Édition du 21 mars 2017

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Mardi 21 mars 2017 | Volume 106 Numéro 17

Sébasthug depuis 1977


Volume 106 Numéro 17

Éditorial

Le seul journal francophone de l’Université McGill

rec@delitfrancais.com

rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784

Mettre la politique de côté pour repenser Montréal

Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Ikram Mecheri Actualités actualites@delitfrancais.com Antoine Jourdan Sébastien Oudin-Filipecki Théophile Vareille Culture articlesculture@delitfrancais.com Chloé Mour Dior Sow Société societe@delitfrancais.com Hannah Raffin Innovations innovations@delitfrancais.com Lou Raisonnier Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Baptiste Rinner Coordonnateurs visuel visuel@delitfrancais.com Mahaut Engérant Vittorio Pessin Multimédias multimedias@delitfrancais.com Arno Pedram Coordonnatrices de la correction correction@delitfrancais.com Nouédyn Baspin Sara Fossat Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard

Ikram Mecheri

Le Délit

M

ontréal, Montréal, Montréal. À force d’y vivre, on ne remarque plus ta beauté. À force de fouler ton gravier, on finit par foncer dans tes cônes oranges, et puis à te maudire et à presque te regretter. Tes multiples avantages ne sont plus à citer: tu es belle, merveilleuse, festive, tête en l’air, mais aussi capricieuse. Tu me le pardonneras, et sans doute tu dois t’en douter: tu n’es pas facile à aimer, mais quand on tombe pour toi, on s’est que c’est foutu. Foutu car après on a du mal à te quitter. Donc forcément, il faudra s’habituer à tes imperfections. Cependant après avoir visité d’autres de ton espèce, des villes, force est d’admettre qu’il est temps de parler – et de corriger – ces défauts que tu traînes derrière toi. Ce qu’il te faudrait, Montréal, c’est une prise de conscience. Une pause à ton rythme effréné pour prendre du recul et réaliser ton manque de vision. Jusqu’à

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présent, tu as réussi à faire ton chemin, malgré les nids de poule et les 40cm de neige, certes. Seulement, tu t’essoufles, tu doit prendre conscience que si les dollars et le café t’ont permis de survivre jusqu’à aujourd’hui, demain la bourse sera vide et le café amer. Des plus petites villes telles que Helsingborg ou Copenhague ont compris l’importance d’avoir une vision, un plan. Pas l’un de ceux qu’on fait le jour du nouvel an et qu’on laisse tomber quelques jours après. Non, un plan, un vrai: un projet sociétal. La ville, il faut y réfléchir car elle ne se fait pas toute seule, il lui faut un tuteur pour ne pas qu’elle pousse de travers. Il ne faut pas la contraindre mais la guider. Montréal, il est temps de te repenser. Les célébrations du 375e constituent le moment parfait pour amorcer cette discussion pour commencer à construire cette vision manquante. Les enjeux tels que l’environnement, le transport et l’accessibilité, des enjeux municipaux, ne devraient pas être politisés. À Helsingborg, petite ville côtière de la Suède, les partis politiques sont par-

venus à mettre leurs différences de côté pour travailler ensemble et composer un projet de société: Helsingborg 2035. Plus question de prendre des enjeux essentiels tel que l’environnement en otage, peu importe le parti au pouvoir, les priorités qui s’inscrivent dans une vision à long terme restent inchangées et les politiciens s’engagent à les respecter. Une telle vision ne se construit pas du jour au lendemain. Elle nécessite une humilité politique considérable, particulièrement pour le parti au pouvoir. Cependant, le système électoral actuel ne donne à peu près aucun incitatif à la collaboration. Néanmoins, des voix commencent à s’élever pour demander à nos politiciens de poser leurs voix et commencer à s’écouter. Il est temps d’outrepasser les barrières politiques en places qui segmentent les bonnes idées d’un côté ou de l’autre et qui prennent en otage notre ville. Ne ratons pas cette occasion. Pour le 375e, rêvons d’un Montréal 2042, juste à temps pour son 400e. Bonne fête Montréal.x

Coordonnatrice réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Louise Kronenberger Événements evenements@delitfrancais.com Lara Benattar Margaux Sporrer Contributeurs Clémence Auzias, Philippe Chassé, Margot Hutton, Capucine Lorber, Monica Morales, Manon Paquet, Andrew Sommerich, Catherine Tajmir Couverture Mahaut Engérant & Vittorio Pessin

bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 0E7 Téléphone : +1 514 398-6790 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard & Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Sonia Ionescu Conseil d’administration de la Société des Publications du Daily Zapaer Alip, Niyousha Bastani, Marc Cataford, Julia Denis, Amandine Hamon, Sonia Ionescu, Ikram Mecheri, Igor Sadikov, Boris Shedov, Alice Shen, Tamim Sujat

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavant réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

le délit · le mardi 21 mars 2017· delitfrancais.com


Actualités actualites@delitfrancais.com

Les chiffres à retenir

1,39

Millions de dollars canadien, soit le montant récolté au cours de la campagne de dons annuelle «McGill24» qui encourage parents, anciens étudiant·e·s, et membres du personnel à faire un maximun de donnations à l’Université en moins vingt-quatres heures. Ce montant a été atteint grace à plus de trois mille cinq-cents donnations, et ce, en une seule journée. À titre de comparaison, l’année dernière, l’Université avait reçu environ mille six cents donnations totalisant un peu moins de huit-cents mille dollars.x

Cette semaine Évaluations de cours via Mercury Les évaluations de cours du semestre d’hiver sont désormais disponibles et ce jusqu’au 30 avril (ou 12 avril pour certains cours) prochain. Le système d’évaluation des cours Mercury permet aux étudiant·e·s d’évaluer, anonymement, le contenu des cours qu’ils prennent ainsi que de faire parts de leurs impressions aux enseignants. Les réponses sont ensuite utilisées comme indicateurs des compétences d’enseignement des professeur·e·s et sont prises en compte dans les décisions concernant l’enseignement des cours. Les étudiant·e·s peuvent aussi, dans le cadre de l’évaluation, recommander leurs professeur·e·s et leurs teaching assistants pour les prix d’excellence en enseignement.x

Cette semaine:

Repenser Montréal: entre urbansime et multiculturalisme

Nuit Blanche mcgilloise.

Ce vendredi 24 mars, Ikram Mechri, mythique rédactrice en chef du Délit, organise une conférence qui portera la capacité de l’urbanisme à renforcer notre sentiment d'apparentance à la ville, ou le contraire. Seront présents des sociologues, des urbanistes, et des architectes qui metteront à notre disposition leurs connaissances en la matière.x

Le Conseil des beaux-arts de l’Association des étudiants de la Faculté des arts (AÉFA, AUS en anglais, ndlr) organise, le 23 mars prochain, de huit heures à minuit, dans la salle de bal de l’AÉUM son événement annuel Nuit Blanche. Ce dernier a pour but de promouvoir les oeuvres et les talents de la communauté artistique étudiante sur le campus. x

Nouvelles mesures contre la violence sexuelle. sebastien oudin-filipecki

Des mesures concrètes ?

D

De plus, l’article du McGill Reporter détaille, entre autres, la portée de la politique et son application dans le cadre de l’université. Cette politique s’applique à l’ensemble de la communauté mcgilloise, et cela même si l’incident s’est produit hors du campus de l’université. Cela signifie que n’importe quel membre de la communauté peut être soumis à une enquête et à des mesures disciplinaires et ce y compris si «l’individu concerné a un poste de gouvernance dans une association étudiante» peut-on lire plus loin. Dans un courriel au Délit, le doyen à la vie étudiante, le professeur Christopher Buddle, réaffirmait le fait que la politique «s’appliquait à tous les membres de la communauté mcgilloise: étudiant·e·s, professeur·e·s, employé·e·s». Les étudiant·e·s doublement, du fait que, «en tant qu’étudiants, ils restent assujettis au Code de conduite de l’étudiant et procédures disciplinaires», auquel la Politique contre la violence sexuelle est associée.

ans un courriel envoyé à tous les étudiants il y a quelques jours, le Bureau du doyen à la vie étudiante dévoilait de nouvelles mesures afin de faciliter l’application de la Politique contre la violence sexuelle (Policy against sexual violence en anglais, ndlr) votée le semestre dernier par le Sénat. Ce courriel, de même qu’un long communiqué disponible sur le site du McGill Reporter inaugure en grande pompe le Bureau d’intervention, de soutien et d’éducation contre la violence sexuelle (Office for Sexual Violence Response, Support and Education, O-SVRSE en anglais, ndlr). Ce dernier, composé d’une équipe de quatre personnes à temps plein et situé au 550, rue Sherbrooke Ouest, (bureau 585) fera «maintenant office de centre de référence pour toute question de violence sexuelle à l’Université McGill» afin «d’éviter que les survivants n’aient à se soumettre au processus de divulgation plus d’une fois» peut-on lire dans le courriel.

«Nous nous battons pour tous les droits de tout le monde»

C'est ce qu'a affirmé Connor Spencer, interrogée par Le Délit sur son militantisme dans le contexte de son nouveau poste à l'AÉUM. Fraîchement élue vice-présidente des affaires externes, l'interessée a affirmé qu'elle continuerait son engagement avec le groupe «McGill contre l'austérité», sans que cela empiète sur ses tâches administratives.x

À ne pas rater

McGill (ré)agit enfin Le Délit

Les mots qui marquent

le délit · mardi 21 mars 2017 · delitfrancais.com

Est aussi annoncée la création de deux comités: le Comité de mise en œuvre de la Politique contre la violence sexuelle et le Groupe d’étude sur la violence sexuelle sur les campus, présidés par les professeures Lucy Lach (École de service social) et Shaheen Shariff (Département d’études intégrées en sciences de l’éducation). Composés d’étudiant·e·s et de membres du personnel, tous deux devront rendre publiquement leurs rapports entre mars et mai 2018. L’annonce de ces nouvelles mesures serait-elle (en partie) liée aux récentes allégations de violence sexuelle qui ont forcé à la démission le vice-président aux affaires externes de l’Association des étudiants en premier cycle de l’Université McGill (AÉUM, SSMU en anglais, ndlr) David Aird, ainsi que le président Ben Ger? Possible, d’autant que l’Université et l’AÉUM s’étaient retrouvées sous le feu des critiques suite aux divulgations du Réseau de divulgation communautaire (Community Disclosure Network, en anglais, ndlr) reprises par la presse étudiante. x

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actualités

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politique étudiante

Participation intermittente Entre désintérêt et polémiques, quelle issue pour l’AÉUM? théophile vareille

Le Délit

L

a politique étudiante mcgilloise a ceci d’unique qu’elle clive autant qu’elle indiffère. Les Assemblées générales de l’Association des étudiant·e·s en premier cycle de l’Université McGill (AÉUM) en sont l’exemple parfait: de plusieurs centaines d’étudiant·e·s se pressant pour y assister lorsque le mouvement Boycott, Désinvestissement, et Sanctions (BDS) y est discuté, à quelques dizaines le semestre suivant. Cette année, le quorum de cent étudiant·e·s, sur les 21 379 membres actuels de l’AÉUM, n’aura été atteint qu’une fois, pendant une petite heure de l’Assemblé générale d’Hiver. Polémiques, la normale? À l’AÉUM, ce qui captive c’est le drame, le spectacle: ces scandales électoraux, ces démissions surprises, ces sujets politiques qui divisent la population étudiante. Ces derniers temps l’AÉUM a pris l’habitude de s’embourber chaque année dans une nouvelle histoire. En 2014, la courte victoire du candidat Tariq Khan à la présidence de l’AÉUM est invalidée à cause de pratiques de campagne illicites. Le candidat déçu emmènera l’AÉUM devant la Cour supérieure du Québec, avant de rétracter sa plainte quelques mois plus tard. L’année suivante, la vice-présidente aux Affaires internes Lola Baraldi démissionne début octobre. Une élection est organisée pour la remplacer, Alexei Simakov, candidat

perdant à la présidence l’avril précédent et président des Conservateurs de McGill, se retrouve seul en course suite au désistement de son opposante. Cela n’empêche pas le «non» de l’emporter avec 51,7% des voix, et Simakov d’essuyer un défaite inédite. Omar El-Sharawy sera finalement élu quelques semaines plus tard. Au second semestre, c’est BDS qui accapare l’attention et déchire le corps étudiant. Ces dernières semaines, les démissions de Ben Ger, président, et de David Aird, vice-président aux Affaires externes, suite à des allégations de violence sexuelle, et celle d’Igor Sadikov, conseiller de la Faculté des arts, suite à son tweet polémique «Frappe un sioniste aujourd’hui» ainsi que des allégations de comportements abusifs, sont venues perturber le cours d’une année jusqu’ici tranquille. De ces récentes actualités, celle entourant les propos d’Igor Sadikov a reçu le plus d’attention de la part de la presse canadienne ou de l’administration mcgilloise. Alors qu’Igor Sadikov s’est retrouvé sur le site du National Post ou de Radio-Canada, les démissions de David Aird et Ben Ger n’ont été notées que par la Montreal Gazette. Une évolution cyclique Une participation électorale à la baisse a suivi ces polémiques consécutives, de 31% en 2014, elle a dégringolé à 17,5% en 2016, légèrement au-dessus du quorum de 15%. Cette année elle est remontée de quelques points à 21,8%, possiblement servie

Partipation aux élections d’hiver de l’AÉUM, 2010-2017

par une récente actualité mouvementée, qui a propulsé l’AÉUM comme sujet de conversation en vogue sur les réseaux sociaux. La participation électorale de l’AÉUM, aux élections générales d’hiver, semble évoluer par cycles, par générations d’étudiant·e·s, après une hausse entre 2012 et 2014, la participation traverse aujourd’hui un creux. La participation varie aussi entre facultés, qui tiennent chacunes leurs propres élections chaque année. L’AÉUM ne collecte pas de données quant au vote de ses membres par faculté, Arts, Sciences, Génie… Néanmoins, la composition de l’équipe exécutive de l’AÉUM, étudiant·e·s de la Faculté des arts à la majorité année après année, indique que cette faculté y est sur-représen-

tée. L’AÉUM méconnue, malgré elle? Sujet tabou, la participation électorale ne figure que rarement que sur les programmes de candidats aux postes exécutifs de l’AÉUM. S’il est souvent question de mieux communiquer avec le corps étudiant, on considère qu’il revient aux étudiant·e·s de s’intéresser d’eux-mêmes à leur gouvernance étudiante. L’AÉUM a effectué un important effort de transparence ces dernières années, même si encore déficient à l’image des introuvables comptes-rendus de séance du Conseil des directeurs. Si de nombreux documents officiels, motions, ou comptes-rendus, sont publiés en ligne, ils ne sont

pas accessibles à tous, car difficiles à appréhender sans connaissance préalable du fonctionnement l’AÉUM et de ses institutions. Néanmoins, l’AÉUM mène régulièrement campagne auprès de ses membres afin de se faire mieux connaître. Que pèsent toutefois de telles campagnes, aux moyens limités, face au cirque médiatique que déclenche chaque polémique? Ces polémiques influencent la réputation de l’AÉUM au long-terme, son image auprès des étudiants comme de l’administration ou des employés mcgillois, la participation électorale n’en n’est qu’un indicateur volatile. Pour remédier à ce déficit de reconnaissance, il semble qu’il n’y ait pas de solution au court terme pour l’AÉUM. x

Un retrait et finalement seulement deux positions contestées pour une élection pourtant cruciale

présidence muna tojiboeva

8.2% 38.7%

53.1%

muna tojiboeva Helen Ogundeji Lukas shannon

4 actualités

Affaires universitaires isabelle oke

finances arisha khan

vie étudiante jemark earle

41.6% 58.4% Isabelle Oke Alexander Dow

Opérations anuradha mallik

Affaires internes Maya koparkar

Affaires Externes Connor Spencer

infographie réalisée par arno pedram le délit · mardi 21 mars 2017 · delitfrancais.com


campus

Les beaux jours du militantisme Le Délit est allé à un panel organisé par McGill contre l’austérité. antoine jourdan

Le Délit

V

endredi dernier, l’organisation étudiante McGill contre l’austérité (MCA, McGill Against Austerity en anglais, ndlr), organisait un panel de discussion au deuxième étage du bâtiment Shatner. Au menu: le militantisme à l’échelle locale, la syndicalisation, la grève, ou encore l’AÉUM (Association des étudiants en premier cycle de l’Université McGill). Ainsi, devant une quinzaine d’étudiants engagés, Niel Ladode du Centre des travailleurs immigrants, Isabelle Oke, représentante des floor fellows et vice-présidente (v.-p.) aux affaires universitaires fraîchement élue, ainsi que Claire Michela la présidente du SEOUM (Syndicat des employé·e·s occasionel·le·s de l’Université McGill, AMUSE en anglais, ndlr) ont parlé de leurs thèmes de prédilection, le tout sous l’œil attentif de Connor Spencer, militante de MCA, et nouvelle v.-p. aux Affaires externes. Syndicalisme et militantisme Pour les panelistes, la solidarité et l’action collective, à travers les syndicats notamment, composent le b.a.-ba du mouvement progressiste. En s’unissant, les étudiants, les travailleurs, ou

encore les migrants peuvent faire changer les choses en leur faveur. Selon Claire Michela, la présidente du SEOUM, le militantisme se décline sous trois formes: la mobilisation, la diplomatie, et l’action directe. Ainsi, dans le cadre de McGill, les panelistes ont parlé d’union passée et futur des groupes militants. Les floor fellows sont, par exemple, syndiqués auprès du SEOUM. Ce dernier combat régulièrement aux cotés de MCA, notamment en faveur d’une législation qui placerait le salaire minimum à quinze dollars par heure. Les panelistes ont aussi parlé des limites actuelles du syndicalisme étudiant. Les barrières institutionnelles, le manque de bilinguisme, ou la taille des groupes sont autant de bâtons dans les roues du militantisme quotidien. Interrogée par Le Délit, Claire Michela est aussi revenue sur la grève du SEOUM et le blocage de la conférence d’Edward Snowden qui avait créé la polémique le semestre dernier. «Il y avait peutêtre un manque de clarté dans nos intentions» a-t-elle avoué. Le but de l’action était en effet resté ambiguë: les grévistes souhaitaientils simplement se faire entendre ou bloquer complètement l’entrée de l’amphithéâtre? «Pourtant, précise Michela, nous avions parlé avec les organisateurs auparavant, et nos demandes étaient claire-

ment définies». Définies, certes, mais étaient-elles connues? Le SEOUM avait alors été confronté à une population étudiante inintéressée par les revendications des manifestants. Le succès du militantisme serait-il à la merci de l’intérêt que lui porte les désintéressés? L’AÉUM, un hub militant? Il faut le dire, les élus de l’AÉUM ont tendance à être des militants plutôt marqués à gauche. Les nouveaux élus de cette année ne font guère exception, à commencer par Oke et Spencer toutes deux présentes

à l’événement de MCA. Si Oke a surtout été active sur les questions concernant les floor fellows, Spencer, elle, a participé à de nombreux groupes politiques étudiants et portait notamment le carré rouge du printemps érable sur son affiche de campagne. Interrogées par Le Délit sur la séparation de leurs futures positions professionnelles et leurs identités politiques respectives, Oke et Spencer ont été formelles: elles souhaitent représenter tous les étudiants mcgillois, peu importe leurs positions. «Mon militantisme est basé sur le droit des étudiant·e·s sur le campus» affirme Connor Spencer,

«nous nous battons pour tous les droits de toutes les personnes», peu importe donc leurs idéologies. «Le conflit peut être positif et nécessaire» ajoute Isabelle Oke. Pour elle, il ne faut pas avoir peur de la confrontation respectueuse entre les différentes idées; c’est ce qui mène au progrès. Pour le moment, ni l’une ni l’autre ne compte cesser leur militantisme respectif. Oke, par exemple a confirmé au Délit son intention de continuer son engagement après des floor fellows. De même, Connor Spencer va continuer ses travaux après de MCA, même si elle ne compte pas être aussi investie qu’elle ne l’est aujourd’hui. x

Campus

Coran et parité

Une conférence sur la femme dans le Coran est organisée par des mcgillois. Théophile Vareille

Le Délit

L’

Association des étudiant·e·s musulman·e·s (AÉM) de McGill organisait ce vendredi 17 mars une conférence sur «Les femmes dans le Coran». Raazia Najafi, professeure en études islamiques, était invitée à venir s’adresser à la centaine d’étudiants présents. Raazia Najafi a commencé par relativiser le sujet du jour, expliquant que «le corps est comme une robe, une robe-femme ou une robe-homme, la vraie personne est notre âme, notre âme ne peut être divisée entre homme et femme, le débat est terminé». Égalité formelle Le cadre de la conférence donné, Raazia Najafi a discouru sur l’égalité formelle entre homme et femme dans le Coran, recourant à de nombreux versets pour appuyer son propos. «Dieu

s’adresse aux femmes et aux hommes dans le Coran, c’est son extraordinaire beauté» a-t-elle affirmé, avant d’en appeler au verset 4:32 du Coran: «Ne convoitez pas ce qu’Allah a attribué aux uns d’entre vous plus qu’aux autres; aux hommes la part qu’ils ont acquise, et aux femmes la part qu’elles ont acquise. Demandez à Allah de Sa grâce. Car Allah, certes, est Omniscient.» Raazia Najafi s’est aussi arrêtée sur l’institution du

le délit · mardi 21 mars 2017 · delitfrancais.com

mariage, qui consacre l’homme et la femme comme compléments l’un de l’autre, citant alors cet extrait du verset 2:187: «On vous a permis, la nuit d’as-Siyâm, d’avoir des rapports avec vos femmes; elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles.» Ainsi, a-t-elle expliqué, le Coran raisonne en terme de «structure familiale, et jamais de femme et d’homme». Questionnée

sur le verset 4:34 du Coran, Raazia Najafi a voulu expliquer le «sens pur» de cet écrit controversé, qui affirme entre autres que «les femmes vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent ce qui doit être protégé, pendant l’absence de leurs époux, avec la protection d’Allah. Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leurs lits et frappez-les.» S’il est correct que le mari est le «gardien» de la famille, s’il en «a la charge financière» et s’il en édicte les règles, ce n’est que parce qu’il est de son devoir de protéger, guider, sa famille, explique Raazia Najafi, sans répondre explicitement à la question du public portant sur la violence conjugale. Revenir au texte Elle a aussi tenu à insister sur la distinction entre culture et religion, que l’«on mélange

aujourd’hui» selon elle. «Nous sommes tous musulmans, mais nous avons tant de différences», a-t-elle continué en faisant référence aux musulmans de par le monde. Ces différences sont culturelles et sociétales, et naissent de l’ignorance, «source de tout ce qui est mauvais». Ainsi, «les barrières et frontières sont le résultat de l’ignorance», non de la connaissance des textes religieux. Outre conférences et discussions, l’AÉM maintient un espace de prière au sous-sol du bâtiment Shatner, et organise des évènements pour la communauté mcgilloise, musulmune ou non. Ce vendredi 24 mars se tiendra la journée annuelle «Découvrez l’Islam» de l’association, pour faire mieux connaître les nombreuses facettes de cette foi. Sont prévues des discussions sur la culture et l'Islam ou le prophète Mohamed ainsi que des stands éducatifs sur le Hajj, le Ramadan, ou l'écoute du Coran. x

actualités

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cAmPus

L’indifférence globale pour le Yemen Certains accusent l’humanité d’avoir perdu sa boussole morale. samuel ferreR

Le Délit

Cependant, le clivage géographique et religieux (chiisme contre sunnisme) n’explique pas entièrement l’étendue du conflit. Pour Kiddell Monroe, ce conflit est bien une «guerre par procuration» entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. Cette dernière nation mène en effet une coalition aérienne touchant et tuant souvent les civils (locaux et membres des ONG, comme par exemple lors du bombardement d’un hôpital de MSF).

mahaut engÉrant

A

lors que les Nations Unies annoncent la pire crise humanitaire depuis la fin de la dernière guerre mondiale, les pays qui en font l’objet restent sous-médiatisés, pour ne pas dire complétement oubliés. Pour essayer de réajuster la balance, les étudiants de McGill pour UNICEF (McGill Students for UNICEF, en anglais, ndlr.) organisaient une table ronde sur le conflit qui ravage l’un des pays les plus pauvres du Moyen Orient: le Yémen.

«S’en préoccuper n’est pas suffisant»

Consensus des intervenants Les intervenants viennent de tous horizons et témoignent pourtant d’un consensus quant à la situation du pays. Dans leur présentations, la journaliste Nawal AlMaghafi, les étudiants yéménites de McGill, Rachel Kiddell Monroe (représentante de Médecin sans frontières, MSF) et Mehri Ghazanjani (docteure en Conflit Ethniques du Moyen Orient) nous transmettent le même message. La situation yéménite ne fait qu’empirer d’année en année, et les répercussions se font sentir dans les populations civiles. Kiddell Monroe nous résume cette

crise humanitaire en trois points: malnutrition, manque de services médicaux, et déplacement intérieur des populations. De ces trois points, c’est peutêtre le premier qui affaiblit le plus les populations locales. De fait, le Yémen dépend à 90% d’imports pour sa nourriture. Or, l’Arabie Saoudite imposant un blocus sur les ports du pays, la population se voit forcée en état de siège, prise au piège entre le conflit opposant les rebelles Houthis du nord et les forces gouvernemen-

tales du sud. Al-Maghafi, journaliste yéméno-britanqiue pour la BBC nous informe qu’au Yémen, un enfant meurt toutes les 10 minutes, et qu’un tiers de ceux qui survivent souffrent déjà de dégâts corporels sévère dus à la malnutrition. Une guerre par procuration Le Yémen, nous explique Ghazanjani, est un pays fabriqué artificiellement depuis l’unification en 1990 de la de la République

Yéménite Arabe (nord) et la République populaire du Yémen (sud). Saleh, président à l’époque, monte les différentes factions du pays entre elles en déployant un jeu politique de mécénat envers ces dernières. La marginalisation continue de la population du sud expliquerait en partie le conflit actuel, lesdites tensions ayant déjà amené une guerre civile en 1994, ainsi que différents conflits en 2004 et 2011.

C’est ce que nous exhorte dit la représentante de MSF. Alors que les perspectives de paix gouvernementales semblent enterrées, la guerre servant à légitimer le rôle protecteur des acteurs locaux, ce sont les citoyens qui pourrons altérer le statu quo. En effet, c’est en augmentant la visibilité du conflit, en demandant à nos représentants parlementaires de plaider en faveur de la paix, même si ces crises «ne nous touchent pas directement. Alors que 64 millions de personnes fuient la guerre pour vivre, survivre, il est temps de se demander pourquoi nous n’agissons pas avec plus de ferveur, de se demander quand nous retrouverons notre boussole morale. x

canada

Revue de presse étudiante

Retour sur les actualités des Université Laval et de King’s University College. théophile vareille

Le Délit

Impact Campus: Université Laval - Grève prolongée pour les employé·e·s de soutien En grève depuis le 21 février dernier, le Syndicat des employé·e·s de l’Université Laval (SEUL) a une nouvelle fois prolongé cet effort jusqu’au 26 mars prochain à 23h59. Les négociations avec l’administration sont à l’arrêt depuis un mois, mais les deux partis envisagent de les rouvrir prochainement, alors qu’une procédure de conciliation s’était soldée par un échec, peu avant le début de la grève. Les sujets de contention concernent la nouvelle convention collective entre le syndicat et l’université, ainsi que les régimes de retraites. Depuis plusieurs semaines, cette grève fédère de nombreux soutiens, associations et syndicats étudiant·e·s, mais aussi de syndicats provinciaux et fédéraux tels la Fédération des travailleurs et travailleuses du

6 ACTUALITÉS

Québec (FTQ) et le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP). Le SCFP soutient aussi le Syndicat des employé·e·s occasionel·le·s de l’Université McGill (SEOUM, ou AMUSE en anglais, ndlr), et avait notamment épaulé sa grève d’une semaine début novembre dernier. Le syndicat mcgillois s’était mis en grève pour des raisons similaires à celle du SEUL, ses négociations d’une nouvelle convention collective avec l’administration étant arrivées au point mort. Quelques semaines après, cette convention collective avait été parachevée, après 18 mois de négociations. Le SEUL maintient ainsi la pression sur l’administration, et a rassemblé autour de 2000 manifestants devant la résidence du recteur Denis Brière ce lundi 13 mars dernier. Un coup de force qui ajoute à un campus dysfonctionnel en l’absence des 1900 membres du SEUL. De très nombreux services aux étudiant·e·s sont actuellement indisponibles, l’Université fait la liste sur son

site des services maintenus. C’est le futur proche de l’Université Laval qui est aussi menacé, alors que plus de 1500 subventions de recherche dues ce 31 mars prochain, ne pourront peut-être pas être traitées. Eric-Jan Zubrzycki, meneur du SEUL, indique aussi qu’une grève provoque typiquement une baisse des admissions de 10% l’année suivante, un important manque à gagner pour l’Université Laval, alors qu’il affirme que les demandes du SEUL ne coûteraient que 300 000 dollars à l’Université. The Gazette: King’s University College - BDS soumis au vote Les étudiant·e·s du King’s University College, un établissement rattaché à l’Université Western, London, Ontario, ont cette semaine voté en faveur du désinvestissement «des entreprises liées à Israël». 355 scrutins en faveur (75.9%), 113 contre (24.1%), et 165 abstentions n’ont réussi qu’à faire grimper le taux de participation

à 17%, bien en-deçà du quorum requis de 30% de participation électorale. Le résultat de ce référendum n’est ainsi que symbolique. La question posée aux étudiant·e·s proposait de soutenir ou s’opposer au lobby par leur association étudiante de

l’administration, en faveur du «boycott et désinvestissement de toutes entreprises et produits complices de l’occupation israélienne». Il n’y ainsi pas qu’à McGill que le mouvement Boycott, Désinvestissement, et Sanctions (BDS), s’invite dans la politique étudiante.x

le délit · mardi 21 mars 2017 · delitfrancais.com


Canada

La démocratie selon McLachlin

Retour sur le point de vue de la Juge en Chef du Canada concernant notre démocratie. catherine Tajmir

L

e programme Workshops on Social Science Research (WSSR, Ateliers sur la recherche en sciences sociales en français, ndlr) mené par l’Université Concordia organise des ateliers portant sur divers sujets, tels que la gouvernance démocratique ou la philosophie politique. Il permet aux étudiants de faire de la recherche en utilisant des méthodes des sciences sociales. Le WSSR se penche aussi sur la question de l’état de la démocratie au Canada dans le cadre du 150e anniversaire de la confédération canadienne. Le 17 mars, la Juge en Chef à la Cour suprême, Beverley McLachlin, était présente à l’Université Concordia afin de partager son opinion sur l’état de la démocratie du pays. Une analyse historique Elle a entamé son discours en nommant les cinq moments décisifs qui ont formé la démocratie canadienne, telle qu’elle est aujourd’hui. Évidemment, la création de la confédération sous l’Acte de l’Amérique du Nord britannique en 1867, stipulant des valeurs de démocratie, de fédéralisme, de diversité et de respect

des minorités, fut les fondations mêmes du Canada. C’est à ce moment décisif que le Canada est devenu une démocratie et que ses citoyens sont devenus ceux qui gouvernent, via leurs représentants élus. Elle continue avec le deuxième moment qui, pour elle, a été l’affaire «personne» (1929). Celle-ci a établi que tous les citoyens sont égaux, donnant le droit aux femmes de siéger au Sénat. En troisième lieu, l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés (1982) qui a établit l’indépendance du pays et a réaffirmé les valeurs stipulées dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, fut un moment important pour notre démocratie. Le quatrième moment a été la reconnaissance des droits des autochtones qui est toujours en cours jusqu’aujourd’hui, selon la juge McLachlin, via de multiples traités ainsi que la Commission de vérité et de réconciliation (2008-2015). Enfin, le cinquième moment définitif a été le renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour suprême jugeant que la sécession unilatérale du Québec serait légale, si une majorité claire de Québécois votaient pour se séparer du Canada. La juge McLachlin

affirme que cette décision a été examinée par plusieurs pays qui eux aussi ont fait face à la même problématique interne. Simone McLachlin La conférence s’est ensuite prolongée par une séance de question-réponse. Juge McLachlin a affirmé que l’état de la démocratie canadienne s’est grandement amélioré depuis son début. Elle stipula que le Canada a désormais une démocratie plus juste qu’au moment

de la technologie, une nouveauté pour le système juridique, posera sans doute un défi pour ce dernier. Sur une note un peu personnelle, Beverley McLachlin détentrice d’un baccalauréat ainsi que d’une maitrise en philosophie, admet que la philosophe qui l’a inspiré et qui a influencé et continue d’influencer sa vision du monde est Simone de Beauvoir. Son œuvre lui a permis de trouver le courage et la confiance suffisante pour oser dans le monde du travail en tant que femme. x

de la création de la confédération. Cependant, elle admet qu’il y a place à amélioration. C’est pourquoi, elle indiqua que si elle pouvait offrir un cadeau à la démocratie canadienne aujourd’hui, ce serait une plus grande représentation pour les femmes, les autochtones, et les personnes appartenant à un groupe minoritaire. Quand on lui a posé une question concernant le prochain «sujet chaud» en droit, qui préoccuperait la Cour suprême dans les années à venir, elle répondit que l’avancement exponentiel

monde francophone

Tempête dans un verre d’eau

La collectivité territoriale française de Saint-Pierre et Miquelon était en élection. Quelles sont les différences?

margot hutton

É

En surface, les programmes des deux partis sont très similaires: accent principal sur le développement maritime, la jeunesse, l’attractivité culturelle, sportive et touristique, liée au développement des infrastructures prévues à cet effet, en sont les principaux enjeux. En revanche, force est de constater que c’est au niveau des composantes des listes que la divergence se crée: Archipel Demain est fièrement menée par Stéphane Artano en tant que leader, alors que celle de Cap sur l’Avenir semble moins hiérarchique. De plus, la jeunesse semble plus s’intéresser aux propos de Cap sur l’Avenir, qui a fait de cet électorat une priorité.

tant une collectivité territoriale française, l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon, situé au large des côtes terre-neuviennes, est doté d’un statut particulier. En effet, l’archipel est géré en partie par le Conseil territorial, composé de dix-neuf membres élus pour cinq ans, et mené par un président. Il intervient directement auprès l’État français sur les questions de l’économie locale et de son développement. C’est ce conseil que les Saint-Pierrais et Miquelonnais ont dû élire ce dimanche. Deux listes en lice Compte tenu de la population peu nombreuse de l’archipel, deux listes étaient présentées à ces élections. Celle d’Archipel Demain, menée par le président sortant Stéphane Artano, s’inscrit dans la continuité de la politique menée sur ces îles depuis maintenant onze

Comment choisir? ans. Il s’agit là de continuer les projets entrepris, en mettant l’accent sur le développement maritime, nécessaire au développement économique. De l’autre côté, Cap sur l’Avenir a la volonté d’apporter

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un vent de fraîcheur à l’archipel, avec à sa tête Matthew Reardon (qui se présente pour la première fois). Est-ce que ce renouveau pourrait faire avancer les îles après onze ans sous la présidence d’Artano?

Toute la semaine, les campagnes ont battu leur plein. Le problème de l’archipel est que tout le monde se connaît:dès qu’il est question de voter, il est clair que les affinités jouent un rôle clef. De toute évidence, la popu-

lation tenterait à voter Archipel Demain grâce aux actions faites lors du mandat précédent, sécurisant certaines garanties d’emploi (notamment grâce à la politique des transports maritimes). Cap sur l’Avenir, n’ayant pas encore eu sa chance sur la scène politique saint-pierraise, n’a pas ce soutien de la part des locaux. Cap sur l’Avenir a donc fait campagne en mettant l’accent sur les divergences avec le programme d’Archipel Demain, tout en proposant aussi un programme plus accessible: moins chiffré que celui de Stéphane Artano, il est donc moins abstrait pour une partie de la population, notamment la jeunesse, qui entre peu à peu dans la sphère politique par l’intérim de ce parti. À la veille des élections présidentielles françaises, l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon a donc choisi le ton à prendre quand aux questions de gestion locale du territoire, en élisant Archipel Demain avec plus de 70% des voix, pour guider le développement des cinq années à venir. x

actualités

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Société opinion

Édition spéciale Montréal

societe@delitfrancais.com

L’analyse d’un

Il faut réconcilier Montréal avec ses citoyens. inévitable de payer pour comprendre que ce qu’ils ont devant leurs yeux vaut la peine d’être vu, d’être admiré: la beauté accessible et gratuite s’oublie facilement et finit par passer inaperçue, c’est absurde, ne trouves-tu pas?

philippe chassé

Le Délit

L

es Montréalais entretiennent une relation particulière — imprégnée d’un mélange singulier de passion et de nostalgie — avec leur ville, avec toi. Ils se souviennent, amers, de cette époque où tu étais la capitale culturelle et économique du Canada et rêvent encore de l’Exposition universelle et des Jeux olympiques; lorsque tous les regards du monde étaient rivés sur eux, sur toi. Aujourd’hui, tu leur sembles éteinte et continuellement dans l’ombre des grandes métropoles qui t’entourent. Comme pour ces vieux couples que l’on aperçoit, assis silencieusement au fond des restaurants de quartier, il y a toujours de l’amour entre vous, mais le romantisme et la fébrilité naïve des premiers instants ont disparu. Les défauts se sont, au fil du temps, accaparés de l’esprit des Montréalais et ont altéré ta beauté, ton éclat. Ils peinent à voir au-delà des travaux interminables et des cônes orange qui pullulent en ton centre-ville. Tu leur deviens purement fonctionnelle: qu’un banal décor pour la routine. Métro, boulot, dodo, et ça recommence. C’est

mahaut engérant triste, car tu as tant à offrir. Tu es si spéciale, si belle. Il ne faut pas sombrer dans le pessimisme: il n’est pas trop tard pour se débarrasser de cette morosité, de cet aveuglement néfaste qui s’est imposé entre vous au fil du temps. S’ils ouvrent les yeux et prennent, finalement, le temps de t’apprécier, de te vivre, les Montréalais ne pourront que succomber à ton charme; ils redeviendront follement amoureux de toi. Tu es l’une des rares villes UNESCO du design de ce monde,

mais cela, ils l’ignorent. En t’observant un peu, les Montréalais s’apercevront peut-être enfin de l’omniprésence de l’art public que tu leur offres jusqu’aux profondeurs de tes quais du métro; celle qui a le pouvoir de rendre leurs matins moins gris, moins ternes. Ils contempleront peut-être pour la première fois ta verrière de Marcelle Ferron à la station Champ-de-Mars, ou ton œuvre «Pic et Pelle» de Germain Bergeron à la station Monk. Ils lèveront peut-être les yeux vers le ciel pour remarquer la complexité architecturale de ton complexe olympique, ou

l’esthétique du Westmount Square, conçu par l’architecte de renommée internationale Mies Van der Rohe. Curieux, ils redécouvriront peut-être ton square Saint-Louis si cher à Michel Tremblay ou tes rues qui n’en finissent pas que chantait Robert Charlebois. Il semble que les Hommes aient ce besoin

«Il n’est pas trop tard pour se débarrasser de cette morosité»

L’habitude a probablement collaboré à corrompre la perception que les Montréalais ont de toi. L’ubiquité de la créativité, de l’originalité et de la vitalité mène nécessairement à une prise pour acquis, à une certaine banalité de la chose. Alors que tu es célébrée et récompensée partout dans le monde pour tes artistes, tes festivals, ta qualité de vie et tes universités, les Montréalais, eux, ont les cônes orange pour sujet de prédilection lorsqu’ils ne parlent pas de la météo. C’est affligeant. Cinquante ans se sont passés. Vous en avez vécu des hauts et des bas, mais tu n’as pas changé, tu es toujours cette ville qui faisait battre la chamade au cœur des Montréalais. Tu es toujours resplendissante. Et si ce vieux couple, votre vieux couple, cessait enfin d’être silencieux et renouait avec la passion de son jeune temps? x

enquête

Mystérieusement vôtre

Retour sur la folle époque qui a tant marqué Montréal. sébastien oudin-philipecki

Le Délit

A

u début du 20e siècle, Montréal affirme son statut de métropole provinciale et nationale avec une extension urbaine rapide et une croissance économique soutenue, mais c’est surtout pour sa vie nocturne que Montréal va devenir célèbre. Dès les années 1920, la prohibition, qui est en vigueur aux États Unis, s’étend progressivement à tout le Canada. Seule une exception demeure, le Québec, qui crée en 1921 la Commission des Liqueurs du Québec (ancêtre de la SAQ) afin de régulariser la production et la consommation d’alcool dans la province. La cité du vice Montréal attire alors des touristes de tous les horizons, combinant animation newyorkaise et glamour parisien. Les Américains sont sous le charmes et lui donnent le surnom de «petit Paris d’Amérique». La ville devient alors la capitale de la fête, des jeux, du jazz, de la luxure et autres plaisirs interdits. On y croise des vedettes de tout le continent telles que Louis Armstrong, la chanteuse Alys Robin, le pianiste Oscar Peterson, le chanteur Jacques Normand ou encore la sulfureuse Lili Saint-Cyr, célèbre

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montréal

stripteaseuse et sacrée «reine de Montréal». Avec plus de trois cents clubs, ouverts pratiquement vingt-quatre heures sur vingtquatre, la ville, sous la plume du journaliste Al Palmer, gagne sa réputation de Las Vegas nord-américain, ce dernier écrivant dans son livre Montreal Confidential: «Officiellement, le couvre-feu à Montréal débute à deux heures du matin… Mais n’y prêtez pas trop attention.» La rue Sainte-Catherine brille de milles feux grâce aux enseignes néons des boîtes de nuits, les speakeasy locaux surnommés «Bling pigs» pullulent et la prostitution explose. Bien sûr, Montréal ne tarde pas à attirer gangsters et autres mafiosi, à l’image du gangster new-yorkais Vincenzo «Vic» Cortoni. Rackets, paris clandestins et règlements de compte sont monnaie courante, alors que les autorités policières et municipales paraissent impuissantes ou trop heureuses de fermer les yeux. Scandales et déclin Cependant, cette inaction finit pas agacer l’opinion publique qui appuie la création de «l’escouade de la moralité» au sein de la police de Montréal. Dans sa lutte sans relâche contre les criminels l’unité est dirigée par l’avocat Pacifique Pax Plante. Ce dernier sera toutefois démis de ses fonctions par le chef de la police Albert Langlois en 1947.

Devenu journaliste au Devoir, c’est donc à coup d’articles sensationnels, dénonçant le crime organisé et la corruption que l’avocat continue sa croisade contre le vice. Cela conduira l’administration provinciale à créer, en 1950, la Commission d’enquête sur le vice commercialisé à Montréal présidée par le juge Caron. Après trois ans d’enquête, la commission condamne dix-huit policiers dont le directeur Langlois. Jeune procureur lors du procès, Jean Drapeau sera élu maire en 1954 sur la promesse de nettoyer la ville et réformer l’administration. Ainsi s’achève l’époque des folles nuits de Montréal et de ses nombreux divertissements nocturnes. x

«À voir/À lire» Scandale! Vice, crime et moralité à Montréal, 1940-1960 Exposition au Centre d’Histoire de Montréal, jusqu’au 2 avril 2017. La femme aux cartes postales Roman graphique de Claude Paiement et Jean-Paul Eid

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Édition spéciale Montréal

PHOTOREPORTAGE

un Regard sur...

...l’identité montréalaise.

jules tomi

Le Délit

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montréal

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Innovations

Édition spéciale Montréal

innovations@delitfrancais.com

Montréal, l’intelligente La métropole québécoise comme cheffe de file. Ronny al-nosir

Le Délit

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année 2017 marque le 375e anniversaire de la métropole. Alors que l’année est consacrée à la célébration du passé de Montréal, le regard semble également tourné vers le futur. Depuis son arrivée en poste, le maire Denis Coderre travaille afin de faire de la plus grande ville du Québec une ville «intelligente». Alors que quelques défis demeurent, les progrès sont notoires, et Montréal semble faire des progrès. Comprendre la ville intelligente Le qualificatif «intelligent» ou «intelligente» a été utilisé dans les dernières années pour décrire plusieurs nouvelles innovations. Notamment, on peut penser au téléphone intelligent, popularisé en 2007 avec l’iPhone. «L’intelligent» s’est aussi incrusté dans le monde de la mode, alors que les textiles semblent avoir acquis le qualificatif. Voilà maintenant que le concept de ville intelligente, ou de smart city a est entrée dans la conscience collective. Dans son essence, ce

mahaut engérant terme désigne une ville qui est à la fine pointe des technologies de l’information et de la communication, et qui les utilise à des fins de développement économique, pour régler des problèmes sociaux et pour augmenter la qualité de vie de ses citoyens. C’est ce à quoi aspire l’administration montréalaise actuelle. Des efforts reconnus Denis Coderre ne fait pas l’unanimité chez la population métropolitaine. Ce géant politique,

qui a été député fédéral pendant 20 ans avant de se lancer comme capitaine du bateau montréalais, est une figure polarisante, tout comme son homologue Régis Labeaume à Québec. Ces deux maires sont qualifiés par les politologues comme étant des maires «entrepreneurs», qui centralisent le pouvoir entre leurs mains. Malgré tout, on ne peut nier que de par son expérience politique, Coderre est ambitieux. Parmi ses ambitions, on peut noter le développement de Montréal comme ville intelligente. Depuis son élection en 2013,

Denis Coderre a entrepris plusieurs projets afin d’atteindre ce but. Notamment, un plan d’action 2015-2017 a été élaboré, et la ville a mis sur pied un «Bureau de la ville intelligente et numérique», dirigé par l’homme d’affaire Stéphane Goyette. Puis, le maire a également nommé Harout Chitillian, conseiller municipal de BordeauxCartierville, en charge des dossiers concernant la ville intelligente. 4 ans plus tard, des progrès clefs ont été effectués. Notamment, du réseau Wi-Fi est disponible à plusieurs nouveaux endroits, grâce au programme «MtlWiFi». De plus, l’accélérateur de startups «Innocité Mtl» a été mis sur place pour aider les PME de la métropole. Enfin, plus de 100 personnes seront ou ont été embauchées par le Bureau de la ville intelligente et numérique. Ces efforts ont été récompensés en juin 2016, alors que la ville québécoise a reçu la désignation de la «communauté intelligente de l’année» du Intelligent Community Forum. Encore du travail à faire Malgré les réussites, Montréal n’a toujours pas atteint son plein

potentiel, et l’administration municipale continue de travailler pour atteindre les objectifs fixés. Notamment, le réseau de la STM a connu une année difficile en 2016, faisant même l’objet d’une demande de recours collectif le mois dernier. Aussi, sur l’économie du partage, le maire Coderre a révélé son côté un peu plus conservateur. Dans le dossier d’Uber, le maire a lancé «Bye Bye! Salut! Ça me fait pas de peine du tout», face à la possibilité que la compagnie de transport disparaisse. En contrepartie, le conseiller de Rosemont-LaPetite-Patrie Guillaume Lavoie, s’est fait un fervent défenseur de l’économie du partage, supportant des initiatives telles Uber, AirBnB et CityParking. Ceci met en lumière les visions opposées du maire Coderre et de M. Lavoie, qui a été candidat à la direction du parti d’opposition «Projet Montréal». Par contre, tous peuvent s’entendre sur l’importance d’innover et de développer Montréal en ville intelligente. La ville semble aller dans la bonne direction et, si tous les partis travaillent pour un objectif commun, le progrès continu est inévitable. x

Infographie

La ville de Montréal travaille sur plusieurs projets pour s’inscrire dans la modernité. Développement du réseau de télécommunications

Accessibilité des données utiles (les rendre publiques et exploitables)

Consolider la culture de transparence et d’imputabilité

Développer des espaces d’innovation et d’apprentissage

Optimiser les déplacements

Accroître l’offre de services numériques

Co-créer des solutions avec la communauté (mobilisation)

Mettre à niveau l’architecture technologique

Favoriser l’essor d’un secteur de pointe (encourager les entrepreneurs et attirer des talents)

infographie réalisée par LouisANE Raisonnier et Arno Pedram CRéDITS icônes: Freepik, Roundicons, Madebyolivier, Gregor Cresnar

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montréal

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quartier de l’innovation

Vision et visibilité montréalaises L’entreprise montréalaise Nüvü commercialise la caméra la plus sensible du monde. louisane raisonnier

Le Délit

N

üvü est une entreprise montréalaise, dont la technologie devient de plus en plus reconnue à l’échelle internationale. Elle est connue pour sa caméra, déclarée comme étant la plus sensible du monde. Celle-ci est capable de voir l’invisible et de capturer jusqu’à la moindre particule de lumière. C’est donc une découverte majeure pour les domaines de l’astronomie et du médical, qui pourrait notamment permettre aux médecins d’affiner leurs diagnostics. capucine lorber

L’histoire de Nüvü Marie-Ève Ducharme et Olivier Daigle fondent Nüvü Cameras en 2010, et ont depuis ce temps développé le produit phare de l’entreprise qu’est la caméra. Aujourd’hui, la caméra Nüvü est capable de capturer ce qui n’a jamais pu l’être, et de voir une image 10 à 100 fois moins polluée que les meilleures caméras concurrentes. Les caméras peuvent alors observer une infime particule de lumière

dans tous les domaines, que ce soit l’astronomie ou encore le biomédical. Les co-fondateurs espèrent faire profiter les chercheurs du diagnostic médical, de leur innovation pour que ceux-ci puissent trouver plus rapidement et précisément la source du mal-être de l’individu et de le soigner au plus vite. En effet, une image plus nette du problème d’un patient permettera de pouvoir en trouver la source. Avec Nüvü,

Marie-Ève Ducharme et Olivier Daigle souhaiteraient sauver le plus de vies possible. De grandes ambitions Les caméras ne sont pas vendues en grande surface et sont destinées à des particuliers, comme les chercheurs universitaires et scientifiques. De plus en plus populaire, l’entreprise Nüvü reçoit des

demandes des géants mondiaux de l’astronomie terrestre et spatiale comme la NASA ou encore l’Agence Spatiale Canadienne, plus connue sous l’acronyme ASC. Les produits Nüvü pourraient aider de nombreux projets astronomiques, car leur capacité de détecter la moindre parcelle de lumière à une très grande distance permettrait de détecter des étoiles ou planètes jusqu’alors inconnues. Les caméras sont égale-

ment convoitées par des chercheurs locaux, comme ceux de l’Hôpital Sainte-Justine et l’Institut de cardiologie de Montréal. Pour les prochaines années, l’entreprise prévoit de prendre part aux recherches et projets de l’ASC et de la NASA et de développer sa technologie d’imagerie médicale afin d’établir des diagnostics encore plus précis que ceux effectués à l’heure actuelle. La concurrence reste toutefois un défi pour les Nüvü Cameras et les deux fondateurs cherchent à garder cet avantage comparatif sur le marché. L’entreprise a d’ailleurs été choisie par la ville de Montréal pour rejoindre la cohorte 2017 du Parcours d’Innovation et ainsi amener à de nouveaux sommets la force de commercialisation de leurs caméras. Nüvü Caméras a choisi de s’installer dans le Quartier de l’innovation de Montréal pour profiter de tous les avantages du centre-ville et de la proximité avec le centre universitaire de l’École de Technologie Supérieure. Et pour continuer de créer? Il est nécessaire de «bien s’entourer, innover et foncer!» concluent les fondateurs. x

AGA &

MiniAppel de candidatures Les membres de la Société des publications du Daily (SPD), éditeur du McGill Daily et du Délit, sont cordialement invités à sa Mini-ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ANNUELLE :

Le mercredi 29 mars @ 18 h 30 Pavillon des Arts, Salle 145

La présence des candidat(e)s au conseil d’administration est fortement encouragée.

La SPD recueille présentement des candidatures pour son conseil d’administration. Les candidats doivent être étudiant(e)s à McGill, inscrit(e)s aux sessions d’automne 2017 et d’hiver 2018, et aptes à siéger au conseil du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018. Le poste de représentant(e) communautaire est également ouvert. Les membres du conseil se rencontrent au moins une fois par mois pour discuter de la gestion des journaux et des sites web, et pour prendre des décisions administratives importantes. Pour déposer votre candidature, visitez : dailypublications.org/how-to-apply/?l=fr

Date limite: le mardi 28 mars @ 17 h le délit · mardi 21 mars 2017 · delitfrancais.com

montréal

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Culture

Architecture

articlesculture@delitfrancais.com

De l’art dans les hôpitaux

Passages, une exposition d’Alain Parent mettant en avant l’art au sein des hôpitaux. que classique. Sauf que cette chronologie se perd dans chaque unité: impossible de connaître l’ordre des passages montrés par rapport au déroulement d’une journée. C’est ce qui permet à l’œuvre de sortir du médical institutionnel pour rentrer dans une dimension artistique intemporelle plus abstraite.

MargOT hutton

Le Délit

L’

art a-t-il sa place dans les hôpitaux? C’est le sujet de la discussion ayant eu lieu entre Alain Parent, Jonathan Meakins et Tamar Tem-beck ce jeudi 16 mars autour de l’exposition Passages. Chacun ayant une formation en médecine et en art ou architecture, les perspectives abordées touchaient surtout à l’aménagement de l’espace artistique au sein des hôpitaux, ainsi qu’à l’exploitation de ce dernier, et enfin le rôle qu’il joue auprès de ses occupant·e·s. En effet, les centres hospitaliers ont beau être vus comme étant des endroits fréquentés par des patients venant recevoir des soins médicaux en tous genres, sont-ils les seuls à utiliser ces bâtiments? Pourquoi l’art ne seraitil pas profitable à l’ensemble du personnel occupant les lieux?

Une guérison artistique?

Manon Paquet Entre médecin et patients L’hôpital n’est pas seulement un lieu où des médicaments sont administrés, où la vie de gens est sauvée et où d’autres la perdent. L’hôpital est aussi un lieu rempli d’interactions humaines. C’est ce que Alain Parent a voulu montrer dans son exposition qui

représente 48 semaines dans le quotidien des médecins. Adoptant le point de vue de l’un d’eux, ses œuvres restent très protocolaires: d’un côté 48 trajets journaliers, de l’autre 48 journées de notes sur des dossiers anonymes, ce qui reste très minimaliste, avec une esthétique très réglementée. La présentation finale de l’exposition suivant la présentation chronologi-

En réponse à Passages, la discussion s’est portée sur la fonction de l’art dans les hôpitaux. Ce genre d’endroit n’étant pas un musée, comment déterminer quelles productions artistiques y exposer? Impossible de déterminer une audience spécifique, puisque les affinités artistiques sont trop disparates chez le public concerné. Certains penseront que l’art abstrait n’a pas sa place le long des corridors lugubres. Est-ce justifiable? Le but principal est d’en faire une distraction. Pas seulement pour les patients (principalement les patients ponctuels), mais aussi pour les infirmièr·e·s, et le personnel. Personne ne va à l’hôpital pour

admirer de l’art, mais cela n’empêche pas de tenter de dynamiser l’expérience hospitalière. Que retient-on de l’expérience? Il existe une différence entre l’art fait dans les hôpitaux et celui fait pour les hôpitaux. Alain Parent tente de brouiller cette frontière, en laissant des traces de médicaments, des restes d’une expérience personnelle vue sous la loupe d’un artiste. Ses œuvres sont intimement liées au médical, justifiables dans ces lieux car à la fois rassurantes et pertinent. Cela permet d’apporter une touche esthétique dans les hôpitaux, montrant les interactions humaines sous l’œil conceptuel médical. Passages pourrait dévoiler le quotidien de n’importe quelle personne au sein de n’importe quel hôpital: les gens vont et viennent, les mêmes gestes sont répétés, comme des procédures médicales calculées. L’art peut donc donner une nouvelle perspective sur l’environnement guérisseur qu’est l’hôpital, qui touche chacun d’une manière différente. x

pERFORMANCE

La nudité mise en scène

Le cabaret érotique de la Wiggle Room surprend de par son originalité. clÉMENCE AUZIAS

Le Délit

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uoi de mieux en ce temps glacial qu’un bon cabaret érotique pour se réchauffer le temps d’une soirée. À quoi s’attendre de la nudité? Sans aucun doute, mais encore? Le cabaret érotique présenté à la Wiggle Room surprend ses spectateurs à chaque numéro avec les talents quelque peu inattendus de ses artistes et leur capacité à développer de vraies personnalités à travers les rôles qu’ils jouent tout au long du spectacle. Un show rythmé par l’effet de surprise Tout commence dès l’entrée; il suffit de grimper des escaliers pour se retrouver dans un univers complètement différent de celui laissé en bas. L’érotisme est déjà au rendez-vous avant même que le cabaret ait commencé grâce aux serveuses et leurs déhanchés sexy et décolletés plongeants et aux mannequins nus qui posent aux coins de la pièce. Puis les rideaux se ferment et le spectacle débute avec des seins, tout simplement. Ils sont tripotés, malaxés, tapotés

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Culture

Capucine Lorber par des mains gantées au rythme de la musique et des encouragements du public. Après cette entrée en matière surprenante, mais plutôt comique, admettons-le. Les numéros s’enchaînent jusqu’à l’entracte. Certains semblent plus classiques comme la danse et le chant, mais d’autres n’auraient leur place nulle part ailleurs.

Comme ce numéro où l’une des artistes ainsi que directrice artistique du cabaret, lady «Cœur de Lyon», imite un orgasme le plus naturellement du monde. Ou encore cette autre performance où deux autres femmes, mangent un cupcake en se séduisant mutuellement et se dévorant du regard. Ce genre de numéro choque certaine-

ment les âmes sensibles du public, mais crée aussi un effet de surprise qui ne se retrouve pas dans n’importe quel spectacle et rend le cabaret d’autant plus fascinant. Et derrière toute cette nudité Cependant le cabaret érotique de la Wiggle Room ce n’est

pas seulement quelques paires de fesses et des orgasmes à volonté; c’est aussi un vrai travail de personnage. Le public fait la connaissance, assez intime, de Valentin le lapin coquin, Bob Lollipop et son slip vert, une rockstar plutôt sexy et lady «Cœur de Lyon» qui dirige toute la petite troupe. Ces personnalités originales donnent la preuve que le cabaret érotique n’est pas un strip tease amélioré, mais représente un vrai travail d’acteur. Les spectateurs gloussent quand le sourire charmeur et coquin de Valentin apparaît et sont captivés par les expressions de plaisir intense que les artistes arrivent à exprimer. Finalement, ce cabaret ne serait pas possible ou même imaginable sans la nudité qu’il implique et cette nudité fait partie des raisons pour lesquelles le spectacle est à voir. Il est tellement inhabituel de pouvoir voir un homme ou une femme à moitié nu·e·s sans gêne ni honte, que le public ne peut qu’apprécier et en redemander. Nudité, talent et surprise forment donc un trio d’exception pour ce cabaret érotique et fera vivre, à qui ira, une expérience nouvelle et à raconter autour de soi. x

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Édition spéciale Montréal

Les Puces St-Michel

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Bibliothèque Mordecai-Richler

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ontréal compte plus d’une quarantaine de bibliothèques publiques réparties à travers la ville. Ces dernières s’avèrent bien pratiques lorsque l’on recherche un lieu tranquille pour travailler loin des cafés surpeuplés et des allées encombrées de McLennan. La bibliothèque Mordecai-Richler en fait partie. Située sur l’avenue du Parc au coin de la rue Saint-Viateur elle a trouvé refuge en 1992 dans les murs de l’ancienne église de l’Ascension. Il y règne donc une ambiance studieuse sous ses boiseries et ses vitraux datant du début du 20ème siècle où des étudiants et des habitants du quartier se partagent l’espace. Non loin des cafés du Mile End les plus distraits pourront aisément prendre une pause bien méritée et profiter de tout ce dont les alentours ont à offrir tandis que les plus studieux se satisferont de la zone café se trouvant au rez-de-chaussée. Mais plus qu’un espace d’étude la bibliothèque Mordecai-Richler est aussi un élément clé de la vie communautaire du quartier: au premier étage sa salle polyvalente se transforme régulièrement en un point de rassemblement grâce à l’organisation de conférences et d’activités diverses. Ainsi dans les semaines à venir vous pourrez, par exemple, assister à Mémoires du Mile End, une série de conférence qui revient sur l’histoire mais aussi les enjeux du quartier ou encore au Projet de Ruche d’art, une initiative montréalaise qui vise à créer des endroits où l’art est utilisé comme un moyen d’inclusion selon l’identité des quartiers et leurs communautés. x

Café Aunja

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i vous souhaitez changer un peu d’air et expérimenter un nouveau café et des nouvelles saveurs, vous devez vous rendre au Café Aunja. Situé sur la rue Sherbrooke, à deux pas du Musée des Beaux Arts des Montréal, cet endroit est idéal tant pour retrouver vos amis que pour aller étudier. C’est un café iranien, où l’ambiance est apaisante et jeune. Le luminaire, avec ses petites guirlandes d’ampoules, disposé sur le plafond fait de l’effet et nous plonge dans une atmosphère chaleureuse. Le meilleur dans tout ça, c’est que régulièrement le café tient des expositions d’artistes. Cela ajoute à la décoration et orne très joliment l’endroit. Vous pourrez même en acheter si l’une d’entre elles vous tape dans l’œil. Des petits bijoux originaux d’artistes sont également disposés dans le café, qui tentent notre portemonnaie. Côté boisson, leurs thés sont exceptionnels. Ils sont présentés dans des pots Mason, avec des doses généreuses de pétales des fleurs, de véritables bouts de fruits, des herbes aromatiques et autres en fonction du thé que vous choisissez. Si leur goût ne vous suffit pas, cela vous fera tout de même une très belle photo pour votre Instagram. Café Aunja propose également une belle sélection de pâtisseries faites maison, avec des changements quotidiens en fonction du gâteau du jour. Le café propose également régulièrement des événements ou des ateliers. Récemment, ils nous invitaient à fêter avec eux le nouvel an perse, ou alors à venir peindre des œufs de Pâques. L’ambiance, le dynamisme et leurs produits vous charmeront à coup sûr. x

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n parle souvent des boutiques de vêtements vintage dont Montréal regorge, mais plus rarement de ses marchés aux puces. Le Délit a profité de sa semaine de relâche pour s’aventurer au bout de la ligne bleue du métro, terminus Est, et déambuler au marché aux puces St-Michel. Il s’agit d’un des plus grands de la région, avec plus de cent stands, où l’on se perd facilement dans ce qui est assurément la caverne d’Ali Baba du quartier St-Michel. Ces stands, pour la majorité tenue par des soixantenaires, offrent bricoles en tout genre. Des simples étalages de bijoux de grand-mères aux stands emplis de jeux vidéos et des game boys de notre enfance, il faut prendre son temps pour découvrir les singularités de chaque étalage. Il y a aussi l’embarras du choix si on désire re-décorer son condo style rétro et décalé. On va également aimer parcourir de vieilles revues — politiques mais pas que… — des années 60. Côté lecture, un kiosque est consacré aux livres, recueils et bibliothèque de la Pléiade et offre un large éventail de choix. Quand faut-il venir? Le marché est ouvert le vendredi, samedi et dimanche mais l’on vous recommande de venir la fin de semaine car certains stands sont fermés le vendredi. Si vous comptez y aller lors de votre pause procrastination, prévoyezvous une plage conséquente et chargez-vous de patience pour trouver la perle rare parmi certains étalages un peu sans dessus dessous. Enfin, dernier conseil: n’hésitez pas à marchander! x

La Société Textile

V

ous avez sûrement entendu parler du concept d’anti-café, comme celui de Place des Arts, un des premiers à s’être installé à Montréal. Le principe est simple et innovant: on paye à l’heure (en moyenne trois dollars et jamais plus de dix dollars la journée) et bénéficie ainsi d’un espace de travail plus «comfy» que les cafés réguliers, de wifi illimitée, ainsi que de boissons chaudes et froides, et voir même de petits snacks. Au coin de l’avenue du Parc et du boulevard St-Joseph, au cœur du quartier du Mile End, trois amies ont décidé de mettre à profit leur passion du tricot pour ouvrir un anti-café dédié à la couture et aux travaux textiles. Les habitué-e-s du quartier ont déjà pu entrevoir les grands plans de travail au travers des larges devantures vitrées du café, nommé «La Société Textile», qui permet également d’achever des ouvrages non nécessairement textiles. L’endroit parfait donc pour les étudiant-e-s lassés des cafés traditionnels. Sont également à disposition trois machines à coudre pour cinq dollars de l’heure et une autre machine pour les personnes plus expérimentées pour dix dollars de l’heure. Ce café chaleureux se veut un espace de co-travail et de partage, est aussi un magasin où trouver laine, fils, tissus et autre matériel de couture que les gérantes obtiennent de divers artisans engagés. Enfin, des évènements sont organisés régulièrement: ateliers de couture 101, projets de broderie ou encore création de mitaines à partir de vieux chandails de laine (ce mercredi 22 mars)… il y en a pour tous les goûts! x

Dior Sow, Chloé Mour et louise kronenberger Le Délit

Culture

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entrevue

Récit d’échange, sur les planches Nia Evans parle de son rôle de metteuse en scène au sein du Festival de Théâtre de McGill.

À

ME: Bien sûr! Je ne m’attendais pas à une équipe si prête en fait. Ils ont tous fait de l’impro — dès le début ils étaient tous tellement prêts à jouer en pleine forme. Mes préjugés du rôle de metteur en scène ont aussi changé dès le début. Avec une équipe aussi compétente, je ne peux pas être la leader. Si je l’avais été, on n’aurait pas vu l’humour qu’on a produit. J’ai besoin de laisser les blagues venir toutes seules et ne pas empêcher la créativité qui existe sur cette scène. Au début, je m’attendais à un rôle autoritaire et je vois maintenant que j’étais mal avisée. La créativité est tellement forte dans notre équipe!

l’âge de 21 ans, Nia Evans, étudiante en échange du Pays de Galles, est devenue metteuse en scène d’une pièce de théâtre majeure. The Original de Daniel Galef, une comédie musicale atypique, qui va être présentée pendant le festival de Théâtre de McGill (McGill Drama Festival, ndlr) à la fin du mois de mars. Evans nous parle de ses difficultés, ses expériences et son amour pour la scène qu’elle a découvert en faisant son premier pas dans le monde du théâtre.

LD (Le Délit): Les gens étaient-ils réticents à t’accepter comme metteuse en scène, étant donné que tu n’as pas beaucoup d’expérience et que tu viens d’ailleurs? ME (Mia Evans): Non, en fait, mon accent gallois m’aide beaucoup à me faire entendre. L’équipe aime bien mon accent, ça me donne une impression d’autorité et je crois que ça les alarme un peu (rire)! Je ne pense pas que le manque d’expérience m’empêche non plus. Je n’étais pas contrainte par les coutumes et traditions du théâtre, ce qui m’a beaucoup aidé avec cette comédie musicale qui est très absurde, pleine d’improvisation et profondément drôle.

«Il n’y a pas beaucoup d’étudiants internationaux qui veulent s’impliquer dans un engagement LD: Je suis quand même étonné qu’une étudiante en échange arrive à mettre en scène une pièce de théâtre! Comment as-tu eu l’opportunité de remplir un tel rôle?

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Culture

LD: Par ailleurs, est-ce que tu es la seule étudiante internationale qui joue dans la pièce? ME: Oui. Et je crois que c’est normal. Il n’y a pas beaucoup d’étudiants internationaux qui veulent s’impliquer dans un engagement aussi lourd, mais pour moi, c’est l’occasion de connaître du monde. Et j’ai eu de la chance bien sûr. Il y a tout un monde théâtral qui s’est ouvert à moi, je suis donc ravie. Même si ce n’est pas tout à fait «normal» d’avoir une étu-diante en échange s’occupant des vrais mcgillois, je suis ravie que cela m’arrive. x alissa zilberchteine

«L’absurdité provient d’une tendance anglaise de blagues pourries et bizarres. Mais chez nous, on aime bien ça» ME: Plus tôt pendant mes études ici, j’étais ingénieure de son de la production «Superior Donuts». C’était un rôle très détendu, avec peu de responsabilités, donc j’ai eu le temps de rencontrer des gens. C’était là où je me suis crée mon réseau de collègues qui m’a aidé à devenir metteuse en scène. C’est aussi grâce au soutien de l’équipe du McGill Drama Society, le groupe produisant le festival, que j’ai

rencontré pendant la semaine de Frosh en janvier. LD: L’absurdité joue-t-elle un rôle très grand sur scène? ME: Oui, tout à fait. D’après moi, c’est une des pièces les plus bizarres qui existent. Daniel [Galef, l’auteur] est un vrai geek de la littérature anglaise classique. Il aime bien l’idée de l’amour fou qui pénètre dans beaucoup de grands œuvres shakespeariennes.

C’est aussi l’idée des gens qui veulent mourir pour quelqu’un qu’ils viennent de rencontrer qu’on trouve marrante. C’est pour cela, je crois, que l’histoire est aussi absurde. L’absurdité provient d’une tendance anglaise de blagues pourries et bizarres. Mais chez nous, on aime bien ça. LD: Et à ton avis, ta distribution est-elle prête à jouer dans une pièce aussi déjantée?

The Original de Daniel Galef, mis en scène par Nia Evans, débute sur scène le 31 mars au Players’ Theatre. Le festival de Théâtre de McGill, organisé par le Players’ Theatre présentera huit pièces de théâtre, et continuera jusqu’au 8 avril. Un ticket à l’unité pour six dollars canadiens, ou un titre qui donne accès à tous les spectacles pour seulement dix dollars.

Propos recueillis par andrew sommerich

le délit · mardi 21 mars 2017 · delitfrancais.com


chronique d’expression créative

Ligne de fuite Je viens d’un monde en charbon Où les murs ont froid Il n’enrobe que les mirages Les étreintes presque soumises ne sont qu’élixirs qui les étranglent Statues fanées Où le plâtre ne se verra que décor Où l’on épouse les cintres de la raison Qui pendent comme un corps encore chaud

Falaise souple courbes étranglées la chute fige l’étendue sans étendre sa démesure Avalanche corporelle il ruisselait vers ce monstrueux abris

mathilde Chaize

Le Délit

chronique visuelle

Opini-art-re

Désormais, le ciel n'est plus proche (seulement moi) - 2016, Huile sur Toile, 27 x 60" et 27 x 27" Alejandra Mojales

le délit · mardi 21 mars 2017 · delitfrancais.com

Culture

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Entrevue

Entre journalisme et urbanisme

Le Délit a rencontré François Cardinal, éditorialiste en chef à La Presse, et passionné d’urbanisme.

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sont mieux servis à Montréal qu’ailleurs en Amérique du Nord mais sont pas encore servis comme ils devraient l’être car il n’y a pas de signalisation lumineuses pour les piétons pour rappeler la priorité dans plus de la moitié des intersections de Montréal. Ensuite, il y a évidement plein d’autres défis, le simple fait de s’intéresser d’avantage à l’architecture de mettre de côté les soumissionnaires qui font des dégâts monstres à Montréal, l’architecture scolaire qui fait défaut, il y a plein d’autres défis mais tant que la mobilité on ne s’y attaque pas de manière assez importante, tout le reste va être secondaire.

hroniqueur à La Presse, journaliste spécialiste des affaires urbaines, municipales et environmentales, François Cardinal a toujours nourri une forte passion à l’égard de la ville de Montréal. Chroniqueur engagé à la Première chaîne de RadioCanada et lauréat du Prix de la présidence pour les médias et l’architecture de l’Institut royal d’architecture du Canada en 2015, François Cardinal est aussi l’auteur de nombreux livresdont Le Mythe du Québec vert et Perdus sans la nature. Enfin, François Cardinal s’est vu décerner le prix Blanche Lemco van Ginkel, par l’Ordre des urbanistes du Québec pour sa contribution significative lors des débats sur les enjeux urbains. Rencontre avec un journaliste engagé.

Le Délit (LD): Quel lien faitesvous entre le journalisme et l’urbanisme? François Cardinal (FC): C’est un lien de vulgarisation. Le journalisme est le canal par lequel un sujet aussi pointu que l’urbanisme peut être compris par le grand public. En soi, le simple mot «urbanisme» ne dit pas grand chose au commun des mortels. Le journaliste, avec des mots qui lui sont propres et qui ne sont pas ceux des urbanistes ou des spécialistes de la chose, doit expliquer ce qu’est la ville, en quoi son développement est important pour chacun, en quoi ça concerne les non-initiés, en quoi ça nous touche au jour le jour, etc. Le journalisme est le meilleur vecteur pour faire comprendre l’urbanisme et son importance.

«Le journalisme est le meilleur vecteur pour faire comprendre l’urbanisme et son importance» LD: Est-ce-que c’est un sujet dont on parle assez dans la presse québécoise aujourd’hui? FC: Non pas du tout. Contrairement à d’autres pays, il n’y a pas ici de culture d’architecture et d’urbanisme. Il y a un réveil récent d’appétit et d’intérêt pour l’urbanisme et les questions urbaines, mais malheureusement, les journalistes et les médias n’ont parlé de la chose urbaine que par l’entremise de la politique municipale. En regardant l’enjeu par le plus petit côté de la lorgnette, on fait en sorte qu’on n’intéresse pas les lecteurs par le sujet. Contrairement aux anglo-saxons, même ici au Québec, on n’a jamais développé cet intérêt pour la chose urbaine. On n’a pas non plus d’intérêt pour la communauté dans le sens anglais du terme, the community. On a malheureusement comme un bras de distance avec ces sujets là. Le résultat en est que très peu de journaux au Québec parlent d’urbanisme.

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entrevue

LD: Est-ce qu’il y a une architecture propre à Montréal? FC: Historiquement, oui. Il y a une architecture, si l’on regarde par exemple les triplexes du plateau avec les escaliers à l’extérieur. Il y a une architecture vernaculaire, quand on regarde le vieux Montréal aussi, avec les pierres grises qui sont utilisées dans les vieux bâtiments… Il y a là une architecture typique de Montréal. Malheureusement, ça s’est perdu en chemin. On a simplement embarqué dans le courant d’architecture et d’urbanisme nord américain au fil des ans, de telle sorte qu’aujourd’hui, à part exception, on ne peut distinguer l’architecture moderne de Montréal de celle des autres villes d’Amérique. LD: Pourquoi? FC: Simplement parce que le Québec, contrairement à ce qu’on aime se faire croire, est davantage nord-américain qu’européen. On est un territoire nord-américain où on parle français. Il y a évidemment des différences culturelles importantes avec le reste du continent, mais pour ce qui est du développement d’infrastructures, de l’urbanisme, d’architecture, nos habitudes de conduite, notre penchant pour la voiture… Tout ça est ancré dans une culture nord-américaine solide. Tout ceux qui prétendent qu’on a un caractère latin se trompent complètement. C’est tout à fait faux. Notre architecture est un résultat de ce que nous sommes profondément, c’est à dire des nord-américains qui parlons français. LD: Il y a un an, vous avez écrit dans une chronique que la ville est sexiste car la majorité du nom des rues étaient masculins, peut-on étendre ça pour dire que la ville n’est pas multiculturelle et ne représente pas ses habitants? FC: Je ne veux pas prendre la question de manière trop large, mais si on regarde seulement la toponymie oui c’est vrai qu’il y a tout un pan de la population qui est complètement oublié, les femmes sont sous-représentées dans la toponymie même si on considère que

dans le passé, il y a eu des habitudes qui ont fait en sorte que les hommes ont été davantage mis en avant dans la toponymie. Quand on voit aujourd’hui les décisions qui se prennent encore on est loin de réparer cette lacune là. Regardez la dernière décision de toponymie de remplacer le nom de Crémazie pour la circonscription avec celui de Maurice Richard. Ce qu’on fait c’est donner un autre nom d’homme pour remplacer un nom d’homme. On n’a pas de volonté collective de redonner de place aux femmes qui ont fait la ville, à Montréal plus qu’ailleurs vu que les deux co-fondateurs de Montréal sont un homme et une femme.

«Notre architecture est un résultat de ce que [les montréalais sont] profondéments, c’est à dire des nordaméricains» LD: Donc ce qui est important c’est que la ville soit à l’image de ces habitants? FC: Oui tout à fait, il faut que la ville soit à l’image de ses citoyens, il faut que la ville soit aussi représentative, qu’adaptée à ses habitants. LD: Quels sont les défis selon vous pour Montréal dans les années à venir en général? FC: Je pense que le premier défi étant une mobilité, c’est vraiment le talon d’Achille de Montréal la mobilité, voyez juste l’exemple de la tempête de l’autoroute treize. Mais il est évident qu’aujourd’hui le plus grand défi de Montréal est de circuler plus facilement en ville, en auto, on le voit bien mais aussi en transports en commun. Le réseau du métro, notamment la ligne orange est saturée aux heures de pointes. Les autobus sont pris dans le trafic car il n’y a pas assez de voies réservées. Le réseau cyclable avance à pas de tortue et les piétons

«Le fait de décider que [Montréal] est une «ville refuge» [...] est davantage un geste politique qu’autre chose» LD: Dans ce qui est secondaire, diriezvous que c’est important d’avoir une ville verte? FC: Oui, je pense que oui, mais la ville verte ça peut être une intention, ça peut être un objectif, ça peut être un des critères dans notre réflexion sur la mobilité par exemple, dans notre réflexion sur l’architecture. Mais ce n’est pas un défi en soi. Le défi c’est de profiter des occasions qui vont se présenter dans les prochaines années ou décennies et se faisant de faire de Montréal une ville verte. Quand vous choisissez d’améliorer la mobilité en voiture à Montréal, ça ne veut pas simplement dire rendre plus fluide le déplacement des voitures. Ça veut aussi dire de mettre l’accent sur l’auto-partage, l’auto en libre service et ces compagnies là, de leur donner de plus en plus de place, de plus en plus d’infrastructures pour faire en sorte que les gens changent d’eux-même leurs habitudes de conduite. LD: Récemment, on a qualifié Montréal de «ville refuge». Quel est le rôle politique d’une métropole comme Montréal? FC: Dans le cas que vous me citez de la «ville refuge», je pense que c’est davantage un geste politique qu’autre chose, puisque Montréal est déjà une ville accueillante. C’est ici que les l’écrasante majorité des immigrants, des demandeurs d’asile ou des réfugiés se retrouvent. Le fait de décider qu’elle est une ville «refuge» officiellement, c’est surtout un geste symbolique et politique. Il n’en est pas moins important pour autant. C’est en posant ce genre de gestes qu’on en vient à avoir une ville ouverte. Pour moi c’est une confirmation de ce qu’est déjà la ville, mais ça consolide aussi le rôle de ville accueillante et inclusive. x Propos recueillis par théophile vareille, Antoine jourdan, et Sébastien Oudin-Filipecki

Le Délit

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