delitfrancais.com Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill
Colère Autochtone Le mardi 15 janvier 2013 | Volume 102 Numéro 11
ConCUPis depuis 1977
Volume 102 Numéro 11
Éditorial
Le seul journal francophone de l’Université McGill
rec@delitfrancais.com
«Engagez-vous», qu’ils disaient! Conseil de Rédaction Le Délit Tel que mentionné dans l’éditorial du 11 septembre 2012, depuis sa formation en 1977, Le Délit a comme rôle premier celui «d’informer les étudiants de McGill, en français, sur les différents aspects de la [communauté] universitaire». Une phrase, deux concepts à retenir: «en français» et «communauté universitaire». C’est en vue de respecter ce mandat que notre journal a pris deux décisions importantes. En Français La Canadian University Press (CUP) regroupe plusieurs dizaines de journaux universitaires à travers le Canada, visant entre autres à fournir un fil de presse et de services journalistiques et juridiques à ses membres. Une sorte de version estudiantine de la Presse canadienne et de l’Association canadienne des journalistes regroupés sous un même toît. Une bonne idée en théorie, mis à part les problèmes avec la plupart de ses services. En effet, la CUP ne répond pas à la demande de ses membres francophones. Pour cette raison Le Délit a décidé de quitter le navire en début d’année. En 2004, une motion était passée pour que la CUP soit complètement bilingue avant 2014. La motion acceptée par ses membres n’incluait aucune forme de structure concrète à suivre. Encore une fois, on nous présente une belle idée qui n’est pas plus que le reflet d’idéaux sur une flaque sans fond. Une année avant la date butoir, la Presse Universitaire Canadienne (PUC) touche le fond du baril. Sam Brooks, le président, en entrevue avec Le Délit, reconnaît que «cette année le renforcement de la PUC était un échec». Brooks invoque «un manque d’engagement des membres de la PUC [...] et une difficulté à communiquer» ccomme raisons pour les déboires de la branche francophone de l’organisation. Le fait d’avoir un président et un Chef de Pupitre National, unilingues, anglophones, n’est sûrement pas la meilleure façon de communiquer entre solitudes. L’excuse du «manque d’engagement des membres», ou plutôt l’histoire du serpent qui se mord la queue, destiné à tourner en rond à chaque tentative d’aller de l’avant. «Engagez-vous», qu’ils disaient… Mais, les membres de la PUC, ne bénéficiant pas de services francophones, quittent le navire et la PUC, les voyants partir un à un, trouve encore moins de raisons de faire l’effort du bilinguisme. Toujours selon Brooks, plusieurs de ses membres francophones «ne savaient même pas qu’ils faisaient partie de la PUC». Plus qu’un simple manque d'information de la part de ses membres, cette ignorance semble plutôt démontrer le manque de services qu’offre la PUC. Brooks reconnaît tout de même que la responsabilité d’améliorer la situation francophone revient à la CUP. Il explique que l’organisation «a besoin de trouver une autre stratégie». Selon lui, la CUP ne compterait plus que trois membres au Québec, contredisant d’autres membres de l’exécutif de l’organisation qui y verraient d’autres membres comme le Quartier Libre, dont le rédacteur en chef nous assure qu’ils ont quitté l’organisation. Formant une «minorité claire», il va falloir faire vite pour garder la région dans leurs rangs.
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Communauté Universitaire En tant que journal universitaire conçu par et pour les étudiants, couvrant les enjeux souvent ignorés par les médias de masse et par souci de fortifier son emprise sur la liberté de presse, de faire preuve de transparence, et de refléter les valeurs de son mandat, Le Délit s’est doté au cours de l’année d’une liste noire de publicités rentrant en vigueur ce mois-ci. Cette décision, adoptée à l’unanimité par le conseil de rédaction, a été motivée par la situation inconfortable dans laquelle nous ne pouvions refuser des campagnes publicitaires de recrutement militaire, compagnies pétrolières, etc. Nous nous opposons à faire la promotion des forces militaires canadiennes et étrangères. Mis à part notre opposition formelle à la conduite des offensives militaires, notre argument réside dans une réallocation de dépenses budgétaires. Les investissements consacrés à l’armement et au combat devraient servir à combler le sous-financement des services sociaux et de l’éducation. Selon l’Institut de Recherche et d’Informations SocioÉconomiques (IRIS) «une abolition totale et entière des frais de scolarité» au niveau post-secondaire coûterait à l’état Québécois entre 356 et 550 millions par année, soit moins de 2,5 % des dépenses militaires Canadiennes de 20,1 milliards (1). Nous nous opposons à faire la promotion des compagnies pétrolières. Ces mêmes corporations qui s’emparent des terres et ressources ancestrales pour les besoins des grands marchés. Créatrices d’emplois, les compagnies rendent en même temps les communautés autochtones dépendantes de l’industrie pétrolière. De plus, les récents développements dans les sables bitumineux par ces mêmes compagnies détruisent un paysage, contaminent et épuisent les nappes phréatiques et rejettent des quantités phénoménales de gaz à effet de serre. Nous nous opposons à faire la promotion de tout parti politique afin de représenter notre dissociation des plates-formes particulières de chaque parti. Nous sommes conscients de l'impossibilité d’être apolitique mais refusons d’approuver un parti en particulier. En fait, l’université est un lieu de convergence d’idées et ce n’est pas au journalisme étudiant de guider la réflexion politique de ses lecteurs. Nous nous opposons à faire la promotion de compagnies pharmaceutiques. Nous reconnaissons l’importance de la recherche scientifique, mais nous nous opposons à la promotion de l’oligopole des compagnies pharmaceutiques mondiales contribue à la hausse du coût des soins de santé publique et aux achats de brevets afin d’empêcher les compagnies concurrentes de développer des médicaments. Nous nous opposons à faire la promotion de services sexuels. Nous ne condamnons aucunement le travail sexuel, mais plutôt les inégalités de la prostitution dans le contexte d’une société patriarcale reliée à un système hétéronormatif. Finalement, nous nous opposons à faire la promotion des jeux d’argent. Le gouvernement, sous le couvert d’Hydro-Québec, exploite l’appât du gain pour tirer des revenus et encourage de ce fait l’endettement de sa population. x (1) Rapports sur les plans et les priorités 20122013 du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada
rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédacteur en chef rec@delitfrancais.com Nicolas Quiazua Actualités actualites@delitfrancais.com Secrétaires de rédaction Théo Bourgery Stéphanie Fillion Mathilde Michaud Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section Anselme Le Texier Secrétaire de rédaction Anne Pouzargues Société societe@delitfrancais.com Fanny Devaux Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Samuel Sigere Coordonnatrice visuel visuel@delitfrancais.com Lindsay P. Cameron Infographie infographie@delitfrancais.com Vacant Coordonnatrice de la correction correction@delitfrancais.com Myriam Lahmidi Coordonnateur Web web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Coordonnateur Médias reso@delitfrancais.com Louis Soulard Collaboration Simon Albert-Lebrun, Marie de Barthès, Louis Baudoin-Laarman, Joseph Boju, Anabel Cossette Civitella, Karina Fortier, Lauriane Giroux, Tanissia Issad, Alexandra Nadeau, Camille Gris Ro, Thomas Simonneau Couverture: Image : Victor Tangermann Montage: Lindsay P. Cameron bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Queen Arsem-O’Malley
Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Nicolas Quiazua, Olivia Messer, Sheehan Moore, Erin Hudson, Joseph Henry, Matthew Milne, Farid Muttalib, Shannon Pauls, Boris Sheldov, Queen Arsem-O’Malley, Rebecca Katzman, Anselme Le Texier
L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.
Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec). Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).
x le délit · le mardi 15 janvier 2013· delitfrancais.com
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Actualités
actualites@delitfrancais.com
Crédit photo :Victor Tangermann
POLITIQUE CANADIENNE
Colère autochtone
Le mouvement de contestation prend de l’ampleur a travers le pays Alexandra Nadeau Le Délit
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algré quelques dirigeants des Premières Nations manquant à l’appel, le Premier ministre Stephen Harper a tenu une rencontre avec la plupart des chefs autochtones à Ottawa, vendredi le 11 janvier. La présence de Stephen Harper pour l’ensemble des pourparlers, alors qu’il avait annoncé qu’il ne participerait qu’à une heure de ceux-ci. Cela n’a pas semblé être suffisant pour convaincre l’ensemble des dirigeants autochtones de participer, certains réclamant que le rendez-vous se tienne dans un hôtel et que David Johnston, le gouverneur général du Canada, soit aussi présent. Le but de cet échange entre les deux parties était de parler directement avec le gouvernement canadien pour mettre en avant les divers problèmes touchant les communautés autochtones, ceux-ci risquant de s’amplifier à cause de la nouvelle politique de Harper. Résultat: une entente pour mener de futurs dialogues entre le gouvernement et les Premières Nations afin d’étudier leurs revendications. Pas de changement sur les projets de lois onmibus contestés C-45 et C-38, ni sur la distribution des revenus tirés des ressources naturelles. Peu d’entre eux étaient optimistes par rapport aux résultats de cette rencontre. C’est le cas de Will Straw, directeur de l’Institut des Études sur le Canada de McGill. Il a confié dans un courrier électronique adressé au Délit que «le gouvernement conservateur a abordé [les protestations des autochtones] d’une manière bien différente des gouvernements précédents. Il montre plus d’intérêt à exposer ce qu’il juge être de la mauvaise gestion des ressources de la part des communautés autochtones [plutôt] que de résoudre des choses épouvantables comme les crises de logement des communautés du Nord canadien ou, par exemple, le problème des femmes autochtones ‘’disparues’’». Malgré l’ouverture à venir de futurs pourparlers, il pourrait être complexe pour le gouvernement fédéral de dialoguer avec les diverses communautés autochtones qui ne partagent pas toutes les mêmes problématiques et les mêmes points de vue sur certains enjeux. La grève de la faim se poursuit Malgré le fait que le Premier ministre canadien ait rencontré les dirigeants des Premières Nations, Theresa Spence, chef de la réserve autochtone d’Attawapiskat, continuera son jeûne qui a débuté le 11 décembre 2012. Dès le commencement, ses revendications étaient claires: ren-
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contrer directement le Premier ministre canadien afin de s’attaquer aux multiples problèmes auxquels font face les communautés autochtones du pays. Elle a assisté à une rencontre avec le gouverneur général vendredi, mais n’a pas rencontré Stephen Harper, car l’absence de David Johnston à l’échange était inadmissible pour elle. La chef d’Attawapiskat reste ainsi campée sur l’Ile Victoria à Ottawa, où elle préfère attendre la suite des choses afin de voir si réellement le gouvernement agira pour améliorer le sort des Premières Nations. Selon Will Straw, «cette grève de la faim mobilise évidemment beaucoup de Canadiens et les [force] à réfléchir au statut et à la condition des autochtones du Canada, ce à quoi ils ne passent pas beaucoup, et parfois n’y pensent que dans des moments de protestations publiques comme celui-ci. N’importe quelle action qui garde les problématiques reliées aux autochtones à l’avant-plan est importante». «Idle no more» En parallèle de la grève de la faim de Theresa Spence, un nouveau mouvement a vu le jour à la mi-décembre, connu sous le nom original de «Idle no more», qui n’a pas encore été traduit officiellement en français, mais qui peut correspondre à «cessons l’apathie». Ce mouvement s’est créé en réaction aux divers projets de loi conservateurs et au refus de laisser entrer des dirigeants autochtones à la Chambre des Communes pour discuter du projet de loi C-45 en décembre dernier. Né au Canada grâce à l’initiative de quatre femmes autochtones et nonautochtones de la Saskatchewan, le mouvement de contestation revendique la souveraineté autochtone et le droit de ce peuple de conserver ses terres et ses ressources, comme on peut le lire sur leur site web (idlenomore.ca). Le mouvement appelle clairement à mettre fin à la «colonisation» envers les peuples autochtones et invite ceux-ci à reprendre possession de leurs droits. Ce nouveau mouvement de contestations ne concerne pas seulement les autochtones, mais aussi tous les citoyens du Canada qui se sentent interpelés par les changements radicaux proposés par le gouvernement Harper. Le mouvement «Idle no more» a gagné de l’importance au niveau mondial. Plusieurs actions (manifestations, blocages de voies de transport, débats, etc.) ont ainsi eu lieu tout au long du mois de décembre et se poursuivront dans les mois à venir au Canada et à différents endroits de parts et d’autres du globe. Les quatre investigatrices ont toutefois spécifié que ces actions
devaient être pacifiques. «Je pense que le mouvement va continuer. Ça parle à tout le monde, à divers niveaux. On se demande parfois qu’est-ce que le mouvement ‘’Idle no more’’ revendique. Il y a beaucoup de choses de mélangées; Theresa Spence, la loi C-45, l’environnement… Je pense que c’est comme une sacoche. Je suis confiante envers le mouvement. Je crois que parce que ça vient de la base, on est capable de s’entendre», explique Mélissa Lebel. Pendant ce temps, le Canada manifeste Alors que les dirigeants des Premières Nations rencontraient le gouvernement canadien, de nombreuses manifestations se sont tenues partout dans le pays. À Montréal, plusieurs centaines de manifestants se sont retrouvés devant le Palais des Congrès en début d’après-midi le 11 janvier afin de soutenir les revendications autochtones. Avant d’entamer la marche, plusieurs discours ont été prononcés par divers organismes et groupes. Une manifestante, Mélissa Lebel, voit d’un bon œil cette mobilisation: «On a beaucoup de méconnaissance au Québec [quant à l’histoire et la réalité des autochtones]. On a vraiment besoin de partager l’information. C’est nouveau, avec ‘’Idle no more’’, qu’il y ait autant de support de la part des autochtones ainsi que des nonautochtones. C’est comme un nouveau discours qu’on entend. Je suis ici aussi, car je suis contre la loi C-45, ça nous touche tous, et [‘’Idle no more’’] est le seul médium qui existe pour l’instant au Québec pour manifester contre cette loi». Une ribambelle de gens composée d’autochtones, de non-autochtones, d’anglophones, de francophones, d’enfants, d’adultes et d’étudiants déambulait main dans la main pour former une immense chaine, dansant au son de tambours et de chants autochtones. Les manifestants ont ensuite commencé à marcher dans les rues, plumes rouges en vue, symbole à saveur québécoise du mouvement de contestations des Premières Nations. La manifestation s’est terminée au parc Émilie-Gamelin où l’ainée amérindienne a clôt l’événement par une prière comme le veut la tradition. Une organisatrice s’est aussi exprimée devant la foule: «Tout ce que j’espère, c’est que M. Harper regrette d’avoir réveillé l’ours qui dort en hiver». Selon Philippe, un manifestant et autochtone de la Bolivie, «les Premières Nations se sont fait marcher dessus par le gouvernement et c’est le temps de se réveiller. C’est le temps de s’unir pour mettre une pression pour gagner notre cause».
Vers un programme d’étude sur les autochtones à McGill En processus depuis quelques sessions, un nouveau programme d’étude sur les communautés autochtones devrait voir le jour en septembre 2013 à McGill, dépendamment du temps que les procédures administratives prendront. Will Straw en est l’initiateur, considérant que, selon lui, l’Institut sur les Études du Canada qu’il préside semble être une institution favorable pour donner un tel cours. Le programme s’articulerait autour de différentes thématiques comprises dans la faculté des Arts de l’Université (histoire, culture, société, problématiques économiques, etc.), et se concentrera d’abord sur les Premières Nations du Canada, mais pourrait également parler des autochtones des Amériques, voir même du monde entier. «Étant un lieu majeur d’apprentissage, situé rappelonsnous sur des terres Mohawk, McGill a la responsabilité d’inclure les problématiques concernant les Premières Nations comme un des enjeux clés auxquels font face notre société et notre culture. Les universités, comme on le sait, sont plus que des institutions fabriquant des diplômes. Ce sont des lieux d’échange et de construction pour les communautés», précise Straw. La bataille entre les deux parties ne fait que commencer et il ne tient qu’au Premier ministre de se montrer ouvert aux négociations. x C-38, C-45 :Des lois dites «mammouths» qui déplacent de l’air La relation entre les premières nations et le gouvernement actuel s’est envenimée alors que les conservateurs ont déposé leur deuxième projet de loi budgétaire dit mammouth à l’automne dernier, le projet de loi C-45, suivant les mêmes changements draconiens de son homologue C-38. Ces deux projets de loi ont entrainé la grogne chez les autochtones en affectant divers points concernant l’environnement: abandon de protection de diverses espèces de poissons par la modification de la loi sur les pêches, abandon de la protection de la majorité des lacs et rivières au Canada, allègement des processus d’évaluation environnementale pour les grands projets, modification de la loi sur les Indiens en réduisant le nombre de personnes devant être consentante pour déterminer le sort d’une terre ancestrale... Les décisions gouvernementales de la dernière année au nom de l’équilibre budgétaire risquent d’affecter directement le mode de vie des populations autochtones, mais aussi l’environnement de tous les canadiens.
x le délit · le mardi 15 janvier 2013 · delitfrancais.com
BRÈVE/INTERNATIONAL
La France au Mali Camille Gris-Roy Le Délit
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a France est engagée militairement au Mali depuis vendredi. Le 11 janvier dernier, le président français François Hollande a annoncé que des troupes s’étaient jointes à l’armée malienne pour contrer l’avancée des groupes islamistes qui contrôlent le nord du pays depuis plusieurs mois. Depuis le coup d’état du 22 mars 2012, le Mali est en situation de conflit. Certains groupes aux motivations idéologiques extrêmes ont profité du tumulte politique et de l’absence d’un gouvernement central solide pour prendre peu à peu le contrôle de la partie nord du pays. La semaine dernière, la situation devenait de plus en plus critique, alors que les groupes islamistes descendaient vers le sud. Jeudi dernier, le 10 janvier, le diplomate canadien Robert Fowler, ex-otage d’Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), en entrevue avec La Presse, soulignait la nécessité d’une rapide intervention militaire au Mali. Le Canada n’envisage pour l’instant aucune intervention militaire directe. Le Premier ministre Stephen Harper avait déjà précédemment exclu
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cette option. Mais selon Robert Fowler, le Canada doit intervenir, en fournissant au minimum une aide logistique et une certaine assistance militaire à l’armée malienne. Lundi, Ottawa a confirmé que le Canada enverrait un de ses avions militaires. Mohammed, étudiant malien à HECMontréal, soutient l’intervention de la France, qu’il juge être «la bienvenue». «Sans [l’intervention], je ne sais pas à quoi ressemblerait notre pays aujourd›hui. Bien sûr, ils y a ceux qui disent que la France protège ses propres intérêts, certains voient cela comme une forme de néocolonialisme». Mais, dans tous les cas, Mohammed estime qu’il vaut mieux «accepter l’aide d’un allié» plutôt que de laisser la situation dégénérer. Bintou, étudiante à l’école Polytechnique de Montréal, voit aussi ces récents développements au Mali d’un bon œil. «L’engagement militaire de la France aux côtés des militaires maliens constitue une réelle source d’espoir pour les Maliens du monde entier. L’implication de forces africaines dans ce conflit souligne aussi la volonté de ne pas laisser s’installer un état terroriste.» Elle ajoute cependant: «Tout reste à faire, ce n’est que le début d’une offensive dont on ne connaît pas la durée», mais elle dit «garder espoir». x
BRÈVE/CANADA
GÉNÉTIQUE HUMAINE
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BRÈVE/MCGILL
Sables bitumineux Amiante Théo Bourgery Le Délit
Camille Gris-Roy Le Délit
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’est à l’université Concordia qu’aura lieu, le 19 janvier prochain, la journée d’information sur les sables bitumeux.
L’événement «Les Sables Bitumineux arrivent au Québec» cherche à élaborer «une stratégie collective pour empêcher les compagnies pétrolières […] de faire passer le pétrole sale […] par le Québec», annonce leur page Facebook. La journée d’information présentera des ateliers et présentations par d’éminents experts, tels qu’Éric Martin, de l’Institut de Recherche et d’Information Socio-économique (IRIS). Les curieux pourront y découvrir les coulisses du débat qui fait rage depuis plusieurs années. Si aujourd’hui Concordia se mobilise, c’est plus particulièrement en réponse au projet Trailbreaker, qui vise à acheminer une partie de ces sables au Québec pour le raffinage. Si celui-ci date de 2008, il a été mis en attente en janvier 2009 ad vitam aeternam, puis a repris un an plus tard, au grand dam des écologistes. Toute la problématique réside dans l’extraction de ce type de sable: même s’il représente la plus grande accumulation de pétrole dans le monde, son impact sur l’environnement est considérable et l’exploitation de cette ressource est à l’origine de plusieurs débats sur la scène nationale Canadienne. Le transport de ces sables serait fait via des oléoducs longs de milliers de kilomètres, transportant l’équivalent de 200 000 barils par jour. Le plus gros risque réside dans une fuite de l’oléoduc: l’impact écologique pourrait alors être une catastrophe. Le Pembina Institute, qui vise à trouver des solutions aux crises écologiques, indique sur son site Internet que l’exploitation de ce pétrole «est responsable de 4% des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) du Canada». Greenpeace, un lobby environnementaliste connu pour sa vision «extrémiste» soutient dans son rapport «Les Sables Bitumineux, une Catastrophe Écologique Mondiale» que «ce pétrole laisse une empreinte carbonique plus marquée que tout autre produit pétrolier sur le marché». Midnight Kitchen, qui offre des repas gratuits aux étudiants de l’Université McGill, sera le traiteur pendant toute la durée de l’événement. x x le délit · le mardi 15 janvier 2013· delitfrancais.com
e débat à propos des travaux sur l’amiante du Dr. John Corbett McDonald, professeur émérite de McGill à la retraite, n’est toujours pas clos. Le lundi 7 janvier 2013, les professeurs Bruce Case, du département de Pathologie de McGill, et David Egilman, du département de médecine familiale de l’Université Brown ont donné chacun une conférence sur la question. Le Dr. J. Corbett McDonald a conduit depuis 1966 plusieurs recherches sur l’amiante et sur ses effets sur la santé et a publié plusieurs rapports à ce sujet entre 1971 et 1998. En février 2012, suite à la diffusion de documentaires de Radio-Canada et CBC, monsieur Corbett McDonald est accusé d’avoir été influencé dans ses recherches par l’industrie de l’amiante. On lui reproche notamment d’avoir conclu que le chrysotile, une des formes d’amiante – la forme la plus utilisée dans l’industrie, a peu d’effets sur la santé en comparaison avec les autres formes d’amiante. Une enquête a par la suite été menée à McGill et le 17 octobre 2012, le Dr. Abe Fuks, commissaire à l’intégrité de la recherche de l’Université McGill, a conclu que ces accusations étaient non fondées. Lundi dernier, le professeur Bruce Case a soutenu la thèse du Dr. Fuks et a donné une conférence pour défendre plusieurs de ses collègues chercheurs, dont le Dr. J. Corbett McDonald.
Suite au discours du Dr. Case, le professeur David Egilman a tenu une «contre-conférence pour dénoncer les travaux du professeur Corbett McDonald. Selon le Dr. Egilman, J.C.M. a manipulé» les données de ses recherches. Le professeur a vivement critiqué le Dr. Corbett McDonald ainsi que l’enquête et le rapport du Dr. Fuks. «Ce qui m’inquiète, ce n’est pas tant que Corbett ait triché ou non dans ses travaux, mais c’est que ses recherches soient utilisées à des fins contreproductives», a déclaré le Dr. Egilman. Il a demandé que l’Université retire les études du professeur Corbett McDonald. Si l’Université retire le document, tout est fini». Le débat continue toujours. x
Crédit photo: Lindsay P. Cameron
Date Importantes 16 janvier 2013 Conseil legislative de AÉFA Leacock 232 18h30 17 janvier 2013 Assemblée Général de Queer McGill SSMU Ballroom 18h00 22 janvier 2013 Fin Période Add/drop 24 janvier 2013 Conseil législatif de l’AÉUM Salle Lev bukhman 18h00 31 janvier 2013 Réunion générale annuelle de AMUSE Leacock 232 18h00 4 février 2012 Assemblée Générale de l’AÉUM Shatner ballroom 16h30 16 janvier 2013 Conseil legislative de AÉFA Leacock 232 18h30
Actualités
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CAMPUS
Premier conseil législatif pour l’AÉUM Le Doyen récapitule les objectifs et le budget de 2012 de l’Université Louis Baudoin-Laarman Le Délit
Crédit photo: Lindsay P. Cameron
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e jeudi 10 janvier dernier, l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM) a tenu son premier conseil législatif de la session d’hiver 2013. Figurait sur l’agenda en particulier l’invitation devant le conseil du doyen de l’Université McGill Anthony Masi, venu faire un compte rendu de l’année 2012 et une présentation des objectifs de l’administration pour l’avenir. Au programme était aussi la motion présentée par Robin Reid-Fraser, VP externe de l’AÉUM, et Devin Bissky Dziadyk, représentant des sciences, concernant la tenue d’états généraux sur l’éducation supérieure du Québec. Compte rendu du Doyen Le doyen de l’université Anthony Masi a commencé son compte rendu en répondant aux questions des membres du conseil à propos de l’administration et des réformes de l’année précédente. Masi a ensuite évoqué les difficultés rencontrées cette année concernant la prévision du budget, car les fonds supplémentaires alloués par le gouvernement Charest dans le cadre de la hausse des frais de scolarité ont été coupés deux fois par ce dernier, avant d’être définitivement annulés par le gouvernement Marois. Sur ce, Masi s’est plaint que «le financement irresponsable
du gouvernement [provincial] est au moins partiellement responsable du déficit auquel nous faisons maintenant face», et que «bien que le Québec ait fait de bonnes choses pour l’éducation, ses universités sont maintenant sous-financées». Le déficit actuel de l’université s’élève s’élève selon lui aux alentours de 88 millions de dollars. Masi a ensuite dévoilé les objectifs de l’administration destinés à faciliter sa mission, à savoir «faire progresser
l’acquisition de connaissances par son enseignement, par ses travaux de recherche et par les services qu’elle rend à la société», selon le site Internet de l’université. Ces derniers comprenaient, entre autres, l’embauche du nouveau premier vice-président exécutif adjoint mais aussi le développement de McGill Innovative Learning Environments (MILE). Le but de cet organisme sera de restructurer les espaces d’études à McGill, en particulier les bibliothèques,
dont les espaces utilisés pour les livres écrits pourraient être réaménagés au profit de l’acquisition de plus de livres électroniques. En effet, selon le Doyen: «Près de la moitié des livres écrits dans la bibliothèque McLennan ne sont jamais empruntés», ajoutant que cet espace pourrait être utilisé à d’autres fins. Motion concernant le sommet sur l’éducation supérieure Suite au compte rendu du Doyen et quelques motions concernant la législation de l’AÉUM, un débat a été ouvert concernant la motion de Robin Reid-Fraser et Devin Bissky Dziadyk, qui stipulait la demande par l’AÉUM d’états généraux sur l’éducation supérieur, à travers la Table de Concertation Étudiante du Québec (TaCEQ). Selon Reid-Fraser, «nous allons à ces rencontres [de la TaCEQ] sans vraiment savoir ce que nous voulons». Des états généraux fourniraient donc une plate-forme nécessaire aux discussions afin de bien représenter les désirs des étudiants au Québec concernant l’éducation universitaire. Ils permettraient selon la VP externe de faire un examen complet du système universitaire afin d’arriver préparé au sommet sur l’éducation supérieur prévu par le gouvernement provincial en février prochain. Après un long débat au sein du conseil, la motion à été reportée à plus tard. x
CAMPUS
Un code de conduite étudiant dénoncé par les étudiants Un élève de McGill en cour contre le nouveau Code de Conduite de l’Étudiant Stéphanie Fillion Le Délit
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lors que le Code de conduite de l’étudiant de l’Université McGill s’apprête à être révisé, les modifications qui y seront apportées continuent à faire couler de l’encre. Un étudiant de l’université, Eli Freedman, a décidé d’aller jeter sa colère sur papier en déposant un grief contre ce Code de conduite en voie d’être modifié. Eli Freedman était présent lors de la manifestation du 10 novembre 2011 en marge de l’occupation du bâtiment James. «C’était un jour dramatique pour plusieurs étudiants alors que la police est intervenue lors d’une manifestation pacifique», explique-t-il. Après une manifestation ayant eu lieu dans la ville de Montréal contre la hausse des frais de scolarité annoncée par l’ancien gouvernement Charest, certains étudiants ont occupé le pavillon James, qui héberge l’administration de l’université. Certains d’entre eux sont entrés dans le bureau de la directrice de l’université, Heather Munroe-Blum, qui était alors absente. Les policiers de l’escouade anti-émeute sont ensuite intervenus et un protocole provisoire sur les manifestations et l’occupation de l’université a été adopté. Pour faire la lumière sur les événe-
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ments et changer la manière d’intervenir de l’université lors de ce type de situation, la principale Monroe-Blum a confié l’affaire au professeur Christopher Manfredi. L’enseignant a émis un rapport en octobre dernier après avoir assisté à la tenue de quatre assemblées publiques sur la liberté d’expression. Dans son rapport, Christopher Manfredi a, entre autres, conclu qu’une révision du Code de conduite de l’étudiant était nécessaire. Pour Eli Freedman, ce changement représente une atteinte à la liberté d’expression et à certains droits de l’Homme. Il croit aussi que la modification aura un effet intimidateur et que, s’il est adopté, il jettera un froid sur les futures manifestations publiques d’étudiants. «Avec ces modifications du Code de conduite, les étudiants vont certainement être moins enclins à manifester, car les conséquences seront plus grave», déplore M. Freedman. Pour lui, le protocole adopté après le 10 novembre 2011 est un symbole de la vision de l’université des manifestations publiques, qui, selon lui, sont perçues comme une menace: «Les manifestants se sentent comme des terroristes sur leur propre campus», dit-il. L’étudiant qui termine son baccalauréat en philosophie a suivi les étapes du
Crédit photo: Lindsay C. Cameron
protocole et lu le rapport Manfredi pour enfin décider la semaine dernière d’aller de l’avant et d’envoyer un grief contre la modification de la loi au Sénat, prévue à la fin du mois de janvier. «Je sens que plusieurs personnes me [soutiennent]. Or, j’ai entrepris moi-même les démarches», a t-il affirmé au Délit, admettant avoir reçu certains conseils juridiques gratuits
de certains avocats. Eli Freedman a donc mis ses intentions sur papier, avec l’aide de certains professeurs et espère avoir un impact sur l’administration, même s’il est très pessimiste à ce propos. Il participera également à une manifestation contre la modification du Code de l’étudiant de l’université qui aura lieu le 31 janvier prochain au Sénat. x
x le délit · le mardi 15 janvier 2013 · delitfrancais.com
CONFLITS INTERNATIONAUX
La guerre en Syrie se poursuit 60 000 morts, 500 000 réfugiés Karina Fortier Le Délit
L’
année 2013 a débuté sans vrai signe d’espoir pour les Syriens qui continuent de vivre leur quotidien au son d’hélicoptères et de coups de mitraillette. Alors que la guerre civile qui oppose le gouvernement de Bashar al-Asad aux forces rebelles entame son 19e mois, l’année 2013 a débuté sans vrai signe d’espoir pour les Syriens qui continuent de vivre leur quotidien au son des hélicoptères et des coups de mitraillette. La télévision de CBC estime que le nombre de morts a dépassé 60 000, et que le nombre de réfugiés approche les 500 000 dans le pays du Moyen-Orient. Ces migrations causent de sérieuses tensions diplomatiques entre la Syrie et ses voisins, notamment le Liban et la Turquie. Une opposition officielle? Bien que la communauté internationale ait reconnu le Conseil National Syrien (CNS) en tant qu’opposition officielle, elle avait toutefois refusé de lui accorder de l’aide financière ou militaire. Après l’échec du CNS dans sa tentative de rassembler les factions de l’opposition, la Coalition Nationale des forces de l’opposition et de la Révolution (CN) a été crée en Novembre 2012. Celle-ci rassemble le CNS et les Comités Locaux de
Coordination qui dirigent l’opposition sur le terrain. Établie au Caire, elle est dirigée par l’ancien imam Moaz al-Khatib. À son tour, la CN fut reconnue en tant qu’opposition officielle par la communauté internationale. Toutefois, selon le professeur de l’Université McGill et spécialiste en affaires du MoyenOrient Rex Brynen, la nouvelle organisation «n’a pas, à ce jour, eu plus de succès que l’ancien CNS lorsqu’il s’agit de créer une seule opposition cohérente». Une teinte islamiste qui déplaît à l’Occident Malgré les demandes de la CN de soutien financier et militaire, les pays occidentaux hésitent à s’engager officiellement à cet égard. Certains soulèvent la possibilité qu’une provision d’armes militaires pourrait bénéficier aux forces islamistes extrémistes. L’organisation extrémiste Jabha alNusra, reconnue pour entretenir des liens avec Al-Qaïda, s’est déclarée à l’origine de plusieurs attaques suicidaires contre des cibles gouvernementales. Rex Brynen affirme que ce groupe est un des plus radicaux du mouvement Islamiste et que son influence en Syrie est considérable. Or, M. Brynen affirme qu’«un gouvernement islamiste est une possibilité, mais il ne serait certainement pas aussi extrême que Jabha al-Nusra». Bien que M. Brynen admette la possibilité de porter au pouvoir un gouvernement islamiste suite à la chute du régime,
il affirme qu’un tel gouvernement ne serait «certainement pas aussi extrême que Jabha al-Nusra». Dans une vidéo diffusée sur Internet en Novembre dernier, un combattant qui dit représenter 14 groupes militants islamistes, déclare son opposition à la CN, sous prétexte que l’organisation recèle une influence occidentale; et affirme leur détermination à créer un état islamique.
mois précédents. Ils ont également assiégé l’aéroport international d’Alep. «Il n’y a aucun doute que l’opposition est en train de gagner la guerre», écrit M. Brynen. «Je pense qu’il y a une probabilité de 50% que le régime chute dans les six prochains mois. Mais ça pourrait aussi prendre beaucoup plus longtemps.» x Illustration: Matthieu Santerre
Les rebelles gagnent du terrain «La guerre civile ne peut prendre fin qu’avec le départ d’Asad», affirme M. Brynen dans un courriel au Délit. Hors, cette issue semble encore loin, alors que le 6 janvier dernier, le président Bashar AlAsad a réaffirmé sont désir de rester au pouvoir. Il continue d’attribuer le conflit à des forces terroristes conspiratrices ayant infiltré le pays qu’il suffit d’éliminer pour rétablir la paix. Le controversé président a proposé un plan selon lequel il superviserait une conférence de réconciliation nationale, une élection fédérale, et un nouveau gouvernement. Bachar Al-Asad refuse cependant de dialoguer avec l’opposition armée. Entre temps, les forces d’opposition continuent leur avancée sur le terrain. Le 24 décembre 2012, les rebelles ont pris une base aérienne dans la province d’Alep où ils ont déjà pris contrôle de trois autres bases militaires importantes au cours des
ÉTATS-UNIS
Le Mur Budgétaire évité Hausse des impôts pour les américains Sophie Blais Le Délit
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n accord reportant les coupes budgétaires et une hausse des impôts supposées entrer automatiquement en vigueur le 1er janvier 2013 a été approuvé, évitant aux États-Unis de s’écraser contre le «Mur Budgétaire». Récapitulation Les origines de la crise remontent à 2001, année durant laquelle George W. Bush, alors président des États-Unis, fait approuver au Congrès un programme de réduction d’impôts de 1,7 milliards de dollars américains. Cette législation baisse le taux d’imposition pour toutes les tranches de revenus: les taux des tranches les plus basses passent de 15% a 10%, ceux des tranches les plus élevées de 39.6% a 35%, ce qui diminue les revenus gouvernementaux et donc le potentiel budgétaire. Cette mesure est toutefois temporaire, censée expirer au commencement de l’année 2011. Cependant, en 2010, un accord, passé avec l’appui du Congrès alors majoritairement républicain, recule l’échéance de deux ans de plus, jusqu’en janvier 2013. L’histoire ne s’arrête pas là. En 2011, Barack Obama tente d’élever le plafond de la dette américaine de 2,1 trillions de dollars, augmentant ainsi la capacité d’endettement du pays, afin de s’attaquer au déficit monstrueux. Les Républicains dénoncent la mesure, préconisant à la place une cure d’austérité. Finalement, un compromis est atteint, et le plafond de la dette pourra augmenter
jusqu’au 31 décembre 2012. Le «Mur Budgétaire» c’est donc ce cocktail explosif englobant une hausse automatique des impôts pour tous les Américains et l’entrée en vigueur de coupes au niveau des budgets de politique intérieure et militaire. Si cette combinaison de coupes et de hausses avait eu lieu faute d’une entente, les États-Unis aurait pu replonger en récession, selon les dires de nombreux économistes. Le Fond Monétaire International (FMI) a averti que les voisins immédiats des États-Unis, tels que le Mexique et le Canada, en auraient eux aussi considérablement soufferts. Ils se sont mis d’accord, mais sur quoi? Cela faisait quelques semaines que l’administration Obama et le Congrès étaient en négociations avec pour but de s’accorder sur les mesures à prendre. Le projet d’entente trouvé in extremis maintient le taux d’imposition pour tous les ménages américains, mis à part les 2% les plus riches. En effet, les individus et ménages gagnant plus de 400 000 dollars et 450 000 dollars respectivement voient leur taux d’imposition revenir à 39.6%, le taux en vigueur en 2001. D’autres mesures censées expirer ont, elles, été remises à l’année prochaine, comme la fin des prestations de chômage; «sans cette prolongation, deux millions d’Américains auraient perdu leurs prestations ce mois-ci», selon Radio-Canada. Les coupes budgétaires, quant à elles, ont été repoussées jusqu’en mars, ce qui remet de nombreuses discussions concernant le budget à plus tard.
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Illustration: Matthieu Santerre
Et maintenant? En effet, les négociations ne s’arrêtent pas ici, puisqu’une nouvelle échéance a été annoncée: d’ici deux mois le plafond de la dette devra être relevé afin d’éviter aux États-Unis un défaut de paiement sur ses obligations. Seulement, cette fois-ci, Obama a averti qu’il refusera de négocier avec les Républicains: «Je négocierai sur beaucoup de choses, mais je ne débattrai pas encore avec le Congrès sur la nécessité d’acquitter les factures résultant des lois déjà adoptées». Les membres Républicains du Congrès, eux, refusent l’accroissement de la limite d’emprunt si
celle-ci n’est pas couplée avec une baisse des dépenses. Malgré l’obtention d’un accord évitant le «Mur Budgétaire», on ne peut s’empêcher d’observer ce qu’il se passe de l’autre côté de la frontière avec un léger cynisme. Les solutions proposées offrent seulement une protection de l’économie américaine à court terme. Il est évident que des différences de fond entre Républicains et Démocrates concernant la fin de la crise ralentissent l’avancée du dossier concernant le déficit budgétaire. Les désaccords entre le Congrès et l’administration Obama ne s’arrêteront pas de sitôt, surtout à l’approche d’un enjeu de taille. x
Actualités
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Société
Sexe & C
societe@delitfrancais.com
Gérer la pornograp
Marie de Barthès Le Délit Le porno aujourd’hui Les images sexuellement explicites ont en quelque sortes été normalisées voire glamourisées dans la culture populaire occidentale, supposant que la population y est familière. Il est par exemple tout à fait normal de voir une jeune femme recevant un jet de crème hydratante sur le visage pour une pub Clinique, rappelant plutôt explicitement la pratique du «facial», souvent composante des scripts sexuels des films pornos. Tout ça est devenu normal, courant. En plus de se répandre dans nos vies quotidiennes, l’industrie du porno grandit très vite. Les profits estimés sont extrêmement élevés, avec des recettes aux États-Unis plus grandes que celles des dix plus grosses entreprises de haute technologie combinées, Apple, Microsoft et Google incluses. Avec le développement d’Internet, l’accès au porno est de plus en plus facile, et une bonne partie des vidéos est gratuite. Le public étant de plus en plus vaste et habitué, l’industrie du porno réagit en produisant des images de plus en plus hardcore, violentes voire tordues. On ne peut pas coller l’étiquette «porno» sur n’importe quelle mise en scène d’acte sexuel. Moi-même, je voyais ça de loin, se résumant à de simples scènes érotiques, consensuelles, et sans grand danger. Mais il ne faut pas oublier le porno violent, voyeur, incestueux, pédophile, raciste ou encore des choses aussi dérangeantes que les scènes où des filles se font violer par des tentacules; et tout cela représente une sacrée portion des vidéos en ligne. Vous me direz, chacun son style. Idéalisation de la réalité Le débat est d’ailleurs très agité. Grosso modo, il y a les libéraux qui considèrent que du moment que le porno est
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consommé dans l’intimité des usagers pour leur plaisir personnel, ils devraient être libres de le faire. Puis, il y a les conservateurs-moralistes qui le voient comme systématiquement offensif et dérangeant pour les valeurs morales. Et enfin les féministes radicales selon lesquelles le porno est le reflet d’une société dominée par les hommes et qu’il joue un rôle crucial dans la perpétuation de cette domination. De ces trois idéaux, on voit naître une polarisation. Elle a mené à de nombreuses manifestations, lobbys et débats, sans jamais vraiment déstabiliser l’industrie qui prend des airs de toute-puissance. Les chercheurs eux-mêmes ne s’entendent pas sur les réels effets de la pornographie. Perpétue-t-elle le mythe du viol? Est-elle entièrement sans danger? Dans quelle mesure la violence peut-elle être inoffensive? Un des consensus est que l’usage de la pornographie violente par les hommes est susceptible de créer des attitudes négatives envers les femmes et de stimuler un comportement sexuel dominant (Bridges, 2003). Aussi, il existe un grand écart entre le portait que dresse le porno de la sexualité et la sexualité «en vrai». En majorité, dans le paradis érotique du porno hétérosexuel, les hommes comme les femmes sont toujours prêts à avoir une relation sexuelle, en ont toujours envie, et le rapport sexuel implique forcément la pénétration et un orgasme immédiat (Kimmel, 2008). Une image bien évidemment très loin de la réalité. Cette idéalisation de la réalité dans les scripts sexuels a un impact important chez les usagers.
«Le
public est de plus en plus habitué aux images violentes de scènes sexuelles»
Pour être honnête, je n’avais jamais vraiment réfléchi à la pornographie ou à ses effets avant ma première année d’uni-
x le délit · le mardi 15 janvier 2013 · delitfrancais.com
versité, lorsque mes amis ont décidé qu’il était temps pour celles qui n’en avaient jamais vu de tenter un film. Je suis sortie de l’expérience avec une nausée passagère et pas mal d’incompréhensions, face à la différence des réactions entre mes amis hommes et femmes. Mon opinion selon laquelle le porno était une activité comme une autre qui ne me convenait simplement pas personnellement a ensuite changé après des recherches personnelles sur les dessous de l’industrie
du porno. Il existe des pratiques dérangeantes et problématiques éthiquement parlant: du porno carrément raciste ou des mutilations génitales filmées. Dans le couple Peu de temps après, une dispute éclate dans un couple d’amis proche: il lui est arrivé de regarder des clips pornos, elle ne le savait pas et l’apprend par l’historique internet de son petit ami. Elle est mal à l’aise, elle se sent trahie; lui trouve son activité tout à fait normale
et ne comprend pas sa réaction. Sébastien* confie son incompréhension: «elle disait des choses comme: pourquoi as-tu encore besoin de mater du porno? Est-ce que je ne suis pas assez sexy? Estce que c’est pas suffisant quand on couche ensemble? Tu veux que je sois comme les filles dans tes vidéos c’est ça? Bien sûr, rien de tout ça n’était vrai pour moi. Je me sentais vraiment mal à l’aise». Au-delà de l’impact au niveau individuel, la pornographie fait aussi partie intégrante des relations de couple.
Conflits
phie dans le couple
De ces discussions, je retiens plusieurs attitudes. Tout d’abord, lorsque l’usage de la pornographie par un des partenaires cause un conflit, la raison principale est que les jeunes personnes attribuent des motivations différentes du visionnage que celles que leurs partenaires décrivent. En général, regarder du porno est surtout un moyen de soulager des envies dites «biologiques» et surtout une habitude qu’ils gardent de leur préadolescence; une sorte de routine «brossage de dents porno - dodo», comme l’a formulé Maxime*. Par-dessus tout, ils décrivent cette activité comme un acte complètement détaché de leur vie de couple et de la performance sexuelle de leurs partenaires. Du côté des non-consommateurs, il y a surtout de l’incompréhension: pourquoi leurs partenaires s’excitent-ils devant des conjoints physiquement complètement différentes d’eux–mêmes? Est-ce qu’ils pensent à elles quand ils/elles font l’amour? Ont-ils besoin de regarder des films X car ils/elles ne sont pas assez doué(e)s sous la couette? Autrement dit, les partenaires non-consommateurs du porno attribuent l’utilisation de porno de leur partenaire à une dysfonction dans le couple et la relie à leur propre valeur comme conjoint, alors que les consommateurs de porno le voient comme une simple habitude, en aucun cas substituable à du «vrai» sexe avec leur partenaire.
Illustration: Lily Schwarzbaum Les conflits causés par l’utilisation de la pornographie dans les couples ne sont pas rares. Il existe de nombreuses études sur le sujet, notamment sur le rôle de la pornographie dans les couples mariés, pour qui l’addiction au porno de l’un des membres est considérée comme un réel fléau. Bergner et Bridges ont en effet conduit une recherche sur le sujet et ont découvert que l’usage fréquent de la pornographie par l’un des partenaires affectait la qualité de la relation et la satisfaction sexuelle des deux
partenaires. Elle causait également des baisses de confiance en soi chez le conjoint, hommes et femmes confondus, quant à leur propre physique et performances sexuelles et relationnelles. Les jeunes adultes Cependant, très peu d‘études ont été faites sur les jeunes adultes en couple. Pourtant, cette tranche d’âge semble tout particulièrement intéressante pour une étude sur la pornographie. En effet, non seulement les jeunes adultes sont les plus
gros consommateurs de pornographie, mais la période entre 18 et 25 ans est vue comme un moment d’exploration sexuelle et sentimentale, renforcée par la transition à l’université qui stimule l’évolution des attitudes et comportements sexuels. J’ai donc décidé de rencontrer quelque couples —chaque partenaire séparément— pour connaître leur expérience concernant la pornographie, les raisons pour lesquelles ils y ont recours et comment ils abordent le sujet dans leur couple.
La communication Dans les couples où les deux partenaires ont recours à de la pornographie, séparément ou avec leur partenaire, les conflits sont presque inexistants. Lidia* précise «ça rajoute du piment dans notre intimité… de temps en temps!». Rien de nouveau: si les deux partenaires apprécient cette pratique, moins de conflits apparaissent. Cependant, il y a très peu de différences entre les raisons des hommes de regarder du porno et la perception de ces raisons par les femmes. Lidia* ajoute «je sais pourquoi il le fait, puisque je le fais aussi. Aucun de nous deux ne le prend comme une critique». Ce qui reste important pour eux, c’est de séparer clairement «leur» sexualité et la sexualité de la por-
nographie. Ainsi, Margaux* confie que «on ne fera sûrement jamais la moitié de ce qu’on regarde». La pornographie est un sujet dont il est important de parler. En effet, plusieurs études ont démontré que la possibilité d’un conflit dans le couple est relative au degré de communication et d’ouverture entre les partenaires.
«Il
leur faut séparer clairement la sexualité du couple et la sexualité expérimentée à travers la pornographie»
Pour les couples dans lequel le sujet est resté tabou, le recours au porno crée un conflit très important tandis que pour les couples au courant de l’activité de l’un et l’autre, les tensions sont quasi inexistantes. En effet, plus un couple aborde le sujet de la pornographie de façon ouverte, plus la compréhension des motifs derrière cette activité s’améliore. Cela diminue donc les risques d’un écart entre la perception des deux partenaires, ce qui me semble être une cause majeure de conflit. Les trois quarts des personnes interrogées ignoraient complètement les conséquences possibles, sur leurs partenaires, de leur consommation de pornographie. Clairement, la plupart n’avaient jamais pensé une seconde que leur activité pouvait affecter leur relation amoureuse. Donc le porno, bien qu’il soit si courant devrait peut-être considéré comme une action à conséquence, spécialement lorsque la communication au sein du couple n’est pas au rendez-vous. Pour minimisez les conflits: regardez, mais parlez! x * Les noms ont été changés par souci de confidentialité Bridges AJ, Romantic partners’ use of pornography: its significance for women. Sex Marital Ther. 2003 Bergner and Bridges, The Significance of Heavy Pornography Involvement for Romantic Partners. Sex Marital Ther. 2002
Société
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OPINION
Un Gérard national… pas si national que ça Réaction au départ de Gérard Depardieu, motivé par la possible hausse du taux d’imposition français Théo Bourgery Le Délit
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epuis 1965 il est au cinéma français ce qu’Albert Einstein fut à la physique. Plus qu’une star, il incarne la France dans son ensemble: sa culture, ses secrets, ses mœurs, son charme. Notre Gérard national a été couvert de prix: des Césars et un prix d’interpétation au festival de Cannes, en France, une nomination à la cérémonie des Oscars, Chevalier de la Légion d’Honneur… Aujourd’hui, devant le regard incrédule de l’opinion publique, Gérard Depardieu quitte son pays natal, en rage contre le risque d’une forte hausse du taux de l’impôt sur le revenu. Il préfère s’installer en Belgique où la fiscalité avantageuse est plus réputée que les beaux paysages. Quelques mètres symboliques L’élection de François Hollande à la présidence de la République en a empêché plus d’un de dormir. Durant la campagne, le candidat annonce que tout Français gagnant plus d’un million d’euros (1.3 millions de dollars) par an sera taxé à 75% de ses revenus. La droite s’étrangle, les riches tournent de l’œil, mais Depardieu ne perd pas pied: rester dans un pays qui «considère que le succès [et] le talent […] doivent être sanctionnés»? Jamais! Épris d’une haine contre un gouvernement qui «[pénalise] ceux qui réussissent», il décide de se défaire de sa nationalité française, puis s’ins-
Crédit: Matthieu Santerre talle en Belgique, à seulement un kilomètre des frontières. La scène politique subit alors un vrai razde-marée: la droite dit partager «le sentiment d’écœurement» avec Depardieu et voit l’impôt comme une «confiscation des revenus». La gauche, en revanche, parle d’une «déchéance personnelle» ainsi que d’un acte «minable». Tandis que les tons montent et que l’Élysée essaye tant bien que mal de prôner l’indifférence, le raz-de-marée fait place à un tsunami: Vladimir Poutine, président de la Russie,
offre à l’acteur la nationalité Russe et lui propose le poste de Ministre de la Culture de Mordovie. Personne ne s’y attendait. Soudain, tous les Français se retournent contre lui, clamant que son départ n’est qu’une fuite lâche et basse. Même l’opposition au gouvernement retourne sa veste et va à l’encontre du choix de l’acteur: «Il y a ceux qui peuvent partir et ceux qui ne peuvent pas», lance Marine le Pen, présidente du parti d’extrême droite Front National (FN).
Une réaction similaire semble résonner dans les couloirs de McGill. Les étudiants français se disent dans l’ensemble «déçus» qu’une telle icône du pays parte pour de simples intérêts personnels. Aliaume, élève de première année originaire de Bordeaux, considère cette affaire comme «insignifiante» bien que «moralement parlant, [Depardieu] n’est pas correct». Néanmoins, il semble que la taxation à 75% soit le motif principal pour le départ des Français
les plus fortunés; alors, à qui la faute? À un gouvernement que certains qualifient de communiste, prenant les riches comme ennemi numéro un? Ou à une poignée d’acteurs, d’entrepreneurs et de bureaucrates qui fuient les taxes françaises pour garder leur butin indemne sans se soucier de la solidarité fiscale? Si le débat est ouvert et risque de marquer les esprits, une chose est certaine: il n’y aura plus d’Astérix et Obélix sur grand écran pour un long moment. x
en destination de… Paris-Charlesde-Gaulle… à la porte, A37 se prépare à partir», dit une charmante voix. On se précipite pour pouvoir mettre notre sac dans un des coffres et on se serre entre une femme avec un enfant qui pleure déjà et une espèce d’hippopotame en vieux costume qui sent la réglisse et le tabac froid. Sur la ceinture, un vieux chewing-gum s’est étalé. La tablette est de travers et la passagère à droite vient de fermer le hublot, alors que le monsieur occupe d’un bras poilu tout l’accoudoir de gauche. Et puis, après un discours sur la sécurité et la splendeur de la carcasse qu’on a daigné nommer un avion — un vrombissement, une légère pression qui nous pousse dans le fond de notre fauteuil gris et on est en l’air. Tout le monde se plaint déjà. La femme à droite veut aller aux toilettes, le monsieur à gauche est outré du fait que les écouteurs ne soient pas gratuits et que le choix de film soit si médiocre. On apporte le déjeuner. «Poulet au riz, bœuf aux légumes ou pâtes?», nous demande une dame pressée sur un ton robotique
et dans le même uniforme qu’une postière. Le mammifère cétartiodactyle à gauche prend le bœuf en redemandant un verre de vin et la femme de droite se décide enfin sur les pâtes. Repas frugal, trop chaud, sans goût, il manque une fourchette, le yaourt ressemble étrangement à de la nourriture de Teletubbies et le pain a un goût particulier de carton. L’hôtesse repasse prendre les poubelles. «Comment avez-vous trouvé votre bœuf monsieur?», demande-elle à mon voisin. «Oh, par hasard, sous un haricot», répond-il avec un sourire de vendeur d’assurance. Elle ne sait pas si elle doit rire ou se sentir offensée donc elle fait comme si elle ne l’avait pas entendu, et passe son chemin derrière son chariot à poubelle. Apres six heures de vol (je ne sais si je parle du transport en avion ou du prix des billets), le pilote nous annonce notre altitude - passionnant, la météo d’arrivée et nous demande de remettre nos sièges en position droite. L’arrivée ressemble trop au départ, tout le monde se presse de sortir, mais qui peut leur en vouloir? On montre
notre passeport à un inspecteur qui a l’air aussi fatigué que nous et on attend patiemment devant un petit tapis roulant pour apercevoir notre valise maintenant toute poussiéreuse et amochée. Je ne dis pas que prendre l’avion n’est plus un privilège. Je suis reconnaissant du fait qu’un voyage qui autrefois nous prenait des années et de l’intrépidité nous prenne maintenant quelques heures où on passe un petit test douanier et on regarde une téloche pendant six heures. C’est vrai, voler est presque un miracle de l’ingénuité humaine! Je dis seulement que les compagnies aériennes devraient arrêter d’essayer de nous convaincre de leur qualité en montant leurs prix et en habillant leurs hôtesses en cadettes de l’air. Ryanair a de bas prix, pas de nourriture, les hôtesses portent des habits simples — et si c’est ça la différence entre quelques centaines de dollars, les gens d’Air Transat, comme dirait le capitaine Haddock, se fichent le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate s’ils pensent que leur «luxe» nous convainc de leur supériorité. Quel vol n’estce pas? x
Le vol aérien Simon Albert-Lebrun | Jeux de maux
On se lève aux petites heures du matin, le sac à moitié plein, le cœur léger, les paupières lourdes… On regarde sa montre sans cesse, le vol part à 10 heures… «‘faudrait arriver à quelle heure?» Une fois dans le taxi on a l’impression d’avoir oublié quelque chose, la pâle lueur matinale illumine la ville d’un éclat orange presque doré, il fait froid et les rues sont calmes, seules quelques voitures circulent doucement, il est huit heures, Montréal s’éveille. Ensuite, c’est l’arrivée et la douane. On arrive devant l’entrée et on se rend compte que notre petite flasque de parfum
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est un danger aérien, on la range dans un sac en plastique qui la rend magiquement inoffensive. Impressionnante, la technologie moderne, non? On arrive ensuite devant les tapis roulants de la douane. On enlève notre portable de notre sac pourtant si bien rangé, on passe au détecteur de métal. «Biiiiiip», la lumière rouge s’est allumée, on enlève nos chaussures, notre ceinture, notre montre, on s’excuse à la personne qui attend derrière nous et on repasse. Ouf, lumière verte, le douanier nous regarde tout de même sévèrement et on s’empresse de remettre toutes les petites affaires dans nos poches et de fourrer notre portable dans notre sac n’importe comment. On s’empresse à marcher sur les tapis roulants pour attendre une heure et demie à la porte A37. C’est alors que commence le début de l’enfer volant. L’avion: autrefois un exploit humain, ensuite un moyen de transport où les hôtesses ressemblaient à des pin-up et la nourriture était digne d’un restaurant trois étoiles. Aujourd’hui, ils se sont convertis en véritables bus volants. «L’avion
xle délit · le mardi 15 janvier 2013 · delitfrancais.com
Arts&Culture
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Crédit photo: Adrien Fumex
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Après la pluie… Un «avant-après» qui laisse entrevoir le futur Anabel Cossette Civitella Le Délit
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n a vu ce concept de l’«avantaprès» mille et une fois. Pour rendre compte de kilos perdus, de maisons rénovées ou de visages qui rajeunissent. Mais pour afficher les effets d’un désastre naturel, l’idée sort un peu plus du lot. Dans l’exposition «La mémoire de l’eau» signée par Michel Huneault, le photographe documentaire indépendant s’est appuyé sur l’impact instantané du style «avant-après» pour montrer les effets de l’inondation à Venise-en-Québec. Le désastre, qui a eu lieu au printemps 2011 lorsque la rivière Richelieu et le lac Champlain sont sortis de leur lit, a été pour beaucoup l’évidence de la fragilité de notre milieu face au réchauffement climatique. Dans l’exposition, présentée jusqu’au 5 février à la Maison du développement durable, Huneault montre en une série de tableaux les effets de l’inondation. Pourtant, le photographe n’a pas voulu exhiber les conséquences du désastre, mais a plutôt cherché à préserver l’intimité des gens qu’il a rencontrés. On ne voit donc pas les effets insidieux de l’eau qui a pourri les sous-sols, détruit des fondations et bouleversé des vies. Les photos de Michel Huneault montrent, de manière très simple, très sobre, un «pendant» et
un «après» les inondations qui ont forcé 1 000 personnes à considérer la relocalisation. Il veut décrire une situation en laissant supposer les conséquences. Son travail passe par l’évocation de la splendeur de la région pour sous-entendre pourquoi certains résidents se sont battus pour rester sur place.
grand intérêt: celui de voir de manière concrète les effets des changements climatiques. L’art comme «arme» Quand on y regarde de plus près, l’exposition de Michel Huneault n’est en fait que la partie émergée de l’iceberg de
«L’art montréalais rayonne si bien que ce qui ne devait être qu’un projet personnel a été apprécié au Japon.»
Images frappantes de l’ordinaire Sur chaque tableau, deux photographies. L’image de gauche est une photo de différents éléments pendant les inondations (un bateau qui navigue dans une rue, une borne-fontaine au trois-quarts submergée, un petit chalet dont on ne voit que le toit). L’image de droite, elle, est un cliché banal du quotidien lorsque la vie est revenue à la normale à l’été et lors de l’automne 2011: des rues, des bancs de parc, des maisons. Indépendantes l’une de l’autre, les photos ne sont pas particulièrement frappantes. Mais c’est leur cohabitation qui fait passer un message. Le plus intéressant dans cette histoire c’est que le projet personnel de Michel Huneault se voulait sans envergure. Pourtant, les réactions sont allées audelà des attentes du photographe. Il s’est rendu compte que son travail suscitait un
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l’art comme outil de sensibilisation. «L’art devrait servir d’arme contre les menaces actuelles à la survie, comme les changements climatiques et les crises environnementales», explique Paul Shrivastava, chercheur de l’Université Concordia, pour qui l’art et le développement durable sont des sujets indissociables. Il a d’ailleurs cosigné un article dans la revue International Journal of Technology Management: «C’est par les récits, les histoires, la musique et les images que nos premiers ancêtres mettaient en garde leurs pairs contre les prédateurs et les catastrophes naturelles. L’art les aidait à acquérir des mécanismes de défense», insiste-t-il. Le directeur du centre d’études David-O’Brien sur la durabilité des entreprises croit que Montréal a le potentiel d’être à l’avant-garde dans le domaine de l’«art du développement durable».
D’ailleurs, Montréal et plusieurs grandes villes du monde comme Barcelone, Buenos Aires, Lille et Stockholm ont décrété la culture comme étant le 4e pilier du développement durable en novembre 2010. Depuis, le cas de la métropole québécoise est un exemple, et a été présenté comme tel lors du Colloque international culture et développement durable en novembre 2012 à Paris. Même les Japonais sont Vénitiens L’art montréalais rayonne si bien que même ce qui ne devait être qu’un projet personnel pour Michel Huneault a été apprécié à l’étranger. Après avoir pris ses photos à Venise-en-Québec, son travail de photographe indépendant l’a mené à Fukushima après le séisme et la catastrophe nucléaire de 2011. Au Japon, il a montré ses clichés de Venise-en-Québec. Devinez quoi? Les gens se reconnaissaient dans le désastre du Richelieu. Comme quoi l’inquiétude suscitée par les changements climatiques est universelle et l’art peut rallier sous une même bannière ceux qui ne veulent pas voir ces bouleversements planétaires. x La mémoire de l’eau Où: Maison du développement durable Quand: jusqu’au 5 février Combien: Gratuit
Arts & Culture
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LITTÉRATURE
Retour aux secret de Barcelone Le troisième livre de la série de Carlos Ruiz Zafón n’est sûrement pas le dernier. Myriam Lahmidi Le Délit
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vec Le Prisonnier du ciel, Carlos Ruiz Zafón retourne à la Barcelone énigmatique imaginée dans deux de ses précédents romans, L’Ombre du vent (Grasset, 2004) et Le Jeu de l’ange (Robert Laffont, 2009). Le dernier opus du cycle du «Cimetière des Livres Oubliés» met en scène plusieurs des personnages des deux premiers volumes, bien qu’on y trouve aussi d’importants nouveaux venus. Le «Cimetière des Livres Oubliés» est un endroit secret de Barcelone où des milliers de livres sont cachés pour leur protection. L’intrigue du Prisonnier du ciel se déroule dans les années 1940 et 1950: Zafón place donc ses personnages sous le régime de Franco, à un moment où la littérature pouvait être un acte de rébellion. Bien que le Cimetière ne soit pas aussi présent dans ce roman que dans les deux autres, il reste néanmoins l’un des éléments les plus importants et lie les personnages des trois livres. L’action principale du Prisonnier du ciel est une histoire à l’intérieur de l’histoire. Le personnage de Daniel Sempere raconte des événements qui se déroulent environ deux ans après ceux du premier volume de cette trilogie. Daniel travaille avec son père et son ami Fermín à la librairie Sempere & Fils. Même s’il n’est pas le narrateur, c’est pourtant Fermín qui se révèle être le véritable héros du roman, par son passé incroyable remontant en 1939 et raconté, par Daniel, en 1957. C’est donc au récit d’un récit qu’on a droit. Cependant, comme dans les autres
romans de Zafón, la limite entre la réalité des personnages et les œuvres de fictions qu’ils lisent, ainsi qu’entre leur passé et leur présent, n’est jamais très claire. Fermín raconte à Daniel son emprisonnement dans l’horrible prison de Montjuïc, où il rencontre David Martín, narrateur et personnage principal du Jeu de l’ange. Dans ce roman, on retrouve un Martín bien différent de celui qu’on connaissait, et Zafón cultive à merveille le mystère entourant le personnage en le rendant plus absent que présent dans le récit de Fermín. Ce dernier pourra s’évader et rencontrer Daniel grâce à Martín et au Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas. L’antagoniste principal est Mauricio Valls, le directeur de la prison, qui est un nouveau personnage dans l’univers de Zafón. Valls est un personnage bien défini, détestable à souhait, et parfait représentant du système politique franquiste où les relations personnelles sont la clé du succès. L’histoire de Fermín se passe plus de dix ans avant le présent du Prisonnier du ciel. Toutefois, son passé a des répercussions sur Daniel: celui-ci découvre en effet que sa propre histoire est intimement liée à Valls et Martín, même s’il ne les a jamais rencontrés. Dans ce troisième roman, Zafón reste fidèle au style de L’Ombre du vent qui l’a rendu si célèbre. Le suspense digne des bons polars n’enlève rien aux personnages, sans lesquels Le Prisonnier du ciel ne serait qu’une histoire de plus à propos d’une évasion de prison. Cependant, les personnages ne sont pas aussi bien présentés que dans les deux précédents tomes. L’intrigue reste malgré tout bien ficelée et il est dif-
Gracieuseté des éditions Robert Laffont
ficile de s’arrêter de lire, la fin de chaque chapitre apportant du nouveau à l’histoire. De plus, comme dans ses autres romans, Zafón multiplie les références littéraires, la plus évidente ici étant l’allusion au Comte de Monte-Cristo de Dumas, bien qu’il en fasse aussi d’intéressantes à des auteurs fictifs
bien réels pour ses personnages. Ainsi, même si les trois tomes devraient pouvoir se lire dans n’importe quel ordre, il est sans doute mieux de découvrir la description si particulière de Barcelone à travers L’Ombre du vent, le premier tome, pour une aventure vraiment unique. x
LITTÉRATURE
Et la musique fut
Alessandro Baricco publie un nouveau roman aux éditions Gallimard. Anne Pouzargues Le Délit
«N
ous avons dix-huit ans et nous sommes tout.» À la fois sûr de lui et désemparé, le narrateur d’Emmaüs, dernier roman de l’écrivain italien Alessandro Baricco, dresse le portrait d’une jeunesse désabusée et perdue entre une foi a priori inébranlable et la réalité d’un monde dont elle n’a pas le contrôle. Ils sont quatre: le narrateur, le Saint, Luca et Bobby. À côté d’eux, une fille, Andre. Ils en sont tous fous, mais elle leur échappe; ils ne sont pas du même monde, eux, les fervents catholiques élevés dans une foi sans faille et sans question, et elle, la luxure, l’altérité, la liberté peut-être, traînant dans les bars et ne coiffant pas ses cheveux. Andre, c’est celle qui se jette du haut d’un pont, c’est celle qui parvient à réunir la vie et la mort en une seule et même figure, et qui devient au fil des pages une image de la Vierge Marie, illustrant l’ambiguïté du monde et des hommes telle que la conçoit Baricco. Dans cette petite ville d’Italie où finalement peu de choses se passent, elle est la tentation qui remet en cause les fondements moraux des quatre garçons.
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Arts & Culture
Tout va très vite: Baricco nous montre tour à tour une plongée dans la drogue, un suicide, un meurtre. La vitesse est l’image même de l’apparente solidité de leurs certi-
Gracieuseté des éditions Gallimard
tudes qui finissent soudain par s’effondrer. On retrouve dans ce nouveau roman l’empreinte de Baricco, les virgules, les tirets, les répétitions, en bref le rythme particulier qui donne à chacun de ses textes la puissance d’une respiration. Cependant, ce roman-là est différent; peut-être d’abord parce qu’il est ancré dans une réalité tangible, une petite ville italienne, et que les personnages ont des âges, une généalogie. Cela donne au texte un caractère plus intimiste et permet à l’auteur de poser de vraies questions autour d’une religion catholique dont il s’est émancipé et qu’il remet en cause, mais sans provocation. L’assurance des adolescents, la force dont ils font preuve au début du roman et qu’ils tirent de la religion, n’est-elle pas qu’une illusion savamment entretenue par une morale catholique qui se révèle avoir des failles? Ce livre est aussi une réflexion sur l’art et la foi. Les quatre garçons sont musiciens, ils jouent dans un groupe, à l’église; ils voudraient jouer ailleurs, jouer «leur propre musique», mais cela ne sera jamais possible. La problématique musicale est omniprésente dans Emmaüs: la musique devient la porte par laquelle les personnages parviennent à s’échapper un
par un, Bobby en montant un spectacle avec Andre, Luca en écrivant des chansons dont les paroles ne seront retrouvées qu’après sa mort, les mélodies emportées avec lui et à jamais inaccessibles. On sent ici la trace du musicologue qu’est aussi Alessandro Baricco, et, sans y répondre, il semble poser la question du rapport de l’art à la religion – comment comprendre le retour du narrateur dans le groupe de l’église, quand tous ses amis ont un à un disparu et qu’il observe le prêtre d’un regard nouveau? Le texte se fait musique, et la musique révélation. «Nous aimons la linéarité […] et si nous l’apprécions autant, c’est aussi pour la raison suivante: durant tout le récit, chacun est dans l’ignorance.» Idéal du narrateur et remarque métatextuelle, à la fin du roman beaucoup de choses restent encore inconnues des lecteurs et nombre de questions sont sans réponse. Le narrateur parle des autres, mais ne parle que très peu de lui, et l’histoire laisse des blancs, que le lecteur peut tenter de remplir, mais qu’il est peut-être tout aussi beau de laisser vides. Emmaüs est une grande question qui confirme une fois de plus la virtuosité d’Alessandro Baricco. x
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BALLET
Casse-Noisette, ballet féérique Un grand classique non revisité. Tanissia Issad
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orsque les premiers flocons de neige viennent à tomber et que le mois de décembre vient de commencer, la grande valse des réjouissances de Noël est lancée. L’une des plus oniriques est sans doute le ballet Casse-Noisette. Inspiré du conte d’Ernst Hoffmann Casse-Noisette et le Roi des rats, sur une musique de Pyotr Tchaïkovski et une chorégraphie originale du français Marius Petipa, ce ballet familial enchante petits et grands. Fernando Nault, qui adapta cette pièce pour les Grands Ballets Canadiens de Montréal, explique ainsi l’engouement général pour Casse Noisette: «La fusion du réalisme et du fantastique provoque chez les petits comme chez les grands un plaisir fou et grandissant
depuis maintenant plus de cent ans». Et effectivement, Casse-Noisette remplit la Salle Wilfrid-Pelletier chaque année à la période de Noël depuis 1964. Un conte de Noël Ce conte féérique met en scène Clara, qui à la veille de Noël reçoit de la part de son parrain, un docteur un peu magicien, un casse-noisette (le mécanisme est déguisé dans une poupée à l’effigie d’un soldat), et de la part de ses grands-parents, une paire de souliers magiques. Ces deux cadeaux exceptionnels lui feront vivre une soirée inoubliable. Pendant la nuit, alors que l’enfant s’est endormie, son casse-noisette entre les bras, Clara est assaillie par une armée de rats. Le docteur enchanteur donne alors vie à Casse-Noisette, qui sort vainqueur d’un féroce combat contre le Roi
des Rats, grâce à l’intervention héroïque de sa belle. Effectivement, la fillette lance sur le monstre l’un de ses souliers ensorcelés qui anéantit le souverain. Clara et son Prince s’envolent alors pour le Royaume des Friandises, empli de Fée Dragée, d’Anges bonbon-mousse et autres Bergers en Massepain. Les raisons d’un enchantement Si ce ballet enchante les générations, c’est probablement parce qu’il met en scène des danseurs de tous âges, les benjamins ayant tout juste sept ans. Les enfants sont omniprésents, tour à tour farceurs, espiègles ou malicieux. Chacun de leurs pas chassés est empreint d’une technicité ahurissante pour des danseurs si jeunes, menés par une Clara à la grâce époustouflante. Les enfants ne sont pourtant pas les seuls personna-
Crédit photo: Fernand Nault
ges attachants, la Reine des Neiges d’une beauté glaciale entourée de ses Flocons de neige, le Roi du Pays des Bonbons aux allures de clown bienheureux et ses pitreries incessantes, ou encore les Gouttes de Rosée confèrent à ce ballet de Noël son atmosphère magique. Ce spectacle, pensé pour les enfants, offre aux plus petits la possibilité d’écouter avant chaque représentation, le CasseNoisette et le Roi des Rats d’Hoffmann, lu par le comédien Jacques Piperni. À cette occasion, un enfant est tiré au sort, et devient pour deux heures la Souris du Jour. Cet enfant a la chance de rejoindre sur scène le Régiment des Rats au cours du premier acte. Le succès de ce Casse-Noisette réside également dans la beauté des costumes et des décors. Avec des robes à paniers en tutus couleur du temps, des tuniques indiennes en tenues de matriochka, François Barbeau, le concepteur des costumes, offre un véritable défilé de vêtements aux coloris à la fois tendres et chamarrés. Les décors, imaginés par Peter Horne, transportent le spectateur qui, sans même s’en rendre compte, voit se succéder l’intérieur d’une maison cossue, le Pays des Neiges et le Royaume des Friandises. Enfin, l’orchestre exécute avec brio les partitions de Tchaïkovski, égrenant pour notre plus grand plaisir les notes connues de tous. Dirigé par Earl Stafford, chef d’orchestre invité pour l’occasion, l’Orchestre des Grands Ballets Canadiens de Montréal nous fait ainsi croire le temps d’une soirée à notre potentiel mélomane. Si vous l’avez manqué cette année, rattrapez-vous l’année prochaine! x
Comédie musicale
Les Tutus, c’est pour les filles La comédie musicale de Broadway passe à Montréal Mathilde Michaud Le Délit
Photo de production
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orsque nous entendons les mots «comédie musicale» et «Broadway», nous avons tendance à nous imaginer un phénomène éloigné et pour lequel il faut nous rendre à New York ou à Londres pour le vivre. Rien n’est moins vrai. Au cours des six derniers mois seulement, la Place des Arts de Montréal a eu la chance d’accueillir deux comédies musicales fraîchement sorties des salles de répétition de la Grosse Pomme: Wicked et Billy Elliot. Les portes de la salle Wilfrid-Pelletier s’ouvrent et la foule commence à prendre place pour la première de Billy Elliot, comédie musicale lauréate de dix Tony Awards et souvent considérée comme l’une des meilleures comédies musicales présentées en ce moment à Broadway. La foule est pleine d’artistes et de personnalités québécoises qui n’auraient pour rien au monde manqué cet événement. L’art de la grève Les basses et les baritons se joignent aux voix cristallines de jeunes filles d’une dizaine d’années pour nous raconter l’his-
toire de Billy Elliot, fils de mineur, alors qu’il découvre sa passion pour la danse. Les événements se déroulent dans une petite ville d’Angleterre, au milieu des années 1980 alors que la grande grève des mineurs britanniques fait rage. Cet agencement de voix fort inhabituel est cependant très réussi et nous transmet à la fois les difficultés et la violence de la grève et le bonheur de danser. Les fortes tensions politico-sociales qui se dégagent de l’histoire contrebalan-
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cent le kitch qu’évoque la seule histoire de Billy. L’histoire se veut entre autres une critique des politiques sociales et économiques de Margaret Thatcher; l’une des chansons lui est dévouée avec comme phrase thème: «Merry Christmas Maggie Thatcher, it’s one day closer to your death». «If you wanna be a dancer, dance» La comédie musicale bouscule les stéréotypes de la société occidentale. Elle touche entre autres aux difficultés ressen-
ties par les jeunes danseurs et par les jeunes garçons désirant revêtir des vêtements «pour femmes». Moins dans son contenu que dans son traitement, elle s’attaque aussi au carcan entourant la masculinité; malgré leurs accoutrements de mineurs et leurs «chiennes de travail», le chœur d’hommes chante, danse et plus encore, danse des claquettes! 13 ans et si talentueux En cette soirée de première montréalaise, nous avons droit à la performance du jeune Noah Parets. Âgé d’à peine 13 ans, notre étonnement et admiration face à sa performance en chant et en théâtre autant qu’en danse va en augmentant au fur et à mesure que le spectacle avance. Autant ses trente pirouettes consécutives que sa capacité à maîtriser un grand nombre de styles différents malgré son jeune âge donnent à sa prestation un caractère unique et nous laissent ébahis. Après 8 représentations à la Place des Arts, le casting de Billy Elliot reprend la route vers sa prochaine représentation qui débute aujourd’hui, le 15 janvier, à East Lansing au Michigan. x
Arts & Culture
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CHRONIQUE
Grammusons-nous Anselme Le Texier | Les mots de saison
Une amie de ma mère me racontait il y a quelques années que, dans sa jeunesse passée à Étretat, ses amis et elle avaient plus d’une fois retiré la lettre Q de l’enseigne du restaurant La Coquille, qui sert tout spécialement des huîtres. C’est bon? Vous avez compris? Dans
un journal, on appellerait justement ça une coquille. Ce genre de facéties langagières ne fait pas défaut à la langue française, qui en compte beaucoup. Christian Moncelet, poète insolite, écrivain et universitaire, publie chez Chiflet une Grammaire parallèle, dans laquelle il tente de faire rire de notre grammaire étriquée. Le professeur, qui «ne fai[t] plus que des livres de vieux», joue avec les mots et la langue depuis longtemps, comme dans les «insolivres» qu’il compose, alliant fantaisie et poésie. Un rapide coup d’œil au livre aux allures de manuel d’écolier nous renseigne sur la teneur du propos. On retrouve notamment des citations, comme celle-ci de Philippe Geluck: «L’inventeur de la cédille s’appelait Groçon. Il n’aimait pas son nom.» Page après page, Christian
Moncelet égrène les lettres et les mots, citant Victor Hugo, Bernard Pivot, Daniel Pennac et les autres, attirant notre attention sur ces particularités du langage qui nous échappe(nt). Un peu plus loin, on se rend compte de l’étendue du travail qu’il a dû fournir, sans pour autant douter qu’il s’est plu à le faire. Un nombre impressionnant de néologismes farfelus viennent habiller une grammaire mise à nu. Atypographe, orthogreffe, kilogrammaire, autant de mots qui nous laissent pantois. On apprend entre «MRKRPXZKRMTFRZ», hadockisme onomatopéique consonantique, et «Jean Nayrien Nafoutre de Sayquonlat», apparemment un journaliste de Charlie Hebdo, qu’Aristophane de son temps s’amusait à créer des mots à rallonge, comme dans L’Assemblée des Femmes, où
il a choisi de désigner un mets par un mot de pas moins de cent quatre-vingt-deux signes qu’il me plairait de vous rendre n’eût-il pas fallu que je le copiasse lettre par lettre. En grec. Comme j’avance dans ma lecture, je me prends à rire tout haut. Juste après SaintPisse-qu’en-Coin, dans une contrée reculée du Québec, c’est en Belgique, à Foufnie-lesBerdouilles, que j’éclate. Deux exemples parmi tant d’autres pour illustrer la remarquable capacité des locuteurs d’une langue à jouer avec celle-ci. D’ailleurs, pour ceux qui ne le savent pas, Tataouine-les-Bains existe bel et bien; c’est une ville du Sud de la Tunisie. Sans déconner. Sur une note moins réjouissante, on peut lire: «Le congé de paternité ne se conjugue pas au féminin.» Je vous laisserais bien
deviner, mais l’explication demande quelques pirouettes syntaxiques. Cette phrase accompagne un texte au sujet d’une femme dont la compagne s’est vue refuser un congé de paternité. Il faut là reconnaître l’habileté de l’auteur, qui a dû en faire sourire plus d’un. Ces lectures rafraîchissantes posent tout de même quelques questions qui peuvent nous toucher plus ou moins profondément. À nous qui cherchons toujours bien faire, à bien dire, nous oublions que la langue que nous parlons est nôtre. On nous a appris, que dis-je, on nous a martelé qu’il ne fallait pas faire de «fautes», quand on aurait dû nous enseigner que la langue se déguste, s’apprécie, se joue, et qu’on n’a pas besoin de savoir l’écrire pour la maîtriser. Cette semaine, objectif: faire le plus de zeugmes possibles. x
Calendrier Culturel Schulich Year of Contemporary Music: Musique pour piano et médias fixes 14 janvier à 19h30 Salle Tanna Schulich 10 à 15$
West Side Story Comédie musicale AUTS 24-25-26-31 janvier et 1-2 février 19h30 15 à 20$ In Denial Pièce de théâtre TNC 16 au 18 janvier à 20h 4$
The Glass Menagerie Pièce de théâtre Players’ Theatre 23-26, 30-31 janvier et 1-2 février 20h 6-8$
Etranges Dictatures Exposition de Sayeh Sarfaraz Montréal, arts interculturels (MAI) Du 19 janvier au 16 février
Familles Exposition de Marie-Claude Bouthillier Peinture et textile Musée McCord Jusqu’au 28 avril
Je suis un autre Danse contemporaine Chorégraphie de Catherine Gaudet La Chapelle 29$ pour les étudiants
Festival Mondial du Cirque de Demain TOHU Du 19 février au 3 mars
Montréal Creative Nombreuses expositions Jusqu’au 16 février Galerie d’art ARTVstudio Gratuit
Le Délit recherche un correcteur et un rédacteur campus! rec@delitfrancais.com
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Arts & Culture
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WEBZINE
De la pensée montréalaise Le Nœud, qu’es aquo? Joseph Boju Le Délit
L
e 3 janvier, les Prix du Magazine Canadien ont dévoilés les canards, imprimés et autres feuilles de choux nominés pour la cérémonie finale qui se tiendra le 7 juin. Aussi étrange que cela puisse paraitre, cet article a un rapport direct avec cette cérémonie (machine à reconnaissance institutionnelle), puisqu’il fait l’apologie de l’un des nominés. Il s’agit du Nœud, un webzine d’art engagé lancé le 17 juin dernier dans le souffle artistique du printemps québécois. On parlera bien de lancement et non de création, car le projet murissait déjà depuis un an dans la tête de l’équipe, sous différents noms et différentes formes. Qu’est-ce que Le Nœud? La question se pose, même s’il y a beaucoup de vent.L’à-propos que l’on peut lire sur leur site Internet commence ainsi: «Le Nœud s’engage à mettre en scène une réalité artistique montréalaise avec une subjectivité nouvelle, élaborant une écriture et une imagerie à la fois hybrides et éclatées.» La notion de «nouveau» est ce qui caractérise ses écrits aux tons parfois crus, parfois lyriques; et il y a dans cette parution une volonté de rupture à chaque numéro: le thème varie et la forme imprimée aussi. Ce renouvellement est bien entendu une force,
mais celle-ci est éclatée, morcelée à la manière d’un album zutique de notre siècle. Le Nœud est une force fragmentée: son ambition ne dépasse pas la parution du prochain numéro, elle reste de l’ordre du fantasme. Les sections principales s’appellent Art, Hédonisme et Création. Elles comportent des sous-catégories qui ont pour titre Littérature, Bouffe, Style, Musique, Cinéma, Expérimentations, etc. Pourquoi Le Nœud? Il est vrai qu’un nom pareil laisse songeur au premier abord. Et pourtant tout a été pensé et réfléchi par ses géniteurs pour que le titre épouse le contenu. Dans «nœud», on entend la tension générée par l’enlacement d’un fil, et c’est cette tension qui anime la création du magazine, ce malaise qui le pousse à réfléchir. Le nœud est aussi l’endroit d’un tronc où la branche naît, et serait donc une trace ou un bourgeon sur le tronc social. Comment fonctionne Le Nœud? La structure de leur équipe fonctionne sur le mode grec, celui du débat et de la discussion. Cette dernière se fait lors de chaque choix de thème, de forme et de sujet. Le remue-méninge est donc collectif. Si l’on ajoute à ceci la présence régulière de collaborateurs, le webzine prend une dimension communautaire non négligeable. Dans l’ajustement continuel dont fait part l’équipe, on retrouve une
Crédit photo: Lindsay P. Cameron
passion commune, le goût du risque inhérent à l’art engagé. Chaque nouveau numéro est sujet à une soirée de lancement dans un lieu différent, et où sont mis en vente des exemplaires imprimés du webzine. Le première parution tenait sur une feuille de belle facture se dépliant en tous sens, et sur laquelle on pouvait lire après quelques efforts, des articles sur le thème de la rupture. Dans la seconde, chacun des textes était imprimé sur une feuille au design conçu par un
diplômé de l’Université du Québec A Montréal, cette fois-ci sur le thème de l’idéal. Le thème de leur troisième opuscule est le vulgaire. Des trois numéros parus jusqu’ici, nous pouvons dégager une façon de faire bien précise: prendre des sujets artistiques (autour d’un thème défini) comme des filtres à travers lesquels parler de société. On retrouve ainsi dans Le Nœud l’engagement créatif qui anime aussi des magazines tel que Nouveau Projet ou Urbania, la différence principale se situant dans les
moyens dont disposent chacun. En attendant la quatrième édition, le magazine est en exposition dans le salon de lecture de MONTRÉAL CRÉATIVE, un festival d’art contemporain québécois mélangeant expositions, soirées cinéma ainsi que divers ateliers de peintures, de sérigraphie et d’impression. x Pour plus d’informations: www.lenoeud.com
MUSIQUE
Une soirée orangée Soirée de musique et de découverte au Divan Orange fin novembre Lauriane Giroux Le Délit
S
i j’allais d’abord au Divan Orange pour voir le musicien du Nouveau-Brunswick Andy Brown, j’ai également découvert un endroit clé de la musique émergeante à Montréal ainsi qu’un autre fantastique groupe de musique, Soho Ghetto. La composition du groupe, qui compte sept membres, ce qui est bien rare, impressionne le public alors qu’il monte sur scène. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les harmonies sonores et le volume sont très bien équilibrés, ce qui transforme une potentielle cacophonie en un rythme électrisant. Le groupe originaire d’Halifax en NouvelleÉcosse mélange des sons de musique folk, électronique, pop et crée une sonorité qui lui est unique. Il est également agréable de voir la
complicité et la bonne humeur émanant des musiciens qui s’en donnent à cœur joie sur la scène avec des petites blagues et des chorégraphies. Malheureusement, les paroles des chansons sont difficiles à distinguer à travers la musique, qui masque des textes évocateurs. Malgré tout, Soho Ghetto prouve qu’il mérite sa place sur la scène et épate le public en créant une ambiance forte avec des rythmes rafraîchissants. Puis c’est au tour d’Andy Brown de faire agir sa propre magie. Il s’agit du troisième concert à Montréal de ce musicien folk-rock, et l’amour que lui portent ses fans est palpable. Originaire de Fredericton, ses chansons «Ashes» et «Lovesick Lullaby» ont notamment été diffusées lors d’épisodes des séries télévisées Rookie Blues et Saving Hope, qui l’ont fait connaître à plus grande échelle.
x le délit · le mardi 15 janvier 2013 · delitfrancais.com
Andy est la plupart du temps seul sur scène avec sa guitare. Cependant, les paroles de ses chansons, qu’il écrit lui-même, dégagent une sincérité poignante et semblent atteindre instantanément quiconque leur porte attention. Pour cette soirée, Andy était accompagné de quelques musiciens et a interprété des reprises, dont «I can’t make you love me» de Bon Iver, ainsi que plusieurs titres de son nouvel album. «Tinman», la pièce éponyme, est d’ailleurs celle qu’il préfère dans sa carrière. Malgré son air timide sur scène, on s’imprègne facilement des émotions, et il défend très bien sa place. Artiste accessible, Andy prend le temps de saluer tous ceux qui le désirent et prend plaisir à discuter avec eux. Il n’est pas du tout surprenant de le voir répondre à ses fans sur Facebook ou Twitter avec un enthousiasme sincère. Cette attitude porte manifestement ses
fruits puisque le public est toujours au rendez-vous. J’ai eu la chance de discuter avec ses musiciens, qui sont extrêmement sympathiques et terre-à-terre. Ils semblent tous être d’accord pour dire que Montréal
est une ville où il fait bon jouer et où l’ambiance est unique. Le premier album de Soho Ghetto est en vente sur leur site Internet et le deuxième album d’Andy Brown, qui sortira en février, sera disponible sur le sien. x
Crédit photo Lauriane Giroux
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PEINTURE
De la conception à la destruction Beaux Dégâts / Fine Mess: Art battle #7 Thomas Simoneau Le Délit
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e mois de décembre s’est plutôt bien passé sur la scène artistique montréalaise, notamment grâce à la septième «Bataille artistique» qui rassemblait cinq collectifs d’artistes venus de tous horizons. En effet, Régime du Rêve (Mireille Champagne et Regimental Oneton), Females (Bianca Hlywa, Erica Cyr et Leigh Macrae), Monsieur Plume & Mademoiselle Goudron, Art de Destruction Massive (Le Makabé, Enoma, DrunkenUncle, Screw et Johnzy) ainsi que La Mandibula (Mc Baldassari, Mateo et Il Rustico) se réunissaient au studio de danse situé au 4445 Boulevard St-Laurent pour essayer de réaliser l’œuvre la plus originale, intéressante et travaillée en l’espace de seulement deux heures. Le concept, à la fois novateur et ludique, stipule que chaque équipe se voie imposer un thème, en l’occurrence des titres de films, qui leur servira de ligne directrice. À celui-ci s’ajoute un second thème choisi au préalable par chaque groupe. Suivent 30 minutes de «brainstorming» pendant lesquelles chaque groupe prépare son projet en associant au mieux les deux thèmes, généralement très différents, qu’ils doivent respecter. C’est enfin les spectateurs qui rendent le verdict final grâce à des cannettes de bière qui leur servent de bulletin de vote. En effet, chaque équipe dispose d’une poubelle dans lesquelles le public jette ses cannettes vides, le but étant bien sûr d’en récupérer un maximum. Sur le coup de neuf heures, spectateurs et artistes sont fins prêts et la bataille peut commencer. C’est donc dans un studio chaleureux, animé par les mix de Construct, Tchoupz et Henward et par un public passionné, que les œuvres prennent rapidement forme. Les champions en titre, Régime du Rêve, entament leur œuvre avec un portrait stylisé d’une femme noire inspirée de l’héroïne du film Coffy de Jack Hill. Dès le
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début, beaucoup de regards se tournent vers ce duo très talentueux. De l’autre côté de la salle, on peut admirer une représentation de Psy, auteur du titre surmédiatisé Gangnam style, accompagné de deux danseuses issues de Superfly, film d’action américain sorti en 1972. Le trio Females nous présente ainsi un mélange étonnant entre un style musical très contemporain et un des rares films dont les recettes ont été dépassées par les revenus de sa propre bande-son. Juste à côté, un grand drapeau américain sur lequel se tient un personnage couvert d’une peau de renard se dessine sous les coups de pinceau expérimentés de Monsieur Plume et Mademoiselle Goudron. Quant à La Mandibula, leur guerrière modestement vêtue inspirée du film récent Black Dynamite et calée sur un fond orangé parsemé de symboles mayas ne peut que présager du bon. Enfin, Art de Destruction
Crédit photo: Adrien Fumex
Massive nous invitait à porter un regard sur une représentation colorée d’un Montréal dévasté par un coup de feu du héros de Shaft qui aurait provoqué un tremblement de terre. Un des principaux avantages de ce genre d’événements est la possibilité offerte au public de suivre la progression du travail présenté. En effet, rares sont les œuvres, qu’elles soient cinématographiques, sculptées, arabesques, musicales ou littéraires, qui laissent au spectateur la possibilité d’apprécier à la fois la création et le résultat final. «Beaux Dégâts» permet également au public de s’exprimer grâce à son système démocratique insolite. En ce qui concerne cette 7e édition, le verdict final était très serré puisque La Mandibula l’a emporté sur Régime du Rêve à une bière près, et ce même après la demi-douzaine de cannettes sifflée par Regimental Oneton. À savoir également, l’événement
se tient presque tous les mois. À ne pas rater pour les passionnés, amateurs, intéressés ou simples curieux. La dernière particularité de cette prestation, qui donne tout son sens au titre du projet, est que les gagnants ont le droit de détruire les œuvres des autres artistes, une fois les urnes dépouillées. De quoi rajouter un peu de piment et d’éveiller la détermination de chaque concurrent pendant ces deux heures, ainsi que de sceller une représentation qui ne manque pas de rappeler que l’art est éphémère, comme toute bonne chose. x
Beaux Dégâts / Fine Mess reviendra bientôt dans un nouveau local Entrée sur contribution Crédit photo: Adrien Fumex
x le délit · le mardi 15 janvier 2013 · delitfrancais.com