Le Délit

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delitfrancais.com Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Le mardi 22 janvier 2013 | Volume 101 Numéro 12

Quelque chose depuis 1977


Volume 102 Numéro 12

Éditorial

Le seul journal francophone de l’Université McGill

rec@delitfrancais.com

Épelle-moi «confidence» Nicolas Quizua Le Délit Information au compte-gouttes cGill a démontré récemment qu’elle était réticente à permettre aux étudiants d’enquêter sur les affaires de l’université et qu’elle tournait le dos à la transparence. Le 7 décembre dernier, McGill a déposé une motion à la Commission d’accès à l’information du Québec (CAI) contre quatorze étudiants de McGill, ayant pour objet une requête pour ne pas tenir compte de plusieurs demandes d’accès à l’information (AI). La Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels a pour but de garantir la transparence et la responsabilité des instances publiques, y compris les universités comme McGill. Une mise en œuvre complète de la loi est nécessaire en ce sens. McGill demande, en anglais, de pouvoir «rejeter les futures demandes […] soumises par les répondants ou les étudiants de McGill ou des journalistes étudiants du McGill Daily et du Link ou par des personnes liées à McGilliLeaked ou par des personnes qui pourraient raisonnablement être liés à ces demandeurs». L’université invoque l’article 137.1 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Selon cet article, «La Commission peut autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives [...] ou d’une demande dont le traitement serait susceptible de nuire sérieusement aux activités de l’organisme». McGill affirme que les étudiants se sont servis de ces demandes afin d’engorger le système et de se venger de McGill suite à la grève étudiante en 2012. L’université cite les demandes grandissantes en guise de preuve. Selon un article publié sur le site internet de La Presse, «en 2011, le nombre de demandes était de 37; en 2012, il est passé à 170». La participation dans ce système de freins et contrepoids est non seulement un droit fondamental, mais il est de la responsabilité de la société civile de générer une demande pour plus d’information. De telle façon, plutôt que d’être accusés de sabotage, les étudiants et journalistes de McGill devraient être encouragés à déposer des demandes d’information et à utiliser les services mis à leur disposition. Les demandes d’information à l’Université McGill n’ont jamais été un processus très accessible et transparent. En demandant à rejeter les demandes d’AI, McGill tente de supprimer l’un des seuls moyens dont les journalistes et les étudiants disposent pour étudier le fonctionnement de leur université.

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The French connection L’Association des étudiants de l’Université McGill (AÉUM) organise une «semaine d’introduction au Québec». Ce que nous propose l’AÉUM semble être organisé en broche à foin. C’est seulement dans un anglais impeccable – ironique, pour une semaine francophone – que l’AÉUM nous fait la promotion de ce nouvel ajout au calendrier. On tient tout de même à nous rassurer: la traduction du site web est en cours. Quatre jours d’ici la fin de la semaine; le délai est bref. De plus, mis à part sa promotion, l’événement lui même se tiendra exclusivement en anglais en raison d’un manque de planification et des difficultés de communication de la part de l’exécutif de l’Association étudiante. «Pour être totalement honnête j’aurais dû y penser mais je suppose que je me disais que ces présentations allaient être pour des anglophones» expliqe Robin Reid-Fraser. Les seuls événements francophones qui devaient être organisés hier et aujourd’hui par la Commission des Affaires francophones (CAF) ont été annulés à cause de problèmes de communication. Emmanuelle Arpin, l’une des commissaires de la CAF, explique que, si les événements que la Commission devait organiser ont été annulés, c’est à cause «de timing; c’était un peu shortnotice». Reid-Fraser n’a jamais été en contact direct avec la CAF au cours de l’organisation et de la réalisation du projet. «Je pensais que Mike [Spedzja, le Vice-Président aux affaires événementielles,] s’en occupait; la CAF est sous sa responsabilité et il a accepté de s’en occuper» explique-t-elle. Côté timing, l’AÉUM a complètement négligé le fait que la CAF prépare la francofête, l’événemtent annuel le plus important pour l’organisation. «Si j’avais eu une conversation avec la CAF, j’aurai su que la Francofête approchait, ce que j’ignorai totalement avant leur courriel». Et short-notice, c’est peu dire; Le Délit a appris que la CAF ne connaissait pas sa participation à la semaine d’introduction au Québec jusqu’au moment de la promotion de celle-ci sur les réseaux sociaux de l’AÉUM. «Je vais encourager le renouvellement de cette idée dans le futur. Il faudrait qu’il y ait des traductions discrètes ou des événements en français ou bilingues. C’est tout à fait quelque chose que je n’ai pas considéré.» Cette semaine, l’AÉUM manque la Banquise. x

rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédacteur en chef rec@delitfrancais.com Nicolas Quiazua Actualités actualites@delitfrancais.com Secrétaires de rédaction Théo Bourgery Stéphanie Fillion Mathilde Michaud Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section Anselme Le Texier Secrétaire de rédaction Anne Pouzargues Société societe@delitfrancais.com Fanny Devaux Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Samuel Sigere Coordonnatrice visuel visuel@delitfrancais.com Lindsay P. Cameron Infographie infographie@delitfrancais.com Vacant Coordonnatrice de la correction correction@delitfrancais.com Myriam Lahmidi Coordonnateur Web web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Collaboration Cecile Amiot, Alexandra Appino Tabone, Sophie Blais, Camille Chabrol, Zoe Carlton, Margot Fortin, MarieCatherine-Gagnon, Lauriane Giroux, Camille Gris Roy, Laurence Lafortune, Annick Lavogiez, Maxence Leblond, Valérie Mathis, Alexandra Nadeau, Doriane Randria, Lilly Schwarzbaum Couverture Lindsay P. Cameron

bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Queen Arsem-O’Malley

Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Nicolas Quiazua, Sheehan Moore, Erin Hudson, Mike Lee-Murphy, Matthew Milne, Joan Moses, Farid Muttalib, Shannon Pauls, Boris Sheldov, Queen Arsem-O’Malley, Rebecca Katzman, Anselme Le Texier L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.

Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec). Le Délit est fondateur et ancien membre de la Canadian University Press (CUP) et membre fondateur du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

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L’éducation

DOSSIER

3e rencontre préparatoire Le ministre Pierre Duchesne souligne l’importance de faire des compromis. Camille Gris Roy Le Délit

L

es 17 et 18 janvier 2013, le ministère de l’Enseignement supérieur a organisé à Sherbrooke une rencontre sur le thème de la gouvernance et du financement des universités. Cet événement s’inscrivait dans le cadre d’une série de quatre rencontres thématiques, en préparation du Sommet sur l’enseignement supérieur qui aura lieu les 25 et 26 février prochains. «Pour l’instant, nous sommes encore en mode ‘échange’», a dit le ministre de l’Enseignement supérieur Pierre Duchesne dans son discours d’ouverture le soir du 17 janvier. «Il faut un ton qui ne soit plus celui de l’affrontement», a-t-il ajouté dans un point de presse. Le 17 janvier, Jacques L’Écuyer, consultant en gestion et assurance qualité des systèmes d’enseignement supérieur, a donné une conférence d’introduction au système de gouvernance des universités. La transparence est, selon lui, un des problèmes de la gouvernance actuelle. Jacques L’Écuyer s’est étonné, par exemple, du fait que les rapports annuels des universités – des documents publics, a-t-il rappelé - ne soient pas souvent affichés sur les sites Internet. M. l’Écuyer a également questionné la composition des instances de gouvernance et de l’indépendance de leurs membres. Hélène P. Tremblay, ancienne présidente du Conseil de la science et de la technologie et sous-ministre adjointe à l’Enseignement supérieur jusqu’en 2009, a ensuite introduit le sujet du financement. «Il est temps de faire vraiment l’évaluation d’investissement des ressources», a-t-elle déclaré. Le 18 janvier était une journée de débats. En fin d’après-midi, Pierre Noreau, vice-recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie et Grand témoin de cette rencontre, a proposé sa synthèse de l’événement. Les participants étaient invités à réagir au cours d’une table ronde. Pour ce qui est de la gouvernance, il y a consensus sur l’idée de créer un organisme-conseil pour aviser les instances de gouvernance. Mais selon Guy Breton, recteur de l’Université de Montréal, «avant de créer une autre patente, il faut travailler à ce qui existe déjà» et renforcer le rôle du ministère en tant qu’arbitre. Les participants à la rencontre sont d’accord sur la nécessité de clarifier le rôle des intervenants actuels de la gouvernance. Il y a cependant divergence sur le rôle et la proportion des membres. Certains ont également suggéré de créer une Charte de l’Université Québécoise. Le député et adjoint parlementaire à la jeunesse Léo BureauBlouin, dans son discours de clôture, a déclaré: «Une vision commune du milieu académique, pour préserver la

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liberté académique […] est une voie que nous devrions fouiller, investiguer». L’idée ne fait toutefois pas l’unanimité. En ce qui concerne le sous-financement des universités, il n’y a toujours pas de consensus. Louise Chabot, présidente de la Centrale des Syndicats du Québec (CSQ) a demandé à ce qu’il y ait des «données probantes» à ce sujet. À court terme, le ministère a selon elle «la capacité d’analyse et de contextualisation» pour obtenir ces données. «On constate quand même une chose: il y a des besoins qui ne sont pas comblés; cela est dû à un problème structurel», a dit Max Roy, président de la Fédération Québécoise des Professeures et Professeurs d’Université (FQPPU). À la question, soulevée par M. Noreau dans sa synthèse, de savoir si on peut déterminer une éventuelle limite au financement d’une université, Martine Desjardins, présidente de la Fédération Étudiante Universitaire du Québec (FEUQ) a répondu par un «non» catégorique: «La réponse va de soi! On ne peut jamais arrêter d’investir dans l’éducation». Plusieurs participants se sont entendus sur le fait que toutes ces discussions ne doivent pas porter uniquement sur le court-terme. Pour Denise Boucher, troisième vice-présidente de la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN), «il faut faire des projections sur plus d’une année». Il s’agit d’assurer la «stabilité», et d’éviter les «crises sociales tous les cinq ans», a dit le ministre. Le directeur du Collège Dawson, Richard Filion, appuyé par Éliane Laberge, présidente de la Fédération Étudiante Collégiale du Québec (FECQ), a par ailleurs rappelé l’importance des cégeps dans ces questions. «Il faut aussi considérer les collèges pour l’allocation des ressources». Les divergences sont toujours nombreuses. «On a quand même fait de bonnes avancées sur plusieurs points», a fait remarquer Éliane Laberge. «On se rend de plus en plus compte que c’est dans les détails qu’il est plus difficile d’avancer». Pour beaucoup, la question du sous-financement est une des questions sur lesquelles les acteurs doivent s’entendre au plus vite. «Si vous n’arrivez pas au sommet avec votre analyse sur le sous-financement ou non des universités, on va tourner en rond», a déclaré Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du Patronat du Québec (CPQ), s’adressant au Ministre. «Nous ne serons pas tous sur la même longueur d’onde, mais il faudra faire des compromis», a déclaré Pierre Duchesne dans son discours de clôture. «La question est: quel genre d’université voulons-nous au Québec?». La quatrième rencontre préparatoire, sur le thème de la contribution des universités et de la recherche au développement du Québec, se tiendra les 31 janvier et 1er février à Rimouski. x

Crédit photo: Gouvernement du Québec

Le Sommet de McGill À McGill aussi on veut porter notre voix au sommet Camille Gris Roy Le Délit

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cGill se prépare également au sommet depuis plusieurs mois. Les 3 et 4 décembre derniers, l’Association Étudiante des Cycles Supérieurs de l’Université McGill (AÉCSUM) organisait, avec l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM), son propre sommet sur l’éducation. «Nous voulions susciter des discussions franches et saines sur divers aspects controversés de l’enseignement supérieur, et je crois que nous avons réussi à cet égard. Les intervenants ont eu la chance de traiter des thèmes proposés avec nuance et doigté», expliquait alors au Délit Jonathan Mooney, président de l’AÉCSUM. Plusieurs rencontres, sur le financement, la recherche et l’enseignement, et autres thèmes, avaient réuni différents acteurs de l’université et de l’extérieur. Ce sommet mcgillois avait néanmoins enregistré un faible taux de participation. «Le timing n’était pas très bon [c’était la période d’examens de l’université]», confiait alors Robin Reid-Fraser, vice-présidente externe de l’AÉUM, une des organisatrices et participantes du sommet. Quel sera le rôle de McGill au som-

met provincial? Comme l’expliquait Mariève Isabel, membre de l’AECSUM et ancienne VP externe de l’AÉCSUM, dans un courriel au Délit: «McGill aura un siège pour un administrateur, la Principale. Il y aura aussi des sièges pour les étudiants, par les associations nationales, la FEUQ dans le cas de la ACCSUM». La Table de Concertation Étudiante du Québec (TaCEQ) représente l’AÉUM. Le 10 janvier dernier, au conseil législatif de l’AÉUM, Robin Reid-Fraser a proposé une motion pour organiser des états généraux en même temps que le sommet prévu par le gouvernement, à travers la TaCEQ. Cette motion a été reportée, pour permettre plus de recherches sur la question. L’AÉUM travaille toujours à préparer sa contribution au sommet. L’administration de McGill prépare également sa contribution. Dans un courriel à la communauté mcgilloise la semaine dernière, Olivier Marcil, viceprincipal (relations externes) a annoncé la création d’un site Internet «où [l’université brosse] un portrait de [sa] position sur différents sujets relatifs au sommet.» «L’Université McGill demande aux membres de sa collectivité de lui faire part de ses réflexions et commentaires […] les thèmes couverts par le sommet», écrit-il. x

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au Québec Couper court La Faculté des Arts de McGill fera le grand ménage des cours offerts Alexandra Nadeau Le Délit

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partir de septembre 2013, les étudiants de McGill verront leur choix de cours réduit: une centaine de cours de la Faculté des Arts ne seront plus offerts. C’est ce qu’a annoncé Christopher Manfredi, doyen de la Faculté des Arts, lors d’une rencontre des Comités de la Faculté mercredi le 16 janvier. Le choix des cours à supprimer sera laissé à la discrétion de chacun des départements de la faculté, mais les cours visés sont ceux présentant un faible taux d’enrôlement. Manfredi précise toutefois dans un courriel envoyé au Délit que les cours ne seront pas nécessairement supprimés, mais que certains seront offerts moins souvent. Les étudiants seront invités à s’inscrire davantage dans des cours ayant un grand nombre d’élèves, où le style conférencier serait favorisé à celui de séminaire. Pour les étudiants? La raison évoquée par Manfredi pour cette coupe est simple: répondre au désir des étudiants qui veulent davantage de professeurs engagés à temps plein et à long terme plutôt que des chargés de cours. Selon lui, ceci favoriserait «les contacts entre les professeurs et les étudiants». Cette diminution dans l’offre des cours vise aussi à dégager des fonds pour «augmenter le nombre d’auxiliaires à l’enseignement (TAs)». Ceux-ci aideront les professeurs à réaliser leurs tâches dans un contexte de salles de classe davantage remplies en raison du transfert des étudiants des cours moins populaires. Manfredi soutient que cette mesure améliorera le rapport étudiants/ auxiliaires d’enseignement. Cependant, plusieurs étudiants semblent s’opposer à cette décision. Selon Jimmy Gutman, étudiant à McGill et sénateur étudiant de la Faculté des Arts: «La plupart des chargés de cours ont un doctorat. Souvent, ils sont plus sociables et plus instruits que les professeurs engagés à temps plein. La plupart de ces derniers veulent faire de la recherche et détestent donner de grandes classes d’introduction». Gutman croit aussi «que les coupes auront un impact dramatique sur les étudiants et leur cheminement. Les gens qui veulent une expérience d’apprentissage plus intime et critique seront déçus. […] L’apprentissage fondé sur les discussions sera marginalisé dans des cours séminaires […] restreints à une fois par semaine, alors que les énormes classes, où les discussions sont presque impossibles, seront la norme. […] [McGill] est en train de sacrifier la qualité de l’éducation pour la rentabilité financière». McGill voulait depuis quelques temps jeter aux oubliettes les cours moins achalandés. Le Délit rapportait en octobre 2012 les propos d’Anthony C. Masi, doyen de l’université, selon

Illustration: Lily Schwarzbaum

qui McGill devait investir ses ressources vers les cours plus populaires (édition du 23 octobre, «Sénat de McGill»). C’est finalement au prochain semestre d’automne que ce souhait de l’administration se réalisera. Les coupes ne seraient pas reliées au déficit de McGill Dans une lettre adressée aux étudiants de McGill en décembre dernier, Heather Munroe-Blum, principale de l’université, déclarait que le déficit d’exploitation de l’institution prévu pour l’année fiscale 2013 se chiffrait à sept millions de dollars, soit un million de plus que l’année précédente. En réponse aux données financières 2011-2012 de l’université disponibles sur son site Internet, plusieurs étapes pour réduire les coûts de McGill sont énumérées. On note parmi elles des compressions budgétaires généralisées de 2,5% et des décalages d’augmentations salariales.

«On note parmi elles des com-

pressions budgétaires généralisées de 2,5% et des décalages d’augmentations salariales.»

McGill applique aussi la loi 100 du gouvernement du Québec comme toutes les universités de la province. Dans un courriel envoyé au Délit, le directeur des communications internes de McGill, Doug Sweet, explique que cette loi vise à réduire les coûts de l’université en réduisant le nombre d’employés de l’administration par attrition. «Cette loi, grosso modo, établit que si deux personnes décident de partir à la retraite ou de quitter leur emploi, seulement une d’entre elles peut être remplacée. Le but, clairement, est de réduire les dépenses gouvernementales pour faire face au déficit du Québec». Toutefois, selon le courriel de Manfredi envoyé au Délit, la suppression de cent cours de la Faculté des Arts n’est pas une méthode employée pour réduire le déficit auquel fait face l’université. Il soutient également que cette suppression n’a rien à voir avec les compressions d’une centaine de millions de dollars au budget total des universités québécoises annoncées par le gouvernement Marois en décembre dernier. Manfredi soutient que la coupe d’une centaine de cours de la Faculté des Arts est le résultat de consultations menées depuis 2010. Invitation Les étudiants de l’université sont invités à participer à une rencontre avec M. Manfredi mardi à 16 heures dans le «Arts Lounge» afin de lui poser des questions sur la coupe d’une centaine de cours de la Faculté des Arts. Le titre de la rencontre: «Plus d’auxiliaires à l’ensignement pour moins de cours? Le Doyen de la Faculté des Arts a quelque chose à dire». x

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Actualités

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CAMPUS

La souveraineté en question Ouverture de la semaine du Québec de l’AÉUM Stéphanie Fillion Le Délit

La semaine du Québec

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a semaine du Québec», organisée par l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM), a débuté hier soir, avec un débat sur la souveraineté de la province. Une trentaine de personnes se sont déplacées pour assister à la discussion, qui s’est terminée sans conclusion claire sur l’avenir de «La belle province». Le débat, organisé par l’Union des Débatteurs de McGill et l’AÉUM, se tenait sous le thème «Le Québec est-il une nation au sein du Canada?». Sarah Balakrishnan et David Ruden, jouant le rôle du gouvernement québécois, débattaient en faveur de l’indépendance: «Nous pensons qu’un autre référendum devrait être tenu parce que le Québec a une culture distincte et que le projet fédéral ne fonctionne pas», a argumenté Mme Balakrishnan. Les deux étudiants ont, entre autres, insisté sur la singularité de la langue et de l’histoire de la province canadienne. «L’histoire du Québec séparé du Canada découle de l’époque de la Nouvelle-France», rappelle-t-elle. La question des politiques extérieures et

Crédit photo: Linsay P, Cameron

des traités économiques est un autre argument présenté par les pro-souveraineté. Roger Smith et Patricia Johnson-Castle étaient, pour leur part, contre l’idée que le Québec devienne une nation souveraine au sein du Canada. «Nous souhaitons prouver que le Québec ne pourrait pas exister sans le Canada et que le Canada ne pourrait pas exister sans le Québec», a souligné Patricia JohnsonCastle. Les deux orateurs soutiennent que d’autres sociétés distinctes existent au sein du Canada et qu’elles ont besoin du Québec pour protéger leurs droits. «Le fait que quelqu’un parle une autre langue ne signifie pas qu’il n’ait pas sa place au sein du Canada», avance Roger Smith. M. Smith a aussi expliqué qu’un Québec

La discussion, longue d’environ 60 minutes, s’est conclue par un vote, qui n’ont pas déclaré de réel gagnant, avec un grand nombre de votes nuls. Le débat sur la souveraineté ouvrait le bal à la semaine québécoise de l’Université McGill, une première de

l’AÉUM. «J’espère que ça deviendra une tradition, mais le comité de première année semble intéressé à réorganiser l’événement», s’enthousiasme Robin Reid Fraser, vice-présidente des affaires extérieures de l’association. Mme Reid Fraser dit avoir décidé d’organiser l’événement en voyant l’intérêt des étudiants pour certains enjeux québécois et le peu de connaissance de ceux-ci. «C’est une honte que les étudiants aient si peu de connaissance sur la province dans laquelle ils étudient», souligne-telle. La vice-présidente des affaires externes de l’AÉUM dit avoir d’autres projets en lien avec le Québec, entre autres un échange linguistique entre les étudiants de l’Université McGill et ceux de l’Université du Québec a Montréal. x

budget des Services aux Étudiants. Le débat reposait sur le fait qu’une somme de 80 000 dollarss disparaitrait alors du budget distribué aux aides aux élèves handicapés ou en situations difficiles. Après une longue discussion, la motion fut rejetée à majorité «pour de simples raisons éthiques». Le conseil a ensuite discuté des raisons (spéculatives) du départ de la trésorière de l’association. Selon le secrétaire général, Jonathan Mooney, les relations avec les autres membres du comité étaient «frustrantes» mais d’autres explications ont été mises de l’avant. Une élection

aura lieu le 20 février prochain. Quant au nouveau protocole étudiant, officialisé dans les prochaines semaines, il n’a attiré aucun intérêt de la part des thésards, qui ont remis le vote de la motion ad vitam aeternam. Au cours du conseil, des annonces ont été faîtes quant aux prochains événements : ainsi y aura-t-il un groupe de discussions sur le mouvement «Idle No More» le 25 Janvier à la Thompson House, et de plus, le 11 février prochain se tiendra une rencontre avec les membres du Conseil d’Administration de McGill. x

indépendant ne serait pas viable économiquement, puisque la plupart des programmes sociaux du Québec seraient financés par la péréquation provenant des autres provinces canadiennes.

«Nous

souhaitons prouver que le Québec ne pourrait pas exister sans le Canada et que le Canada ne pourrait pas exister sans le Québec»

BRÈVE/CAMPUS

Réunion de l’AÉCSUM Théo Bourgery Le Délit

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’est la première fois en 2013 que se retrouvent tous les membres de l’Association Étudiante des Cycles Supérieurs de l’Université McGill (AÉCSUM). Elle est constituée de tous les étudiants de deuxième et troisième cycles. La rencontre a commencé avec la présentation d’une motion de dernière minute: celle concernant le référendum d’existence de la Daily Production Society (DPS). N’ayant pu être donnée à temps aux organisateurs, soit deux jours avant la réunion, elle ne fut pas traitée. Le responsable des affaires

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internes de l’association, Mr Michael Krause a justifié cette décision par le fait qu’elle n’avait pas été soumise «à temps et de la bonne façon». Après le vote rapide de plusieurs motions se rapportant spécifiquement à l’AÉCSUM, le débat sur le rôle du Social Equity and Diversity Education (SEDE) Office eut lieu. Cette organisation, qui cherche à maintenir «un campus respectueux [et] varié», souffre de problèmes financiers. Pour rester à flot, elle demande l’accord des élèves pour recevoir une partie de l’argent du

La semaine du Québec a débuté lundi dernier et continuera jusqu’au 26 janvier prochain. Plusieurs activités sont organisées, sous forme de débat, présentation ou soirée. Une présentation sur l’histoire de la communauté noire de Montréal aura lieu le mardi 22 janvier. Le lendemain, la question des premières nations au Québec sera abordée, suivie par un atelier sur la grève étudiante du printemps dernier. Robin Reid Fraser n’a aucune attente par rapport à la participation: «Je ne sais pas quel atelier attirera le plus de monde, ça dépendra vraiment des intérêts des gens», précise-t-elle. La soirée de jeudi sera consacrée aux lois linguistiques uniques à la province suivie par une soirée musicale québécoise. La dernière soirée, celle de vendredi, se résumera à une présentation sur les différentes visions de l’histoire du pays entre le Canada anglais et le Québec ainsi que la manière dont ces différences sont liées à l’identité québécoise. Enfin, la semaine se terminera par une tournée des restaurants servant de la poutine autour du campus de l’Université McGill. x

BRÈVE/CAMPUS

AG de Queer McGill Mathilde Michaud Le Délit

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lors que les étudiants s’étaient positionnés sur des enjeux externes au campus lors de leur assemblée générale d’automne, ils ont cette fois proposé des motions qui touche directement les étudiants mcGillois. Mona Luxion a ouvert l’assemblée en proposant une motion en faveur de la création d’un étage dans les résidences d’un «espace sécuritaire» pour les étudiants queer et transsexuels. Bien que la majorité des étudiants présents soient intervenus en faveur de la motion, certains, comme Maggie Eochaidh, ont soulevé leur inquiétude quant à la séparation qu’un tel espace pourrait créer. La crainte que la création de cet espace réduise les efforts pour créer un espace sécuritaire dans l’ensemble des résidences a aussi été soulevée, mais Aliénor LemieuxCumberlege s’est empressée de préciser que ces efforts ne seraient en aucun cas avortés. Il faut préciser que les étudiants queer et trans ne seraient en aucun cas forcés à s’installer sur cet étage s’ils ne le souhaitent pas. La motion a finalement été adoptée à majorité avec une seule abstention. L’assemblée a ensuite procédé à l’amendement de l’article III de la constitution du comité qui stipule sur l’adhésion au comité et la capacité de poser sa candidature pour en devenir administrateur. Alors qu’auparavant seul les membres de l’AÉUM (Association Étudiante de l’Université McGill) avaient ce droit, l’amendement y ajoute notamment les étudiants du campus Macdonald et de l’AÉCSUM (Association Étudiante des Cycles Supérieurs de l’Université McGill) ainsi que les étudiants en médecine, droit et dentisterie. L’amendement à été adopté à l’unanimité. Une motion a par la suite été acceptée sans opposition pour permettre à Queer McGill de faire des donations aux groupes et organisations qu’il supporte. Finalement, Queer McGill a voté unanimement en faveur du «oui» lors du référendum sur l’existence de la société de publication du Daily, et cela publiquement, et par le support de la liste de diffusion. Pour conclure l’assemblée, les participants ont procédé à l’élection d’un nouvel administrateur. Trois candidats se sont présentés: Sasha Wilims, Nicholas Chapman et Farnaz Abbasi. Après une courte présentation et des réponses aux questions des membres, l’assemblée est passée au vote qui s’est déroulé par bulletin secret. C’est Sasha Wilims qui l’a emporté. x x le délit · le mardi 22 janvier 2013 · delitfrancais.com


ENVIRONNEMENT

Sables bitumineux: la sirène d’alarme est tirée Les étudiants montréalais s’opposent au projet Trailbreaker. Marie-Catherine Gagnon

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es centaines d’étudiants et d’activistes se rencontraient le 19 janvier dernier à l’Université Concordia, à Montréal, dans le cadre du forum communautaire «Les sables bitumineux arrivent au Québec». Plusieurs organismes et étudiants de l’Université McGill participaient aux activités. L’entreprise canadienne Enbridge, dont le siège social est à Calgary, prévoit depuis plusieurs années de faire passer le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta par le Québec, jusqu’en Nouvelle-Angleterre. L’imminence de la réalisation de ce projet pétrolier en alarme plusieurs. C’est donc afin de trouver des alternatives éco-responsables au projet et de mobiliser le public que l’organisme Justice Climatique Montréal proposait samedi dernier plusieurs présentations portant sur les conséquences de l’exploitation de cette ressource, ainsi que sur l’action citoyenne. Nessa Ghassemi, organisatrice du forum de samedi dernier, est étudiante en environnement et en anthropologie à l’Université McGill. En plus de travailler avec l’organisme Justice Climatique Montréal,

elle tente de sensibiliser les membres de la communauté mcgilloise, par l’entremise de Divest McGill, organisme étudiant luttant pour que l’Université McGill cesse d’investir dans les compagnies de combustibles fossiles et celles impliquées dans la réalisation du Plan Nord. «La mission de Divest McGill est de présenter des [rapports informatifs] à un comité en charge de réviser les investissements de McGill dans les compagnies pétrolières. Le groupe travaille présentement avec Fossil Free Canada [un partenariat entre 350 organismes et la Canadian Youth Climate Coalition, pour soutenir le désinvestissement des industries exploitant les combustibles fossiles] pour écrire un rapport sur les injustices sociales liées aux sables bitumineux», souligne Mme Ghassemi dans une entrevue avec Le Délit. Les citoyens ont joint leur voix à celles de militants du milieu environnemental, notamment Steven Guilbeault, cofondateur de l’organisme montréalais Équiterre. La conférence présentée par M. Guilbeault traitait des impacts du passage des oléoducs sur le territoire québécois, principalement dans une mégalopole comme Montréal, qui serait directement affectée par le projet proposé

par Enbridge. Équiterre soulignait aussi l’importance d’inclure les citoyens québécois dans les négociations entre les gouvernements et la compagnie, puisque ce sont eux qui sont touchés par les conséquences sociales, économiques et écologiques du projet d’oléoducs. On voit d’ailleurs que le mouvement s’organise et que les Québécois sont de plus en plus concernés par les problématiques environnementales. Une autre étudiante de McGill était présente, Alejandra Zaga, dont la mission pour la journée était de présenter un atelier intitulé «Et si nous n’avions pas besoin des oléoducs?» Étudiante en science agro-environnementale, elle se concentre surtout sur l’impact énergétique et écologique relié à la surexploitation des sables bitumineux. «Je me qualifie comme une militante pour la justice climatique et écologique. Je trouve important d’apporter ce genre de discussions au Québec, parce que c’est un discours qui paraît peut-être plus anglophone pour certains, mais qui doit inspirer la mouvance internationale», explique Alejandra Zaga au Délit. L’étudiante a également mis de l’avant l’importance de la mobilisation citoyenne autour d’un

Crédit photo: Cecile Amiot

questionnement collectif. «En tant que citoyens d’Amérique du Nord, [la justice climatique] est au cœur de notre économie. Je sens déjà que les Québécois et Québécoises sont très conscients des enjeux socio-économiques liés à une énergie qui est sale, comme les sables bitumineux. Il faut voir qu’il y a d’autres options de développement qui s’offrent à nous», dit Mme Zaga. Le forum communautaire ouvre une semaine de mobilisation contre les sables bitumineux à travers le Québec, l’Ontario et la Nouvelle-Angleterre. Plusieurs mouvements, dont Tar Sands Free Northeast et Idle No More, uniront leurs voix dans

la lutte contre les sables bitumineux et le projet d’oléoducs entre le Canada et les ÉtatsUnis. Katie Wheatley, étudiante au collège Dawson à Montréal, résume bien le mouvement environnemental étudiant qui prend, selon elle, de plus en plus d’ampleur: «On nous dit souvent que c’est la bataille de notre génération, que c’est la question la plus importante parce que ça nous affecte directement. Il est donc essentiel pour les jeunes de s’impliquer et de s’informer. Nous devons lutter pour cette cause. Nous représentons le futur, nous devons faire entendre nos voix». x

faisait partie du défunt projet de protocole, dépendait de critères tellement vagues et inédits qu’à peu près n’importe quelle action pacifique aurait été susceptible d’y contrevenir. Ainsi, un groupe d’étudiants souhaitant faire connaître son mécontentement n’aurait pu y arriver sans vivre dans la crainte d’être réprimandé, puni ou même expulsé du campus par des policiers appelés en catastrophe par un employé zélé. Essentiellement, McGill ne proposait aucune solution susceptible de rétablir les ponts entre son administration et ses étudiants, choisissant plutôt de mettre en avant une stratégie qui réduisait le sentiment de sécurité de ceux qui ont quelque chose à revendiquer plutôt que le contraire. Ayant toujours les événements traumatisants du 10 novembre 2011 fraîchement à l’esprit, les étudiants réclamaient pourtant spécifiquement le droit de manifester sans risquer d’être accueillis sur le campus de leur institu-

tion scolaire sous une pluie de coups de matraque et de poivre de Cayenne. Plutôt que d’amender son propre protocole en fonction des critiques les plus fréquemment exprimées par les membres de la communauté universitaire qui ont pris part aux consultations, l’Université préfère carrément changer de formule. Sans s’en réjouir trop rapidement, ce nouveau développement constitue au moins une victoire provisoire pour les groupes de défense des droits et libertés qui se sont prononcés contre le protocole tel que l’Association canadienne des libertés civiles, mais encore davantage pour les étudiants de l’Université McGill qui ont pris le temps de se pencher sur la question et de participer au processus de consultation. Bref, il s’agit d’un grand jour pour tous ceux qui sont déterminés à faire en sorte que l’Université ne devienne jamais un lieu où la liberté d’expression se négocie. x

CHRONIQUE

Le protocole aux oubliettes Margot Fortin | Chronique accidentelle

L’administration de l’Université s’attendait certainement à susciter une importante levée de bouclier lors de la présentation, en novembre dernier, de son «avant-projet de protocole sur les réunions pacifiques sur le campus». Or, devant la pression exercée à la fois par des membres de la communauté étudiante et par des organismes voués à la défense des droits et libertés, les membres de l’administration ont choisi de prolonger leur exercice de consultation concernant les mesures à pren-

dre pour prévenir les perturbations sur le campus jusqu’au 8 mars 2013, plutôt que de s’en tenir à l’échéance du 7 janvier dernier. Dans une volte-face pour le moins inattendu, le vice-principal administration et finances Michael Di Grappa et le vice-principal exécutif Anthony C. Masi ont aussi laissé savoir que l’administration considère maintenant qu’un protocole constitue un outil trop rigide pour faire face à des événements particuliers comme des manifestations et qu’elle préfère conséquemment s’en tenir à un «énoncé de valeurs et de principes sur la liberté d’expression et la tenue d’assemblées pacifiques». Le protocole sur les réunions pacifiques qui avait été placé à l’ordre du jour du Sénat dans la foulée de l’occupation du bâtiment James en février dernier laissait place à une bonne dose d’arbitraire dans la détermination de ce qui constitue une manifestation non pacifique. Dans les faits,

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la nouvelle définition établie par le protocole était nettement plus large que celle qui existait déjà dans le Code de conduite des étudiants. Celle-ci avait tendance à faciliter le recours aux forces de l’ordre pour mettre fin à une manifestation trop longue ou trop bruyante. Il est plutôt curieux qu’il ait fallu plusieurs mois de tractations pour en arriver à une conclusion qui s’imposait pourtant d’elle-même, soit l’inutilité d’un protocole de procédures dans de telles circonstances. Comme l’Université McGill disposait déjà de tous les outils nécessaires pour faire face à une manifestation, le protocole ne servait finalement plus qu’à restreindre la définition de ce qui constitue une «réunion pacifique», offrant ainsi beaucoup plus de latitude aux personnes mandatées pour mettre fin à des événements dits «perturbateurs». En effet, la définition de ce qui n’est pas acceptable dans le cadre d’une manifestation, qui

Actualités

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OPINION

Les jeunes prennent la relève Un nouveau groupe politique, Génération Nationale, voit le jour. Théo Bourgery Le Délit ’éducation populaire chez les jeunes»; voilà le but du nouvel organisme politique souverainiste Génération Nationale, qui a officiellement vu le jour le 18 janvier dernier. Un but que prône le président Simon-Pierre Savard-Tremblay qui, du haut de ses 24 ans, s’exprime déjà comme un vrai politicien. Sûr de ses convictions, il avance clairement les idéaux qui seront ceux de son groupe dans les années à venir. La souveraineté, ou un Québec indépendant, qui romprait «[avec] la dynamique d’un état incomplet […] qui rapetisse [le peuple] de jour en jour». Un rejet du multiculturalisme qui, selon lui, provoque «l’acceptation de pratiques obscurantistes». Enfin un retour à une éducation «classique», alors que l’élève est aujourd’hui plongé dans «un individualisme étroit et obtus portant atteinte à sa capacité de jugement», selon le site officiel du parti.

À commencer par Bernard Landry, premier ministre québécois de 2001 à 2005. Une fois sur le podium, toutes les oreilles se dressent et les applaudissements ne manquent pas. Le message, si bien dit, est clair: «Lorsqu’une nation peut être libre, elle a le devoir de l’être»; et c’est aux jeunes de se retrousser les manches. Ainsi conclut-il de façon solennelle: «[La souveraineté] ce n’est même pas du nationalisme. C’est de l’humanisme». Puis vient le tour de Djemila Benhabib, sujet de controverse au sein de la scène politique québécoise. Peu importe ses origines mi-algériennes, mi-chypriotes: elle se considère sans retenue comme Québécoise. Candidate à Trois-Rivières lors des élections générales de 2012, elle est victime de commentaires xénophobes venant du maire de la ville de Saguenay, Jean Tremblay. Pour Génération Nationale, il n’y a pas de doute: c’est la raison principale de son échec. Depuis, elle est une icône pour tout nationaliste, exemple d’un Québec multiethnique… pas multiculturel!

Question d’humanisme Le but de cette rencontre, d’après un membre fondateur du groupe voulant rester anonyme, c’est avant tout d’être sûr que «tout le monde vise les mêmes idéaux» et d’éviter toute confusion. Pour cela, plusieurs invités se sont succédés au micro pendant plus d’une heure.

Et les jeunes alors? Le 82 Sherbrooke Ouest est rempli à bloc et les discussions vont bon train. Armés d’une bière d’une main et de chips de l’autre, jeunes comme vieux parlent des prodiges et ratés du parti au pouvoir, le Parti Québécois (PQ) ainsi que des problèmes de société qui ne seront réglés

«L

«qu’une fois l’indépendance accomplie». À croire que le conservatisme chez les jeunes Québécois devient une nouvelle vague. Encore sous le choc de l’inaptitude, à leurs yeux, de l’ancien gouvernement libéral, beaucoup d’étudiants universitaires et de jeunes entrepreneurs semblent avoir décidé de prendre leur avenir politique en main. C’est peut–être la raison pour laquelle

un élève de l’Université de Montréal (UdeM) est là ce soir, ayant entendu parler de Génération Nationale pour la première fois plus tôt dans la journée. Pour lui, «les gens commencent à se mettre ensemble. […] Tous se soudent pour aller de l’avant». Seul hic: la souveraineté n’est pas encore, à ses yeux, la réponse la plus adéquate aux problèmes du Québec. x

Crédit photo: Camille Chabrol

POLITIQUE QUÉBÉCOISE

Course à la chefferie libérale Le Parti Libéral du Québec est à la recherche d’un nouveau chef Sophie Blais Le Délit

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n débat opposant les trois candidats à la succession de Jean Charest à la tête du Parti Libéral a eu lieu dimanche dernier, le 20 janvier. Depuis la démission de Jean Charest après la défaite du PLQ aux dernières élections, le plus vieux parti du Québec est à la recherche d’un nouveau chef. L’ancien Premier ministre a occupé ce poste pendant quatorze ans au cours desquels il a dirigé le gouvernement provincial durant trois mandats consécutifs, de 2003 à 2012. Jusqu’à présent, le PLQ est le seul parti au Québec ayant en tout temps soit formé le gouvernement provincial, soit son opposition officielle. La manière dont celui-ci va rebondir suite à l’échec de septembre attire donc naturellement une grande attention de la part des médias et du public. Le débat qui s’est déroulé ce dimanche à Québec est le deuxième d’une série de cinq, et visait à répondre à la question: «Comment mieux gouverner?». Les trois candidats toujours dans la course, Raymond Bachand, Pierre Moreau et Philippe Couillard, ont dû répondre à des questions portant sur de nombreux sujets, allant de thématiques traditionnelles comme le fédéralisme et l’avenir du Québec à d’autres qu’on peut juger plus conjecturelles, tels la

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Commission Charbonneau ou le code d’éthique du PLQ. Des questions plus personnelles ont été adressées aux trois hommes, comme «Est-ce que vous êtes intègre?» ou «Est-ce qu’on peut vous faire confiance?», signalant une crise de confiance des citoyens face à la classe politique. L’animatrice a ensuite demandé aux candidats comment ils comptaient renverser «la tendance de désabusement ancrée au Québec depuis plusieurs années». Sur ce sujet, les candidats se sont accordés sur la nécessité de la création d’un code d’éthique pour le parti. Tout au long du débat, l’image ternie du PLQ, notamment en raison des nombreuses crises vécues sous le gouvernement de Jean Charest s’est faite sentir comme étant un enjeu important dans la course à la chefferie. Le fédéralisme était également un thème clef du débat. Dans son introduction, Raymond Bachand a souligné que le PLQ était le seul parti de la province prônant l’appartenance au Canada. Selon Philippe Couillard, «il n’y a pas de choc de valeur irrémédiable entre le Québec et le Canada», argumentant ainsi en faveur du fédéralisme. Pierre Moreau, lui, a mentionné les exemples de la Suisse et de l’Allemagne pour illustrer les bienfaits de ce système politique. De plus, les trois prétendants ont insisté sur l’importance de promouvoir

et de défendre les intérêts du Québec au sein du Canada. La question nationale n’a donc pas été source de division entre les trois politiciens, qui se positionnent similairement face à cet enjeu récurrent de la scène politique québécoise. Les trois prétendants au titre ne sont pas des étrangers de la politique québécoise, ayant tous les trois occupé des postes de ministre auparavant. Raymond Bachand, ex-ministre des Finances, Pierre Moreau, ex-ministre des Transports et Philippe Couillard, ex-ministre de la Santé, sont des figures

connues des partisans libéraux québécois. Ce dernier est le seul à ne pas avoir fait partie du gouvernement Charest des quatre dernières années. Il s’agit sans doute là d’une position avantageuse pour Philippe Couillard qui échappe ainsi à l’image négative dont souffrent les politiciens associés au précédent Premier ministre. Il reste encore 3 débats en attendant le Congrès à la chefferie des 16 et 17 mars, lors duquel 3 000 délégués libéraux choisiront le successeur de Jean Charest. x

Crédit photo: Lindsay P. Cameron

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OPINION

Réflexions depuis une tribune Fanny Devaux Le Délit

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u cours de mon adaptation à la vie canadienne, je ne pus échapper à une «game» de hockey. «Sport national»; un «incontournable». Ainsi soit-il. Si j’étais déjà septique à l’entrée dans l’arène, j’en ressortie surprise. Des joueurs qui entrent au travers de flammes. Comble de l’ironie nord-américaine. Des flammes sur une patinoire. Ils ont du le faire exprès. Un par un, nommés, glorifiés. Plus impressionnant que Johny Halliday à l’Olympia c’est sûr. L’équipe adverse entre, d’un seul bloc. Sûrement pour écourter les huées qui retentissent. On se justifie: «Une rivalité

historique». Les Canadiens et les Maples Leafs sont «comme ça», ils ne se «supportent pas». Pour des équipes qui affichent de très fréquentes «acquisitions» ou «départs», la raison de la haine interprovinciale au niveau de la Ligue Nationale de Hockey (LNH) est clairement une projection du ressentiment des fans et non des joueurs eux-mêmes. Mais ceux-ci entrent dans «le jeu». Est-ce la pression? Des consignes? Ou simplement de la haine? En tout cas, il paraît que chaque occasion est bonne pour s’en prendre physiquement à l’adversaire. Les joueurs se battent à mains nues, enlèvent leur casque pour avoir un accès direct à la peau. Les arbitres les laissent faire. Un moment de

télévision plus qu’une rivalité historique... Non, le match ne se joue clairement pas sur la glace. On voudrait dire qu’il se joue au creux de chacun, de tous les Canadiens que le hockey prend aux tripes. Malheureusement, il se joue surtout au-delà même des tribunes, dans des salles aux bureaux ronds par des hommes en costume-cravates. Chapeau bas à la LNH qui a réussit à démarrer sa saison de façon fantastique! Le blocage de la saison jusqu’à il y a quelques jours à fait augmenter l’excitation des fans: non seulement tous les fans ont dû patienter pendant de longues semaines que la saison commence, mais grâce au «retard» accumulé, la manipulation de la programation des

matchs permet d’avoir plus de parties mettant en confrontation des «ennemis jurés». Donc, plus d’argent. Le sport qui rend fous les Canadiens ne serait-il que des coups et des billets? Le hockey n’est malheureusement pas le seul sport où la violence est banalisée et mise en scène. Le 8 octobre dernier, un match de football opposant l’équipe des Chefs de la ville de Kansas aux Corbeaux de Baltimore est devenu tristement célèbre. Après une chute particulièrement impressionnante qui mit à terre un des joueurs, Matt Cassel, une clameur retentit du stade de 70 000 spectateurs. Peu importe la qualité du joueur à terre, c’est avant tout un homme, blessé. C’est ce qu’a voulu rappeler Eric Winston, l’un

de ses coéquipiers. Aux micros de toutes les agences de presse présentes, il s’insurge: «Nous ne sommes pas des gladiateurs et nous ne sommes pas au Colisée romain. Le football est un jeu». Winston ajoute: «Si vous êtes un de ceux qui ont crié de joie, ou même sourit, c’est dégoutant». À notre époque,dans la bulle du «politiquement correct» et des mots bien choisis, la violence n’est pas condamnée. La séparation qui existe entre la vie réelle et la vie fictive est-elle la réflexion d’un besoin de violence de notre société qui ne date pas d’hier? Sommes nous aussi sanguinaires et avides de violence que nos ancètres si décriés? Le Centre Bell est peutêtre le nouveau Colisée alors : Bon Spectacle! x

de 2001 à 2007 de l’Agence Mondiale d’Anti dopage basée à Montréal, ne se leurrait pas dans son ancien travail quand il a dit au journal français Le Monde en janvier 2004 «que tout le public sait que les cyclistes du Tour de France et les autres sont dopés». Pour combattre, ce que Lance Armstrong appelle une «culture», M. Pound a instauré des contrôles sportifs plus fréquents, plus rigoureux et a appelé à des sanctions plus sévères dans tous les sports. Un effort dans la bonne direction, certes, mais bon à rien, ça n’empêchera jamais qui que ce soit de tricher et de se doper. Et, dans les sports, comme le

cyclisme, ou le dopage est plus commun que dans d’autres – enfin, c’est ce qu’il semble – je propose de légaliser le dopage et de réserver les compétitions «aux meilleurs des dopés». Tout le monde y gagnerait vraiment - les femmes auraient la chance de voir de beaux mecs bien musclés suer sur un vélo, les gars verraient du sport, du vrai de vrai, et les sportifs pourraient finalement prendre autant de drogues qu’ils veulent pour améliorer leur performance… Après tout, la vie idéale américaine n’est qu’un mythe et rien n’est réel… pourquoi pas le sport? x

OPINION

Le Tour des Dopés Samuel Sigere Le Délit

J

’avais les larmes au yeux en écoutant les confessions de Lance Armstrong le jeudi 17 janvier. Il n’y a rien de plus beau, de plus pathétique, qu’un grand sportif qui décide de dire la vérité après des années de soupçons, de déni, de menaces et de procédures judiciaires. Personnellement, cet aveu je ne l’avais vraiment pas vu venir. Entre les contrôles positifs depuis 1999 dévoilés dans un article de L’Équipe en 2005, les procédures judiciaires sans fin de l’Agence de dopage des État-Unis contre Armstrong, et

de la décision par la Fédération française de cyclisme en août dernier d’enlever à Armstrong ses sept victoires du Tour de France, je pensais sincèrement que tout allait bien, que c’était la trajectoire normale d’un sportif de haut niveau. Difficile de me blâmer, tellement d’autres athlètes ont pris cette voie! Comme des milliers de personnes moi aussi j’ai vraiment cru au mythe Armstrong. Cette belle histoire ou un jeune sportif survit à un cancer du testicule, pour ensuite gagner, sans se doper, sept Tours de France. La gloire, le succès, la belle petite famille: c’est tellement

beau, c’est digne d’Hollywood, digne des grandes séries télé de ma jeunesse, comme Amour, gloire et beauté. Donc quand Armstrong a répondu d’un oui franc aux questions d’Oprah portant sur le dopage et quand il a répondu que «tout [était] juste une vie idéal mythique et que rien n’était vrai», je sentais ma conviction dans le rêve américain raffermi. Le travail et le dépassement de soi, seuls, menaient vraiment au succès et à la réussite. Dieu merci, alors, que les agences anti-dopage existent! Richard W. Pound, l’ancien chancelier de McGill de 1999 à 2009 et l’ancien directeur

SPORT

À la découverte du handball Un sport méconnu en Amérique du Nord Maxence Leblond

L

e handball, prononcé hand-balle de par son origine germanique, est un sport collectif qui se pratique en salle et lors duquel deux équipes de sept joueurs s’affrontent. Ce sport dont les règles modernes furent inventées au Danemark, peut être vu comme un mélange entre le basketball et le soccer. Pratiqué à la main, l’objectif est de marquer plus de buts que l’adversaire. Ce sport fut introduit de manière brève aux Jeux Olympiques de 1936, à Berlin, avant d’être réintroduit de façon permanente en 1972, à l’occasion des Jeux de Munich.

Le Championnat du Monde Du 11 au 27 janvier se dispute le Championnat du Monde de Handball masculin en Espagne. Des 24 équipes internationales représentées, 14 sont en provenance de l’Europe. La France fait figure de grande favorite, ayant gagné les deux dernières éditions de cette compétition ainsi que les deux derniers Jeux Olympiques. Ni Canada ni États-Unis Deux nations brillent par leur absence: le Canada et les États-Unis. En effet, aucune équipe nord-américaine n’a remporté cette compétition. Le continent américain est donc représenté par le Brésil, l’Argentine

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et le Chili. De plus, il est intéressant de constater que le Canada ne compte qu’à peine 5 000 membres, tandis que la France recense 500 000 joueurs. De ce fait, le handball est le deuxième sport collectif le plus populaire dans le pays. Les États-Unis ne comptent quant à eux qu’entre 20 et 40 équipes qui ne participent à des compétitions que de manière sporadique. Les raisons de ce désintérêt Le handball est un sport de contact qui requiert d’importants gabarits physiques. Le problème devient alors culturel. Au Canada, un joueur athlétique

aura tendance à se diriger vers le hockey sur glace, le «sport national». En effet, , le Canada compte 617 107 joueurs de hockey selon une étude menée par la Fédération Nationale du Hockey sur Glace en décembre 2012. Cette explication culturelle se retrouve aux États-Unis où il semble bien plus bénéfique de s’inscrire dans une équipe de football américain. Ce sport reste le plus populaire du pays, notamment à travers la Ligue Nationale de Football et les nombreuses équipes universitaires. Ainsi, un jeune joueur peut rêver d’obtenir une bourse sportive afin de poursuivre ses études, voire même d’évoluer dans la LNF.

Il s’agit cependant d’un cercle vicieux. Le manque de licenciés ne permet pas une réelle structuration du sport. C’est ainsi que le handball au Canada survit au travers de dons privés. Malgré l’existence d’une sélection nationale, l’amateurisme de la fédération et des joueurs ne permet pas un financement complet. Lors du Mondial Junior de 2011, disputé en Grèce, les joueurs ont dû prendre en charge la facture eux-mêmes – soit environ 10 000 dollars chacun. Le handball n’est pas présent dans les médias nord-américains et tant que la situation ne changera pas, le sport ne pourra exister. x

Société

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, ,

L’abste

SocietE societe@delitfrancais.com

Pas besoin d’etre revolutionn Au Québec, de puis près d’une vingtaine d’anné es, le taux de pa rticipation lors des élections fédérale s, provinciales, mun icipales et scolair es a connu une di minution constan te. En 2008, il a m ême atteint le pl us bas niveau des so ixante-dix dernièr es années, soit 57,4 3% de participati on. Deux seules ex ceptions confirm ent la règle: le référen dum de 1995 et les élections provincia les de 2012. Qu’es tce qui explique la tendance abste ntionniste que se mblent prendre les électeurs québéc ois?

isane, l’intéPlus encore que l’affiliation part ois béc qué me» d rôle dans la utis gran n-fo un i m’e Le «jee joue auss élections pro- rêt pour la politiqu urnes. Si la aux r ente prés Voyant le taux de participation aux se de r s se volonté de l’électeu gue tolo poli les ent, uem qu’en plus atiq et, vinciales chuter dram éresse en aucun cas nir les cau- vie politique ne l’int défi de afin n e n’arristio que pagn la cam sur la nt sont penchés enjeux discutés dura ont déduit que près de cela, les en Ils fortes l. de a tora y il élec êt ent, ntér ellem dési onn du ses vent pas à le toucher pers tif ifica sign act imp un fait, ent De avai nt. ntéresse définitiveme d’une dizaine de facteurs au bureau chances qu’il s’en dési r ente prés se parà à s t teur ulan élec stim des fort sur la volonté la nature des enjeux peut être un lors de vote. politique comme nous l’avons vu de scolarisation ticiper à la vie de lors et 5 199 de é inet vera Il a été démontré qu’un fort taux sou la n aux du référendum sur atio icip part de ps taux tem fort prin le un ant allait de pair avec torale de 2012 suiv au de scolari- la campagne élec nive le que s alor ant, end Cep s. élection dernières années, le étudiant. icipation à la sation est en hausse depuis les Le lien est souvent fait entre la part les fait, En se. bais en est lui, n, ue taux de participatio sens du devoir civiq qui définit vant, mais vie citoyenne et le qu’a nt auta nt vote ble de la s aire ersit univ diplômés haitable et profitable à l’ensem ant pas de diplôme comme sou n’ay avec la yens t, cito rtan des Pou n le. atio tora icip élec part n la à société la participatio ons icati expl les t son sentilles un Que et bécois universitaire a chuté. hausse du cynisme chez les Qué chola à face r cteu cette baisse? d’inutilité de l’éle e est un autre ment grandissant pait frap qui ité abil culp de L’appartenance à un parti politiqu nt le sentime encer le compor- se électorale, it. rédu est t aien sten s’ab type d’engagement qui peut influ qui ceux scrutin. André Blais, auparavant la participatement d’un électeur lors d’un lement, selon une analyse de Fina de sité iver l’Un à es tiqu poli tions, les élec nces des scie éral de gén ur r professe le du Directeu ral Victory: Making tion électora ses afin excu s ieur plus vent sou Montréal dans Anatomy of a Libe é électeurs se trouvent estim a ion Elect n adia ticoCan 0 poli 200 les the ention. C’est ce que Sense of the Vote in e augmente d’expliquer leur abst onn pers e perd’un tes r vote train à «con on de ensi que la prop que Blais ont qualifié ntifie à un parti poli- logues tels la s’ide ps, lle tem qu’e vais lors mau ent le ser tivem utili ifica ple, sign es sonnelles». Par exem onn pers de plus en que plus fait de le re tique. Considérant que travail, une maladie ou enco nts politiques des surcharge de tion se disent déçues des comporteme se trouvait pas dans sa circonscrip ne r cteu politique est donc l’éle on ple liati sim le l’affi r , que chef mas r leur de pou et n, is part née d’électio inution du taux de lors de la jour la polis dan e rant cou naie mon en baisse, ce qui expliquerait la dim nu est deve de pair avec un autre désintérêt vote. De plus, cette déception va bécoise. qué e tiqu facteur de désintérêt: le cynisme. L’abstentionnisme idéologique Parallèlement au désintéressement massif que vit l’électorat québécois, l’abstentionnisme idéologique quant à lui dénote une critique du système politique dans lequel nous évoluons. «La critique anarchiste de la démocratie représentative vise tout d’abord l’État. Il s’agit de dénoncer l’abdication d’une hypothétique souveraineté populaire où la population délaisse son pouvoir au profit de la délégation et de la représentation, c’est-à-dire l’accaparement des pouvoirs de l’État par une élite politique spécialisée», explique au Délit le militant anarchiste Olivier Amiot. L’aspect élitiste d’un gouvernement, soit la concentration des pouvoirs entre les mains d’un petit nombre de gens, qu’il soit ouvrier, bourgeois ou aristocrate, L’Abstentionnisme, une affaire de génération? augmente de beaucoup la susceptibilité que cette élite soit corrompue par le pouvoir. En second lieu, la critique anarUn des facteurs influençant l’abstentionnisme qui chiste vise le parlementarisme et les partis politiques. «[L] semble avoir pris de l’importance dans les dernières ane temps et l’énergie accaparés par les partis politiques sont nées est l’âge de l’électorat. Effectivement et peut-être en autant d’énergie et de temps mis en dehors de l’implication raison d’un moins grand sentiment d’appartenance visdans les mouvements sociaux, là où il est possible de changer à-vis des partis politiques qui semblent plutôt être de la les rapports sociaux et développer des rapports de force avec génération précédente, ou encore en raison d’une plus l’État», continue-t-il. La dernière critique majeure des anargrand implication dans d’autres sphères de la vie politique, chistes envers le système électoral est qu’il crée une rupture les plus jeunes tranches d’âge, soit 18 à 24 et 25 à 35 ans, entre le politique et le social alors que les deux devraient être sont plus nombreux à s’abstenir qu’à voter alors que c’est intrinsèquement reliés. complètement l’opposé pour les tranches d’âge aînées. Mais que proposent-ils, alors, si la démocratie de représentation porte à la corruption par le pouvoir, le parlementarisme et les partis politiques nous font gaspiller notre énergie et les élections, elles, empêchent nos choix sociaux de rejoindre nos actions politiques? «Dans nos sociétés fortement intégrées

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ention

Mathilde Michaud Le Délit

naire pour ne pas aller voter

Libertariens vs . Anarchistes: L’abstentionnism e politique est so uvent rattaché au res, mais contraire x idéologies liber ment à ce qu’on taipourrait croire, il et même grande ne s’agit pas d’un catégorie homog e seule ène. Rassemblée liberté (d’où déco so us le grand thèm ule le terme liber e de taire) et prônant de l’État, se trouv très souvent la di e la gauche libertai ssolution re, souvent appelée autre côté la droi anarchiste et d’un te libertaire, auss i connue sous le - Libertariens nom de libertarien : Aussi parfois co ne. nsidérés comme les libertaires prôn des libéraux radi ent la liberté abso caux, lue des individus étant considéré co . Le droit à la pr mme le fondemen opriété t du contrat socia capitalisme et le l de cette idéolo libre marché en so gie, le nt les instruments. libéral croit à un Le libertarien com ordre de marché me le au to -ré gu - Du grec an, lé et de création spontanée. privatif (sans) et ar l’anarchisme est chè, pouvoir, auto rité, commandem un mouvement politique et philo ent, forme d’autorité sophique hostile ou de hiérarchie. à toute En cela, ils sont trè mais ce qui fait s proches des liber leur plus grande tariens, différence est qu ils critiquent sévè e, contrairement rement toutes les à ce ux-ci, institutions coer l’armée et capital citives, dont la re isme qui est à la ligion, base de l’idéolog plus, l’anarchism ie libertaire de dr e a des tendances oite. De plus sociales, car l’État est renforcé son autonomie vis e par des pratiqu -à-vis de es de démocratie directe et d’autoge stion.

m’absement, quand je Délit: «Personnell ns pas se e m que je ne tiens, c’est parce disL’abstentionnism eu nj l’e de ent informée m m sa ffi su rta étudiante ] D’une ce ine politique étudian en particulier. [… té cu Au niveau de la gens . au flé bonne chose si les isme est un réel façon, c’est une vote n te, l’abstentionn les ’u es qu né e rc an la sorte, pa les dernières de ns t da en e iss qu ag en od Bi ill aient usement m ifier élections à McG formé peut série in neno référendums et cirti pa part, c’est certain se du niveau de résultat. D’autre ts le ian l, connu une haus ud de ét Re les sh e chose si le rapporte Jo ment une bonn t de an pation, comme de av x te jeu ian en ud s Ét de mer ssociation tentent de s’infor inprésident de l’A M), il n’en resvoter». Un des pr ÉU ur (A po ill r te cG ec M nn ité co se au ve ni l’Univers ue aq au ch n l’abstentio e les votes ont à ut cipaux effets de pe e. le te pas moins qu bl ’el fai qu s t es trè n te participatio ique étudian lit po la n. de io x cis fois un taux de te au prise de dé el, vice-présiden is empêcher la rfo pa ur co sSelon Haley Din un ab ns «l’ , y Dinel da ires de l’AÉUM rs Comme le dit Hale eu ct a affaires universita y éle n’ s ’il de t qu rê rs désinté anifester lo riel au Délit: «Le es les tention peut se m les membres du ns dans lesquell ur tio po ir ua sit cla t s da de ée cr s déés pas de man de e ut dr sc uvent pren que les enjeux di sociations ne pe as avec , nt conseil ou encore Yu va ie l’a ub de H ou aller ment définis. cisions critiques ne sont pas claire ns io ct éle les tin pour leurs projets». directrice de scru ns un courriel au da e ut ajo , M de l’AÉU ue e dans la politiq

et pacifiées, il y a peu d’alternatives. Il faut travailler au développement de mouvements sociaux forts, combatifs et autonomes de l’État et des appareils partisans», argumente le militant. «Cette autonomie est renforcée par des pratiques de démocratie directe et d’autogestion», ajoute-t-il. Effectivement, la base de l’anarchisme se situe dans la pratique d’une politique beaucoup plus proche de ceux qui y prennent part. Par exemple, la démocratie directe permet au peuple, et non seulement aux élus, d’adopter ou d’abroger des lois, de prendre les décisions pour leur futur. Cependant, ce type de démocratie est souvent qualifié d’idéaliste ou encore d’utopique, car il est très difficile à mettre en application à grande échelle puisqu’il nécessiterait la participation de l’ensemble de la population pour toutes les décisions. L’abstention idéologique a-t-elle un réel impact au niveau de notre système politique actuel? Malheureusement, explique Olivier Amiot, les impacts de l’abstentionnisme se font très peu ressentir, car «la démocratie est un régime politique exceptionnel qui est capable de se régénérer en période de crise. […] C’est aussi un régime qui est capable de bloquer toute réforme en apaisant les conflits sociaux potentiels. C’est-à-dire que, à notre époque, l’abstention a peu d’effets, car l’État et le capitalisme n’ont pas besoin d’une forte participation des citoyens pour rester légitime». De fait, ce n’est pas dans le domaine de la politique qu’on en voit les réels résultats, mais plutôt dans le domaine social où l’indifférence et l’hostilité de la population à l’égard de l’État se font de plus

s à l’action urner le do to le ue, b m se lation sens classiq Si la popu tendons au se en e l’ ll s ’e u u o q n re lle que de conclu if ât h tit eu politique te ra P se litique. s le vote, il la chose po e d m t soit à traver se i en u m q nne, e complète pation citoye répondre à ci ti désintéress ar p e d ns et groupes s les citoye t un être que les de plus prè t simplemen re d en u in it jo st re n co , des es blent s u q in x beso plus spécifi x adapté au u ie des besoins m n io participat terrain de x s? citoyen

en plus sentir.

Société

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Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com

Crédit photo: Zoe Carlton | Le Délit

PHOTO

Déclic 70

Les années 1970 du point de vue de photographes québécois Doriane Randria Le Délit

S

i je vous demande d’imaginer ce que vous évoque «Montréal», il est probable que vous arriviez à des images mentales précises de Sainte-Catherine, des rues recouvertes de neige, de l’équipe du Canadien ou même de la fameuse poutine québécoise. Mais si je vous demande de vous figurer «le Montréal des années 1970», la tâche sera certainement moins aisée. C’est justement parce qu’il n’est pas évident de connaître le Québec à travers le temps que le Conseil des Arts de Montréal en Tournée présente Déclic 70, un fascinant travail de rétrospective conçu par le festival d’art contemporain Art Souterrain. En utilisant exclusivement les photographies documentaires en noir et blanc de onze artistes québécois, l’exposition tente d’englober la décennie 1970-1980 de leur point de vue et de la manière la plus authentique possible. Des images du quotidien sans ajout ni artifice, de Montréal dans son jour le plus banal, de la famille classique québécoise, des manifestations ouvrières ou de simples portraits de Montréalais, tels sont les moyens choisis pour mettre en scène les réalités de l’époque. Ainsi, tout un mur est consacré aux clichés de Norman Rajotte et de Jean Lauzon, avec des scènes comme des policiers à l’exercice de tir, des jeunes gens dans une voiture, ou encore des enfants le soir de Noël. L’humilité est ce qui caractérise cette série; par le format des photos, assez réduit, mais également par le choix des images mêlant postures insolites, scènes amusantes et portraits de «monsieur tout-le-monde». Ce type d’art

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Arts & Culture

a ceci de rafraichissant qu’il ne se prend pas au sérieux. Car Déclic 70 n’est pas seulement un hommage au Québec des années 1970, c’est aussi un hommage à la photographie québécoise qui doit constamment lutter contre la prédominance de la peinture dans l’art tout au long du siècle précédent. La démarche est donc double: il s’agit de revenir sur l’âge d’or de la photographie documentaire tout en faisant découvrir l’époque à ceux qui n’ont pas eu la chance de la connaître. L’exposition met ainsi l’accent sur les revendications qui caractérisent la décennie. Les années 1970 sont en effet un tournant au

Québec: la fin de la Révolution tranquille (État Providence, séparation de l’Église et de l’État et refonte de l’identité québécoise) permet à la province d’entamer un renouveau. C’est aussi une période mouvementée, marquée par des groupes contestataires ouvriers et des manifestations aux revendications diverses. Dans ce contexte, la photographie documentaire est vue comme un instrument à portée informative dans la mesure où elle met en scène le passage à la modernité mais aussi comme un moyen de s’engager à travers l’art. En immortalisant et véhiculant les scènes de manifestations et autres démonstrations du peuple, les

artistes prennent part aux révoltes. Clara Gutsche et David Miller, par leur travail photographique dans Milton-Parc, ont par exemple permis de dénoncer la destruction du quartier ainsi que de sa communauté. Déclic 70 a donc pour but de mettre en image des scènes du quotidien afin d’englober les grandes questions des années 1970 et de rendre hommage aux artistes québécois de cette décennie. L’exposition est une plaisante manière d’aborder une réflexion sur l’importance de la photographie documentaire et une rétrospective efficace sur l’essence du Québec de l’époque. x

Crédit photo: Doriane Randria | Le Délit

x le délit · le mardi 22 janvier 2013 · delitfrancais.com


THÉÂTRE

Le parcours d’une jeune clown Le Tuesday Night Café présente In Denial, pièce aux allures circaciennes Alexandra Appino Tabone Le Délit

N

ous sommes tous dans le déni de certains aspects de notre propre personnalité, et c’est souvent ce pour quoi nous sommes le plus doué que nous refusons de montrer. Mais le déni fait-il de nous un clown? Pour Rachel Resnick, la réponse est oui, et c’est ce qu’elle montre dans la pièce qu’elle a écrite et dans laquelle elle joue seule: In Denial. Présentée par le Tuesday Night Café, une compagnie de théâtre dirigée par des étudiants de McGill, In Denial est une suite de sketchs très énergiques, et même excentriques, qui portent sur un seul thème: le déni. Fortement inspirée de sa propre vie, Rachel crée des situations comiques dans lesquelles elle est forcée de faire face à son destin de clown, et, de la comédie physique (elle porte un nez rouge tout au long du spectacle) naît l’ironie dramatique. Être un clown pose en effet des problèmes dans les situations de la vie quotidienne, comme lors d’un premier rendez-vous (qu’elle joue avec une image en

carton de Clarke Gable d’Autant en emporte le vent), ou lors d’une audition pour un spectacle (elle chante Defying Gravity avec un peu trop de force, debout sur une échelle). Après l’audition, évidemment un échec, elle se couvre de plusieurs papiers de «Mac Do», déprimée. Mais tout à coup elle se dit qu’heureusement «c’est le bon moment pour chanter!» et elle chante une chanson sentimentale à un Big Mac. Sa personnalité est franche, exubérante, et un peu incontrôlable: elle se moque constamment d’elle-même, et le spectateur est convaincu qu’elle devient la personne la plus drôle possible. Le fait que sa pièce soit tirée de ses expériences personnelles donne substance à son absurdité; son personnage est une exagération d’elle-même, et les blagues les plus drôles sont celles qu’elle improvise: dans l’un des sketchs, elle présente une émission de radio pour laquelle les auditeurs l’appellent: cassant par hasard le téléphone, elle exprime sa surprise, puis dit nonchalamment: «Je continue de vous parler comme si je ne venais pas de casser le téléphone». C’est cette proximité

avec son public et avec son personnage qui permetent à Rachel d’être un électron libre sur la scène. En fait, l’une de ses metteuses en scène, Julie, dit que l’aspect le plus difficile, mais aussi le plus amusant de la direction de cette pièce, c’est qu’elle ne peut jamais être sûre de ce qui se passera dans les répétitions. «Je continue d’écrire la pièce dans ma tête, même lorsque je suis entrain de la jouer», dit Rachel. Être une version de soi-même sur la scène lui permet de faire autant d’improvisation. À la fin de la tornade qu’est ce spectacle, Rachel rencontre encore une fois l’image en carton de Clark Gable, et montre sa tristesse lorsqu’il lui dit qu’il ne sort pas avec les clowns. C’est à ce moment-là qu’elle accepte vraiment ce qu’elle est, en disant aux spectateurs, avec surprise: «Je suis… clown!» (comme si le nez rouge n’était pas une indication suffisante). Dans la vie, Rachel est vraiment un clown qualifié; elle a appris le «clowning» dans une école de cirque à New York. Avoir deux parents dans le cirque a certainement une influence sur sa volonté de poursuivre cette carrière. Sa réponse

à la question «qu’est-ce qu’un clown aujourd’hui?», c’est qu’il s’agit de beaucoup de comédie physique, de gestes très exagérés (comme on l’a bien vu dans son spectacle), d’un peu de danse, mais généralement d’avoir la capacité d’être une caricature de soi-même. Une de ses grandes influences, nous dit-elle, est Will Ferrell: «Typiquement, les gens ne pensent pas à lui comme un clown, mais de ma perspective, c’est plus son genre de comédie». En accord avec le thème de sa pièce, elle ne sait pas vraiment ce qu’elle va faire dans le futur, avec une majeure en Histoire et deux mineures en Théâtre et Italien. «Je suis toujours dans le déni», dit-elle. Mais elle projette de montrer son spectacle à New York, Toronto, et peutêtre dans d’autres villes encore. «Ça, c’est une version préliminaire: il me faut travailler beaucoup plus sur le script». Cette pièce, donc, va continuer d’évoluer, en accord bien sûr avec l’évolution de Rachel elle-même. Acceptera-t-elle un jour son destin de clown? Il faudra suivre son spectacle pour en être certain. x

RUBRIQUE

Un monde en château de cartes

Entre murs et caméras, le sculpteur munichois Thomas Demand investit le DHC/ART. Valérie Mathis Le Délit

P

armi l’ensemble de l’oeuvre de l’artiste, l’exposition Thomas Demand Animations retient ses photographies et animations les plus récentes, projetées dans toutes les salles sur des murs vert sombres. Des paysages, ou plutôt des aperçus de constructions humaines désertes, y flottent. Ces «représentations de représentations» (car il s’agit de photos de constructions en papier et en carton représentant le réel), d’un réalisme presque troublant, parcourent les murs et bougent parfois sous forme d’animation, accompagnées de sons et de voix, et dépeignent un monde d’une perfection hypocrite, comme si sur le point de s’effondrer comme un château de cartes, ou de s’envoler au moindre coup de vent. Et ce monde s’effondre, en effet: le désordre, bien que subtil, y est: on apprend bien vite que les escaliers roulants vides à Londres (Escalator, 2000), représentés à partir d’une perspective de caméra de surveillance, ont été un lieu de crime par une gang de rue, et que l’ambassade de la République du Niger à Rome (Embassy, 2007), d’apparence modeste et épurée, ne présente pas les conséquences monumentales du vol de papeterie, de sceaux et de timbres officiels de l’ambassade en janvier 2001. Cette dernière oeuvre, explorée en détail sous plusieurs angles, est d’une beauté et d’une simplicité particulières: la fameuse ambassade, que Demand a eu la chance de visiter personnellement, est reproduite dans son intégrité. Les portes et les murs aux couleurs épurées, certaines entr’ouvertes vers des salles désertes, prétendent au

réel sans s’y confondre. Une reconstruction d’un bureau de l’ambassade présente des feuilles et des carnets de notes éparpillés partout, un café froid, un paquet de cigarettes, un téléphone raccroché de travers. C’est peut-être aussi le monde sans les hommes, celui où la violence n’existe pas, ou du moins pas dans le moment où la photo est prise. Le désastre est à venir, ou est déjà venu. Il ne reste qu’à observer, d’un oeil froid et détaché, et à travers plusieurs lentilles, les restes du réel. Les couleurs vives des photographies de Demand se retrouvent aussi dans ses animations, projetées dans des salles spacieuses du DHC. Les milliers de photographies individuelles de l’artiste laissent place à une série d’actions, dont les protagonistes sont encore des objets inertes. Pacific Sun (2012), inspiré d’un vidéo du même nom sur YouTube, reproduit le désastre causé par l’assaut de vagues immenses sur un bateau de croisière, capté par une caméra de surveillance placée dans le restaurant. En omettant les gens dans le vidéo,

xle délit · le mardi 22 janvier 2013 · delitfrancais.com

Demand recrée, toujours sous forme de papier et de carton, les dégâts que deviennent les chaises, les tables, et tout autres objets à bord catapultés d’un côté à l’autre des murs du bateau. Ce qui était au début une belle reconstruction d’un restaurant - que l’on aurait deviné être sur terre - devient la calamité des forces violentes de la nature, qui ne se manifeste pas mais que l’on devine. Le restaurant est représenté jusqu’à son moindre détail, des citrons placés derrière le bar jusqu’aux petites assiettes en morceaux, en passant par des bouts de chaises, de mouchoirs et de débris inclassables. Les bruits de cassages et des annonces brouillées accompagnent l’animation jusqu’à l’image de destruction finale. Sur le mur adjoint, Camera présente les mouvements robotiques d’une caméra de surveillance, placée dans le coin d’une salle ensoleillée non identifiée. Une fois de plus, ce n’est pas la potentielle scène de crime que l’on regarde, mais bien la caméra elle-même, dont les mouvements planifiés inspirent pourtant une angoisse pesante. À

Gracieuseté de Thomas Demand

ce mouvement lent et moribond s’ajoute les bruits de panique de la scène d’à côté, si bien que l’on ne peut que penser à la question de perspective: en créant des scènes en papier et en carton, en les prenant en photo et en les détruisant par la suite, Demand ne souhaite-t-il pas aussi garder un seul segment de sa pseudo-réalité, autour duquel des histoires, problématiques ou pas, découlent? L’animation Recorder est elle aussi mystérieuse; elle dépicte les mouvements rotatoires d’une vieille machine à enregistrement, accompagnés par les sons - et les sons seuls - de la machine. Ce qui est enregistré est si bien omis que l’on n’y pense même pas. La machine tourne d’une grâce froide, se suffisant à elle-même, existant par elle-même. L’exposition se termine, ou commence, avec Rain (2008), une séquence animée brisant l’ambiance des oeuvres précédentes - un plancher sombre de béton reçoit des milliers de gouttes d’eau représentées avec des emballages transparents de bonbons de la pluie, selon le titre - tombant du ciel. La danse des gouttes d’eau est loin de la monotonie des sujets initiaux - l’eau éclabousse, éclate, s’écrase contre la surface solide, émet un son dont la familiarité rassure et s’étend à l’infini. Le monde de Rain est le même que le réel, bien qu’il soit une simple représentation, et on s’y retrouve enfin, à l’abri des caméras, des machines et des endroits clos. x Animations Où: DHC/ART Quand: jusqu’au 12 mai Combien: gratuit

Arts & Culture

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CINÉMA

Beaucoup d’Amour Michael Haneke revient avec un drame poignant. Louis Soulard Le Délit

A

près une Palme d’or à Cannes cet été, le nouveau film de Michael Haneke a été prisé par la critique américaine au cours des récents Golden Globes, où il a remporté le titre de meilleur film étranger. Michael Haneke, réalisateur autrichien, est un habitué des récompenses les plus prestigieuses de l’industrie du cinéma. Son nouveau film, le très acclamé Amour, est une production franco-germanoautrichienne mettant en vedette des acteurs français. Il est sorti sur les écrans montréalais la semaine dernière. Ce huis clos se déroule dans un appartement parisien et se concentre sur la vie quotidienne d’un couple – deux professeurs de musique à la retraite, Anne (Emmanuelle Riva) et Georges ( Jean-Louis Trintignant). Leur appartement est à leur image: un piano à queue dans le salon, des étagères couvertes de livres et, de leur fenêtre, une vue en plongée sur une rue bruyante.

Crédit photo Sony Pictures Classics

Ils ont accompli leurs devoirs, à la fois comme parents et professeurs; ils ont transmis leurs connaissances et fait partager leur passion, en particulier à un ancien élève d’Anne qui, devenu pianiste reconnu, rend souvent visite au couple. Leur fille, Eva (Isabelle Huppert), est mariée, vit à Londres et semble

avoir une vie comblée. Pendant toute la durée du film, on suit la vie du couple. Comme dans bien d’autres des films de Haneke, la temporalité est floue; les jours, les heures et les moments se succèdent chronologiquement mais sans ordre véritable; le réalisateur, en développant cet espace spatio-

temporel si peu conventionnel, réussit à dérouter le spectateur qui s’immerge ainsi totalement dans l’intimité d’Anne et Georges. Les visites d’Eva et du musicien sont comme des bouffées d’air frais, à la fois pour le couple et pour le spectateur. Anne et Georges s’aiment et ont passé la majeure partie de

leur vie ensemble. Cependant, dès la troisième scène, on se rend compte que leur intimité et leur quotidien sont instables. Entre les tensions accumulées au cours de leur vie et la maladie d’Anne, nous sommes témoins de moments de tendresse et de complicité entre eux; des instants d’une justesse émotionnelle rare. Amour échappe aux clichés des septuagénaires toniques et modernes véhiculés par Hollywood. Le film n’est ni une caricature, ni un documentaire, et encore moins un exposé philosophique. Amour raconte avant tout une histoire; il présente les faits plus qu’il ne les analyse. Malgré certaines scènes qui ont tendance à sortir un peu de l’axe stylistique du film, l’ensemble est une réussite et met en lumière des personnages et des situations que la culture populaire néglige ou déforme trop souvent. Haneke propose avec Amour une approche stylistique novatrice, à contre-courant des tendances cinématographiques contemporaines. x

CINÉMA

Lever le voile sur les non-dits David Lambert signe une co-production franco-canado-belge. Lauriane Giroux Le Délit

L

e désir et le désarroi amoureux sont des sujets souvent abordés au cinéma. Toutefois, Hors les murs, le premier long-métrage du réalisateur belge David Lambert trouve le moyen d’aborder ces thèmes différemment, avec un vent de fraîcheur. Cette coproduction France-Canada-Belgique nous présente Paulo (Matila Malliarakis) et Ilir (Guillaume Gouix), deux jeunes hommes qui font connaissance après une soirée bien arrosée dans un bar. Ils n’ont rien en commun, et pourtant, sont attirés l’un par l’autre. Si ce scénario semble à priori banal, c’est dans les détails et les subtilités qu’il arrive à se démarquer et à en toucher plus d’un. Le film est empreint d’un humour léger et attachant, notamment dans une scène au supermarché où Ilir s’amuse à déclarer à qui voudra l’entendre qu’ils comptent faire l’amour tout l’après-midi. Pourtant une trame dramatique intense se dévoile également. Le spectateur est amené à se questionner sur les événements qui s’y déroulent et à remettre en question sa propre façon de vivre et de percevoir les sentiments humains. Le réalisateur développe une importante réflexion sur le désir et la dépendance amoureuse, ainsi que sur les conséquences que peuvent avoir ces émotions. La performance livrée par les deux acteurs principaux laisse sans voix. Ils arrivent tous deux à incarner des per-

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Arts & Culture

sonnages profonds et complexes. Dans ce film, beaucoup d’informations passent par le non-dit, par les regards et les gestes des deux hommes. On peut également voir dans le film la québécoise Mélissa Desormeaux-Poulin, qui y incarne la petite amie de Paulo, un peu désemparée par toute cette histoire. La deuxième moitié du film contraste violemment avec la première. Les personnages se délitent dans une atmosphère sombre qui pèse sur le spectateur. Certains trouveront le rythme un peu

lent, mais ce ton demeure justifié et apporte un aspect nouveau et bouleversant à l’histoire. David Lambert s’attaque à plusieurs tabous et joue le tout pour le tout en abordant des thèmes tels que l’amour entre hommes et le sadomasochisme. Il est d’ailleurs rafraîchissant de voir ces tabous disparaître lentement d’année en année. Les plans visuels sont bien travaillés, mais la caméra se fait tout de même très discrète, histoire de laisser toute la place à l’interprétation et à l’émotion. Au départ, Lambert n’avait

pourtant pas prévu de réaliser le film, il n’en écrivait que le scénario. Hors les murs est son premier long-métrage. Il a été sélectionné pour la Semaine de la critique du Festival de Cannes et également nominé pour la prestigieuse Caméra d’Or, décernée par le jury pour le meilleur premier film. Hors les murs vient tout juste de sortir en DVD au Québec et vaut la peine d’être vu. Il s’agit d’un film différent amenant une introspection intéressante ainsi qu’une vision nouvelle des sentiments de désir et de dépendance amoureuse. x

Crédit photo Ixion Communications

x le délit · le mardi 22 janvier 2013 · delitfrancais.com


CHRONIQUE

Un peu de pub pour nos amis les barbiers Thomas Simoneau | Petites histoires de grands vandales J’avais neuf ans quand j’ai commencé à m’intéresser au graffiti et à son potentiel. C’était lors d’un voyage en avion ParisNew York lors duquel j’avais dessiné une moustache sur la photo d’un type qui se trouvait en première page d’un magazine. Je montrai mon œuvre d’art à ma mère, qui, bien évidemment, s’en fichait royalement; mais inutile de vous cacher que je jubilais intérieurement. Je venais de ridiculiser une star internationale avec un stylo Bic. Du moins, c’est ce que mes neurones d’enfant me laissaient croire. Dix ans plus tard, mes neurones, ont, je l’espère, évolué, mais ma vision du graffiti n’a pas

beaucoup changé. Cette véritable liberté d’expression (presque) sans limite me fascine et me passionne toujours. J’ai d’autant plus de respect pour ces graffeurs qui n’ont pas peur de provoquer, défier et attaquer notre société pour tenter de la faire évoluer positivement. C’est pourquoi j’attire votre attention sur cette citation de Banksy: «[Les publicitaires] font des commentaires désinvoltes sur les bus qui insinuent que vous n’êtes pas assez beau et que l’herbe est plus verte ailleurs. Ils sont à la télé et réussissent à dévaloriser votre petite amie. Ils ont accès à la technologie la plus sophistiquée du monde et l’utilisent pour vous intimider». Bien

que les valeurs morales et les opinions politiques du graffeur le plus connu du monde restent discutables, difficile de dire que nous ne sommes pas un minimum influencés par ces photos retouchées et ces pubs bien trop parfaites. Je me suis toujours dit qu’il aurait apprécié que je déchire ma page de magazine et que j’aille la coller sur le panneau Hollywood en signe de révolte. Je considère donc ce mouvement de contre-culture plus comme un instrument qu’une forme d’art à proprement parler. Du petit graffeur new yorkais qui taggue son métro à Banksy qui est désormais de notoriété internationale, ils ont tous quelque

chose à dire, à déposer quelque part. Instrument à la fois synonyme de refuge pour certains, ludisme pour d’autres et depuis peu, métier à temps plein pour les plus talentueux! En ce qui concerne la publicité, je dois dire que je suis de l’avis de Banksy. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas jouer avec elle alors qu’elle se joue de nous. Après tout, les panneaux publicitaires font partie de l’espace public, c’est le patrimoine de ceux qui n’en n’ont pas. Soit la plus grande partie de la population dont nous, simples étudiants, faisons partie. Alors, pourquoi ne pas dégainer sa bombe et dessiner un appareil

dentaire sur une affiche de mannequin au sourire trop blanc? Au moins, cela éviterait d’avoir une ribambelle de jeunes filles qui ont du mal à assumer leur apparence et ça devrait susciter le joli sourire (blanc ou jaune) de quelques passants. Bien entendu, le débat sur la légalité du graffiti est sans fin et je suis le premier à dire qu’on ne taggue pas n’importe quoi, n’importe où. Cela dit, je trouve le débat concernant la pertinence des publicités de nos jours et leur impact sur la population bien trop discret. Alors, mesdames messieurs, sortez vos marqueurs. Les moustaches sont de saison. x

avec humour et entrain. French Kiss 1989 (Glénat) n’est pas juste une bande dessinée, c’est un plongeon en enfance, dans la nôtre, celles de nos souvenirs de gamins, bien sûr, mais aussi dans l’univers qui nous emballait tant dans des films comme La guerre des tuques et Les goonies. La nostalgie n’est pas loin dans ce récit rafraîchissant dont l’histoire tient en haleine par son dynamisme et son rythme. Bel hommage aux années 80, à l’enfance, aux

amours et aux rêves de jeunesse. Une distraction amusante, un livre à découvrir pour s’évader de la morosité de l’hiver. x

CHRONIQUE

La bande dessinée en bref Annick Lavogiez | Déambullations

U

n père décide de raconter à ses deux enfants comment il a rencontré leur mère, et loin de se limiter à une anecdote ordinaire, revit ainsi l’histoire rocambolesque et touchante de sa jeunesse trépidante, entre amours et pirateries, trahisons et doux plaisirs, le temps d’un été. Aux bagarres de mômes s’ajoute un brin de romantisme, il n’en faut pas plus pour être séduit par l’histoire de Michel Falardeau qui se balade entre 1986 et 2000

J

acques et René sont deux voyous qui préfèrent voler plutôt que de travailler. Un jour, ils décident de prendre le large et de quitter Le Havre pour découvrir New York. Sur le paquebot France, les deux loubards embarquent à titre de serveur et de mécanicien. Débrouillards et curieux, ils se retrouvent rapidement dans la loge d’une belle chanteuse populaire qui les engage comme hommes de compagnie. La vie dans le luxe, le champagne et les beaux cos-

tumes est séduisante, mais les deux filous finissent par abandonner la belle pour débarquer en Amérique… Le Havre – New York, dernier album du talentueux Cyril Doisneau, est une exploration drôle et touchante de la condition humaine et du quotidien de gens simples et sympathiques, une œuvre sensible qui fait rêver par la qualité du dessin en bichromie et du récit, inattendu et intelligent. Les traits, clairs et fluides, font semblant d’être désinvoltes, mais les plan-

x le délit · le mardi 22 janvier 2013 · delitfrancais.com

Michel Falardeau est québecois, il s’inspire de sa propre vie pour dessiner et son French Kiss est en nomination pour le prix ActuaBD du festival international de la bande dessinée d’Angoulême.

ches ne trompent pas, c’est beau et on prend plaisir tant à lire qu’à regarder. x Cyril Doisneau vient de Nantes et avant d’atterrir à Montréal, il est passé par Angoulême où il a reçu le prix jeune talent au festival international de la bande dessinée. Ses livres sont tous des incoutournables, publiés pour notre plus grand plaisir à La Pastèque.

Arts & Culture

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Exposition

Cabinet de curiosités

Sayeh Sarfaraz, artiste iranienne, dénonce la dictature en Lego.

Œuvre de Sayeh Sarfaraz

Laurence Lafortune Le Délit

L

e «cabinet de curiosités» de Sayeh Sarfaraz, déniché à Chicago après de longues recherches, est composé de plusieurs tiroirs. Sur ceux-ci, le nom d’une personne est inscrit. Quand on ouvre un de ces tiroirs, on découvre un Lego, accompagné d’un texte écrit à même le fond du tiroir. Ainsi décrit, on pourrait croire que Sayeh Sarfaraz est simplement une collectionneuse de Lego. En fait, les personnages représentent quelques-uns des prisonniers de guerre en Iran et le coffre, leur prison. Cela peut sembler bizarre quand

on ne connaît pas la vocation de Sayeh Sarfaraz et son installation Étrange dictature. En 2009, Sayeh Sarfaraz, artiste d’origine iranienne qui habite au Canada depuis 2008, trouve son droit de vote bafoué en arrivant à l’ambassade iranienne: elle n’a pas l’opportunité de donner sa voix, car Mahmoud Ahmadinejad est déjà élu. Touchée par les événements de son pays natal, Sayeh Sarfaraz utilise son talent, ainsi que sa liberté d’expression, pour dénoncer l’oppression du régime islamiste. Ayant une portée internationale, ses différentes installations, construites dans plusieurs villes comme New York et Strasbourg, offrent

Œuvre de Sayeh Sarfaraz

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Arts & Culture

un aperçu de ce qui fait une dictature. À son arrivée dans chacune des villes où elle crée une installation, Sayeh Sarfaraz se laisse, dit-elle, «imprégner par l’atmosphère des lieux» avant de commencer l’installation. De cette manière, chacune de ses créations est unique. Celle qui est présentée à Montréal au centre Montréal Arts interculturels (MAI) entre le 19 janvier et le 16 février se nomme «Étrange dictature».

«Sayeh

Sarfaraz utilise son talent, ainsi que sa liberté d’expression, pour dénoncer le régime islamiste.»

Les textes en français, présents tout au long de l’installation, invitent chacun à se poser des questions. Ils décrivent de manière objective et méthodique des dessins d’enfants qui ornent les murs: ce contraste entre l’enfantin et le froidement descriptif crée un certain malaise. Dans le même ordre d’idées, des figurines Lego représentent les manifestations, la guerre, la dictature, l’oppression: notions qui ne figurent idéalement pas dans l’univers de l’enfance. Sayeh Sarfaraz explique ce choix de concepts opposés en indiquant que dans le monde d’un enfant et de ses jouets, il n’y a pas de place pour la censure, contrairement à celui d’un adulte. Il s’agit, d’une certaine manière, de dénoncer encore plus fortement l’oppression. Le «cabinet de curiosités» mentionné auparavant a la fonction, dit l’artiste, «d’arracher de l’oubli» les événements du passé. Son exposition est une manière pour elle de manifester puisqu’elle ne peut pas le faire en per-

sonne en Iran. Grâce à ses installations, elle veut représenter ce qui se passe dans son pays d’origine. Bien que dorénavant montréalaise, c’est l’Iran qu’elle avait en tête pendant son processus de création. La pièce maîtresse de l’installation continue de montrer que la notion du «contraste» est véritablement au cœur du travail de l’artiste. D’un côté, plus de mille bonshommes Lego différents, et de l’autre, leur faisant face, des jouets de plastique kaki en forme de petits soldats. Entre les deux groupes, une corde où sont suspendus les dessins d’enfants. On pourrait presque y voir le jeu du tir à la corde. L’humain, le soldat, la population, l’armée et le dictateur sont présents dans l’exposition. Pourtant, ce dernier n’est pas représenté par les figurines en plastique, bien qu’il soit au centre de l’oppression et des manifestations. Alors, où est ce dictateur? Il n’est nulle part et partout en même temps dans la salle, représentant peut-être ce qu’il est aussi en Iran; l’arrière-plan de l’exposition est constitué d’images filmées en temps réel dans la salle. On n’arrive pas à trouver la caméra, mais on se sait quand même filmé, surveillé. Il s’agit d’une exposition qui se veut simple et directe à cause de son rapport au monde enfantin, mais seulement aux premiers abords: en jouant avec les contrastes, Sayeh Sarfaraz montre en effet la réalité de ce qui se déroule en Iran. x

Étrange dictature Où: Montréal Arts Interculturels Quand: Jusqu’au 16 février Combien: 15 dollars

x le délit · le mardi 22 janvier 2013 · delitfrancais.com


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