Délit 13 septembre 2016

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Mardi 13 septembre 2016 | Volume 106 Numéro 1

Coincés en 1977 depuis 1977


Volume 106 Numéro 1

Éditoriaux

Le seul journal francophone de l’Université McGill

rec@delitfrancais.com

Cher McGillois, Ikram Mecheri

Le Délit

J

e n’attendrai pas l’éclosion des bourgeons au printemps, ni même les premières tempêtes de neige ou même que les travaux sur McTavish soient terminés pour t’inviter à connaître ma culture et t’encourager à apprendre le français. La Francophonie ne s’arrête pas au «bonjour-hi», si caractéristique de Montréal, ni aux portes du ghetto McGillois ou à l’embouchure du Boulevard Saint-Laurent. Si elle se fait parfois discrète, cette francophonie, c’est par savoir-vivre, par peur de brusquer, car peut-être ne se sent elle pas la bienvenue dans ce microcosme frileux. Que tu sois anglophone, francophone ou allophone, la francophonie te concerne. Elle nous appartient à tous les deux. Apprend à l’aimer, à l’utiliser de façon régulière malgré ses verbes irréguliers, et si besoin, je t’aiderai. Nous avons tous deux de la chance,

moi, francophone dans une université anglophone, toi, anglophone dans une province francophone. Voilà pour nous l’opportunité de découvrir nos parlers et cultures respectives de Gilles Vigneault à Riopelle, en passant par Xavier Dolan. L’histoire de McGill est intimement liée à celle de Montréal. Au cours de l’année prochaine, nous célébrerons le 375e anniversaire de la ville de Montréal en même temps que les 40 ans du Délit et de la loi 101 (tu sais, celle qui protège le français dans l’espace public et qui transforme le «Happy Meal» en «Joyeux festin»). L’occasion pour les étudiants anglophones de découvrir leurs hôtes. Aux francophones de McGill, nous vous souhaitons la bienvenue. Né sous le lys, en 1977, Le Délit célèbre les voix francophones qui bien trop souvent se perdent sous la rose. Notre équipe éditoriale est à l’image de la francophonie et de notre institution. Elle provient des quatre coins du globe et du terroir. Elle est québécoise, sénégalaise, française, algérienne, martiniquaise et elle continuera de grandir au gré des rencontres et des rentrées. x

Consulter pour mieux écouter Ikram Mecheri

tions seront offertes aux membres de l’administration et particulièrement ceux en position d’autorité afin de les sensibiliser.

B

Nous approuvons avec vigueur l’alinéa 9 e qui invite les membres de l’administration de s’abstenir de poser des questions qui impliquent des jugements de valeurs aux survivants tel que la longueur de la robe, la façon dont ils se sont conduit ou même la consommation d’alcool.

À notre avis, mettre les survivants au cœur de cette nouvelle mesure permettra de rétablir le lien de confiance qui s’était effrité entre les étudiants et l’institution suite aux multiples cris du cœur d’étudiants qui s’étaient retrouvés abandonnés par McGill, faute de politique et de moyens à cet effet.

Dans cette lignée, nous suggérons à l’Université de revoir l’alinéa 22 qui indique qu’une fois implémentée, la révision de cette politique n’aura lieu qu’une seule fois tous les trois ans. Ce délai est beaucoup trop long et ne permet pas d’innover et de répondre aux besoins des étudiants dans des délais raisonnables.

Nous estimons la proposition raisonnable, dans la limite du respect de la présomption d’innocence.

Nous espérons aussi que cette nouvelle politique encouragera l’Université à offrir un meilleur accès aux soins de santé mentale aux étudiants afin d’offrir un accès rapide aux étudiants de l’Université en situation de détresse, et ce, peu importe la cause de leur mal.

Le Délit

ien qu’il ait fallu attendre 2016 pour une telle mesure, l’équipe du Délit salue l’effort sincère de l’administration de McGill concernant la publication de l’ébauche de la Politique contre les violences sexuelles. Dans cette nouvelle politique, les personnes qui ont subi des violences sexuelles ne sont plus des victimes, mais des survivants qui seront épaulés et soutenus par leur université et leur communauté à travers cette étape.

En lançant une consultation publique, l’administration a fait preuve de courage en décidant de s’attaquer de front à cette problématique qui mine depuis trop longtemps l’espace universitaire. Cependant, elle devra s’efforcer d’être plus à l’écoute qu’elle ne l’a été récemment des revendications de ses étudiants. La conversation ne sera pas facile, mais demeure toutefois nécessaire et Le Délit répond présent à cet appel. Les alinéas 8 d et e soulignent que des sessions de forma-

2 éditorial

L’alinéa 20 indique que le provost devra soumettre un rapport au Sénat tous les deux ans une fois cette politique ratifiée. Entretemps, les modifications nécessaires ne seront pas appliquées, nous invitons donc l’Université à revoir cet échéancier.

Finalement, l’équipe du Délit estime regrettable que l’administration n’ait pas jugé utile d’offrir cette première ébauche en français afin de permettre aux étudiants francophones de se joindre à cette conversation. La compréhension et la participation de ces étudiants est par conséquent compromise. Bien que McGill soit une institution anglophone, elle semble oublier bien trop souvent que le français est la langue officielle du Québec et que le bilinguisme de ses étudiants ne doit pas porter préjudice à la francophonie. x

Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction.

rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Ikram Mecheri Actualités actualites@delitfrancais.com Chloé Mour Théophile Vareille Louis-Philippe Trozzo Culture articlesculture@delitfrancais.com Hortense Chauvin Dior Sow Société societe@delitfrancais.com Hannah Raffin Innovations economie@delitfrancais.com Ronny Al-Nosir Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Yves Boju Coordonnatrices visuel visuel@delitfrancais.com Mahaut Engérant Vittorio Pessin Coordonnateurs de la correction correction@delitfrancais.com Nouédyn Baspin Madeleine Courabriaux Coordonnatrice réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Louise Kronenberger Multimédias multimedias@delitfrancais.com Magdalena Morales Événements evenements@delitfrancais.com Lara Benattar Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Contributeurs Camille Biscay, Vincent Catel, Charlie, Anna Dang, Prune Engérant, Sarah Herlaut, Eléonore Nouel, Arno Pedram, Amelia Rols, Maria Rueda Martinez, Jacques Simon, Jules Tomi, Magali Venin Couverture Mahaut Engérant et Vittorio Pessin bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux, Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Sonia Ionescu

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

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Actualités actualites@delitfrancais.com

Vos représentants Le Délit rencontre les sept membres exécutifs de l’AÉUM pour l’année 2016-17.

L

e président de l’Association des étudiants en premier cycle de l’université McGill (AÉUM) supervise la gouvernance de l’association.

VITTORIO PESSIN

Ben Ger, Président

L

e v.-p. aux Affaires Internes est responsable de la communication et de l’organisation des événements. Le Délit (LD): Quel est votre objectif principal pour cette année? Daniel Lawrie (DL): Ce qui me motive le plus cette année c’est de me concentrer sur la communication avec les étudiants, réfléchir à comment on interagit avec eux. Il me semble que dans le passé l’AÉUM ne s’est pas conformée aux attentes des étudiants. J’espère changer ça, en ayant plus d’échanges avec les étudiants, pour que l’on soit plus facile à aborder. J’ai également beaucoup de projets, comme rénover la listserv,

Le Délit (LD): Quel est votre objectif principal pour cette année? Ben Ger (BG): Si je devais en choisir un, de projet qui m’enthousiasme le plus, c’est le rapport sur le premier Conseil sur la réforme équitable de la gouvernance. La première partie du rapport se concentrera sur comment réformer l’AÉUM à l’interne, afin de la rendre plus équitable et accessible. La seconde sur l’évolution du conseil des gouverneurs

dont la première édition a été la plus lue, via courriel, depuis 2014. Nous sommes aussi en train de monter un nouveau site web car l’actuel est si fouilli que moi-même je ne m’y retrouve pas. J’utilise Google pour y trouver ce que je cherche tant la navigation y est compliquée. Le nouveau site devrait être lancé en janvier. LD: Quelle est votre plus grande appréhension pour l’année à venir? DL: Décevoir les étudiants. J’ai beaucoup de projets en cours et ai peur de m’y perdre. Je veux pouvoir dire, dans un an, d’avoir réalisé tout ce que j’avais promis. La charge de travail va aussi être un défi mais je m’y suis habitué cet été. J’arrive au bureau à 7h et

L

e v.-p. aux Finances est responsable de la bonne tenue du budget, des ressources humaines et du système d’assurance de l’AÉUM, .

Vittorio Pessin

Niall Carolan, v.-p. aux Finances

Le Délit (LD): Quel est votre objectif principal pour cette année? Niall Carolan (NC): J’ai quatre objectifs majeurs. En premier lieu, instaurer un fond d’investissement socialement responsable à hauteur de $1m à $1.5m, géré par des étudiants de la faculté de gestion et leurs professeurs. En second lieu, porter le budget à l’équilibre en optimisant l’efficacité de nos opérations internes, par exem-

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(la plus haute instance administrative mcgilloise, ndlr), pour s’assurer qu’il est composé de manière équitable. LD: Quelle est votre plus grande appréhension pour l’année à venir? BG: Un problème qui me préoccupe constamment est le manque de ressources disponibles. J’adore mon travail et l’association aujourd’hui fonctionne comme il faut, mais les employés permanents et moi devons nous assurer de continuer à offrir les même services avec la même efficacité, et en plus grande qualité même, avec des moyens toujours plus limités, c’est un défi au quotidien.

pars à 20h, car je n’aime pas travailler trop tard le soir. Je m’en sors, surtout par rapport aux 120 heures hebdomadaires de certains membres exécutifs l’année passée. Je fais entre 60 à 70 heures, 80 en mauvaise semaine, assez tranquille jusqu’à présent. LD: Dans le cadre de votre fonction, que prévoyez-vous faire pour la francophonie? DL: Je travaille à garder la listserv bilingue. Je veux aussi organiser des évènements spécialement pour francophones, afin de proposer un éventail d’événements le plus divers possible. Un de mes desseins est de m’occuper des populations précédemment délaissées, comme les étudiants horscampus. Par la réforme du Conseil ple maxisimisant le nombre d’employés au travail pendant les heures d’affluence et en le minimisant pendant les heures de creux. En troisième lieu, fournir de l’information sur les finances qui soit simple et accessible, avec des infographies simplifiées plutôt que des tableaux complexe et exhaustifs, et ce au travers des voies de communication de l’AÉUM. En dernier lieu, simplifier le processus de financement des clubs, en standardisant la procédure de demande de fonds et en s’assurant que le commissaire au financement travaille main dans la main avec notre équipe comptable.

LD: Dans le cadre de votre fonction, que prévoyez-vous faire pour la francophonie? BG: Nous voulons garantir le caractère prioritaire des affaires francophones, c’est pourquoi nous nous sommes opposés à la disparition de la commission aux affaires francophones et l’avons réintégrée à la commission aux affaires communautaires. Nous avons pour sûr beaucoup de consultations externes à mener car la plupart d’entre nous ne sont pas francophones. Toutefois, nous avons l’une des plus grandes représentations francophones au sein l’équipe exécutive cette année, avec deux francophones.

Par conséquent, il y a définitivement une mise en avant de la francophonie en cours. LD: Comment voyezvous l’AÉUM dans cinq ans? BG: Je voudrais voir plus d’équité dans la composition des structures administratives. J’imagine une AÉUM plus accessible en terme d’alphabétisme politiques, c’est-à-dire que les étudiants comprennent ce qui se passe de divers ici. Par exemple, beaucoup n’ont aucune idée de comment proposer des motions pour des assemblées générales, j’ai écrit un guide à cet effet. Aussi: montrer nos bureaux aux étudiants, leur offrir de nous suivre pendant une journée au travail.x

de première année j’espère atteindre ceux qui sont ordinairement exclus de la bulle mcgilloise. LD: Comment comptez-vous utiliser les réseaux sociaux pour communiquer avec les étudiants? DL: Nous changeons notre politique concernant les réseaux sociaux, car il nous faut avoir une approche différente pour chaque réseau social. Par exemple nous réussisons bien sur Facebook mais utilisons notre Instagram de la même façon, alors que les étudiants voudraient voir autre chose, comme des photos quotidiennes des membres exécutifs au travail. L’application McGill, désormais sur le portable de presque chaque nouvel étudiant, a aussi beaucoup de potentiel pour l’année. x

LD: Quelle est votre plus grande appréhension pour l’année à venir? NC: Les travaux de construction sur McTavish vont certainement causer des soucis car nos revenus sont étroitement liés au trafic piéton. À ce sujet, j’ai travaillé avec le v.-p. Opérations pour diversifier nos sources de revenus. Nous devons nous reposer davantage sur les services de restauration ou de location et les événements que le trafic piéton. LD: Dans le cadre de votre fonction, que prévoyez-vous faire pour la francophonie? NC: Je peux servir au mieux la communauté francophone

vittorio PESSIN

Daniel Lawrie, v.-p. aux Affaires Internes en facilitant l’accès aux informations financières en français comme en anglais, et avec des infographies, les textes sont limités. LD: Comment voyez-vous les finances de l’AÉUM d’ici les cinq prochaines années? NC: Une tendance positive. Du fait des déficits qui ont été accusés ces dernières années, tout le monde travaille pour faire en sorte que tout fonctionne aussi efficacement que possible. À partir du moment où nous continuons à entreprendre des projets efficaces et à diversifier nos sources de revenus, nous avons une perspective favorable.x

actualités

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AÉuM

Portraits des membres exécutifs - suite

Vittorio pessin

Sacha Madger, v.-p. aux Opérations

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e v.-p. Opérations, une position jumelée au v.-p. aux Finances jusqu’à l’année passée, est responsable du bâtiment Shatner et de ses enseignes lucratives comme Gerts. LD: Quel est ton objectif premier pour l’année? Sacha Magder (SM): J’ai déjà mené à bien le projet de crash pads, pour permettre aux étudiants de dormir dans le bâtiment Shatner pendant Frosh s’ils habitaient trop loin pour rentrer chez eux tard le soir, quand le métro est fermé. Ça a très bien marché, j’en suis très satisfait. L’autre projet à venir serait d’exposer des œuvres d’art indigènes dans le bâtiment, pour promouvoir leur travail et les aider à le vendre. Tout passant pourrait être intéressé et contacter directement l’artiste. Idéalement on vendrait plusieurs œuvres à l’année.

LD: Quelle serait ta plus grande appréhension? DA: On a toujours peur que les gens ne soient pas engagés, qu’ils ne s’intéressent pas à ce qu’il se passe. J’ai à inclure 23 000 étudiants dans mon action, c’est toujours dur de communiquer avec eux à travers les réseaux sociaux et les outils que l’on a. C’est un défi c’est sûr.

LD: Tu es responsable de la francophonie à l’AÉUM, que comptes-tu faire pour? DA: La francophonie devient un partie intégrale de la commission des affaires communautaires. Cette commission est francophone, et permet d’organiser ou de participer à des événements francophones, comme des cercles de discussion ou lecture francophones, ainsi que des conférences en français. On collabore aussi avec les facultés, il y a des cercles de conversation dans la Faculté des arts, ainsi que des commissaires francophones. Je suis aussi toujours en contact avec des représentants de la communauté. Les amis de la montagne et autres voisins. On pense aussi à la culture québécoise, avec la possibilité de monter une semaine québécoise à McGill, en hiver. Avant la Commission des affaires francophones était indépendante, maintenant le viceprésident est plus responsable, et j’ai très envie d’y investir de ma personne. x

a v.-p. à la Vie Étudiante s’occupe des clubs et services de l’AÉUM ainsi que de la santé mentale des étudiants.

J’espère que ce compterendu de mi-parcours pourra renforcer les engagements de cette politique.

Elaine Patterson, v.-p. à la Vie Étudiante

LD: Quel est ton objectif principal ou projet préféré? Elaine Patterson (EP): Je suis très impatiente car c’est une nouvelle position et donc une année de transition. Comme vous le savez, mes dossiers couvrent désormais les clubs et services ainsi que la santé mentale des étudiants: j’ai hâte de pouvoir faire fusionner ces projets de manière pertinente. Un de mes projets plus concret est d’examiner la politique de santé mentale qui entame sa troisième année et qui se déroule sur cinq ans.

LD: Le projet de rendre gratuit les produits hygiéniques menstruels est-il faisable ? EP: Je pense que ça pourra être instauré cette année. Nous avons juste besoin de davantage de consultations auprès de la communauté étudiante dans toute sa diversité, de toutes celles qui pourraient être susceptibles d’utiliser ces produits, mais la plupart des gens approuvent cette initiative très progressiste! Je compte l’amener au référendum d’automne si possible, et en hiver le cas échéant. x

e v.-p. aux affaires universitaires est responsable des relations de l’AÉUM avec l’administration et le corps professoral mcgillois. Il est ainsi responsable des questions académiques.

LD: Quelle est votre plus grande appréhension? EB: Aborder tous les projets que nous avons mis de l’avant et résoudre le plus de questions possible malgré nos ressources limitées. Bref, faire plus avec moins.

coup d’étudiants voient McGill comme une exception au portrait québécois, ce qui est problématique. Beaucoup trop d’étudiants entrent à McGill sans connaitre ou apprécier la riche histoire du Québec.

ment à ce que tous les règlements de l’université soit traduits en français, chose qui fâcheusement n’a jamais été faite.

LD: Quel est votre objectif principal pour la prochaine année? Erin Sobat (ES): J’aimerais qu’il y ait un militantisme étudiant plus accru à McGill, que les étudiants s’impliquent davantage dans la vie étudiante mcgilloise, que ce soit avec l’AÉUM ou leurs facultés respectives (AÉFA, gestion, génie, etc.). Nous faisons présentement la promotion de la campagne Connaissez vos droits afin que plus d’élèves prennent la parole et s’expriment sur certains dossiers chauds à McGill.

LD: D’après vous, quelle est la place du français et de la francophonie à McGill, une institution anglophone au sein d’une province francophone? EB: La francophonie est un sujet très important à mes yeux. Je me sens privilégié de pouvoir collaborer avec le v.-p. externe à la résolution de questions provinciales pouvant affecter les étudiants de McGill. La particularité de McGill, d’être une institution anglophone au sein d’une province francophone, mérite certainement de l’attention. Malheureusement, beau-

LD: Dans le cadre de votre fonction, que prévoyez-vous faire pour la francophonie? ES: Nous cherchons justement à mettre en perspective la particularité du contexte québécois à l’Université McGill. Nous nous efforçons de lier l’actualité québécoise avec celle de McGill. Par exemple, nous réclamons des méthodes d’apprentissage plus expérimentales où des étudiants auraient la chance de travailler directement avec de véritables commissions et organisations québécoises. Dans un autre ordre d’idées, nous veillons actuelle-

LD: Quelle serait ta plus grande appréhension? SM: Les constructions, car on sait jamais ce qui peut se produire. Des problèmes surviennent tout le temps et il faut faire des ajustements rapides. C’est très dur d’abandonner des projets pour travailler à maintenir les choses en place, perdre du temps à s’occuper de ça. C’est décevant de se voir arrêter en plein effort. Pour la cafétéria étudiante, ça me demande aussi beaucoup de travail car j’en fait un suivi quotidien. Cette année ça passe ou ça casse pour la cafétaria, car on ne peut pas continuer à perdre de l’argent dedans. On va lancer une nouvelle campagne marketing, pour affirmer l’identité gastronomique de la cafétéria, car en ce moment il y a un côté bio et un côté fast food. On va aussi la promouvoir directement auprès des facultés et étudiants, au Bar des Arts par exemple. LD: Comment vas-tu agir pour la communauté francophone? SM: J’ai demandé au gérant du site sur les mini-courses (cours miniatures, ndlr) de le traduire en français, j’ai trouvé très étrange qu’il ne soit disponible qu’en anglais. Je veux aussi faire en sorte de rendre le bâtiment le plus accessible possible aux étudiants francophones. LD: Comment envisages-tu le bâtiment Shatner dans cinq ans? SM: Notre bail se termine en 2021, d’ici-là c’est sûr qu’on sera ici. Par contre on ne sait jamais, les choses peuvent changer très rapidement et on est toujours à la recherche de plus d’espace pour les étudiants et de visibilité auprès de ces derniers. x

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Vittorio pessin

Erin Sobat, v.-p. aux Affaires Universitaires

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les autres universités et les associations étudiantes tant provinciales que fédérales. Il est la voix des étudiants en-dehors de McGill.

Vittorio pessin

David Aird, v.-p. aux Affaires Externes

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e v.-p. aux Affaires Externes est en charge des relations entre l’AÉUM et les communautés aux alentours du campus,

AÉUM

LD: Quel est ton objectif premier pour l’année? David Aird (DA): L’objectif général est de connecter les étudiants mcgillois avec ce qu’il se passe en-dehors de McGill, à Montréal, avec d’autres universités ou dans la province. Ça c’est donc le thème général. Pour l’année, j’ai des projets plus communautaires ou politiques: s’investir dans les mouvements étudiants et informer les Mcgillois de ce qui s’y passe.

L

LD: Verrons-nous un jour une Fall reading week? ES: Beaucoup de dynamique a été créée au cours des deux dernières années, mais nous sommes de nouveau à un point mort. Personnellement, je pense que cela est faisable puisque le calendrier scolaire n’en serait pas énormément affecté. Comme certaines facultés s’opposent à l’introduction d’une semaine de lecture, nous faisons présentement face à des obstacles administratifs. Nous contemplons présentement la possibilité d’ajouter deux jours à une fin de semaine, mais notre but à long terme est certainement d’avoir une pause d’une semaine. x

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campus

McGill: Comment ça marche? ...et bien, c’est compliqué. théophile vareille et mahaut engérant

Le Délit

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campus

Vivre la francophonie à McGill Passage en revue des clubs et organisations francophones sur le campus.

French Student Club (Société des étudiants français, ndlr) Créée en 2005, cette société aime à faire connaître la culture française aux étudiants mcgillois plus qu’à faire avancer la francophonie. Elle organise toutes sortes de rendez-vous sportifs, gastronomiques ou festifs tout au long de l’année, pour francophiles confirmés ou débutants.

théophile vareille

Le Délit

La francophonie, vous pouvez en prendre mesure dans nos pages 2 et 3, est promue par tous les membres exécutifs de l’AÉUM, mais ce sont plusieurs associations et commissions mcgilloises qui se chargent de la faire vivre sur le campus. Ces dernières vont au-delà de la simple traduction de documents en français, elles créent des oeuvres d’art francophones, organisent des événements pour promouvoir la francophonie et initient ceux qui le veulent à la langue de Poquelin. Suit donc une courte présentation des principales organisations francophones du campus, outre notre vénérable Délit bien entendu, qu’il ne faut plus présenter. Commission francophone de l’AÉFA L’équivalent de la CAF (Commission des affaires francophones, ndlr) au sein de l’Association des Étudiants de la Faculté

Esther PerrinEsther tabarly Perrin des Arts de Premier Cycle de l’Université McGill (AÉFA), avec un mandat et un spectre d’activités plus restreints. Cette commission organise deux fois par semaine des cercles de discussions en français ouverts à tous. Additionnellement, elle collabore avec d’autres groupes francophones du campus pour y promouvoir la langue française, via des évènements culturels notamment. Franc-Jeu Après seulement deux ans et demi d’existence, l’unique com-

pagnie de théâtre francophone de McGill est déjà une incontournable du microcosme culturel sur le campus. S’étant dès ses débuts démarquée par une grande inventivité et une liberté artistique revendiquée, Franc-Jeu a su se faire une place aux côtés de la troupe anglophone de l’AÉFA, qui elle dispose de plus de moyens et se produit en salle sur le campus et non au-dehors. Pour ceux qu’il faudrait convaincre de l’apport de la francophonie à la richesse de la vie étudiante, il n’y a pas à chercher plus loin.

Commission de Affaires Francophones (CAF) Principal organisme officiel dédié à la promotion de la francophonie, la CAF se définit elle-même comme un «pôle de la vie intellectuelle et culturelle des francophones et francophiles de l’Université McGill». La CAF a récemment participé à la campagne McGill en Français, qui vise à faire découvrir aux étudiants le «French side de McGill». En tant que commission de l’AÉUM, elle dépend du portfolio du vice-président aux Affaires externes.

Département de langue et littérature françaises (DLLF) Ce département exclusivement francophone dispense des cours variés sur la littérature francophone, comme il est en coutume à McGill depuis 1853. Mais dû à son encerclement dans une université francophone, le DLLF est aussi le bastion par défaut de la francophonie cultivée mcgilloise. Le DLLF, notamment hôte d’un(e) écrivain(e) en résidence chaque année, donne régulièrement des conférences en et sur le français, sa littérature et accueille Lieu Commun, une «revue de création et d’essai» étudiante. x

EURêka

Votre université a du génie Découvrez les dernières recherches à McGill. Chloé mour

L’étude en deux mots, à peine

E

Valérie-Anne Mahéo s’est rendue dans un quartier à démographie diverse afin de proposer à plus d’une centaine de personnes d’utiliser la Boussole Électorale. Cet outil instructif permet, au travers d’un questionnaire en ligne, de découvrir son positionnement sur le spectre politique. Par la suite, elle a questionné ces personnes pour établir le degré d’influence de ce type d’outil pédagogique sur leur intérêt envers la politique et leur motivation à voter.

Le Délit

n matière d’engagement politique, la participation au processus électoral reste un baromètre efficace pour mesurer la mobilisation citoyenne. L’intention de vote tend toutefois à s’essouffler auprès des personnes désavantagées sur le plan économique et social. En 2013, ce sont en effet les adultes, les titulaires d’un diplôme universitaire, les personnes aux revenus élevés et propriétaires qui étaient les plus susceptibles d’avoir voté lors des dernières élections fédérales. Les «démobilisés» forment le segment de population auquel s’intéresse Valérie-Anne Mahéo, doctorante en sciences politiques à McGill. Ayant déjà entrepris plusieurs études sur la motivation en politique et les raisons qui incitent les individus à s’investir politiquement, elle a décidé d’examiner si l’accès à des outils interactifs via Internet — par où se passe désormais une grande partie de l’éducation politique — aurait quelconque effet sur l’intention de vote.

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Résultats convaincants et prometteurs Faisant la différence entre les individus déjà politisés — et donc plus à même d’utiliser ces sites interactifs et éducatifs — et les personnes moins intéressées qui sont souvent peu enclines à trouver ces ressources, Mme. Mahéo a constaté que l’intérêt et la motivation pour voter était plus forte et présente auprès des individus a priori moins politisés après avoir utilisé la Boussole

Claude Robillard Électorale. Elle remarque une augmentation de 13% de leur intention de voter — une hausse considérable. L’étude nécessiterait un échantillon de personnes plus important, mais les conclusions sont prometteuses. La de

démocratisation de cette forme d’éducation politique qui tire profit des nouvelles technologies permettrait donc de combler les inégalités socio-économiques en matière d’engagement politique. D’autre part, les jeunes étant de grands utilisateurs des

NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) et réalisant une faible participation lors des élections, la sensibilisation politique faite par les militants et/ou politiciens aurait tout intérêt à se faire davantage sur la toile. x

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Sport 101: Introduction aux équipes sportives montréalaises Mordu de sport, mais tu ignores tout du paysage sportif montréalais? Voici notre guide pratique. Louis-Philippe Trozzo

Le Délit

Des partisans qui saignent bleu, blanc, rouge

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ommençons par la base. Montréal, c’est hockey! Si tu l’ignorais, alors tu dois vraiment être étranger au sport car Montréal est incontestablement la capitale mondiale du hockey sur glace. L’équipe de la métropole, les Canadiens de Montréal, est effectivement la plus vieille et sans doute la plus célèbre franchise de hockey au monde. Je dois t’avertir (et tu le réaliseras très certainement par toi-même) que les partisans du Canadiens éprouvent pour leur club un amour passionné, voire excessif, relevé d’un fanatisme sincère et fougueux. Ne t’avise donc jamais de critiquer le club en compagnie de purs et durs! L’équipe tricolore est effectivement une immense source de fierté pour les montréalais, elle qui s’avère être la plus titrée de toute l’histoire de la Ligue nationale de hockey (LNH) avec vingt-quatre coupes Stanley. Il faut toutefois préciser que les Canadiens n’ont remporté aucune coupe au cours des deux dernières décennies… La plupart ont été remportées alors qu’il n’y avait qu’une poignée d’équipes dans la ligue, de quoi faire taire

les fanatiques qui encensent un peu trop leur club adoré.

porté de coupe Stanley depuis plus de vingt ans!

Tant qu’à parler de faux pas à ne pas commettre en présence de partisans du Canadiens, évite de choisir le numéro 76 dans quelque activité que ce soit… C’est que le flamboyant et adoré défenseur des Canadiens qui arborait le numéro 76, P.K. Subban, a été échangé à Nashville cet été, semant toute une commotion à Montréal. À la place de celuidont-on-ne-doit-plus-prononcer-le-nom, opte plutôt pour le numéro 31, celui du portier des Canadiens, Carey Price. Il s’agit là d’un choix plus judicieux puisque, pour plusieurs, les espoirs de rapatrier la coupe Stanley à Montréal repose sur les épaules (ou plutôt sur les jambières) de Carey Price, lui qui a été nommé meilleur joueur de la LNH en 2015.

L’Impact de Montréal et la Drogbamania

Finalement, si tu as vécu une partie de ta vie à Boston ou à Toronto, c’est le genre de détail à omettre lorsque tu te présentes à un montréalais, vu la rivalité de longue date qui perdure entre les Canadiens et ces deux clubs. Ah! J’oubliais. Il est fort probable qu’après une série de victoires des Canadiens tu entendes les montréalais scander «Ça sent la coupe!». C’est un classique! N’y porte pas attention. Si tu as bien suivi mon article, les Canadiens n’ont pas rem-

À présent, parlons soccer. Oui, ici on dit soccer, pas foot. Il va falloir s’habituer chers amis français! Bon… vous me voyez venir avec la Major League Soccer (MLS), la principale ligue d’Amérique du Nord. Certes, ce n’est pas le calibre des grands championnats européens, mais le niveau ne va qu’en s’améliorant d’année en année. Et oui, c’est en partie grâce à la venue de joueurs de renommée internationale tels que les Giovinco, Pirlo, Villa et Gerrard. À Montréal, c’est nul autre que la légende ivoirienne, Didier Drogba, que l’Impact de Montréal a su attirer pour se donner des chances de rafler les grands honneurs. Et c’est assurément un pari remporté puisque Drogba a su faire vibrer le Stade Saputo comme jamais auparavant. Après avoir mené les siens en demi-finale d’association la saison dernière avec une récolte impressionnante de 11 buts en 9 matchs, beaucoup repose sur les épaules de Drogba en cette fin de saison. Espérons pour l’Impact et ses partisans que son influence demeurera tout aussi percutante en séries éliminatoires que l’an dernier. Autres joueurs percutants, mais qui sans surprise se retrou-

vent dans l’ombre de l’éléphant ivoirien: Nacho Piatti, l’un des meilleurs joueurs de la présente campagne avec ses dribbles et passements de jambes à étourdir les défenses adverses, et en défense Laurent Ciman, le «Général» comme on le surnomme ici, récipiendaire du titre de défenseur par excellence de la MLS la saison dernière.

que les dernières saisons des Alouettes étaient véritablement à l’image d’une alouette: de monter très haut dans le ciel et de se laisser tomber brusquement vers le sol telle une pierre! Depuis la retraite du quart-arrière étoile Anthony Calvillo, l’équipe semble avoir perdu ses repères et elle souffre énormément dans la Ligue canadienne de football (LCF).

Les Alouettes de Montréal: présentement, c’est pénible

La LCF? Je vous explique. C’est un peu comme le petit frère de la National Football League (NFL), la ligue de football étasunienne. Tous les joueurs prometteurs qui ne se taillent pas un poste avec une équipe de la Nationale américaine finissent par jouer dans la LCF. Pour ainsi dire, malgré un niveau de jeu assez relevé, la LCF ne peut rivaliser avec la NFL. x

En définitive, il y a les Alouettes, l’équipe de football (oui, cette fois américain!) de la métropole montréalaise. Je ne pourrais mieux employer «en définitive» puisque l’équipe vient de se faire surclasser par l’Impact de Montréal en terme de popularité. La raison? Disons seulement

CAMPUS

Un document attendu et nécessaire L’université invite les étudiants à commenter l’ébauche de la politique contre les violences sexuelles. Chloé Mour

Le Délit

A

près quatre mois de consultations auprès des associations de l’université McGill, le projet de la politique contre les violences sexuelles vient d’être publié, ce lundi 12 septembre, par le vice-principal exécutif et viceprincipal aux études, M. Manfredi qui cherche à «obtenir une rétroaction de la communauté mcgilloise». Initié par les étudiants de McGill il y a deux ans et projeté sur

le devant de la scène en février dernier par la publication par l’AÉUM de sa propre politique contre les violences sexuelles, ce projet vient pallier un problème souvent ignoré, mais omniprésent et récurrent dans le contexte universitaire: les agressions sexuelles. Des mesures pro-survivants et proactives Au coeur des cinq pages du brouillon, c’est avant tout les expériences et la parole des «survivants» de violences sexuelles qui

le délit · mardi 13 septembre 2016 · delitfrancais.com

prédominent. Réitérant la notion phare de «consentement» — «un accord libre, informé, exprimé et continu dans le cadre d’une relation sexuelle, et invalidé par toute forme d’intoxication» — le document annonce quatre grands axes. Dans un premier temps, il s’agit d’instaurer des mesures «visibles et proactives» afin de sensibiliser et éduquer sur la violence sexuelle et ses dévastations, comme par exemple des sessions de formation pour tout le personnel mcgillois. Par la suite,

le document s’engage à apporter une réponse sans jugement sur les déclarations de survivants, au travers d’un renfort et de la création de services apportant un support adéquat aux personnes agressées. L’administration devrait également intervenir si un individu compte initier une plainte ainsi qu’une investigation. Enfin, des mesures immédiates sont envisagées comme le changement de cours, des dispositions extracurriculaires, résidentielles ou professionnelles, ainsi que

l’exclusion temporaire de l’agresseur présumé ou une restriction de son rôle et privilèges au sein du campus. Les étudiants ont jusqu’à fin septembre pour envoyer leurs réactions et amendements à ce projet qui sera présenté au Sénat de l’université en fin de semestre. Si le document est accepté, McGill deviendra la dix-septième université canadienne à adopter une politique contre les violences sexuelles au cours de ces deux dernières années. x

actualités

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Société societe@delitfrancais.com

opinion

La révolution hétérosexuelle Les théories révolutionnaires sont bien trop hétérocentrées. Le Délit

C

ette année, le Forum Social Mondial (FSM), un forum dédié aux projets de sociétés alternatives, ouvrait pour la première fois un chapitre pour les personnes LGBTQIA+ (Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transgenres, Queer, Intersexe, Asexuel et plus, ndlr) parmi ses innombrables ateliers. Le slogan de ce chapitre, le Comité diversité, genres et sexualités (CDGS) était «Un autre monde est nécessaire. Mais pas sans nous!». L’addendum lourd de cette deuxième phrase au credo original du FSM révèle en réalité que ces «autre[s] monde[s]» que le FSM et les gauches radicales nous proposent souffrent d’une vision encore trop hétéro- et ciscentrée. Des droits faillibles Malgré la présence de ce nouveau chapitre au FSM, la mention des minorités sexuelles dans les différents ateliers proposés était minime, si seulement existante en dehors des événements spécifiques du CDGS. Si les droits des minorités de genre et sexuelles, au même titre que les droits des personnes handicapées et les femmes, ne sont pas

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société

au cœur du nouveau monde que l’on nous propose, nous sommes assurés de perdre rapidement ce qui a été acquis tout aussi rapidement. De la moustache décomplexée des femmes iraniennes à l’époque des rois Qajar, en passant par les amours saphiques (lesbiens, ndlr) et socratiques de la Grèce antique, la liberté sexuelle, la conception du genre et leur tolérance ont fluctué à travers les temps et lieux. Il est inconscient de croire que, dans un Occident de plus en plus conservateur, les droits actuels sont acquis et iront en se développant, encore plus dans un contexte aussi incertain que celui d’une révolution armée, modèle de mutation glorifié par beaucoup dans et en dehors du FSM.

L’État contemporain se doit de muter, doit-il pour autant disparaître? Il n’est pourtant pas l’unique ennemi de l’Homme, et malgré ses nombreux excès, il a aussi été pensé comme un rempart contre le patriarcat et entre les hommes, par exemple. Peut-être provoquet-il plus de mal qu’il n’en prévient, comme de par ses récents développements ultralibéraux favorisant le libre-échange et la toute puis-

sance corporatiste. Mais personne ne nous protègera lorsque le pays sera un champ de bataille idéologique, et il n’est pas dit que beaucoup seront encore debout d’ici qu’un nouveau tissu social nous défende. La révolution homosexuelle Seulement, la révolution ne se fait pas toujours par les armes. De par leur caractéristique numérique, les minorités sexuelles n’ont

jusqu’à présent jamais pu avancer leurs droits en soumettant la société à leur joug. Les origines du soulèvement de Stonewall, l’origine du mouvement de libération LGBTQIA+ moderne, avaient beau être à inspiration révolutionnaire on ne s’est jamais permis ce luxe. Au contraire, les plus grandes avancées, la dépathologisation et la décriminalisation se sont faites par l’organisation et la visibilité. Alors, la révolution armée est-elle un truc d’hétéros? x

La révolution violente, pour qui? Les révolutions violentes prônées au FSM et ailleurs par les communautés de la gauche radicale suppriment le lien social, c’est leur force et faiblesse. Elles détruisent pour pouvoir construire de façon radicalement novatrice. Elles détruisent aussi parfois des familles et font fuir des populations de par la ruine qu’elles provoquent. Elles imposent aussi à plusieurs une guerre civile et une vision sociétale non consentie puisque amenée par les armes.

amelia rols

arno pedram

le délit · mardi 13 septembre 2016 · delitfrancais.com


Cette nouvelle rubrique décode ce qui se passe derrière vos ordinateurs, vos tablettes et vos téléphons intelligents. Comment interragissons-nous sur Internet et sur les réseaux sociaux? Comment ces interactions influencent-elles le monde réel? Grand navigateur part en investigation sur Internet pour tenter de répondre à ces questions.

De la réalité virtuelle au monde réel L’«Airspace»: ou comment Kim Kardashian change un peu plus notre mode de vie. Sara fossat

Le Délit

L

a semaine passée, Kim Kardashian, une des personnalités de téléréalité les plus influentes de notre ère, publiait une photo parmi tant d’autres sur son compte Instagram. On peut la voir dans une de ses poses habituelles, allongée sur un canapé dans un beau penthouse new-yorkais. Le plus important dans cette publication n’est cependant ni la pose, ni la photo. Il s’agit de la légende qui signale: «tout juste arrivés dans notre penthouse à NYC. Merci @airbnb de nous offrir notre maison loin de notre maison.» Cette publication est probablement le fruit d’une collaboration entre la plateforme communautaire de location de logements de particuliers à travers le monde, et la star des réseaux sociaux. Le slogan d’Airbnb «Bienvenue à la maison» prend ici tout son sens. L’entreprise exhibe en effet fièrement dans ses actions publicitaires le caractère authentique que les voyageurs peuvent trouver en utilisant les services de la plateforme plutôt qu’en se rendant dans un hôtel. C’est donc une expérience de voyage complète et dépaysante qui est ici promue, alors que le voyageur est tel un invité chez l’hôte, puisqu’il peut profiter des mêmes endroits insolites que les riverains, entre cafés et restaurants... Toutefois cette authenticité made in Airbnb peut être remise en question. Tous et chacun peuvent d’ailleurs en avoir fait l’expérience et constater que, dans, de nombreux intérieurs d’appartements loués à travers le monde se retrouvent les mêmes designs, les mêmes matières, derrière une façade originale. Des murs clairs, du bois brut, des tapis à motifs, des sols dépouillés, des étagères ouvertes: un style scandinave neutre «industriel et milieu de siècle sans que ça n’ait l’air encombre et vieux» comme le décrit Natacha Folens, décoratrice d’intérieur et consultante pour Airbnb. Du minimalisme dans toutes les facettes de

l’aménagement intérieur mais aussi de l’aménagement urbain. De la technologie au monde réel Ce phénomène a un nom, et ne s’applique pas uniquement à Airbnb: l’Airspace. Un concept expliqué par le journaliste de The Verge, Kyle Chayka dans Welcome to the airspace. L’Airspace est le modelage de l’espace physique par la technologie. Autrement dit, c’est la nouvelle géographie créée par la technologie, ou comment des applications telles qu’Airbnb et Instagram produisent une harmonisation des goûts. Les réseaux sociaux en général et les applications mobiles plus particulièrement, ont depuis quelque temps déjà modifié nos habitudes sur Internet, via plus de services et de ressources. Cependant ils commencent maintenant à avoir une influence sur notre monde physique et nos comportements. Quelques exemples que Kyle Chayka donne dans son article aident à comprendre le concept: Waze, l’application pour éviter les embouteillages, redirige les automobilistes sur de nouvelles routes, dans des quartiers où aucune voiture ne passait alors.

«Les sensibilités changent, dans un mouvement qui s’éloigne de la différence pour se rapprocher de la similitude» Airbnb envoie des touristes internationaux dans des quartiers on ne peut plus résidentiels, et Instagram convertit de tels comportements en mode de vie. Instagram et Facebook sont en effet les nouveaux panneaux publicitaires de notre mode de vie. Sur Facebook, plus de 1,6 millard de personnes évoluent dans le même

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espace virtuel constitué de leur fil d’actualité et sont atteintes par les mêmes publications; encore plus avec la grandissante ambition de Facebook et Instagram d’incorporer des publications «sponsorisés» à celles de nos amis virtuels. Le fait que ces applications soient maintenant ce qui nous apporte un lien émotionnel et social leur donne justement tout ce pouvoir de créer et modeler l’airspace. Kim Kardashian partage donc sa belle photo de l’appartement parfait, comme tant d’autres célébrités et blogueurs influents, et touche un large public, plutôt diver. Ses abonnés reçoivent ce flux d’inspiration parmi tant d’autres dans leur fil d’actualité et s’en inspirent évidemment aux quatre coins du monde, reproduisant cet esthétique homogénéisé. Les sensibilités changent, dans un mouvement qui s’éloigne de la différence pour se rapprocher de la similitude. Ces nouvelles sensibilités esthétiques et culturelles se développent et touchent

de nouvelles cibles à travers les médias sociaux, où tout un chacun agit comme une «Kim Kardashian» à son échelle, et peut prendre la même photo du même cappuccino crémeux sur une table de bois vintage avec la même lumière faussement industrielle. L’Airspace, est-ce si grave que ça? Il semble que oui, et pour plusieurs raisons. D’un côté cette uniformité transcendant les distances permet à ceux qui changent d’endroit si souvent de voyager sans frustration ou désagrément, d’être partout dans le monde, dans la même ambiance rassurante, sans avoir à faire l’effort de s’acclimater. Cette situation bénéficie certes à une partie de la population aisée, comme les hommes et femmes d’affaires qui ne voyagent pas dans le but de trouver un certain dépaysement. On ne peut pas en dire autant des voyageurs de classe moyenne: ils se retrouvent avec ce style Airbnb international qui appartient plus à un espace générique, se cachant derrière une façade faussement authentique. Cependant, au delà du problème de l’authenticité et de la recherche de dépaysement avortée, des problèmes psychologiques et sociaux accompagnent le phénomène. La dépersonnalisation dans le sens psychologique du terme est inévitable quand on constate que tous les goûts sont les mêmes, et mènent à une perte du sens de l’identité personnelle: quels seraient véritablement les goûts des personnes qui partagent tous la même photo du même café

s’ils avaient accès à des influences diverses et non filtrées? L’Airspace, socialement parlant, est contre la différence: il va à contre-courant de ce phénomène qui permet le contact humain. Être dans la même situation de confort partout nous encourage à rejeter l’échange avec de nouvelles personnes et à ne pas être curieux dans de nouveaux lieux. Ceux qui sont financièrement capables de voyager et de diffuser cette idée de l’esthétique et de la culture sont souvent des personnes privilégiées, issues de différents endroits du monde où la culture occidentale est ancrée. L’Airspace exclut donc tous les pays qui n’ont pas cette culture, en répandant la culture occidentale, bien que de nombreux voyageurs se rendent en fait dans ces pays pour prétendument découvrir ces cultures. Au-delà de l’Airspace L’Airspace n’est pas un phénomène nouveau, il s’agit d’un processus commencé dans les années 80 avec les débuts de la mondialisation, et qui s’est par la suite intensifié avec la naissance d’Internet. L’effet que peuvent avoir de telles plateformes virtuelles est intéressant, mais doit-il modifier notre géographie et homogénéiser toutes nos cultures, nous empêchant de nous ouvrir et de partir à la découverte des autres, ailleurs? Il ne nous reste plus qu’à aller à contre-courant de ce phénomène, à continuer de voyager, et de rester curieux, en usant de ces plateformes de la bonne manière. x

Société

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présentation

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de l’équipe

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Innovations innovations@delitfrancais.com

TECHNO

Apple et l’obsolescence programmée Le côté ultracapitaliste de «l’innovation». RONNY AL-NOSIR

Le Délit

L’

entreprise californienne Apple a toujours été un exemple d’innovation dans le domaine de la technologie portable. En effet, si l’introduction de l’iPod au début des années 2000 a aidé à populariser le concept du lecteur mp3, l’iPhone, arrivé en 2007, a propulsé le téléphone intelligent (smartphone, ndlr). Grâce à ses nombreuses innovations, Apple est devenu un leader dans l’entrepreneuriat. Selon Forbes, la compagnie vaut 586 milliards de dollars, faisant d’elle la 8e plus grande au monde, et elle se place en première position en termes de profit. Cependant, avec l’ascension de nouveaux compétiteurs tels que Google, Samsung et Motorola, Apple se doit d’innover constamment. Cependant, d’après plusieurs experts économiques, c’est plutôt l’obsolescence programmée qui permet à l’entreprise de générer une grande partie de ses profits.

Rendez-vous annuel Comme à chaque, le 7 septembre dernier, Apple présentait sa nouvelle gamme de produits l’iPhone 7 et l’iPhone 7 Plus devant ses investisseurs. C’est Tim Cook, PDG (Président Directeur Général, ndlr) de la compagnie depuis le décès du légendaire Steve Jobs, qui a encore une fois cette année eu la tâche de présenter la vision du futur d’Apple. Le mot clé pour justifier les changements apportés cette année: courage.

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innovations

(même journée que l’événement d’Apple: coïncidence?), un livre intitulé En as-tu vraiment besoin? Avec cet ouvrage, il espère sensibiliser les Québécois pour qu’ils arrêtent de se définir par ce qu’ils possèdent, et établir un modèle de citoyen responsable financièrement. Il s’agit là du meilleur antidote contre les pratiques ultracapitalistes des entreprises. Malgré la panoplie d’innovations dont elle su faire preuve au cours des dernières années, Apple reste, comme toutes ses compétitrices, une entreprise qui cherche d’abord et avant tout à générer des profits. L’iPhone 7 présente certes de nouvelles fonctions, mais est-il vraiment pertinent pour quelqu’un possédant déjà un iPhone 6 de débourser plus de mille dollars pour se procurer un appareil quasiment similaire? Apple a beau prétendre faire preuve de courage, il n’est reste pas moins que, dans les faits, les consommateurs délaissent leur appareil qui est encore performant pour un autre.

appelée «jack»). L’iPhone 7 et son compagnon, l’iPhone 7 Plus, n’ont en effet plus ce port qui permettait d’y introduire des écouteurs ou un fil auxiliaire pour écouter de la musique. Apple prévoit de lancer des petites oreillettes sansfil Bluetooth, au coût de 219.99

des consommateurs: «Ils nous paient pour faire des choix […] pour qu’on tente d’élaborer les meilleurs produits. Si on réussit, ils achètent, et si on échoue, ils n’achètent pas.» (traduit de l’anglais, ndlr). Certes, on ne peut réellement savoir ce que Jobs

annuellement, et ce même si celui de l’année précédente est toujours très performant. Cet attachement à une marque, et le besoin de toujours avoir le plus récent appareil, permet à la compagnie de générer des profits en comptant sur une base cliente solide. Ainsi, d’année en année, les compagnies sortent de plus en plus fréquemment des produits d’une durée de vie toujours plus courte: c’est ce qu’on appelle l’obsolescence programmée. Jonathan Sterne, professeur de communications à McGill, a expliqué ce concept dans un texte publié dans le Globe and Mail le 8 septembre dernier. Selon Sterne, une entreprise modifie légèrement un de ses produits, et met sur le marché un modèle qui diffère assez du précédent pour créer un sentiment de nouveauté. C’est ici le cas des écouteurs du nouvel iPhone. Ainsi, les entreprises qui travaillent actuellement sur le nouveau produit, qui n’est toujours pas disponible sur le marché, pensent déjà à la fin de son cycle de vie.

dollars canadiens, pour remplacer les écouteurs conventionnels. Cependant, pour ceux qui refusent de faire le virage vers le sansfil, un adaptateur sera fourni pour pouvoir utiliser des vieux écouteurs dans la prise Thunderbolt, qui est le même que celui où l’on introduit le fil d’alimentation du téléphone. Ce changement a donc généré son lot de critique, en raison de l’impossibilité de charger son appareil tout en écoutant de la musique. Surtout, le manque de praticabilité des petites oreillettes a été noté.

pense du retrait de la prise jack, mais il semblerait qu’Apple soit encore fidèle à la vison de son fondateur et ancien PDG. Il semblerait pourtant qu’Apple joue un tout autre jeu.

«Si on réussit, ils achètent, et si on échoue, ils n’achètent pas» Steve Jobs, 2010.

Obsolescence programmée et dépenses inutiles

En as-tu vraiment besoin?

Depuis la sortie de l’iPhone originel en 2007, l’entreprise a présenté un nouveau modèle de son téléphone chaque année. Les plus fidèles à la marque n’hésitent jamais à changer de modèle

L’obsolescence programmée est étroitement reliée à la responsabilité du conasommateur. Le chroniqueur économique québécois Pierre-Yves McSween a sorti, le 7 septembre dernier

Courage: le spectre de Steve Jobs? Généralement, en plus d’avoir des composantes internes plus performantes que le modèle précédent (caméra, processeur, mémoire, etc.), chaque nouvel iPhone est plus léger et plus mince. Cependant, cette année, le changement le plus controversé est le retrait de la prise audio conventionnelle 3.5mm (aussi

En guise de justification, Phil Schiller, v.-p. marketing d’Apple, a affirmé que la compagnie avait fait preuve de «courage». Steve Jobs, celui qui aura amené iTunes, l’App Store, l’iPod, l’iPhone et bien plus encore, perdait son combat contre le cancer en 2011. Même s’il est parti depuis près de cinq ans, une citation de Jobs semble prédire le retrait de la prise audio. En 2010, Jobs a disait à propos

«Selon Forbes, la compagnie vaut 586 milliards de dollars [...] et elle se place en première position en termes de profits»

Certains sont assez aisés financièrement pour pouvoir se le permettre, mais pour monsieur et madame tout le monde, ce n’est probablement pas le cas. Il serait donc pertinent pour nous de nous poser la question: en avonsnous vraiment besoin? x

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Infographie

D’iPhone 6 à 7: quelle différence?

StarT-UPs

Accélérer l’entreprenariat mcgillois L’entreprenariat accompagné au sein de l’université.

SARAH HERLAUT

Le Délit

L’

accélérateur X-1, programme d’été offert par le Centre Dobson pour l’entrepreneuriat, propose à des start-ups de les accompagner vers un développement poussé de leur potentiel. X-1 est pensé non seulement comme un cadre de soutien mais aussi comme un espace d’apprentissage. Les organisateurs du programme, comme ses participants, poussent toute personne avec une idée, avant même la conception d’une start-up, à se renseigner auprès du Centre Dobson. Des ressources, des mentors et un cadre y sont proposés pour quionque ose créer. Le mercredi 7 septembre 2016, au Club Soda, les six startups participantes ont chacune présenté l’aboutissement de 10 semaines de travail. Par des projets à court ou long terme, elles ont tenté d’attirer des investisseurs. D’une idée à sa concrétisation Quand on entend le terme start-up, on pense à un concept frais, jeune, et révolutionnaire. On pense à Zuckerberg, qui a créé un bouleversement des codes sociaux depuis sa chambre universitaire à Harvard. Une start-up

dans l’imaginaire collectif, c’est la relève tant attendue des fantômes industriels fordistes du XXe siècle, c’est l’intrinsèquement cool qui rencontre un succès brutal, rapide et généralisé.

Seulement voilà, 90% des start-ups font faillite (Forbes, 2015). L’apparente facilité déroutante de ceux qui ont osé entreprendre révèle l’échec plus nombreux d’autres projets. Le programme X-1 «forme des entrepreneurs, pas des «start-ups»

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explique Maher Ayari, coordonnateur de l’accélérateur (traduit de l’anglais, ndlr). Les participants, bien qu’ayant une start-up déjà formée, reçoivent des outils pour dépasser

la volatilité potentielle de leurs projets. Alors que l’on parle des entreprises plus traditionnelles comme d’un tout bureaucratique, est-ce que le succès des start-ups ne résiderait pas dans le développement et la juste association de différents personnages,

autrement dit la formation d’une équipe moins uniformisée que dans une compagnie plus traditionnelle? À cette première journée de démonstration, il y a un sens

d’accomplissement chez ces jeunes innovateurs. La communauté entrepreneuriale de Montréal est là et, après les présentations, étudiants, participants et investisseurs échangent. Dans des discours et des présentations teintées de l’espoir

plus ou moins certain de la réussite de leur projet, on ressent le doute serein de ceux qui osent sans vraiment savoir ce qu’il se passera demain. Les start-ups de X-1 Différents projets sont présentés, tous aspirant à révolutionner nos quotidiens. Fractal permet aux utilisateurs d’apprendre des sujets complexes d’une manière organisée à travers une interface novatrice. uGO est un concept de machine à frappés aux fruits naturels et instantanés. Venndor est un site de commerce en ligne permettant de trouver un compromis sans négociation entre le budget des acheteurs et la valeur estimée des biens des vendeurs. Appetite veut commercialiser des plats cuisinés depuis sa cuisine entre particuliers. FRSH veut relier les restaurateurs à leurs clients, innovant par les faibles taxes imposées aux restaurateurs et par un service à la clientèle amélioré. Enfin, Nxtsens a créé un appareil permettant d’évaluer la douleur dans un muscle abîmé, augmentant les probabilités d’agir au bon moment pour le sauver. Toutes aspirent à révolutionner nos quotidiens. On peut donc constater que la communauté mcgilloise ne manque pas de créativité. La porte vous est donc ouverte, entrepreneurs potentiels! x

innovations

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Crédhoto

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Culture

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Culture

Objectif sur Mapplethorpe artsculture@delitfrancais.com

EXPOSITION

Hommage à un des plus grands photographes controversés du 20e siècle. Louise Kronenberger

Le Délit

L

e samedi 10 septembre s’est ouvert au Musée des beaux arts de Montréal la première rétrospective majeure nord-américaine de Robert Mapplethorpe: Focus: Perfection. Celle-ci est la plus importante depuis The Perfect Moment en 1988, qui a eu l’effet d’une tornade sur les institutions artistiques américaines. Il s’agit ici d’une première au Canada, qui n’avait jamais accueilli auparavant un tel événement dédié à l’artiste. C’est également l’unique étape canadienne de cette exposition. À travers celle-ci, on redécouvre Mapplethorpe pas à pas, avec son style si puissant et particulier. Né en 1946 dans le Queens, Robert Mapplethorpe a grandi au sein d’une famille catholique. À la fin des années 60, il entreprend des études de graphisme publicitaire au Pratt Institute à New-York. Il les arrêta ensuite, emporté et séduit par la bouillonnante contre-culture du New-York des années 70. Ses premiers travaux sont des collages à partir d’images de magazines, ou encore des colliers et des assemblages d’objets (souvent religieux). Son mode de vie alternatif le fait grandement évoluer, notamment grâce à des rencontres, telle que celle avec Patti Smith. Devenue

Robert Mapplethorpe Foundation ses autoportraits et ses photos de fleurs, métaphore des organes génitaux et de la sexualité.

son amie intime, cette dernière le poussa vers la photographie. Ce fût le déclic. Son homosexualité, refoulée par son éducation, se démystifie et devient un des éléments phares de son œuvre. «Pour moi le sexe est au-delà de toute expérience connue», déclare-t-il. Il explore sa sexualité à travers de nombreuses photos de nus masculin et fut grandement reconnu pour ceux-ci,ainsi que pour ses portraits de célébrités,

Entre ombre et lumière L’organisation chronologique de l’exposition est voulue par Nathalie Bondil,(directrice et conservatrice en chef du Musée des beaux arts de Montréal). Elle précise que le parcours est fait de sorte que tout

public puisse apprécier et découvrir l’œuvre de Mapplethorpe selon sa sensibilité. Tout d’abord sont disposés des portraits de lui réalisés par d’autres artistes, ainsi que ses œuvres les plus datées, comme des colliers, ou encore un autel qu’il a constitué, montrant l’influence du dadaïste Marcel Duchamp et de ses objets préfabriqués sur ses premiers travaux. Dans la deuxième salle, on est tout de suite projeté dans le NewYork de Mapplethorpe. L’ambiance, rythmée notamment par Because the night de Patti Smith et par les portraits d’artistes de l’époque tels que Warhol ou Debbie Harry, nous y plongent. Ses premières photos, prises avec un polaroid, sont aussi présentes. On est frappé par l’omniprésence du noir et du blanc. Il y a un véritable travail sur l’ombre et la lumière, d’autant plus flagrant dans la troisième salle où sont exposés ses nus d’hommes. Celle salle aborde le thème de l’identité et la sexualité. Ses fameux portfolios X, Y et Z y sont disposés, représentant des photos d’hommes dans des scènes sadomasochistes. Mapplethorpe travaille tel un sculpteur avec la lumière, afin de modeler des corps musclés, viriles, luisants, dans le but d’atteindre la perfection. Robert Sherman, ancien modèle iconique de Mapplethorpe, déclare au Délit: «Il était très spéci-

Voyage en terre inconnue

fique dans ce qu’il recherchait, dans les ordres qu’il nous donnait.» Plus loin, ses photos de fleurs, elles aussi travaillées et nettes, nous ramènent à la sexualité. L’ultime salle porte sur la controverse créée par sa première rétrospective à la fin des années 80, qui créa un conflit idéologique avec certaines institutions artistiques américaines. Elles remirent en effet en question le contrôle sur la censure dans le contexte des Culture Wars. Un message de tolérance Cette rétrospective est accompagnée d’une série de conférences, de films et de rencontres, à but éducatif et culturel. Àtravers cela, le musée souhaite mettre à l’honneur la diversité, et soutenir la communauté LGBTQ à Montréal et au-delà. Cette rétrospective aborde aussi les questions de censure et de liberté d’expression. L’exposition, composée de 300 œuvres et artéfacts, est très bien conceptualisée et nous emporte directement dans l’univers de Mapplethorpe. Elle nous fait redécouvrir le génie de l’artiste, et engage une discussion sur la tolérance. x

Mapplethorpe au Musée des beaux-arts jusqu’au 22 janvier 2017

CINEMA

Retour au pays pour Marilù Mallet.

DIOR SOW

Le Délit

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a période est bien choisie: il y a maintenant un peu plus de 40 ans, en septembre 1973, la vie des Chiliens a basculé à l’issue du putsch du général Pinochet. Confrontés à un État soudainement devenu prédateur, nombreux sont ceux qui ont pris le chemin de l’exil, laissant derrière eux toute une existence. La cinéaste chiliennequébécoise Marilú Mallet en fait partie. Ce mois-ci, la Cinémathèque québécoise présente son documentaire Au pays de la muraille enneigée, une fresque du Chili qui exalte une perspective à la fois étrangère et familière. Entre rupture et continuité Au pays de la muraille enneigé est avant tout l’histoire d’une recherche identitaire, celle de la réalisatrice mais aussi celle de son pays et de ses habitants: que reste-t-il de leur

histoire commune? Pour répondre à cette question, le film nous emmène à la rencontre d’individus que rien ne rassemble, et qui pourtant définissent l’identité chilienne. De l’architecte de Santiago à la communauté Mapuche en passant par les gauchos de Patagonie, les entrevues s’enchaînent mais ne se ressemblent pas, si ce n’est de par cette même nostalgie d’un âge d’or chilien. Une nostalgie partagée par Marilú Mallet, qui narre de façon très personnelle l’ensemble du voyage et nous dévoile son histoire, celle de sa famille et de ses ancêtres. Ce retour vers le passé permet de faire le point sur ce qui a changé et ce qui a perduré. Les images d’archives viennent occasionnellement se superposer à celles d’un Chili mondialisé que la cinéaste, après 40 ans d’absence, semble ne plus reconnaître. Entre ce passé glorifié et le présent, les années de dictature, elles, sont géné-

le délit · mardi 13 septembre 2016 · delitfrancais.com

ralement évoquées à demi-mot. On peut cependant percevoir la marque qu’elles ont laissées sur une population encore très polarisée et qui peine à amorcer le dialogue.

Prune Engerant i

Roadtrip au bout du monde La réalisatrice met ainsi en place une réelle dichotomie entre les changements qui se sont opérés dans une société prise dans le tourbillon de la mondialisation et la tranquillité manifeste des paysages de son pays natal. Au pays de la muraille enneigée est une véritable carte postale du Chili: la photographie est superbe et les grandioses plans de la nature chilienne sont intensifiés par la prose de Marilú Mallet. Cette dernière nous embarque à ses côtés tandis qu’elle sillonne le pays au gré de ses souvenirs, et c’est avec plaisir que l’on se balade, du centre-ville de Santiago au port de Puntas Arénas, des geysers d’El Tatio au glaciers de la Terre de Feu. À la manière des premiers explorateurs, la caméra affronte une nature puissante et indomptable, une manière, peut-être, pour la cinéaste, de rendre hommage à son ancêtre amiral.

L’influence de la colonisation et des différentes vagues d’immigrations sur la construction de l’identité chilienne se ressent au fil de ses visites qui nous emmènent sur les traces d’individus qui ont chacun à leur échelle laissé leur empreinte sur le Chili. Un voyage somme toute captivant, dont les images s’attardent dans l’esprit du spectateur bien après sa sortie de la salle. Alors qu’elle traverse le désert d’Atacama Marilú Mallet compare les rivières souterraines de ce dernier à celles de l’âme humaine et nous fait part de sa mission: provoquer une réflexion identitaire à caractère universel. Pari réussi pour Au pays de la muraille enneigée qui nous offre une belle échappée poétique et philosophique. x

Au pays de la muraille enneigée À la Cinémathèque québécoise jusqu’au 15 septembre

culture

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EXPOSITION

Place à la presse World Press Photo 2016 revient en images sur les épisodes marquants de l’année. Hortense chauvin

Le Délit

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ermettre au visiteur d’éprouver par le regard le bruissement du monde: jusqu’au 2 octobre, l’illustre compétition World Press Photo fait escale au Marché Bonsecours pour sa onzième édition montréalaise. À travers une sélection de 150 photos, l’exposition parcourt l’actualité récente, de la série de séismes au Népal en avril 2015 aux attentats de Paris. Transformer l’actualité en art L’exposition s’attèle à une délicate mission: celle d’ouvrir une fenêtre sur le monde, d’illustrer des problématiques actuelles en adoptant une perspective artistique. À ce titre, l’une des forces de World Press Photo 2016 est la grande variété de thèmes qu’elle explore. Cette diversité permet au visiteur de découvrir de nombreuses facettes du monde contemporain. Des métamorphoses environnementales à la crise des réfugiés, les photographies présentées offrent un regard kaléidoscopique sur le

brent stirton monde, et remettent en question nos aprioris quant à son état. L’originalité des photos présentées dans l’exposition est également remarquable. Habitués à un flot incessant d’informations et d’images, la présentation de ces photographies d’actualité comme des œuvres d’art journalistiques nous permet de saisir leur sens en profondeur. (Dés)humaniser la violence Cette ambition artistique peut cependant se révéler déroutante, notamment quand il s’agit

de représenter des phénomènes actuels dramatiques. Une grande partie des photos exposées dépeignent en effet des épisodes mortifères de l’actualité, en particulier de la guerre en Syrie. Si les images de violence interpellent sur la gravité de ce conflit, leur exposition interroge sur la dimension éthique de la représentation de la mort et de la douleur. «Il y a quelque chose de violent dans le fait de regarder pendant quelques instants une image sanglante de guerre, bien à l’abri dans un musée, puis de continuer sa visite comme si de

rien n’était», confie un visiteur. Entre information et voyeurisme, la frontière craquelle. Les images les plus marquantes sont ailleurs. Moins sensationnelles, faisant plus appel à l’empathie qu’à l’effroi, les photographies de Magnus Wennman ou de Warren Richardson sont particulièrement fortes, illustrant avec sensibilité la brutalité de l’exil. Dans la même lignée, l’exposition complémentaire Je ne viens pas de l’espace, faisant le portrait des réfugiés syriens installés à Montréal, permet d’individualiser les victimes de ce conflit, souvent assimilées à une masse anonyme dans les discours publics. Là où les images de violence creusent une distance, ces photographies à visages humains la réduisent. Du temps court au temps long L’exposition propose également au visiteur d’explorer des phénomènes sociaux et politiques à travers des projets photographiques accomplis sur le long terme. La photographe Mary F. Calvert s’est ainsi attachée à documenter les agressions sexuelles dans l’armée

américaine et les traumatismes qu’elles engendrent. Ses photographies retranscrivent les vies d’anciennes militaires et luttant pour la reconnaissance publique de violences sexuelles souvent ignorées par les autorités. La série de photographies de David Guttenfelder, prises en Corée du Nord, est toute aussi saisissante. Le photographe retranscrit par l’image l’influence de l’idéologie totalitaire du régime sur les corps et le quotidien des NordCoréens. Outre les images des cérémonies dévouées au culte de la personnalité de Kim Jong-un, des photographies plus intimes des habitants offrent un regard inédit sur cet état. Dédiée au rayonnement du photojournalisme, World Press Photo 2016 remplit sa promesse. Outre leur visée informative, les photographies sélectionnées sont toutes porteuses d’un regard personnel sur une réalité politique. Plus qu’une couverture figée de l’actualité, l’exposition propose une multitude de regards artistiques appelant à y réagir. x Jusqu’au 2 octobre au Marché Bonsecours

Made in Italy

Le Musée McCord nous révèle l’envers du décor de la haute couture. mal en point suite à la Seconde Guerre mondiale. La mode fut alors choisie comme moyen de redresser l’économie nationale, avec l’aide du plan Marshall. L’effort porta ses fruits: dans les années 1950, le créateur Giovanno Battisto Giorgini organise de superbes défilés dans la Sala Bianca du Palais Pitti, à Florence. Dans les années 1960, la mode italienne devient un phénomène mondial.

Anna Dang

P

rada, Armani, Versace… Qui n’a pas entendu ces noms ? Depuis longtemps, les stylistes italiens font l’objet d’une obsession internationale. L’exposition Eleganza: la mode italienne de 1945 à aujourd’hui est organisée par le Victoria and Albert Museum et dure jusqu’au 25 septembre 2016 au musée McCord. C’est l’occasion pour tous les amateurs de mode à Montréal d’en savoir plus long sur cet univers fascinant. Sans tergiverser sur le triomphe des grandes marques italiennes, l’exposition nous oriente vers des problématiques moins discutées, telles que les origines modestes de cette mode ou les doutes qui existent par rapport à son avenir.

Des origines modestes

Un peu d’histoire L’exposition commence par nous situer le contexte historique. Les premières pièces exposées datent des années 1940, période où l’Italie était particulièrement

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Culture

CHARLIE

L’exposition insiste beaucoup sur l’aspect régional de la mode italienne. Depuis toujours, ce sont les petits ateliers et les entreprises familiales qui règnent en Italie: grâce à leur savoir-faire très spécialisé, ils ont redressé l’économie déclinante du pays. Les Italiens s’adressaient à la sarta (ou couturière de quartier), qui était autant capable de faire des tenues sobres et de gros manteaux de laine, que de somptueuses robes de soirée. Plus loin dans l’exposition, un court-métrage nous permet de découvrir les différentes régions de l’Italie et leur expertise dans différents domaines: on apprend que

la Toscane est la capitale du cuir, et Côme, celle de la soie. Quand Hollywood s’en mêle Pour bon nombre d’entre nous, l’univers de la mode italienne est synonyme d’élégance et d’une sophistication haut de gamme. Cette association doit beaucoup à l’enthousiasme des vedettes américaines, qui se sont très vite entichées de cette mode. Dans la seconde salle de l’exposition, nous pouvons contempler une magnifique robe taille empire confectionnée par Fernanda Gattinoni, styliste qui a habillé Ingrid Bergman, Lana Turner et Audrey Hepburn. L’exposition achève de nous plonger dans cette atmosphère rétro-glamour avec un petit montage photo au milieu des pièces exposées: nous pouvons y reconnaître les visages intemporels de nombreuses stars américaines. Et demain… ? La dernière salle de l’exposition est la plus grandiose.

Sur un podium, plusieurs mannequins sont vêtus de tenues rocambolesques. L’exposition se clôt sur la présentation de la mode italienne depuis les années 2000, nous montrant les modèles parfois farfelus que notre époque a engendré: le plus étonnant est cette robe dorée Dolce&Gabbana représentant une icône religieuse incrustée dans la mosaïque d’une église. Le prix de la robe la plus spectaculaire revient à une pièce de Capucci, un tourbillon de soie fuchsia et vert qui semble enfermer le mannequin dans les pétales d’une fleur. Malgré la virtuosité de ces pièces, l’exposition s’achève sur une note incertaine: tandis que l’Italie fait face à de nombreux troubles économiques et politiques, la mode s’internationalise et plusieurs marques deviennent la propriété d’investisseurs étrangers. Il n’est pas sûr que les entreprises familiales qui ont fait la gloire de l’Italie puissent prospérer dans un tel climat. Heureusement, la fascination que le monde voue à la mode italienne, elle, semble bien partie pour durer longtemps… x

le délit · mardi 13 septembre 2016 · delitfrancais.com


En quête d’un Montréal oublié Grandes demeures, Montréal, 1974 témoigne d’un univers hors du commun. à concevoir la vie de ces gens et à imaginer leur richesse héritée.

Jacques simon

L’

architecture fait partie de ces arts souvent oubliés par le grand public. À tort, sûrement, puisqu’elle nous entoure et qu’elle structure nos vies de façon déterminante. D’où l’intérêt de s’y pencher d’un peu plus près. C’est ce que fait Charles Gurd (luimême architecte, et photographe à ses moments perdus), dans sa série de photos intitulée Grandes Demeures, Montréal, 1974, exposée jusqu’au 6 novembre au Musée McCord. Pendant l’année 1974, Gurd a pris quelques 6000 clichés des habitations de l’ultra-bourgeoisie montréalaise. Conscient du fait que ce milieu social quasi-aristocratique était au bord de la disparition, il l’a immortalisé. À la recherche du temps perdu L’exposition occupe une salle bleue, au troisième étage du musée. 39 photographies en noir et blanc accrochées aux murs témoignent d’une époque aujourd’hui révolue. Elles documentent des styles de vie, des rapports humains et une culture qui sont, pour la

Des questions restées sans réponse

plupart, inconnus des étudiants montréalais. En se promenant le long des murs, nous revenons quatre décennies en arrière, pour voir ce qu’étaient, à l’époque, le 1336 Redpath Crescent, le 3630 promenade Sir-William-Osler, ou le 9095 Boulevard Groin West. Les maisons en question étaient alors d’un luxe inégalé. De grandes pièces lumineuses sont ornées de tapisseries, de tableaux et de bustes. Les bibliothèques sont emplies de livres de collection. On y distingue les grands classiques — Zola ou Shakespeare — ainsi que des écrits plus récents, comme une biographie de Churchill. Un grand confort y règne. Les colonnes en marbre , et les fauteuils profonds

charles gurd abondent. Dans un coin de l’exposition, un écran fait défiler des photos de l’extérieur des maisons. On y voit d’immenses propriétés clôturées, pleines de verdure, d’arbres et de sculptures. Autre particularité de ces habitations: la présence de domestiques. Sur une des photographies, une dame en tablier dans une grande cuisine sourit en regardant l’objectif. Sur une autre, un majordome, l’air sérieux, se tient droit comme un «i». Cette relation maître/ serviteur, mise en scène sur les photos, est frappante tant elle renvoie à des rapports sociaux révolus. Ce voyeurisme dans l’univers d’une aristocratie inconnue est fascinant. On peine

Toutefois par certains aspects, l’exposition nous laisse aussi un peu sur notre faim. Pour commencer, les 39 photos sont un peu insuffisantes pour témoigner pleinement d’un univers qui nous est inconnu. On aurait aimé pouvoir s’y plonger plus pleinement. On aurait aimé voir plus pour mieux comprendre. Ensuite, l’exposition est basée sur l’idée qu’elle nous offre une ouverture sur le passé, une entrée sur un monde qui n’existe plus. Mais qu’est-il devenu ? Où sont les gens qui habitaient jadis ces immenses demeures ? Que sont-elles devenues aujourd’hui? On sort de l’exposition avec l’étrange impression d’avoir vu un documentaire-fiction. L’exposition se heurte à la valeur nécessairement diminuée d’un «avant» sans «après». Dernier point, il faut le dire, c’est un peu cher. Même avec le rabais étudiant qui fait passer le billet de quinze à neuf dollars, pour une exposition dont on fait le tour en un quart d’heure (et

ce, en lisant tous les panneaux explicatifs), on sort en se disant que l’on doit avoir raté quelque chose. Une exposition à voir Gurd nous offre quandmême une expérience toute particulière. Rarement avonsnous l’opportunité d’admirer l’intérieur de ce genre de bâtiments. Si l’on peut se le permettre, il faut aller voir ces photographies. Elles nous donnent l’occasion d’entrevoir un univers lointain des 1 1/2 et des colocations étudiantes. Elle nous livre un bref aperçu de la vie d’une frange disparue de la population montréalaise. Disparue, mais pas forcément à jamais. Gurd a observé la fin d’une classe sociale, effacée par la croissance des «Trente Glorieuses» qui a favorisé l’apparition d’une classe moyenne forte, et la diminution des inégalités. Quarante ans après, que reste-t-il de cela? Avec un monde caractérisé par une recrudescence de la polarisation des richesses, à quand une exposition sur les maisons des ultra-riches contemporains? x

CINÉMA

Nuancer une utopie

Une vie fantastique: une invitation à la réflexion et au changement. maria rueda martinez

V

ous ne trouvez pas votre place dans une société que vous jugez trop superficielle? L’ère de la surconsommation et du capitalisme vous paraît obsolète et un retour vers un mode de vie minimaliste vous semble nécessaire? Le premier long métrage indépendant de Matt Ross propose une tentative d’un mode de vie alternatif qui suscite la réflexion. À la découverte de l’altérité Dans ce film, un couple américain décide d’élever leur famille de six enfants dans les forêts du nordouest américain. Ils construisent un campement rustique où ils vivent pratiquement en parfaite autarcie. Les six enfants y sont soumis à un entraînement physique et mental à l’image de la devise de Juvénal, «un esprit sain dans un corps sain». Yoga, méditation et chasse ne sont que quelques-unes de leurs activités. En plus d’étudier la philosophie, l’histoire, de nombreuses langues et les sciences, ils sont surtout poussés à se forger un esprit critique, notamment

sur le fonctionnement actuel de la société . Cependant, le trouble bipolaire de leur mère l’oblige à recevoir des soins dans une institution moderne. Les enfants se questionnent dès lors sur la raison pour laquelle leur mère doit retourner dans la civilisation, ce monde qu’on leur a appris à dénigrer. N’étaient-ils pas autonomes? Le suicide subséquent de leur mère entraîne le début d’un roadtrip hors de leur campement pour la première fois afin de se rendre à ses funérailles

le délit · mardi 13 septembre 2016 · delitfrancais.com

et honorer ses dernières volontés. Ce périple confronte les enfants à la réalité. La rencontre avec l’autre, notamment avec de nouvelles figures d’autorité, les mène à une remise en question de leur éducation. Une mise en scène intimiste La mise en scène nous plonge réellement dans l’intimité de la famille. En effet, les nombreux plans rapprochés et regards caméra nous

font vivre l’expérience comme si l’on y était. Le spectateur se trouve alors au cœur d’une famille, et découvre l’évolution personnelle que vit chacun de ses membres. Ces choix scénographiques nous font nous sentir étrangers au monde dans lequel nous vivons, et permettent de nous le dévoiler sous une autre perspective. On ressent effectivement le sentiment de nouveauté des personnages qui, habitués à chasser, se retrouvent dans une épicerie conventionnelle.

Le naturalisme des dialogues ainsi que les nombreux plans silencieux où l’on observe la famille dans son quotidien contribuent également au réalisme du long métrage. Cependant, bien que le film possède une certaine puissance émotionnelle, l’histoire suit un schéma quelque peu scolaire et qui manque d’originalité. Il nous présente une situation initiale (le mode de vie fonctionnel de la famille en forêt), un élément perturbateur (le décès de la mère) entraînant une quête (le roadtrip) qui se résout de façon idéaliste. Ce schéma, tend à freiner la remise en question du spectateur en orientant davantage son attention vers l’action et l’enchaînement des événements plutôt que sur la psychologie des personnages. Cette structure conventionnelle permet cependant d’appréhender confortablement les questions difficiles abordées par le film, lui permettant d’être apprécié par un grand public Par ces choix, Matt Ross nous permet de faire partie d’un voyage émouvant et drôle, à travers lequel nous pouvons réévaluer nos vies et nos idées. x

actualités

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Hannah Raffin Italie

MON éTé

Vincent Catel Italie

Magali Venin Turquie

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le délit · mardi 13 septembre 2016 · delitfrancais.com


Vittorio Pessin France

RIEN QU’À MOI Jules Tomi Corée du Sud

Eléonore Nouel Bolivie le délit · mardi 13 septembre 2016 · delitfrancais.com

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Entrevue

Le tour du siècle en soixante voix

Rassembler 75 ans d’Histoire en un ouvrage, l’idée folle de la journaliste québécoise Mélanie Loisel.

S

nes… Cet échange demeure le plus pertinent, corsé et stimulant intellectuellement parce qu’il faisait appel à la part du bourreau que nous avons tous en nous. Mais je pourrais parler de chacun d’eux. Par exemple, le 11 septembre arrive bientôt (cette entrevue a été réalisée le 7 septembre, ndlr) et encore hier je me rappelais des yeux du chef des pompiers de New York qui a vu plus de trois-cent hommes mourir, à qui il eut advenu de décider combien d’hommes envoyer, quand arrêter. Quand tu perds tes hommes dans de tels attentats, ça te fait voir ces événements-là sous un angle tellement plus humain.

orti à la fin du mois de Novembre 2015, Ils ont vécu le siècle, de la Shoah à la Syrie est un recueil de soixante-deux témoignages des grands épisodes historiques du 20e siècle, de la création de l’État d’Israël à la révolution cubaine, en passant par la guerre de Yougoslavie. Dans ces échanges, des survivants — penseurs, militants, hommes et femmes qui peuvent encore mettre en relief ce qu’ils ont vécu — prennent la parole tour à tour. Avant de proposer des solutions, ce projet ambitieux mené par la Québécoise Mélanie Loisel commence par rappeler l’importance de comprendre en quoi consiste le projet. Le Délit (LD): Pour débuter simplement: d’où vous est venue cette envie de cheminer parmi tant d’événements historiques? Mélanie Loisel (ML): Il faut remonter en 2013. À l’époque j’ai une idée qui me traverse l’esprit: il faudrait recueillir les témoignages de gens qui ont été au cœur de l’Histoire, qui commencent à être très âgés. J’ai alors commencé à lancer, comme des bouteilles à la mer, des messages tout simples: «Allô, je suis une jeune journaliste québécoise. J’aimerais vous rencontrer pour tirer des leçons du passé, voir ce que vous pensez du monde d’aujourd’hui et laisser un message à la jeunesse.» Contre toute attente, une semaine ou deux plus tard, les réponses ont commencé à affluer; on acceptait de me rencontrer à Paris, Beyrouth, Stockholm… À l’époque, je venais de finir des contrats Radio-Canada, j’avais plus d’emploi, plus de copain et c’est comme ça que je suis partie à la rencontre de ces gens partout dans le monde. LD: La surprenante facilité avec laquelle vous avez eu accès à tous ces témoins vous a-t-elle fait réaliser que l’Histoire est peutêtre plus accessible qu’on ne le croit? ML: C’est sûr que je n’aurais jamais pu m’imaginer entrer en contact avec tous ces gens! Je visais des personnes relativement âgées — je m’étais dit soixante-dix ans minimum (rires) — pour qu’ils aient la parole libérée. Je ne voulais pas de langues de bois, des gens au pouvoir qui nous chantent leur cassette. Et puis arrivé à un certain âge, tu as peur de sombrer dans l’oubli, que le combat que tu as mené toute ta vie disparaisse… Je pense que ça leur a fait plaisir que l’on s’intéresse à eux.

«Je ne voulais pas de langues de bois, des gens au pouvoir qui nous chantent leur cassette» LD: Comment est-ce que vous avez choisi les témoins de ces événements ? Car dans votre livre il y a à la fois des entrevues avec des victimes de conflits et des membres du gouvernement comme l’ancien président israélien Shimon Peres.

20 entrevue

ML: L’idée était vraiment de trouver les acteurs numéro un ou numéro deux qui ont été au cœur de ce qui nous a marqué. C’est sûr que ce sont souvent des survivants, qu’il s’agisse de l’Holocauste ou d’Hiroshima, car beaucoup des acteurs en soi ne sont plus de ce monde. Par la suite j’ai aussi choisi des

désespérer mais il faut se rappeler qu’il n’y a pas de solution miracle, il va falloir s’asseoir, négocier, lire, rencontrer des gens. Ce sont toutes sortes de choses à mettre en place, ça demande une vision large et beaucoup de temps mais la pire erreur serait de ne plus chercher à mettre fin à ce conflit.

«Il n’y a pas de solution miracle, il va falloir s’asseoir, négocier, lire, rencontrer des gens» figures de proue qui seraient en mesure de me raconter ce qu’elles ont vécu, que ça soit pendant la guerre d’Algérie, celle du Liban, la révolution des Œillets au Portugal ou du Velours en Tchécoslovaquie. LD: Vous vous êtes concentrée sur les luttes et conflits qui ont jalonné le 20e siècle. Quelles évolutions ou répétitions avez-vous pu observer parmi ce long spectre de violences? ML: Ce que l’on réalise — en tout cas durant ces soixante-quinze dernières années — c’est que tout est un petit peu interconnecté, que ça soit les luttes pour les indépendances, les régimes dictatoriaux… J’avais quatre grands thèmes qui se rejoignent souvent: la paix, la lutte pour les droits humains, l’environnement, le développement des États. Les pays africains qui cherchent à se développer c’est aussi parce qu’ils ont connu la colonisation. C’est drôle parce que plusieurs personnes font des liens les uns par rapport aux autres, parce qu’on ne peut pas parler de la décolonisation en Afrique sans parler de la guerre d’Algérie, ou de celle du Vietnam. Ça nous rappelle à quel point on vit dans un monde plus connecté qu’on ne le croit. Mais ce que j’ai réalisé en bout de ligne, ça peut paraître bien simple, mais c’est que l’on a réussi à mettre fin à des conflits, à signer les accords d’Évian pour mettre un terme à la guerre d’Algérie, à signer des traités de non-prolifération des armes nucléaires pour éviter de pires guerres, donner des droits aux femmes, aux Afro-américains, aux homosexuels. Ce sont des hommes et des femmes qui n’avaient rien d’extraordinaire qui ont milité pour le bien-être collectif . Et oui, tout n’est sûrement pas parfait, mais au moins on a fait un pas en avant. Quand aujourd’hui on regarde la Syrie, on peut

LD: Quant aux témoins, avez-vous des exemples à nous donner de la relation qu’ils entretenaient avec ces événements, tant d’années après? ML: C’est drôle parce qu’il y a vraiment de tout. Il y a ceux qui ont l’impression d’avoir fait la différence, aussi minime soit-elle, comme le commandant Azzedine en Algérie, qui a quand même contribué à l’indépendance de son pays. Malgré tous les problèmes que l’Algérie a encore aujourd’hui, il a le sentiment d’avoir participé à une partie de l’Histoire. D’autres, par contre, réalisent que les efforts qu’ils ont faits sont en train de tomber en ruine. Par exemple, le conseiller Václav Havel, en République Tchèque, qui me disait qu’il avait tellement cru à cette nouvelle liberté que, quand il a eu le pouvoir en 1989 après l’indépendance, la prise de conscience de ses limites a été douloureuse. L’ivresse du pouvoir cause beaucoup de déception et certains ont eu l’honnêteté, avec le recul, de l’admettre. Il y avait aussi des gens très amers, comme Jacques Parizeau vis-à-vis de l’échec de son référendum pour l’indépendance du Québec en 1995. LD: Si vous deviez nommer un témoin en particulier qui vous a marqué? ML: Il y en a qui m’ont marqué pour plusieurs raisons. C’est sûr que quand on voit pour la première fois quelqu’un avec un tatouage des camps nazis, c’est troublant; le survivant s’est mis à pleurer et tu réalises l’impact que ça a eu sur les êtres humains. Et puis, en même temps, j’ai adoré une entrevue avec François Bizot, qui a été emprisonné dans les camps de Pol Pot au Cambodge et a été le seul libéré par son tortionnaire, le Douch, qui a quand même tué plus de cent-mille person-

«Cet échange demeure le plus pertinent, corsé et stimulant intellectuellement» Je suis toujours un peu étonnée et j’aime beaucoup que l’on nous rappelle les combats des Mandela de ce monde, des Martin Luther King et à quel point ils ont pris des risques. À quel point ils ont mis leur vie en jeu, consacré leur vie au bien-être des leurs. On ne le répète pas assez. On dirait qu’on les connait de nom mais quand tu te fais raconter ce qu’ils ont fait, tu réalises qu’ils en ont eu de la force et du courage. Parfois on pense savoir — sans vraiment savoir — par où ils sont passés. Audelà de l’être mythique, c’était des Hommes. LD: Depuis sa sortie en novembre 2015, Ils ont vécu le siècle a fait un bon bout de chemin… ML: Oui il est encore en librairie, il a été déposé à la bibliothèque de l’UNESCO pour la préservation des mémoires, dans deux semaines il sera déposé au mémorial de la Shoah en Israël… Et puis ce livre s’adresse vraiment aux étudiants, c’est à nous maintenant de mettre nos talents au service de l’humanité. J’étais la première à être révoltée de voir la Syrie, frustrée par les dernières années. Je me suis demandée ce que moi je pouvais faire; je sais écrire, je crois que je suis bonne avec les gens et j’aime voyager, donc j’ai combiné mes passions. Et puis, quand on cogne aux portes des gens, c’est étonnant mais on peut s’en faire ouvrir. Il suffit parfois d’essayer. Je me suis intéressée aux conflits, mais il y a tellement de choses; si tu as le goût de militer pour le changement climatique, d’aller en Arctique, alors go! Tant qu’à vivre, essayons de mieux vivre ensemble. x

Propos recueillis par

CÉLINE FABRE Le Délit

le délit · mardi 13 septembre 2016 · delitfrancais.com


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