Édition du 24 janvier 2017.

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Mardi 24 janvier 2017 | Volume 106 Numéro 11

Fait peur à ta go depuis 1977


Volume 106 Numéro 11

Éditorial

Le seul journal francophone de l’Université McGill

rec@delitfrancais.com

SEOUM et les résidences Mcgilloises Pour un statut d’employé au floor fellows.

Ikram Mecheri

Le Délit

A

près des mois de négociations infructueuses, le Syndicat des employé·e·s occasionnel·le·s de l’Université McGill (SEOUM) a finalement réussi à conclure une entente avec McGill, malgré les nombreux échecs qui ont précédé. Ainsi, les employés de Classe A verront leur salaire passer de 10,65 à 13,75 dollars de l’heure. Nous sommes encore loin du 15 dollars de l’heure que demandait le syndicat. Cependant, ce compromis reste une amélioration pour une institution qui n’a pas eu l’écoute facile au cours de ces derniers mois. Pour les employés de Classe B et C, cette augmentation de salaire se fera de manière graduelle au cours des prochains mois. Néanmoins, si la majorité des membres du SEOUM ont de quoi se réjouir, cet accord laisse un goût amer pour ceux qui ne bénéficient pas du statut d’employé: les floor fellows. En effet, McGill refuse

toujours de leur reconnaître ce statut, et justifie par cette situation le choix de ne pas leur verser de salaire. Cette problématique se retrouve aujourd’hui devant les tribunaux (voir page 6). Si bien qu’aujourd’hui les floor fellows ne touchent pas de salaire. En contrepartie, l’Université leur offre logement et subsistance, bien que l’absence de bail ou de contrat officialisant la situation n’offre aucune garantie à ces travailleurs si particuliers quant à leur statut. Selon le SEOUM, cette situation fragilise le syndicat en entravant leur droit à l’association. Quant au niveau individuel, cette situation précarise le statut des étudiants qui offrent ces services et ceux qui en bénéficient. Premiers intervenants auprès des étudiants en première année, le rôle des floor fellows est doublement important dans le contexte mcgillois de pénurie de ressources dédiées à la santé mentale. McGill rencontre toujours des

difficulté à rendre ses services accessibles dans des délais raisonnables, alors que les étudiants nouvellement arrivés nécessitent une attention particulière pour une intégration réussie. En leur assurant un soutien psychologique, ces intervenants de première ligne viennent pallier les problèmes structurels de l’institution. L’officialisation du statut de floor fellows serait un gain net pour l’Université. Les conditions d’accueil des nouveaux étudiants impacte considérablement leur capacité à s’émanciper et à s’épanouir, et donc dans le même temps le rayonnement de l’institution. Un statut d’employé permettrait aussi de mieux encadrer leurs obligations tout en assurant un service plus constant auprès des étudiants. Si l’imprécision des informations concernant le salaire ne nous permet pas de trancher cet aspect de la question, une première étape consisterait d’abord à leur octroyer un contrat de travail afin de mettre fin à cette intenable situation. x

«Les conditions d’accueil des nouveaux étudiants impacte considérablement leur capacité à s’émanciper et à s’épanouir, et donc dans le même temps le rayonnement de l’institution»

rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Ikram Mecheri Actualités actualites@delitfrancais.com Antoine Jourdan Sébastien Oudin-Filipecki Théophile Vareille Culture articlesculture@delitfrancais.com Chloé Mour Dior Sow Société societe@delitfrancais.com Hannah Raffin Innovations innovations@delitfrancais.com Lou Raisonnier Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Baptiste Rinner Coordonnateurs visuel visuel@delitfrancais.com Mahaut Engérant Vittorio Pessin Multimédias multimedias@delitfrancais.com Arno Pedram Coordonnatrices de la correction correction@delitfrancais.com Nouédyn Baspin Sara Fossat Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Coordonnatrice réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Louise Kronenberger Événements evenements@delitfrancais.com Lara Benattar Contributeurs Ronny Al-Nosir, Clémence Auzias, Yves Boju, Bastien Carrière, Philippe Chassé, Anne Gabrielle Ducharme, Samuel Ferrer, Amandine Hamon, Margot Hutton, Maxime Lhoumeau, Lisa Marrache, Murat Polat, Thais Romain, Simon Tardif, Samy Zarour Couverture Mahaut Engérant & Vittorio Pessin

bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 0E7 Téléphone : +1 514 398-6790 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard & Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Sonia Ionescu Conseil d’administration de la Société des Publications du Daily Zapaer Alip, Niyousha Bastani, Marc Cataford, Julia Denis, Sonia Ionescu, Ikram Mecheri, Baptiste Rinner, Igor Sadikov, Boris Shedov, Alice Shen, Tamim Sujat

2 Éditorial

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavant réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

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Actualités actualites@delitfrancais.com

Le chiffre à retenir

8000

marcheurs, c’est le nombre, avancé par les organisateurs, de participants à la Women’s March de Montréal. x

Les mots qui marquent

«Les chattes sortent leurs griffes»

À suivre

Cette semaine

Cette semaine

Semaine sur la santé mentale

Recrudescence de vols sur le campus?

Séminaire sur le traitement jouralistique des sujets autochtones

La AÉUM organise, entre les 23 et 29 janvier, une semaine sur la santé mentale. Pendant sept jours, des événements seront organisés quotidiennement pour parler librement des problèmes psychologiques auxquels sont confrontés de nombreux étudiants. x Un des nombreux slogans

entendus et présents sur les pancartes à la Manif des Femmes de Montréal, ce samedi 20 janvier, à l’esplanade de la Place des Arts. x

La Direction de la protection et de la prévention de l’Université (Campus Public Safety), de même que de nombreux autres acteurs sur le campus comme Rezlife et le Service de logement étudiant et d’hôtellerie, lance un appel à la vigilance après le vol de deux ordinateurs portables. Ces derniers rappellent l’importance de ne pas quitter ses affaires personnelles des yeux et de ne pas hésiter à signaler au Service de Sécurité (514-398-3000) tout comportement suspect. x

The Link, le journal étudiant de Concordia organisera vendredi 27 janvier un seminaire à propos du traitement journalistique des sujets touchants aux communautés autochtones. Au programme, des discussions sur la façon dont les stéréotypes et l’oppression peuvent être perpétués à l’écrit, et comment l’on peut améliorer l’éthique de la prose journalistique. x

À suivre Semaine de la souveraineté 2017 Le Mouvement des étudiants souverainistes de l’Université de Montréal organise, entre le 26 janvier et le 2 février, une semaine de la souveraineté. Plusieurs conférences auront lieu, qui donneront la parole à des personnalités du mouvement, dont Mathieu Bock-Côté et Jean-François Lisée. x

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actualités

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Montréal

«On n’est pas des Trumpettes» Une manifestation anti-Trump et pour la parité.

Bastien Carriere

ThaIs Romain & Lisa marrache

Le Délit

«L

e plafond de verre ne pourra être brisé par une seule femme. Indignez-vous et battez-vous contre une misogynie latente». Telles furent les grandes lignes de la Women’s March de Montréal. Le 20 janvier 2017 marque un tournant dans l’histoire de la politique américaine. Donald Trump, élu 45e président des États-Unis, est investi et prête serment qu’il «sauvegardera, protégera et défendra la constitution des États-Unis». Considérant ses actes et paroles durant la campagne, peut-on vraiment espérer qu’il poursuive la lutte pour la parité homme-femme tant ancrée dans les valeurs américaines? Malheureusement, les 9 000 manifestants présents sur la Place des Arts de Montréal au lendemain de l’investiture témoignent que tout le monde n’est pas convaincu. Le mouvement Women’s March a pour but de lutter contre le gouvernement Trump et ses propos sexistes et racistes. Cette démarche fut initiée par Rebecca Shook, une avocate sexagénaire américaine qui, en réaction à sa frustration, créa un événement Facebook qui devint viral en seulement 24 heures. À Montréal et dans 33 autres villes du Canada, non seulement des femmes, mais également des hommes, des jeunes, des person-

nes âgées, qui d’habitude se sentent impuissants et facilement découragés, se sont réunis pour montrer leur unité et leur solidarité. Parmi les manifestants, nous abordons Kristiane, une québécoise d’une trentaine d’année enBastien Carriere

viron, qui brandit fièrement son panneau «Résiste». Elle affirme que l’élection de ce nouveau président l’a bouleversé: «Aussi bien physiquement que mentalement, j’en étais malade». Ensuite, un panneau «Trump l’œil» se dégage de la foule et s’approche. David, un activiste, envisage même un «déclin de l’empire américain». Il assure que Trump n’inspire pas confiance et que ses paroles, au lieu d’être honnêtes et sincères, ont toujours été le fruit de mensonges et d’une soif malsaine de pouvoir. De même, il justifie sa

révolte par un problème structurel dans lequel la voix des grands électeurs prime sur le vote populaire. En ce qui concerne la portée espérée de cette protestation mondiale, Vicky, représentante d’Amnistie internationale, nous explique que le but est d’envoyer un message à Trump. Elle veut lui faire comprendre que bien qu’il ait été habitué à se sentir toutpuissant, la démocratie vaincra et ses actions ne resteront pas sans conséquences. Cet événement a révélé que Trump n’était que le symptôme

d’un problème bien plus important. Le souci n’est pas seulement américain, mais traverse les frontières. Cette lutte s’étend vers la xénopohobie, l’intolérance ou encore le racisme. «S’unir et agir pour dépasser nos craintes et notre découragement» comme le scandait Béatrice Vaugrante, l’ambassadrice de cet événement, est nécessaire pour atteindre un impact mondial. Gardons à l’esprit, que tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous continuerons de marcher. x Bastien Carriere

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Actualités

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montréal

Sale temps pour le Président

Plusieurs tendances politiques ont manifesté contre l’investiture de Donald Trump. maxime Lhoumeau

«À

partir d’aujourd’hui et ce pour quatre ans, il nous faudra quotidiennement combattre…» Sur ces mots d’un réalisme cru, Eamon Toohey, coordinateur du Résistons à Trump, des centaines de personnes se sont rassemblées dans le centre-ville de Montréal. Des heurts ont éclaté dans la soirée avec les forces de l’ordre. Il était 18h vendredi dernier, jour de l’inauguration du 45ème président des États-Unis d’Amérique, Donald Trump. Une centaine de personnes ont répondu présent au rendez-vous donné au square Phillips par le Collectif de Résistance Antiraciste de Montréal (CRAM), pour mobiliser les consciences. Menés par des leaders syndicaux et politiques sous la bannière de «Make racists afraid again» (Faire à nouveau peur aux racistes, ndlr.), citoyens

«La présence d’un groupe Black Bloc est remarquée, visages cagoulés, bombes de peinture à la main»

américains, québécois, ou autres, engagés ou non, se sont mobilisés. De tous, les jeunes étudiants américains sont les plus désabusés. «Fasciste», «raciste», audelà de simples mots et menaces écrits sur les banderoles, le mot d’ordre que voulait faire circuler les meneurs du mouvement

Crédit photo

Vittorio Pessin demeure: rester vigilant, et cela pendant les quatre années à venir. Le constat est sombre quant à l’avenir du système politique américain, jugé par certains comme dépassé, d’où les slogans poussant à l’insoumission et à la désobéissance. On pouvait lire des évocations tacites à la révolution parmi les slogans des plus engagés, socialistes ou anarchistes. Discours anti-fasciste Notons que la marée humaine était assez hétéroclite, et

que de nombreux Québécois ont fait le déplacement en solidarité avec leurs voisins, tout en soulignant que cet appel à la vigilance et à l’insubordination devait être pris au sérieux à Montréal: «Le Québec, et le Canada en général, sont extrêmement dépendants vis-à-vis de leurs relations commerciales avec les États-Unis» nous rappelait Shereen Elaide, 22 ans, étudiante à McGill d’origine américano-canadienne et tenant une affiche dépeignant une caricature du nouveau président. Était aussi présent sur les lieux un groupe anarchiste Black

Bloc, ses membres reconnaissables à leurs masques noirs, et ont fait monter la tension d’un cran en taggant des slogans anarchistes dès le début de la manifestation. Certains manifestants partageaient un message alarmiste sur l’état actuel des politiques considérées d’extrême-droite, tout en soutenant que la population devrait être plus alerte. «Il y a un an encore, Américains comme Canadiens, personne n’envisageait sérieusement [voir un jour] Trump s’assoir dans le Bureau ovale… Aujourd’hui, il y siège les mains libres, à la tête d’un gouvernement de militaires et de chef d’entreprises rétrogrades» avertit Nicole LeBlanc. Ces manifestants voulaient susciter l’interrogation des consciences tout en prônant un message d’amour dans lequel tous peuvent se retrouver.

ainsi que les magasins attenants ainsi que l’intervention de véhicules anti-émeutes pour mettre un terme aux débordements. La réponse ferme des forces de l’ordre face aux débordements a permis le rétablissement d’un calme relatif, le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) n’ayant, pour le moment, émis aucun commentaires quant à de possibles arrestations. x

Débordements et affrontements

Vittorio Pessin

Le mouvement s’est mis en marche vers 19h, encadré par une trentaine de policiers, et a pu défiler accompagné des cris enflammés d’une centaine de voix qui s’étrillaient sur les slogans de «À bas le fascisme» ou «À nous la rue». La colère confinée par les clameurs et le bruit de la foule a soudainement explosé en direction de la sécurité encadrant le cortège. On notera le lancer de projectiles sur la devanture d’un commissariat Vittorio Pessin

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Actualités

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politique étudiante

SEOUM, rapport de rentrée Le syndicat profite de son Assemblée générale pour faire le point. Théophile vareille & Sébastien oudin-filipecki Le Délit

collective, l’Université communiquera au syndicat une liste de tous ses membres chaque mois.

e lundi 16 janvier, le Syndicat des employé-e-s occasionnel-le-s de l’Université McGill (SEOUM, AMUSE en anglais, ndlr) organisait son Assemblée générale (AG) annuelle: l’occasion de revenir sur une année bien remplie. A été confirmée la prochaine fusion politique du SEOUM et du Syndicat certifié non-académique de l’Université McGill (SCNAUM, MUNACA en anglais, ndlr). Cette fusion politique, première étape dans un processus de fusion encadré par des régulations provinciales, concernera toutes les institutions des deux syndicats, mis à part leurs unités respectives de négociation. Elle sera soumise au vote des membres le 23 février prochain lors d’une AG commune exceptionnelle.

Convention collective

C

Grève Tous les intervenants ont salué la réussite de la grève menée par le syndicat du 29 octobre au 2 novem-

mahaut engérant bre dernier. Cette grève a aidé à mener les négociations pour une nouvelle convention collective à un dénouement longuement attendu, le 25 novembre dernier, après un an et demi de négociations tendues. Elle a aussi permis au syndicat de se faire connaître de ses membres, nombre d’entre eux n’ayant découvert son existence qu’une fois la grève annoncée. Le syndicat a pu

ainsi ressortir renforcé de la grève. La communication avec ses membres est un problème récurrent pour le SEOUM, McGill ne lui communiquant l’identité de ceux-ci que tous les quatre mois, alors que ses memb+res, en tant qu’employé·e·s occasionnel·le·s, signent souvent des contrats plus courts que cette durée. Dans le cadre de la nouvelle convention

La nouvelle convention collective entre SEOUM et McGill concerne les travailleurs de la Cellule A (non-floor fellows, ces étudiants s’occupant des étudiants vivants en résidence) du syndicat. Elle leur confère le droit à une carte d’identité délivrée par McGill, et leur garantit à tous un salaire minimum de 13,75 dollars de l’heure, à terme. La convention établit aussi que l’Université et le syndicat devront travailler à un système Work Study plus efficace, à raison d’une rencontre de travail par semestre. Quant à l’accord de principe passé avec l’Université pour la Cellule B, celle des floor fellows, Claire Michela, présidente du SEOUM, a fait part de sa colère suite à la décision de l’administration de revenir sur cette entente, qui aurait entre autres accordé un salaire aux floor fellows (voir article ci-dessous).

Budget annuel Le budget annuel du syndicat a aussi été approuvé et se caractérise par une hausse de revenu grâce à une augmentation des membres de l’association, mais ceci est équilibré par une hausse des dépenses résultant notamment du travail continue des deux unités de négociation ces dernier mois et de la grève du semestre dernier. Le budget inclut aussi un «fond discrétionnaire» de 500 dollars afin de fournir un apport financier à d’autres projets partenaires du syndicat. Bien que drastiquement réduit — il s’élevait par exemple l’année dernière à trois mille dollars canadien — l’assemblée a décidé de le conserver. Enfin, une fois la séance levée, la présidente du SEOUM, Claire Michela, a fait part au Délit de son optimisme, rappelant que la nouvelle convention collective constituait une grande «amélioration», tout en soulignant cependant qu’il restait encore «beaucoup à faire». Elle s’est s’abstenue de commenter la situation actuelle des négociations concernant les floor fellows. x

Floor fellows, retour à zéro?

McGill revient sur une entente de principe, et refuse de payer un salaire aux floor fellows. Théophile vareille Le Délit

A

près plus de deux ans de négociations et un accord finalement passé le 6 décembre 2016, l’administration mcgilloise est revenue sur sa décision de payer un salaire aux floor fellows. Pour information, ces derniers sont des étudiants expérimentés habitant en résidence et responsables chacun d’un groupe d’étudiants. Leur rôle est d’accompagner les nouveaux étudiants arrivant à l’université dans leurs débuts, veillant à leur bonne adaptation académique, comme sociale. Ils sont au nombre de 75 à l’Université McGill. Récente syndication

151 000$

Coût annuel pour McGill de payer les 75 floor fellows, estimé par SEOUM Les floor fellows ne sont syndiqués, au sein du Syndicat des employé-e-s occasionnel-le-s de l’Université McGill (SEOUM), que depuis 2014. Ils ne sont pas payés en argent comptant pour leur labeur mais sont logés et nourris, une situation unique au Québec pour

6 ACTUALITÉS

un groupe syndiqué. Dès 2014, les floor fellows ont été inclus à l’effort de négociation du SEOUM, en vue du nouvel accord collectif à passer avec l’Université. Le premier accord collectif du SEOUM, n’incluant pas les floor fellows, avait été passé en 2010, avec une durée de vie de cinq ans. Ainsi, des négociations pour une reconnaissance du statut des floor fellows en tant que salariés et de l’importance de leur rôle débutent le 31 octobre 2014. Ces négociations sont menées par l’équipe de négociation de la Cellule B, au sein de laquelle sont regroupés les floor fellows et les moniteurs du campus MacDonald, séparés des autres travailleurs du SEOUM, regroupés en laCellule A. Parallèlement à cela, épaulés par le SEOUM et son syndicat-parent l’Association de la Fonction Publique du Canada (AFPC), anciens et floor fellows d’alors s’engagent dans une lutte avec l’Université pour être rétroactivement payés. Cette lutte les a menés jusqu’à la Commission des normes du travail du Québec (CNT), qui a tranché en leur faveur, statuant que les floor fellows devaient être reconnus comme salariés et non bénévoles. McGill fit appel de cette décision, qui s’en alla par la suite devant la Court suprême du Canada. Cette année, ce sont à nouveau 31 floor fellows qui ont présenté un dossier pour un

salaire rétroactif auprès de l’ex-CNT, qui, le 1er janvier 2016, a fusionné avec d’autres entités pour former la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. Une administration récalcitrante Le 20 mars 2015, les négociations ne progressant pas à sa convenance, l’Unité B demande l’intervention d’un médiateur indépendant. L’administration n’aurait pas voulu faire de concession sur l’adoption de valeurs telles que l’anti-oppression. La situation continue par la suite à se détériorer. Le 15 octobre 2015, 96 anciens et actuels floor fellows signent une lettre ouverte adressée à l’administration dans les pages du McGill Daily, intitulée «Respecter les floor fellows, soutenir les étudiants». Cette lettre pointe du doigt le statut précaire des floor fellows, qui n’ont pas de bail et peuvent être expulsés à tout instant. Elle dénonce aussi les stratagèmes déloyaux de l’Université, tentant de limiter la charge horaire et les responsabilités des floor fellows, afin de discréditer leurs demandes. Un véto inexpliqué Le 9 novembre 2015, McGill fit appel à un arbitre externe pour aider à l’avancée des négociations.

Véto de l’administration début janvier 2017 Accord au 6 décembre 2016 Début des négociations avec McGill au 31 octobre 2014 Syndication au sein du SEOUM en mai 2014 Un an et une grève plus tard, le 6 décembre 2016, fut passé un accord entre l’Unité B du SEOUM et l’Université McGill. Cet accord donnerait aux floor fellows un statut de salariés, qui dorénavant recevraient un salaire consacré par un contrat de travail. SEOUM estime le coût total de cette mesure à 151 000 dollars par an pour l’Université, mais n’est pas en mesure de communiquer d’informations précise quant à la charge

hebdomadaire ou le salaire horaire négociés. Robert Comeau, directeur des Relations de travail et salariales de McGill, n’a pas voulu se prononcer sur ce nombre, ne voulant pas «s’engager ici dans un débat des des chiffres». Cependant la relation chaotique entre administration et les floor fellows ne pouvait se passer d’un dernier rebondissement, et début janvier le Sous-comité aux Ressources humaines du Conseil des gouverneurs mcgillois décida d’opposer son véto à ce récent accord. Précisons qu’aucun étudiant ne siège au sein de ce comité et que ses réunions se tiennent à huis-clos. Contestant la légalité de ce volte-face, le SEOUM s’en remettra dorénavant à un tribunal d’arbitration, lors d’une audience, l’opposant à McGill, qui devrait se dérouler prochainement. Présent à la séance du Conseil législatif de l’Association des étudiants en premier cycle de l’Université McGill (AÉUM) ce 12 janvier passé, Christopher Manfredi, Recteur de l’Université et conseiller auprès du sous-comité en question, n’a pu faire d’autre commentaire que celui que l’Université ne pouvait communiquer sur des négociations syndicales en cours. Les deux camps se retrouveront autour de la table de discussion le 6 février prochain, à l’invitation de l’arbitre. x

le délit · mardi 24 janvier 2017 · delitfrancais.com


Québec

Françoise David, citoyenne engagée Une véritable guerrière pour les marginalisés tire sa révérence. Mahaut Engérant

ronny al-nosir

Le Délit

F

rançoise David vient de la génération des femmes baby-boomers qui ont suivi les traces de Marie-Claire Kirkland Casgrain, première femme députée, et plus tard ministre, pour sortir du moule des Yvettes et se tailler une place dans la sphère politique québécoise. Au moment de quitter la politique, citant la fatigue et la santé comme raisons principales, la députée laisse un parcours professionnel et politique qui est un exemple pour les générations actuelles et futures. Une pionnière féministe Avant son entrée dans le monde politique, elle travaille au sein de Regroupement des centres de femmes du Québec, avant de devenir présidente de la Fédération des Femmes du Québec (FFQ). Sous son mandat, elle organise deux marches: la marche «Du pain et des roses» contre la pauvreté des femmes en 1995 et la «marche mondiale des femmes contre la pauvreté et la violence» en 2000. Samedi dernier, soit le 21 janvier 2017, se sont tenues 675 marches et rassemblements de femmes dans le monde en support à la Women’s March on

fusionnera avec l’Union des forces Progressiste (UFP), menée par Amir Khadir, pour devenir Québec Solidaire (QS). Alors que M. Khadir arrive à l’Assemblée nationale en 2008, Françoise David est élue pour la première fois en 2012. Lors d’un débat des chefs qui n’a pas eu de gagnant, elle a été l’opposante la plus ardente du premier ministre de l’époque, Jean Charest, en particulier sur la question de la hausse des frais de scolarité et des places subventionnées en garderies. Ceci lui aura valu la confiance des électeurs de Gouin, qui l’enverront siéger en leur nom à Québec. Cette confiance sera renouvelée en 2014, lors de sa réélection. Son leadership au sein de QS ne fut jamais remis en question. À la défense des marginalisés

Washington, visant à envoyer un message clair au nouveau président américain Donald Trump. Les femmes de Montréal se sont également mobilisées à l’esplanade de la Place des Arts pour un rassemblement de deux heures. Ces démonstrations de force n’auraient pas été

possibles sans la contribution de femmes comme Françoise David. Faire ses preuves Ayant eu un impact dans la société civile, elle lance le mouvement Option citoyenne en 2004, qui

L’ancienne président de la FFQ lutte également contre les inégalités sociales, pour la responsabilité environnementale et pour une démocratie plus saine. Le rôle de son parti pendant 10 ans aura été d’amener un point de vue qui défiait le statu quo. Un exemple parfait de cette influence est l’adoption de la loi 492, qui empêchait l’expulsion des aînés de leur logement, en 2016. Madame David a d’ailleurs avoué que ceci

était l’une de ses plus grandes victoires politiques. Maintenant qu’elle a tiré sa révérence, ses héritiers se doivent de reprendre le flambeau si QS espère demeurer compétitif dans l’espace politique du Québec. Irremplaçable Françoise ? Tout comme un être humain, un parti politique ne peut survivre sans un cœur. Ce que QS a perdu, c’est son organe vital. Il n’est pas question ici de diminuer la contribution d’Amir Khadir, Manon Massé ou Andrés Fontecilla, mais nul ne peut remettre en question l’apport significatif de Françoise David. QS devra pourtant trouver un moyen de reconquérir la nouvelle génération. Parmi les noms qui circulent, on entend celui de Gabriel NadeauDubois, ce jeune qui fut l’un des leaders de la grève étudiante de 2012 ainsi qu’une des têtes d’affiche du collectif non-partisan «Faut qu’on se parle» . Ce qui est certain, c’est que la personne choisie pour mener le parti devra faire face à tout un défi: succéder à l’une des femmes les plus influentes des dernières années du Québec. Madame David a promis de demeurer une citoyenne engagée, et de travailler autant que possible au développement de son projet politique. x

Monde

Entre Gambie et Sénégal Retour sur la crise politique Gambienne du mois de janvier. margot hutton

Le Délit

P

endant que le monde avait les yeux rivés sur l’investiture du nouveau président américain, ailleurs dans le monde, une autre passation de pouvoir se déroulait dans des circonstances moins plaisantes. Comment en sont-ils arrivés là?

Récapitulons. Le 22 juillet 1994 marquait la date du coup d’état du Lieutenant Yahya Jammeh. Depuis cette date, ce dernier n’a jamais quitté le pouvoir, faisant de la Gambie un pays dirigé par un seul homme: une autocratie. Durant ces 22 dernières années, il a toujours réussi à faire tourner les résultats des élections en sa faveur. Cependant, le peuple gambien a décidé qu’un changement devait avoir lieu, en votant le 1er décembre 2016 pour Adama Barrow, avec 43,3% des suffrages, contre 39,6% pour le prési-

dent sortant. Pourtant, Jammeh refuse de se laisser faire aussi facilement, et réfuse de renoncer au pouvoir. Le président élu est donc allé plaider sa cause au sommet Afrique-France de Bamako, avant de rejoindre le Sénégal. Il pensait que cet exil serait temporaire et qu’il pourrait rejoindre la Gambie à temps pour entrer en fonction le 19 janvier 2017. Peutêtre a-t-il été un peu ambitieux: cela n’a pas été possible, et c’est à l’ambassade de Gambie à Dakar qu’il a dû prêter serment. Un pays, deux présidents. Dans cette situation très particulière, la Gambie est divisée. Le peuple se déchire pour faire valoir ses intérêts, la légitimité des deux hommes est bien trop remise en question. Des milliers de civils, fuient le pays face à cette crise, et rejoignent le Sénégal. Par ailleurs, de nombreux pays s’allient à Adama Barrow,

le délit · mardi 24 janvier 2017 · delitfrancais.com

pour tenter de l’aider à rejoindre les fonctions qui devraient déjà lui être acquises. Le Sénégal, a d’ailleurs envoyé des troupes aux frontières de la Gambie, espérant ainsi forcer l’ex-chef d’état à quitter le pays. Les présidents guinéen et mauritien

ont également rejoint la Gambie vendredi dernier dans ce même objectif. Tandis que d’importants hommes politiques tels que le tout nouveau secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, ou encore François Hollande,

président français, apportent leur soutien au président élu, la situation est très tendue à Banjul, capitale de la Gambie. Tout le monde attend que Yahya Jammeh accepte de quitter la ville, et ce faisant, de renoncer au pouvoir. Le président de la commission de la CÉDÉAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest) lui avait d’ailleurs laissé jusqu’à midi, heure locale, pour s’exécuter, ultimatum qui fut prolongé jusque 16h compte tenu des négociations laborieuses. Ce n’est que dans la nuit du 20 au 21 janvier 2017 que le président sortant accepte de céder le pouvoir, et de s’exiler, tout en prenant quelques millions de dollars. Même si les Gambiens semblent satisfait de son départ, certains questionnent la légitimité d’Adama Barrow. En effet, ses liens avec le Sénégal peuvent être porteurs de doutes. Le Sénégal entourant la Gambie, ces liens pourraient constituer des risques pour le pays. x

actualités

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Société societe@delitfrancais.com

opinion

Expert en expertise

Quelle place nos experts ont-ils au sein de notre société? simon tardif

Le Délit

l y a quelques semaines de cela, j’ai eu l’occasion de lire l’article d’un certain Tom Nichols intitulé The Death of Expertise. Au sein de celui-ci, il défend l’idée qu’un clivage au sein de l’habituelle hiérarchie de la connaissance se serait produit. Le grand schème de l’expertise aurait été gangréné par l’opiniâtreté de certain·e·s à défendre l’idée que vivre au sein d’une démocratie impliquerait de donner une valeur égale à la parole de chacun·e·. De ce phénomène

prenait un nouveau sens. L’analyse historique des idées est une chose bien complexe, mais je crois que la méthode nietzschéenne apporte énormément de sens au phénomène soulevé par Nichols. Au sein de cette démocratie au sens normatif inédit, bien entendu, chaque bulletin a la même valeur lors d’un vote. Aussi, peut-on considérer que devant la loi, chaque individu peut se targuer des mêmes droits et libertés, liberté d’expression incluse? Cependant, l’autorité de l’expertise semble s’être déplacée. La liberté d’expression signifierait-

décrit par Nichols, il en ressort que l’histoire de la démocratie moderne, en tant que concept, aurait subi un changement particulièrement drastique de son récit. On peut analyser cette transformation sous l’angle de la généalogie nietzschéenne et postuler que la mythique démocratie, de par son nouveau sens, se serait peu à peu installée dans l’imaginaire collectif de notre société. L’égalité, qui était autrefois la condition légale des citoyen·ne·s, devenait par le fait même une nouvelle valeur extrinsèque ajoutée à l’individu. Dorénavant, l’opinion de tous et toutes était changée et l’appropriation politique de l’expertise était accomplie: la démocratie

elle maintenant que chacun·e ait la pertinence de s’exprimer au même titre qu’un·e expert·e? Partant de cette question, nous devons alors faire face à un problème d’envergure: si nous avons tous et toutes droit à notre opinion et qu’en cela elle représente une parole égale à celle d’un·e expert·e, comment départager l’opiniâtreté des faits? La célèbre philosophe Hannah Arendt a écrit quelques mots fort éloquents en la matière. Elle exprime dans l’un de ses livres que «la liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat». Ainsi, ne convient-il pas

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de reconnaître qu’une conception absolue de l’opinion puisse occasionner d’importants dégâts à la conversation démocratique? Par conversation démocratique, j’entends cette discussion citoyenne visant à faire avancer notre société. Elle implique des choix. Cette conversation fait appel à la société civile, mais aussi aux diverses institutions politiques qui encadrent le pouvoir et le vivre-ensemble. Or en cela, rien ne sous-entend que la parole de tous et toutes puisse amener une quelconque pertinence à ladite conversation. Je persiste dans l’idée que ma parole n’aurait probablement aucun intérêt en ce qui concerne les dossiers entourant l’énergie nucléaire, pas plus que je crois qu’elle n’en aurait s’il était question d’un débat autour de l’intersectionnalité, deux domaines sur lesquels je n’ai pas la connaissance étayée d’un·e expert·e. Bien que cette vaste toile d’informations que soit le web puisse me donner les indications primaires à une compréhension du débat, chose d’une grande importance, elle ne permet en rien la maîtrise d’un domaine particulier d’expertise. Citer des recherches et des statistiques est une chose bien facile; les comprendre tient d’un tout autre niveau. La

quête du savoir est une longue route. Ce n’est pas sans raison que les publications académiques sont soumises à l’évaluation par les pairs. Les outils critiques et nécessaires à l’analyse d’une étude ou d’une recherche académique demandent un certain type d’apprentissage, pour éviter notamment d’associer de manière systématique une corrélation à une causalité.

Ce qui distingue l’expert du layman (profane, ndlr), c’est avant tout que l’expert détient le savoir-faire, l’expérience et les connaissances associées à un certain domaine d’étude. Ces outils lui permettent de résoudre des problématiques très précises. Or, avec l’avènement des médias sociaux, un réel combat semble s’être dessiné entre lesdit·e·s expert·e·s et les néophytes. L’accès au savoir semble s’être accompagné de l’illusion de la maîtrise. Plusieurs accusent les experts d’un manque d’im-

société

contraire le symptôme d’un plus large problème, d’un problème touchant notre propre conception de ce que nous croyons savoir. Si je puis me permettre cette suggestion, les citoyen·ne·s désirant réellement être utiles à la conversation démocratique peuvent le faire au sein de diverses instances. Toutefois, j’ai bien peur que le terrain des réseaux sociaux ne soit pas des plus pertinents. En fait, il serait bien plus utile de participer à des audiences publiques ou des comités de consultations. Les possibilités ne manquent pas. Si un réel désir d’action habite tant une part significative de notre société, où est-elle ? On peut s’interroger à quand remonte ce changement d’attitude. Est-il vrai de dire que nous avons l’obligatoire d’avoir une opinion sur

«Jamais n’avons-nous eu autant accès à la connaissance et pourtant jamais n’a-t-on aussi peu su proportionnellement»

L’expert

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partialité, ce qui me semble être une critique pertinente. On leur reproche en effet de défendre plutôt des positions politiques et les intérêts de leurs employeurs. D’autres tiennent à ajouter que les experts n’ont parfois aucune compréhension de la réalité et que ce qu’ils produisent ne tient au final que d’une pure fumisterie. Néanmoins, gardons en tête que la vitesse à laquelle les chercheur·euse·s produisent leurs recherches n’égale en rien le rythme effréné qu’impose l’action politique. Une part de la population somme les politiques d’afficher sérieux et confiance dans la prise de position, tout en produisant ces mêmes décisions à une cadence difficilement tenable. Par conséquent, il m’apparaît qu’une des raisons possibles expliquant l’effritement de la crédibilité des experts tient en

partie de leur incapacité à fournir des réponses rapides et simples à des problèmes complexes. Notre incompétence à comprendre des problèmes pour lesquels nous n’avons pas connaissance pointue n’en font pas de sombres problèmes abstraits et inutiles. Quelle place pour l’opinion ? Considérant cette auto-proclamation de la connaissance qui semble faire rage, incorporée au refus de l’expertise, il se dégage de l’opinion qu’elle se veut souvent fixe pour ceux et celles la braquant. Sa remise en question s’illustre comme une possibilité feinte par les divers interlocuteur·rice·s. Il en résulte une insensibilité aux vertus de l’argumentation logique fondée sur des faits sur lesquels le débat puisse exister. En ce qui me concerne, j’estime que le désir de certains de s’exprimer à toutes les occasions et se présenter comme les grand·e·s connaisseur·euse·s qu’ils ou elles sont démontre au

tout? Être ouvert·e·s et à l’écoute pourrait s’avérer bien plus efficace et plaisant pour tous et toutes. Jamais n’avons-nous eu autant accès à la connaissance et pourtant jamais n’a-t-on aussi peu su proportionnellement. Vivre en société, c’est aussi accepter notre dépendance envers les tailleur·euse·s, les médecins et les divers expert·e·s. Je ne crois pas qu’il s’agisse là d’une injustice, au contraire. Pourquoi ne pouvons-nous pas simplement être honnêtes envers les autres, et surtout envers nous-mêmes, et admettre que finalement…nous ne savons pas. Pour tout vous dire, je ne le sais pas. Si je puis me permettre cette curiosité, je conclurai par une petite image portant à réflexion: j’ose dire que la connaissance est comme les eaux qui parsèment notre planète: la goute d’eau, du haut de sa montagne, a bien du chemin à faire avant de rejoindre les rivières, les fleuves, les mers et puis les océans. Puissions-nous nous en souvenir. x

le délit · mardi 24 janvier 2017 · delitfrancais.com


opinion

Le grand procès des «élites» Des innocents sur le banc des accusés.

philippe chassÉ

Verdict de non-culpabilité

e grand procès a débuté le 23 juin avec le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Ensuite, il s’est poursuivi le 8 novembre avec l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis d’Amérique et il tente, aujourd’hui, de s’immiscer au Québec, avec l’ancien distributeur de drogue Bernard Gauthier, aussi connu sous le nom de Rambo, reconnu coupable d’intimidation et ouvertement misogyne. Les plaignants sont des démagogues, s’autoproclamant être la voix du peuple, du «vrai monde» et des petites gens. Étrangement, ces hommes et ces femmes apparaissent tous à ce moment précis, à l’apogée de la popularité politique du populisme. De l’opportunisme, manifeste et criant? Je vous laisse en juger. Sur le banc des accusés, les «élites» politiques, jugées totalement déconnectées des citoyens ordinaires. Elles sont imaginées se prélassant sans la moindre considération pour les misères d’autrui du haut de leurs tours d’ivoire. On ne sait pas trop d’où elles viennent, quelles sont les causes qui les motivent ou ce qu’elles font réellement. Tout ce que l’on sait, c’est qu’elles trahissent, vraisemblablement sans arrêt, la société qu’elles servent.

L’observateur que je suis, n’ayant que sa plume pour changer l’issu de ce procès, ne peut que contester cette image que l’on a des accusés. Il fait deux constats. En premier lieu, que le terme «élite» est utilisé à outrance pour décrire des groupes complètement hétérogènes, voire différents. On l’emploie, au fond, sans distinction et de manière péjorative pour à peu près tout et n’importe quoi. En deuxième lieu, que cette utilisation abusive est, au fil du temps, devenue totalement faussée. Aujourd’hui, du moins selon les dires des tribuns se proclamant les avocats du peuple, l’entièreté de la classe politique forme l’élite et est coupable: les analystes, stratèges, sondeurs, auteurs, candidats, députés, ministres et partis sont, de par leur déconnexion du citoyen moyen, la source de tous les maux qui affligent la société. Au fond, tous ceux qui ont passé, qui passent et passeront des heures interminables à s’investir corps et âme pour le bien public seront mis dans le même bateau. Ce fut le cas lors des dernières élections américaines et ce sera le cas avec tous les autres «traitres à la nation.» L’observateur ne peut que s’insurger. Je ne peux le tolérer. Je ne fais pas l’autruche, certains politiciens ne servent pas la com-

C

munauté pour de nobles raisons, certains sont corrompus et d’autres opportunistes, déconnectés ou véreux. Toutefois, je refuse catégoriquement de croire que tous ces gens qui m’entourent, ceux qui étudient sans cesse afin de trouver des solutions aux problèmes mondiaux les plus criants, ceux qui passent des heures interminables à faire du bénévolat qui ne leur offrira jamais aucune visibilité ni gloire, ceux qui sont passionnés et qui acceptent de laisser leurs emplois et le précieux temps qu’ils ont avec leurs familles pour se lancer dans ce monde ingrat et dur qu’est la politique, n’ont pas le bien de la société à cœur. Car oui, ce sont tous ces gens qui s’entassent aujourd’hui sur le banc des accusés, pas seulement les vrais coupables. Les juges de ce grand procès, c’est nous tous, les électeurs. Nous avons le pouvoir de rendre le verdict qui est juste. Tout en restant critiques de ce monde politique, ne cédons pas aux mensonges grotesques des démagogues. La déconnexion perçue provient peut-être de ce devoir qu’ont les politiciens élus de gouverner pour tous, dans un monde plus complexe que celui décrit par les Johnson, Trump et Gauthier. Il n’est pas facile de plaire à une population si diversifiée et parfois, les solutions simples, irréfléchies et irréalisables peuvent être attrayantes. Condamnons les vrais coupables et que justice soit faite! x

culture et société

Se battre contre le gouvernement canadien… et gagner Un documentaire qui met l’AANC face à ses responsabilités. Anne gabrielle ducharme

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e 26 janvier 2016, le tribunal canadien des droits de la personne a décrété que le gouvernement faisait preuve de discrimination dans son octroi d’aide sociale aux enfants autochtones. La tombée du verdict marque alors la fin d’un combat juridique de plus de neuf ans entre des groupes d’activistes et le ministère desAffaires Autochtones et du Nord

«Le gouvernement canadien a durant des décennies consciemment alloué moins de services sociaux aux enfants autochtones vivant au sein de réserves, et ce, malgré leur connaissance des solutions possibles», explique la professeure de travail social à l’Université McGill, Cindy Blackstock, en marge de la première montréalaise du documentaire sur le sujet. Or, prouver que l’AANC a orienté sa politique fiscale de façon discriminatoire durant

«Prouver que l’AANC a orienté sa politique fiscale de façon discriminatoire durant plus de cinquante ans n’a pas été une mince affaire» Canada (AANC). La documentariste abénaquise, Alanis Obomsawin, a consacré le film « We can’t make the same mistake twice » (On ne peut faire la même erreur deux fois, ndlr), diffusé au cinéma du Parc le 19 janvier dernier, à cette bataille de longue haleine.

plus de cinquante ans n’a pas été une mince affaire: «Même si les autorités canadiennes avaient depuis longtemps été informées de la nature inéquitable de leurs pratiques et connaissaient le problème, elles se sont battues bec et ongles afin de nous donner tort»,

le délit · mardi 24 janvier 2017 · delitfrancais.com

poursuit Blackstock, également directrice générale de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, organisme ayant déposé la plainte contre le gouvernement en 2007. La voix gouvernementale, la même partout? Le documentaire est majoritairement composé d’extraits des audiences ayant duré soixantedouze jours. Ces images permettent de mettre en lumière la nature irréconciliable des discours des instances gouvernementales et des communautés autochtones. On y entend en effet le représentant de l’AANC qui, après avoir assisté aux témoignages d’experts et d’autochtones victimes du manque de ressources dans leur région, énonce ses conclusions finales. Selon lui, «aucune preuve suffisante» ne témoigne de l’existence d’une quelconque discrimination envers les Premières Nations. Toujours afin de justifier l’immuabilité gouvernementale, il ajoute qu’en démocratie, la totalité des

groupes d’intérêts ne peuvent voir toutes leurs demandes comblées. La candidate au doctorat en travail social à l’Université McGill, Amal Elsana Alhjooj, lors d’un panel suivant la diffusion du film, a été surprise par l’homogénéité des discours gouvernementaux en ce qui a trait à la question autochtone: «Je viens d’Israël, suis moi-même autochtone, et aurais pu entendre dans mon pays natal exactement les mêmes mots que ceux prononcés par le représentant du gouvernement canadien», a-t-elle partagé. Quand tous les coups sont permis Cependant l’opposition de l’AANC ne s’articula pas qu’au sein de leur argumentaire. Cindy Blackstock fut en effet surveillée de près par le gouvernement canadien durant le processus du traitement de sa plainte: «J’ai fait une demande en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et ai obtenu des milliers de pages rapportant l’espionnage de mes communications électroniques et personnelles, confie-

t-elle. Les autorités tentaient de m’attribuer des motifs officieux afin de discréditer la plainte de mon organisme». Et les malversations gouvernementales ne s’arrêtèrent pas là: «l’AANC a également gardé secrets plus de 90 000 documents qui leur étaient préjudiciables. Heureusement, nous les avons obtenus suite à une demande d’accès à l’information». Ces propos de Blackstock sont d’ailleurs confirmés dans le document faisant part de la décision finale du tribunal, qui souligne le caractère délibéré de la cachotterie ministérielle. La vivacité avec laquelle le gouvernement s’est opposé à ces groupes de la société civile dont témoigne «We can’t make the same mistake twice» peut en laisser certains perplexes. Pourquoi un fier promoteur des droits et libertés comme le Canada a t-il tenu à conserver des politiques qualifiées de discriminantes à l’égard des Premières Nations ? «Je n’ai jamais vraiment su répondre à cette question», termine la leader de la lutte. x

Société

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écodage: UNDRIP

Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

LES POINTS MAJEURS Reconnaît:

Droit d’être égaux avec tous les autres peuples, et de s’estimer différents

Droit à l’autodétermination (administrative, institutionnelle, territoriale, religieuse, éducationelle)

Droit à la reconnaissance de la colonisation

Droit à la non-discrimination

Droit à la langue

Droit à la nationalité

Définit le consentement: Avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, le gouvernement doit obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Cette déclaration n’est toutefois pas contraignante juridiquement, contrairement à un traité ou une convention Dans la même mesure, le gouvernement a adopté la résolution, mais elle n’a pas été implémentée au niveau législatif.

LES DATES-CLÉS 13 Septembre 2007 L’assemblée générale adopte la déclaration

10 Mai 2016

6 Mai 2015 Un acte pour assurer que les lois du Canada soient en harmonie avec l’UNDRIP n’est pas votée au Parlement.

Le Canada enlève officiellement son statut d’objection à la déclaration et lui donne son appui complet

17 Janvier 2017 Deux étudiantes activistes prennent par surprise Justin Trudeau — alors qu’il est filmé — en lui demandant s’il compte implémenter l’UNDRIP

13 Juillet 2016

12 Novembre 2010: Le Canada revoit sa position et soutient officiellement les principes de la déclaration, cependant ils ne le perçoivent que comme aspirationnel

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société

La Ministre de la justice, Jody Wilson-Raybould annonce lors de l’Assemblée Générale avec l’ADP qu’adopter l’UNDRIP est «irréalisable» («unworkable» ndlr.) L’un des points avancés est que l’UNDRIP s’opposerait notamment à l’Indian Act

29 Novembre 2016 Le gouvernement canadien approuve le projet d’oléoduc Trans Mountain par Kinder Morgan, pourtant opposé par de nombreuses communautés autochtones. Il risque en effet la contamination par l’industrie pétrolière de l’eau des Premières Nations localisées dans le sud de la rivière Athabasca

le délit · mardi 24 janvier 2017 · delitfrancais.com


Innovations

mcgill

economie@delitfrancais.com

L’intelligence artificielle à McGill Retour sur le lancement de l’AI Club. les domaines et, par-dessus tout, elle est très accessible même sans avoir d’expérience en informatique. Ce club a déjà eu beaucoup de succès au sein de McGill: le jour de son inauguration, la salle était pleine à craquer et le lendemain son nombre de membres a plus que doublé. D’ailleurs, son succès ne se limite pas uniquement aux élèves de McGill. En effet, plusieurs géants de l’industrie ont exprimé leur intérêt à collaborer avec ce club pour non seulement le financer mais aussi pour offrir des stages aux étudiants intéressés.

Samy Zarour

Le Délit

L’

intelligence artificielle est sur toutes les lèvres depuis quelques années. Il semblerait que cette technologie ait son mot à dire dans toutes les facettes de l’économie moderne. On la retrouve notamment dans le secteur de la finance avec le «trading algorithmique», dans celui des transports avec différents projets d’autopilotage de Tesla, Google, Uber, etc. et même dans le secteur de la santé avec Watson, le médecin robot d’IBM qui obtient des résultats records. S’il y a une technologie qui a explosé ces dernières années c’est bien celle de l’intelligence artificielle et ceci est dû à une quantité exponentielle de données ouvertes au public. Une mobilisation étudiante C’est dans ce contexte que l’on assiste à la création du club mcgillois d’intelligence artificielle surnommé AI, signifiant Artificial Intelligence. Son inau-

Montréal: un hub high-tech guration a eu lieu jeudi dernier et les fondateurs, étudiants de McGill, promettent d’organiser de nombreux événements, pour tous les niveaux, afin de démystifier cet outil et d’en démocratiser l’utilisation. En effet, la mission de ce groupe est de garantir l’accès à cette technologie à quicon-

que voudrait l’utiliser. Il s’agit de montrer que cette technologie n’est pas réservée aux chercheurs informatique, qu’elle n’est plus limitée au monde de l’ingénierie. Elle fait désormais partie de notre vie de tous les jours, aussi bien au bureau qu’à la maison. Elle a des applications dans tous

Ceci n’est pas très surprenant lorsqu’on prend en compte la position privilégiée que Montréal occupe dans le monde de la technologie. En effet, notre ville comprend la plus grande concentration de chercheurs en intelligence artificielle au monde, ce qui est un atout indéniable dans un milieu qui devient

de plus en plus numérisé. C’est d’ailleurs pour cela qu’en 2016 la recherche sur l’intelligence artificielle à Montréal a reçu 7 millions de dollars de Microsoft et plus de 200 millions de dollars de la part du gouvernement fédéral. Toutefois les investissements ne se limitent pas uniquement à la recherche. En effet, Microsoft a récemment annoncé son acquisition de Malluba, une compagnie montréalaise spécialisée en IA. De plus, Google compte ouvrir un laboratoire de recherche dans ce domaine à Montréal et y a investi 4,5 millions de dollars. Enfin, si vous êtes intéressés par l’intelligence artificielle, quel que soit votre niveau, votre expérience ou votre domaine d’intérêt, ce groupe a été fait pour vous. Grâce au support de professeurs mcgillois mondialement connus et du «Reasoning and Learning Lab» de McGill, le club Artificial Intelligence pourrait bien devenir d’ici quelques années le plus grand club d’IA d’Amérique du Nord. x

tendance

Airpods: un succès pour Apple? Évaluation du nouveau gadget de l’entreprise à la pomme. murat polat

Le Délit

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e 7 septembre 2016, Apple a lancé simultanément son nouvel iPhone ainsi que ses nouveaux écouteurs sans fil nommés AirPods. Étant donné que le nouvel iPhone n’a qu’un seul port Lightning, les usagers ne peuvent pas y brancher leurs écouteurs et recharger l’iPhone en même temps, à moins de posséder des écouteurs sans fils. C’est la raison pour laquelle Apple a lancé le concept d’AirPods. Ils ressemblent aux écouteurs traditionnels, sauf qu’ils n’ont pas de câble pour les relier entre eux, ce qui constitue la principale différence entre les AirPods et les écouteurs classiques. Contrairement à ces derniers, les AirPods nécessitent d’être rechargés, ce qui est fait en les mettant dans leur boîte de chargement portative qui possède sa propre batterie. Un bilan qualitatif mitigé En termes de qualité, les critiques ne sont pas positives — surtout

quand on connaît le prix exorbitant de cet accessoire (219$) — elles précisent que la qualité audio des AirPods n’est pas meilleure que celle des EarPods qui sont vendus pour 35$ (soit 6 fois moins cher). Selon ces mêmes critiques, le manque de bouton de contrôle sur les écouteurs, ce qui permet habituellement de régler le volume, est aussi un inconvénient. De plus, car chaque AirPod a sa propre batterie, la durée de fonctionnement de l’objet est d’environ 5 heures, alors que les

le délit · mardi 24 janvier 2017 · delitfrancais.com

rivaux d’Apple offrent jusqu’à 12 heures d’autonomie. La question de la facilité de perdre l’un des deux AirPods fut posée, et a été «résolue» par Apple en proposant de vendre un AirPod pour 99$. Les AirPods n’ont été remis en vente que le 13 décembre 2016, soit un délais de plus de 2 mois après leur lancement original dû aux nombreux problèmes en termes de production et du produit en lui-même. Malgré les critiques négatives évoquées précédemment, ils sont rapidement

devenus les écouteurs sans-fil les plus populaires du marché, constituant 26% des ventes de ce type d’écouteurs. De plus, au mois de décembre, 75% des écouteurs vendus par Apple sont des AirPods. Ces chiffres montrent donc un véritable succès. Une stratégie en puzzle Lors du lancement initial du nouvel iPhone 7 et des AirPods, Apple fit preuve d’une certaine habileté en matière de marke-

ting. L’usage d’un vocabulaire décrivant un objet hors du commun — «magique» par exemple — se donne comme but d’attirer l’attention des masses. L’habileté de la compagnie se manifeste aussi à une plus grande échelle: en créant des produits comme autant de pièces d’un puzzle, elle incite le consommateur à rester dans son giron. Par exemple, si une personne possède l’iPhone, elle peut voir ses messages sur son MacBook et son Apple Watch. De la même manière, une fois qu’une personne connecte ses AirPods à un appareil Apple, ils commencent tout de suite à fonctionner avec tous ses autres appareils. Par conséquent, l’interactivité des objets de l’écosystème Apple incite à constamment acheter la même marque. En supprimant la possibilité de brancher des écouteurs classiques par port Jack dans le nouvel iPhone, Apple a développé un nouveau marché: celui des écouteurs sans-fil. Pour l’instant, imparfaits, ils représentent un succès relatif pour Apple. x

innovations

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Culture articlesculture@delitfrancais.com

théâtre

Une affaire qui tourne rond Superior Donuts, deux heures tranquilles au Players’ Theatre. yves boju

Le Délit

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l est toujours délicat de critiquer la pièce d’un ami. C’est le cas aujourd’hui et je m’excuse déjà pour les peines de cœur et les nuits sans sommeil possiblement causées à Clay Walsh. La pièce qu’il dirige, Superior Donuts — écrite par Tracy Letts et présentée en ce moment au Players’ Theatre — n’est pas «à voir absolument». Ce serait trop facile à affirmer et notre lien d’amitié disqualifie déjà cette affirmation. Il faut davantage mentionner quelques éléments afin d’éveiller votre curiosité. Une générale au Players’ ne vous transcendera jamais, sachez-le. Si vous cherchez ce type d’émotions, rendez-vous donc à un festival dans le Vieux Port. C’est plutôt l’endroit calme de la découverte, du repos physique et de l’activité intellectuelle que veut bien proposer la représentation. C’est donc dans une atmosphère feutrée que nous nous installions mercredi dernier, 6 assis dans une salle de 113 places. Le décor est réaliste. Il représente un magasin de beignets qui a déjà vécu ses heures de gloire, désormais révolues; quelques chaises et

Ansh Goyal deux tables remplissent une moitié de l’espace scénique alors que l’autre est occupée par un bar sans prétention (mais bien réalisé). Il s’agit du magasin d’Arthur Przybyszewski (Jonathan Vanderzon), un vieil homme résigné à son sort et celui de son magasin, mais qui se liera d’amitié avec Franco Wicks (Sory Ibrahim Kaboré), un jeune Afro-Américain optimiste au passé douteux.

Tout au long de la pièce, les acteurs principaux ont persisté dans la justesse de leur jeu. On pourrait reprocher à Sory Ibrahim Kaboré son manque d’articulation qui parfois dessert le texte, mais qui peut être prêté au côté vivant et passionné du personnage. Un personnage suffisamment naïf d’ailleurs pour qu’on lui pardonne quoi que ce soit. La véritable alchimie entre lui et

Jonathan Vanderzon prend place lors d’un dialogue attablé, un moment où l’on oublie que l’on est dans un théâtre et où l’on a envie d’entendre deux hommes parler simplement, d’une génération à l’autre, sans barrières. De son côté, Jonathan Vanderzon reste juste pendant la large majorité de la pièce. Son plus grand apport est sans doute le ryth-

me qu’il y introduit. Il ponctue de silences délicieux les moments de souvenirs; accoudé au bar, les matinées et les soirées deviennent suffisamment pesantes pour que l’on croit à la fatigue d’un vieil homme. Un vieil homme joué par un jeune, une configuration qui échappe pourtant rarement à la caricature… Étonnamment, la plus grosse surprise de la pièce vient d’un second rôle: Randy Osteen, jouée par Francesca Scotti-Goetz, une officière de police amie d’Arthur. La manière dont elle pèse chaque réplique et en transmet le juste ton est certainement à imiter si l’on ne peut la reproduire. Le seul défaut que l’on pourrait lui trouver serait sa manière de se mettre en colère. Là encore, il s’agit d’une émotion qui appelle, souvent malgré elle, à la caricature quand elle est jouée au théâtre. Vous verrez dans Superior Donuts une histoire simple aux parfums d’ Intouchables. Quelques méchants mafieux, suffisamment d’humour pour vous garder assis et content de votre siège, du dialogue et l’espérance qui convient bien à notre génération. Un moment qui mérite que l’on sorte de chez soi ne serait-ce que pour s’évader. x

u v o ement m Un visionnaire du cinéma

Tomer Heymann retrace les pas d’Ohad Naharin à travers ses envoûtantes chorégraphies. clémence auzias

M

r. Gaga est un film captivant par sa beauté en tant que chef-d’œuvre cinématographique mais aussi par sa profondeur de par le message qu’il transmet. Un message qui incite à laisser son corps s’exprimer pour transformer tout mouvement en art. C’est là le but même de Ohad Naharin, le chorégraphe israélien au centre de Mr. Gaga, qui ne nous emmène pas seulement à la découverte de son parcours mais aussi là où toutes ses œuvres débutent, au cœur de son imagination et de sa créativité débordante. Le calme avant la révélation Tomer Heymann, le réalisateur du film, commence par aborder la vie de Naharin avant qu’il ne parte pour New York, où il trouvera sa voie. Ce début de film est plus classique; les images de la vie de Naharin, pendant son service militaire par exemple, sont alternées avec celles de ses chorégraphies, qui relatent à leur

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Culture

vittorio pessin

manière ses différentes expériences. En ce début de film, le spectateur ne fait que suivre simplement, lentement mais sûrement, les traces d’un grand chorégraphe en devenir. Et c’est là que le film prend un tournant, au même moment où Naharin pose ses valises à New York. Le film s’accélère comme s’il s’adaptait au rythme fou de la ville, qui attire le talent d’artistes venant des quatre coins du monde. Cette section du film dépeint l’un des moments les plus touchants, une scène d’origine dans laquelle Naharin joue de la guitare et chante dans son bain, permettant au spectateur de s’identifier à ce jeune homme, le montrant plus humain que jamais. À partir de là, tout tourne autour du mouvement, toujours le mouvement, Naharin utilise ce mot plus encore que le mot danse, faisant ressortir le côté animal de cet art. Il dira même plus tard: «Nous apprenons à aimer notre sueur, nous découvrons notre passion de bouger et de la relier à l’effort, nous découvrons à la fois l’animal en nous et le pouvoir de notre imagination».

À la recherche du mouvement parfait Tout en continuant à suivre le parcours de Naharin dans sa carrière en tant que chorégraphe, Heymann dresse un portrait à la fois très humain de ce génie de la danse très exigeant et toujours à la recherche de la perfection. L’un des danseurs dans le film mentionne même le fait que le réalisateur criait certaines de ses instructions aux danseurs pendant la représentation. Cependant le plus impressionnant dans toutes les chorégraphies présentées dans le film est le fait qu’il utilise des actions de la vie quotidienne, que chacun a eu l’occasion de vivre, et les transforme en art. Au point où même l’action de tomber demande de l’entrainement, afin de devenir un mouvement de danse fantastique et envoutant. Le documentaire finit sur une douce note en montrant Naharin avec sa fille, donnant encore une autre image de lui, dans ce cas-ci, celle d’un père transmettant sa passion à son enfant, petit à petit. x

le délit · mardi 24 janvier 2017 · delitfrancais.com


chronique

Baptiste Rinner | Diversion littéraire

D

eux-trois amis ont fouillé récemment les archives du Délit et y ont déniché, entre autres, une chronique éphémère que j’avais tenu dans les pages de ce journal il y a deux ans.

Elle s’intitulait «Subversion en pyjama», et j’y exposais — avec une certaine vivacité, à en croire mes quelques lecteurs — mon esprit contestataire de circonstance, depuis le confort institutionnel de

l’homme blanc allié à la nonchalance d’un enfant de vingt ans. J’en suis revenu, de cette subversion tranquille, et je tente aujourd’hui un exercice d’un autre genre, encouragé par ces mêmes camarades. À la demande générale. Programme. Quelque chose de moins spontané je pense, moins gratuit, moins fougueux. Le rythme suraccentué de ma prose devrait laisser place, je l’espère, à des périodes plus amples, quoique je n’échapperai pas à ma tendance à délier. Diversion littéraire, donc. On trouve les titres qu’on peut. J’espère que ça ne fait pas trop pédant, très peu pour moi. Divertir, de quoi? Divertir du journalisme d’abord; au milieu de ces pages efficaces, écrire quelques paragraphes dans le vent, pour presque rien — manque à gagner: 600$ l’espace de pub, ça fait cher le bavardage. Divertir de mon travail de mémoire, encore prisonnier du style scolaire et des nécessités de la rhétorique. Divertir de notre

mort à venir — tis’ wrote against the spleen, comme dit Tristram Shandy. Pour oublier que rien de tout ça n’aurait dû arriver. Se divertir, en somme, tous, chacun, nous qui dansons autour d’un volcan. Il s’agira donc — mode d’emploi, grand programme — de s’emparer d’un objet littéraire, et plus généralement artistique, la littérature déborde, faire fi de la

et éprouver ma manière, en évitant la pente facile du discours, les jeux de mots, les effets de rhétorique, les bons mots, les poses, les références évidentes, même le pauvre écho consonantique que je n’ai pas fait exprès d’écrire. Ne pas tomber dans ce que Meschonnic appelle «le conformisme de l’anticonformisme». Funambule. Et puis j’aimerais faire rire maître Jojo.

«Divertir, de quoi?» grammaire, du bon usage comme on dit tout ça ce n’est que du vent pour les agélastes et les essentialistes du moment que l’on peut se faire comprendre qu’est-ce que t’en penses est-ce grave de ne pas comprendre si c’est beau disait A. comme ce serait drôle. Ma tendance à délier. Il ne faudra pas recommencer. Prescription. Norme. C’est important, les règles. Faire ça, dans les règles. Déjà je commence à déjouer. Tout ça n’a qu’une finalité: trouver

Qu’il voit à travers tout! Les autres, bienvenue. Je disais donc: puiser chaque semaine dans ce qui déborde et voir où cela nous mène, en espérant trouver en cours de route une sorte de manière qui ne soit pas une manie. Ne pas cacher les biais de mon discours, ni mes influences. Ne pas jouer, je n’en ai pas les moyens. Et pourtant, ne sais-je faire que ça? Si je réussis à esquisser un sourire sur son visage, alors je n’aurai pas écrit pour rien. x

exposition

Le MBAM rend hommage à la photographe Leila Alaoui un an après sa mort. amandine hamon

Le Délit

L

e 18 janvier 2016, la talentueuse Leila Alaoui succombait à ses blessures, trois jours après les attaques terroristes de Ouagadougou. La photographe franco-marocaine avait trentetrois ans et était déjà admirée par beaucoup de ses collègues. À partir d’une observation critique du monde, Leila Alaoui s’exprimait par le portrait photographique et les vidéos documentaires. Elle avait travaillé pour Vogue et le New York Times, et se trouvait en mission pour une campagne sur les droits des femmes d’Amnistie Internationale lorsqu’elle a trouvé la mort. Un an après, le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) lui rend hommage en exposant sa série «No Pasará», du 18 janvier jusqu’au 30 avril 2017. Récit d’un désir de partir Premier projet de l’artiste, cette série de vingt-quatre images, dont le titre rappelle les slogans antifascistes de la guerre civile espagnole, avait été commandée par l’Union Européenne en 2008. «No pasará» («vous ne passerez pas», ndlr) est un travail d’observation, presque anthropologique, de la jeunesse marocaine entre Béni Mellal, dans le centre du

pays, et les villes portuaires de Nador et Tanger, sur le thème de l’immigration clandestine. Dans son travail, marqué d’humanisme et de poésie, Alaoui fait donc le portrait de jeunes Marocains qui ont les yeux pleins d’espoir et qui s’imaginent un Eldorado de l’autre côté de la Méditerranée. Elle nous donne ainsi l’occasion de regarder cette jeunesse dans les yeux. L’exposition commence avec la photo d’un mur couvert de traces de main comme pour signifier l’humanité de ces individus qui longent les murs et traversent les frontières. On ne peut s’empêcher de renvoyer cette image à l’idée de la crise des réfugiés, au mur de Donald Trump et à la faillite européenne. Mais là, on se concentre sur des portraits de la jeunesse, laissant place à la naïveté et au rêve plutôt qu’à la politique et à l’agressivité. La photographe expose avec émotion cette volonté d’évasion, cette envie d’ailleurs sur fond de pauvreté et de misère. Mal de mer Un garçon assis sur un mur est pris en photo de dos, seul face à l’immensité de la Méditerranée. Des adolescents grimpent sur les ruines d’une forteresse qui surplombe la baie, comme s’ils étaient partis en éclaireurs pour préparer une éventuelle traver-

le délit · mardi 24 janvier 2017 · delitfrancais.com

Leila alaoui sée. Ces jeunes, debout sur des murs en ruines, ont le regard rivé vers l’horizon, se demandant surement si une traversée leur offrirait une vie meilleure. Alors que les yeux enfantins qui se trouvent au centre de chaque cliché connotent l’espoir et l’innocence, d’autres éléments viennent symboliser l’emprisonnement et la méfiance. Des grillages abrupts, des barreaux de fer ou encore des tas d’ordures se posent comme les obstacles de ces jeunes, les

empêchant d’aspirer à une vie meilleure. Un jeune homme est allongé à l’avant d’une barque, une bouée de sauvetage posée sur la tête, le regard perdu dans le ciel. Il s’agit de l’un des trois harragas, brûleurs de frontière, que la photographe a suivi dans leur traversée, mais qui ont échoué et ont dû rejoindre les côtes marocaines. L’œuvre d’Alaoui est un documentaire photographique, pas un conte de fée enfantin avec une fin heureuse.

Au centre de ces images, c’est moins l’histoire racontée par l’artiste que les regards observés par la photographe que l’on doit retenir. Alaoui capture l’expression de ces visages en se focalisant sur les yeux de ses sujets. Une jeune fille à l’air mesquin sourit à l’objectif, et nous reste à l’esprit en sortant du musée. Alors, en marchant dans la rue Sherbrooke, on se demande: n’a-t-on pas tous envie de s’évader, de partir et de s’envoler vers cette utopie qu’est l’Eldorado? x

Culture

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chronique

Où ça? Où ça? On le sait, la vie culturelle à Montréal est foisonnante. Il est toutefois parfois difficile de savoir où se rendre une fois avoir visité le MAC et s’être déhanché-e au Belmont. L’équipe Culture vous proposera donc chaque semaine des endroits culturels qui valent le détour et feront plaisir à votre portefeuille.

I

Bar Le Ritz

Café Résonance

D

l faut s’aventurer au-delà du Mile-End, dans le Mile-Ex, pour profiter du bar Le Ritz, dont les portes sont ouvertes jusqu’à trois heures du matin chaque soir de la semaine. Avec certains évènements musicaux non payants et une entrée gratuite de 5 à 9, Le Ritz propose une programmation éclectique et recherchée ainsi qu’un cadre rétro et confortable. Habitué de l’endroit, notre cher directeur de la photographie témoigne: «you can be who you are» (Vous pouvez être qui vous voulez, ndlr) au Ritz. Le Ritz, c’est aussi l’occasion de siroter une (bonne) pinte de bière à six dollars devant des films à voir et à revoir projetés en 35mm. Environ toutes les deux semaines — et généralement pour la somme de dix dollars — on (re)découvre Lynch ou Cronenberg grâce à un grain qu’on ne trouve plus dans les salles de cinéma classiques. En profiter avant l’arrivée des midterms! x Accessible en fauteuil roulant

irection le Mile-End, au croisement de l’avenue Fairmount et Parc, avec un café qui réunit ambiance cosy, menu végétalien et concert jazz tous les soirs de la semaine. Comme la plupart des cafés à Montréal, on y va la journée pour étudier, mais en début de soirée les lumières se tamisent pour laisser place à des concerts de jazz, de la musique classique, musique expérimentale, ou encore des lectures de poèmes. Crée en 2012, Résonance se veut un espace ouvert à la créativité musicale montréalaise. Plaisir de l’ouïe, mais aussi plaisir des papilles, on recommande leurs bols végétaliens garnis, leur bon café et les cocktails à six dollars. Bon nombre des performances demanderont une contribution financière qui varie entre cinq et huit dollars tandis que les prix fixes de certains évènements dépassent rarement les dix dollars. À programmer sur une journée entière pour se détendre après le boulot! x Non accessible en fauteuil roulant chloé mour

portrait

Le Délit

Le pouvoir des clichés

Rencontre avec Candice Pantin: bloggeuse et photographe. dior sow

Le Délit

N

ée et élevée à Montréal, des parents trinidadiens, Candice Pantin est à l’image de la ville: jeune, dynamique et aux influences diverses. Elle est à l’origine du site web I Like I Wear («J’aime, je porte», ndrl), une plateforme dédiée entre autres à la diffusion d’images qui naissent de son travail de photographe, directrice artistique et styliste. Elle utilise aussi ses réseaux sociaux pour mettre en place une narration visuelle qui s’articule autour de la connaissance de soi et du climat social ambiant. Prête à s’emparer de toutes les opportunités elle a fait de Montréal son terrain de jeu: «C’est une ville très vibrante culturellement, dit elle, c’est un endroit exceptionnel pour trouver de l’inspiration, il y a aussi énormément d’individus ici qui expriment leur créativité!» Cette jeune femme qui se décrit comme spirituelle de nature souhaite avant tout créer un contenu qui se base sur l’inclusion et et dont la valeur s’estime au travers des liens qu’il crée. Au nom de la femme Dans ses séries photographiques «Conversation with my

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Culture

selves» et «Project your magic» elle s’interroge ainsi sur l’idée de la conscience de soi: comment définissons-nous notre identité, comment pouvons-nous évoluer tout en restant fidèle à nous-mêmes? Ses photos sont des odes à la femme, celle qui avance avec force et sérénité. Pour Candice Pantin «Nous nous ressemblons plus que nous le pensons, nôtre dénominateur commun est ancré dans l’amour et le fait d’être aimé et nous continuons d’avancer pour, je pense, sentir que nous sommes importants…». À travers ces portraits elle a voulu représenter l’universalité de ces sentiments et montrer comment l’amour de soi se cultive avant tout en nous-mêmes, dans l’espoir d’encourager son public à consciemment faire de même. Son travail a aussi une dimension contextuelle: il se pose comme une réponse à ses expériences mais aussi celles des femmes et des minorités. C’est ainsi que lui est venu l’idée de sa série «Yes Black Girl, You Are Magic»: l’été dernier — alors que les tensions politiques et sociales liées au mouvement Black Lives Matter attégnaient leur paroxysme — elle se retrouve au cœur d’un incident qui l’expose simultanément à la misogynie et aux préjugés raciaux de ses pairs.

Elle nous confie que suite à cela elle a voulu réaliser un éditorial visuel pour montrer comment ces discriminations étaient toujours omniprésentes pour les femmes noires: «Il y a un parallèle entre l’importance de l’album Lemonade de Beyonce et la raison pourquoi #BlackGirlMagic n’est pas seulement un hashtag désinvolte mais un rappel nécessaire du double fardeau que portent les femmes noires. Il ne faut pas oublier que malgré tout elles continuent de s’élever et de briller.». Elle ajoute ensuite que son but n’est pas d’exclure les autres genres — ou même les femmes qui ne sont pas noires — de la conversation mais plutôt d’ouvrir le dialogue et faire comprendre que nous sommes égaux dans notre désir de reconnaissance. Et le futur ? Quand on lui parle de l’avenir Candice se montre assez enjouée: «Pour 2017 j’espère pouvoir présenter ma première exposition de photos qui serait un commentaire social, je vais aussi réaliser beaucoup plus de portraits et travailler avec des marques qui ont un éthos et un regard sur la mode similaire et pour le reste c’est aux mains du pouvoir divin!». x

candice pantin

le délit · mardi 24 janvier 2017 · delitfrancais.com


CHRONIQUE Expression créative

Chronique VISUELLE

Ligne de fuite Le train

Opini-art-re

SaMUEL FERRER

Le Délit

Six heures du matin dans la grisaille bruxelloise. Les gouttes de pluie continuent de tomber, imperturbables. Leur longue descente, ballet humide du ciel, les amène à s’écraser contre les vitres d’une voiture roulant à toute vitesse en direction de la gare. Bruxelles-Midi se réveille à peine. Les quelques clochards ayant occupé les bancs pendant la nuit se lèvent en faisant craquer les os de leur dos. Les escalators dorment encore, il faudra monter à la force des muscles. Les quais sont presque déserts; l’ambiance y est encore brumeuse, une fumée invisible ralentit tout ce qui est autour de vous, et donne l’impression d’évoluer au travers d’un flux répétitif et inhibant. Rentrer dans un train, c’est rentrer dans une atmosphère. Celle-ci est paisible. Chacun toise du regard l’autre, non par crainte mais plutôt par acquis de conscience, par habitude, histoire de voir avec quel genre de personnes nous allons partager un tronçon de vie, un fragment de temps délimité par deux gares. Quelques coups de sifflet, les derniers au revoir, et les portes se ferment sur une mélodie d’air compressé. Au fur et à mesure que le train prend de la vitesse, les gouttelettes, éparpillées sur ses vitres, empruntent un chemin horizontal. Le train n’avance plus, il vole. Il perfore les zones industrielles, il perfore la carapace humide des chemins qu’il emprunte. Cologne. Architecture de fer au milieu des pierres gothiques grisâtres, noircies en vert par le temps et les intempéries. Escale d’une journée qui ne fait que commencer. Et puis, les vastes plaines de la Ruhr s’étendent à nouveau sous nos yeux. Le temps file, et le train essaye de le rattraper. Non daté. Ø Fonds rouges, Taches bleutées, Pointes jaunes, Dans l’obscurité Interne Baignée de soleil. Le vent tourne en ronds délicats Dans mes oreilles. Le va-et-vient incessant des voitures, Ce ressac citadin. Pas de drapeaux à l’horizon Pourtant ils flottent partout sur la ville. Des brindilles nationales sur cette île capitale. Il nous faut un rythme Il est propre à chacun. Le mien est en syncope, Comme la sirène de l’ambulance Que l’on entend avant, pendant, et après Il y a ici d’autres sirènes, d’acier. Entre des figures de marbre aux cheveux blonds. C’est stéréotypé, bien évidemment. Je généralise, comme d’habitude. Je suis sur la terrasse, Celle de mon immeuble. Le bois en est vermoulu, mais elle surplombe Les vagues sonores. Le vent y souffle et fait avancer mon stylo. J’en suis le seul équipage. Tous les citadins sont à la mer grise Où apparaissent çà et là des lignes blanches. Le soleil se couche. Au loin une ambulance. Elle illumine la ville, c’est notre gyrophare. Les gens rentrent dans leur cabine. Sauf quelques aventuriers, fiers fous Sur leurs pontons.

«Celui qui rit le plus, apprend le mieux» – John Cleese alissa zilber

Samuel Ferrer

le délit · mardi 24 janvier 2017 · delitfrancais.com

Culture

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CALENDRIER

Concert de l‘Orchestre à vent de McGill

Opéra McGill Die Fledermaus: du 26 au 28 Janvier

Colloque de l’ADELFIES

Gothique kitsch

Atelier Portes ouvertes au DHC/ART: Joignez-vous à l’artiste Karen Tam afin de participer à l’atelier de création «Gothique Kitsch»

DImanche

LUNDI

atelier en continu de 13h à 17h

samedi

au Monument-National le 26, 27 et 28 à 19h30 Voix dissidentes: Littératures et répressions

Vernissage Séoul c’est loin

vendredi

30

à la Maison Thomson (McGill) de 8h30 à 16h15

Expo photo de Jules Tomi à la Glass Door Gallery du 27 au 29 Janvier

jeudi

29

au Pollack Hall de 19h30 à 21h

MERCREDI

28

27: 18 à 21h 28: 12 à 20h 29: 10h à 18h

Mardi

27

Comment gérer sa fiscalité d’artiste?

La fiscalité et les travailleurs autonomes culturels

26 Potluck

L’école du collaboratif: A qui bénéficie l’action des plateformes collaboratives, Uber, Airbnb? au Temps libre Mile-End de 17h30 à 20h30

au CQAM de 10h à 17h

le délit · mardi 24 janvier 2017 · delitfrancais.com

Infographie réalisée par Arno Pedram

de 19h à 21h

Une soirée de cinéma autochtone au cinéma Politica Concordia

Premières voix

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au Café Acquis de droit de 16h à 19h

Au menu, Vian, Kundera, Beigbeder, Tolstoï, Voltaire, Kerouac, Hugo, Kafka, Weber, Tocqueville...

Causerie littéraire de l’AED

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Drag Delegate Le deuxième volet d’une rencontre insolite entre le cabaret Mado et la délégation des Nations Unies de l’UdeM au Cabaret Mado de 19h30 à 22h30

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