ? De la frénésie de la ville et des tendances ? Achète-toi une maison in the countryyyyy, arrête de fumer, de boire et mange sain. Amen. Alors quand Mint m’a proposée de m’envoyer en reportage dans sa ferme de l’Oxfordshire, j’ai immédiatement tachycardé m’imaginant traire une vache sous le regard attentif d’Alex James, goûter son fromage de chèvre doux accompagné d’un doigt de whisky (très belle association, que cela soit dit) sous un soleil de fin d’après-midi en l’écoutant me raconter des anecdotes sur mon groupe adoré. Ah qu’est-ce qu’on aurait été bien... Sauf qu’évidemment, son attachée de presse n’a jamais répondu à nos nombreuses demandes. Garce. Deux solutions : continuer à alimenter mon fantasme qui aurait forcément été déçu par le réel, ou tirer un trait sur la figure du rockeur foodie et retourner à mes premières amours. Alex James, même si ta basse dans Sing me fait fondre comme fromage au soleil, sache que j’ai de toute façon toujours préféré le jeu de Graham Coxon, sa timidité et sa façon de me susurrer « Oh my baby » sur Tender. Oui, définitivement, je préfère me rouler dans du Stilton avec Graham Coxon. Et c’est pas pour la rime.

company to stay at his farm to invent a very strong-tasting Stilton. Highly unlikely rumours, but quick to fuel my rocker/master cheese-maker fantasy. Alex James (like Paul McCartney and, in a different way, our new favourite chefs whose fondness for alternative culture we know only too well) perfectly illustrates the hipster prophecy given in Country House: you’ve had enough of money? Of the madness of the city and its trends? Buy yourself a house in the countryyyyy, stop smoking, drinking and eat healthy. Amen. So when Mint offered to send me to report on his Oxfordshire farm, straight away I nearly had a heart attack imagining myself milking a cow under the watchful gaze of Alex James and tasting his soft goats cheese accompanied by a finger of whiskey (a very good occasion, it must be said). All this in the late afternoon sun, while listening to him telling me his stories about my beloved band. Oh, we would have had a lovely time… Except that, of course, his press agent never got back to our numerous requests. Bitch. Two options: I could carry on feeding my fantasy (which would surely have been let down by reality), or put a line through the rocker-foodie figure and go back to my first love. Alex James, even if your bass in Sing melts me like cheese in sunshine, please know that I have always preferred Graham Coxon’s game anyway, with his shyness and his way of whispering ‘Oh my baby’ to me in Tender. Yes. Once and for all, I would rather roll in Stilton with Graham Coxon. And that’s not for the rhyme.

* In French, croûte refers to the rind on cheese as well as the crust on bread. 18|19



e at ren c on t re

Cuisine d'auteur t e x t e s / w o r ds : d . p

p h o t o s : M . A T o n du

Inaki Aizpitarte. Il existe peut-être autant de façons d'écorcher ce nom qu’il y a de mythes à son sujet. Non content d’avoir influencé toute une frange de la cuisine contemporaine telle qu’on la connait aujourd’hui, Inaki possède une aura qui intrigue, bouleverse et choque parfois. On dit de lui qu’il a un bon coup de fourchette, qu’il danse sur les bars, qu’il est boulimique de travail, qu’il n’y a pas plus rock’n’roll, qu’il est excessif, qu’il est humble et même qu’il cuisine bourré dans une vidéo sur internet. Nous n’avons ni réussi à l’emmener jusque-là, ni à vérifier l’ensemble de ces informations, jugez par vous-même. Inaki Aizpitarte. There are perhaps just as many ways to mispronounce the name as there are myths about it. Not content with influencing an entire segment of contemporary cooking as we now know it, Inaki exudes an intriguing, overwhelming and sometimes shocking aura. They say that he is a big eater, that he dances on bars, that he is a workaholic, that no-one is more rock’n’roll, that he is excessive, that he is humble, and even that there is a video of him cooking drunk on the internet. We didn’t manage to get him that far, nor verify all these details. Judge for yourselves. 20|21


Min t maga zine: Qu’a pensé ta maman quand tu lui as dit que tu te lançais dans la cuisine ?

Mint magazine: What did your mum say when you told her you were getting into cooking?

inaki aizpi tart e: C’est arrivé assez tard, j’avais 27 ans quand j’ai décidé de me lancer dans la cuisine. J’étais jardinier mais je me cherchais un peu. Financièrement c’était pas viable comme situation car je n’avais pas toujours du travail. Ma mère était forcément surprise mais elle savait que j’avais des affinités avec la cuisine et que cela m’attirait depuis longtemps. Finalement ça a été un soulagement pour tout le monde que je puisse trouver ma voie.

inaki aizpitarte: It came quite late. I was 27 when I decided to get into cooking. I was a gardener, and I was trying to find myself a little bit. Financially it was the more viable situation because I didn’t always have work. My mother was surprised of course, but she knew I had an affinity with food and that it had been calling me for a long time. In the end it was a relief for everyone that I found my path.

Min t: Tu as un parcours plutôt atypique, est-ce qu’à un moment de ta carrière tu as regretté de ne pas avoir eu de formation de cuisinier ?

Mint: You have followed a rather atypical career path. At any time in your career have you regretted not training as a chef?

Inaki: J’avais essayé de m’inscrire à l’école mais la rentrée ne coïncidait pas avec mon boulot puis j’ai laissé tomber. Aujourd’hui, je travaille avec des gens qui ont souvent un parcours plus classique avec une école hôtelière au démarrage. Je pense qu’ils m’apportent autant que ce que je peux leur apporter. Parfois c’est un simple geste technique, parfois une cuisson…

Inaki: I did try to enrol in school but the start of the year didn’t fit in with my job, and then I let it go. I now often work with people with a more traditional career path, starting with catering school. I think they bring me as much as I can give them. Sometimes a simple technical gesture, sometimes a cooking method.

Min t: Tu penses que l’expérience prime sur le côté très théorique de l’école hôtelière ?

Mint: Do you think experience takes precedence over the highly theoretical aspect of catering school?

Inaki: Mes confrères sont d’accord pour dire que le plus important à l’école, c’est l’apprentissage des bases. Finalement, tout se joue durant le stage en alternance car la cuisine est un métier qui s’apprend auprès de quelqu’un. En ce qui me concerne, je suis autodidacte et j’ai beaucoup appris dans les bouquins de cuisine. J’achetais des livres très techniques, parfois scolaires et je m’intéressais aussi à une cuisine plus ménagère. Min t: Est-ce que ça a été une faiblesse pour toi

de débuter ta carrière de cuisinier sur le tard ? Inaki: Les parcours sont tous différents, il n’y a pas

de chemin idéal et je vois de plus en plus de reconversions dans le métier, par contre c’était moins le cas il y a dix ans. Aujourd’hui on peut être avocat puis tout plaquer pour suivre une autre voie.

Inaki: My colleagues agree that the most important thing about school is learning the basics. In the end, it is all about the internship. Cooking is a profession that you learn from someone. In my case, I taught myself and learned a lot from cookery books. I brought very technical books, sometimes scholarly, and I was also interested in more domestic cooking. Mint: Was it a disadvantage for you to start your career as a chef so late? Inaki: All paths are different. There is no ideal route and I’m seeing more and more career changes into the industry. Still, it was less common ten years ago. Now a lawyer can ditch everything to follow a different path. Mint: Is your team international?

Min t: Ton équipe est internationale ? Inaki: L’équipe a toujours été internationale et en

ce moment elle est franco-italienne. J’aime beau-

Inaki: The team has always been international and at the moment it is Franco-Italian. I really like working with Italians. They very much have a


e at

Min t: Côté expérience tu n’as pas vraiment favorisé

les étoilés ou les chefs stars, les restos guindés c’est pas ton truc ? Inaki: Puisque j’ai commencé tard, côté « maisons » j’ai un peu pris ce qui venait et je ne me suis pas orienté vers les étoilés. Il y a dix ans, le jeune âge avait tendance à primer sur le reste pour intégrer une brigade. Il faut dire aussi que dans un étoilé il y a une structure, il y a du monde… J’ai préféré faire des petites maisons et c’est comme ça que j’ai travaillé au Café des délices avec le chef Gilles Choukroun, puis que j’ai rencontré Laurent Chareau, au restaurant du musée d’Art contemporain du Val-de-Marne. Plus que la renommée d’une maison, je cherchais un bon contact. Arrivant là à 27 ans avec une petite maturité, je posais beaucoup de questions. Je n’étais pas simplement exécutant. Parfois ce questionnement poussait le chef à penser ses menus différemment et on arrivait finalement à un dialogue. Min t: Aujourd’hui de nombreux restaurants ouvrent grâce au concours d’investisseurs, est-ce qu’on t’a aidé pour ouvrir Le Chateaubriand ? Inaki: C’est vrai, mais ça ne se faisait pas trop il y a dix ans. Pour le Chateaubriand, je me suis associé avec Frédéric Penaud. Quelqu’un s’est porté garant pour nous puis s’est retiré au bout d’un an, une fois que la machine tournait bien. Min t: Comment as-tu trouvé ce bistrot ? Inaki: Notre choix s’est porté sur une affaire de quartier, je voulais un lieu qui ait du vécu. On est venu voir cette dame qui tenait ce bistrot qui marchait vraiment bien avec une carte traditionnelle, classique et efficace. C’est justement parce qu’il tournait bien que je n’osais pas lui demander, mais mon associé s’est lancé et il a bien fait ! La gérante a hésité puis elle nous a demandé de lui laisser encore six mois. Je ne sais pas combien de tour on a du faire dans

ren c on t re

coup travailler avec les Italiens. Ils ont une culture très « cuisine », un peu comme les Français mais je le perçois différemment car leur approche est peutêtre plus nourricière que gastronomique. Il y a un toucher, une approche, on est en plein dans les casserole avec des sauces, des plats qui mijotent et c’est la cuisine qui me plait.

‘food’ culture, a little bit like the French. But I see it differently because their approach is perhaps more about nourishment than gastronomy. There is a certain contact, a method: you are right there in the saucepan cooking up sauces and simmering dishes. That is the food I love. Mint: On the experience side of things you have not really shown a preference for Michelin stars or famous chefs. Are posh restaurants just not your thing? Inaki: Because I started out late, on the respected establishment side of things I sort of took what came along and didn’t direct myself towards Michelin stars. Ten years ago, the younger ones tended to take precedence over the rest in terms of being taken on in a team. It also has to be said that in a Michelin starred restaurant there is a structure and lots of people. I preferred working in small establishments. That is how I ended up working at the Café des délices with chef Giles Choukroun, and then how I met Laurent Chareau, at the restaurant of the contemporary art gallery in Val-de-Marne. More than an establishment’s fame, I’m looking for a good relationship. Starting out at 27 years old with a bit of maturity, I had a lot of questions. I was not just an underling. Sometimes my questioning pushed the chef to think about his menus differently, and in the end a dialogue would open up. Mint: These days numerous restaurants are opening thanks to competitive investment. Were you helped to open the Chateaubriand? Inaki: That’s true, but it didn’t really happen ten years ago. For the Chateaubriand, I joined forces with Frédéric Penaud. Someone acted as guarantor for us and then backed out after a year, once the ball was rolling. Mint: How did you find this bistro? Inaki: Our decision boiled down the local area. I wanted a place that had lived. We came to see the woman who ran this bistro, which was working really well with a traditional, classic and effective menu. I didn’t dare ask her, precisely because it was working well, but my partner threw himself in. And he did the right thing! The manager hesitated

22|23


Paris, mais finalement on a trouvé au bout de deux mois. Quand on a repris le Chateaubriand, l’avenue Parmentier n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui mais on cherchait vraiment un quartier populaire. On était plus branché 18è que Rive-Gauche. Min t: Tu es considéré comme la valeur étalon de ce qu’on appelle la « cuisine d’auteur », est-ce que tu souhaitais créer un concept autour de cette idée ou c’est arrivé naturellement ? Inaki: On n’avait pas de concept et on n’a pas cherché à lancer une mode. On voulait faire un truc qui nous ressemble. Une cuisine libre et personnelle. Aujourd’hui ça peut sembler redondant mais il n’y avait pas trop d’endroits comme ça à Paris il y a dix ans. En tout cas, il n’y avait rien de calculé dans notre démarche. Min t: Est-ce-que certains plats ont marqué les débuts du Chateaubriand ? Inaki: À l’ouverture, on a beaucoup parlé du boeufcarotte, du foie gras cru ou encore du radis-beurre qu’on avait complètement revisité. C’était une déclinaison de radis en lamelles avec du doux, du piquant mais aussi du sucré avec de la betterave crue.

and then she asked us to give her six more months. I don’t know how many circuits of Paris we must have done, but in the end we had enough after two months. When we took over the Chateaubriand, avenue Parmentier was not what it is now. We were really looking for a working class neighbourhood. It was more trendy than posh. Mint: You are seen as the benchmark for authentic, personal cuisine. Did you want to create a concept around this idea or did it happen naturally? Inaki: We didn’t have a concept and we were not trying to start a trend. We wanted to do something that felt like us. A free and personal kind of cooking. Today that might seem redundant, but there were not many places like that in Paris ten years ago. In any case there was nothing calculated about our approach. Mint: Were there certain dishes that marked the Chateaubriand’s beginnings? Inaki: At first, people talked a lot about the beef and carrot stew, the raw foie gras and also the butter-radish that we completely revisited. It was an array of radish slivers: soft, spicy and sweet with raw beetroot.

Min t: Aujourd’hui, elle est comment ta cuisine ? Inaki: J’ai un rapport assez simple à la cuisine, plutôt

brut, tout en essayant de nouvelles alliances de saveurs. Min t: Est-ce-que tu as le sentiment d’être devenu un incontournable parisien ? Inaki: Le Chateaubriand n’est pas un passage obli-

gatoire. Tu as déjà passé une soirée au Baratin ? Pour moi, le Baratin, c’est ce qui se fait de mieux à Paris, en tout cas c’est ce qui s’approche le plus d’un incontournable ! Min t: Ces derniers temps, on remarque que les produits des mêmes producteurs se retrouvent dans l’assiette des restos à la mode. Si on cuisine les mêmes produits en suivant la même mouvance, on ne risque pas de tourner en rond ? Inaki: Certains producteurs se retrouvent sur pas mal de tables, c’est vrai. Parce qu’ils ont une excellente réputation, un bon réseau ou tout simplement un beau produit. Craindre que cela ne créé une « uniformisation » dans le paysage gastronomique ça me fait sourire. C’est un problème de foodie ça, non ? Je veux dire que normalement, tu n’es pas censé manger au Chateaubriand puis chez Saturnes deux jours après. En hiver, c’est normal de trouver des légumes-

Mint: What is your food like now? Inaki: I have quite a simple relationship with food; fairly raw, while trying out new combinations of flavours. Mint: Do you feel like you are now a must-visit in

Paris? Inaki: The Chateaubriand is not an obligatory stop. Have you already spent an evening at the Baratin? For me, the Baratin is what Paris does best. In any case, it is the nearest to a must-visit! Mint: For a while, people have noted that products from the same producers are found in multiple fashionable restaurants. If the same products are being cooked in the same circle of influence, don’t we risk going round in circles? Inaki: Certain producers are found in quite a few venues, that’s true. Because they have an excellent reputation, good network, or quite simply a great product. Fearing that this leads to uniformity of the gastronomic landscape makes me smile. That’s a foodie problem, isn’t it? I mean, normally, you aren’t supposed to eat at the Chateaubriand and then at Saturnes two days later. It is normal to find root


24|25 RENCONTRE

e at



e at

vegetables in winter because chefs of this moral calibre try their hardest to cook seasonal produce. When spring comes, there will be peas, and you will find them on the menu at the Chateaubriand and also at the Plaza Athénée.

Min t: Aucun risque de s’ennuyer alors ?

Mint: No risk of getting bored then?

Inaki: Il ne faut pas simplifier l’histoire en disant que tout se ressemble : le côté créatif, les beaux produits, c’était nouveau il y a encore très peu de temps ! On ne peut pas s’ennuyer à Paris, ce n’est pas possible. Il y a des bistrots, des gastros, des restaurants espagnols, des japonais qui font de la cuisine française… Alors bien sûr il y a à boire et à manger là-dedans, mais plus le temps va passer et plus les gens auront le choix.

Inaki: We shouldn’t simplify things by saying that everything is the same. Creativity, great products: it was all new just a short while ago! You can’t get bored in Paris, it’s not possible. There are bistros, gastronomic restaurants, Spanish restaurants, Japanese doing French cuisine. So of course there is enough to eat and drink among all that. But as time goes by people will have more choice.

ren c on t re

racines puisque les chefs de cette trempe essayent au maximum de cuisiner des produits de saison. À l’arrivée du printemps, les petits pois vont sortir et tu en trouveras à la table du Chateaubriand mais aussi au Plaza Athénée.

Mint: Do you still cook at home? Min t: À la maison, est-ce que tu cuisines encore ? Inaki: Je cuisine de temps en temps, ou alors on

cuisine à deux avec ma compagne. Hier j’ai fait une soupe mexicaine ! Par contre, ce que je cuisine à la maison pour ma famille ou mes potes n’a rien à voir avec ce qu’on fait au restaurant. On mange des choses simples et Delphine est vraiment douée pour ça, elle peut te faire un plat génial avec trois fois rien. Min t: Ta compagne Delphine Zampetti est chef de son restaurant Chez Aline qui a plutôt la cote, est-ce que tu as un regard sur son travail ? Inaki: Au départ j’essayais de la conseiller mais j’ai vite compris qu’elle s’en sortait très bien. Elle y sert une tortilla que je lui avais appris à faire. Aujourd’hui elle la fait mieux que moi ! Min t: C’était comment le Chateaubriand, au début ? Inaki: Il y a 9 ans, on avait une formule à 14 euros

le midi et 36 euros le soir. Au déjeuner c’était un peu la pagaille mais j’aimais beaucoup ça. On avait revu le service à notre façon, c’était plus détendu, plus proche du client. Je pense qu’on va recommencer d’ici peu avec deux midis par semaine, j’ai envie de retrouver cette ambiance-là.

Inaki: I cook occasionally. Or rather, my partner and I cook together. Yesterday I made Mexican soup! What I cook at home for my family and friends is nothing like what we do at the restaurant. We eat simple things. Delphine is really great at that, she can make a great meal out of thin air. Mint: Your partner Delphine Zampetti is chef of her own restaurant, Chez Aline, which is getting popular. Do you have an influence on her work? Inaki: At the beginning I would try to advise her but I very quickly realised she was doing very well by herself. She serves a tortilla there that I taught her to make. She does it better than me now. Mint: What was the Chateaubriand like in the beginning ? Inaki: Nine years ago we had one set menu at 14 euros for lunch and 36 euros in the evening. At lunch it was mayhem but I really enjoyed it. We ran the service in our own way. It was more relaxed, closer to the client. I think that in a while we will start that up again with two lunches a week. I’d like to rediscover that atmosphere. Mint: Where do you think you will be in ten years

Min t: Tu penses que tu seras où dans dix ans ?

time?

Inaki: Je ne sais pas, pourquoi ? Tu veux me foutre dehors (rires) ? Je ne vais pas le révéler, c’est une surprise. Mais t’en fais pas, j’ai un plan d’action !

Inaki: I don’t know, why ? Do you want to get rid of me? I’m not saying anything, it’s a surprise. But don’t fret, I have a plan!

26|27



e at déc o u vert e

The call À la fin de l’hiver, quand s’annonce le printemps, il est difficile de résister à l’appel du grand air. Séduite par Ian, un jeune agriculteur, Rochelle Bilow a tout plaqué pour vivre à la ferme de Stonehill, dans l’Etat de New York. Dans son livre The Call of the farm, la journaliste américaine revient sur cette année surprenante.

At the end of winter, when spring lets us know it is on the way, it can be hard to resist the call of the great outdoors. In love with Ian, a young farmer, Rochelle Bilow ditched everything to move to Stonehill farm in New York State. In her book The Call of the farm, the American journalist looks back over a surprising year.

of the farm t e x t e s / w o r ds : h é l è n e r o c c o photos: Anthony Aquino

28|29


Des frissons parcourent sa nuque. Quelques secondes seulement après son arrivée à la ferme de Stonehill, Rochelle Bilow a une certitude : sa vie est sur le point de basculer. Bien qu’elle s’amuse à dire le contraire, ce n’est pas l’odeur du fumier qui la conduit dans cette ferme mais ses œufs délicieux et son lait cru. Journaliste indépendante diplômée d’une école de cuisine américaine, Rochelle rêve de devenir auteure culinaire. À l’époque, sa carrière peine à décoller et un journal local lui demande de dresser la liste des meilleurs produits que l’on trouve autour de Syracuse, dans l’État de New York. Sur les conseils d’une amie, elle se rend à Stonehill. Nous sommes au début du printemps. Sous le charme de ce lieu unique, Rochelle demande à Cliff, le gérant de la ferme, d’y travailler bénévolement pendant une journée. Au grand air, elle déplace des bottes de foin, nourrit les cochons et brosse les chevaux. Elle s’y sent à sa place et la présence d’Ian, l’un des agriculteurs, la bouleverse. Ses cheveux blonds hirsutes, ses lèvres rose pâle et les tâches de rousseur sur le bout de son nez la séduisent immédiatement. Ils font connaissance et échangent leurs adresses email. Quelques jours plus tard, Rochelle reçoit un message de sa part : son cœur bondit dans sa poitrine. Un vendredi soir, elle ose l’inviter au cinéma. La soirée se passe bien, Ian l’embrasse. Décidée à ne pas brusquer les choses, Rochelle rentre chez elle… et revient le lendemain puis le jour d’après. À 26 ans, la jeune femme s’investit toujours pleinement dans tout ce qu’elle entreprend. Sa soif permanente de nouveauté est, d’ailleurs, pour ses amis, sa plus grande qualité et le pire de ses défauts. Quelques semaines plus tard, elle s’installe dans la chambre d’Ian, à Stonehill. Au début, leur histoire est excitante : Rochelle se sent vivante. « J’étais tellement focalisée sur le travail de la ferme et sur Ian qu’à la fin de la journée, il me restait très peu de temps pour écrire des piges. », se souvient-elle. Pendant un an, sa principale mission est plutôt celle d’une chef à domicile. À chaque repas, l’équipe déguste ses pots de crème au sirop d’érable, son poulet mariné à la menthe, son gratin de tomates ou ses œufs brouillés aux blettes… Au printemps et en été, les bons produits abondent dans sa cuisine. « On mangeait des tomates jusqu’à en devenir rouge, et du poulet qu’on élevait en plein air ». L’hiver, le manque de verdure se fait ressentir alors, l’été, les agriculteurs ne jurent que par les légumes verts : « il nous arrivait même de prendre de la salade au petit déjeuner ». Les chaudes nuits d’été, toute l’équipe déguste les plats de Rochelle sur la terrasse. La jeune femme savoure particulièrement ces moments de repos après les dures journées.

Shivers ran down her spine. Just a few seconds after arriving at Stonehill Farm, Rochelle Bilow was sure of one thing: her life was about to change dramatically. Even though she likes to say the opposite, it was not the smell of manure that brought her to this farm, but rather the delicious eggs and unpasteurised milk. A freelance journalist and graduate from an American cooking school, Rochelle dreamed of becoming a food writer. At the time, her career was struggling to take off and a local newspaper had asked her to draw up a list of the best products to be found around Syracuse, in New York State. On the advice of a friend, she went to Stonehill. It was the beginning of spring. Enchanted by this unique place, Rochelle asked Cliff, the farm manager, to work there for one day as a volunteer. In the open air, she carried hay bales, fed the pigs and groomed the horses. She felt at home, and the sight of Ian, one of the farmers, turned her whole life upside down. Straight away she fell for his dishevelled blond hair, pale pink lips and freckles on the tip of his nose. They met and swapped email addresses. A few days later, Rochelle received a message from him and her heart leapt. One Friday evening, she dared ask him out to the cinema. The evening went well, Ian kissed her. Determined not to rush things, Rochelle went home. And she came back the next day, and then the day after that. At 26 years old, this young woman always throws herself wholly into everything she does. Her permanent thirst for the new is, after all (her friends would say), her best quality and her worst fault. A few weeks later, she moved into Ian’s bedroom at Stonehill. In the beginning, their story was exciting. Rochelle felt alive. “I was so focused on the farm work and on Ian that at the end of the day I had very little time left to write freelance articles,” she remembered. Instead, for a year, her main task was that of home cook. At each meal, the team would eat her pots of maple syrup cream, mint marinated chicken, tomato gratin and scrambled eggs with chard. In spring and summer, her food was full of good products. “We ate tomatoes until we turned red, and free range chicken from the farm.” In winter, the lack of greens made itself felt, while in summer, the farmers swore by green vegetables: “sometimes we even had salad for breakfast”. On hot summer nights, the whole team would eat Rochelle’s dishes outside on the terrace. The young woman savoured those restful moments after hard days work most of all.


30|31 dĂŠc o u vert e

e at


« Le travail à la ferme était un défi que je pouvais surmonter. En travaillant plus dur, je finissais par réussir à soulever un outil et à être assez rapide pour récolter les légumes. » Peu à peu, sa peur de mal faire s’envole. Curieuse de tout, elle s’acharne jusqu’à surmonter tous les obstacles sur son passage. Lors de son premier jour à la ferme, Rochelle dévore le beurre maison. À Stonehill, on adore en étaler sur les biscuits ou le savourer dans des pâtes à la sauce tomate. Intimidée mais intriguée par le défi, la jeune femme décide de se lancer dans la confection du beurre. Elle a la main lourde sur la crème : le robot déborde. Rochelle finit la préparation tant bien que mal mais, une fois à table, le résultat est accueilli par des moues. « Tu as pensé à rincer le beurre ? Il faut se débarrasser des résidus de babeurre sinon le goût est bizarre et ça se conserve mal », explique Ian. La seconde fois, la crème n’épaissit pas. Un échec selon la jeune femme. La troisième tentative est la bonne : Rochelle réussit à faire du beurre maison. Une petite victoire qui égaye des moments plus éprouvants. Car le rythme de sa vie d’agricultrice est difficile à tenir. Au mois de septembre, elle est épuisée. Comme depuis le début de l’été, elle déplace les bœufs, aide aux récoltes, aux plantations, nourrit les porcs et fait du foin. Pour préparer l’hiver, elle doit aussi faire de la place dans les chambres froides, nettoyer et stocker les légumes racines. Dans ces moments-là, elle en a assez de la ferme. D’autant plus que sa relation avec Ian finit par user ses forces. Malgré des gestes attentionnés de temps à autre – un diner aux chandelles dans leur chambre un petit déjeuner au lit, en week-end chez ses parents –, Ian reste très distant. Très amoureuse, Rochelle est confrontée à un homme qui botte en touche dès qu’elle lui parle de ses sentiments. À plusieurs reprises, Ian lui avoue que l’amour qu’elle lui porte est si fort qu’il l’effraie. S’il aime être avec elle, il doute que leur relation ait un avenir. « Je faisais de mon mieux en espérant que ça marche mais je ne pouvais pas lutter. », regrette-t-elle. Arrivée à Stonehill au début du printemps, elle en repart à la fin du printemps l’année suivante. Après un tel investissement, la séparation est difficile pour Rochelle. Elle envisage de raconter son histoire dans un livre, plein de tendresse – et de recettes alléchantes.

“The farm work was a challenge I could overcome. By working harder, in the end I managed to pick up a tool and get quick enough to harvest the vegetables.” Little by little, her fear of getting things wrong went away. Curious about everything, she persevered until she overcame all obstacles in her path. On her first day at the farm, Rochelle devoured the homemade butter. At Stonehill, they love spreading it over biscuits and throwing knobs into pasta with tomato sauce. Intimidated but intrigued by the challenge, the young woman decided to have a go at making it herself. She was heavy handed with the cream and the mixer spilled over. Rochelle somehow finished the mix but, at dinner, her companions sniffed at the outcome. “Did you remember to rinse the butter? You have to get rid of the buttermilk residue, else it tastes funny and doesn’t keep well,” Ian explained. The second time, the cream did not thicken: a failure in the young woman’s eyes. Third time lucky, Rochelle finally managed to make homemade butter. A small victory that brightened the most trying moments. Because the pace of a farmer’s life is difficult to keep up. By September, she was exhausted. As she had done since the beginning of the year, she was herding the cattle, helping with the harvest and with planting, feeding the pigs and making hay. In preparation for winter, she also had to make space in the cold rooms, clean, and store root vegetables. In those moments, she had enough of the farm. All the more since her relationship with Ian was wearing her out. Despite thoughtful gestures every now and then (a candlelit dinner in their bedroom, breakfast in bed during a weekend with his parents), Ian remained distant. Very much in love, Rochelle was faced with a man who ducked the issue when she spoke to him about her feelings. On several occasions, Ian confessed that her love for him was so strong he found it frightening. Although he loved being with her, he doubted their relationship had a future. “I did my best, hoping it would work out, but I couldn’t fight”, she regrets. Having arrived at Stonehill at the beginning of spring, she left at the end of spring the following year. After such investment, Rochelle found the separation difficult. She thought about telling her


e at déc o u vert e

À chaque repas, l’équipe déguste ses pots de crème au sirop d'érable, son poulet mariné à la menthe, son gratin de tomates ou ses œufs brouillés aux blettes...

At each meal, the team would eat her pots of maple syrup cream, mint marinated chicken, tomato gratin and scrambled eggs with chard.

Rochelle vit désormais à Brooklyn où elle écrit pour la revue Bon Appétit. La sortie de The Call of farm est une expérience exaltante pour elle. La journaliste n’a pas perdu l’enthousiasme qui la rend si attachante dans le livre. Dans un coin de sa tête, elle a déjà le projet d’un prochain ouvrage de cuisine autour de ses deux ingrédients fétiches : le beurre et le lard. « Ma vie à New York est très épanouissante mais la ferme me manque. » Le travail au grand air, l’exercice, les animaux, les produits frais lui faisaient un bien fou. Elle continue, cependant, à cuisiner des bons légumes et de la viande qui n’a pas été nourrie aux hormones. « J’ai très envie de retourner vivre à la campagne et de cultiver mes propres légumes. Peut-être même que j’achèterai une vache laitière. » En attendant, elle se contente de rêver aux tomates bien mûres de la ferme de Stonehill…

story in a book, full of tenderness and tempting recipes. Rochelle now lives in Brooklyn where she writes for Bon Appétit magazine. The appearance of The Call of the farm has been a thrilling experience for her. The journalist has not lost the enthusiasm that makes her so endearing in her book. She already has the idea for her next cookery book in the back of her mind, which will be about her two fetish ingredients: butter and lard. “My life in New York is very fulfilling but I do miss the farm.” Working in the fresh air, the exercise, the animals and the fresh produce all do her the world of good. She continues, however, to cook with good vegetables and meat that has not been fed on hormones. “I really want to go back to live in the country and grow my own vegetables. Maybe even buy a dairy cow.” In the meantime, she contents herself with dreaming of the very-ripe tomatoes at Stonehill farm. 32|33


Œufs brouillés aux blettes et au fromage de chèvre r e c e t t e / r e c i p e  : r o c h e l l e b i l o w

Comme l’un des agriculteurs n’aimait pas les blettes cuites, je n’ai pas cuisiné ce plat très souvent à Stonehill. Pourtant, j'adore cette recette : je pense que les blettes ajoutent de la douceur à un petit déjeuner classique. Les tiges des blettes de printemps sont assez tendres mais si elles sont filandreuses, coupez-les en morceaux et faites les cuire plus longtemps que les feuilles.

Pour six à huit personnes

30g de beurre 1 poireau haché finement (n’utilisez que le blanc et le vert pâle du poireau, gardez le reste pour faire du bouillon) 800g de blettes coupées en morceaux (feuilles et tiges) 1 cuillère à café de coriandre moulue sel et poivre noir 12 œufs 80 ml de lait entier 120g de chèvre frais ou de fromage de brebis 1 échalote finement émincée

Préparation

Faites fondre du beurre dans une grande poêle. Ajoutez ensuite le poireau, la coriandre moulue, le sel et le poivre. Faites sauter le tout pendant environ 5 minutes, jusqu’à ce que le poireau soit tendre. Ajoutez la blette et faites revenir jusqu’à ce qu’elle soit tendre. La blette va considérablement réduire à la cuisson. Pendant ce temps, cassez les œufs dans un saladier. À l’aide d’une fourchette battezles avec le lait. Assaisonnez. Dans une poêle, faites cuire les œufs, les poireaux cuits et la blette. Remuez constamment jusqu’à ce que les œufs commencent à durcir. La patience est votre meilleure alliée ! Ne vous pressez pas et ne faites surtout pas cuire à feu vif : les œufs deviendraient secs. Une fois cuits, retirez les œufs du feu et incorporez le fromage frais. Garnissez d’échalotes et servez immédiatement.

Cheesy scrambled eggs with chard

This is a dish we didn’t make often on the farm after learning that Toby absolutely, positively hated the taste of cooked chard. I happen to love it, and think it adds an earthy sweetness to an otherwise ho-hum breakfast staple. The stems of springtime chard are tender enough to toss in the pan with the leaves, but if you find yourself with particularly woody stems, you may do well to remove and chop them, then sauté them for a few extra minutes to take the edge off.

Serves six to eight

2 tablespoons butter 1 leek, white and light green part only, finely chopped (save the dark green part for making stock) 4 cups chopped chard leaves and stems 1 teaspoon ground coriander Salt & black pepper 12 eggs 1/3 cup whole milk 1/3 cup fresh goat or sheep cheese 1 whole scallion, finely chopped

Preparation

Heat a large skillet over medium heat and add the butter. Once melted, add the leek, chard stems if tough, coriander, salt, and pepper, and sauté until tender and soft, 5 to 6 minutes. Add the chard and sauté until wilted – it will cook down considerably. Meanwhile, crack the eggs into a mixing bowl. Use a fork or whisk to break them apart and beat in the milk. Season with salt and pepper. Turn the heat to medium-low, add the eggs to the pan with the cooked leek and chard, and stir constantly until the eggs have begun to set. Patience is key here; don’t rush things with a high heat, or you’ll end up with dry eggs. Once the eggs have just begun to set, remove them from the heat and stir in the fresh cheese. Top with the scallions and serve immediately.


34|35 rec e t t e

e at


L'été vu par... Zoé Labatut

sipping perfumed t e a, shaded from in t ense summer sun


e at RENCONTRE hu me ur an af t erno on of perfec t l a zyness

36|37



vague t e x t e s / w o r ds : d . p

p hotos: PA Jorgensen > Clove Club X av ie r G ir a rd L ac h a ine > Lyl e ’s

e at ren c on t re RENCONTRE

Nouvelle


Au commencement ils étaient trois : Isaac McHale, James Lowe et Ben Greeno. Trois cuisiniers jeunes et talentueux armés de CV prestigieux. À eux trois, ils cumulaient Ledbury, St John et The Fat Duck à Londres ou encore Noma à Copenhague. Au moment de démarrer les Young Turks (comprendre : « les petits jeunes qui se rebellent contre l’autorité »), Ben est appelé par David Chang pour devenir le chef de Momofuku Seiobo en Australie, tandis que le duo s’engageait déjà sur plusieurs années de tournée dès 2010 au même titre que tout bon groupe de rock. Aujourd’hui, les deux amis sont installés dans le quartier de Shoreditch à Londres, à deux rues l’un de l’autre.

There were three of them at first. Issac McHale, James Lowe and Ben Greeno. Three young and talented chefs armed with prestigious CVs. Between them, they had worked at The Ledbury, St John and The Fat Duck in London, as well as Noma in Copenhagen. Not long after starting the Young Turks in 2010 (‘youth rebelling against authority’), Ben was asked by David Chang to become head chef at Momofuku Seiobo in Australia. The remaining pair went on to tour for several years like a rock band. Today, the two friends have moved into London’s Shoreditch, just a couple of streets apart.

Pendant près de trois ans, Isaac et James ont mis en commun leur talent et leurs expériences au service de leurs pop-ups. Un pop-up, c’est un ou plusieurs cuisiniers qui s’installent dans un restaurant ou un lieu complètement farfelu comme cela se fait déjà dans certaines grandes villes. Le but, c’est de se faire la main, montrer ce que l’on sait faire afin d’être remarqué, ou tout simplement sortir de son carcan habituel. « Au départ, nous n’avions pas d’argent et les Young Turks nous ont permis de nous faire un nom. On a toujours été très lucides James et moi, on savait qu’au terme de cette aventure, chacun suivrait sa route. », raconte Isaac. Dans le fond, il n’y a pas de place pour deux rock stars dans un même groupe.

Via their pop-ups, Issac and James united their talent and experience for almost three years. A popup is when one or more chefs temporarily take over a restaurant or more unusual space. They have been going on in some big cities for a while. The chefs are aiming to gain experience, show what they know and get noticed, or quite simply escape their normal constraints. “We didn’t have any money at first, so the Young Turks was a way to make a name for ourselves. James and I were always very lucid. We knew that at the end of the journey, we would each follow our own path,” Issac told us. When it comes down to it, there just isn’t space for two rock stars in the same band.

Après avoir chacun travaillé au sein de restaurants modernes, branchés, guindés ou même étoilés, ils savaient précisément où ils allaient. « J’ai travaillé pendant six ans à Notting Hill chez Ledbury, ça m’a apporté énormément dans mon métier de cuisinier mais à titre personnel j’avais envie de quelque chose de plus simple et surtout pas de nappes ! », s’exclame Isaac. Les lieux créaient souvent la surprise : « On essayait de choisir des lieux insolites ou du moins secrets à Londres. ». Sur le toit d’un parking, dans des bureaux ou même dans d’autres restaurants comme ce fut le cas à Ten Belles pendant plus de six mois. « À Londres, les pop-ups avaient parfois mauvaise réputation car c’est devenu une mode. C’est pratique et bon marché pour les organisateurs puisqu’il n’y a ni loyer, ni électricité à payer. De ce fait, les événements se doivent de rester abordables et c’est ce que nous tâchions de respecter. Avec Isaac, on s’est lancé dans cette aventure car on était fauché et qu’on avait les mêmes affinités avec la cuisine. On n’avait pas les moyens d’avoir notre propre resto tout de suite et on attendait patiemment que des investisseurs nous remarquent. », se souvient James.

Having worked in modern, trendy, posh, and even Michelin-starred restaurants, they both knew exactly where they were going. “I had worked for six years in Notting Hill at The Ledbury, which had given me so much professionally as a chef, but on a personal level I wanted something more simple. No tablecloths!” Issac exclaimed. The venues were often surprising: “We tried to choose unusual, or at least unknown, venues in London”. On a rooftop car park, in offices and in other res-taurants. Like at the Ten Bells, where they moved in for over six months. “In London, pop-ups occasionally got a bad reputation because it got to be a trend. It’s cheap and practical for the orga-nisers, because there is no rent or electricity to pay. And so events have to stay affordable. That is what we tried to respect. Issac and I threw ourselves into this adventure because we were skint and because we had the same affinities with food. We didn’t have the money to open our own restaurant straight away, and we were waiting patiently for investors to notice us,” James remembered.


e at

Issac added: “As far as food was concerned, we kept a very British approach to our cooking in creating the menus. There was a bit of St John, with a more Scandinavian look. At the time we were the only people working like that in London.” And not just London. They became a reference for any self-respecting foodie. Journalists and bloggers were constantly glued to the Young Turk’s Twitter feed. With Le Fooding, the pair flew off to New York and Milan, and then Mexico and Shanghai.

C’est Isaac qui ouvre son restaurant le premier, cela fait tout juste deux ans qu’il s’est installé dans le très beau Town Hall Shoreditch, un bâtiment qui a ouvert ses portes pour la première fois en 1866. Célèbre pour ses combats de boxe dans les années 60, le Town Hall Shoreditch est aujourd’hui un lieu de culture où l’on peut voir des concerts, de la danse contemporaine ou des pièces de théâtre. En entrant dans le restaurant, on croise une petite pièce qui sert à suspendre les jambons et les saucisses pendant l’affinage, cette odeur de rance un peu douceâtre ne manque pas de nous mettre en appétit. À gauche se trouve la cuisine, ouverte sur une salle intimiste avec des tables en bois sur lesquelles sont disposées des petits fioles d’apothicaire ornées de branches. En discutant avec Isaac, on comprend vite que le chef est obsédé par la bouffe. On n’en attendait pas moins du Clove Club, reconnu pour faire son propre pain, son propre beurre et sa propre charcuterie. Dès l’amuse-bouche, on débarque dans le monde fou du chef en dégustant de la peau de patte de poulet frite accompagnée d’un dip. Une peau de patte de poulet qui se transforme en simple chips quand pourtant tout le labeur derrière s’apparente à du travail d’orfèvre. Très tôt, le chef s’est intéressé à la cuisine notamment par le biais de la cuisine indienne, particulièrement répandue en Angleterre : « J’utilise des épices indiennes dans ma cuisine, j’estime que cela fait partie de moi et d’une certaine manière, que cela fait aussi partie de notre héritage gastronomique. Le plat le plus réconfortant que je puisse manger, c’est un biryani ». Ce jour-là, nous goûterons à son cochon de lait du Yorkshire accompagné d’épices indiennes, un bel hommage rendu à une cuisine de coeur. Dans le genre petit plat qui met du baume au cœur, on se dirigera tout naturellement vers le poulet frit au buttermilk et sel de pin, disposé dans une corbeille, sur des branches de sapin.

It was Issac who opened his restaurant first. Just two years ago, he moved into the very beautiful Shoreditch Town Hall, a building that first opened its doors in 1866. Famous for boxing fights in the sixties, these days Shoreditch Town Hall is a cultural space where you can go to concerts and watch contemporary dance and theatre performances. On the way to the restaurant, you pass a little room used to hang hams and sausages to mature, and the sweetish, rancid smell is sure to make you hungry. The kitchen is on the left, opening onto an intimate room with wooden tables decorated with branches held in little apothecary vials. Talking with Issac, we quickly realised that this chef is obsessed with food. What else could you expect from the Clove Club, known for making its own bread, butter and cold meats? Right from the first little nibbles, you are swept into the chef’s crazy imagination, trying fried chicken foot skin with a dip. Chicken foot skin that looks like normal crisps, even though the work behind it is that of an artist.

RENCONTRE

Isaac ajoute : « Côté cuisine on faisait nos menus en gardant une approche très british dans notre cuisine. C’est-à-dire qu’elle avait quelque chose de St John dans le fond et de plus scandinave dans le look. À cette époque, nous étions les seuls à travailler ainsi à Londres ». Londres, et pas seulement. La machine s’emballe tant qu’ils deviennent une référence pour tout foodie qui se respecte : les médias et les blogueurs sont constamment scotchés au Twitter des Young Turks. Le duo s’envole pour New York et Milan avec Le Fooding, puis Mexico ou encore Shanghai.

The chef got interested in food very early on, especially through the Indian food that is very popular in England. “I use Indian spices in my cooking. I reckon it is part of me in a way, and part of our food heritage. The most comforting dish I could eat is a biryani”. That day, we ate his Yorkshire suckling pig with Indian spices, a gorgeous tribute to this cherished cuisine. For heartwarming fare, we naturally opted for the buttermilk fried chicken and pine salt, in a basket of pine tree branches.

40|41


l a cuisine du clove club clove club's ki tchen


e at RENCONTRE is a ac mchal e, l e chef du clove club is a ac mchal e, clove club's chef

42|43


l a s al l e ensol eil l ĂŠe chez lyl e's lyl e's' sunny dining ro om


e at RENCONTRE james lowe, l e chef du lyl e's james lowe, lyl e's' chef

44|45


Doux et tendre à la fois. C’est d’ailleurs un des snacks favoris du directeur du Town Hall, Nick Giles : « Vous avez goûté au buttermilk fried chicken ? C’est exactement ça que j’aime chez Isaac, cette originalité tout en restant simple. On n’a pas besoin de se creuser la tête. Je crois sincèrement que The Clove Club pourrait devenir ce qu’on appelle un destination restaurant, c’est à dire que les gens viendraient à Town Hall, à Shoreditch, ou pourquoi pas à Londres pour ce restaurant. Dans le futur, nous essaierons ensemble de faire le lien entre notre lieu de culture, qui mêle déjà plusieurs moyens d’expression, ainsi que le leur. ». Cela devient presque inutile de le préciser dans des restaurants issus de cette nouvelle génération de chefs : les produits sont de saison et proviennent du coin. « À mon sens, les meilleurs produits viennent d’ici. Pour moi le fait d’être locavore est une démarche qui relève de la logique et non d’une mode. On a d’excellents producteurs ici, si bien que de nombreux chefs étoilés parisiens se fournissent au Royaume Uni. Par contre, je ne m’empêche pas de choisir des produits qui me plaisent çà et là comme les agrumes de Michel Bachès. ». Comme la main de bouddha ? Cet agrume à la peau épaisse dont le fruit se divise en longs doigts jaunes. « Ah non, ça c’est juste bon pour les journalistes ! ». Oui, Isaac est sympa mais aussi taquin. On reprend Shoreditch High Street qu’on remonte jusqu’au croisement avec Bethnal Green Road, Lyle’s se trouve quelques mètres plus loin. En entrant, on trouve une grande salle lumineuse et sans chichis. Des gens prennent leur petit-déjeuner ou travaillent sur leur ordi, un café et un beignet maison sur leur table. En poireautant tranquillement au soleil, on observe James qui s’active derrière ses fourneaux. Il finit par arriver, un grand sourire aux lèvres. Lyle’s a tout juste neuf mois et s’est déjà bâti une sérieuse réputation de place-to-go Outre-Manche. Pourtant, comme toute entreprise, sa création ne s’apparente en rien à un long fleuve tranquille : « J’ai eu plusieurs opportunités et alors que je tirais des plans sur la comète, cela finissait par tomber à l’eau… Au bout d’un moment j’en ai eu marre et je suis parti à l’étranger pendant huit mois. Dès mon retour, j’ai trouvé ce restaurant à Shoreditch, un quartier que je connais bien puisque je suis dans le coin depuis huit ans. Je n’avais pas envie de parier sur le prochain quartier à la mode. », raconte James. Le chef n’a pas laissé tomber les pop-ups depuis la fin des Young Turks et organise des dîners à quatre mains fréquemment, en particulier avec son ami James Henry, le chef du restaurant Bones à Paris.

It was soft and tender at the same time, and also one of the favourite snacks of the director of the Town Hall, Nick Giles. “Did you try the buttermilk fried chicken? That’s just what I love about Issac: his food is original but still simple. No need to think too hard. I really believe the Clove Club could become what is known as a destination restaurant. That people would come to the Town Hall, to Shoreditch, or why not to London, for this restaurant. In the future, together we will try to forge links between our cultural venue, which already blends several art forms, and theirs”. It almost goes without saying for restaurants from this new generation of chefs, but the products are local and seasonal. “For me, the best products are from around here. Being locavore is an approach based on logic, not a trend. We have great producers here, so good that several Michelin chefs in Paris buy from the UK. Still, I don’t stop myself from choosing products I love occasionally, like Michel Bachès citrus fruits.” Like Buddha’s hand, the thick-skinned citrus fruit that grows in long yellow fingers? “Oh no, that’s just for the journalists!” Yup: Issac’s nice, but a bit cheeky too. We walked back up Shoreditch High Street to Bethnal Green Road, to reach Lyle’s a few metres further down. We found ourselves in a large room, bright and simple. People were eating breakfast or working on laptops, with coffee and homemade doughnuts on the tables. Peacefully enjoying the sun, we saw James busy in the kitchen. After a while he came over with a big smile. At just nine months old, Lyle’s has already carved out a serious name for itself. Still, like all businesses, it hasn’t all been plain sailing: “I had a few chances and despite my ambitious plans, they all ended up coming to nothing. After a while I just had enough and went abroad for eight months. As soon as I got back, I found this restaurant in Shoreditch, an area I know well because I’ve been here for eight years. I didn’t feel like betting on the next trendy part of town”, James told us. Nor has the chef abandoned pop-ups since the Young Turks came to an end. He regularly partners up with chefs for events, especially his friend James Henry (chef of the restaurant Bones in Paris).


e at RENCONTRE

À mon sens, les meilleurs produits viennent d’ici. Pour moi le fait d’être locavore est une démarche qui relève de la logique et non d’une mode. On a d’excellents producteurs ici, si bien que de nombreux chefs étoilés parisiens se fournissent au Royaume-Uni.

For me, the best products are from around here. Being locavore is an approach based on logic, not a trend. We have great producers here, so good that several Michelin chefs in Paris buy from the UK.

46|47



e at

Inevitably, Lyle’s retains a little something of the St John style. Such is life: working in an institution like that changes you. Still, London critics never miss a chance to draw attention to the fact with malice. “I read the reviews. I think all chefs should take a look from time to time. When it’s constructive, I reflect on some changes to help the client have the best possible experience”, James explained. Here, hospitality is key: “I really love going to restaurants and I chose to become a cook with the aim of having my own. I take one day off a week, and you can be sure I’ll go out for lunch and dinner.” It stands to reason: James loves being looked after. “A restaurant is a place where people look after you. We cook you a meal, which requires thought. We choose high quality products, and these choices come from more than eight years’ work, because I know my producers very well. We strive to do the best we can: we help you pick your wine and give you attentive service. Hospitality is all these things.” While chatting, the chef has a certain gentleness about him, always likeable and smiling. His charm offensive works: what a gentleman! And it worked all the more as we tucked in to the Buford Brown egg (with a dark, thick shell) cooked on a low heat with spring onions and wild garlic, reminding us spring wasn’t far off.

RENCONTRE

Forcément, Lyle’s garde un petit quelque chose de la cuisine de St John. Que voulez-vous, ça marque de travailler dans une telle institution. D’ailleurs, les critiques gastronomiques londoniens ne manqueront pas de le relever malicieusement. « Je fais attention à la critique, je pense que tout cuisinier doit y jeter un œil de temps en temps, et quand elle est constructive, je réfléchis à quelques ajustements pour que le client passe le meilleur moment possible. », explique James. Ici, l’hospitalité est un point primordial : « J’aime énormément aller au restaurant, si j’ai choisi la cuisine, c’était dans le but d’avoir le mien. J’ai un jour de congé dans la semaine et tu peux être sûre que je serai au restaurant au déjeuner et au dîner. », la raison tombe sous le sens : James aime qu’on s’occupe de lui. « Un restaurant c’est un lieu où les gens prennent soin de vous. On vous cuisine un repas qui nous demande de la réflexion. On choisit des produits de qualité et ces choix sont le fruit d’un travail de plus de huit ans car je connais très bien mes producteurs. On tâche de donner le meilleur de nous, on vous conseille sur votre vin tout en vous apportant un service attentionné. L’hospitalité, ce sont toutes ces choseslà. ». Tout en papotant, le chef a cette douceur dans sa façon de s’exprimer, toujours avenant et souriant. L’opération séduction fonctionne. What a gentleman ! Elle fonctionnera davantage au moment de passer à table, avec l’œuf Buford Brown (une variété d’œufs à la coque foncée et épaisse) cuit basse température, des oignons nouveaux et de l’ail sauvage, qui nous rappelle que le printemps n’est pas loin. Il est fréquent d’entendre de jeunes chefs énumérer la longue liste de leurs projets. Pourtant, l’ambition de James est sincère et rationnelle : « Aujourd’hui, c’est important pour moi de garder un lieu et un menu accessible pour les gens. Je ne veux pas que le budget soit un frein. Je n’ai pas réfléchi à un concept en particulier en créant Lyle’s, j’ai suivi une ligne directrice que je m’étais fixée. Je ne cherche pas à en mettre plein les yeux, bien sûr, je souhaite que ce soit très bon mais je tiens à ce que les plats restent simples et lisibles. ». Simples, intelligents et addictifs comme ce pain d’épices terriblement moelleux et léger, accompagné de poire juteuse et d’une crème au caramel qui arrive à point nommé telle une caresse. Il va sans dire que dans très peu de temps, il deviendra impensable de visiter la capitale britannique sans rendre visite à ces deux chefs. S’ils ne sont plus des rocks stars, ils n’en demeurent pas moins rebelles en révolutionnant le monde de la cuisine britannique, en renversant les codes et en déconstruisant les classiques pour créer une cuisine surprenante et identitaire. Le résultat est brillant.

It is common to hear young chefs enumerate long lists of future projects, but James’ ambitions are rational and sincere: “At the moment, it’s important for me to run a place with an accessible menu. I don’t want budget to be a barrier. I didn’t have a particular concept when I created Lyle’s. I just followed a guiding line I fixed for myself. I’m not trying to really blow people away. Of course, I want it to be very good, but I’m sticking to keeping the dishes simple and readable.” Simple, intelligent and addictive, like the seriously moist and light gingerbread with juicy pear and caramel cream that arrived at just the right moment. It goes without saying that a trip to the UK capital without visiting these two chefs will soon become unthinkable. They aren’t rock stars any more, but that doesn’t make them any less rebellious: revolutionising the world of British food, tearing up the rulebook and deconstructing the classics to create a surprising, signature cuisine. The result is superb.

48|49


t e x t e s / w o r ds : d . p p h o t o s : n OÉMIE CÉ D ILLE

Pour sortir de la torpeur hivernale et éveiller ses papilles dès l’arrivée du printemps, rien de tel qu’un jus frais maison. Si les cures de jus ont du succès en ce moment, nous avons plutôt choisi de nous faire plaisir en privilégiant le goût de fruits estivaux, frais et désaltérants !

To break with winter drowsiness and wake

Outils : centrifugeuse et fruits mûrs.

Tools : juicer et ripe fruits.

up your tastebuds as soon as spring days come along, nothing beats fresh homemade juice. Though juice diets are popular at the moment, we chose treating ourselves instead, favouring the taste of summer fruits. Thirst-quenching and fresh!


e at rec e t t e

4 kiwis - 3 gr anny smi t h - 1 c onc ombre - 5 feuil l es de men t he 4 kiwis - 3 gr anny smi t h - 1 cucumber - 5 min t l e aves

50|51


1/4 de pa st èque - 8 fr aises - 10 feuil l es de ba sil ic 1/4 wat ermelon - 8 st r awberries - 10 ba sil l e aves


e at rec e t t e

1 melon - 16 fr amboises - 5 fl eurs de l avande 1 melon - 16 r a speberries - 5 l avander l e aves

52|53



e at déc o u vert e

All you can eat Singapore t e x t e s / w o r ds : D . P .

i l l us t r a t i o n : c o l i n e g i r a r d

Que feriez-vous si l’on vous donnait 24 heures pour découvrir la cuisine d’un pays ? C’est ce que nous a proposé Singapour qui célèbre cette année son premier congrès mondial destiné à la street food. Sans réfléchir, nous avons sauté dans le premier avion.

What would you do if you were given 24 hours to discover a country’s cuisine? Singapore gave us the chance to do just that, celebrating its first street food world congress this year. Without thinking twice, we jumped on the first plane.

54|55


Je ne savais pas grand chose de Singapour d’un point de vue strictement gastronomique. Pour être honnête, je connaissais mieux des chefs comme Andre Chiang ou Ryan Clift au détriment d’une cuisine locale et authentique. Cette année, la ville de Singapour organisait un événement orchestré par KF Seetoh, un « food gourou » qui ici, serait probablement considéré comme l’équivalent d’Anthony Boudain. J’ai encore l’intime conviction que si cet événement n’avait pas été porté par celui qui est perçu comme la personne la plus influente de la ville par CNN, rien n’aurait été possible. Pendant 24 heures, Seetoh nous a trimballés dans un bus, micro à la main et anecdotes croustillantes sous le coude. Nous étions 25 journalistes en provenance de 12 pays différents, prêts à en découdre avec la street food locale. Bien que le topo ait été simple et plutôt clair, personne ne pensait franchement que ce safari durerait 24 heures. À tort. Il y a 50 ans, le gouvernement a cherché à regrouper les gens autour de hawker centres, notamment pour des questions d’hygiène. Les vendeurs, qui travaillaient avant dans l’illégalité, dans la rue et sans eau courante, ont pu avoir accès à un cadre de travail plus confortable. Avec plus de 200 ans de culture street food, cette démarche a permis aux singapouriens de préserver leur savoir-faire, de se professionnaliser, mais aussi de s’ouvrir à de nouvelles opportunités principalement liées au tourisme. Les hawker centres sont donc des bâtiments plus où moins grands, regroupant des cuisiniers dans de toutes petites cuisines, les uns à côté des autres. Certains de ces centres sont regroupés par spécialités, certains sont plus réputés que d’autres, en tout cas tous servent une cuisine fraîche puisque les congélateurs sont bannis. Rendez-vous à 10 heures sur l’Esplanade où se situe le hawker center KF Seetoh, nommé à juste titre Gluttons Bay. L‘équipe nous distribue à chacun un kit de survie contenant un carnet de notes, un bol en silicone, un éventail, des lingettes, des petits fruits séchés et salés censés soigner les nausées chez les femmes enceintes et les indigestions chez les autres, de l’eau et une brosse à dents. Un médecin nous accompagne tout au long de ce périple digne du Guiness book. Les instructions sont claires : pour tenir le choc il nous est recommandé de ne prendre qu’une ou deux bouchées de chaque plat, pas plus. Nous arrivons à Tao Payoh nombreux, le ventre vide en nous déplaçant comme un groupe de touristes excités.

I did not know much about Singapore from a strictly gastronomic perspective. To be honest, I knew more about chefs like Andre Chiang or Ryan Clift to the detriment of the local and authentic cuisine. This year, the city of Singapore organised an event that was orchestrated by KF Seetoh, a ‘food guru’ who would probably be seen here as the equivalent to someone like Anthony Boudain. I still have the firm conviction that if this event had not been led by the person who is seen as the city’s most influential person by CNN, nothing would have been possible. For 24 hours, Seetoh carted us around in a bus, with mike in hand and juicy anecdotes up his sleeve. 25 journalists from 12 different countries, we were ready to rip into the local street food. Although the rundown had been pretty crystal clear, no-one really thought this safari was going to last 24 hours. We were wrong. 50 years ago, the government sought to group people around hawker centres, notably for reasons of hygiene. The sellers, previously working illegally in the street without running water, had the chance to access a much more comfortable working environment. With more than 200 years of street food culture, this step meant Singaporeans could preserve their craft, become professiona-lised and also open up to new opportunities, mainly linked to tourism. So, hawker centres are buil-dings of various sizes, bringing together cooks in tiny kitchens that are all next to each other. Some of these centres are organised by speciality, and some are more celebrated than others. In any case, they all serve fresh food because freezers are banned. We were to meet at 10 o’clock on the Esplanade where the KF Seetoh hawker centre, well-named Gluttons Bay, is located. The team handed out a survival kit for each of us containing a note book, silicon bowl, fan, wipes, small dried, savoury fruits to cure sickness in pregnant women and indigestion in others, water and a toothbrush. A doctor was to accompany us throughout this trek, which was worthy of the Guinness Book of Records. The instructions were clear: to keep up we were advised to take just one or two mouthfuls of each dish, and no more. We all arrived at Tao Payoh with empty stomachs, jumping around like a bunch of excited tourists. We tried various dishes while the staff kept watch so we did not exceed the recommended


e at

La fatigue mêlée à la lassitude d’avoir toujours le ventre plein commençait à me mettre de mauvaise humeur. Nous étions dans un hawker center qui donnait sur le front de mer et je me réjouissais déjà pour le trajet en bus qui me permettrait peut-être de grapiller quelques minutes de sommeil. Je m’assieds seule quand notre médecin de nuit s’installe à côté de moi pour taper la causette. À l’avant notre animateur branche le micro en prenant soin de mettre le son au maximum.

ration. During the journey, Seetoh spoke to us at length about the ‘warriors’; a term he uses to talk about the young people who go into this industry. Douglas Ng, by the way, is a perfect example of the warrior. He threw himself into it by himself, and what he earns means he can just cover his rent. Douglas runs a stall in a hawker centre. Every day, he keeps tradition going by re-making his grandmother’s ‘fishball noodles’ recipe (noodles and balls of fish). She agreed to teach him how to make her recipe, which she made twice a year for the whole family. This dish has always been Douglas’ favourite and he never found a better recipe. At first, he wanted to take cooking classes, because the people with expertise are convinced that the young are too ‘out of touch’ with reality for the job. During the mid-afternoon conference (which we saw as a break for our badly-trained stomachs), we met Bjorn Shen. Shen runs the restaurant Artichoke, where he serves fresh takes on small, traditional dishes. Bjorn was busy behind the table preparing one of his specialities for us, bak cher mee. I was given a sandwich, which I examined thoroughly. Chinese steam-cooked brioche, meat balls, black vinegar, salad, fried noodles and a whisked, mayonnaise-like sauce. The texture of the brioche was soft and spongy between my fingers. My head was saying no, but my heart was yearning for more. Bjorn told us about his recipes: inventions that are each more decadent than the last. ‘Take a Chinese brioche and cut it in half lengthwise. In the middle I place a few slices of cheese, then I place the sandwich in a panini press to make it into a ‘grilled cheese sandwich’. Bjorn, I’m melting. Tiredness combined with the weariness of being constantly full was starting to put me in a bad mood. We were in a hawker centre looking out over the seafront and I was already looking forward to the bus journey, which might allow me to glean a few minutes’ sleep. I was sitting down by my-self when our night doctor settled down next to me to strike up conversation. Behind us, our guide plugged in the mike, taking care to turn the volume up to the maximum. I had a headache, I had earache, I was feeling a bit sick and my linguistic shortcomings only brought me a feeble diagnosis: ‘Drink some water!’. I asked to be transferred to the back of the bus where the other bad pupils in need of shuteye were hanging out.

déc o u vert e

Nous goûtons à différents plats tandis que le staff veille au grain pour que l’on ne dépasse pas la ration conseillée. Lors du trajet, Seetoh nous a longuement parlé des « guerriers », terme qu’il emploie pour parler des jeunes qui se lancent dans le business. D’ailleurs Douglas Ng est le parfait exemple du guerrier puisqu’il s’est lancé seul et que ce qu’il gagne lui permet tout juste de payer son loyer. Douglas tient une échoppe dans un hawker center. Chaque jour, il perpétue la tradition en reproduisant la recette de « fishball noodles » (nouilles et boulettes de poisson) de sa grand-mère. Cette dernière a accepté de lui apprendre à réaliser sa recette qu’elle préparait deux fois par an pour toute sa famille. Ce plat a toujours été le favori de Douglas qui n’a jamais trouvé de meilleure recette que celle-là. Au départ, il souhaitait prendre des cours de cuisine car les gens qui ont le savoir-faire sont persuadés que les jeunes sont trop « déconnectés » pour faire ce travail. Lors de la conférence en milieu d’après-midi – que nous percevons comme une pause pour nos estomacs mal entraînés –, nous faisons la rencontre de Bjorn Shen qui tient le restaurant Artichoke où il sert des petits plats traditionnels revisités. Bjorn s’active derrière sa table pour nous préparer l’une de ses spécialités, le bak cher mee. On me tend un sandwich que j’inspecte sous toutes ses coutures. Brioche chinoise cuite à la vapeur, boulettes de viande, vinaigre noir, salade, nouilles frites et une petite sauce montée comme une mayonnaise. Entre mes doigts la texture de la brioche est douce et mœlleuse. Alors que ma tête dit non, mon cœur en redemande. Bjorn nous conte ses recettes, ses inventions toutes plus décadentes les unes que les autres. « Prenez une brioche chinoise que vous couperez en deux dans la largeur, au centre j’y place quelques tranches de fromage puis je place ce sandwich dans une presse à panini pour en faire un grilled cheese sandwich ». Bjorn, je fonds.

56|57


Je ne compte pas le nombre de fois où je me suis demandé « qu’est-ce que c’est que ce truc ? »

I lost count of the number of times I asked myself "what on earth is this?"


e at

Il y a eu la visite des marchés de légumes puis de poissons en pleine nuit qui me permit de regagner mes esprits, loin de toute pression culinaire, tout cela pendant que mes deux confrères russes se la collaient sévèrement à coups de vodka dissimulée dans leur sac. Au petit matin, plus aucun plat n’avait d’importance et je ne pensais qu’à mon lit. Finalement, alors que plus rien ne me faisait envie depuis minuit trente, je vivais comme un petit miracle dans le dernier hawker center. Comme à chaque fois, les plats sont déposés au centre de la table et mes confrères et moi picorons timidement. Seetoh me menace de ne pas me donner mon certificat « Food frenzy tour » si je n’y mets pas un peu du mien. Je prends ma cuillère et plonge franchement dans une portion de bœuf. J’y retrouve tout ce que j’aime : de la citronnelle, du lait de coco, du piment et beaucoup d’épices… Tandis que mon confrère danois trouve ce plat « ennuyeux », j’y retourne, les yeux convulsés et ma cuillère à la main. Ce dernier plat, c’était le bœuf rendang, un plat typique d’Indonésie que l’on trouve aussi en Malaisie (et donc à Singapour) très parfumé, très « street comfort food » grâce à une cuisson lente durant laquelle la viande devient fondante et parfumée. Je ne compte pas le nombre de fois où je me suis demandé « qu’est-ce que c’est que ce truc ? », ni les fois où mes confrères restaient sans voix face à un café agrémenté d’une généreuse tranche de beurre tandis que je me demandais simplement « pourquoi ? », je pourrais pourtant vous citer une bonne dizaine de plats auxquels je rêverais de m’attaquer aujourd’hui, la cuillère moins boudeuse que la première fois.

déc o u vert e

J’ai mal au crâne, aux oreilles, j’ai un peu la nausée et mes lacunes linguistiques ne m’apportent du médecin qu’un diagnostique bidon : « Buvez de l’eau ! ». Je demande à être mutée à l’arrière du bus où trainent les autres mauvais élèves en mal de sieste. À l’arrière du bus, mon voisin francophone me permettra de tenir le coup sans dormir jusqu’à la fin, où nos têtes finiront par s’entrechoquer sur la ligne d’arrivée. Nous n’y étions pas encore. À ce stade de la course, nous étions à la fois heureux d’être là et de pouvoir pester en langage codé en toute impunité contre le monstre qui nous empêchait de dormir. Sales petits enfants gâtés que nous étions.

At the back of the bus, my French-speaking neighbour helped me keep going without sleeping right to the end, where our heads would end up banging together on the finishing line. We had not got there yet. At that stage in the game, the two of us were happy to be there and especially to be able to get away with cursing the monster stopping us from sleeping in a language he did not un-derstand. Rotten, spoilt little children that we were. In the middle of the night there were the visits to the vegetable and then fish markets, which gave me the chance to lift my spirits, away from the pressures of food, while my two Russian colleagues were getting seriously drunk on shots of vodka hidden in their bag. In the early hours, no dish mattered any more and I was thinking solely of my bed. In the end, even though I had not felt like anything since half past twelve, I was lively like a little miracle in the last hawker centre. Like every time, the dishes were placed in the middle of a table and my colleagues and I picked at them gingerly. Seetoh threatened not to award me my ‘Food frenzy tour’ certifi-cate if I did not do my best. I took my spoon and without hesitation plunged into a portion of beef. It had everything I like: lemongrass, coconut milk, chilli and lots of spices. While my Danish colleague found this dish ‘boring’, I went back for more, eyes twitching and spoon in hand. That last dish was rendang beef, a typical Indonesian dish that is also found in Malaysia (and so in Singapore). It is highly perfumed and very ‘street comfort food’, thanks to its being cooked slowly, leaving the meat soft and full of flavour. I lost count of the number of times I asked myself ‘what on earth is this?’, and of the times my colleagues remained speechless in front of specialities I did not understand, like coffee accompanied by a generous knob of butter. But I can tell you a good dozen or so dishes that I’m dreaming of tucking into right now, with a less sulky spoon than the first time. 58|59


Kaléidoscope D. a e t se t de si gn : Pa ris se q ue m a P h o t o s : C h l o é G a ss i a n

st yliste: caroline nedelec

Assie t t e noire e t bl anche IKEA Assie t t e e t bols jaunes PETITE FRIT URE




e at sh op p in g Assie t t e noire e t bl anche IKEA Assie t t e bl anche Romarin JARS chez Merci

62|63


Assie t t e e t bol bl ancs A STIER DE VILLATTE bol rose PETITE FRIT URE




e at sh op p in g Gr and bol EFAY chez Merci Pe t i t bol CANTINE BY JARS chez Merci Pe t i t e a ssie t t e A STIER DE VILLATTE Bol PETITE FRIT URE

66|67



e at déc o u vert e

Mast Brothers

du petit appartement de Brooklyn... à la grande factory t e x t e s / w o r ds : f a n n y v e d r e i n e Photographs courtesy of Ma st Brothers

À une époque où la gastronomie a pour obsession l'origine des produits, les Américains Rick et Michael Mast proposent à leur tour un concept du bean-to-bar, c’est-à-dire de la fève à la tablette. Véritables rock-stars du cacao, les deux frères de 38 et 35 ans sont à présent invités en backstage des concerts de Phoenix, présentent leurs recettes au magazine Vogue et vendent leur chocolat au californien Thomas Keller – l’un des cinq seul chef au monde à posséder trois étoiles Michelin dans ses deux restaurants. Décryptage d’une success-story qui entame sa traversée de l’Atlantique. At a time when gastronomy is obsessed with where products come from, Americans Rick and Michael Mast have stepped in with a bean-to-bar concept. True rock stars of cocoa, these days the two brothers (38 and 35 years old) can be found backstage as guests at Phoenix concerts, sharing their recipes in Vogue magazine and selling their chocolate to Californian Thomas Keller (one of five chefs in the world with three Michelin stars in two restaurants). We take a look at a success story that is all set for crossing the Atlantic.

68|69


Il aura fallu des semaines et des semaines de pratique, isolés dans la cuisine d’un petit appartement de Brooklyn, pour que les frères Mast réussissent à concevoir la recette parfaite. Si le travail du chocolat est une pratique ancestrale en Europe, on ne peut en dire autant pour les États-Unis. Tout droit débarqués de l’Iowa, Rick et Michael ont plaqué leurs emplois respectifs en 2007 avec la ferme intention d’enseigner à leurs compatriotes ce qu’est le vrai chocolat. Au sein de la première puissance mondiale, le marché du chocolat est dominé par les grands industriels qui commercialisent des sucreries chocolatées aux multiples additifs. Selon Rick – l’aîné de la famille –, « la plupart des gens semblent déconnectés de la réalité concernant le chocolat qu’ils consomment et plus particulièrement sur la complexité de ce produit ». Ainsi, seule la fève de cacao est utilisée pour concevoir leurs plaquettes de chocolat. L’intensité et la saveur diffèrent d’un produit à l’autre selon l’origine du cacao. « D’excellents fermiers de Madagascar, Belize, Tanzanie, Venezuela, Guatemala, Pérou, Brésil et République Dominicaine nous fournissent le fruit de leur travail pour nous garantir la conception des meilleurs produits », affirme Rick. Alors qu’en France, en Belgique ou en Suisse, le concept du « chocolat fait main » a déjà été largement exploité, les États-Unis sont encore novices. « Notre toute première fournée fut une véritable révélation, c'était comme si on goûtait du chocolat pour la toute première fois, il n'y avait pas de retour en arrière possible. » Après des semaines de recherches, les premières tablettes sont vendues sur des marchés auprès de producteurs locaux.

It took weeks and weeks of practice, hidden away in the kitchen of a small Brooklyn apartment, for the Mast brothers to find the perfect recipe. Although chocolate making is an old practice in Europe, you can’t say the same about the United States. Straight out of Iowa, Rick and Michael quit their jobs in 2007 with the firm intention of teaching their fellow citizens what real chocolate actually is. Here in the leading world power, the chocolate industry is dominated by big manufacturers that commercialise sugary chocolate products with multiple additives. According to Rick (the elder of the two), “Most people seem cut off from the realities of the chocolate they consume, and more specifically the complexity of this product”. Only the cocoa bean is used to make their chocolate bars. Intensity and flavour differ from one product to another depending on where the cocoa comes from. “Excellent farmers in Madagascar, Belize, Tanzania, Venezuela, Guatemala, Peru, Brazil and the Dominican Republic provide us with the fruits of their hard work so we can make the best products”, Rick affirmed. In France, Belgium and Switzerland, the concept of handmade chocolate has already been heavily exploited, but the US is still a beginner. "Our first batch was a real revelation. It was like we were tasting chocolate for the very first time. There was no going back.” After weeks of research, the first bars were sold at markets beside local producers.

Quelques mois plus tard, le concept marketing s’affine au profit d’un packaging novateur imaginé par leur ami designer Nathan Warketin. Des motifs abstraits inspirés de tissus vintage emballent les différentes tablettes. « Selon nous, tout doit être délicieux chez Mast Brothers. Pas seulement le chocolat en lui-même, mais aussi l’emballage, le point de vente, l’atelier… tout ! », insiste l’aîné. En suivant rigoureusement ce principe, la clientèle reste fidèle aux frères Mast dans leurs deux magasins ouverts à Brooklyn. Lumineuses et minimalistes, les boutiques proposent également la dégustation d’un chocolat liquide, servi chaud ou froid. Le 14 février dernier, l’aventure des frères Mast a voyagé jusqu’en Europe avec l’ouverture de leur première boutique à Londres dans le quartier de Shoreditch. « Notre chocolat étant très apprécié dans cette ville, on avait envie d’offrir la possibilité aux Anglais de se rendre directement dans une boutique pour s’en procurer, plutôt que le commander sur internet. »

A few months down the line, the marketing strategy was getting more refined, with innovative packaging dreamed up by their designer friend, Nathan Warketin. The various bars are wrapped in abstract patterns inspired by vintage fabrics. “For us, everything at Mast Brothers has to be delicious. Not just the chocolate itself, but also the packaging, points of sale, the workshop: everything!”, the elder brother insists. Rigorously sticking to this principle has won the loyalty of their clients at the two Mast Brothers stores in Brooklyn. Bright and minimalistic, the stores also serve liquid chocolate, hot or cold. Last February 14, the Mast Brothers adventure brought the pair to Europe for the launch of their first London shop in Shoreditch. “As our chocolate is so well loved in this city, we wanted to give the British the chance to go directly to a shop to buy it, rather than ordering online.”


02|03 hu me ur

e at



e at

Pari tenu, pour un maximum de saveurs et d’authenticité. Une pointe de sel de mer, le craquant de l’amande ou la douceur de la vanille fumée sont les rares produits subtilement associés aux tablettes Mast Brothers. D’ici quelques mois, leur objectif sera d’ajouter au cacao un parfum extrait de branches fraîchement cueillies de thym, de romarin et de genévrier. Avant d’entreprendre ce projet commun, tout laisse à croire que les frères Mast ont vécu mille vies. Rick a étudié la musique classique dans leur région natale avant de vendre des disques chez Fingerprints à Long Beach en Californie pour finalement intégrer une école de cuisine à New York. Son frère cadet Michael est lui diplômé d’économie et gérait le financement de films indépendants. Il a pourtant suffi d’une discussion engagée lors d’un dîner mondain aux côtés de professionnels de la gastronomie pour imaginer ce concept. Rick et Michael collaborent ensemble pour chaque détail. De la comptabilité à la gestion des salariés, en passant par l’élaboration de nouvelles recettes et de la communication auprès des médias. À leurs côtés, une cinquantaine de salariés les accompagnent dans leur démarche ambitieuse de créer « le meilleur chocolat du monde », comme l’affirment les deux frères. « Tous les jours, nous nous réunissons à 11h pour étudier les nouvelles tendances, tester de nouveaux produits prototypes et nous renseigner sur les prochains événements culinaires. » Si l’on questionne Rick au sujet de ses inspirations, il répond sans hésiter que leur créativité est le fruit de rencontres faites au cours des dernières années. « On a croisé le chemin de héros de la gastronomie comme par exemple Alain Ducasse qui partage régulièrement son savoir-faire et sa rigueur dans nos ateliers pour notre plus grand plaisir ! ». C’est la passion du chocolat, l’excellence et la cuisine en général qui ont permis de réunir ces deux frères aux horizons professionnels si différents. Désormais, l’ambition d’élaborer un chocolat prestigieux et la volonté de faire découvrir des produits de qualité font partie de leur quotidien.

To mark the occasion, three new bars were launched with a brand new ingredient: milk. Cow’s milk, goat’s milk and sheep’s milk blended with roasted cocoa from South America or Africa, along with a pinch of cane sugar. “I don’t want a list of ingredients as long as a shopping list on the packaging of my chocolates”, Rick insists.

déc o u vert e

Pour l’occasion, trois nouvelles tablettes ont été commercialisées en incluant un nouvel ingrédient : le lait. Du lait de vache, de chèvre ou de brebis associé au cacao torréfié d’Amérique du Sud ou d’Afrique, le tout simplement accompagné d’une pincée de sucre de canne. « Je n'ai pas envie qu'il y ait une liste d'ingrédients aussi longue qu'une liste de courses sur l'emballage de mes chocolats », insiste Rick.

And it is a great success, with maximum flavour and authenticity. A pinch of sea-salt, crunchy almond and soft, smoked vanilla are the rare ingredients to be subtly added to Mast Brothers chocolate bars. A few months from now, they are aiming to also add flavours extracted from freshly cut thyme, rosemary and juniper branches to their cocoa. Before coming together to embark on this project, it seems the Mast brothers have worn many hats. Rick studied classical music in their native region before selling records at Fingerprints on Long Beach in California, and then enrolled at cookery school in New York. His younger brother Michael is an economics graduate and looked after financing for independent films. One passionate discussion during a social dinner with food professionals was all it took to come up with the concept. Rick and Michael now work together on every detail, from accounting and managing salaries, to developing new recipes and press relations. At their sides, fifty employees work with them as part of their ambitious plan to create the “best chocolate in the world”, as the two brothers affirm. “Every evening, we meet up at 11 pm to look over new trends, test new product prototypes and catch up on upcoming culinary events.” If you ask Rick about his inspiration, he instantly replies that their creativity comes from the encounters they have had over the past few years. “We have crossed paths with gastronomic heroes. Like Alain Ducasse for example, who regularly, and to our great pleasure, comes to our workshops and shares his rigour and expertise.” It is their passion for chocolate, excellence, and food in general that has enabled these two brothers to come together from such different professional horizons. From that moment on, the ambition to create prestigious chocolate and the desire to introduce high quality products to the market has become part of their daily lives. 72|73


L'arrivée des beaux jours r e c e t t e / r e c i p e : a u g us t l i l l photos: izberg

Le printemps s’installe doucement et nous offre ses premiers légumes. Des petites carottes, des navets, des asperges et des petits pois croquants et sucrés à souhait. Pour sublimer ces nouveaux légumes, notre chef invité August Lill nous a concocté un menu végétarien en imaginant des associations originales et colorées. Ces recettes vous permettront de partager un premier repas à l'extérieur, entre amis, tout en profitant des premiers rayons de soleil du printemps. Spring is softly settling in and offering up her first vegetables. Sweet and crunchy little carrots, turnips, asparagus, and peas. To get the best from these new vegetables, our guest chef August Lill has concocted a vegetarian menu for us, dreaming up original and colourful combinations. These recipes will give you the chance to enjoy your first meal outdoors with friends, under the first rays of the spring sun.


02|03 hu me ur

e at



76 | 7 7 rec e t t e

e at


Burrata, champignons, asperges, rhubarbe et petits pois Ingrédients pour 4 personnes

1 belle burrata 200g de petits pois 2 asperges blanches 4 champignons crus 1 rhubarbe 1 demi citron Une poignée de lierre terrestre ou Courroie de Saint-Jean (trouvée au parc de Belleville) Une cuillère à café de sel Une cuillère à café de sucre De la fleur de sel

Préparation

Découper grossièrement des morceaux de burrata et les partager sur quatre assiettes. Si les petits pois sont nouveaux, les servir crus, autrement, les blanchir 2 à 3 minutes et les plonger dans de l’eau glacée. Assaisonner de jus de citron et d’huile d’olive. Découper finement l’asperge blanche, les champignons et la rhubarbe à l’aide d’un couteau ou d’une mandoline. Assaisonner la rhubarbe avec un peu de sel et un peu de sucre. Disposer les asperges, la rhubarbe, les champignons et les petits pois dans l’assiette. Décorer de quelques fleurs et feuilles de lierre terrestre. Assaisonner avec un peu d’huile d’olive et une pincée de fleur de sel.

Burrata, mushrooms, asparagus, rhubarb and peas Ingredients for 4 people

1 good-looking burrata 200 g peas 2 white asparagus 4 raw mushrooms 1 rhubarb 1 half lemon 1 handful of ground ivy 1 tsp salt 1 tsp sugar Fleur de sel Olive oil

Preparation

Roughly cut the burrata and share out the slices between four plates. If the peas are fresh, serve them raw, otherwise blanch them for 2 or 3 minutes and then cool them in iced water. Strain and season with lemon juice and olive oil. Cut the white asparagus, mushrooms and rhubarb into thin slices with a knife or mandolin. Season the rhubarb with a little salt and a little sugar. Place the asparagus, rhubarb, mushrooms and peas on each plate. Decorate with some ground ivy leaves and flowers. Season with a little olive oil and a pinch of fleur de sel.


78|79 rec e t t e

e at



Ingrédients pour 4 personnes

500g de pommes de terre nouvelles 6 poireaux crayons 1 poignée de cresson 1 poignée d’ail des ours Quelques filaments de safran 1 pincée de graines de coriandre 2 feuilles de laurier 3 brins de thym Du sel fin De l’huile d’olive Quelques brins de Barbe des moines (chez Terroir d’Avenir)

rec e t t e

e at

Œuf mollet et légumes nouveaux

Préparation

Cuire les œufs mollets pendant 5 minutes dans un grand volume d’eau. Faire cuire les pommes de terre dans un grand volume d’eau avec un généreux filet d’huile d’olive, le safran, la coriandre, le thym et le laurier pendant une quinzaine de minutes. Laisser les pommes de terre dans la casserole jusqu’au dernier moment. Faire blanchir les poireaux rapidement puis les arroser d’un peu d’huile d’olive. Noircir les poireaux à l’aide d’un chalumeau. Blanchir le cresson et l’ail des ours, les faire revenir à la poêle dans un peu de beurre puis passer au blender. Assaisonner. Dans chaque assiette, déposer trois cuillères à café de ce mélange. Découper délicatement les oeufs en deux et les disposer avec les pommes de terre nouvelles égouttées et légèrement écrasées avec les doigts. Ajouter les poireaux puis quelques brins de Barbe des moines.

Soft-boiled egg and spring vegetables Ingredients for 4 people

4 free-range eggs 500 g new potatoes 6 baby leeks 1 handful of watercress 1 handful of wild garlic A few strands of saffron 1 pinch of coriander seeds 2 bay leaves 3 sprigs of thyme Table salt Olive oil A few sprigs of agretti

Preparation

Cook the soft-boiled eggs in water for 5 minutes. Cook the potatoes in plenty of water with a generous dash of olive oil along with the saffron, coriander, thyme and bay leaves for about fifteen minutes. Leave the potatoes in the saucepan until the last minute. Quickly blanch the leeks and then sprinkle them with olive oil. Darken with a blowtorch. Blanch the watercress and wild garlic in a pan. Gently brown them with a little butter and then mix in a blender. Season. In each plate, place three teaspoons of this mixture. Gently cut the eggs in two and place them on top with the potatoes, strained and slightly crushed. Add the leeks and a few strands of agretti.

80|81


Crème de navets vanillée à la sauge et carottes nouvelles Ingrédients

9 petites carottes nouvelles avec leurs fanes 4 navets nouveaux 500 mL de crème liquide 3 feuilles de sauge 1 gousse de vanille 3 cuillères à soupe de sucre et une de plus pour les carottes Un peu de granola Un peu de beurre 1 citron 1 pincée de graines de coriandre Deux poignées de granola

Préparation

Faire réduire la crème liquide de presque la moitié dans une casserole à feu doux. Ajouter trois cuillères à soupe de sucre avec le bâton de vanille fendu en deux et la sauge. Éplucher les navets et les découper en tranches fines à l’aide d’une mandoline. Plonger les tranches dans la crème et laisser cuire jusqu’à ce que le mélange forme une crème un peu épaisse. Laisser refroidir. Dans une poêle faire caraméliser une cuillère à soupe de sucre et ajouter le beurre, les graines de coriandre, le jus d’un demi citron et deux morceaux de zeste. Couper le bout des fanes des carottes et réserver. Ajouter les carottes dans la poêle et les laisser cuire dans ce jus pour qu’elles en prennent le parfum. Dans un petit pot, frotter les fanes de carottes avec le sucre du bout des doigts. Déposer une généreuse cuillère de crème aux navets, les carottes avec un peu de leur jus de cuisson. Ajouter le granola et les fanes sucrées.

Vanilla and sage creamed turnip and baby carrots Ingredients

9 small baby carrots with tops 4 spring turnips 500 ml single cream 3 sage leaves 1 vanilla pod 3 tbsp sugar, and one more for the carrots A little butter 1 lemon 1 pinch of coriander seeds Two handfuls of granola

Preparation

Reduce the single cream by half in a saucepan over a low heat. Add three tablespoons of sugar, the vanilla pod split in two and the sage. Peel the turnips and cut them into thin slices with a mandolin. Throw the slices into the cream and leave to cook until the mixture forms a slightly thick cream. Leave to cool. In a pan, caramelise a tablespoon of sugar and add the butter, coriander seeds, juice from half a lemon and two pieces of zest. Cut the tops from the carrots and keep them aside. Add the carrots to the pan and let them cook in the juice to absorb the flavour. In a small pot, use your fingers to rub the carrot tops with sugar. Serve a generous spoonful of creamed turnip and the carrots with a little cooking juice. Add the granola and sugared carrot tops.


82|83 rec e t t e

e at



e at ren c on t re

Le strass et les paillettes t e x t e s / w o r ds : d . p

p h o t o s : M . A TON D U

Nous arrivons à l’hôtel particulier de la rue de Courcelles : « Mes consignes ont changé, vous ne pourrez prendre en photo ni les façades, ni les jardins, ni l’entrée… Vous pouvez prendre le magnolia si vous voulez, mais sans nos murs derrière. On ne doit pas reconnaître la maison. Mon boss n’est pas d’accord. », explique Pierrick Thomas. Le mystère plane en ces murs, d’ailleurs, à la fin de cette lecture vous ne connaîtrez pas l’identité de ce mystérieux patron Dubaïote qui collectionne les demeures à travers le monde. Vous en saurez néanmoins d’avantage sur le métier de chef particulier. There we were, outside a private mansion on the rue de Courcelles: “My instructions have changed. You can’t photograph the facade, or the gardens, or the entrance. You can take a picture of the magnolia if you like, but not the walls behind it. My boss doesn’t want the house to be recognisable”, Pierrick Thomas explained. So these walls remain shrouded in mystery. At the end of this article you will not know the identity of the mysterious boss from Dubai with a collection of homes around the world. But you will know more about the job of private chef. 84|85


Dans cette grande demeure vide, l’écho porte la voix jusqu’au troisième étage. Une carrure imposante, des épaules larges et une voix de Stentor, on imagine bien le chef un peu gueulard menant sa brigade à la baguette. Pourtant, depuis presque trente ans, Pierrick est le chef d’un seul homme. Son patron, c’est Omar, la cinquantaine d’années et père de trois enfants. Issu d’une famille de pêcheurs de perles, son père a fait fortune en travaillant dans la construction de bâtiments. Pierrick refuse de nous donner son nom, difficile alors de nous risquer à demander son salaire de chef particulier, détail pourtant croustillant. Il n’est pas aisé de mettre le mot juste pour définir son métier : « Quand j’ai commencé, on appelait ça un chef de maison bourgeoise. ». Pourtant, ce dernier ne se contente pas de cuisiner pour le chef, il dit qu’il est son chef régisseur, son personnal assistant, un majodorme moderne en somme.

Inside this big empty house, our voices echoed up to the third floor. With an imposing stature, wide shoulders and stentorian voice, he absolutely looks like a loud-mouthed chef who rules his team with an iron fist. But for going on thirty years, Pierrick has been chef to just one man. His boss, Omar, is a fifty year old father to three children. From a family of pearl fishers, his own father made a fortune working in construction. Pierrick refused to give us his name, which made it hard to risk enquiring into the juicy details of his private chef salary. Finding the right word to describe the job is not easy: “When I started out, it was known as upper class private chef.” But he does not content himself with just cooking for the boss. He says he is a managing chef, a personal assistant. All in all, a modern butler.

À première vue, le parcours de Pierrick est des plus conventionnels. Originaire de la petite ville de Ploumagoar en Bretagne, il apprend la cuisine à l’école hôtelière dès l’âge de 15 ans. La route semblait toute tracée. Depuis petit, son coeur oscillait entre l’horticulture et la cuisine : « Je me suis beaucoup inspiré de ma mère qui est une cuisinière hors-pair. On recevait souvent à la maison, elle servait une cuisine bourgeoise et raffinée. Ainsi quand j’étais enfant, j’invitais mes copains et on investissait la cuisine pour préparer des gâteaux et parfois on s’essayait à d’autres créations au résultat catastrophique. ça s’apparentait plus à de la chimie ! ». Pierrick décroche son premier job de commis au restaurant gastronomique Le Bellevue à Roscoff. Il y découvre réellement le monde de la cuisine, les commis étant laissés à l’abandon par un chef absent. Ces responsabilités lui prouvent que c’est le métier qu’il exercera tout au long de sa vie.

On first sight, Pierrick’s career path is highly conventional. Coming from a small town called Ploumagoar in Brittany, he learned to cook at catering school at the age of fifteen. His path seemed to lie straight ahead. Since he was small, his heart had wavered between horticulture and cooking: “My mother, unparalleled in the kitchen, inspired me a great deal. We often had guests at home, and she would prepare conventional, refined food. As a child, I would bring my friends home and we would invade the kitchen to make cakes. Sometimes we tried out other creations, and the results were catastrophic. It was more like chemistry!” Pierrick got his first job as a commis chef at a gastronomic restaurant called Le Bellevue in Roscoff. There, he really discovered the world of food. The commis chefs were left to their own devices by an absent chef, and these responsibilities made him realise it was the job he would do all his life.

La suite se corse car il est temps pour lui de faire son service militaire dans l’Est de la France. Tout juste arrivé à l’armée, il se retrouve en cuisine à « l’ordinaire », la cantine, où les militaires de rang prennent leurs repas. Il est outré face aux conditions de travail et d’hygiène. Mal renseigné sur la discipline et la hiérarchie militaire (ou peut-être un peu grande gueule), il traite son supérieur de con et se retrouve en compagnie disciplinaire pendant huit mois. « Là c’était dur… Je ne faisais pas le malin. Je me retrouvais avec des jeunes qui avaient de réels problèmes et je savais que ma place n’était pas ici. Comme souvent dans ma vie, j’ai eu la chance de tomber sur la bonne personne. », se souvient Pierrick. En effet,

What came next was more complicated. It was time for him to do his military service in the east of France. Freshly arrived in the army, he found himself in a basic canteen kitchen where the soldiers ate their meals. He was outraged by the working conditions and standards of hygiene. Misinformed about military discipline and hierarchy (or perhaps a bit loud-mouthed), he called his superior an idiot and ended up in the disciplinary company for eight months. “It was hard. I kept my head down. I found myself with young people with real problems and knew I wasn’t in the right place. As has often happened in my life, I was lucky enough to meet the right


86|87 ren c on t re

e at


À cette époque on servait le caviar aux convives comme on sert de la soupe.

il tombe sur un adjuvant plutôt sympa, friand de bonne chère qui repère ses talents de cuisinier. Sa femme n’étant pas un cordon-bleu, il lui propose de venir cuisiner chez lui chaque week-end en échange de permissions. Dès la fin de son service, il est embauché au Concorde Lafayette, auprès du chef Joël Robuchon. À l’époque, il s’agit là de la plus grande brigade d’Europe avec une équipe de plus de 100 personnes. En 1993, il présente le concours de Meilleur Ouvrier de France d’où il ressort terriblement déçu. Sans plus entrer dans les détails, il mentionne des magouilles, le dégoût de 3 ans d’appréhension et 8 mois de préparation gâchés. Contre toute attente, Pierrick rebondit et se retrouve au Palm Beach de Cannes. Il découvre là une organisation de cuisine millimétrée, des soirées théâtrales et des invités prestigieux. « C’est là que j’ai goûté au caviar albinos pour la première fois de ma vie, à cette époque on servait le caviar aux convives comme on sert de la soupe. On n’avait aucune restriction de budget. Dans les années 80, la grande tendance en cuisine consistait à reproduire des recettes, on connaissait nos classiques Escoffier (ndlr : Auguste Escoffier, le patron des cuisiniers) par cœur. », se souvient Pierrick. Des sculptures de légumes, un aigle taillé dans la glace, un requin sculpté dans de la graisse végétale… Qu’il est loin ce tempslà : « On avait beaucoup d’animation en salle avec des flambages, des découpes, des rôtisseurs… C’était une sacrée récompense pour des jeunots comme nous de nous approcher du gotha. ». On serait tenté d’utiliser le conditionnel du début à la fin de ce récit tant les anecdotes nous semblent tarabiscotées. Au Palais des Festivals, Pierrick croise

person”, Pierrick remembered. In fact, he chanced on a friendly auxiliary, a good food lover who spotted the chef’s talents. His wife being no expert in the kitchen, he asked the young soldier to come and cook for them at home each weekend in exchange for leave. As soon as his service was over, he was hired alongside chef Joël Robuchon at the Concorde Lafayette. At the time it was the biggest team in Europe, with more than 100 people. In 1993, he entered an important cooking competition and came out terribly disappointed. Without going into further details, he mentioned skulduggery, the disgust of three years apprehension and eight months wasted preparation. Against all expectations, Pierrick bounced back and moved on to Palm Beach casino in Cannes. There, he found an incredibly well-organised kitchen, theatrical evenings and prestigious guests. “I tasted albinos caviar for the first time in my life. Back then, guests were given caviar like soup. There were no budget constraints. In the eighties, the big trend in food had been about reproducing recipes. We knew our Escoffier classics by heart” (note: August Escoffier, patron saint of chefs). Vegetable sculptures, an eagle made of ice, a shark sculpted out of vegetable fat. Those days are long gone: “There was a lot of activity in the dining room, with flambés, cutting, grilling… It was a great a reward for young’uns like us to get close to the elite”. The anecdotes seem so extraordinary that it could be tempting to employ the conditional tense from beginning to end. At the Palais des Festivals, home


e at ren c on t re

Back then, guests were given caviar like soup.

le chemin de nombreuses célébrités. Parmi elles, la reine d’Angleterre ainsi que le Prince-de-Galles accompagné de Lady Di et pléthore d’acteurs qui, chaque année, prennent d’assaut la Côte d’Azur. Pierrick débute en tant que chef du garde-manger puis deviendra sous-chef au restaurant gastronomique. Un travail impressionnant où les employés ne comptent pas leurs heures, travaillant jusqu’à 15 heures par jour avec plus de 2000 couverts : « Je me suis toujours défoncé au travail, le boulot c’est comme l’école : si tu veux rester derrière, tu restes derrière mais personne ne viendra te chercher. Mon père était artisan et a toujours essayé à nous inculquer la valeur du travail bien fait. Il a eu trois fils et nous sommes tous des bosseurs. J’ai un frère qui travaille dans le milieu médical et l’autre est agrégé de lettres, c’est la tronche de la famille ! Notre ténacité vient de notre éducation, de nos racines bretonnes et sans doute un peu de notre grand-père marin ! ». C’est là que la vie de Pierrick s’apprête à prendre un virage inattendu, quand le bras droit du roi Hussein de Jordanie lui demande de reprendre les cuisines de sa villa cannoise. « Ma femme ne le sentait pas trop ce boulot, tandis que je m’y voyais déjà, je savais que ce travail allait considérablement changer ma qualité de vie, j’aurais plus de temps à consacrer à ma famille et à mon fils qui venait de naître. », se souvient Pierrick. Le roi Hussein meurt quelques temps plus tard, le chef se retrouvera au service du prince Saoudien Tarek Juffali dans la même ville de Cannes. Il se souvient d’un homme droit, d’une extrême gentillesse et d’une grande générosité : « C’était un homme excessif, je me souviens de l’organisation de ses fiançailles, c’était grandiose ! Il y avait des roses et des bougies par centaines, je n’avais jamais vu ça. À la fin de la soirée, chaque employé s’est vu

to Cannes Film Festival, Pierrick rubbed shoulders with numerous celebrities. Among them, the Queen of England, the Prince of Wales and Lady Di, as well as a plethora of actors who took the Côte d’Azur by storm every year. Pierrick started out as a pantry chef and then became sous-chef at the casino’s gastronomic restaurant. It was hard work, with employees not clocking their hours and working up to 15 hours a day to serve more than 2000 covers: “I always got stuck in at work. Work is like school. If you want to lag behind, you lag behind, but no one will look after you. My father was an artisan and he always tried to teach us the value of doing a good job. He had three sons and we are all workers. I have one brother who works in the medical industry and the other is an academic. He’s the brains of the family! Our tenacity comes from the way we were brought up. From our Breton roots, and doubtless a little from our sailor grandfather!” But Pierrick’s life was set for an unexpected turn. The righthand man of king Hussein of Jordan asked him to run the kitchens of his villa in Cannes. “My wife wasn’t very enthusiastic about that job, but I could already see myself doing it. I knew that it would considerably change my quality of life. I would have more time to spend with my family and my son, who had just been born”, Pierrick remembered. King Hussein passed away not long after, and the chef found himself in the service of the Saudi prince, Tarek Juffali, again in Cannes. He remembers an upright man, extremely kind and very generous: “He was an extravagant person. I can remember the arrangements for his engagement. It was spectacular! He had roses 88|89



e at ren c on t re

remettre une enveloppe contenant une coquette somme, tant il était satisfait de cette soirée inoubliable ». À côtoyer les plus grandes fortunes de ce monde, on ne perdrait pas un peu la boule ? « Tarek avait d’inombrables voitures, il aimait particulièrement les Ferrari. Il avait trois yachts, un service de sécurité à faire pâlir un Chef d’État et une troupe de gens à son service. J’ai toujours su que je n’étais pas de ce monde et si tu ne prends pas tes distances, tu disjonctes ! Gagner de l’argent oui, bien sûr, c’était important pour moi et je l’ai fait pour ma famille. Ça va paraître très galvaudé mais l’argent ne fait pas le bonheur. J’ai eu des patrons malheureux, très seuls. Ils sont uniquement approchés par des gens intéressés, des arrivistes qui cherchent à faire du business avant tout. », confie Pierrick. Le prince Tarek Juffali meurt d’une crise cardiaque quelques années plus tard, Pierrick est rapidement appelé à travailler pour l’ami du prince, son actuel patron Omar. Et que mange Omar ? « J’ai plutôt intérêt à être à la hauteur : sa cantine c’est le Bristol. Il mange beaucoup de poisson, des viandes blanches, des légumes bio… Il a un potager dans presque chacune de ses propriétés. », des propriétés à Londres, Genève, Le Caire et Singapour. Entre autres. Omar fait attention a sa ligne et préfère une cuisine saine et légère, une aubaine pour le chef qui prend plaisir à lui cuisiner les produits de sa Bretagne natale. Pierrick déambule dans les couloirs de l’hôtel particulier en nous faisant visiter les chambres et les cuisines. L’endroit est labyrinthique et nous perdons vite le compte des différentes pièces de la maison. Il nous parle de sa passion pour la peinture qu’il pratique à ses heures perdues. Des heures perdues, un concept que peu de chefs ont le luxe de connaître ! Par moments, la vie du chef semble si prestigieuse, si fastueuse, que c’est à se demander si une partie n’est pas extraite d’un conte de Grimm. À la fin de cette rencontre, des questions subsistent face à ce monde fantasmé qui nous semble si loin. Nous n’en saurons pas plus. En tout cas, à 58 ans, Pierrick n’est pas prêt de raccrocher son tablier.

and candles by the hundred. I had never seen anything like it. At the end of the night, he was so satisfied with his unforgettable evening that every employee received an envelope with a tidy sum”. Constantly being around the biggest fortunes in the world, doesn’t it make you lose your marbles? “Tarek had countless cars. He especially liked Ferraris. He had three yachts, a security service to make a head of state turn pale, and an army of staff. I always knew that I was not from that world, and that if you don’t keep your distance, you lose it! Making money, of course, was important to me. I did it for my family. It will sound like a cliché, but money doesn’t bring happiness. I had unhappy bosses; very lonely. They are only approached by interested people, social climbers who are above all looking to do business”, Pierrick confided. Prince Tarek Juffali died of a heart attack a few years later, and Pierrick was quickly asked to work for a friend of the prince; his current boss, Omar. And what does Omar eat? “It’s in my interests to be on top of my game. His canteen is the Bristol hotel. He eats a lot of fish, white meat and organic vegetables. He has a vegetable garden in almost all of his properties.” Properties in London, Geneva, Cairo and Singapore, among others, that is. Omar looks after his figure and prefers light and healthy food. This is a godsend for the chef, who enjoys preparing his boss products from his own native Brittany. Pierrick walked around the corridors of the private mansion, showing us the bedrooms and kitchens. The place is maze-like and we quickly lost count of the all the rooms. He talked about his passion for painting, which he indulges in his free time. Free time: a concept few chefs have the luxury of contemplating. Sometimes, this chef’s life seems so prestigious, so sumptuous, that you might think it came out of a fairytale. At the end of our meeting, questions remain about this far-off fantasy world. We will know no more. In any case, at 58 years old, Pierrick is not ready to hang up his apron.

90|91



explore

02|03 RIC H

TABL E

e x p lore


t

a

x

w o r ds : h u g o c a b r i t p h o t o : J e ff r o q u e s

i


e x p lore

There are several ways to see Istanbul. You can walk, endlessly. Losing yourself, finding yourself, and always stumbling joyfully on new curiosities that you just missed the day before. You can also do it old school, rushing off to hop on the historical tramway that will take you along the city’s main street and up to the famous Taksim Square. Otherwise, and more simply, you can opt for public transport: modern, quick and effective.

Nous ce qu’on a préféré, ça a été les taxis. Pas très original, il faut admettre. Mais pour ce qui est de vraiment découvrir la ville, de la découvrir sincèrement, on n’a pas trouvé mieux. Prendre un taxi à Istanbul est une expérience en soit.

But we liked the taxis best. Not terribly original, it has to be said. But to truly get to know the city, and get to know it authentically, we found nothing better. Taking a taxi in Istanbul is an experience in itself.

Il y a les aventuriers, ceux qui, perdus dans les dédales de la ville, demandent leur chemin à chaque passant pour vous amener à destination, quitte à finir la route à pied avec vous. Les roublards, également, qui font malicieusement défiler les chiffres du compteur sans que notre regard, obnubilé par le spectacle hypnotique des étoiles se reflétant dans le Bosphore, n’y prête attention.

There are the adventurers. The ones who, lost in the labyrinth of the city, ask every passer-by the way to get you to your destination, ready to finish off the journey with you on foot. Then there are the dodgers, too, who roguishly run up the numbers on the meter while our gaze, taken in by the hypnotic spectacle of the stars reflected in the Bosphorus, is not paying attention.

Il y a les généreux, qui profitent de la course pour vous donner un cours sur l’histoire du pays et son architecture. L’amour qu’ils ont pour leur ville et l’entrain avec lequel ils en parlent pousse à franchir les barrières d’une langue sibylline pour nos oreilles européennes afin d’en décrypter la moindre syllabe familière.

There are the generous, who profit from the journey to give you a lesson on the history of the country and its architecture. The love they have for their city, and the energy with which they talk about it, encourages us to clamber up and over the language barrier, obscure to our european ears, to decipher the slightest familiar syllable.

Et il y a enfin les nostalgiques, qui au détour d’une statue d’Atatürk, vous narrent les complexités du monde dans lequel les stambouliotes évoluent.

And finally, there are the nostalgics, who, when driving by a statue of Atatürk, will tell you all about the complexities of the world in which the Istanbulites are evolving.

Pourtant, il n’y a pas pire moyen pour se déplacer dans cette ville que de prendre un véhicule. Les rues sont bouchées de l’aube jusqu’au crépuscule. Mais être coincé dans les embouteillages n’a jamais été aussi plaisant qu’à Istanbul.

And yet there is no worse way to get about in this city than by automobile. The roads are jammed from dawn until dusk. But being stuck in traffic has never been as nice as here in Istanbul.

Grâce aux taxis, il nous est permis, peut-être superficiellement, de se faire une idée de ce qui fait le caractère si singulier de cette ville, à l’image de ses habitants. Généreuse, trépidante, riche d’un héritage fort qui les poussent à aller de l’avant.

Thanks to the taxis, we were able to build up a picture (perhaps superficially) of what makes this city so unique, as reflected in its residents. Generous, hectic, and with a rich, strong heritage that pushes them to forge ahead. 94 | 95

hu me ur

Il y a plusieurs façons de visiter Istanbul. On peut marcher, indéfiniment, se perdre, se retrouver et toujours s’étonner devant une nouvelle merveille qu’on avait loupé de peu la veille. On peut aussi la jouer vieille école et prendre à la hâte l’historique tramway pour remonter l’artère principale de la ville jusqu’à la fameuse place Taksim. Ou plus sobrement, on peut opter pour les transports en commun, modernes, rapides et efficaces.


Resting in Istanbul se t design/p hotos: paris se quema

st ylisme /st ylism: caroline nedelec

De gauche à droi t e e t de hau t en ba s : Jupe BAUM UND PFERD GARTEN chez l'Habibl iot hèque / Top AKAMA / Top W BY WENJUN chez l'Habibl iot hèque / Sou t ien-gorge NOO / Culot t e NOO / Lune t t es de sol eil ANNE ET VALENTIN / by Ron D orff / ca sque audio by Bang & Olufsen / l ivre Pol aroids from S an Fr ancisc o / t ee-shirt Chaussures ANNE THOMA S / to Los Angel es by Marion Dubier-Cl ark / mon t re by Nixon / ba ske ts by Kenzo / Cahier A STIER DE VILLATTE / port efeuil l e by Veja / carne t by Papier T igre at Cen t re C ommercial / Appareil photo c ompac t S AMSUNG / Cahier HAY / C ol l ier MICHAL TAHARLEV chez l'Habibl iot hèque / Manche t t e d orée ANNE THOMA S / Manche t t e noire HYES / Pan talon AKAMA / Bare t t e SYLVAIN LE HEN chez C ol e t t e / C ol l ier LILY KAMPER chez C ol e t t e / Top LE MONT S AINT MICHEL

po che t t e I-Pad Mini by Shinol a at C ol e t t e


e x p lore sS h Ho OPPING p p in g t ee-shirt by Forever 21 / ba ske ts by Pierre Hardy / pan talon by J Br and / ba ske ts by Veja / blouson Bl eu by de Paname at Cen t re C ommercial / brique t vin tage / port efeuil l e by Veja x L a Panopl ie at Cen t re C ommercial / guide de voyage by Wal l paper / appareil photo vin tage / pul l by Ami

02|03



e x p lore RIC s hHo pT p A iB nL g E De gauche à droi t e e t de hau t en ba s : T ee-shirt TIGER OF SWEDEN / Cein t ure PHENOMENON chez C ol e t t e /Lune t t es de sol eil AHLEM chez C ol e t t e / L ivre Lost In Tr ansl ation par El l a Fr ances S anders chez C ol e t t e / Ba ske ts Art hur Ashe LE COQ SPORTIF / Pul l COMMUNE DE PARIS / Chemise ET UDES ST UDIO / Short COMMUNE DE PARIS / Chape au ET UDES ST UDIO / Swe at ET UDES ST UDIO /Ca sque audio URBANEARS/ Ci t y Guide Istanbul LOUIS VUITTON / Po che t t e COMME DES GARçONS chez C ol e t t e /

02|03

Lune t t es de sol eil ANNE ET VALENTIN.


Vani t y Ca se femme (de hau t en ba s e t de gauche à droi t e) : Spr ay c oiffan t "effe t pl age" Se a Mist JOHN MA STERS ORGANICS chez Oh My Cre am / Shampoing répar at eur RAHUA chez Oh My Cre am / Essence dé toxifian t e Subl image CHANEL / Lune t t es de sol eil ANNE ET VALENTIN / Sérum Renouvel er L e Weekend CHANEL / Pince au K abuki ré t r ac tabl e CHANEL Vani t y Ca se femme (de gauche à droi t e e t de hau t en ba s) : Peigne BAXTER OF CALIFORNIA chez C ol e t t e / Po che t t e COMME DES GARçONS chez C ol e t t e Huil e pour barbe BEARBRAND chez C ol e t t e / Argil e c oiffan t e "Cl ay Pomade" BAXTER OF CALIFORNIA chez C ol e t t e / E au de parfum Bal D'Afrique BYRED O PARFUMS / Soin ne t toyan t vis age JOHN MA STERS ORGANICS chez Oh My Cre am


02|03 S H OPPING hu me ur

e at



e x p lore

Louis Vuitton City Guide Istanbul

déc o u vert e

i l l us t r a t i o n s : n o é m i e c é d i l l e

Voir 5

1

Is t a n b u l M o d e r n

3

Liman Isletmeleri Sahası Antrepo Kar aköy

Le musée d’art contemporain le plus important de la ville, qui permet de finir la journée en admirant les œuvres d’artistes turcs influents, face à la magie de la Corne d’Or illuminée par le soleil couchant. Istanbul’s foremost contemporary art museum; end the day contemplating the work of Turkey’s most influential artists, facing the magical Golden Horn in the sunset.

2

Pav il lon de s T il l e ul s Ihl amurdere Caddesi 1, Besiktas

Ce charmant palais impérial comprend deux pavillons ornés d’une extravagante façade de pierre sculptée. Le plus sophistiqué était réservé à l’usage du sultan. La décoration intérieure est typique des goûts turcs du XIXe siècle. This lovely imperial pleasure palace features two pavilions with an extravagant sculpted stone decor. The most sophisticated of the two was reserved for the sultan’s own use. Interior decoration is typical of the 19th century Turkish taste.

Mos quée de S ol iman

Mus é e d e l ’ I n n o c e n c e Çukurcuma Caddesi, Dalgıç Çıkmazı 2,Çukurcuma

L’écrivain turc Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature, a eu l’idée de créer son propre « musée de l’Innocence ». Inspiré de son livre éponyme, le musée décrit la vie de la haute société stambouliote dans les années 1970.

l e Magnifique Prof. Sıddık Sami Onar Caddesi 1, Süleymaniye, Eminönü

Surmontée de quatre minarets, la plus belle des mosquées impériales est ornée de céramiques d’Iznik polychromes, de magnifiques vitraux et de superbes calligraphies. Dans les jardins, le mausolée où reposent Soliman et Roxelane.

The Turkish writer Orhan Pamuk, Nobel Prize in Literature, came up with the idea of creating his very own “Museum of Innocence”. Inspired by his book of that name, the museum depicts the life, in the 1970s, of upper-class Istanbulites.

Under its four minarets, the interior’s imperial mosque is lined with colourful Iznik tiles, magnificent stained glass and impressive calligraphic inscriptions. In the gardens, Süleyman the Magnificent and his wife Roxelana lie in the mausoleum. 6

4

Mus é e d e l a M o s a ï q u e Ar asta Baza ar, Sultanahmet

Ce musée dissimulé derrière le bazar d’Arasta a été fondé pour exposer les mosaïques trouvées dans un ancien palais byzantin. Aujourd’hui, il réunit des mosaïques byzantines et romaines, magnifiquement préservées. This museum hidden behind the Arasta Bazaar was opened to exhibit mosaics found in an ancient Byzantine palace. Today it showcases stunningly well-preserved Roman and Byzantine mosaics.

s a lt g a l at a Bankal ar Caddesi 11, Kar aköy

La plate-forme consacrée à l’art contemporain, s’est installé à Beyoglu et à Galata. SALT explore l’art sous toutes ses facettes et accueille également des débats sur l’urbanisme, l’architecture et le design. SALT is a platform for contemporary art housed in Beyoglu and Galata. SALT explores art in all its forms and hosts debates on urbanism, architecture and design.

102|103


Hôtels the Bosporus. Its rooms, refurbished in April 2014, together with the Pürovel spa, are excellent reasons for choosing to stay there.

1

The hotel occupies two historical buildings dating from 1863. The interiors are the work of Sinan Kafadar, who has successfully retained the soul of the place, restoring the historical building and designing a range of contemporary furnishings that creates a link between heritage and modernity. A new top-notch and peaceful destination.

MAMA S HELTER Hüse yin Aga Mahallesi, istikl al Caddesi 50-54, Taksim

Chambres spacieuses et extra-claires, design déluré, salles de bains laquées de blanc. Une terrasse de 900 mètres carrés offre une vue panoramique. La jeunesse stambouliote s’y retrouve autour de plats franco-turcs et s’y déhanche aux beaux jours. Its rooms are all spacious and extra-light, with a balcony or terrace and whitepainted bathrooms. The city’s youth come here for the Franco-Turkish food and jugs of house sangria or to dance in summer.

2

S w i ss ô t e l T h e B o sp h o r us Bayıldım Caddesi, Maçka Talim Yeri Sokak 2, Besiktas

Cet énorme paquebot de 497 chambres fut l’un des premiers hôtels de luxe d’Istanbul. Il offre des vues spectaculaires sur le Bosphore. Les chambres rénovées en avril 2014, ainsi que le spa Pürovel sont de bonnes raisons de choisir d’y séjourner. This 497-room giant up on Maçka hill was one of the first luxury hotels in Istanbul. It offers spectacular views of

3

T h e Is t a n b u l Ed i t i o n Büyükdere Caddesi 136/1, Leven

Ian Schrager impose un nouveau style qui (re)mixe les codes d’un luxe simple et raffiné : espaces ouverts, mosaïques métalliques, travertin argenté, marbre italien, et bronze mat. La nouvelle référence en matière de business hotel de luxe. Ian Schrager created a new style of luxury combining simplicity and sophistication, featuring open spaces, metallic mosaics, silver travertine stone, Italian marble and matt bronze. It’s set a new standard among luxury business hotels.

4

Va u lt K a r a k ö y, T h e H o us e H o t e l Bankal ar Caddesi No: 5, Kar aköy

L’hôtel occupe deux immeubles historiques datant de 1863. La décoration a été confiée à Sinan Kafadar, qui a su préserver l’âme des lieux, et dessiner une gamme contemporaine de mobilier pour faire le lien entre héritage et modernité. Havre de paix luxueux et raffiné.

5

S u m a h a n O n T h e Wat e r Kuleli Caddesi 43 Çengelköy

Le Sumahan est aménagé avec goût dans une distillerie du XIXe siècle. Ce petit palace les pieds dans l’eau abrite 20 luxueuses suites, dont la plupart jouissent d’une vue éblouissante. Décor, prestations et confort résolument contemporains. The Sumahan is a tastefully furnished hotel in a former 19th century distillery. This fine waterside establishment offers 20 luxurious suites, most with stunning views. An elegant hotel with a contemporary decor and high level of comfort and services.


Greek, Cretan and Turkish cuisine are featured, including patates salatası, green olives, feta cheese and walnuts along with fried squid, grilled octopus and fish – sea bass, red mullet, bonito – depending on the day’s catch and the season.

1

e x p lore

Young owner Şemsa Denizsel knows how to pamper her customers. To make sure that every dish reflects the richness and diversity of Turkish cuisine, she mixes organic ingredients, seasonal recipes, vegetarian salads and a revisited version of chicken schnitzel with oatmeal.

D e l i c at e ss e n Mim Kemal Öke Caddesi 19/1, NiSantasi

Jambons suspendus à des crochets, fromages importés de France et d’Italie, huiles d’olive primées et cookies encore chauds, tout se dévore des yeux. Dans l’assiette, burger maison, salade détox, buratta ou agneau grillé purée de céleri. Hams hanging from hooks, cheese freshly imported from France and Italy, awardwinning olive oil and biscuits still warm to the touch. Dishes vary from house burgers, via freshly imported buratta or grilled lamb and celery root purée to detox salads.

2

3

G a sp a r Müeyyeyzade Mahallesi, Necatibey Caddesi, Ar apoGl an Sokak 6, Kar aköy

L’intérieur mêle décor industriel et ambiance néobistrot. Le menu réinterprète des classiques turcs avec des influences issues des saveurs du monde : aubergines et miso, gnocchis d’ortie et bette, homard et gingembre… Inventif et délicieux. The part industrial, part neo-bistro interior matches the menu, which unfolds as a reinterpretation of Turkish classics with world accents: aubergine salad with miso, nettle gnocchi are served with Swiss chard; lobster tail and ginger… Creative and delicious.

Giri t l i Cankurtar an Mahallesi, Kereteci Hakkı Sokak 8, Sultanahmet

Les cuisines grecque, crétoise, turque y sont à l’honneur. Patates salatası, olives vertes, feta et noix, mais aussi des calamars frits, du poulpe grillé et des poissons – loup grillé, rouget ou bonite – à choisir en fonction de la pêche et de la saison.

4

K an t in

5

Mikl a Mesrutiyet Caddesi 15, Beyoglu

Mikla reste une adresse gastronomique incomparable. La lotte à l’aneth et son risotto de fenouil ou l’épaule d’agneau, riz pilaf et prune sèche au jus de grenade donnent envie de revenir. Si l’on préfère découvrir les lieux sans y dîner, on optera pour le bar à cocktails face à une vue à couper le souffle. Mikla remains a distinctive destination. The monkfish with lemon and fennel risotto and lamb shank with smoked aubergine and chard will have you coming back for more. If you’ve forgotten to book, head for the cocktail bar, where the view is breath-taking.

Akkavak Sokak 30, Nisantası

Semsa Denizsel, la jeune patronne, sait chouchouter sa clientèle. Chaque plat reflète la richesse de la cuisine turque, mêlant accents organiques, recettes saisonnières, salades végétariennes et une version revisitée du schnitzel de poulet aux flocons d’avoine.

104|105

déc o u vert e

Restaurants


Sortir 1

A l e x ’s B a r Istikl al Caddesi, Gönül Sokak 7/B, Asmalı Mescit

Un endroit minuscule où se retrouve une clientèle dans un esprit décontracté. Non sans un zeste d’excentricité bohème, Alex, le propriétaire, concocte instantanément un cocktail selon son humeur et celle du client.

This gay bar’s playlist mixes Turkish with international classics. Everyone sings their heart out: no generation gap here. As the club is considered straightfriendly, there will always be a group of straight ladies having a good old time on their own, without being bothered. between.

4

This tiny, informal place is known by word of mouth only. There are no signature cocktails here; state your favourite alcohol, and Alex, skilfully and with psychology, will create a surprising libation.

Love Dance Poin t Cumhuriyet Caddesi 349/1, Harbiye

Ce bar gay mêle tubes turcs et internationaux. Tout le monde chante à tue-tête, aucun fossé ne sépare les générations. Le club se veut ouvert aux hétéros, et l’on y croisera souvent des femmes venues en groupe pour s’amuser sans se faire draguer.

Cevdetpasa Caddesi 119, Bebek

Taps, première brasserie artisanale de Turquie, accueille également les amateurs de bières à son bar. La bière à la pression, brassée sans additifs, reste la plus savoureuse. À cela s’ajoute la situation sur le front de mer de Bebek, un atout supplémentaire.

3

2

T a ps

P e yot e ameriye Sokak 4

Peyote est le lieu le plus animé et le plus fréquenté de Nevizade. Trois étages pour trois atmosphères différentes : rock alternatif, folk, etc. On peut y faire son choix et sélectionner l’endroit où danser et où boire un verre. Peyote is the liveliest, most crowded place in Nevizade. Its three storeys offer different atmospheres, from alternative to folk. It is something of a one-stop shop, for dancing or chilling out, depending on your mood

Taps is not only Turkey’s first brewpub, but it is also a favourite microbrewery that has become a bar. Taps also offers speciality brewed and bottled beer, though its draft beer, always prepared without additives, remains the tastiest. The location on the Bebek seafront is a plus.



Étiquette et Bon ton Tempo de l'habitant

U n e j o u r n é e d e t r a va i l

Une fois au bureau, il est de coutume de boire tasse de thé sur tasse de thé et certains grignotent devant leur ordinateur. Le déjeuner, d’une heure en général, se prend dans des petites cantines traditionnelles. Les déjeuners d’affaires sont plus longs : on y parle d’affaires, bien sûr, mais aussi de politique et surtout de football, l’un des sujets de conversation préférés des Turcs. Une multitude de petites échoppes de plats à emporter proposent les spécialités locales, de la plus légère à la plus lourde. Pour la pause sucrée de 15 heures, une pâtisserie accompagne une tasse de thé. Vers 17 h 30, il est en général l’heure de rentrer chez soi. Les Stambouliotes se pressent de quitter le bureau avec l’espoir vain d’échapper aux embouteillages. Peine perdue : les bouchons se forment dès 16 heures, surtout si une personnalité du monde politique est en visite à Istanbul. Depuis quelques années, l’apéritif est devenu à la mode et nombreux sont ceux qui prennent maintenant un verre après le travail, avant de rentrer chez eux. Dans la grande tradition méditerranéenne, les Stambouliotes dînent tard et boivent des

cocktails avant le dîner qui commence souvent vers 21 heures, et parfois même plus tard puisque la ponctualité n’est pas de mise à Istanbul. Après le dîner, les Stambouliotes vont boire dans les clubs qui restent ouverts très tard dans la nuit. Pourb oires

Quelques rares restaurants chargent le couvert ( ekmek ), mais la plupart du temps le service n’est pas inclus. Bien qu’il ne soit pas obligatoire en Turquie, il sera de bon ton de laisser un pourboire en fonction de son niveau de satisfaction qui peut aller jusqu’à des sommes extravagantes après quelques verres de rakı. On peut dire qu’en moyenne 10 à 15 % est dans les usages. Pour les taxis, il est de coutume d’arrondir à la décimale supérieure voire d’ajouter une ou deux livres turques. M e r c i b e a u c o up

Un dicton turc dit qu’il faut apporter quelque chose de sucré si l’on veut que la conversation soit douce. Il est de rigueur de remercier son hôte avec quelques sucreries type baklava de chez GüllüoGlu ou des loukoums de chez Hacı Bekir, deux institutions centenaires ou, s’il boit

de l’alcool, en apportant une bonne bouteille de vin. Le geste est hautement apprécié si elle vient d’un vignoble français. Pour l’inauguration d’une voiture, d’un bateau, on apportera un nazar boncuğu, un porte-bonheur en pâte de verre représentant un œil bleu. Merci se dit teşekkurler (  prononcez téchékurlère  ) mais « merci » en roulant le « r » est aussi utilisé par les turcs. Une autre expression turque à connaître est eline sağalik, « santé à vos mains », dont on se gargarisera quand un repas est fameux. La Turquie est le troisième pays au monde à utiliser les réseaux sociaux : poster sur Facebook, Twitter ou encore Instagram une photo des instants partagés sera un dernier moyen, apprécié, de montrer sa gratitude. Le football s’invite dans les conversations assez rapidement. Choisir son équipe avant d’arriver à Istanbul : Galatasaray, Besiktas ou Fenerbahce. Il n’est pas rare que, dans un couple, mari et femme encouragent deux équipes opposées, promesse de soirées animées les soirs de Derby. Les Turcs sont très fiers de leur culture millénaire, qu’ils aiment faire partager à leurs hôtes. Se montrer curieux en leur posant des questions les rendra heureux.

Y aller avec Pegasus Airlines: Vols au départ de Paris Orly, Saint Etienne, Marseille, Lyon et prochainement Nice. Réservations au 01.70.70.07.37

Get there with Pegasus Airlines: flights from Paris Orly, Saint Etienne, Marseille, Lyon and soon from Nice. Bookings: 01.70.70.07.37


e x p lore déc o u vert e

Etiquette and good taste Living like a local

t h e w o r k i n g d ay

Once in the office, rounds of tea are always served, and some people munch on morning snacks in front of their computers. Office workers usually take a one-hour lunch break, at places serving home-cooked food. Power lunches take longer, when business deals are discussed along with matters of politics and, of course, football, one of the most popular national topics. For lunchtime shoppers, countless street-food and take-away options are available across the city, offering everything from the healthiest to the most filling specialities. For a sugar boost around 3pm, people will down a sweet snack and – what else ? – tea ! At 5:30pm it’s time to go home for most people, eager to leave their workplace in the hope of beating rush-hour traffic. This is usually a lost cause because congestion can start as early as 4pm, especially on days when a prominent politician is in town. In recent years, aperitif time has become more popular : many people have afterwork drinks before going home. True to the Mediterranean soul, Istanbulites go

out late for dinner, enjoying a few cocktails beforehand. Dinner usually starts at 9pm or even later, because everyone in Istanbul is fashionably late. Dinner leads into more drinks at clubs that stay open until the early hours of the morning. The only time it gets relatively quiet is Sunday evening, when Monday blues start to kick in or men are back home to watch a match. TI P P ING

A few rare restaurants impose the ekmek cover charge, but most often service is not included. Though tipping is not compulsory in Turkey, it is good form to leave a tip that reflects your degree of satisfaction – that is, from zilch to lavish tips following a few too many glasses of raki. Leaving an average of 10 to 15 percent of the bill is customary. For taxis, it’s usual to round up to the nearest decimal by adding one or two Turkish liras. THANK YO U

According to a Turkish saying, you should take something sweet with you if you want the conversation to be sweet.

It is customary to thank your host with a few baklava-style pastries from Güllüoğlu or Turkish delight from Hacı Bekir – two venerable institutions. If your host drinks alcohol, offer a bottle of fine wine. ( If you’re French and bring a bottle from a French vineyard, the gesture will be greatly appreciated. ) To celebrate a new car or boat, one offers a nazar boncuğu, a glass lucky charm like a blue eye. “ Thank you ” is teşekkurler ( pronounced te-shakecure-lar ) but merci – rolling the “r” – is also used by the Turks. Another Turkish expression it’s useful to know is eline sağalik ( “good health to your hands” ) : the thing to say when a meal is particularly tasty. Since Turkey ranks third in the world in use of social media, posting photos of your time together on Facebook, Twitter or Instagram is an effective and valued way of showing your gratitude. Football is a subject that soon crops up in conversation. Choose a team before you arrive in Istanbul: Galatasaray, Besiktas or Fenerbahçe. In some couples, the husband and wife support opposing teams. When a derby is on, the evening promises to be lively.

Retrouvez la collection complète des City guides Louis Vuitton sur www.louisvuitton.com Find the full collection of Louis Vuitton's City guides at www.louisvuitton.com

108|109



e x p lore ren c on t re

y o u n g f o l k s t e x t e / w o r ds : D . P

i l l us t r a t i o n : s i l v i j a f l e u r i o t

Depuis quelques années, Istanbul a réussi à se frayer une place parmi les destinations incontournables. Aujourd’hui encore, elle oscille entre tradition et modernité. Pour nous éclairer, nous avons choisi de demander à trois trentenaires au cœur de la vie stambouliote ce que c’est de grandir et d’évoluer dans cette ville aux mille couleurs. Les trois compères se connaissent bien ; Osman Ilder Yalin et Ferit Sarper possèdent tous deux des restaurants très en vue, tandis que Kaan Sakarya est le chef du restaurant Nicole, une table contemporaine qui ne manque pas d’audace. Over the past few years, Istanbul has managed to make a name for itself as a must-visit destination. Now as always, the city wavers between tradition and modernity. For a real insight, we decided to ask three thirty-somethings in the thick of it what it means to grow up and make a life in this colourful city. The three friends know each other well: Osman Ilder Yalin and Ferit Sarper both own popular restaurants, and Kaan Sakarya is the chef of bold contemporary restaurant, Nicole.

110|111


Min t maga zine: Comment imaginez-vous Istanbul d’ici une dizaine d’années ?

Min t maga zine: How do you see Istanbul ten years from now?

K a an: D’un point de vue urbain, la ville va grandir, s’élargir et surtout se densifier. La conséquence sera la difficulté pour nous d’y vivre aussi bien qu’autrefois. D’un autre côté, Istanbul va évoluer culturellement en donnant vie à de nouveaux projets grâce à de nouveaux artistes venus du monde entier.

K a an: From an urban point of view, the town will grow, expand and above all become denser. As a result it will get harder for us to live as well as before. From a different perspective, Istanbul will evolve culturally by setting up new projects with new artists from all over the world.

Osman: Culinairement parlant, je n’imagine pas de changements majeurs. Il y a eu un gros revirement il y a cinq ou six ans à ce niveau-là qui évolue encore aujourd’hui. De grandes entreprises venues d’horizons différents ont commencé à faire de gros investissements desquels découlent de nouvelles tendances qui gagnent la ville. La slow food et la gastronomie ont commencé à se frayer un chemin jusqu’à nous. Grâce à cela, on a pu observer d’énormes changements dans les quartiers d’Istanbul. Le secteur des bars ou des petits cafés cosy est par exemple en plein boom. Je crois que cette période de dix ans sera surtout le moment pour nous d’observer l’influence de ces changements.

Osman: As far as food goes, I don’t see any major changes. There was a big turnaround five or six years ago on that side of things, and it is still evolving now. Big businesses from various fields began making large investments, which led to new trends spreading over the city. Slow food and gastronomy started making their way through to us. Because of that, we saw huge changes across Istanbul. The bar and small café industry, for example, is booming. I think this ten year period will above all be a time for us to look at the impact of those changes.

Feri t: Istanbul sait capter la tendance et la comprendre. Dans le futur, je l’imagine plutôt devenir un hub entre l’Europe et l’Orient plutôt qu’une simple destination touristique. Min t: Où avez-vous trouvé l’inspiration pour fonder vos projets ? Feri t: Mon premier projet, Münferit, est le résultat d’une affaire de famille. Ma famille et moi produisons du raki, une liqueur d’anis turque qui au goût ressemble un peu au ouzo grec. Sauf que le raki est meilleur bien sûr (rires) ! J’ai suivi les différentes étapes de création de notre entreprise puis de notre marque de raki, Beylerbeyi. J’ai toujours voulu monter mon propre restaurant et le business du raki m’a donné l’occasion de m’intéresser davantage à la culture du mezze turc (ndlr : une ribambelle de petits plats à partager). En tant que grand amateur de cuisine turque traditionnelle et de mezzes, j’ai commencé à chercher du côté des tendances culinaires actuelles : comment les adapter et créer des recettes qui collent au style convivial du mezze. Le but était de donner une nouvelle image de ce repas sans perdre ses valeurs originelles. Finalement, nous avons suivi cette même démarche pour le raki. Mon second restaurant Gaspar est un concept très méditerranéen où l’on sert des petits plats simples, un peu comme à Münferit.

Feri t: Istanbul knows how to catch a trend and truly grasp it. In the future, I see it becoming more of a hub between Europe and the East, rather than a simple tourist destination. Min t: Where did you find the inspiration behind your projects? Feri t: My first project, Münferit, came out of a family business. My family and I make raki, a Turkish aniseed liqueur that tastes a bit like Greek ouzo. Only raki is better of course! (Laughs). I followed the various steps involved in setting up our business, and then our brand of raki, Beylerbeyi. I had always wanted to start my own restaurant and the raki business gave me the chance to get more interested in the Turkish mezze culture (note: small sharing dishes). A big fan of traditional Turkish cooking and mezzes, I started to find out more about current food trends: how to adapt them and create recipes that tally with the convivial aspect of mezze. The goal was to give the dish a new image without losing its original values. We had followed the same approach for raki, after all. My second restaurant, Gaspar, is a very Mediterranean concept. We serve vey simple dishes, a bit like at Münferit. K a an: Our current and future projects are always about bringing together our experience. Everyone makes their own contribution,


Osman: Pour moi, ça a toujours été une question de besoin. Une fois que je voyais le besoin de créer un concept, l’inspiration prenait automatiquement le dessus. Dans ma tête du moins ! Le créer concrètement, c’est toujours une autre histoire. Min t: Avez-vous beaucoup voyagé avant de lancer vos affaires ? Ces voyages vous ont-ils inspirés ? Osman: J’ai vécu à l’étranger avant de rentrer en Turquie, notamment aux États-Unis où j’ai effectué une partie de mes études. Tout ce que j’ai pu observer, apprendre, aimer ou parfois même détester en travaillant dans ce domaine, m’a inspiré et continue de m’inspirer aujourd’hui. K a an: J’ai étudié la cuisine en France et ces trois années m’ont forcément influencé dans la direction que prenait mon travail et la cuisine proposée chez Nicole. Je me souviens très bien de mon stage au restaurant Couvert Couvert en Belgique avec ma compagne Aylin (ndlr : la chef pâtissière du restaurant Nicole). Cette expérience nous a donné le courage de rentrer à Istanbul pour nous lancer. Cela a été une expérience très enrichissante pour nous deux. feri t: Je n’ai pas voyagé dans le but de glaner des

idées à l’étranger, mais ces voyages m’ont très certainement stimulé dans mes initiatives.

e x p lore

through their travels and time spent in other establishments, which is then blended with our local and Mediterranean identities. In every case, our favourite themes are always gourmandise and joie de vivre.

ren c on t re

K a an: Notre projet actuel et nos projets futurs seront toujours la synthèse de nos expériences. Chacun apporte sa pierre à l’édifice à travers ses voyages et ses passages dans d’autres maisons, tout cela mêlé à notre identité locale et méditerranéenne. Dans tous les cas, nos thèmes de prédilection sont toujours la gourmandise et la joie de vivre (ndlr : en français dans le texte).

Osman: For me, it has always been about need. As soon as I saw a need, or sometimes when I saw an early attempt to create a concept that could have been a lot better, inspiration automatically took over. In my head, at least! Making it happen is always another story. Min t: Did you travel a lot before starting your businesses? Did these travels inspire you? Osman: I lived abroad and then came back to Turkey, notably in the United States where I did some of my training. Everything I see, learn, love and sometimes even hate about working in this industry has inspired me and continues to inspire me to this day. K a an: I studied cooking in France, and those three years inevitably influenced me in terms of the direction my work took and the food we serve at Nicole’s. I remember my internship at the restaurant Couvert Couvert in Belgium very well, along with my partner Aylin (note: the pastry chef at the restaurant Nicole). This experience gave us the courage to come back to Istanbul and start something. It was a very enriching experience for both of us. feri t: I haven’t travelled with the aim of gleaning ideas from abroad, but my trips have certainly urged me on in my projects. Min t: How would you describe Istanbul today?

Min t: Comment décririez-vous Istanbul

aujourd’hui ? Osman: Épuisée. Feri t: Malheureusement je crois que le climat politique déprime les gens et a un effet négatif sur le tourisme et l’image de notre ville qui évolue très rapidement. Par contre, c’est une ville fascinante. K a an: C’est une très belle ville, très « honorable », si je puis dire. Seulement c’est aussi une ville qui se fait méchamment dévorer par une vague consumériste ainsi qu’un opportunisme économique et politique éhonté.

Osman: Worn out. Feri t: Unfortunately, I think the political climate depresses people and has a negative effect both on tourism and our city’s image, which is changing very quickly. Still, it is a fascinating city. K a an: It is a very beautiful city, very respectable, if I may say. But it is also a city that is being badly hit by a wave of consumerism and economic opportunism, as well as shameless politics.

112|113


Min t: Que préférez-vous dans cette ville et qu’est-ce que vous souhaiteriez pouvoir changer ?

Min t: What do you like best about the city and what would you like to change?

K a an: J’aime son côté unique. Il suffit de venir à Istanbul pour le ressentir et c’est difficile pour moi de citer une seule qualité. Je serais en faveur d’un gouvernement qui s’intéresserait davantage à l’écologie en stoppant cette frénésie de construction au profit d’espaces verts. Une autre idée utopique serait le rappel de la population non-musulmane exclue durant le Progrom d’Istanbul en 1955 afin de leur rendre leur propriété.

K a an: I love its uniqueness. You have to come to Istanbul to feel it. It is hard for me to name a single quality. I would be behind a government that paid more attention to ecology, stopping the frenetic building in favour of green spaces. Another utopian idea would be to call back the non-muslim population expelled during the Istanbul pogrom of 1955 and return their property.

Osman: Il n’y a aucune autre ville au monde qui

soit à cheval entre l’Europe et l’Asie. Littéralement et émotionnellement. La beauté du Bosphore qui sépare les deux mondes de cette ville incroyable ne peut être décrite avec des mots. C’est une des villes les plus anciennes du monde et c’est aujourd’hui la plus grande ville d’Europe. On ressent son histoire, son essence, on ne fait pas que la voir. Malheureusement c’est aussi une des villes dont on prend le moins soin. Si j’avais le pouvoir d’y changer quelque chose, je reconstruirais les vieux immeubles laissés à l’abandon, je réparerais les parcs, j’en construirais de nouveaux pour tous les autres qui ont été détruits. Ma tâche consisterait essentiellement à réparer des années de déconsidération… Feri t: J’aime I’atmosphère ce cette ville. J’aimerais que l’altruisme soit vu comme une vraie valeur humaine de la part des gens. Et effectivement, plus d’espaces verts ne nous feraient pas de mal. Min t: Une journée parfaite ? K a an: Une journée chaude du mois de mai, en milieu de semaine. Commencer par un petit-déjeuner avec un café turc : le kahve, dans le coin de Çengelköy près du Bosphore. Après une courte balade dans le marché de Kadıköy et quelques grignotages, prendre le ferry pour rejoindre le côté européen vers Eminonu. Visiter ses rues étroites chargées d’histoire et de parfums. Marcher en direction du pont de Galata puis visiter les quartiers hipster de Karaköy et Galata. S’installer finalement dans un meyhane en terrasse pour y déguster du raki et quelques mezzes, l’occasion idéale pour discuter avec des locaux. Osman: Prendre le vapur en dégustant une tasse de thé avec les mouettes qui accompagnent le ferry. Boire un verre de raki sur un rooftop avec une vue imprenable sur la ville. Feri t: Ma version est similaire à celle d’Osman : prendre le vapur le long du Bosphore avec une flasque de cognac ! Déjeuner tard ou dîner tôt chez Kahraman puis reprendre le ferry avec le reste de la flasque qui devrait tenir une journée complète. Cette

Osman: There is no other city in the world that straddles Europe and Asia. Literally and in feel. Words cannot describe the beauty of the Bosphorus, which separates the two sides of this incredible city. It is one of the most ancient cities in the world and now it is the biggest in Europe. You can feel the history, its essence: you can’t get away from it. Unfortunately, it is also one of the cities we take the least care of. If I had the power to change something, I would restore the old buildings that have been left to ruin, fix up the parks and make new ones to replace the others that have been destroyed. My task would essentially consist of undoing years of neglect. Feri t: I love the city’s atmosphere. I would like altruism to be seen as a real, human moral value. And more green spaces wouldn’t do us any harm. Min t: What are your future plans? Feri t: I would like to develop new concepts in different parts of town, as I’m in Beyoglu for now. I’m also working on an agricultural project that might see light of day this year. K a an: A meyhane (note: a traditional restaurant) serving high quality food. The kind of restaurant I would like to spend a lot of my time in when I’m not at work. Osman: Working on current projects is my priority for the time being. Min t: What is your favourite place in Istanbul? Osman: Mangerie, my restaurant in Bebek of course! (Laughs). K a an: The Beyoglu neighbourhood. It is the cultural heart of the city, and I spent most of my time there as a teenager. I work and live in that part of town too. I love the cosmopolitan community, you can meet all sorts of people at any time of day or night! Feri t: I like being by the sea.


Osman: Aujourd’hui, Karaköy est vraiment incontournable mais je crois que Haliç devrait évoluer dans ce sens. Feri t: En ce moment tout le monde parle de Bomonti et Balat. Il y a de nombreux projets résidentiels tout autour de la ville. K a an: Moda est un lieu où il se passe de plus en plus de choses et pourrait devenir une alternative à Cihangir et Karaköy. Min t: Historiquement, Istanbul est une ville très cosmopolite tout en restant ancrée dans ses origines. Ces influences ont-elles une incidence sur la cuisine ? Osman: Oui, bien sûr. Les classiques sont des clas-

siques pour une bonne raison mais si nous n’essayons pas d’évoluer, de créer et de chercher à combiner notre cuisine turque traditionnelle avec une cuisine plus moderne, plus mondiale, nous ne ferions pas vraiment la différence. Feri t: À mon sens, la ville a toujours évolué dans cette direction. L’ambivalence entre nos racines traditionnelles et le côté cosmopolite font réellement partie du caractère d’Istanbul. K a an: Je suis d’accord, bien que la cuisine locale ne

soit pas constamment présente dans chacun de nos plats chez Nicole. J’aime travailler ainsi et l’aspect local vient plutôt par petites « touches ». Nos clients étrangers trouveront des éléments très spécifiques comme l’usage d’une épice, une combinaison de saveurs ou un assaisonnement qui situe réellement notre restaurant. Min t: Pensez-vous que dans les années à venir la ville

sera plus concentrée sur son aspect cosmopolite ou ses racines ? Osman: Je dirais cosmopolite, sans jamais perdre sa

propre identité. K a an: Je pense qu’Istanbul a beaucoup perdu de son aspect culturel, historique et même parfois de ses valeurs fondamentales lors des dix dernières années. Nous aurions pourtant dû les considérer comme les fondations de notre identité. Ces dommages sont irréversibles. Evidemment, la ville deviendra toujours plus cosmopolite tout en gardant son originalité, son côté unique. Quant à son identité, elle se redéfinira au fil du temps.

e x p lore

Min t: Quels quartiers deviendront prochainement « en vue », selon vous  ?

Min t: The perfect day? K a an: A hot day in May, in the middle of the week. Starting with breakfast and a Turkish coffee, kahve, in the Çengelköy district near the Bosphorus. After a short walk in the Kadıköy market and a few snacks, taking a ferry to get to the European side, near Eminonu. Visiting the narrow streets full of history and different smells. Walking towards the Galata bridge, then going to the hipster neighbourhoods of Karaköy and Galata. Finally, sitting down in a meyhane outside to drink a raki and eat a few mezzes, the ideal opportunity for a chat with the locals.

ren c on t re

journée parfaite fonctionne pour une personne ou deux, pas plus.

Osman: Taking the vapur ferry, with a cup of tea, as the seagulls fly overhead. Then drinking a glass of raki on a rooftop with a stunning view over the city. Feri t: My version is similar to Osman’s: taking the vapur ferry over the Bosphorus with a flask of cognac! A late lunch or an early dinner at Kahraman’s, then getting back on the ferry with the rest of the flask, which should last the whole day. This perfect day works for one or two people, no more. Min t: Which parts of town do you think will become popular next? Osman: These days Karaköy is in, and I think Haliç should move in the same direction. Feri t: At the moment everyone is talking about Bomonti and Balat. There are many residential projects all around the city. K a an: More and more things are happening in Moda and it could become an alternative to Cihangir and Karaköy. Min t: Historically, Istanbul is a very cosmopolitan city that remains anchored in its roots. Do these influences have an impact on food? Osman: Yes, of course. The classics are classics for a reason, but if we don’t try to evolve, create new things and aim to mix our traditional Turkish cuisine with a more modern, global style of cooking, we will not make our mark. K a an: I think the city has always evolved in that direction. The ambivalence between our traditional roots and the cosmopolitan side really is part of Istanbul’s character. Feri t: Yes, in the end it all depends on the government in power.

Feri t: Oui, finalement tout dépendra du gouvernement au pouvoir… 114|115


Memories and the city t e x t e / w o r ds : O r h a n P a m u k p h o t o s : m a t t h i e u p a g a n o n


02|03 S H OPPING hu me ur

e at


« Le plaisir de se promener sur le Bosphore, de se mouvoir au sein d'une ville si vaste, si riche historiquement et si mal entretenue, vous fait éprouver la liberté et la force d'une mer profonde, puissante et animée. Le voyageur qui file, porté par les rapides courants, au milieu de la saleté, de la fumée et du brouhaha d'une ville tellement populeuse, sent que la force de la mer passe en lui et qu'au sein de toute cette multitude, de toute cette densité historique et de tous ces bâtiments, il est tout de même possible de demeurer libre, tête haute. Cette masse d'eau qui passe au sein de la ville ne peut en aucun cas être comparée au canaux d'Amsterdam ou de Venise, pas plus qu'au fleuve qui partage Paris ou Rome: ici c'est du courant, du vent, des vagues, de la profondeur et des ténèbres. Quand vous êtes passés par le courant, ou que, en sa compagnie, vous commencez à être entrainés et déviés de côté tel un crabe, en plein sur le vapur des lignes urbaines, alors, Istanbul défile devant vous. » I sta n b ul , s o u v e n irs d ' u n e v ille d ' O r h a n P a m u k

"The thrill of a trip along the Bosphorus, of traveling through such a vast, historical and forlorn city, is to experience the freedom and force of this deep, powerful and choppy sea. The traveller, carried along by the strong currents and surrounded by the dirt, smoke and noise of such a densely populated city, is invigorated by the sea and feels that, in the middle of all these crowds, history and buildings, he can still be free, head held high. This body of water that passes through the city cannot be compared with the canals of Amsterdam or Venice, nor with the rivers that divide Paris and Rome in two. Here, there is current, wind, waves, depth and darkness. When you have crossed the current, or, with it, on the urban ferry, start being dragged and carried crab-like to the side, Istanbul passes before you." ista n b ul , m e m o ries a n d t h e cit y w r i t t e n b y O r h a n P a m u k


118|119 dĂŠc o u vert e

e x p lore



120|121



122|123



124|125



126|127



e x p lore déc o u vert e

Un homme

sans moust a ch e c'e st c omme

une maison

sans b alc on t e x t e / w o r ds : D . P I l l us t r a t i o n : s o p h i e d e l l a c o r t e

La barbe, la moustache et le poil sont les symboles ultimes de la virilité. En Turquie, si certains poils sont boudés, cachés, voire épilés méticuleusement, d’autres sont vus comme la signature de la masculinité. Ici, l’apparat par excellence, c’est la moustache. Beard, moustache and stubble are the ultimate symbols of masculinity. In Turkey, while some hair is given the cold shoulder, hidden, and even meticulously removed, other hair is seen as the signature of manliness. Here, the moustache is the perfect statement.

128|129


Si l’on vous disait qu’en Turquie, votre façon de porter la moustache peut en dire long sur vos opinions politiques ou vos croyances ? On pourrait même aller plus loin en vous disant qu’un vrai professionnel pourrait se servir de cette coquetterie pour en savoir davantage sur votre personnalité ou votre statut social. Une moustache épaisse et bien taillée au-dessus de la lèvre est appelée « sünnet », un attribut pieux qui suit les préceptes de l’Islam. Une petite moustache rasée et taillée à un centimètre au-dessus de la lèvre renvoie au parti néoislamiste représenté par le président actuel Recep Tayyip Erdogan. Une moustache pendante de chaque côté de la bouche et qui remonte légèrement en pointes tels des « crocs de loup » rappelle Gengis Khan. Elle est le signe de rattachement au parti nationaliste MHP, on appelle ses partisans les « loups gris ». Encore aujourd’hui, dans certaines régions de Turquie, porter cette moustache peut ouvrir des portes. Certains vont même jusqu’à se laisser pousser ces moustaches de « loup gris » pour faciliter certaines démarches administratives. Une moustache bien fournie qui attaque le bord de la lèvre supérieure, dite « à la Staline » fait penser à un intellectuel de gauche et signe son adhésion à des idéologies socialistes voire communistes. Cette dernière rappelle aussi une moustache désuète un peu vieux-jeu. Grâce à la série télévisée Le Siècle magnifique qui fait un tabac en Turquie, c’est la moustache aux pointes qui frisent, dite « à l’ottomane », qui rappelle parfois la nostalgie de l’Empire Ottoman et attire surtout les jeunes hipsters turcs qui cherchent à ressembler à l’acteur principal de la série jouant Soliman le Magnifique. Si les poils ont le chic pour communiquer toutes ces informations, il peuvent devenir muets à une époque ou la pilosité faciale est le symbole d’une génération branchée. Car en plus de dessiner le visage, la moustache confère aux hommes de l’assurance lorsqu’ils

What if you were told that in Turkey, your way of wearing a moustache could be saying a lot about your political opinions and beliefs? We could even go so far as to tell you that an actual professional can use this display of style to know all the more about your personality and social status. A thick moustache that is well-trimmed above the lip is called a ‘sünnet’, and is a pious symbol that follows the precepts of Islam. A little moustache shaved and trimmed one centimetre above the lip points to the neo-Islamic party that is represented by the current president, Recep Tayyip Erdogan. A moustache hanging over each side of the mouth and gently turning back up into points like ‘wolf fangs’ recalls Gengis Khan. It is the sign of union with the nationalist party, MHP, whose supporters are known as ‘grey wolves’. Today, in certain regions of Turkey, wearing this moustache can still open doors. Some even go so far as letting a ‘grey wolf’ moustache grow to make certain administrative procedures easier. A thick moustache falling over the edge of the upper lip, ‘à la Stalin’, calls to mind left-wing intellectuals and symbolises the wearer’s support of socialist, even communist, ideologies. It also looks like an old-fashioned moustache; a little outdated. Thanks to the hit Turkish television series The Magnificent Century, the curly tipped moustache, known as ‘the ottoman’ (which sometimes points to nostalgia for the Ottoman Empire), mainly attracts young Turkish hipsters who are trying to look like the series’ main actor, in the role of Soliman the Magnificent. While facial hair has the power to communicate all this information, it can go mute in an era when facial hair is the style symbol of a generation. Because as well as highlighting the face, a moustache gives a man self-assurance as he walks through the streets of Istanbul. Sometimes, the symbols and their meanings are lost to a search for beauty.


e x p lore déc o u vert e

déambulent dans les rues d’Istanbul. Parfois, les symboles et leur signification sont noyés sous l’esthétique. Autrefois, les hommes avaient peu d’espoir de trouver une compagne sans cet attribut qui représente à la fois la force et la virilité, mais dans les années 90 la moustache est devenue ringarde, les jeunes ne voulaient plus la porter jusqu’à très récemment. Si la barbe est à la mode de nos jours, la moustache n’est pas en reste puisqu’un véritable business autour du poil se développe. On compte en Turquie plus de 250 chirurgiens spécialistes de la greffe de moustache avec des forfaits à partir de 1500 euros pour une opération de quatre heures. Ce savoir-faire attire non seulement les Turcs mais surtout une clientèle internationale prête à prendre l’avion pour s’offrir une moustache parfaite. Raison de plus pour les cabinets de se mettre au diapason en proposant des packs allinclusive « hôtel et moustache » pour ses clients venant principalement du Moyen-Orient. Les dépenses ne s’arrêtent pas là puisqu’un véritable budget sera à prévoir ensuite pour entretenir sa moustache chez un barbier professionnel, environ une fois par semaine pour 5 euros. Ce métier aussi se développe actuellement malgré son image surannée. On en trouve plus de 1000 actuellement à Istanbul.

In former times, men did not have much hope of finding a companion without this badge of office, representative of both strength and masculinity. In the nineties, however, moustaches went out of fashion, and until very recently the young no longer wanted to wear them. While beards are now in fashion, the moustache has not been beaten. A whole industry is developing around facial hair. In Turkey, there are more than 250 surgeons specialising in moustache grafts, with prices from 1500 euros for an operation that lasts four hours. This expertise does not just appeal to the Turks but also, and especially, an international client base ready to travel for the perfect moustache. This is another reason for surgeries to get up to speed and offer all-inclusive hotel and moustache packages for their clients, who come mainly from the Middle East. The shelling out doesn’t stop there though, as a real budget is then needed for a professional barber to look after your moustache, about once a week for 5 euros. This job is also on the up at the moment, despite its dated image. More than 1000 barbers can be found right now in Istanbul.

Et le glabre dans tout ça, qu’en est-il des hommes qui ne portent pas la moustache ? Quand la moustache symbolise la virilité et l’attachement à la tradition ottomane, le glabre représente le « moderne », l’Occident. À ce titre, dans les années 90, des personnalités politiques avaient rasé leur moustache en signe de « modernité » au moment de l’accession au poste de premier ministre de Madame Tansu Ciller.

And the clean-shaven in all this? What about the men who do not wear a moustache? With the moustache symbolising masculinity and an attachment to the Ottoman tradition, a cleanshaven face represents the ‘modern’; the West. As such, in the nineties, political figures shaved off their moustaches as a sign of ‘modernity’, at the time when Mrs Tansu Ciller took up the post of prime minister.

Victime de la mode, la moustache tend à perdre de son essence et ferme toute possibilité d’interprétation puisqu’elle est de plus en plus portée par la jeunesse turque pour des questions de look. Coquetterie ou signe communicatif, le dicton turc n’en perd pas pour autant de son sens. Un homme sans moustache c’est comme une maison sans balcon.

A victim of fashion, the moustache is tending to lose its very essence. Any chance for interpretation is closed as they are worn more and more by young Turks for aesthetic reasons. Still, whether for style or a symbolic mark, the Turkish saying does not lose its meaning. A man without a moustache is like a house without a balcony. 130|131


c arr e aux en liège P a r H é l è n e P i n a ud e t J u l i e n S c h wa r t z m a n n h e ju . f r

ren c on t re

do it yourself


1 4022| 1| 0 43 RIC H

TABL E

e x p lore



e x p lore DESIGN

En nous inspirant des carreaux de céramique de l’art islamique, nous avons imaginé des losanges en liège aux motifs géométriques. Les couleurs rappellent les sols des mosquées turques, avec une petite touche printanière. Pris séparément, on peut s’en servir de dessous de verre. Si on les regroupe par trois, on peut les utiliser comme dessous de plat. En les alignant tous ensemble, ils peuvent rythmer une décoration de table. For our new DIY project, we dreamed up cork diamonds inspired by ceramic tiles in Islamic art. Placed on a table, they can be used in different ways. Individually, they can be used as coasters. If three are put together, they can become a table mat. All together, they can make a pattern to decorate a summer table. The geometrical motifs and colours echo the flooring found in Turkish mosques with a little hint of spring.

Matériel pour 9 losanges

1 plaque de liège de 50 x 50 cm et 3 mm d’épaisseur 1 cutter 4 petits pots de peinture 4 pinceaux 1 rouleau de masking-tape

Intructions

Tracez au crayon à papier des losanges de 19 cm de haut et de 11 cm de large sur votre plaque de liège. Découpez le long des traits à l’aide d’un cutter bien aiguisé. Tracez des formes géométriques au crayon à papier et positionnez le masking-tape le long des traits. Peignez les formes dans la couleur de votre choix. Attendez que la peinture soit bien sèche avant de passer à une autre couleur. Ajoutez des petites touches de peinture dorée pour un côté plus oriental.

Materials for 9 diamonds

1 sheet of cork, 50 x 50 cm and 3 mm thick 1 Stanley knife 4 little jars of paint 4 brushes 1 roll of masking-tape

Intructions

In pencil, draw diamonds 19 cm long and 11 cm wide on your sheet of cork. Cut out the lines with a sharpened Stanley knife. Draw geometrical shapes in pencil and place masking tape along the lines. Paint the shapes in the colour of your choice. Wait for the paint to dry completely before moving onto another colour. Add little dashes of golden paint for a more oriental feel.

134|135



e x p lore RECETTE

Soul Kitchen t e x t e s / w o r ds : m a k su t a s k a r p h o t o s : S EREN D AL

« Nous avons des traditions et une culture culinaire uniques en Turquie puisqu’elles sont riches de nombreuses cultures différentes, c’est pourquoi nous ne pouvons pas dire que notre cuisine est turque. Elle est plurielle : géorgienne, circassienne, arménienne, grecque, bulgare, arabe et j’en passe. Tant de cultures qui ont influencé notre héritage culinaire. Au lieu de turque, nous préférons utiliser le terme « anatolienne » pour décrire notre cuisine. Si vous êtes déjà venu en Turquie, vous n’avez vu que la partie immergée de l’iceberg puisque plus les années passent et plus nous en apprenons sur notre héritage. Je crois qu’on ne peut pas cuisiner français à moins d’avoir vécu en France et d’avoir réellement appris votre tradition culinaire. À moins d’être français, le plat cuisiné ne sera qu’une pâle copie de l’original. Puisque je suis turc, je ne connais rien de mieux que les traditions qui m’ont forgé. Chez Neolokal, nous tâchons de partager les parties méconnues de la cuisine d’Anatolie en lui apportant une vision plus moderne. Aujourd’hui, nous pensons qu’il est nécessaire d’être conscient de l’environnement qui nous entoure pour partager notre cuisine. En Turquie, ce processus passe par une forte demande et un soutien sans faille aux producteurs locaux. Ainsi, nous travaillons directement avec nos producteurs qui sont en perpétuelle recherche des meilleurs produits afin de sauvegarder nos traditions. Nous n’avons pas encore notre propre ferme mais nous avons des vaches qui produisent le lait que nous utilisons pour faire notre beurre, notre yaourt, notre crème et notre fromage maison. Finalement, nous tâchons d’être des fermiers modernes dans une grande ville. Je croise les doigts pour qu’avec cette nouvelle génération de chefs en Turquie, nous changions notre réputation de "pays du kebab " pour un pays de "nouvelle cuisine anatolienne".  »

" We have a unique food culture and tradition in Turkey. The country is rich with numerous different cultures, so we cannot say our food is Turkish. It is plural: Georgian, Circassian, Armenian, Greek, Bulgarian and Arabic, to name just a few. So many cultures have influenced our culinary heritage. Instead of ‘Turkish’, we would rather employ the term ‘Anatolian’ to describe our food. If you have already come to Turkey, you have only seen the tip of the iceberg. As the years go by we are learning more and more about our heritage. I don’t think you can cook French food without having lived in France and really learned the culinary tradition. Unless it is really French, the dish will only be a pale copy of the original. Because I’m Turkish, I know nothing better than the traditions that have made me who I am. At Neolokal, we work hard to share the undiscovered aspects of Anatolian food, by giving it a more modern vision. These days, we know that we have to be conscious of the environment around us when it comes to sharing our cuisine. In Turkey, this process works through strong demand and wholehearted support of our local producers. We work directly with our producers, who are always looking for the best products to safeguard our traditions. We don’t have our own farm yet, but we do have cows that produce the milk we use to make our homemade butter, yogurt, cream and cheese. In the end, we are trying to be modern farmers in a big city. I’m crossing my fingers that with the new generation of Turkish chefs, our reputation as a country of kebabs will change to that of a country of new Anatolian cuisine."

136|137


Katmer et tirit, crème de yaourt tarhana, tarhana séché

Où que vous alliez en Anatolie, vous trouverez du « tirit » au menu. Selon la région où vous êtes, le tirit sera préparé à partir de viande de bœuf, d’agneau ou de volaille. Le pain trempe dans le jus de cuisson de la viande qui elle, sera ensuite servie sur le pain. En accompagnement, on sert du yaourt et une sauce à la tomate et au poivron. La version de Neolokal est une combinaison de toutes ces influences : le bœuf cuit dans de la graisse de canard puis dans son jus pendant plusieurs heures, ce qui apporte beaucoup de saveur à ce plat.

Ingrédients pour le tirit

1,350 kg de longe de bœuf 350g d’oignons 3 gousses d’ail 4 cuillères à soupe de graisse de canard 2 cuillères à soupe de concentré de tomate 850g de tomates émincées 2 bâtons de cannelle 1 cuillère à café de cumin 1 cuillère à café de coriandre en poudre 1 cuillère à café de poivre noir 3 feuilles de laurier 1L de bouillon de canard 2 cuillères à soupe de persil haché Le zeste de la moitié d’une mandarine 2 cuillères à café de paprika 4 cuillères à café de sel

Ingrédients pour le katmer

10ml d’huile de noisette 300g de farine 6g de sel 150ml d’eau 100g de beurre 40g de graisse de canard

Ingrédients pour la sauce Tarhana

100g de sauce au tarhana 50g de yaourt à la grecque 50ml d’eau 10g de jus de citron 2g de sel

Ingrédients pour le Tarhana séché

20g de sauce au tarhana

Préparation du tirit

Saisir les morceaux de bœuf dans la graisse de canard. Ajouter l’oignon et l’ail émincés, puis les tomates et les herbes. Delayer le concentré de tomate dans le bouillon de canard puis verser le mélange dans la casserole. Porter à ébullition puis cuire à feu doux. Au bout d’1h30, ajouter le sucre. Laisser cuire une heure de plus puis ajouter le sel. Eteindre le feu et ajouter les zestes de mandarine, le persil et le paprika.

Préparation du katmer

Mélanger l’huile, la farine et le sel avec l’eau. Étaler la pâte sur un plan de travail sur 1/2 cm d’épaisseur. Étaler le beurre fondu à l’aide d’un pinceau et plier la pâte en deux. Répéter cette étape 4 fois. Réaliser un carré avec la pâte obtenue et faire frire à la poêle à feu moyen dans de la graisse.

Préparation pour la sauce Tarhana

Mélanger tous les ingrédients ensemble.

Préparation du Tarhana séché

Verser la sauce sur un tapis de cuisson en silicone et étaler la pâte afin qu’elle soit très fine. Laisser sécher la sauce au four à 30°C jusqu’à ce que vous obteniez la bonne texture.

Dressage

Déposer le katmer dans l’assiette avec le tirit par dessus pour que le pain absorbe le jus de viande. À l’aide d’une cuillère, verser un peu de sauce et de yaourt au tarhana. Ajouter enfin le persil haché et terminer avec un filet d’huile d’olive infusée au persil.


138|139 RECETTE

e x p lore



RECETTE

e x p lore

Katmer and tirit, tarhana with yoghurt, dried tarhana

Wherever you go in Anatolia, you’ll find ‘tirit’ on the menu. Depending on the region you’re in, tirit is made with beef, lamb or poultry. They soak bread in the cooking juices from the meat, and then the meat is served on the bread. Yoghurt and a sauce with tomatoes and peppers are served on the side. The Neolokal version is a blend of all these influences: beef cooked in duck fat and then its juice for several hours, which gives the dish plenty of flavour.

For tirit

1 350 kg beef loin 350 g onions 3 cloves of garlic 4 tbsp duck fat 2 tbsp tomato puree 850 g finely chopped tomatoes 2 cinnamon sticks 1 tsp cumin 1 tsp powdered coriander 1 tsp black pepper 3 bay leaves 1 L duck stock 2 tbsp chopped parsley Zest ½ mandarin 2 tsp paprika 4 tsp salt 1 tbsp sugar

For tarhana sauce

10 ml hazelnut oil 300 g flour 6 g salt 150 ml water 100 g butter 40 g duck fat

Tarhana and yoghurt sauce

100 g tarhana sauce 50 g Greek yoghurt 50 ml water 10 g lemon juice 2 g salt

Dried tarhana

20 g tarhana sauce

For tirit

Sear the beef in duck fat. Add the finely chopped onion and garlic, then the tomatoes and herbs. Dilute the tomato puree with duck stock and then pour the mix into the saucepan. Bring to boil, and then leave to simmer on a low heat. After an hour and a half, add the sugar. Leave for another hour before adding the salt. Remove from the heat and add the mandarin zest, parsley and paprika.

For katmer

Mix the oil, flour and salt with the water. Roll out the dough onto a work surface to a thickness of 0.5 cm. Melt the butter and brush over the dough, and then fold in two. Repeat this process four times. Make a square with the dough and fry in duck fat in a frying pan over a medium heat.

For tarhana sauce

Mix 10 ml of stock with the tomato puree. In another bowl, mix 300 ml of stock with the tarhana. Heat the butter in a pan and add the garlic powder, then the tomato stock. Slowly stir in the tarhana stock, mixing well. Add the remaining stock and leave to reduce until the sauce thickens.

Tarhana and yoghurt sauce

Mix all the ingredients together.

Dried tarhana

Pour the sauce onto a silicone baking mat and spread out very thinly. Leave the sauce to dry out in the oven at 30°c until you get the right texture

Presentation

Place the katmer on a plate with the tirit on top, so the bread absorbs the juices from the meat. Spoon on a little sauce and tarhana yoghurt. Sprinkle on some chopped parsley and finish with a dash of parsley-infused olive oil.

140|141



e x p lore RIC H

TABL E

Auto b a n t e x t e s / w o r ds : ju l i e t h i ĂŠ b a u l t

photos: Kerem Sanliman, Sergio Ghe t ti, Ed R e e v e , S a v o y U l us

au t o b a n t e x t e s / w o r ds : d . p

p h o t o s : m . a T o n du

02|03


À mi-chemin entre Byzance et le futur, le studio pluridisciplinaire Autoban file à pleine vitesse sur l’autoroute, pendant que la radio égrène la chanson du même nom de Kraftwerk. Fondé en 2003 par le duo turc Seyhan Ozdemir et Sefer Caglar, qui se sont rencontrés sur les bancs de l'école des Beaux-Arts Mimar Sinan à Istanbul, Autoban est un incontournable stambouliote. Leur réputation établie leur vaut d'avoir transformé une multitude de lieux et d'espaces publics au sein d'Istanbul et au-delà des frontières comme à Londres ou Hong Kong. Ils ont à leur actif des cafés, des restaurants, des hôtels ou un encore un aéroport. Midway between Byzantium and the future, the multidisciplinary studio Autoban is hurtling down the motorway at top speed with the Kraftwerk song of the same name playing on the radio. Founded in 2003 by Turkish duo Seyhan Ozdemir and Sefer Caglar, who met in the classrooms of Istanbul’s Mimar Sinan school of arts, Autoban is one of the city’s great successes. Their reputation established through transforming a multitude of venues and public spaces in Istanbul and beyond (including London and Hong Kong), they have cafes, restaurants, hotels and even an airport to their name.

Les signes sont souvent plus forts que les mots, c'est pourquoi le design est un langage universel, grâce auquel Autoban invente son propre dialecte visuel, compris par chacun et chacune. À noter que le nom d'Autoban est quasiment un signe graphique à lui seul, évoquant ainsi le voyage, les différentes voies, les choix que cela engendre, et les occasions qui se présentent comme autant de rencontres et de bretelles d'autoroute. Ce qui est immuable dans l'approche du design et de l'architecture par Autoban est son désir d'inventer des histoires, au travers d'espaces qu'ils envisagent comme des scénographes : chaque volume est conçu comme un ensemble, et toute partie est considérée comme un tout. Autoban s'ingénie à améliorer des lieux de vie ou de passage afin d'offrir aux gens des espaces desquels ils deviendront les acteurs. Vus comme des décors, les espaces sont le point de départ de l'histoire, qui est intrinsèquement liée au contexte social et culturel du lieu. Chacun y joue ensuite sa propre pièce.

Symbols are often more powerful than words, making design a universal language from which Autoban has invented its own visual dialect, understood by all. Note that even the name Autoban is practically a graphic symbol in itself, evoking travel, the different lanes of a motorway, the choices they bring and opportunities that rise up like motorway mergers and flyovers. Unchanging in Autoban’s design and architectural approach is the desire to create stories. They see space like stage designers: each volume and every section is designed as part of the whole. At Autoban, they work hard to make living and public spaces better, to give people spaces in which they will take the leading roles. Seen as a set, spaces are where a story starts, intrinsically linked to the social and cultural context of a venue. Each person then plays their own part.


1 1042| |101 3 5 r RIC e n Hc oT n A tB r Le E

e x p lore



e x p lore

Min t maga zine: Quel est votre processus

de si g n

Enfant du Bauhaus et d'une esthétique orientaliste, Autoban pense la conception, tant design qu'architecturale, en vue de son utilisation humaine et n'envisage pas l'esthétique au détriment de la fonctionnalité et de l'expérience. Autoban insuffle de la vie à ses réalisations, grâce au choix des matériaux naturels et en confiant leur production à des artisans locaux. Bien qu'il ne soit pas directement inspiré par Istanbul, le duo n'en reste pas moins imprégné du multiculturalisme de la ville, et se dévoile au travers de certains projets leurs influences turques. Ainsi le pattern donne du rythme à l'espace, texturise les surfaces, et dialogue avec des volumes plus épurés. Autoban mêle à la perfection passé, présent et futur, si bien que nous ne pouvons les situer sur une frise chronologique, sautant sans cesse au travers de l'espace-temps. En ce sens ils sont atemporels, et Seyhan Ozdemir (cofondatrice d'Autoban) nous le confirme, « c'est ce qu'ils visent », car c'est un langage bien plus puissant. Ce juste dosage, entre souvenirs, références au passé qu'ils réinterprètent en vue de la contemporanéité, et modernité prouve leur pertinence et leur légitimité au sein de notre époque. Le travail du studio de design Autoban est à taille humaine malgré l'ampleur de certains projets. Car il témoigne d'un profond respect envers l'humain, placé au centre de leurs considérations.

With Bauhaus roots and an orientalist aesthetic, Autoban thinks of design (product and architectural) in terms of human use. They do not entertain aesthetics to the detriment of functionality and experience. Autoban breathes life into its projects through choosing natural materials and entrusting manufacture to local artisans. Although not directly inspired by Istanbul, the pair are nevertheless immersed in the city’s multiculturalism. Certain projects reveal their Turkish influences. Pattern imbues spaces with rhythm, giving surfaces texture and forming a dialogue with more refined shapes. Autoban perfectly blends past, present and future, so well that we can locate them chronologically, endlessly jumping through space-time. In this sense they are atemporal, and Seyhan Ozdemir (Autoban cofounder) confirms that this “is what they strive for”: a far more powerful language. This delicate balance between memory, references to the past reinterpreted in a contemporary context and modernity demonstrates their relevance and legitimacy in our time. The work of design studio Autoban remains on a human scale despite the scope of some of its projects. This testifies to a profound respect towards the human, always placed at the heart of their concerns.

de création ? se yhan ozdemir: Avant les grands concepts et les fioritures, doivent toujours précéder les principes fondamentaux d'une bonne conception : chaque aspect a-t-il été pleinement considéré ? Fait-on le meilleur usage possible de sa situation, son histoire et de son avenir ? Parvient-on à l'intégrer à son environnement, son quartier et sa communauté ? Nous essayons tout d'abord de comprendre et de trouver les réponses justes à ces questions, ensuite nous pouvons débuter la conception en conséquence. Peu importe l'ampleur du projet, nous démarrons avec une vision d'ensemble et nous nous autorisons à concevoir de grandes idées. Mais nous considérons aussi méticuleusement les moindres détails.

Min t maga zine: What is your creative process? se yhan ozdemir: Prior to big concepts and embellishments comes the basic foundations of good design. Has every aspect been fully thought out? Are we making the best of the location, its history and its future? Are we successfully integrating the environment: the local area and community? First we just try to understand and find answers to these questions, and then in due course we can start the design process. Whatever the project’s size, we set off with an overview and allow ourselves to dream up big ideas. But we think about the smallest details just as meticulously.

Min t: Quelles sont vos sources d'inspiration ?

Min t: What are your sources of inspiration?

S.O: La vie elle-même est une bonne source d'inspiration. L'observation est notre maître-mot.

Life itself is a good source of inspiration. Observation is our key word. 146|147


Min t: Qu'est-ce qui vous différencie des autres studios de design ?

Min t: What differentiates you from other design studios?

S.O: Multiplicité de la conception, singularité de l'expérience. Dans notre travail nous fusionnons le fondamental et l'expérimental, l'humain et l'espace, la pratique et la philosophie, le micro et le macro. En définitive, chacune des créations d'Autoban offre une expérience singulière, quelle soit mémorable, plaisante ou surprenante, à tout ceux qui la rencontrent, ou encore l'habitent.

S.O: Multiplicity of conception, singularity of experience. In our work, we fuse the elementary and the experimental, human and space, practice and thought, micro and macro. Ultimately, each one of Autoban’s creations offers everyone who sees or lives in it a singular experience, be it memorable, pleasant or surprising.

Min t: Quel est le plus important : la forme finale ou

l'émotion et la fonctionnalité ? S.O: Avec Autoban, nous avons une approche du

design multidisciplinaire depuis plus d'une décennie. Notre travail englobe les objets design, le design intérieur et l'architecture. Pour chaque objet ou projet, notre objectif est d'ajouter de la valeur à la vie des hommes, autant dans leur environnement formel que les perceptions émotionnelles que l'on en a. Nous sommes convaincus que ce que nous créons peut aider les gens à se rendre où ils doivent aller, à réaliser ce qu'ils doivent faire. Ce que nous concevons doit fournir de la solitude ou de l'interaction, du répit ou de la stimulation, ou tout cela en même temps. Avoir un effet positif sur ceux qui les habitent, les visitent, les traversent, est notre raison de faire ce que nous faisons. Nous célébrons la forme, améliorons la fonction, enrichissons l'expérience en favorisant des interactions inoubliables entre les conceptions et leurs utilisateurs. Min t: Plutôt rich detail ou less is more ? s.O: Moins c'est toujours plus et la richesse des détails fait toujours la différence. Min t: Travaillez-vous comme des réalisateurs

de film ? S.O: Lors de la conception des espaces nous travaillons exactement comme des réalisateurs. Premièrement nous créons le scénario puis nous entreprenons la conception des détails, en tenant compte du facteur humain. Afin de créer une histoire complète de A à Z, grâce à la puissance du design… Alors oui, pour nous les espaces sont des sortes de décors, mais dont l'usage est permanent.

Min t: Which is more important: final form or emotion and functionality? S.O: At Autoban, we have been taking a multidisciplinary approach to design for more than a decade. Our work encompasses objects, interior design and architecture. With each object or project our aim is to add value to people’s lives, in both their formal environment and the emotional perceptions they form of it. We are convinced that what we create can help people go where they need to go, do what they need to do. What we design must produce solitude or interaction, rest or stimulation, or all this at once. Having a positive impact on the people who live in it, visit it or pass through it is our reason for doing what we do. We celebrate shape, improve functionality and enrich experience, favouring memorable interaction between design and its users. Min t: "Rich detail" or "less is more"? S.O: Less is always more and the richness of detail always makes the difference. Min t: Do you work like film producers? S.O: When we are designing spaces we work exactly like producers. First we come up with the scenario and then we move on to designing the details, taking the human factor into account. Creating a complete story from A to Z, via the power of design. So yes, for us spaces are kinds of sets, only they are used permanently.


148|149 de si g n

e x p lore



S.O: L'homme est au centre de nos préoccupations.

Nous plaçons ses besoins et ses nécessités au cœur de nos décisions et nous essayons, au travers de ce que l'on crée, de lui offrir une expérience inédite qui puisse enrichir sa vie. Min t: Est-ce important que vos objets portent

en eux les gestes des artisans ? S.O: En Turquie, les designers ne sont pas encore aussi

chanceux que les designers européens face au manque de soutien de la part de l'industrie envers la création. C'est l'un des plus gros désavantages de travailler ici en tant que designer, surtout quand tu es un nouveau venu. Il n'y a aucun endroit qui accepte de produire ton premier prototype, sans parler de signer un contrat avec une manufacture pour ensuite parvenir à le distribuer. Mais d'un autre côté, nous sommes heureux d'avoir des ateliers locaux à deux pas de chez nous. La location de notre premier bureau était à Galata, un quartier historique d'Istanbul dont l'atmosphère est authentique… Nous sommes restés à peu près dans la même zone. Notre emplacement privilégié nous a permis au fil du temps de comprendre l'artisanat et les techniques industrielles locales, et dans un sens ce désavantage de ne pas avoir l'appui de l'industrie se mue en avantage si on considère l'habileté des artisans et la qualité que ces ateliers locaux nous permettent d'avoir. Nous nous sommes débrouillés pour que nos réalisations soient encore faites à la main, et tenues éloignées de la production de masse et c'est finalement devenu la marque de fabrique d'Autoban. Min t: Comment parvenez-vous à jongler entre héritage traditionnel et modernité ? s.O: Au fil des siècles, Istanbul a abrité plusieurs cultures. En tant que designers ayant été élevés et vivant encore dans cette ville, nous avons la chance de nous imprégner de ce multiculturalisme, autant architectural que social. Nous respectons profondément les richesses historiques de la ville, et nous éprouvons une excitation démesurée face à la modernisation. Donc ce n'est pas une tentative, mais une voie naturelle pour nous de les combiner tous les deux dans notre travail. Nous ne pouvons faire table rase du passé et nous focaliser uniquement sur le nouveau, comme nous ne pouvons seulement vivre dans le passé. C'est ce que nous avons appris de nos expériences. Tout comme nous respectons nos valeurs et nos traditions, nous avons besoin de nouveaux bâtiments et de nouveaux designs, pour offrir quelque chose d'unique, quelque chose qui nous fera avancer.

e x p lore

public ?

Min t: How can people be reconciled with public space? S.O: People are at the heart of our concerns. We place human needs and necessities at the core of our decisions. Through what we create, we try to give people unique experiences that can enrich their lives.

de si g n

Min t: Comment réconcilier l'homme à son espace

Min t: Is it important for your objects to have an artisanal quality? S.O: So far, in Turkey, designers are not as lucky as their European counterparts concerning lack of support for creation from industry. It is one of the biggest disadvantages of working here as a designer, especially when you are a newcomer. Nowhere will agree to produce your first prototype, let alone signing a contract with a manufacturer to then be able to distribute it. But from another angle, we are glad to have local studios two minutes away. Our first office was in Galata, a historical part of Istanbul with an authentic feel. We have stayed more or less in the same area. Over time, this privileged location has allowed us to understand artisanal and local industrial techniques. In a way, the disadvantage of not having industry support has evolved into an advantage, if we take into account the skill of the artisans and the quality these local studios allow us to attain. We have arranged things so our creations are still made by hand, and kept away from mass production. In the end that has become the Autoban hallmark Min t: How do you manage to juggle traditional heritage and modernity? S.O: Over the centuries Istanbul has been home to numerous cultures. As designers brought up and still living in the city, we have the chance to soak up this multiculturalism, both architectural and social. We have a deep respect for the city’s historical riches, and we feel immeasurable excitement for modernisation. So combining them in our work is not so much an effort as a natural path. We cannot draw a line under the past and concentrate solely on the new, just as we cannot only live in the past. This is what we have learned from experience. Just like we respect our values and our traditions, we need new buildings and new designs to provide something unique, something that will make us move forward.

150|151


é pi c es t e x t e s / w o r ds : a g a t h e b o ud i n pHOTOs : n o é m i e c é d i l l e

Lors d’une promenade, nous nous retrouvons par hasard au beau milieu du Bazar aux épices où s’amoncèlent des montagnes de couleurs éclatantes. Des rouges, des jaunes, des verts et même des bruns ou des ocres chatoyants qui embaument ce marché labyrinthique. Les épices font partie intégrante de la gastronomie turque. En voici un petit tour d’horizon. On one of our walks, we happened to stumble into the midst of the spice bazar. Mountainous piles of dazzling reds, yellows, greens, browns and gleaming ochres perfume this labyrinthine market. Spices are an integral part of Turkish food. Here is a little overview.


e x p lore TABL E RIC H

Origan

Si l'origan est un inconditionnel de la cuisine méditerranéenne, il est particulièrement présent en Turquie. L’origan turc est plus proche de l'origan grec que du provençal. Il apporte aux plats de la fraîcheur et de d'acidité, notamment aux salades et aux soupes. Il se marie très bien avec les légumineuses ou les plats à base de chou. Enfin, c'est un ingrédient idéal à ajouter dans la préparation de sauce tomate. Oregano is a staple of all Mediterranean food, but it is particularly present in Turkey. Turkish oregano is more similar to Greek oregano than the Provençal version. It adds freshness and acidity to dishes, especially salads and soups. It goes very well with legumes and dishes based on cabbage. It is also an ideal ingredient to add when making tomato sauce.

02|03


Cumin

Souvent utilisé dans des mélanges d'épices, le cumin apporte un goût légèrement épicé et beurré, notamment aux plats à base de viande. Il est fréquemment utilisé dans le houmous et se marie très bien avec les légumineuses. Outre ses vertus culinaires, le cumin est aussi très apprécié pour ses vertus digestives. Often used in spice mixes, cumin adds a slightly spicy and buttery taste, to meat-based dishes in particular. It is frequently used in houmous and goes very well with legumes. Besides its culinary virtues, cumin is also appreciated for its digestive qualities.


e x p lore RIC RENCONTRE H TABL E

Epices à köfte

Les épices à köfte sont en réalité un mélange de différentes épices que les turcs, grands amateurs de köftes, utilisent pour accompagner ces fameuses boulettes de viande. Le plus souvent, ce mélange contient de la coriandre, du cumin et du piment. On trouve aussi d’autres mélanges à base de gingembre, de menthe et de clous de girofle. Ce mélange se mariera très bien avec la plupart des viandes. Köfte spice is actually a mix of different spices that the Turkish (big fans of köftes) use to accompany those famous meat balls. Usually, the mix contains coriander, cumin and chilli. There are also other mixes with ginger, mint and cloves. This mix goes very well with most meats.

1 3082| 1| 0 39 3


Thym d'Anatolie

Le thym d'Anatolie est une variété bien particulière au parfum unique. Cette herbe rehausse toutes sortes de plats à base de légumes, qu'ils soient grillés ou marinés. Il est également possible d'en ajouter dans les bouillons ou les soupes de légumineuses tels que les pois chiches ou les lentilles, afin de leur donner encore plus de saveur. Anatolian thyme is a very particular kind with a unique flavour. This herb enhances all kinds of vegetable-based dishes, grilled or marinated. You can also add it to broths and soups with legumes like chickpeas or lentils, to give them even more flavour.


e x p lore RIC RENCONTRE H TABL E

Piment

Impossible de ne pas en trouver à la table d’un restaurant turc. Egalement appelé Pul Biber, il se présente le plus souvent sous forme de flocons, ou en poudre. Il en existe différentes sortes plus ou moins fortes, qui varient de la couleur orangée à rouge foncé. Le piment turc reste un piment moins piquant que ceux que l'on trouve dans la cuisine sud américaine, mais il apporte de la texture aux plats et en relève le goût. Always found on the table in Turkish restaurants. Also called Pul Biber, it is usually seen in the form of flakes or powder. There are different sorts, more or less strong, varying from orange-coloured to dark red. Turkish chilli is less spicy than those you find in south american food, but it adds texture to dishes and brings out their flavour.

02|03


A week i n I s t a n b u l i l l us t r a t i o n : c h a r l i n e p i c a r d


1 5082| 1| 0 59 3 hu meh uu r m e eu xr p l oe r ae t


places

ly l e ' s

Tea Building, 56 Shoreditch High Street London E1 6JJ, Royaume-Uni +44 20 3019 2468 www.lyleslondon.com clove club

Shoreditch Town Hall, 380 Old Street London EC1V 9LT, Royaume-Uni +44 20 7729 6496 www.thecloveclub.com

m a s t brot hers

En boutique chez : Frenchtrotters à Paris 128, rue Vieille-du-Temple, 75003 Black Butter à Marseille 16, rue Edmond-Rostand, 13006 En ligne : http://mastbrothers.com

neolok al l e c h at e a u b r i a n d

129, avenue Parmentier 75011 Paris +33 1 43 57 45 95 www.lechateaubriand.net

mangerie

Bebek Mh., Cevdet Pasa Cd No:69, 34342 Istanbul, Turquie +90 212 263 5199 www.mangeriebebek.com munferi t

Firuzaga Mah. Yeni Carsi Cad. No:19 Galatasaray, Istanbul +90 212 252 50 67 www.munferit.com.tr

SALT Galata Bankalar Avenue Karaköy 34420 Istanbul +90 212 244 00 16 www.neolokal.com au t ob a n 212

Sinanpasa Mah. Süleyman Seba Cad. No.16-20 Akaretler, Istanbul +90 212 2369246 http://autoban212.com

nic ol e

Bogazkesen Cad. Tomtom Kaptan Sok. No: 18 Beyoglu, Istanbul +90 212 292 44 67 www.nicole.com.tr

158|159


iPad

9:45 AM

100%

r e t r o uv e z m i n t su r  :

w w w . m a g a z i n e - m i n t. c o m



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.