Édition du 14 mars 2017

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Mardi 14 mars 2017 | Volume 106 Numéro 16

La jeune fille à la perle 2.0 depuis 1977


Volume 106 Numéro 16

Éditorial

Le seul journal francophone de l’Université McGill

rec@delitfrancais.com

rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784

Crise à l’AÉUM À quand une remise en cause de l’institution? ikram mecheri

Le Délit

L’

idée de parler de beauté n’est pas sans élégance. Cependant, dans un éditorial, elle semblait soudainement inappropriée face au spectacle désarmant que l’AÉUM (Association des étudiants de McGill, SSMUnous a offert au cours de ces dernières semaines. Le style, l’art, la beauté, la perfection et le sublime devront donc laisser leur place à la politique et au cynisme. Après être passée sous une panoplie d’émotions au cours de ces dernières semaines, l’équipe du Délit était optimiste quant à ces élections. Nous nous sommes donc réunis pour éplucher les programmes de chaque candidats, prêts à mettre nos «lunettes» de la francophonie pour nous assurer que les programmes des candidats prenaient en compte les milliers d’étudiants francophones qui peuplent le campus de McGill. Notre optimisme fut de courte durée. À l’exception de deux candidats, aucun des programmes ne fut entièrement traduit en francais. À

peu près aucune proposition sérieuse pour la francophonie. Le débat organisé par l’AÉUM a fait l’éloge de la médiocrité des candidats qui se pavanent sous nos yeux depuis déjà quelques jours. Parlons de beau, mais de laid aussi. Et présentement, la politique étudiante n’aura jamais été aussi laide, fade, peu accessible, mais surtout déconnectée. Pour pallier le manque d’engagement des étudiants, une candidate a proposé d’utiliser les fonds de l’AÉUM, qui proviennent des frais payés par les étudiants, afin de créer une page de «mèmes». De quoi se poser des questions. Une autre a proposé de créer une semaine pour célébrer la francophonie. Le hic, cette semaine existe déjà et a lieu cette semaine, justement. Lorsque mise devant la contradiction, la candidate a rectifié qu’elle entendait plutôt créer un «mois» de la francophonie. Peut-être qu’une simple consultation auprès de ses pairs lui aurait permis d’éviter un tel embarras. Mais peut-être est-ce moi qui suit trop ambitieuse. Peut-être que c’est moi qui a des attentes trop

élevées. Peut-être que les étudiants visionnaires qui rêvent d’un AÉUM qui construit des serres sur ses toits et qui propose un système de récupération de l’eau de pluie pour les usages sanitaires ne vont tout simplement pas à McGill. Aucun des candidats n’a proposé une vision pour McGill. Peut-être méritonsnous un tel niveau de médiocrité. Un vieil adage dit que nous avons les élus que nous méritons. La chose n’aura jamais été aussi vraie qu’avec la politique étudiante mcgilloise. Sur les sept postes exécutifs qui sont présentement en jeu, seuls deux sont contestés. Au total, ce sont 10 étudiants sur les 23 140 en premier cycle à temps plein qui se sont présentés. Pas de quoi se réjouir. Nous sommes plusieurs à avoir cette mauvaise impression que chaque année à l’AÉUM c’est la même rengaine. Après une année à couvrir les frasques des uns et des autres, de la violence verbale à la violence sexuelle, visiblement, les mécanismes censés prévenir ce genre d’incidents ne semblent pas fonctionner. À quand une remise en cause de l’institution? x

Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Ikram Mecheri Actualités actualites@delitfrancais.com Antoine Jourdan Sébastien Oudin-Filipecki Théophile Vareille Culture articlesculture@delitfrancais.com Chloé Mour Dior Sow Société societe@delitfrancais.com Hannah Raffin Innovations innovations@delitfrancais.com Lou Raisonnier Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Baptiste Rinner Coordonnateurs visuel visuel@delitfrancais.com Mahaut Engérant Vittorio Pessin Multimédias multimedias@delitfrancais.com Arno Pedram Coordonnatrices de la correction correction@delitfrancais.com Nouédyn Baspin Sara Fossat Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Coordonnatrice réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Louise Kronenberger Événements evenements@delitfrancais.com Lara Benattar Contributeurs Chloé Anastassiadis, Philippe Chassé, Prune Engérant, Sasha Gabilan, Marc-Antoine Gervais, Margot Hutton, Pedram Karimi, Capucine Lorber, Lucas Mathieu, Lisa Nguyen, Angela Novakovic, Simon Tardif-Loiselle, Alyciah Vendryes Couverture Mathilde Chaize, Pedram Karimi & Vittorio Pessin

bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 0E7 Téléphone : +1 514 398-6790 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard & Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Sonia Ionescu Conseil d’administration de la Société des Publications du Daily Zapaer Alip, Niyousha Bastani, Marc Cataford, Julia Denis, Amandine Hamon, Sonia Ionescu, Ikram Mecheri, Igor Sadikov, Boris Shedov, Alice Shen, Tamim Sujat, Théophile Vareille

2 Éditorial

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavant réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

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Actualités actualites@delitfrancais.com

À suivre

Sur le Web

Révision de la Charte des droits de l’étudiant

Démissions en cascade de l’AÉUM

Dans un courriel envoyé à la communauté mcgilloise, le doyen à la vie étudiante Chris Buddle invitait les étudiants à donner leur avis sur la nouvelle version de la Charte des droits de l’étudiant de l’Université. Les membres de la communauté mcgilloise peuvent, via un formulaire en ligne, faire parvenir leurs commentaires par rapport au texte révisé, et ce jusqu’au 17 mars prochain. Le Sénat prévoit de voter sur cette nouvelle version à l’automne 2017. x

Semaine mouvementée pour l’Association des étudiants en premier cycle de l’Université McGill (AÉUM, ou SSMU en anglais, ndlr), qui a vu la démission d’Igor Sadikov, représentant de la faculté des Arts, David Aird, vice-président aux Affaires externes de l’AÉUM et Ben Ger, président de l’AÉUM. Igor Sadikov a démissionné ce mercredi 8 mars

Les chiffres à retenir

17,5 %

soit le taux de participation aux dernières élections de l’Association des étudiants en premier cycle de l’Université McGill (AÉUM, ou SSMU en anglais, ndlr), en mars passé. Le quorum requis est de 15% de participation électorale. x

alors que le Conseil législatif s’apprêtait à décider de son sort le lendemain. David Aird avait démissionné le 22 février dernier après que des allégations de violences sexuelles avaient été portées contre lui. Ben Ger, quant à lui, a démissionné ce jeudi 9 mars, citant des «raisons personnelles» pour expliquer sa décision. Il est par la suite apparu que des allégations de «violence genrée» avaient été portés à l’encontre de Ben Ger. Retrouvez toutes les dernières nouvelles à ce sujet sur notre site. x

Les mots qui marquent

«Ne pas se faire prendre» Noah Century, ex-candidat au poste de viceprésident aux affaires externes de l’AÉUM après avoir tenu ces propos en répondant, pour rire, à une question du McGill Daily à propos des leçons à tirer de l’affaire David Aird. Cela avait valu au candidat une motion censure de la part d’élections de l’AÉUM et de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux. x

À l’asso de l’actu Association francophone pour le savoir Du 8 au 12 mai prochain aura lieu sur le campus du centre-ville de l’Université McGill le 85e Congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS). Son but est de rassembler la communauté scientifique francophone et de lui permettre de présenter ses travaux les plus récents. Mcgill prévoit d’accueillir plus de six mille scientifiques, toutes disciplines confondus, qui participeront à environ deux cents colloques au cours de la semaine. Dans sa dernière listserv à destination des étudiants, l’Université encourageait les étudiants à se porter volontaire pour faire partie de l’équipe organisatrice et ainsi pouvoir profiter d’une entrée gratuite pour tous les événements. x

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actualités

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AÉUM: Candidats

Rencontrez les candidat·e·s aux postes de membres exécutifs de l’AÉUM. Les sept membres exécutifs de l’Association des étudiants en premier cycle de l’Université McGill (AÉUM, SSMU en anglais, ndlr) sont responsables du fonctionnement de l’association, et s’assurent qu’elle sert et représente ses membres, au nombre de plus de vingt-mille, comme il se doit selon la Constitution de l’AÉUM. Chacun a des responsabilités et prérogatives prédéfinies, et reste en poste pendant 12 mois, du 1er juin au 31 mai, devant s’accomoder d’une charge horaire importante et d’une pression non-négligeable au quotidien. x

affaires universitaires Isabelle Oke

P

ar rapport aux relations avec l’administration, Isabella Oke pense que la collaboration doit toujours être privilégiée afin de faciliter les négociations avec l’université, notamment au Sénat. Cependant, cette dernière assure que l’administration doit être séparée de l’AÉUM et ne devrait pas s’immiscer dans la gestion de l’association. Isabelle Oke souhaite aussi renforcer les liens entre l’AÉUM et les étudiants avec la création d’au moins un nouveau poste en charge

A

lexander a un CV bien rempli. Il siège en ce moment au sénat en temps que représentant de la faculté de génie, et a fait partie de sept comités d’administration en un an. Son engagement en politique étudiante lui a permis de fréquenter, et tisser des liens aussi bien professionnels qu’amicaux à travers l’administration. C’est donc avec son carnet d’adresse bien rempli qu’il souhaite devenir vice-président aux Affaires universitaires. Il nous explique qu’il sera ferme avec sa relation avec l’administration. Si un compromis doit être fait, il ne

du travail de proximité (outreach en anglais, ndlr) et de la communication avec les étudiants. Aussi sur le sujet de la défense des droits académiques des étudiants, Isabelle Oke souhaite poursuivre le travail de l’actuel Viceprésident aux Affaires universitaires Erin Sobat en rendant le site Know Your Student Rights plus «interactif». Enfin, Isabelle Oke souhaite travailler avec Syndicat des employé·e·s occasionnel·le·s de l’Université

McGill (SÉOUM, AMUSE en anglais, ndlr) afin de défendre les intérêts des travailleurs étudiants, ayant une grande expérience dans le domaine, étant elle-même floor fellow et viceprésidente aux Floors fellows du syndicat mcgillois. Cette dernière a aussi déclaré que, si élue, elle travaillerait, avec le vice-présidente aux Finances à l’élaboration d’un politique augmentant le salaire minimum des employé·e·s de l’AÉUM à 15 dollars de l’heure. x

Alexander Dow pliera qu’en faveur des étudiants. Il souligne que McGill est autant une université étudiante qu’une entreprise: les relations entre l’AÉUM et l’administration doivent être proactives pour garder conserver sa réputation et sa qualité. Pour Alexander, sa première priorité est de faire passer le protocole d’accord qui régit la relation entre l’AÉUM et l’administration. Si elle n’est pas signée avant son entré en poste, ce sera la première chose dont il s’occupera. Ensuite, il souhaite créer une politique contre les agressions sexuelles qui travaillerait en parallèle à l’AÉUM.

Enfin, il souligne la nécessité de «cimenter et plaider pour les politiques actuelles», sur des sujets tel que les droits autochtones, la semaine de lecture ou la santé mentale. Pour Alexander, un des plus gros problèmes pour l’AÉUM est le financement. Il souhaite donc créer une procédure claire pour le financement académique. Selon lui, cela permettrait aux organismes étudiants d’accéder à des fonds plus facilement, et éviterait le gaspillage monétaire. Pour policer l’utilisation de l’argent, il souhaite impliquer les étudiants dans celle-ci. x

affaires Internes

Maya Koparkar

M

aya pense qu’il faut augmenter et faciliter la communication inter-faculté, afin d’accroître la visibilité de l’AÉUM à travers le corps étudiant. Elle souhaite créer des initiatives pour que les étudiants soient plus actif dans la politique mcgilloise. Par ce biais, elle espère pouvoir attirer des personnes qui ne s’interessaient pas à l’AÉUM jusqu’à présent, en plus d’élargir l’audience des plus petit événements sur le campus. Par rapport à la communication entre elle et les étudiants, elle compte avoir un listserv de style

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ACTUALITÉS

blog où elle publierait notamment des memes afin d’attirer un lectorat plus large. Pour faciliter l’intégration étudiante dans la vie universitaire, Maya vise les initiatives inter-facultés pour augmenter la visibilité des clubs, des services ou des activités. Un autre aspect de son portfolio est l’organisation de la semaine d’intégration ainsi que la communication avec la communauté de Milton Park. Pour cette dernière, la période de frosh est particulièrement pénible à cause de la pollution sonore. Maya souhaite ouvrir un dialogue avec eux

pour mieux répondre à leurs besoins. Enfin, Maya pense que le Conseil de première année (First Year Council, ndlr) est une ressource importante pour intégrer les nouveaux étudiants dans la communauté mcgilloise. Elle souhaite avoir une approche plus structurée de la chose, afin de créer un calendrier lisible et d’utiliser les ressources financières intelligemment. Pour remédier au manque de visibilité des étudiants en première année qui ne vivent pas en résidence, Maya veut leur réserver des places au conseil de première année. x

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Présidence Muna Tojiboeva

M

una Tojiboeva est l’actuelle Chief Justice de la Commission juridique (Judicial Board en anglais, ndlr) de l’AÉUM, (équivalent à la «Cour suprême» de l’association étudiante, ndlr) et connait bien les rouages de l’association. Cette dernière souhaite avant tout que l’AÉUM regagne la confiance des étudiant·e·s en créant une politique contre les violences sexuelles interne à l’organisation, permettant, entre autres, de suspendre l’individu visé par des accusations en attendant une enquête des ressources humaines. Aussi, Muna Tojiboeva prévoit de rendre l’AÉUM plus transparente en publiant les compte-rendus des réunions du Conseil des directeurs (Board of Directors en anglais, ndlr) organe décisionnel de l’AÉUM dont les réunions se

F

loor fellow, engagée au sein du Black Student Network et de l’Association des étudiants en première année de la Faculté des Arts (AÉFA, AUS en anglais, ndlr), Helen Ogundeji est une candidate politiquement active dans la communauté mcgilloise. Présidant aussi le comité de l’AÉUM pour une réforme équitable de la gouvernance, Helen Ogundeji est familière du fonctionnement interne de l’AÉUM, sans pour autant avoir jamais siégé au Conseil législatif de l’AÉUM. Elle est responsable du projet de sièges du Conseil législatif réservés à certaines identités: un siège pour la communauté noire et pour la communauté autochtone, par exemple. Ce projet sera possiblement soumis à l’approbation des étudiants via un référendum ce semestre. Si élue, Helen Ogundeji collaborera avec les services à la santé mentale de l’Université pour recruter des conseillers de couleur, à l’image de l’équipe de conseillers PRIDE pour les étudiants s’identifiant comme mino-

Support Center, etc. ndlr) afin de répondre aux besoins des étudiants. Bilingue, Muna Tojiboeva s’exprime parfaitement en français, et l’entièreté de son programme a été traduit en français. Bac littéraire en poche, Muna Tojiboeva a elle-même eu du mal à s’adapter à McGill lors de son premier semestre, nous explique-t-elle. Elle souhaite doncaider les étudiants provenant du système français ou québécois dans leur transition à McGill et son système académique. Elle compte aussi travailler avec la commission aux Affaires francophones de l’AÉUM pour promouvoir le français et la culture québécoise sur le campus, notamment avec un mois de la francophonie en Hiver, bien qu’elle semble ignorer l’existence de la semaine de la francophoniex

tiennent de manière confidentielle. Aussi, Muna Tojibera souhaite réformer le fonctionnement de la Commission juridique en rendant le processus de recrutement des juges indépendant des membres exécutifs de l’association et en changeant ses procédures internes (datant de 2012) afin de doter l’AÉUM d’une branche judiciaire plus forte et indépendante. Finalement, partant du constat que la santé mentale est devenue un sujet de premier plan sur le campus et que l’AÉUM n’a pas de fonds dédié à la santé mentale, cette dernière souhaite en créer en réorganisant le budget de l’association et compte travailler à renforcer la communications entre les différents acteurs de la santé mentale à McGill (Services de santé mentale et de consultation psychologique, Peer

Helen Ogundeji rité sexuelle. Cette mesure viserait à rendre plus accessibles les services à la santé mentale sur le campus, Helen Ogundeji parlant ici d’expérience. Une autre de ses propositions est le développement et l’instauration d’un Code de conduite pour les membres exécutifs de l’AÉUM, pour mieux encadrer leurs agissements et les tenir responsables de ces derniers. Toutefois, les contours de ce Code de conduite, qui inclurait tout cas de discrimination, les agressions sexuelles ou les discours haineux, restent pour l’instant flou. Helen Ogundeji a aussi évoqué la possibilité de créer un poste d’«ombdusman» de l’AÉUM, pour recueillir des plaintes à l’encontre de membres exécutifs par exemple. Cette part du programme de la candidate semble répondre directement à la récente actualité ayant entouré Igor Sadikov et David Aird, les allégations à l’encontre de Ben Ger n’étant pas alors connues. Pour aider les membres exécutifs dans leurs fonctions, Helen Ogundeji

Lukas Shannon

L

souhaite créer des postes d’étudiantsgestionnaires, qui seraient alors responsables de mener à bien un projet sous la houlette du membre exécutif. Cette mesure vise à pallier le problème chronique de burn-out pour des membres exécutifs travaillant souvent 70 heures par semaine. Consciente que les relations de l’AÉUM avec l’Université sont «difficiles», Helen Ogundeji n’hésitera pas, explique-t-elle, à s’affirmer pour représenter les étudiants de son mieux. Néanmoins, son programme ne comporte pas d’indications sur comment elle souhaite travailler avec l’administration, en siégeant au sein du Conseil des gouverneurs par exemple. Ne parlant pas français, son programme ne comporte pas non plus d’élément dédié à la francophonie ou aux étudiants francophones sur le campus. Toutefois, elle explique s’engager pour qu’aucun étudiant ne se sente exclu à la communauté mcgilloise, francophones y compris. x

ukas Shannon se présente comme «le seul candidat qui représente la plupart d’entre nous sur l’AÉUM et garde les choses simples». Simple, comme son programme, qui se résume à quelques lignes sur une page d’évènement Facebook. Ainsi, si Lukas Shannon se distingue des autres candidats à la présidence, c’est par son manque de préparation. L’absence d’un programme complet et précis rend difficile l’évaluation d’un candidat, ce qui complique aussi la décision du votant. Se présentant comme un «outsider» vis-à-vis de l’AÉUM, Lukas Shannon s’engage à représenter l’«étudiant moyen», cet étudiant qui se désintéresse de l’AÉUM et ne vote

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pas. Néanmoins, son programme ne compte aucune proposition concrète à cet égard, contrairement à ceux de ses deux opposantes. Il a néanmoins expliqué au Délit envisager d’étendre les office hours des membres exécutifs. La seule proposition qu’il met en avant sur son évènement Facebook est d’amener une politique sur la violence sexuelle de «classe mondiale» au Sénat mcgillois, alors que la première politique sur la violence sexuelle de McGill, dont des étudiants et l’AÉUM sont à l’origine, a été approuvée le semestre passé par le Sénat. Lukas Shannon a expliqué au Délit vouloir créer un «comité au dialogue» au sein de l’AÉUM, pour offrir un espa-

ce de discussion apaisé à des groupes aux opinions opposées. Lukas Shannon regrette ces débats houleux sur le campus, comme celui sur BDS (Boycott, Désinvestissement, et Sanctions, ndlr) qu’il compare à une «guerre», intimidant des étudiants qui voudraient se joindre à ce débat. Lukas Shannon explique avoir monté sa propre association d’improvisation théâtrale, une expérience le préparant, selon lui, pour la présidence de l’AÉUM. Ces talents d’improvisation lui auront peut-être aussi peut-être servi pendant cette campagne. x

actualités

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Vie étudiante Jemark Earle

É

Au niveau des clubs et des services, Jenmark Earle, prévoit de travailler conjointement avec le v.-p. Opérations sur comment mieux répartir l’espace dans le Centre universitaire Shatner entre les différents clubs, l’AÉUM en comptant plus de 250. Finalement, Jenmark Earle espère pourvoir implanter de nouvelles campagnes à McGill, le première s’appelant «Traçons les limites» (Draw the Line en anglais, ndlr) et aurait pour but de faciliter le dialogue sur les violence

tudiant de troisième année en musique, Jemark Earle souhaite faire de la santé mentale une priorité faisant en sorte que les membres exécutifs des différentes associations étudiantes des différentes facultés (AÉFA, EUS etc.) soient formés et sensibilisés aux problèmes auxquels les étudiant·e·s peuvent être amené·e·s à faire face et servir de ressource pour les étudiant·e·s. Ce dernier prévoit aussi de collaborer avec le Peer Support Center pour améliorer le bien-être des étudiant·e·s.

sexuelles en s’attaquant aux mythes et souligner l’importance d’être un témoin actif lors de situations à risques. La deuxième campagne baptisée «Je ne dis pas» (I don’t say campaign, en anglais, ndlr) lutterait contre les micro-agressions et les remarques offensantes. Enfin son troisième projet de campagne est un campagne Propronouns qui viserait à sensibiliser les étudiants sur l’importance d’utiliser et de respecter l’usage des pronoms au quotidien. x

finances

A

risha Khan promet de «propulser les opérations de l’AÉUM dans le 21e siècle», une ambition qu’elle semble être en mesure de réaliser. Commissaire au financement de l’AÉUM cette année, Arisha Khan a une connaissance parfaite du fonctionnement des finances de l’AÉUM. Elle a aussi de l’expérience dans le milieu bancaire et s’est engagée dans de nombreux projets provinciaux et du gouvernement, tel un fond de 450 millions de dollars pour la santé mentale des mineurs. Elle est aussi à la tête d’une association pour les enfants placés en famille d’accueil. Ainsi, Arisha

Khan ajoute à son expérience au sein de l’AÉUM une grande expérience professionnelle, gouvernementale, et associative. Arisha Khan compte moderniser la gestion des finances de l’AÉUM en introduisant un nouveau logiciel à cet effet, plus efficace, qui permettrait de diviser par deux la charge de travail bureaucratique demandée. Elle prévoit aussi d’encourager et d’aider les clubs de l’AÉUM à mieux se former à la gestion de leurs finances, et de simplifier celle-ci, en introduisant par exemple une plateforme de paiement centralisée pour tous les clubs, ou le système de

vente intéractif Square. Arisha Khan annonce aussi vouloir rendre les informations financières de l’AÉUM plus accessibles à la communauté, notamment en lançant un site dédié aux finances, avec des informations simplifiées. Finalement, dans la foulée de Niall Carolan, actuel Vice-président aux Finances, qui a cette année créé un fond d’investissement responsable, Arisha Khan souhaite s’assurer que l’ensemble des finances de l’AÉUM sont socialement responsables, et étudier s’il y a besoin de repenser la répartition des cotisations étudiantes. x

Arisha Khan

affaires externes

Connor Spencer

C

onnor Spencer est une étudiante en allemand et histoire de l’art de troisième année. Elle a une connaissance étendue du milieu militant montréalais, anglophone comme francophone, notamment à travers son implication dans le groupe McGill Aganist Austerity. Depuis quatre ans, elle travail avec des militants de différents campus montréalais pour organiser des manifestations ou agir contre la hausse des frais de scolarité. Pour elle, il y a un réseau de militantisme qui lie toute les écoles de Montréal. Or McGill se trouve à l’écart de ce cercle. Un de ses objectifs comme vice-présidente aux Affaire externes

serait de faire une place à McGill au sein de ses mouvements. Son programme repose sur quatre grands axes. Le premier est de désenclaver McGill en tissant des liens au niveau local, régional, et fédéral. Un des moyens pour faire ça serait l’intégration de l’école à l’Association pour la voix étudiant au Québec (AVEQ). Le second est la lutte en faveur de l’accessibilité. Cela passe par un appui aux syndicats étudiants pour limiter la précarité (elle a notamment soutenu les grévistes d’AMUSE le semestre dernier). En un troisième temps, Connor Spencer souhaite «développer une politique indépendante [pour

opérations

E

n tant que vice-présidente des Opérations, Anuradha Mallik serait en charge de tout ce qui se passe à l’intérieur du bâtiment Shatner, de Gerts au Students’ Lounge. Cette aspect gestionnaire ne prohibe pas les initiatives personnelles, Anuradha Mallik compte, si elle est élue, travailler à rendre les opérations de l’AÉUM plus durables et responsables. Elle annonce vouloir contribuer au développement de la Politique sur la durabilité de l’AÉUM, collaborer

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avec le bureau mcgillois à la durabilité, et relancer les tables rondes sur l’environnement de l’AÉUM afin de réunir tous les acteurs de ce domaine sur le campus. Cette priorité donnée à la durabilité pourrait s’étendre aux publicités affichées dans l’AÉUM. Toutefois, déclarant vouloir offrir aux étudiants de se réapproprier le bâtiment Shatner, notamment avec des oeuvres d’art d’étudiants, Anuradha Mallik ne fait pas mention de la publicité dans son programme. L’AÉUM

l’AÉUM] envers la violence sexuelle». Étant donné les récents événements avec Ben Ger et David Aird, Connor Spencer a placé l’aide aux survivant·e·s au cœur de son projet pour s’assurer que quelque chose de ce genre ne puisse pas se reproduire. Enfin, le quatrième axe de son programme vise à assurer le caractère durable de son projet. Ainsi, elle veut prendre en compte l’environnement, la société, et l’économie, pour s’assurer que les changements puissent répondre aux besoins «présents et futurs». x

Anuradha Mallik sous-traite actuellement la sélection des publicités présentes en son sein. Anuradha Mallik envisage aussi d’étendre le projet de crash pad mis en oeuvre cette année par Sacha Magder, actuel vice-président aux opérations, qui permet aux étudiants mcgillois de dormir dans le bâtiment de l’AÉUM s’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Anuradha Mallik propose de mettre ce projet en place durant les périodes d’examens, en plus de Frosh comme ce fut le cas cette année. x

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campus

Printemps désinvestissement

Désinvestissons McGill repart en campagne pour désinvestir des énergies fossiles. théophile vareille

Le Délit

et tapé dans leurs casseroles et tambours, leur tintamarre résonnant dans une grand partie du campus.

éléonore nouel

A

vec le printemps, Désinvestissons McGill (Divest McGill en anglais, ndlr) repart en campagne pour le désinvestissement de l’Université McGill des énergies fossiles, et organisait ce mercredi une manifestation-tintamarre, devant le bâtiment James de l’administration. Cette manifestation a été organisée pour concorder avec la première réunion de la Commission de conseil en matière de responsabilité sociale (CAMSR en anglais, ndlr) du Conseil des gouverneurs de McGill depuis sa recommandation à l’Université de pas désinvestir, en mars dernier, contrecarrant ainsi le long rapport rédigé par Désinvestissons McGill, fruit de deux ans de travail et recherche bénévoles par des étudiants et professeurs mcgillois. Élan disparu Suite à ce nouvel échec, cette même commission ayant refusé en 2013 de désinvestir des énergies fossiles, des sables

Un effort au long-terme

Luce Engerant bitumineux, et du Plan Nord, Désinvestissons McGill a dû prendre quelques mois pour se remobiliser, son élan ayant été coupé net. En début de semestre passé, une série de forums communautaires sur la durabilité organisée par l’Université avait permis à de nombreux militants

de Désinvestissons McGill d’exprimer leur frustration à l’égard d’une administration qui ne serait pas à l’écoute de sa communauté. Ce mercredi 9 mars, il restait peut-être des résidus de cette frustration pour la cinquantaine d’étudiants qui se

sont réunis devant le bâtiment James à la mi-journée, pour une demi-heure de boucan, directement dans les oreilles de l’administration. Cette manifestation «Get Loud» avait pour but de faire le plus de bruit possible, les étudiants ont ainsi scandé des chants défendant leur cause,

Jed Lenetsky, un des organisateurs de Désinvestissons McGill, nous explique que le but de cette manifestation et du mouvement en son ensemble est de «convaincre l’administration de l’importance [du désinvestissement]» et du «soutien étudiant» de cette cause. Désinvestissons McGill prend ici exemple sur «ULaval sans fossiles», le groupe ayant récemment convaincu l’Université Laval de désinvestir des énergies fossiles. Morgen Betheussen, une étudiante militante, abonde: «On fait du bruit pour qu’ils nous entendent et considèrent le désinvestissement», et pour «montrer à l’administration que le mouvement grandit». Une administration avec qui «le dialogue est difficile», dit-elle, et qui n’est pas toujours accessible aux militants de Désinvestissons McGill. Et Jed Lenetsky de conclure, «c’est un processus au long cours, notre mouvement est là pour durer. x

montréal

Parlons diversité

Quelles sont les conditions de délibération sur la diversité au Québec? lisa nguyen

Le Délit

L

e cycle de conférence «Qui peut parler de la diversité au Québec?», organisé par le Centre de Recherche Interdisciplinaire sur la Diversité et la Démocratie (CRIDAQ), a pour but d’explorer les conditions de débat sur la question de la diversité culturelle. Dans le cadre de ce cycle, Dalila Awada a tenu une discussion sur la question jeudi le 9 mars dernier, à l’Université Concordia. Dalila Awada, militante antiraciste et féministe, est une étudiante en maîtrise et est bien connue sur les réseaux sociaux, notamment depuis le débat sur la Charte des valeurs. Elle a cofondé l’organisme Paroles de Femme, une organisation qui vise à permettre aux femmes racisées de s’exprimer librement et en sécurité. S’exprimer en sécurité Au Québec, il n’y a pas de conditions optimales pour par-

ler de diversité, explique Dalila Awada. Comme beaucoup de femmes racisées qui s’expriment sur ce sujet, la militante musulmane et féministe est souvent victime de la violence qui émane de l’espace public et dans les réseaux sociaux. Ces femmes issues de minorités ethnoculturelles sont souvent victimes à la fois de racisme et de sexisme. Bien souvent, cette haine a un fort effet dissuasif sur celles-ci et beaucoup décident de se taire et de se retirer de la sphère publique. Selon la conférencière, il est impératif pour améliorer les conditions de délibération de ne pas être passifs face à ces attaques violentes. Il ne faut pas hésiter à dénoncer cette violence pour la contrer. Les discours tolérés Le choix des mots est essentiel pour être écouté, continue Dalila Awada. Par exemple, il est souvent conseillé de ne pas utiliser les termes «racisme», «sexisme» et «xénophobie» pour dénoncer les oppressions que certaines

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personnes subissent, pour ne pas mener au déni de la situation et stériliser le débat. Cependant, la militante soutient qu’il est important d’imposer ces mots dans l’espace public pour rendre justice à l’expérience que vivent les personnes opprimées. Pour améliorer les conditions de délibération au Québec, il est important de ne pas diluer les mots pour ne pas nier ou atténuer la violence que subissent les victimes. Qui peut en parler ? Sur les plateformes sociales et dans les tribunes, les personnes issues de minorités sont encore sous-représentées, celles-ci ont peu de place pour se faire entendre. De plus, lorsqu’elles ont l’opportunité de prendre parole, elles sont souvent contraintes à des conditions qui ne sont pas les leurs et ne sont pas complètement libres d’exprimer et de partager leur expérience. Près d’une soixantaine d’organismes comme la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN) et quelques

partis politiques, tels que Québec Solidaire, Projet Montréal et le Parti Libéral du Québec, demandent la mise en place d’une commission d’enquête contre le racisme systémique. Cette commission laissera la parole aux minorités et a pour but de mieux comprendre le racisme dans les institutions et ultimement, de s’attaquer à ce problème.

Pour donner la parole aux personnes qui sont victimes de discrimination, il faudrait les laisser partager leurs expériences sans vouloir limiter ce qu’elles ont à dire. Cela leur donnerait la chance d’être écoutées affirme Dalila Awada, et leurs paroles pourraient construire des ponts et contribuer à une province moins exclusive. x

actualités

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Société

beauté &

Le règne de l’uniformité societe@delitfrancais.com

Comment les réseaux sociaux mènent à l’homogénéisation de l’esthétisme. philippe chassé

Le Délit

L

a modernité est un paradoxe. Alors que l’Homme se libère peu à peu du joug des stéréotypes associés aux genres et embrasse la diversité, il s’asservit sans hésitation à l’homogénéisation culturelle et à l’esthétisme uniforme et aseptisé que promeuvent les grands réseaux sociaux. La ville dans laquelle il se trouve n’a plus d’importance. Qu’il soit à Montréal, New York ou Amsterdam, l’Homme trouvera, sans le moindre doute, ce petit café aux murs de brique, où les lampes industrielles et les grandes ardoises noires côtoient des matériaux bruts et du blanc, beaucoup de blanc. On lui servira un latte torréfié maison et une viennoiserie végétalienne pour la modique somme de douze dollars. Le goût ne sera qu’un facteur secondaire, insignifiant. Après tout, si cela lui aura permis de faire un joli cliché pour son profil Instagram, il sera satisfait. Longtemps, on a critiqué la prolifération de la restauration rapide et des magasins à grande surface à l’échelle internationale.

On criait à l’impérialisme culturel, à l’imposition du style de vie américain. Aujourd’hui, on reste muet. Pourtant, le problème n’est pas de moindre importance, bien au contraire. Ces commerces que l’on considère «authentiques» et qui définissent si une ville est «branchée» ne sont, au fond, que de pâles copies des uns et des autres. Ils sont tous indépendants, mais si semblables qu’ils pourraient former une chaîne. Nos villes, aliénées de leurs personnalités, se ressemblent de plus en plus et l’inconnu, lui, devient rare. Partout où l’on va, on peut retrouver ce même confort, et ce, dans un décor inchangé. Voyager devient progressivement inutile et le monde, lui, perd les couleurs qui le rendent si beau, si unique. Ce n’est pas que l’environnement de l’Homme qui se conforme aux normes d’esthétisme imposées par les réseaux sociaux; sa perception de ce qui l’entoure est également altérée. Il analyse les lieux, les objets et les aliments en fonction de leur capacité à plaire dans une petite photo de forme carrée et perd, ainsi, toute interaction autre avec ceux-ci. Son appréciation du mon-

de n’est plus indépendante et libre; elle est influencée par le dictat de la majorité. Tous les profils Instagram finissent par se ressembler: yaourt accompagné de fruits et de graines de chia, égoportraits, petites plantes sur des tables de marbre blanc et paysages urbains. C’est à croire que tous aiment les mêmes choses, que tous ont la même vie. C’est fade, c’est triste. Toutefois, le plus accablant, c’est que l’Homme lui-même n’est pas épargné par le règne de l’uniformité. Certains acceptent sans broncher, mais même ceux qui recherchent désespérément à se démarquer, à être différents, deviennent identiques entre eux. Ils veulent se distancier de ce qu’ils considèrent

comme la norme, mais n’en créent qu’une nouvelle. C’est étrange comment tous ceux qui recherchent un style non conformiste finissent par ressembler à un profil Tumblr. Bien qu’il n’aime pas l’admettre, l’Homme peine à s’émanciper de la domination de l’esthétisme pro-

Ils veulent se distancier de ce qu’ils considèrent comme la norme, mais n’en créent qu’une nouvelle.

mue par les réseaux sociaux, et ce, peu importe le style qu’il souhaite adopter. Tant qu’il le niera, il lui sera impossible de s’affranchir et de préserver la diversité culturelle qu’il chérit tant. Tant qu’il le niera, il ne fera qu’alimenter le paradoxe de la modernité. x

prune engérant

Maigre ou gros, tu es beau

Il est temps de s’affranchir de standards de beauté tant artificiels qu’éphémères. angela novakovic

S

i l’on pense que la perception de ce qui est physiquement beau est intemporelle, on se trompe lourdement. Jetons un coup d’œil aux civilisations vivant dans des cavernes durant l’ère glaciaire (paléolithique supérieur), où la beauté d’une femme était déjà représentée par ses attributs physiques (indiquant une chance de survie et de reproduction). Cependant, durant ces années de famine, les femmes qui pesaient plus, avaient de la poitrine et un postérieur impossible à ne pas remarquer étaient la définition de beauté. Elles ressemblaient à une statue qui nous est bien connue aujourd’hui: la Vénus de Willendorf. C’était ce qui représentait la beauté à cette époque. La richesse et la nourriture avaient donné aux gens la possibilité de devenir des divinités comme la Vénus de Willendorf. Cependant, la nouvelle définition de cette soi-disant beauté esthétique représente tout le contraire. C’était une des raisons pour lesquelles les corsets étaient

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société

portés en dessous des robes de la noblesse au 14e siècle. Aujourd’hui par contre, nombreuses se privent de nourriture à tel point qu’elles en deviennent anorexiques puisque les magazines sont remplis de mannequins promulguent ces corps irréalistement maigres. Ces deux descriptions d’allures physiques populaires sont encore présentes de nos jours. Les

conditions dans lesquelles un individu se trouve peuvent influencer son interprétation de la beauté. En Afrique par exemple, dans certains pays, généralement économiquement faibles, une femme idéale ressemble plus à la statue mentionnée en haut, alors que dans des pays plus développés, être maigre au point où les os sont visibles est «sexy».

La «beauté» à la croisée de la hiérarchie sociale Ces standards de beauté ont un impact démesuré sur la société en général, mais plus particulièrement sur les jeunes, à tel point qu’ils choisissent leurs camarades sur des critères qui y ressemblent. Presque inconsciemment, un individu tend à vouloir être en compagnie de quelqu’un qui correspond à ces standards esthétiques artificiels. Cette norme régit même la hiérarchie sociale à l’école. Souvent, les adolescents veulent être perçus comme ce gars ou cette fille populaire de l’école, car ceux-là portent le titre de personne qui est super «cool» et vraiment «hot»; des personnes qui sont, la plupart du temps, la personnification même des standards de beauté du moment. Pourquoi être beau pour l’autre?

Dior SOW

Chloé Anastassiadis

La majorité dira qu’elle veut être attirante uniquement pour soi et non pour les autres, mais cela estil complètement vrai? Nul ne veut être au bas de la hiérarchie esthétique, donc généralement, nous vou-

lons correspondre aux idéaux qu’a créé la société. C’est une des raisons pour lesquelles les hommes et les femmes prennent ou perdent du poids. Un autre exemple qui illustre cette idée est le maquillage chez les femmes. Une femme se maquille car elle se trouve plus belle comme cela et car sa confiance en elle augmente après l’utilisation de ses produits, mais tout au fond d’elle-même, elle attend qu’une personne au moins remarque son effort. C’est bien naturel! Nous avons tous un côté primal et donc un besoin de reconnaissance; nous sommes humains après tout. Même si les histoires comme «La Belle et la Bête» nous ont éduquées à ne pas prendre trop en compte la beauté corporelle d’autrui et à valoriser la beauté de l’âme, il est impossible de fermer les yeux sur le physique. L’être humain inconsciemment cherche quelqu’un qui pourrait combler ses désirs esthétiques. Tout comme les Hommes de la préhistoire, nous cherchons quelqu’un qui pourra offrir une nouvelle génération de notre espèce, une chance de reproduire de la beauté. x

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esthétisme

Le Grand style

Le chemin d’une esthétique de la grandiloquence sur les traces de Nietzsche et Debord. e manière répétée, il nous arrive d’être confronté à des œuvres artistiques belles et choquantes. Plus récemment, nombre de Québécois ont eu l’occasion d’assister à l’exposition du Musée des beaux-arts de Montréal concernant Mapplethorpe. Aussi, en de tels moments, nous faisonsnous inexorablement réclamer de bien laborieux commentaires. Pour ma part, je n’ai jamais su quoi en dire. À la source de ce malaise: l’esthétique postmoderniste.

D’autant que, si l’on doit bien retenir quelque chose de la grande marche artistique de notre époque, c’est son relativisme décloisonnant. Partout autour de nous, l’Art semble se transformer en produit culturel consumériste et se retrouve conséquemment soumis à une logique marchande qui n’avance immanquablement plus les mêmes critères qu’auparavant. Mais alors, comment peut-on reconnaître le beau et qui peut donc s’en déclarer garant? Devant une telle question, Nietzsche, et plus tard Debord, ont pour nous une réponse fort intrigante: le Grand style.

Généalogie d’un constat

Le Grand style

Les questionnements concernant la beauté – et plus largement l’esthétique – ont toujours intrigué. Que ceux-ci soient de l’ordre de la subjectivité ou de l’impénétrabilité présupposée de l’Art, il m’apparaît qu’un tel sujet n’a jamais été accompagné par rien d’autre qu’une puissante et profonde passion. Nous tous et toutes sommes au centre de cette passion. L’Art est humain autant que les mers appartiennent aux océans. En l’espace de quelques siècles, l’Art s’est métamorphosé en une succession rapide et souvent brusque de courants et d’expressions. Or, il m’apparaît que la démarche artistique et le fruit de cette dernière – ces deux choses que l’on nomme l’Art - n’ont hélas pas fait, depuis le Classicisme, grand cas de ce qui s’est fait chez les Grecs durant l’Antiquité.

Avant d’en venir aux implications du Grand style définissonsen les caractéristiques. D’abord théorisé chez Nietzsche, ce concept porte tant sur la conduite que la source de l’Art. À ne point en douter, nous en sommes la source. Le Grand style est intime et personnel, et antérieur à toute autre considération. À en croire Nietzsche, ce concept se veut l’unification de la négation de «ce qui est», ainsi que l’action à l’origine de la création artistique. D’entrée de jeu, il avance la chose de la manière suivante: «Supposez qu’un homme vive autant dans l’amour des arts plastiques ou de la musique, qu’il est entraîné par l’esprit de la science […]. Il ne lui reste qu’à faire de lui-même un édifice de culture si vaste qu’il soit possible à ces deux puissances d’y habiter […]» (1878). Pour ainsi dire, le Grand

simon tardif-loiselle

Le Délit

D

«Mais alors, comment peut-on reconnaître le beau et qui peut donc s’en déclarer garant?»

style est à la fois une manière de vivre et une manière de créer. Ces deux éléments sont inséparables. Vincent Kaufmann mentionne à cet effet que «le grand art, le grand style procèdent d’un art de vivre […]» (Kaufmann: 2001). Même chose chez Debord où le style relève de l’expérience et de la mémoire des uns. Ainsi peut-on dire, le Grand style semble être une manière de vivre en accord avec une nature humaine déliée qui permet de donner naissance à la beauté grâce à l’art. À l’opposé du Grand style se trouve le déchirement des passions. Nietzsche exemplifie d’ailleurs ce point par l’opposition entre les courants romantiques et classiques. Alors que les classiques incarnent la vie et les forces qui l’habitent, les romantiques ne font qu’épuiser toute leur énergie vitale face à de vils déchirements intérieurs. Alors que pour Nietzsche, la souffrance peut être la source de grands exploits, chez les romantiques elle domine tout l’espace. Elle est à l’origine de l’action artistique et s’articule comme sa sombre finalité. In girum imus nocte et consumimur igni Le Grand style pourrait être symbolisé par l’attitude des stoïques face à l’histoire. Debord nomme notamment l’un de ses films In girum imus nocte et consumimur igni, ce qui signifie: «Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu». Ce titre est d’une part puissant, mais aussi le tenant d’une vérité quant à ce que nous sommes. C’est à cet égard que, sous le signe de l’acceptation de soi, s’organise cette facette de la création. Le Grand style nécessite une acception de

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la vie qui ne peut être accomplie que sous la présence d’une volonté de vie, de puissance. En cela, il ne peut exister que chez des personnes dont la tyrannie fait force de loi en leur sein. Il faut assurément être tyrannique afin de contrôler qui nous sommes. Nietzsche ajoute d’ailleurs que «Maîtriser le chaos que l’on est: contraindre son chaos à devenir ordre; devenir nécessité dans la forme: […] devenir loi: c’est la grande ambition.» (Blondel: 1986) Le premier jet d’un sonnet n’est au mieux que le chaos des pensées d’un quidam; ce qui ne s’organise pas comme un ensemble n’a aucune vie. Ainsi, ce n’est que grâce à l’acharnement édifié de la volonté que les uns seront en mesure de produire quelque chose de grand. Cette grande ambition doit cependant nous initier à la plénitude: «Le Grand style présuppose que l’on regarde d’en haut, ce qui implique l’existence d’un point d’observation élevé et d’une personne capable de se situer en ce point, de se poser en ordonnateur et en législateur» (Magris: 2003). C’est notamment un tel désir qui a marqué l’œuvre complète de Debord. Pour penser et donner forme écrite au spectacle, il lui fallait se poser en contre-haut du système. L’artiste qui désire produire de l’Art est corollairement condamné à se faire prophète et à vivre du haut de son observatoire. Hélas, l’Art n’est en ce sens pas tourné vers les étoiles et le rêve, mais au contraire tourné vers notre monde et ses réalités. Autrement, il ne serait pas possible d’envisager le monde avec insécabilité. Pour ainsi dire, la grandeur d’une œuvre est intimement liée à la grandeur du vécu de son créateur. Il s’agirait de l’unique moyen d’incarner cette

puissance dont nous condenserions le feu. Il est alors question de la matérialité directe de notre volonté de puissance. Debord expose par ailleurs son contraire par la domination du spectaculaire sur l’Art de son temps : «Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre personnes, médiatisé par des images» (Debord: 1967). Qu’est donc l’Art mais alors? N’est finalement Art que ce qui exprime la vie. La vie, non pas au sens de continuum de notre existence, mais plutôt au sens de l’exercice de notre corps. Le Grand style en est la manière. Chacun des tracés ou des accords d’une œuvre se doit d’être l’articulation d’un corps. Il importe que les notes du chansonnier concré-

«L’Art est humain autant que les mers appartiennent aux océans» tisent la lourde et profonde respiration qu’il se peine à éprouver; que le balancement subtil d’une main ordonne le coup de pinceau du peintre. À l’instar, la danse est l’une des disciplines artistiques étant la plus portée, de par sa nature, sur la vie. Si l’on puit conclure, il apparaît que le Grand style, tant chez Nietzsche que chez Debord, tente de répondre à un profond malaise: la décadence d’une culture qui n’a plus aucun sens. Si l’on devait ne retenir qu’une chose du Grand style, c’est qu’il se veut la posture la plus humaine qu’il soit. Une posture humaine, trop humaine. x

société

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opinion

Lutter par le

, et non la

La liberté d’expression est cruciale si l’on veut éradiquer le racisme. marc-antoine gervais

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n 1763, Voltaire publiait son Traité sur la tolérance, ouvrage on ne peut plus opportun ces jours-ci. Il y affirme «qu’il faut regarder tous les hommes comme [ses] frères». Après la tragédie de Sainte-Foy, les Québécois ont fait preuve d’une telle fraternité par leurs gestes en soutien à la communauté musulmane. L’heure est désormais à l’examen de conscience. La lutte contre l’islamophobie requiert une injection de tolérance dans le débat identitaire québécois. Néanmoins, la censure ne nous permettra pas de parvenir à cette fin. Vers une confession du racisme au Québec Le 24 janvier 2017, Jeff Fillion niait l’existence même du racisme à Québec dans un échange avec le rappeur et historien Webster. Bien des Québécois partagent cet avis – c’est, dit-on souvent, un phénomène marginal et isolé, l’histoire d’une minorité. On se complait dans cette illusion. Jusqu’à récemment, on s’enorgueillissait en se comparant

aux Américains pour montrer l’absence d’animosité à l’égard des communautés culturelles au Québec. Après tout, c’est eux qui ont élu un président xénophobe. Si les tensions ethniques n’ont pas la même ampleur qu’aux États-Unis, l’islamophobie sévit néanmoins ici-même. Le problème est exacerbé par les amalgames dont certaines communautés sont victimes – plusieurs enchevêtrent le sens des mots musulman, arabe, islamiste et djihadiste. Le peuple québécois est désormais plus sensible à la question; il s’est récrié contre les sources de haine. Préserver le dialogue de toutes les idées Les radios d’opinion de Québec, notamment, ont été pointées du doigt. Qu’ils soient la racine ou le fruit de la xénophobie, les animateurs de ces radios ne devraient cependant pas être censurés pour leurs propos choquants. Légalement, la liberté d’expression est circonscrite: elle ne peut s’étendre jusqu’au discours haineux. Les propos qui choquent, s’ils n’expo-

sent pas autrui à la haine, sont permis. Il n’est pas souhaitable d’imposer des limites plus restrictives à la liberté d’expression. Milton, dans son combat contre la censure au 17e siècle, soutenait que la vitalité de la politique était tributaire de l’écoute des voix dissidentes. Il importe de ne pas tarir les sources de dissentiment, même si la majorité est contrariée. L’imposition des idées bien-pensantes mène au conformisme et à l’indifférence populaire; mais, dans le même temps, les idées des citoyens muselés fermentent. Si une idée déplaît, c’est par le débat social, et non par la censure, qu’elle doit être réprouvée. La dissidence est synonyme de courage, d’engagement et de créativité. Souhaite-t-on vraiment se priver de cette énergie en société?

Le débat nécessite le dialogue, et donc l’écoute de la position adverse

Le débat nécessite le dialogue, et donc l’écoute de la position adverse. Seulement, on réduit fréquemment au mutisme ceux qui touchent des cordes sensibles. La Maison de la littérature de Québec a annulé (et non reporté!) un événement portant

les a invités à…exprimer leurs idées au microphone. Les seules manifestations de fraternité ne suffiront pas pour enrayer l’islamophobie. Il faut également engager la discussion avec les gens qui expriment leurs

«Il faut également engager la discussion avec les gens qui expriment leurs craintes à l’égard des musulmans» sur la diaspora arabe, craignant que Mme Benhabib offense la communauté musulmane endeuillée. L’expérience de Radio-Canada à l’UQAM sur la liberté d’expression brosse un portrait troublant de la situation dans les universités. On y apprend que certaines associations étudiantes vont jusqu’à interdire tout conférencier proférant des propos qu’elles jugent «inacceptables». À McGill, en avril 2016, des détracteurs de Jean Charest l’ont bâillonné à sa conférence. Une importune colportait sur son affiche le message suivant: «Ne pas limiter l’expression des communautés.» Ironie du sort: l’ancien premier ministre, brimé,

craintes à l’égard des musulmans. «De toutes les superstitions, la plus dangereuse, n’est-ce pas celle de haïr son prochain pour ses opinions?», demandait Voltaire il y a deux siècles et demi. Aujourd’hui, j’ose croire que la pratique de la religion de son choix sans stigmatisation aucune fait partie de nos fameuses valeurs. J’estime donc que le devoir civique de lutter pour cette valeur incombe aux citoyens québécois. Le débat identitaire doit avoir lieu dans la tolérance. C’est par les échanges non réprimés entre les communautés que les Québécois pourront concourir vers cet idéal. x

AGA &

MiniAppel de candidatures Les membres de la Société des publications du Daily (SPD), éditeur du McGill Daily et du Délit, sont cordialement invités à sa Mini-ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ANNUELLE :

Le mercredi 29 mars @ 18 h 30 Pavillon des Arts, Salle 145

La présence des candidat(e)s au conseil d’administration est fortement encouragée.

La SPD recueille présentement des candidatures pour son conseil d’administration. Les candidats doivent être étudiant(e)s à McGill, inscrit(e)s aux sessions d’automne 2017 et d’hiver 2018, et aptes à siéger au conseil du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018. Le poste de représentant(e) communautaire est également ouvert. Les membres du conseil se rencontrent au moins une fois par mois pour discuter de la gestion des journaux et des sites web, et pour prendre des décisions administratives importantes. Pour déposer votre candidature, visitez : dailypublications.org/how-to-apply/?l=fr

Date limite: le mardi 28 mars @ 17 h

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société

le délit · mardi 14 mars 2017 · delitfrancais.com


Innovations innovations@delitfrancais.com

A la conquête de l’espace

D’anciens mcgillois toucheront peut-être les étoiles. Margot hutton

Le Délit

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n juin 2017, l’Agence Spatiale Canadienne (ASC), a annoncé la quatrième campagne de recrutement d’astronautes du pays. Au total, ils ont récolté près de 3300 demandes, et 1706 candidats ont été reçus à l’examen d’entrée à la fonction publique, sur lesquels 163 ont été retenus suite à un examen rigoureux de leur dossier. Au total, 100 candidats ont été retenus pour passer les tests préliminaires, mais ils n’étaient pas au bout de leurs peines: ce nombre a ensuite été réduit à 72, et aujourd’hui, seulement 32 sont toujours dans la course. Trois d’entre eux, Vincent Beaudry, Julie Bellerose et Jennifer Anne MacKinnon Sidey sont d’anciens étudiants de l’Université McGill. Qui sont-ils? Tous les trois nés au Canada et détenteurs

d’un baccalauréat en génie mécanique de l’Université McGill, ils travaillent dans des domaines

cinant de la NASA qui l’a incitée à travailler pour eux. Jennifer Anne MacKinnon Sidey éter-

Capucine lorber liés à l’aéronautique. Pour eux, devenir astronaute permettrait de sortir de leur zone de confort, mais aussi de réaliser un rêve, notamment pour Vincent Beaudry, qui a toujours désiré exercer ce métier. Pour Julie Bellerose, ce fut la découverte d’un projet fas-

nelle passionnée de science, s’est laissée convaincre de postuler à l’ASC. Qu’est-ce qui les attend? Premièrement, une préparation intensive jusqu’à cet été,

moment où les deux candidats qui se rendront au Texas pour l’entraînement d’astronaute seront annoncés. Cet entraînement effectué au sein de la NASA se déroulera sur une période de deux ans. Si l’un d’entre eux parvient à se rendre jusque-là, il pourra ensuite espérer s’envoler vers la Station Spatiale Internationale (SSI, pour des missions de maintenance principalement, mais aussi des missions spatiales plus conséquentes, pour lesquelles un entraînement plus long et poussé est requis. Il faut savoir qu’il devra aussi faire la promotion des carrières scientifiques (science, technologie, génie, mathématiques) au Canada auprès des jeunes. Pourquoi est-ce important? Il est clair que l’ASC n’est pas aussi développée que la NASA de nos voisins américains. Cette campagne permet de faire la promotion de cette agence, peu connue à

l’heure actuelle. Avoir un ancien étudiant de l’Université McGill parmi les futurs astronautes canadiens serait non seulement honorifique pour l’Université, mais aussi pour la province de Québec, représentés notamment par David Saint-Jacques, Marc Garneau, ou Julie Payette dans la conquête de l’espace aujourd’hui. À l’heure actuelle, l’ASC ne comporte que deux astronsautes actifs. La campagne actuellement en cours va donc doubler les effectifs, ce qui n’est pas négligeable. Compte tenu de la rigueur des critères d’admission pour le métier, nous ne pouvons que féliciter nos braves candidats. En effet, des compétences scientifiques et techniques de haut niveau sont de mise, et leur condition physique doit être plus qu’irréprochable. De plus, les conditions de travail nécessitent un mental d’acier. Nous souhaitons néanmoins bonne chance aux trois candidats pour le reste de leurs tests d’aptitude.x

La région montréalaise sur un petit nuage Retour sur le lancement d’une région infonuagique Google Cloud à Montréal. Louisane raisonnier

Le Délit

proposer l’ensemble de la plateforme Google Cloud.

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a nouvelle plateforme de cloud computing proposée par Google fournit à ses utilisateurs des produits permettant de construire une gamme de programmes, procédés et d’applications complexes. Ce nouveau système offre également d’autres services, comme un stockage d’informations bien plus important que le fameux Google Drive, le calcul de données complexes, des applications de traduction plus développées que le système de traduction basique déjà offert par la firme, en plus de services de prévision financière.

Bonne nouvelle pour les étudiants

Un succes immédiat Dès son instauration, les salariés de Google furent conquis par l’efficacité de ce système. Son succès s’est rapidement propagé à l’échelle internationale, et des régions infonuagiques continuent d’être implantées au quatre coins du monde. Pour certains, la plateforme est devenue un véritable outil de travail. C’est pourquoi, jeudi dernier, Google a annoncé le

Mahaut Engerant lancement de la première région infonuagique à Montréal. Montréal: carrefour informatique L’objectif de la plateforme Google Cloud est permettre à ses utilisateurs d’y avoir accès rapidement et en tous lieux. C’est donc d’un point de vue stratégique que Google a décidé d’instaurer

le délit · mardi 14 mars 2017 · delitfrancais.com

la première plateforme Google Cloud canadienne à Montréal. Montréal, carrefour de l’innovation et du dynamisme informatique, en plus d’être une ville très active, ne peut que bénéficier de cette inauguration. La nouvelle région infonuagique établie à Montréal se veut de plus être si importante que la portée de son signal s’étendra et sera reçu

jusque dans les villes voisines, comme par exemple la capitale du pays, Ottawa. Cette nouvelle région offrira une plus faible latence aux zones géographiques avoisinantes, ce qui signifierai donc moins de délai de transmission dans les communications informatiques. Ses utilisateurs tireraient donc avantage de la haute performance que prétend

La plateforme infonuagique s’est donnée pour objectif d’évoluer et de continuer à développer de nouveaux outils informatiques afin de pouvoir desservir différents types de clients, que ce soit des hommes d’affaires à haute responsabilité, des salariés de type régulier, des petits commerçants ou encore des jeunes essayant de créer leur propre start-up. C’est d’ailleurs cette accessibilité que cherche à transmettre Google, en incitant les jeunes étudiants à l’utiliser pour pouvoir démarrer des projets complexes, comme par exemple des studios de jeux vidéos, déjà réalisés par le passé. Dans le futur, Google souhaiterai améliorer la facilité d’utilisation de cette plateforme, afin que chaque rêve puisse aboutir à un projet. Quoi de mieux pour les étudiants montréalais, connus pour leurs esprits innovants. Le message est donc clair: à vos idées! x

INNOVATIONS

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Culture articlesculture@delitfrancais.com

musique

Briser les murs du son

Entre Berlin et Istanbul, DJ Ipek mixe par delà les stéréotypes.

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e Délit (LD): Pourriez-vous vous présenter brièvement? DJ Ipek (DI): Mon nom est Ipek İpekçioğlu, mon nom de scène est DJ Ipek. Je suis née en Allemagne et j’ai grandi en partie en Turquie mais surtout en Allemagne. J’ai étudié l’assistance sociale et pendant mes études j’ai commencé à «DJ», c’était il y a 22 ans. Depuis je travaille en tant que DJ, créatrice, productrice et je fais aussi du management culturel. Et je fais aussi des workhops à travers le monde. Je suis aussi une activiste, en particulier au sein de la scène immigrante. Je fais partie de la seconde génération d’immigrants turcs en Allemagne ainsi que de la scène immigrante LGBTQI (Lesbienne, Gay, Bisexuel·le, Transexuel·le, Queer et Intersexué·e, ndlr.) mais aussi de la scène artistique. Je travaille aussi avec le Antioch College en Ohio au sein de leur programme d’études du genre et études féministe depuis une quinzaine d’années. De plus, j’écris des textes et des essays sur les identités hybrides et les groupes de pairs. Et je suis aussi membre du female pressure network. LD: Pouvez vous nous dire quelques mots à propos de ce dernier? DI: Female pressure est un réseau international et une base de données de personnes s’identifiant comme femmes qui sont

«Je mixe toutes les langues et tous les styles» des musiciennes, des artistes plastiques, des productrices, des DJs etc… qui sont partout dans le monde. On communique entre nous via courriel. On discute par exemple du sexisme au sein de la scène musicale électronique. Autre exemple, on essaye de créer

une immigrante. Lorsque j’ai réalisé que je ne faisais pas vraiment partie de ce pays je suis devenu plus en plus consciente de mon identité: j’avais l’air différente, je parlais différemment, etc. Puis je me suis rendu compte de mon lesbianisme donc ça a apporté une autre dimension à mon identité. En Turquie il faut faire face à de l’homophobie, etc. Et en Allemagne à du racisme, du à un passage d’une monoculture à une culture plurielle, dynamique. Du coup il y a toujours eu une sorte d’épée de Damoclès au dessus de moi.

dior sow

«En tant que femme on ne reçoit toujours pas beaucoup d’offres pour mixer» une base de données qui rassemble des informations sur les politiques des festivals électro lorsqu’il s’agit de sélectionner ou pas des artistes femmes. On fait aussi des compilations pour supporter des mouvements féministes, comme par exemple les Pussy Riots. LD: Comment tu définis ta musique? DI: J’aime appeler ma musique ecclectic berlinistan: éclectique parce que ce n’est pas que de l’électro, j’aime la diversité, je passe de sons folks à des sonorités plus électroniques et je DJ des musiques du Moyen-Orient mais aussi des Balkans et de l’Asie du Sud-Est. Je mixe toutes les langues et tous les styles. J’adore danser et j’adore les danses folkloriques donc il y a ça aussi! C’est pour ça que mon public a ou apprend à avoir une compréhension diversifiée de la musique. C’est important d’introduire les gens à de nouvelles sonorités!

UN HOMME 50 MILLIARDS D’EUROS UN DES PLUS GRANDS SCANDALES FINANCIERS

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LD: Qu’est ce que vous considérez comme les plus grands défis aujourd’hui pour les femmes et les autres groupes marginalisés quand il s’agit de se lancer dans les industries créatives? DI: Et bien maintenant c’est beaucoup facile qu’avant c’est sûr! Au niveau du matériel c’est par exemple beaucoup plus facile aujourd’hui de devenir DJ. Mais en tant que femme on ne reçoit toujours pas beaucoup d’offres pour mixer. Et moi par exemple j’ai choisi de ne pas DJ seulement dans la scène LGBTQI car ça reste très limité pour moi et je ne veux pas me mettre de barrières. Je n’ai pas envie d’être un DJ «niche» et je me rends compte que dans mon style musical je suis une des seules femmes encore aujourd’hui. Donc oui, il y a plus d’accès technique, mais au niveau de la formation c’est encore compliqué d’y avoir accès. C’est pour ça que je donne des workshops pour les femmes, pour faciliter l’accès et aussi enlever certaines peurs et

mythes que les femmes ont vis-àvis du milieu. LD: Est ce que vous avez l’impression que la marginalisation est encore plus forte dans le monde de la musique électronique? DI: Oui parce que en plus c’est un monde assez cloisonné en général: il y a beaucoup de sous genres et les DJs restent vraiment dans leur type de musique. Alors que par exemple la pop est plus ouverte à des influences extérieures. Donc oui, et en plus de ça la scène électro est dominée à 95% par les hommes, ils reçoivent de meilleures compensation financières et de meilleures offres et ont beaucoup plus confiance en eux. LD: Et pourquoi votre activisme est important pour vous? DI: Et bien j’ai grandi en Allemagne et bien que je ne me voyais pas forcément comme une immigrante à la base. Il faut quand même dire que l’Allemagne reste un pays assez monoculturel, du coup ils m’ont «appris» que j’étais

LD: Pensez vous que l’art devrait être lié à l’activisme politique? DI: Ce n’est pas pour tout le monde, il y a des gens qui ne sont pas forcement liés au problèmes politiques. Il y a aussi le problème que si certains artistes venaient à devenir politiques ils perdraient de leur popularité. Donc beaucoup n’ont peut-être pas le droit d’être trop politique. L’art peut être juste de l’art mais pour moi c’est ma décision d’utiliser ma position et mon influence pour avoir un impact autour de moi. Aussi minime qu’il soit. C’est pour ça que je fais beaucoup de projets politisés. Par exemple lorsque 1200 personnes se sont fait gazés en Syrie – j’étais en Irak à l’époque j’ai fait un recording en mémoire. LD: Quelles sont vos projets futurs? DI: J’en ai pleins! Je travaille toujours sur mon album (rires). J’aimerais écrire un livre aussi sur mes expériences mais ça j’ai encore le temps. Je crée aussi des festivals, en ce moment je travaille sur un festival qui s’appellera Displaced, Replaced entre Berlin et Istanbul pour parler des mouvements migratoires qui se passent de plus en plus. x Propos recueillis par Dior Sow & Chloé Mour Le Délit

“Ce thriller financier est une réussite.”

“Barratier transforme l’affaire Kerviel en fable passionnante.”

DÈS LE 17 MARS Culture

le délit · mardi 14 mars 2017 · delitfrancais.com


musique

Ipek aux À la découverte du DJing avec Ipek İpekçioğlu. Louise Kronenberger

«Cette séance a permis aux participantes de découvrir une pratique et des matériaux qui ne sont pas nécessairement accessibles à tous, encore moins aux femmes»

Le Délit

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ardi 7 mars, le Studio XX a accueilli DJ Ipek pour un atelier d’introduction au DJing. Dans une ambiance intime, une dizaine de participantes s’y sont rendues afin d’apprendre les techniques de base. Débutantes et confirmées étaient au rendez-vous, afin de participer à cet échange de connaissances dans une atmosphère de partage. Ipek İpekçioğlu, alias DJ Ipek, est dans le milieu de la musique électronique depuis environ 25 ans, et a joué dans des festivals importants tels que Glastonbury, Fusion et Sziget. D’origine turque, elle est basée entre Istanbul et Berlin, où elle fait partie des DJs les plus populaires. Elle anime les scènes nocturnes à travers le monde depuis des années. En plus de cela, elle offre régulièrement des ateliers, en général de trois jours, afin d’initier le public aux techniques du mixage et de la musique électronique. Elle possède un genre très éclectique, et a en tête un but précis: faire danser. Pendant cette séance de trois heures, la DJ a introduit

différents outils afin de pouvoir commencer à mixer. On commence dans un premier temps à se présenter mutuellement afin d’en apprendre un peu plus sur l’expérience de chacun. Puis, les participantes sont invitées à manipuler les platines qui leur sont mises à disposition.

Ipek pose les bases, petit à petit. Elle montre tout d’abord les branchements des platines, ainsi que des enceintes. Après cette mise en place, la DJ explique comment utiliser les différentes fonctions de ces platines, tout en étant très à l’écoute des participantes. Finalement, après

avoir acquis les bases des bases, Ipek invite les participantes à expérimenter librement d’ellesmêmes les possibilités qu’offrent le matériel. C’est le moment de mettre en pratique ce que l’on a appris lors de la soirée. Cet atelier était l’occasion d’expérimenter et d’échanger

des savoirs entre participantes. Le Studio XX est un espace artistique féministe qui offre la possibilité aux femmes et à tous, d’utiliser cet espace afin d’expérimenter et de pratiquer l’art en général. Cette séance a permis aux participantes de découvrir une pratique et des matériaux qui ne sont pas nécessairement accessibles à tous, encore moins aux femmes, surtout lorsque l’on débute le DJing. On est maintenant parée pour mixer à la prochaine soirée d’anniversaire. x

de Prochain épisode. J’avais emporté avec un moi un roman qu’il me tardait de lire, le premier tome de La Crucifixion de la Rose, Sexus de Henry Valentine Miller, offert par un ami dont j’estime plus que quiconque le goût en littérature. C’est dire. 200 pages et autant d’éclats de rire plus tard — éclats de rire qui provoquaient l’étonnement de mon entourage, peu habitué à envisager la littérature sous cet angle —, accidere. Une erreur d’impression a fait sauter un cahier, le remplaçant par un autre. Résultat: trente-deux pages manquantes, trente-deux pages en double. Comment continuer ma lecture? Qui me veut du mal, au point de venir interrompre mon expérience de deux opus magnum en l’espace de quelques semaines? Un accident, je veux bien croire à un mauvais coup du sort. Mais ça, c’est l’œuvre de forces supérieures qui cherchent à me

nuire, comme à Antonin Artaud pour son manuscrit perdu. À moins que je sois soumis, comme tous mes semblables, au hasard, à la contingence de la vie. Après tout, pourquoi suis-je ici? Ces deux accidents — trois, en fait, si je compte l’originel — en appellent un autre qui n’aurait dû, lui non plus, jamais arrivé. Rien de tout cela n’aurait dû arriver. Tu m’avais pourtant prévenu, mais je m’étais raconté des histoires. J’ai cru à ces contours que j’esquisse en t’écrivant. Et je pars de chez toi, comme dit l’expression populaire, à «contre-cœur», parce que tu ne lui as pas, en m’embrassant, donné licence de me suivre. Me voilà à marcher seul vers le lointain, ma petite tête remuant encore les raisons de ton absence, alors que mes jambes me traînent dans le vide de la nuit la nuit la nuit. x

chronique

Quelques accidents Baptiste Rinner | Diversion littéraire

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a chronique a été rattrapée par la vie. Un mois maintenant que je n’ai pas écrit, que je n’ai pas eu la force de me confronter à cette douleur. MAIS, mais mais mais j’ai des excuses... Toujours. Depuis que ce projet mûri dans ma petite tête, j’ai envie d’écrire une chronique sur ce film allemand que j’aime tant, Toni Erdmann — mon coup de

cœur Délit de l’année quand même, alors que j’aurai pu citer Critique du rythme, A Woman Under The Influence ou, plus récemment, Devendra Banhart. Mais cette chronique à partir de Toni Erdmann ne se fera pas, et j’en suis le premier attristé. J’ai voulu revoir une troisième fois ce film qui m’a tant secoué, à l’occasion de sa sortie montréalaise. Direction donc mon refuge du Cinéma du P*** — après ce qui suit, je ne voudrais pas leur faire de promotion gratuite — avec une amie, à qui j’avais survendu le film. Tout était planifié. Aller au cinéma. Payer son dû. S’asseoir confortablement et se laisser envahir. Rentrer chez nous et écrire — le jour-même, pour s’éviter les foudres de mon éditrice. Mais le projectionniste en a décidé autrement: il a lancé, par erreur, une version du film pour sourds et malentendants. Je vous fais un dessin: en sous-

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titres, la traduction de l’allemand; en surtitres jaune fluo, aux deux-tiers de l’écran, les descriptions des actions et des bruits environnants. Passe encore. Ça se corse dans les scènes dialoguées en anglais. Nouveau dessin: plus rien en sous-titres, réservés à l’allemand, et en surtitres, aux deux-tiers de l’écran, en couleur jaune fluo, les répliques en anglais — qui barrent accessoirement les visages de Sandra Hüller et Peter Simonischek. Et ce film, qui se veut une diversion de notre société fonctionnaliste, devient malgré lui la victime de ce qu’il dénonce. Je quitte la salle après une demi-heure, sous le regard suspect des autres spectateurs, qui s’avéraient être des sourds et malentendants. Mais ce n’est pas le seul accident esthétique qui me soit arrivé ces dernières semaines. Je pensais être à l’abri de la vie dans ce chalet suisse, où j’étais sur les traces du narrateur

Culture

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chronique d’expression creative

Ligne de fuite PARLONS MÉTÉO

J’veux bouffer des nuages sous l’orage d’une nuit d’été Quand l’ciel fait un tapage d’adolescent tourmenté J’veux gouter aux cépages de cinquante nuances de neige Laisser brouiller l’image d’un blanc pur et florilège J’veux suivre les adages d’un fin crachin Parisien Apprécier sa gaieté et son p’tit sourire en coin J’veux noircir les pages de l’Azur au zénith En nage d’avoir couru en vain après son point de fuite Et autant que possible, À temps pour me souvenir De parler sans rien dire De parler météo

lucas mathieu

chronique visuelle

Opini-art-re

«Burn it! Burn it! Burn it!»

ThÉophile Vareille

Le Délit

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Culture

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Vittorio Pessin X Pedram Karimi

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Culture

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Entrevue

Le vêtement, sans genre, sans temps

Rencontre avec Pedram Karimi, un incourtounable de la mode montréalaise.

L

est d’inspiration végétalienne. J’utilise des matériaux recyclés à partir de bouteilles en plastique, appelé polyester. Ça ressemble à du cuir mais ça n’en n’est pas, et c’est très cher. Mais pour revenir au futur de la mode, je la vois devenir davantage pratique et rationnelle. Les entreprises qui produisent les tissus auront peut-être des équipe de designers qui créeront eux-mêmes les formes, etc. Tel que Zara qui a opté pour un modèle d’entreprise d’intégration verticale. Ils font donc les choses eux-mêmes et sont plus rapides. En dix jours seulement ils peuvent mettre sur le marché un produit. J’entrevois donc des entreprises de fabrique de tissu, comme de coton organique ou lin, qui commenceront à présenter leurs propres collections et les gens achèteront. Car de plus en plus les clients questionnent et cherchent des produits durables.

e Délit (LD): Peux-tu te présenter? Comment as-tu intégré le milieu de la mode? Quel est ton parcours? Pedram Karimi (PK): Je suis né en Iran et j’ai grandi en Autriche. Je suis ensuite parti à Londres pour une formation en coiffure. Làbas je suis tombé amoureux et je voulais absolument rester, du coup quand j’ai fini ma formation j’ai postulé pour des études de marketing en création de mode à la London College of Communication. Un an après j’ai réalisé que je préférais plus l’aspect design donc j’ai créé un portfolio et j’ai postulé au programme de design.C’est comme ça que je suis rentré dans le domaine. Après trois ans, je n’avais plus les moyens de rester, donc je suis parti au Canada. Je suis resté dix mois à Toronto avant de partir faire un programme intensif de deux ans au Collège Lasalle. En sortant de là-bas aucune compagnie mainstream ne voulait me donner du travail. Donc une de mes amies, Julie Bérubé, qui était ma mentor à Lasalle et qui est maintenant directrice de Field of Ponies à Londres m’a dit «Pourquoi ne te lancerais-tu pas tout seul? Tu es déjà bon dans ce que tu fais, tu t’en fous de ces personnes qui ne veulent pas t’employer». C’est comme ça que j’ai décidé de créer ma propre marque. LD: Quelles sont tes sources d’inspirations? PK: Au début c’était mes amis et surtout mes sœurs. L’une d’elles a quatre ans et demi de moins que moi et on est très proches. Quand elle a déménagé ici, elle était ma muse et je m’amusais à l’habiller. Elle volait toujours mes vêtements, tandis que moi j’allais fouiller dans son placard. Cette forme d’androgynie, de neutralité, de fluidité du genre dans mon travail vient du fait que on utilisait chacun les vêtements de l’autre. LD: Comment définirais-tu ta marque de vêtement? PK: C’est sans distinction de genre (gender-free, ndlr) et il n’y a pas d’attachement quelconque. C’est très neutre, tu peux en faire ce que tu veux. LD: Est-ce que ça suit certaines tendances tout de même? PK: Les femmes qui me suivent, elles en suivent oui. Mais j’ai commencé il y a sept ans et depuis c’est toujours la même chose. Il y a sept ans je portais et je créais les mêmes genres de vêtements que je porte et crée aujourd’hui. Bien que je vienne d’Iran, je ne perçois pas cela comme une des influences de mon travail. Je n’ai pas grandi entouré de kaftans et de tuniques. La simplicité dans mes créations vient davantage d’Autriche car c’est un endroit où les gens sont très minimalistes, les gens ont un look très garçon manqué et simple. LD: Aujourd’hui tu penses faire des vêtements pour qui? PK: Je fabrique des vêtements pour n’importe quelle personne qui possède un esprit moderne. J’aime voir des individus adopter mes vêtements minimalistes et les adapter à leur propre garde robe et leurs propres styles. LD: Tes vêtements ne ciblent pas un genre spécifique donc. Quelle est donc ta vision sur le genre et la mode?

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entrevue

LD: Le monde de la mode est souvent perçu comme très élitiste et déconnecté du monde. Qu’en penses-tu? PK: Je pense au contraire que c’est très connecté. Toutefois, en ce moment l’inspiration vient de la rue, et les marques qui récupèrent ces styles et en font quelque chose de luxueux, elles, elles sont déconnectées. Elles vont vous vendre un t-shirt qu’on peut trouver à l’Armée du Salut, l’acheter à deux dollars, y ajouter un petit élément, et vous le vendre à 200 dollars. D’autre part, le monde est de plus en plus occidentalisé. En Corée du Sud par exemple, il y a trente ans, sûrement que les habitants portaient des vêtements traditionnels. Aujourd’hui, leurs enfants portent des habits à la mode, occidentaux. Et beaucoup de familles de nouveaux riches sont prêts à dépenser pour ces vêtements et en ont les moyens.

Vittorio Pessin

«J’aime l’idée d’ignorer cet aspect genré et créer sans penser à ce qui est masculin ou féminin» PK: La mode, beaucoup de modes sont toujours guidées par le genre. Les gens disent «Oh c’est tellement féminin! Oh, c’est tellement masculin!». Dans ma dernière campagne de mode, j’ai mis des hommes avec des tenues douces, dans un style ballet avec des pointes et des sous-vêtements presque féminins. Je pense que c’est important de créer la confusion. J’aime l’idée d’ignorer cet aspect genré et créer sans penser à ce qui est masculin ou féminin. De plus en plus aussi, depuis ma seconde collection, j’utilise de la dentelle pour les hommes et c’est intéressant. N’y a-t-il pourtant pas plus féminin que la dentelle? LD: Que penses-tu de l’industrie de la mode aujourd’hui? Est-ce toujours aussi genré ou a-t-elle évolué? PK: L’industrie devient de plus en plus horrible. Elle est détenue par ces énormes entreprises comme H&M qui poussent à ce qui il y ait plus de collections, de modes. Avant il y avait les collections Printemps/Été/ Automne/Hiver et de quatre on est passé à huit puis seize collections par année qui deviennent des micro-collections. C’est devenu une machine à faire de l’argent, comme un rat sur sa roue qui va à toute vitesse. Beaucoup de designers commencent toutefois à se rebeller. Ces tendances n’ont plus de direction, elles ne

sont plus signifiantes. Qu’est-ce que la mode? Les gens font bon leur semble désormais car c’est devenu saturé, il n’y a plus rien d’excitant. LD: Il y a clairement une composante politique dans ton travail. Est-ce que d’après toi la mode se doit d’être politique? PK: Je pense qu’elle a toujours été et le sera toujours. C’est une conversation entre ce qui se passe dans le monde et la réaction des artistes, des individus. Parfois la conversation aboutit à une entente. Les gens sont d’accord et vont suivre. Tandis que parfois les gens s’opposent. C’est un dialogue entre le pouvoir en place et notre pouvoir. C’est bien que nous ayons une voix pour nous exprimer. En Iran par exemple, ou d’autres pays islamiques, les corps sont recouverts et on ne voit que le visage. Ce visage est rempli de maquillage et d’expressions car c’est la seule chose que l’on voit et la personne s’approprie cette partie visible. Il y a toujours un moyen de s’exprimer malgré le fait que les gouvernements ou les sociétés cherchent à réprimer et dicter nos modes de vie. LD: Quel est le futur de la mode selon toi? PK: Je pense que de plus en plus que les designers comme moi cherchent à savoir d’où viennent nos matières premières. Ma marque

LD: Qu’en est-il de l’industrie de la mode à Montréal? PK: Il n’y pas vraiment d’industrie de la mode ici. Il y a trente ans, il en existait une et elle était réputée et beaucoup de vêtements étaient produits ici, 70% du marché nord-américain. Maintenant, il n’y a plus rien de produit localement, mis à part les petits designers comme moi. La seule qui réussit à préserver son héritage est Marie St Pierre. Elle est dans le milieu depuis plus de trente ans et arrive toujours à vendre et se renouveler. Autrement, c’est dur de se faire de l’argent, il n’y a pas de scène ici. LD: Y-a-t-il beaucoup de femmes dans le monde de la mode? PK: Pas vraiment. C’est pour ça que j’adore Miuccia Prada. C’est une survivante, elle est là et sort des collections de jupe sur jupe sur jupe (rires.) Elle est féministe et est très cool. C’est la seule femme au milieu de tous les grands noms de la mode. Mais oui, c’est un monde dominé par l’homme! x

Pedram Karimi présentera une installation lors de la Montréal Fashion Tech le 30 Mars à 17h au Musée McCord Propos recueillis par

Dior Sow & Chloé Mour Le Délit

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