DEBOUTCIV N°13 (Page 14)

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POLITIQUE: Alassane Ouattara dit vouloir envoyer Laurent Gbagbo devant la CPI. C’est un bon signe pour la réconciliation ?

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on mais, attendez ! Gbagbo, si vous voulez respecter la chronologie des événements, les a envoyés le premier, lui et Soro ainsi que leurs chiens de guerre, devant la CPI, née en 2002, et ce dès 2003 ! A ce moment, la rébellion venue du Burkina, financée, armée et soutenue par Paris, avait déjà fini d’endeuiller la Côte d’Ivoire, 10.000 innocents ayant perdu la vie ! Des documents en lieu sûr sont là, à foison, pour rapporter la preuve indubitable de l’imputabilité de cette rébellion sanglante à tous ces braves messieurs dont même des discours, interviews et séances de confessions sont disponibles. Dès le 18 Avril 2003, en effet, le gouvernement ivoirien, sans avoir ratifié le Statut de Rome, déposait une plainte qui valait déclaration de reconnaissance de la compétence de la CPI et qui affirmait, je cite : « Conformément à l’article 12-paragraphe 3 du Statut de la CPI, le gouvernement ivoirien reconnait la compétence de la Cour aux fins d’identifier, de poursuivre, de juger les auteurs et complices des actes commis sur le territoire ivoirien depuis les événements du 18 Septembre 2002….Cette déclaration faite pour une durée indéterminée entrera en vigueur dès sa signature », fin de citation. A son tour Alassane Ouattara confirmera cette déclaration dans ses courriers adressés au Procureur de la CPI le 14 Décembre 2010 et le 3 Mai 2011. Mais il s’empresse de gommer la partie indéterminée de la déclaration ainsi que tous les crimes commis entre le 18 Septembre 2002 et le 28 Novembre 2011, date du second tour de la présidentielle ! D’un coup de gomme, un seul, le plus insupportable des dénis de justice se voit ainsi perpétré ! On ne parle plus des 10.000 morts de Ouattara-Soro pour ne pas avoir à parler des 58 morts de Chirac-Licorne en Novembre 2004 devant l’hôtel Ivoire… Mais ce n’est pas tout ! Alors que Gbagbo, fidèle en cela à l’esprit, à la lettre et à la logique des signatures des accords de paix, ne poursuit aucun acteur ou chef de la rébellion alors qu’ils sont tous connus, Ouattara, lui, commence déjà par nier la compétence qu’il a reconnue à la CPI ! En quoi faisant ? Eh bien, au moment où il invite le Procureur à enquêter, il engage à l’interne une procédure judiciaire à l’encontre du président Laurent Gbagbo et de certains dignitaires de son régime, officiellement accusés depuis le 21 Juin de crimes économiques, atteinte à la sûreté de l’État et crimes de sang.

Auparavant, le 15 Juin, son gouvernement fantoche avait, vous vous en souvenez, décidé de la « mise sur pied d’une commission nationale d’enquête à l’effet de faire la lumière sur toutes les violations des droits de l’homme commises pendant la crise post électorale ». Cela n’est autre qu’une reconnaissance de sa compétence de pouvoir enquêter également sur les crimes de guerre et d’en réprimer les auteurs et commanditaires, les crimes de guerre étant une particularité des violations des droits de l’homme. Il s’y ajoute le fait que le Livre 2 du Code Pénal ivoirien relatif au Droit Pénal Spécial, Titre 1er, pose le principe de la compétence de la justice étatique ivoirienne pour châtier tout auteur, responsable ou complice de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre (dans les articles 137,138 et 139). A quoi rime ce jeu brouillon et suspect du génocidaire installé par la communauté internationale ? N’est-ce pas, là, la meilleure preuve a contrario qu’il n’ose pas, même en pensée, traduire le président Laurent Gbagbo devant la CPI ? Et pourquoi donc ? Selon l’article 17 du Statut, paragraphes 1a et 1c, « une affaire est jugée irrecevable par la Cour lorsque : a) l’affaire fait l’objet d’une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence en l’espèce, à moins que l’É-

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SarkOuattara, les pieds de plus en plus entortillés dans le tapis du DROIT tat n’ait la volonté ou soit dans l’incapacité de mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites ; c) la personne concernée a déjà été jugée pour le comportement faisant l’objet de la plainte , et qu’elle ne peut être jugée par la Cour en vertu de l’article 20 paragraphe 3 ». Human Rights Watch, Amnesty International et la Division des droits de l’homme de l’ONU ont fait état de crimes de guerre commis par les deux camps, dont le monde entier savait qu’ils étaient entrés en guerre suite au refus par Ouattara de la décision du Conseil Constitutionnel ivoirien de proclamer Gbagbo vainqueur, et non suite à la lecture hors-cadre et hors-délai par le seul président de la Commission Électorale nationale de résultats provisoires-définitifs donnant Ouattara vainqueur, puis la certification de ces résultats burlesques par le représentant du Secrétaire général de l’ONU. Deux camps étaient donc en face : les FDS, ex-FANCI, l’armée régulière du pays mise sur pied dès les premières années de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, d’une part, et la rébellion, d’autre part : le MPCI baptisé à Linas-Marcoussis en janvier 2003 FN par Chirac, puis rebaptisé FRCI le 17 Mars 2011 par ordonnance de Ouattara luimême qui avait nommé auparavant Guillaume Soro le 3 Décembre 2010 premier ministre et ministre de la défense. Comme le Procureur de la CPI ne peut rapporter la preuve que les crimes de guerre susvisés ont été commis par le seul camp de l’armée loyaliste, on voit d’ici à quoi a finalement abouti l’amateurisme marron du chouchou de la communauté internationale ! Gageons qu’il saura trouver les moyens de se soustraire aux poursuites en se débrouillant aussi, dans son propre intérêt, pour épargner son second couteau et ses cruels com zones… Mais vous n’êtes pas au bout de vos surprises ! Aux termes de l’article 5 du Statut de Rome, la Cour est compétente pour juger quatre principaux crimes : les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes d’agression. Or la CPI a exclu de son champ d’enquêtes et de poursuites en Côte d’Ivoire les crimes de génocide et les crimes d’agression. Pourtant les faits, les témoignages et les rapports d’enquête des Ong, des nombreuses personnes physiques et morales attestent qu’il y en a eu à profusion.

Même l’ONU, dans le rapport de son groupe d’experts en date du 27 Avril, a été formelle sur l’effectivité des crimes d’agression perpétrés par des États nommément visés : le BurkinaFaso, le Nigéria et le Sénégal, impliqués jusqu’au cou dans la guerre ! Il suffit de lire les paragraphes 109, 111 et 130 du rapport précité qui répertorient les véhicules militaires, forces étrangères et contingents présents pour s’en convaincre. Ou alors les révélations faites au cours de la réunion du 1er Mars 2011 par le ministre Patrick Achi à propos de l’aide militaire bilatérale de ces trois pays. Mais ces trois gouvernements voyous peuvent se frotter les mains dans la stricte mesure où l’exclusion de leurs odieux crimes d’agression du champ d’enquête a pour unique fondement la prescription de l’article 15-bis, paragraphe 5 : la Côte d’Ivoire n’est pas partie au Statut de Rome pour ne pas l’avoir ratifié ! Que dire en revanche des crimes de génocide ! L’article 6 les définit comme « l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux » et suit une longue liste des techniques au moyen desquelles les Dozos et chiens de guerre Frci de Ouattara-Soro ont rayé de la carte du globe des villes, villages et quartiers entiers sous le regard impassible et les hochements de tête des casques bleus de l’ONU et des bérets rouges de la force Licorne dont la complicité passive, comme au Rwanda, est indiscutable ! Aussi bien dans l’ouest ivoirien que dans les villes et villages de la boucle du cacao jusqu’aux quartiers populaires d’Abidjan foncièrement pro-Gbagbo, les responsables sont formellement désignés par les rescapés des massacres eux-mêmes, par l’ONU prise de remords pour avoir confondu « protéger les civils » et guerroyer à côté d’une rébellion qu’elle a transportée, équipée, soignée, armée et nourrie, par la Croix-Rouge internationale, par Caritas et Amnesty International dans un rapport exhaustif sur les événements de Duékoué le 29 Mars. Vous savez certainement qu’il existe un document appelé « Accord Négocié » qui régit les relations entre la CPI et l’ONU. Aux termes de cette convention, la Cour est placée sous la


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