Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill
Mardi 25 octobre | Volume 106 Numéro 6
Les contrastes c’est beau depuis 1977
Éditorial rec@delitfrancais.com
Alice & Gerry au pays du viol Le combat contre la culture du viol doit être inclusif. Ikram Mecheri
Le Délit
L
a liste est longue et s’éternise: la remise en question des ateliers sur le consentement à McGill, les rites d’initiation douteux de la faculté de droit de l’Université de Montréal, la fin de semaine effroyable d’agressions sexuelles à l’Université de Laval, le Vet’s Tour aux pratiques dégradantes de l’Université d’Ottawa. Pour ceux qui doutaient encore de l’existence d’une culture qui banalise les gestes de violence sexuelle, le message ne peut être plus clair. En effet carce dernier mois s’est déployée une pièce sordide d’un genre douteux mettant en scène une nouvelle victime, de nouvelles accusations, un autre présumé violeur, une colère renouvelée. Que reste-t-il donc à prouver pour que cette indignation puisse enfin se transformer en action et que le changement de mentalité si nécessaire puisse avoir lieu? David contre Goliath Caricaturale presque, l’histoire d’Alice Paquet, qui affirme que le député provincial Gerry Sklavounos l’a agressée sexuellement, a été la goutte de trop provoquant le scandale libérateur. Le courage dont a fait preuve la jeune femme pour évoquer les gestes présumés du député n’a d’égal que la violence des propos qui ont suivi sa déclaration. Il est temps d’admettre que les résultats de nos institutions juridiques, policières et gouvernementales ne sont guère satisfaisants pour un État de droit censé protéger ses citoyens. Si des survivantes telles qu’Alice avaient obtenu le soutien et le suivi nécessaire, tant juridique que moral, le témoignage de cette dernière n’aurait pas été déchiqueté violemment comme il l’a été. Dans un monde idéal où la parole des femmes est prise au sérieux, le témoignage d’Alice aurait pu être un vibrant appel à la solidarité et à l’entraide. Nos médias se seraient évité leur vaine logorrhée. Il nous revient de questionner la place et la responsabilité de ces derniers dans ce type d’épisodes. À chaque occurrence d’une telle affaire, nous nous trouvons devant un dilemme moral. D’une part, portant le poids de notre propre histoire et des inégalités qui l’ont pétrie, on ne peut ni ignorer les cas où des violences sexuelles furent réduites au silence, ni les cas où des allégations fausses ont détruit la vie d’innocents. En tant que médias, nous sommes incombés d’un devoir d’éthique. Un médium, quel qu’il soit, ne doit pas se faire la voix d’une justice populiste aveugle. En ceci beaucoup ont échoué. En allant fouiller dans le passé de la survivante, certains se sont fait le relais d’informations fallacieuses et non utiles au débat. D’autres encore, ont appelé le présumé coupable «criminel», se posant de facto en porte-à-faux vis à vis de la justice, au risque de diffamation. Si aujourd’hui beaucoup dénoncent cette justice populaire, nul ne peut nier que si les intervenants de première ligne avaient offert le
soutien nécessaire à Alice, cette dernière n’aurait pas eu besoin de se tourner vers les médias pour obtenir ne serait-ce qu’un semblant de justice. Si victime il y a, elle doit pouvoir s’exprimer sans crainte ni jugement. Si coupable il y a, il doit pouvoir répondre des accusations qu’il reçoit. Nos institutions doivent se réformer pour corriger le tir: il en va de leur survie. Pour un combat inclusif contre la culture du viol On croyait derrière nous l’époque où la couleur de peau des accusés faisait les gros titres. Cependant, suite à la vague d’agressions sexuelles présumées qui ont eu lieu dans les résidences de l’Université de Laval, certains journalistes ont tenté d’établir une causalité douteuse, voire dangereuse, entre la culture du viol et la couleur de peau. Ce sont ces mêmes journalistes et commentateurs qui discréditent les survivantes lorsqu’elles dénoncent ce problème systémique. Sous entendre que la culture du viol est liée à une minorité est un aveuglement imprudent qui ne fait qu’exacerber les autres problèmes du Québec tel que le racisme systémique. Plus encore, ce serait pour certains une façon de se laver les mains et de dire que le problème vient d’ailleurs alors qu’il est au coeur de nos institutions. Ceux qui pointent du doigt les étrangers oublient que selon les données du Gouvernement du Québec 84,2% des jeunes victimes et 78,8% des victimes adultes connaissent leurs agresseurs, qui sont souvent un membre de la famille. La lutte contre les violences sexuelles n’est pas un combat à mener en pointant du doigt des minorités. Nous avons le devoir moral de nous interroger sur la manière dont la culture du viol imprègne l’ensemble de notre société, de nos médias à nos institutions policières. Face aux nouvelles récentes de violences sexuelles sans cesse renouvelées, nous ne devons pas nous contenter de nous scandaliser. Collectivement, nous devons repenser les tenants de notre culture et remettre en question la manière dont elle contribue à perpétuer et excuser la violence sexuelle. N’attendons plus le prochain scandale pour nous indigner. Pour en finir avec la culture du viol, nous devons mener un combat inclusif qui ne laisse personne de côté. Et McGill dans tout ça? Au sein de l’Université McGill, l’équipe du Délit avait félicité les efforts de l’institution qui a [finalement] proposé une Politique contre les violences sexuelles. Ouverte à une consultation publique, cette politique est encore à retravailler et devrait voir le jour dans les prochains mois. Cette ébauche a mobilisé de nombreux groupes étudiants qui ont soumis leurs recommandations au sénat de l’Université (voir page 3). Toutefois, ce n’est pas assez. De nombreuses universités québécoises n’ont pas encore adopté de telles démarches. Les événements récents ont démontré l’urgence d’une stratégie provinciale pour pallier cette lacune. x
Volume 106 Numéro 6
Le seul journal francophone de l’Université McGill rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Ikram Mecheri Actualités actualites@delitfrancais.com Chloé Mour Louis-Philippe Trozzo Théophile Vareille Culture articlesculture@delitfrancais.com Dior Sow Hortense Chauvin Société societe@delitfrancais.com Hannah Raffin Innovations innovations@delitfrancais.com Ronny Al-Nosir Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Yves Boju Coordonnateurs visuel visuel@delitfrancais.com Mahaut Engérant Vittorio Pessin Coordonnateurs de la correction correction@delitfrancais.com Madeleine Courbariaux Nouédyn Baspin Coordonnatrice réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Louise Kronenberger Multimédias multimedias@delitfrancais.com Magdalena Morales Événements evenements@delitfrancais.com Lara Benattar Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Contributeurs Mathilde Chaize, Miruna Craciunescu, Valentine Dalloz, William Ho-Luong, Pierre Gugenheim, Eléa Larribe, Capucine Laurier, Mahée Merica, Gordon Milne, Adèle Mour, Sébastien Oudin-Philipecki, Esther Perrin Tabarly, Jacques Simon, Augustin de Trogoff, Samy Zarour Couverture Mahaut Engérant, Vittorio Pessin et Théophile Vareille bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux, Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Sonia Ionescu
2 éditorial
Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction.
L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).
le délit · mardi 25 octobre · delitfrancais.com
Actualités actualites@delitfrancais.com
En bref... Le chiffre à retenir
Cette semaine, Le Délit souhaite mettre en évidence l’association mcgilloise Liberty in North Korea, formée d’étudiants dévoués à soutenir les réfugiés nord-coréens et à assurer leur réinsertion sociale, en Chine et en Asie du sudest principalement. Travaillant de concert avec l’organisation non-gouvernementale Liberty in North Korea (LiNK), le groupe étudiant souhaite susciter une prise de conscience des conditions de vie terribles dans lesquelles vivent les citoyens nord-coréens, assujettis au régime totalitaire de Kim Jong-Un. x
À suivre cette semaine:
À venir cette semaine:
Consultation sur une politique antitabac
Alors que les «hommes rouges» (Redmen) de McGill recevront la visite des Carabins de Montréal ce samedi à l’occasion du dernier match de footall de la saison, la confrontation sera marquée du retour d’un événement très prisé par les étudiants de McGill: l’Open Air Pub. x
Dans un effort d’instituer une politique antitabac sur le campus de l’Université, une consultation organisée par l’Administration se tiendra ce mardi 25 octobre à 14h30 dans l’auditorium du Musée Redpath. Une seconde consultation aura lieu le 5 novembre, cette fois au campus MacDonald. Des enquêtes préliminaires ont montré que 73 pourcent des étudiants de premier cycle consultés étaient en faveur d’un campus non-fumeur. x
OAP & Retrouvailles
Du concret!
Avis étudiants sur la politique contre la violence sexuelle. Le Délit
U
n mois après la parution de l’ébauche la Politique contre la violence sexuelle de l’Université, un rapport réalisé par des associations étudiantes recommande de nombreuses modifications, dans le détail comme dans les grandes lignes. Ce rapport, publié en ligne le 12 octobre par l’AÉUM (Association des étudiants en premier cycle de l’Université McGill, ndlr) et l’AÉCSUM (son équivalente pour les étudiants en cycles supérieurs, ndlr), se base sur des consultations étudiantes conduites avec l’aide du SACOMSS (Association mcgilloise de soutien aux survivant•e•s d’agressions sexuelles, ndlr). Bien que saluant les efforts de l’Université, le rapport énumère 28 modifications concrètes à apposer à ce projet politique souvent jugé trop vague et ambigu. Document survolé Le document de l’Université a été présenté ce mercredi 19 octobre au sénat mcgillois, en présence, notamment, de la principale Mme Fortier, mais n’a pas fait l’objet d’une discussion approfondie ni d’un intérêt des plus vifs au sein de l’assemblée de professeurs et hautresponsables. Erin Sobat, vice-président de l’AÉUM aux affaires universitaires, s’est dit «déçu» de ce tiède
Christopher Manfredi, Prévôt et Viceprincipal académique
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campus
théophile vareille
«Une politique c’est essentiel mais nous savons qu’une politique ne suffira pas en elle-même»
‘
15%
Le quorum qui devra être atteint pour que le vote sur CKUT (la radio mcgilloise) soit valable. Avec deux jours restant pour voter, il est urgent d’aller exprimer son droit de vote. Rien de plus simple puisque le vote se fait en ligne. x
À l’asso’ de l’actu
Les mots qui marquent
accueil. Une politique inaugurale sur un sujet aussi essentiel, au cœur aujourd’hui d’une actualité brûlante — et violente — aurait sans aucun doute mérité plus que quelques minutes de commentaires ternes, en cette réunion des plus grandes instances mcgilloises. Une politique trop approximative Le rapport regroupe ses recommandations en sept thèmes: langage et cadre, échelle, habiliter les survivants, éducation et reconnaissance, ressources de soutien, responsabilité et revue d’ensemble. Une critique traverse ces sept thèmes, le caractère vague du projet de politique, dont le langage parfois «ambigu ou légaliste a été identifié comme potentiellement aliénant». Par exemple, cette politique prétend s’appliquer au «contexte mcgillois», sans préciser son étendue: quid les évènements hors-campus, ou les survivant•e•s non-mcgillois•e•s ayant été agressé•e•s par des membres de la communauté mcgilloise? Le rapport regrette aussi le terme d’une approche «centrée sur les survivants», et non «pro-survivante», une expression plus valorisante dont il préconise l’usage dans tous les autres textes mcgillois sur la violence sexuelle. Éducation et prévention Au-delà de ces reproches, le rapport plaide pour plus de forma-
le délit · mardi 25 octobre 2016 · delitfrancais.com
tion et sensibilisation de l’ensemble de la communauté mcgilloise: professeur.e.s, employé.e.s, mais aussi étudiant.e.s logeant hors du campus ou étant en échange — ces étudiant.e.s ne prenant pas part au Rez project, qui éduque les étudiants en première année sur le consentement, entre autres. Il note aussi que les ressources, bien que plus importantes (un conseiller responsable des contremesures aux violences sexuelles étant sur le point d’être recruté), peuvent souffrir d’un manque de visibilité et d’accessibilité, à cause d’une communication maladroite. Le rapport se permet en dernier lieu de faire quelques plus larges remarques. Il insiste sur le fait que le problème de la violence sexuelle est la responsabilité de tous, et que bien que soutenir les survivants soit à juste titre le priorité de cette politique, il faut aussi de fortes politiques préventives et correctionnelles. Le rapport s’inquiète aussi des modalités d’évaluation de cette nouvelle politique, à savoir par qui et comment ses effets seront-ils jugés. Alors que Chrisopher Manfredi, prévôt et v.-p. académique, a promis de soumettre au sénat la version finale de la Politique contre la violence sexuelle de l’administration avant le nouvel an, il semble qu’elle ne fasse pas dans son état actuel l’unanimité chez les étudiant•e•s. x
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actualités
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campus
Grève à l’horizon?
Les membres du principal syndicat des travailleurs étudiants votent pour un mandat de grève. théophile vareille
Difficultés et injustices
pourcents en faveur d’actions de revendication allant jusqu’à une grève», la gorge nouée, Claire Michela, présidente du SEOUM (Syndicat des employé.e.s occasionnel.le.s de l’Université McGill, AMUSE en anglais, ndlr), annonce que les membres présents lors de l’Assemblée générale extraordinaire viennent, par leur scrutin, de délivrer à l’équipe de négociation du syndicat un mandat de grève. En ce début de soirée du jeudi 20 octobre, dans un bâtiment Leacock frissonnant sous une pluie d’automne, un «ouf» de soulagement collectif s’enfuit de la poitrine de l’équipe exécutive syndicale. Le parterre se disperse, se mêlant aux nombreux hédonistes sortant du Bar des Arts, inconscients du petit bout d’histoire syndicale qui vient de s’écrire la porte à côté.
Une cinquantaine de membres sont présents, principalement des femmes, et quelques-uns témoignent des difficultés qu’ils ont pu rencontrer en travaillant pour McGill: difficulté à obtenir une véritable carte McGill, enchaînement de contrats de quelques semaines une année durant, manque de stabilité et de prédictibilité concernant l’emploi du temps et les dates de versement de la paie, être payé moins que ses collègues simplement parce qu’on l’est pas employé pour du long terme... Le message est clair, McGill ne respecte pas comme il se doit ses travailleurs occasionnels et temporaires. Et l’Université, selon l’équipe de négociations du SEOUM, ne s’est pas montrée conciliante avec le syndicat, refusant le compromis sur nombre des priorités, salaire et Work Study notamment. Un mandat de grève, argumente Bradley Powell, négociateur pour le SEOUM, permettrait au syndicat de mettre l’Université sous pression. Ce mandat de grève peut désormais être exercé à tout instant par le SEOUM, mais la présidente insiste sur le fait qu’il s’agit d’un moyen de dernier recours qu’on préférerait ne pas utiliser. Si il est exercé, tous les membres de SEOUM se retrouveront dans l’interdiction d’aller au travail, sous peine de poursuites judiciaires,
«82 Le Délit
Les arguments du syndicat Malgré un score s’approchant du plébiscite, la proposition de vote a fait l’objet d’un débat engagé. L’équipe syndicale, composée majoritairement de non-étudiants (alors que les étudiants représentent 85 à 90% des membres), avait, en ouverture de session, présenté ses arguments justifiant ce mandat de grève. En ce début d’année civile, le SEOUM est entré en négociations
avec l’Université pour arriver à une nouvelle convention collective, l’ancienne convention (la première de l’histoire de SEOUM, signée en 2010) ayant expiré au printemps 2015. Le SEOUM est arrivé à la table des négociations avec une liste de demandes précises, cette liste étant le résultat d’un long processus de consultation de ses membres. Ces revendications se résument ainsi en quelques mots: à travail égal traitement égal. Pour ce faire, le SEOUM demande un salaire à la hauteur du travail effectué et la définition précise de ce travail (sur le descriptif des postes
fourni au SEOUM par l’Université n’apparaît souvent que le mot «étudiant»), un salaire décent (c.à.d. supérieur à 15 dollars l’heure, une étude indépendante ayant trouvé que l’on ne peut pas vivre avec moins de 15.38 dollars l’heure à Montréal, pour rappel le salaire minimum est actuellement au Québec de 10.85 dollars), un système de Work Study qui fonctionne (McGill interdit pour l’instant au bureau Work Study de communiquer avec celui des relations humaines ou SEOUM, ce qui explique son inefficacité et opacité et est illégal selon le syndicat).
mais pourront être partiellement rémunérés. Une majorité sans unanimité Certains membres firent toutefois entendre leurs réserves. Plusieurs remarquèrent qu’une minorité dérisoire de membres avaient fait le déplacement (une cinquantaine sur 3000 membres au total), remettant en question la légitimité du vote et faisant valoir qu’ils ou elles n’étaient pas à l’aise avec l’idée de voter avec tant d’absents et dont la voix ne serait pas entendue. D’autres se prononcèrent contre le mandat de grève. Suki, étudiant en musique, expliqua qu’il ne pouvait pas voter en faveur tant qu’il ne savait pas s’il pourrait toucher sa paie de grève. Cette paie, provenant du syndicat-parent du SEOUM — l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) — s’obtient après avoir passé quatre heures quotidiennes au piquet de grève, ce qui entre en conflit avec l’emploi du temps de certains. Mais ces réserves n’auront pas empêché la résolution de la majorité à voter pour un mandat de grève. L’issue du dépouillement effectué par Jean-Michel Fortin — négociateur en chef pour le SEOUM dépêché par l’AFPC — pose le syndicat en position de force (relative) lors de ces prochaines discussions avec l’Université, et ce, dès cette semaine. x
campus
Quand santé féminine rime avec luxe L’AÉUM adopte une motion pour la distribution de produits hygiéniques gratuits. chloé mour
Le Délit
O
ffrir gratuitement sur l’ensemble du campus des produits de protection périodique pour femmes (serviettes hygiéniques et tampons), telle était une des volontés d’Elaine Patterson, v.-p. à la vie étudiante de l’AÉUM (Association des étudiants de l’université McGill, ndlr), à son début de mandat. Considérée par beaucoup d’associations et d’étudiant•e•s comme une «politique progressiste», la motion sur les produits hygiéniques menstruels gratuits a été adoptée jeudi dernier lors du conseil législatif de l’AÉUM. Le corps étudiant sera bientôt consulté par référendum pour approuver ou rejeter les frais associés à cette politique: 0,90 dollars canadiens par étudiant•e par semestre. Cela permettrait de fournir à chaque étudiant•e dix serviettes et dix tampons par cycle sur une durée de huit mois. D’autre part, ce service
4 actualités
(personnes transgenres) — ayant leurs menstruations et vivant dans la précarité.
pallierait, à l’échelle du campus, à une discrimination souvent ignorée et méconnue du grand public: la «taxe rose».
Sensibiliser les étudiant•e•s
Tampon, produit de «luxe» On connaît l’expression «il faut souffrir pour être belle». Il semblerait qu’être «belle» et en bonne santé requiert également un portefeuille bien fourni. La «taxe rose» ou «taxe tampon» désigne la discrimination qui est faite vis-àvis des produits destinés à la gente féminine et souvent repérables par leur couleur rose. Considérés comme produits de luxe, ces derniers affichent des prix plus élevés que les autres produits «masculins» et/ ou de première nécessité (le papier toilette par exemple). Ce marketing genré (qui différencie ses produits et ses prix selon les normes de genre, ndlr), et sexiste, coûte en moyenne 1 400 dollars de plus par an à une femme qu’à un homme aux États-Unis.
adèle mour Au Canada, depuis la pétition #NoTaxOnTampons (#PasDeTaxesSurLesTampons, ndlr), le gouvernement a ôté les taxes sur les protections périodiques pour
femmes qui s’élevaient à 5%, depuis le 1er juillet 2015. Il en demeure toutefois que maintenir sa santé menstruelle reste un luxe pour les individus — femmes ou non-femmes
La politique viendrait donc revaloriser la santé menstruelle (liée aux cycles menstruels, ndlr), alors que la santé sexuelle sur le campus est déjà largement promue. Les deux sont pourtant intimement liés, et la distribution gratuite de préservatifs sur le campus et dans les résidences devrait s’accompagner d’une distribution de produits hygiéniques menstruels. Au cœur de la politique adoptée est également prévue la mise en place par l’AÉUM d’une campagne annuelle d’éducation et sensibilisation à la «taxe rose» et ses effets discriminatoires. Enfin, la motion précise que l’AÉUM s’engagera à acheter des produits menstruels alternatifs (comme la coupe menstruelle) si un surplus de fonds survient. x
le délit · mardi 25 octobre 2016 · delitfrancais.com
campus
Pour l’intégration des réfugiés Découvrez HANY, une nouvelle association mcgilloise de tutorat étudiant. potentiel. Être capable de communiquer est aussi un biais essentiel pour une meilleure intégration dans le pays d’accueil des réfugiés. Rappelons que 31 500 réfugiés syriens ont été ou vont être accueillis par le Canada, et que 7 500 d’entre eux ont pour destination le Québec.
éléa larribe
V
ous vous êtes peut-être quelques fois sentis perdus en voyant l’immense liste d’associations proposées par l’Université. Vous avez sûrement supprimés quelques-uns des dizaines de mails hebdomadaires de McGill sans en lire le contenu… Et si vous aviez raté l’occasion de découvrir HANY? Le Délit s’intéresse à cette association mcgilloise qui vient de voir le jour, et qui signale un renouveau de l’engagement étudiant auprès des réfugiés arrivant au Québec.
Un enthousiasme communicatif
Au cœur du projet, les réfugiés Ces dernières années, vous avez forcément entendu parler de la crise des migrants en Europe, entendu les polémiques engendrées par le flux de réfugiés syriens, écouté des politiques plus ou moins bienveillantes à l’égard de ces nouveaux-venus. L’année dernière, le très controversé événement Imitation d’un camp de réfugié à l’intersection Y (Mock Refugee Camp on Campus
at the Y Intersection, ndlr) avait soulevé un tollé. La maladresse de cette démarche avait au moins permis un débat entre les étudiants sur le sujet. Aujourd’hui, la création d’HANY apparaît comme une initiative à la réception plus positive. C’est l’histoire d’Hany Al Moliya, un jeune homme syrien
désormais établi au Canada, qui a inspiré le nom — et la création — de l’association. L’idée est de permettre l’intégration de réfugiés à travers des cours de langues (français et anglais). Au cœur du projet, la conviction que tout le monde mérite une éducation afin de s’épanouir et de développer pleinement son
C’est dans une ambiance très chaleureuse et sympathique que l’équipe d’HANY a accueilli, ce mardi 18 octobre à 19 h à Chancellor Day, un petit groupe de curieux intéressés par l’initiative. Le café était offert, et leur bonne humeur contagieuse. Les deux fondatrices, Florence Chaussé et Rachel Vincent-Clarke étaient entourées de leur équipe. Après une brève présentation du projet, elles ont présenté les postes vacants au sein de l’équipe, et invité chacun à postuler. Un large éventail de compétences pourrait être utile à HANY: entre autres sont recherchés des talents en communication, gestion et comptabilité. Le conseil exécutif de HANY parle aussi bien le français que
l’anglais, mais quelle que soit la langue dans laquelle vous êtes le plus à l’aise, vos aptitudes linguistiques pourront aussi faire de vous un bon tuteur pour l’association, et vous permettre dèenseigner une des deux langues directement aux réfugiés. Pour d’éventuelles questions, l’équipe de HANY invite toute personne intéressée à les contacter directement en ligne ou à visiter leur site déjà disponible en français, en anglais et en arabe. Bénévolat à grande échelle Si pour l’instant, HANY est une association étudiante de McGill, leur but à long terme est d’étendre leur projet de Montréal à d’autres villes de la province, voire même à l’extérieur du Québec. Bien qu’ambitieux, ce projet ne semble pas irréalisable: en quelques semaines d’existence seulement, l’association a déjà plusieurs centaines de followers sur Facebook et semble générer un réel engouement. Cela marque un changement d’ambiance net sur le campus et signale que l’engagement et le bénévolat social étudiants sont aujourd’hui dynamiques à McGill. x
québec
Plongée au sein de l’extrême droite Jean-François Nadeau fait trois conférences ce mois-ci sur les mouvances extrêmes. jacques simon
Le Délit
«L
es fascistes ont beau être de droite, ils ne sont pas conservateurs pour autant. En réalité, ce sont plutôt des révolutionnaires» fait remarquer Jean-François Nadeau. C’est d’ailleurs ce qui est intéressant dans l’extrême droite. Souvent, on ne sait pas bien où, ni comment, la placer sur l’échiquier politique. Et pour cause: il serait faux de parler d’une extrême droite tant les mouvements, les idées, les tendances, et les opinions sont fracturés au sein de cette famille. D’ailleurs, à l’inverse de philosophies comme le marxisme, l’extrême droite ne se reconnaît pas dans un auteur, ni même un ouvrage, à partir duquel découlerait l’ensemble des mouvements se revendiquant de cette idéologie. C’est d’autant plus complexe que ces mouvements ont tendance à s’afficher comme anti-idéologiques. L’action, la force, le geste, ont tendance à avoir la primauté sur l’idée. C’est donc pour essayer d’éclaircir un peu ce mélange aussi compliqué qu’intéressant que
Jean-François Nadeau, journaliste au Devoir et historien spécialisé en nationalisme québécois, a entrepris de créer une conférence à trois volets portant sur «l’extrême droite au Québec dans les années 1930» et présentée au cours des Belles Soirées de l’Université de Montréal. Les origines de l’extrême droite La conférence part d’un constat: l’extrême droite est apparue de façon indépendante et quasi-simultanée dans des régions du monde différentes. On peut donc dire qu’il y avait, fin 19e, début 20e siècle, des conditions objectives et communes à beaucoup d’endroits du globe qui ont favorisé l’émergence de telles idéologies, sans que les chefs se consultent entre eux. Ces conditions ont suscité l’intérêt de beaucoup d’invididus pour une compréhension du monde en termes de «races» hiérarchisées, et ont contribué à faire émerger un «Homme nouveau». Celui-ci correspondrait à un être épuré du toute déviance, et représenterait une évolution de l’Homme, une espèce de surhomme nietzschéen à la sauce «race pure».
le délit · mardi 25 octobre · delitfrancais.com
Nadeau s’efforce donc de comprendre d’où viennent ces envies, et comment les différents mouvements se sont liés entre eux, se sont influencés tout en restant fondamentalement distincts. Nadeau le conférencier Jean-François Nadeau, c’est d’abord un historien et un politologue. Pour lui, «l’Histoire, c’est la capacité à étirer le temps pour le faire parler». Or, le temps, il fait plus que l’étirer. Il le manie comme il le souhaite, le fait changer de magdalena morales
forme pour le voir autrement, et le tourne dans tous les sens pour en dévoiler les rouages. Peut-être est-ce cette qualité de spécialiste qui fait que Nadeau se refuse tout commentaire hâtif sur la politique? La discussion avait en effet lieu pendant le troisième et dernier débat de la présidentielle américaine. «Traiter quelqu’un de fasciste, c’est un dérapage qu’on fait tous» nous explique-t-il. Et pourtant, il fait attention de ne pas le faire. Relancé maintes fois sur le sujet de Donald Trump, il restera sur sa position: pas d’analyse pro-
fonde, pas de rapprochement avec les mouvances des années 30, pas d’envolées lyriques à l’encontre du candidat américain. Nadeau semble formel: le format n’est pas adapté à une critique approfondie, et s’y lancer serait donc malhonnête. Mais Jean-François Nadeau, c’est aussi l’animateur de «C’est une autre histoire» sur RadioCanada. Parler à un public, il sait faire. Raconter l’Histoire c’est son métier, et il le fait bien. À un rythme entraînant et avec humour, il explique la montée du fascisme en Europe, et les liens entretenus entre l’extrême droite française et le Québec. Il plonge dans l’affaire Dreyfus, la lie à l’Action française, et en fait sortir Adrien Arcand (journaliste et homme politique québécois de tendance nazie et antisémite, ndlr). Allez voir! Vous pouvez donc, si vous le souhaitez, assister aux deux conférences restantes, qui s’intéresseront ces deux mercredi prochains à la distinction entre nationalistes et impérialistes, et aux chemises bleues d’Adrien Arcand, en compagnie de Nadeau, toujours. x
actualités
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canada
Changer notre façon de voter Réformer le mode de scrutin pour «rétablir la démocratie». Lisa Phuong Nguyen
Le Délit
L
ors de sa dernière campagne, Justin Trudeau a fait la promesse de conduire une réforme électorale pour «faire en sorte que l’élection de 2015 soit la dernière à utiliser le système uninominal majoritaire à un tour». Le 20 octobre dernier s’est tenu au Mcgill New Residence Hall un forum public sur la réforme, présenté par le Centre pour l’étude de la citoyenneté démocratique en collaboration avec la Chaire de recherche en études électorales de
Le forum a ensuite pris la forme d’un débat où quatre chercheurs en sciences politiques ont chacun défendu un mode de scrutin différent. Le système majoritaire uninominal à un tour (SMU) Peter Loewen, professeur en sciences politiques de l’Université de Toronto, a défendu le système majoritaire uninominal. Ce mode de scrutin consiste à voter pour un seul candidat et pour l’emporter, il suffit simplement d’arriver premier et d’avoir la majorité relative.
«La réforme sur le mode de scrutin devrait [...] encourager une plus grande participation des électeurs» l’Université de Montréal. Maryam Monsef, ministre fédérale des Institutions démocratiques était présente au forum et a pris la parole pour présenter l’enjeu. La réforme sur le mode de scrutin devrait, selon elle, encourager une plus grande participation des électeurs et mener à l’élection d’un gouvernement qui reflétera mieux l’ensemble de la population.
Ce système a l’avantage d’être simple et de former un gouvernement plus stable puisque le parti élu à la majorité est favorisé en détenant l’entièreté du pouvoir. Il est cependant souvent critiqué puisque ce système électoral peut causer une fausse majorité: un gouvernement qui ne reçoit que 40% des votes de l’ensemble de la population peut avoir la majorité des sièges
au Parlement. Ce mode de scrutin peut décourager certains électeurs qui ont l’impression que leur vote ne compte pas. Le vote préférentiel Marc-André Bodet, professeur à l’Université Laval, a présenté le vote préférentiel. Ce système permet à l’électeur de choisir plusieurs candidats en indiquant un ordre de préférence. Le candidat qui obtient plus de 50% des voix gagne l’élection. Ce mode de scrutin a les mêmes avantages que le SMU sans toutefois causer des cas de fausse majorité. Représentation proportionnelle sur liste ouverte Élaboré par Laura Stephenson, professeure à l’Université de Western Ontario, le système de représentation proportionnelle sur liste ouverte a pour avantage d’encourager la diversité au sein des partis. En effet, les électeurs ne votent pas seulement pour le parti de leur choix, mais peuvent aussi choisir le candidat qu’ils préfèrent. Ce système pourrait aussi encoura-
ger la participation des citoyens en leur laissant une plus grande liberté de choix. Représentation proportionnelle mixte Sven-Oliver Proksch, professeur adjoint de l’Université Mcgill, a défendu la représentation proportionnelle mixte. Chaque électeur vote deux fois; la première fois pour élire un député local et la deuxième pour le parti de son choix. Les députés de la Chambre des communes seront donc un mélange de députés locaux et régionaux. Cette
représentation a pour avantage de limiter les cas de fausse majorité et d’offrir un plus vaste éventail de choix pour les électeurs. Au terme du débat, il n’y a pas eu de consensus sur le système qui conviendrait le mieux aux Canadiens. Aussi, il ne faudrait pas laisser passer sous silence les foudres que s’est attiré Justin Trudeau cette semaine en évoquant la possibilité de revenir sur sa promesse d’une réforme électorale. Maintenant qu’il est pouvoir, notre premier ministre est certainement bien conscient des avantages que peuvent lui procurer un système uninominal
satire
Gisement de pétrole sous McGill Les travaux seraient en réalité un chantier pétrolier, a révélé l’administration. Augustin de Trogoff
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ans un courriel à la communauté mcgilloise, l’administration a dévoilé que les travaux actuellement en cours autour du campus ont pour but la découverte d’un «monstre réservoir de pétrole», selon la formule de la principale, docteur Fartier. Apparemment, une étude menée cet été a conclu qu’une entreprise de forage avait «une chance infime» de tomber sur un gigantesque gisement d’or noir. «Évidemment, nous avons foncé», poursuit Fartier, «nous ne pouvions pas laisser passer notre chance.» Le message annonce donc que les travaux ne s’arrêteront pas «tant que nous n’aurons pas touché au but». Bien que de nombreuses voix se soient élevées récemment pour souligner les multiples inconvénients liés aux chantiers, dont le bruit, les échafaudages périlleux et le cauchemar qu’est devenu Sherbrooke, l’administration est «certaine»
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d’œuvrer «pour le bien de tous». «Pensez-y», a dit Fartier lors d’une conversation téléphonique avec le Délit, «avec tout le fric qu’on va se faire, on va enfin pouvoir s’offrir un chauffage digne de ce nom. Au besoin, on brûlera du fioul. Et avec l’indépendance financière, fini les partenariats avec les conglomérats énergétiques! Ces écolos-fanatiques de Divest McGill nous laisseront enfin en paix.» Par contre, l’administration a refusé de répondre à nos questions concernant l’état des travaux. «Vous n’avez pas de devoirs à faire?» nous a lancé Fartier, avant de raccrocher subitement. Les ouvriers sur McTavish, eux, ont bien voulu nous parler. «Non, toujours pas de pétrole. Mais l’autre jour on a buté sur des sépultures. Il paraît que c’était des terres iroquoises, avant, par ici. On ne savait pas trop quoi en faire, donc on a ré-enseveli tout ça sous Quesada.» Le puits fera bientôt plusieurs centaines de mètres de profondeur, selon l’ingénieur
ronny al-nosir
de service, Monsieur Trudeau (aucune relation avec le Premier Ministre). «S’il y a réellement un gisement, on ne devrait pas tarder à l’atteindre. Sinon on se mettra à la fracturation hydraulique». Et le coût d’une telle opération? Pour l’instant, nous n’avons pas obtenu de chiffres concrets. En revanche, une source au gouvernement municipal nous indique que le maire serait intéressé par une participation à l’effort, en échange d’une partie des revenus. «Ça ferait vraiment notre affaire. Vous connaissez l’état déplorable de nos finances, une découverte pareille serait une aubaine inespérée». Cette même source a évoqué un contrat de plusieurs dizaines de dollars. Il semblerait donc que les travaux ne soient pas près de se terminer. En même temps, l’arrivée de l’hiver devrait rendre le forage plus compliqué. Avec un peu de chance, d’ici aux périodes de grand froid les raffineries seront en marche et leurs fumées nous tiendront chaud. x
le délit · mardi 25 octobre · delitfrancais.com
Innovations innovations@delitfrancais.com
Entrepreuneuriat
Tesla, Google, et automobile autonome Une compagnie révolutionne l’industrie automobile. samy zarour
Le Délit
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l y a près d’un an, le géant automobile Tesla dévoilait sa technologie d’autopilotage, permettant de changer de voie sur la route automatiquement: il suffit juste d’appuyer sur un bouton. Il y a quelques jours, cet «autopilotage» est passé au niveau supérieur. Les voitures autopilotées
Tesla a en effet publié une vidéo mercredi 19 octobre dernier montrant qu’il sera bientôt possible de se déplacer en voiture sans avoir à toucher son volant. Le conducteur, devenu passager, pourra même se faire déposer à la porte tandis que sa voiture cherche du stationnement. Cette vidéo aest devenue virale et a poussé les internautes à se demander pourquoi il a fallu une dizaine d’années à Google pour concevoir une automobile autonome, alors
qu’il n’en a fallu que deux ou trois à Tesla. De plus, pourquoi est-ce que les voitures de Google ont besoin d’être dotées de grosses «caméras» externes, alors que celles de Tesla n’ont pas d’appareils supplémentaires? Tesla contre Google Premièrement, Google n’est pas un constructeur automobile.
En effet, il ne fait que modifier des voitures produites par d’autres compagnies tel Toyota, Audi et Lexus. Ainsi, Google n’a pas autant de liberté dont dispose Tesla en ce qui concerne la
production de voitures. Cela explique en partie les différences esthétiques entre les produits. Le système de pilotage de Tesla n’est pas basé sur les mêmes technologies. En effet, celuici utilise de simples caméras dotées de logiciels d’intelligence artificielle, alors que Google utilise un lidar — un radar au laser — beaucoup plus large et dur à cacher. Une autre raison expliquant la rapidité relative de Tesla est que Google ne produit pas de véhicules en masse, accessibles au grand public. En contrepartie, Tesla a plus de 100 000 voitures sur la route depuis 2015. Ceci est grandement avantageux, puisque cela permet de rassembler une importante quantité d’informations venant des utilisateurs afin
«Le conducteur pourra même se faire déposer à la porte tandis que sa voiture cherche du stationnement»
de perfectionner son logiciel d’intelligence artificielle. Le nombre restreint de véhicules Google limite le nombre d’excursions et de lieux visités, ralentissant le progrès du logiciel. Deux buts différents Enfin, la différence entre ces deux logiciels est qu’ils veulent accomplir deux objectifs distincts, mais pas exactement pareils. Chez Tesla, on veut créer un système qui demeure dépendant de la supervision du conducteur. Dans le cas de Google, on veut un système complètement autonome, qui ne requiert pas la présence d’un conducteur. Les conditions de sécurité sont donc moins strictes dans le cas de Tesla, ce qui permet une intégration plus rapide au marché automobile commercial. Ainsi, ce n’est pas que Google a perdu la course face à Tesla, mais plutôt que les objectifs diffèrent. x
Bourse
Le marché boursier pour les nuls Cinq conseils pour réveiller le Warren Buffett en vous.
détenant trop de produits financiers dérivés, car il ne les comprend pas totalement (et il ne pense pas que les banquiers ne les comprennent non plus).
Gordon milne
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a croyance populaire veut qu’il faut avoir des millions de dollars et être un expert en finance d’investissement pour faire du profit dans le marché boursier. Cependant, grâce à nos conseils, même les néophytes pourront se lancer dans l’univers des marchés financiers.
3. Pratiquer Internet rend la pratique de l’investissement incroyablement facile. Il y a des sites web comme wallstreetsurvivor.com qui permettent de construire des portefeuilles virtuels sans payer. C’est une opportunité idéale pour acquérir de l’expérience avec le marché boursier et développer une stratégie de finances. Une bonne démarche est d’identifier à quelle catégorie d’investisseur on appartient avant de commencer à investir dans le vrai marché.
1. Se tenir informé Le marché boursier change régulièrement, rapidement et dangereusement. Il est donc impératif de s’informer sur les développements de l’économie, du marché, et des finances des compagnies et des industries. Il existe des sources adaptées comme The Financial Times, Reuters, ou encore The Wall Street Journal et la section financière du New York Times. Il faut s’assurer de lire des sources qui sont populaires, car être aussi informé que ses compétiteurs est précieux. 2. Connaître ses investissements Si l’on connaît une industrie, ou l’on a une familiarité avec une compagnie, il faut capitaliser cette
4. Diversifier ses investissements
connaissance. Pour construire un portefeuille fort, étudier les industries dans lesquelles on investit peut se révéler primordial. C’est un principe que les meilleurs investisseurs adoptent. Sans connaître
le délit · mardi 25 octobre · delitfrancais.com
l’industrie, il est impossible d’être préparé pour les nouvelles et les surprises que nous réservent les compagnies et l’économie. Le célèbre investisseur Warren Buffett refuse d’investir dans les banques
Il ne faut pas limiter ses investissements à une seule compagnie ou industrie. Pourquoi? Considérons American Airlines (AAL, en bourse), la plus grande compagnie aérienne aux ÉtatsUnis: si un individu avait acheté cette action il y a cinq mois, les perspectives de profit auraient été
superbes. Ceci est vrai pour toutes les compagnies de l’industrie aérienne. Cependant, avec l’annonce de la limitation de l’approvisionnement en pétrole par l’OPEP, les cours en bourse dans cette industrie ont chuté. Tout investisseur qui dépendait seulement d’AAL a subi une perte considérable. Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, mais il sert à bien illustrer un point: la diversification efficace limite le risque. 5. Se méfier des positions courtes La vente à découvert peut être une belle opportunité de faire du profit. Mais elle n’est pas sans risques. Elle implique de négocier la vente d’une action à un prix élevé avant de l’acheter, pour ensuite la racheter à un prix plus bas. Si la spéculation est fausse, et que le cours de l’action grimpait, il n’y a pas de limite au montant que l’on pourrait perdre. C’est ce que l’on appelle être en position courte. Les investisseurs évitent généralement les positions courtes à mois d’être certains d’avoir raison. Que l'on soit débutant ou familier avec la bourse, grâce à ces cinq consels, il est possible d'améliorer sa performance. x
Innovations
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Société
Dossier spécial
societe@delitfrancais.com
On dit souvent que les élus ont cent jours de grâce après leur élection. Or, ça y est, cela fait un an que Justin Trudeau a été élu le 23e premier ministre du Canada. Pour beaucoup, Trudeau, c’était un nom, un renouveau, un espoir; en un mot: un phénomène. Qu’en est-il aujourd’hui? Le Délit revient sur quelques points clefs de cette première année du gouvernement libéral.
économie jacques simon
Le Délit
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l peut sembler un peu tôt pour juger du bilan économique du gouvernement Trudeau. En effet, la politique économique est de ces domaines où les effets mettent du temps à apparaître: la meilleure des réformes ne peut porter ses fruits que longtemps après avoir été mise en place. On peut cependant se demander si les politiques du gouvernement libéral sont alignées sur les promesses de campagne de leur chef. Budget et emploi On s’en souvient, Trudeau avait étonné par l’ampleur de sa politique de relance d’inspiration keynésienne. Il avait en effet doublé sur leur gauche les sociauxdémocrates du Nouveau parti démocratique (NPD) en annonçant qu’il y aurait un déficit budgétaire d’une
petite dizaine de milliards de dollars lors de ses premières années au pouvoir avant que l’équilibre financier ne soit rétabli in fine en 2019. Or, en mars dernier, le ministre des finances Bill Morneau annonçait que le déficit sur l’année fiscale 2016 s’élèverait à 29,4 milliards de dollars, soit trois fois plus qu’initialement envisagé. Cela est d’autant plus impressionnant si l’on prend en compte le fait que les rentrées fiscales liées à l’imposition ont augmenté considérablement par rapport aux années Harper. Néanmoins, beaucoup de gens s’accorderont à dire que l’équilibre budgétaire n’est pas une fin en soi. Ici, la question essentielle qui permettra de formuler une critique est davantage à qui et à quoi ont servi ces «excès».
Les chômeurs, quant à eux, ont vu leurs prestations augmenter, notamment dans les régions particulièrement affectées par la chute du cours du pétrole. L’obligation d’accepter un emploi moins bien payé et loin de chez soi a aussi été abolie par le gouvernement Trudeau. Les personnes âgées peuvent se rassurer, l’âge de la retraite restera à 65 ans, contrairement à ce qui avait été envisagé sous Harper. Pour nous autres étudiants, les prêts gouvernementaux ont largement augmenté, et ne sont remboursables que lorsqu’un emploi payant plus de 25 000 dollars par an a été trouvé. Le gouvernement fédéral a aussi annoncé des investissements massifs dans l’infrastructure (vous avez remarqué qu’il y a quelques travaux ici et là?) à la hauteur de 120 milliards de dollars sur la prochaine décennie.
recettes de quelque 1,2 milliards de dollars pour le gouvernement fédéral sur l’année fiscale 20162017. En termes de croissance du PIB, l’économie canadienne prévoit une augmentation de 1,44% pour 2016, soit légèrement plus qu’en 2015. Bien qu’en dessous de ce qui avait initialement été espéré, il faut souligner que la crise pétrolière a eu un effet im-
prévisible sur les économies des provinces de l’Ouest, qui sont largement dépendantes des revenus de l’or noir. À vous donc de formuler votre propre opinion. Une chose est claire cependant: en matière d’économie, le gouvernement Trudeau représente un tournant net par rapport aux années Harper placées sous le signe de l’austérité. x
Fiscalité et croissance L’impôt sur le revenu figurait aussi parmi les débats de campagne. Sur ce plan là, le gouvernement libéral a tenu promesse: pour les revenus supérieurs à 200 000 dollars, le taux d’imposition est passé de 29% à 33%. Quant aux classes moyennes, dont les voix étaient très recherchées pendant la période électorale, elles ont vu leur taux passer de 22% à 20,5% pour les revenus entre 45 282 dollars et 90 563 dollars. Cette baisse n’a cependant pas été compensée par la hausse sur les revenus élevés, contrairement à ce qui avait été dit: ces changements entraineront une baisse de
Santé
mahaut engérant
Sébastien Oudin-filipecki
Le Délit
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ur le plan de la santé, le bilan du gouvernement Trudeau ne semble pas être aussi reluisant que l’on pourrait le croire. Certes, le gouvernement a bel et bien augmenté le budget en matière de santé publique, investissant plus de 25 milliards de dollars, dès 2016, sur une période de cinq ans. Cette politique est conforme aux déclarations de Justin Trudeau lors de sa campagne, ce dernier s’étant dit convaincu «que tout le monde a[vait] le droit d’avoir accès […] à un système de soins de santé public et universel de première qualité et financé par l’État» — tout en critiquant au
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société
passage le gouvernement Harper pour son inaction en matière de santé publique. Cependant, d’autres dossiers semblent à la traine, comme la promesse d’améliorer l’accessibilité et l’offre des services de santé mentale. En effet, à l’heure actuelle, aucun projet de loi ou de plan d’action n’a été annoncé par Santé Canada. Pour pallier à cette lacune, la ministre de la Santé fédérale a annoncé le 24 octobre une révision du Guide alimentaire canadien et d’autres initiatives telle que l’interdiction du marketing dirigé vers les enfants, pour contrer la malbouffe.
De plus, si la Loi sur l’aide médicale à mourir est bien entrée en vigueur le 17 juin dernier, cela n’a pas été sans controverses. Des sénateurs ont admis avoir voté pour «à contrecœur», certains critères ayant été jugés trop vagues voire inconstitutionnels. De plus, quelques députés libéraux ont voté contre, l’un des plus notoires étant David Lametti, député de LaSalle-Émard-Verdun et ancien professeur de droit à McGill. Plus récemment, le gouvernement libéral de Justin Trudeau s’est engagé à négocier une nouvelle entente de long terme avec les provinces relativement au financement des soins de santé.
Pourtant, ces négociations semblent loin de faire l’unanimité, malgré les paroles rassurantes de la ministre de la Santé, Jane Philpott, qui se félicitait d’une rencontre positive avec ses homologues provinciaux. Le ministre de la Santé québécois Gaétan Barrette a au contraire dénoncé une «perspective sombre», le gouvernement fédéral souhaitant diviser le taux annuel d’augmentation des transferts en santé de 6% à 3% à compter d’avril prochain, forçant alors le premier ministre Couillard à demander une rencontre avec M. Trudeau et les autres premiers ministres pour discuter du sujet. x
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1 an de gouvernement trudeau affaires autochtones hortense chauvin
Le Délit
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e 7 juillet 2015, Justin Trudeau déclarait: «les libéraux ont un plan pour du vrai changement qui rétablira la relation entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones.» La question des peuples autochtones a en effet été un élément clé de la campagne du Parti libéral. Justin Trudeau avait tout particulièrement insisté sur la nécessité de rompre avec l’approche du gouvernement Harper et d’amorcer une nouvelle ère, fondée sur la reconnaissance et la réconciliation.
Un an après son élection, le Parti libéral a mis en place un certain nombre de mesures significatives en faveur des peuples autochtones. Dès décembre 2015, Justin Trudeau déclarait l’ouverture d’une enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. Alors qu’elles représentent 4% de la population féminine canadienne, 16% des femmes assassinées entre 1980 et 2012 étaient autochtones. La reconnaissance de la violence exercée envers les autochtones faisait partie intégrante de l’effort de réconciliation prôné par Trudeau lors de sa campagne. Sur le plan budgétaire, le budget fédéral de 2016 propose d’investir 8,4 milliards de dollars sur les cinq prochaines années dans des projets destinés à l’amélioration des conditions socio-économiques des autochtones, notamment dans les domaines de l’éducation, de l’infrastructure et de la santé. Le Parti libéral a également décidé
d’investir dans l’infrastructure culturelle des collectivités des Premières Nations — les autochtones du Canada à l’exception des Inuits et des Métis — à hauteur de 76,9 millions de dollars pour les deux années à venir. Cependant, contrairement à ce qu’avait envisagé Justin Trudeau, le plafond de 2% sur l’augmentation annuelle du budget des Premières Nations est resté en place jusqu’à aujourd’hui. Cette limitation, qui ne prend pas en compte la croissance démographique des communautés concernées, est largement critiquée par ses représentants. La matérialisation de cette promesse demeure donc une nécessité pressante.
cette mesure semble compromise: le gouvernement soutient en effet des projets socialement préjudiciables, comme la construction d’oléoducs ou de barrages. En juillet dernier, le gouvernement libéral a notamment octroyé deux permis fédéraux au projet du site C en Colombie britannique, un barrage hydroélectrique situé sur la rivière Peace. Or ce projet qui menace d’inondation des territoires dont dépendent plusieurs Premières
Nations. Comme le souligne Perry Bellegarde, l’actuel chef national des Premières Nations, cette décision va à l’encontre du respect des droits des autochtones prôné par Trudeau. Ayant fait part en décembre dernier de son optimisme à l’égard de l’approche de Trudeau des questions autochtones, Bellegarde signale que des mesures restent à prendre pour matérialiser ces promesses en politiques concrètes. x
Enfin, si Justin Trudeau avait souligné sa volonté d’implémenter les 94 recommandations de la Commission de vérité et réconciliation, notamment celle concernant la nécessité d’obtenir le consentement des communautés autochtones avant de procéder à des projets de développement économique,
Immigration
Lisa Phuong Nguyen
Le Délit
S
ur la question de l’immigration, Justin Trudeau et son parti se sont montrés beaucoup plus ouverts que l’ancien gouvernement de Stephen Harper. En effet, pour répondre à la crise humanitaire qui affecte le Moyen-Orient, Trudeau avait fait le vœu d’accueillir 25 000 réfugiés de cette région avant la fin de l’année 2015. Le premier ministre libéral ne s’est pas fait attendre sur cette question. Tout juste sa nomination confirmée, les Canadiens ont pu le voir accueillir les réfugiés dans les aéroports de Montréal et de Toronto. L’échéance de son premier objectif a dû être repoussée
et c’est fin février que sa promesse fut concrétisée, le 25 000e réfugié ayant mis le pied au Canada. En mars dernier, le gouvernement libéral a doublé son objectif: il a exprimé son souhait d’accueillir au moins 50 000 réfugiés de par le monde avant la fin de l’année. Les dernières statistiques du site du gouvernement du Canada indiquent qu’à ce jour, un peu plus de 32 000 réfugiés sont arrivés au pays.
Outre les réfugiés, le gouvernement libéral a également fait de la réunification des familles l’une de ses priorités, en promettant d’accélérer le délai de traitement des dossiers. Pour ce faire, Justin Trudeau avait prévu à cet effet de doubler le budget consacré aux traitements des demandes. Cependant, il
est encore trop tôt pour savoir si l’objectif concernant ce processus a été ou est en voie d’être atteint. La publication des statistiques est prévue pour février 2017. Bien qu’il ne soit pas encore possible de faire un compterendu rigoureux, on peut déjà constater que l’ouverture qui rend le Parti libéral si fier n’a pas tardé à faire ses preuves. Depuis leur arrivée au pouvoir, le pays a accueilli un nombre record de nouveaux arrivants. En effet, selon Statistiques Canada, durant l’année 2015-2016 plus de 320 000 immigrants sont arrivés au pays. Ce chiffre est nettement supérieur à la moyenne annuelle de 250 000 observée pendant la dernière décennie. x
environnement Le Délit
premiers ministres à Vancouver, à l’aube de l’année 2016.
uid de la politique de lutte contre les changements climatiques? Elle était un point saillant de la campagne libérale en 2015, après dix ans d’inaction de la part du gouvernement Harper. Immédiatement après son élection, Trudeau s’est rendu à la COP 21, où il a délivré un message environnementaliste fort, avant de signer l’accord de Paris, ratifié enfin au début de l’automne 2016. La même annonce de changement a été faite lors d’une réunion de tous les
Plusieurs promesses de campagne et du début de mandat de M. Trudeau ont été tenues, notamment l’établissement d’un accord d’une «ambitieuse entente nordaméricaine sur l’énergie propre et l’environnement», pour citer la plateforme du premier ministre, lors du sommet des «trois amigos» l’été dernier. Reste ensuite à chacun de comprendre le mot «ambitieux» comme il veut: les dirigeants se sont accordés sur une diminution de 45% des émissions de méthane d’ici 2025 comparativement au
esther perrin-tabarly
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le délit · mardi 25 octobre · delitfrancais.com
niveau de 2012, ainsi que sur la fin des subventions aux combustibles fossiles d’ici 2025. Autre promesse tenue: l’établissement d’un prix national sur le carbone. Selon cette nouvelle politique, chaque province devra mettre en place une Bourse du carbone; le cas échéant, Ottawa leur imposera à compter de 2018 un prix de 10 dollars la tonne, qui montera jusqu’à 50 dollars en 2022. C’est une décision polémique: d’un côté, les canadiens soutenant la taxe carbone déplorent qu’elle ne soit pas assez ambitieuse (la science préco-
nise un prix de 200 dollars la tonne pour lutter efficacement contre les changements climatiques). De l’autre côté, nombre de canadiens s’opposent encore à cette mesure qui met des bâtons dans les roues des pétroliers et fait monter les prix. Côté pétrole et autres énergies fossiles, le bilan n’a pas grandement évolué depuis l’an dernier. Le gouvernement continue de soutenir les projets d’oléoducs, et de faire rimer économie verte avec combustibles fossiles.
On attend encore que le gouvernement délivre son Plan d’action pour le climat qui définira plus précisément les objectifs et mécanismes de lutte contre les changements climatiques, et respecter les engagements pris suite à l’accord de Paris. x
Société
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Les crayolas de Marlon
D’escale à Montréal avant de repartir pour L.A. en tournée en Amérique du Nord, La Femme a pris refuge de la pluie givrante du déluge au Théâtre Fairmont. Nous aussi avons voulu prendre refuge derrière le rideau noir, mais armés de crayolas, de sucettes et de quelques questions. C’est entre les essais de dernières minutes et l’ultime mise au point des balances que nous avons pu entamer un dialogue avec Marlon Magnée. Il est l’un des fondateurs de La Femme avec Sacha Got, mais reconnaissable par son micro, son clavier et surtout ses bouclettes dorées... Intimité dévoilée, c’est un plongeon dans les derrières d’un groupe qui émeut autant le «vieil ami» que l’enfant en nous que l’on se doit d’oublier. J’aimerais bien réformer l’éducation nationale, en faire une matière qui s’appellerait Vie. Dans un cadre scolaire académique on t’apprend à apprendre, déchiffrer, à rendre du travail et être à l’heure mais on ne t’apprend pas à vivre. L’histoire donne le savoir et le pouvoir par exemple. Mais je voudrais donner plus de place à la techno, à l’éducation civique, et à l’écologie. Pourquoi pas t’apprendre à payer tes impôts!
Le Délit (LD): Pourquoi la Femme? Vous considérez-vous comme une seule entité ? Marlon Magnée (MM): C’est un mystère. En tous cas, ce n’est pas seulement la chanteuse. C’est le groupe. . Si tu trippes, tu peux voir la Femme comme une entité qui veille sur nous, et qu’on modèle, petit à petit avec des clips et de la musique. LD: Défier les normes de genre: est-ce une problématique au sein de votre démarche? Autant dans le nom du groupe que les paroles du dernier album? MM: Non pas vraiment, mais je pense qu’il est quand même important de préciser que la société, telle qu’on la connaît, place souvent l’homme au premier plan, et la femme en dernier. Et là depuis 100 ans, les choses changent et ces nouvelles problématiques se posent pour le futur. LD: La Femme, serait-elle votre muse? Ou alors seriez-vous les muses de la Femme? MM: Oui grave! On l’a peutêtre été indirectement en sortant avec quelques artistes. Peut-être qu’on s’est plus inspirés des femmes, que les femmes se sont inspirées de nous. Mais oui, nous nous en sommes forcément inspirés: je pense à l’ombre d’une femme quand je pense à une muse. Déjà, c’est un nom féminin, et puis les muses sont des femmes dans l’histoire, ce sont rarement des hommes. Quand la muse est évoquée dans les films, les reportages, c’est une femme. Mais après je trouve ça bien votre démarche philosophique, poser ces questions d’inversement, dans le but de faire changer les choses.
Vittorio pessin de différent. Je me considère aigle, mais après ça peut être cool d’être poule aussi. Même en ayant des ailes pour voler, tu peux te brûler, c’est le cycle de la vie. Quand t’y penses, tout le monde a été aigle au moins une fois avec la course des spermatozoïdes, prouvant que tout le monde peut réussir. Des facteurs aussi peuvent aiguiller ta vie, comme des chocs, ou au contraire, le soutien de ta mère. Il n’y a pas de règles. LD: Il y a une certaine poésie dans vos textes, c’est quoi la poésie 2.0? A-t-elle changé de visage? MM: C’est toujours la même, mais elle évolue, parce qu’on ne parle pas de la même façon, c’est un langage moins soutenu. La poésie, c’est toujours écrire les choses, les ressentir, et les traduire
«Je vois juste un vieil ami dans la glace» LD: «On a été élevé comme des poules, mais on est des aigles», qu’en penses-tu? MM: Carrément, c’est vrai qu’on est tous élevé comme des poules. Après, on a tous le potentiel d’être des aigles. Beaucoup ont été élevés comme des poules-aigles. Devenir aigle permet à la personne de se trouver. Mais il y en a qui sont faits pour être des poules aussi, bien heureux dans ce rôle. Quelqu’un d’intelligent dans le fond mais qui s’en fout. Si tu regardes les fourmis, il y a des ouvrières, des reines… Il y aura toujours ce modèle qui va surgir, avec des gens pour mener, et d’autres non. Chacun est fait pour quelque chose
10 Dossier La Femme
d’une façon un peu bizarre, sans forcément vouloir dire quelque chose, insinuer plutôt. Je n’ai pas fait une école d’art, mais je voulais être artiste. La créativité s’exprime différemment au sein du groupe, grâce aux couvertures d’album, aux tee-shirts et aux vidéos clips. Tout le monde veut faire ça à Paris, avec les Beaux-Arts. Mais c’est super difficile de rentrer dedans, et ce sont des sélections bizarres, aléatoires. LD: Le poète doit-il prendre le rôle de guide? MM: Mais tous ne comprennent pas le poète. Comme en
classe de français, on a tendance a surinterpréter. Aller trop loin pour faire joli. Ça ne voulait peut-être rien dire finalement. N’y a t’il pas des moments où tu t’es vu douter de l’interprétation de la prof? Moi aussi, ça m’amuse de mettre des choses super tirées par les cheveux en pensant que quelqu’un va y trouver une raison. Une interprétation personnelle est possible peut-être pour les œuvres d’art abstraites notamment. Chacun peut y voir quelque chose d’autre. LD: Avec les paroles de Où va le monde, on se tire clairement une balle. Comment fait-on alors pour sortir de la lourdeur des maux et faire surgir de la légèreté? MM: Les contrastes c’est beau. Les choses qui s’opposent surtout. L’album est vachement triste et à la fois, le message final, c’est que c’est pas grave. Tu peux être triste à cause d’un événement, par exemple une rupture de cœur où tu aurais envie de te suicider. Mais il y a des choses beaucoup plus graves et c’est important de s’en rendre compte. Il faut simplment être artiste, il faut vivre et transformer ses ressentis en arts. LD: Est-ce un travail de démystification? - par exemple avec le titre Mycose? MM: C’est plus donner des clés aux gens, faire passer un message. Les chansons tristes rappellent des choses tristes. Finalement c’est la vie, non? LD: Parler de quelque chose qu’on ne veut pas voir? MM: On aime bien être un peu subversif, titiller les gens. Ce n’est pas pour banaliser. C’est quand
même cool d’écouter une chanson qui parle de mycose. LD: Est-ce que tu peux te regarder dans le miroir? Dis-nous ce que tu vois. MM: Je vois mes yeux et ma bouche, c’est la première chose que je vois. J’ai l’impression d’avoir une tête de renard ou de furet, avec mes petits yeux. Je vois juste un vieil ami dans la glace. LD: Quel conseil donnerais-tu au Marlon de 12 ans pour le Marlon d’aujourd’hui? MM: Écoutes-toi, la roue tourne, ne te laisse pas emporter par les directions que la société t’impose. Tu peux te faire confiance, faire ton chemin. Par exemple, la logique après le bac c’est de se tourner vers Sciences Po, commerce, médecine, quelque chose d’alarmant à mon avis. On a pu parler de ce phénomène avec Septembre. Ça adoucit les choses d’en parler. LD: Vivre au présent dans un groupe, c’est possible? MM: Non, ce n’est pas possible. On essaye, mais on n’y arrive pas. On pense et se perd dans le passé tout en contemplant le futur. Même en répétant la formule «vis dans le présent». On s’en écarte forcément. Pour cela, la méditation est vraiment bien, même si dure. Je pense qu’il faudrait en mettre à l’école.
LD: Pour une nuit ou pour la vie, Boris Vian ou Mylène Farmer? MM: Pour une nuit les deux. Plus d’une nuit peut-être, les rencontrer et faire la fête avec eux. Avec Mylène Farmer, plus faire de la musique et discuter, et Vian, discuter et faire la fête, et faire un peu de musique pendant qu’on fait la fête. Je me vois parler et sortir des énormes conneries avec Vian. Mais pour la vie, je ne sais pas trop. LD: Petite confidence entre nos 6 oreilles, Yann Barthes, il est comment en vrai? MM: Il est vachement sympa. Même si en dehors des coulisses, je ne le connais pas. On le voit à l’écoute de son équipe. Il respecte ses invités contrairement à d’autres comme Hanouna. J’aime comment il arrive à mettre le doigt sur certains sujets. x Propos recueillis par Mathilde Chaize & Vittorio Pessin Le Délit
Tueur de Fleurs selon Marlon
le délit · mardi 25 octobre 2015 · delitfrancais.com
Un Soir, rien qu’avec elle Vendredi 21 octobre vers 22 heures avec La Femme. Vittorio Pessin & Mathilde Chaize
Le Délit
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ehors devant la salle, La Femme se fait entendre sous la pluie. Son nom est soit prononcé avec un accent terriblement anglais, ou encore hurlé par de jeunes demoiselles dont l’excitation pourrait seulement se mesurer par la beauté de leurs souliers. Aspirés par le magnétisme du Sphynx, nous montons les marches du Théâtre Fairmount qui sera, le temps d’un soir, le temple de l’étalage du décalage. Brut, quasiment LA femme selon la femme impérial, ce lieu fréquentable par seul un Hopper se serait transIntroduction de l’émulsion. Il formé ici en décadence. Après déjà ne suffira que de quelques instants nous avoir conquis avec leur album pour que le soleil soit au zénith. Psycho-Tropical Berlin, La Femme fait de nouveau ses preuves avec un Les sueurs se mélangent, les corps s’enlacent et se délacent au rythme nouveau, Mystère. de Où va le monde. On retrouve La pluie ne nous empêchera l’insouciance qu’on croyait avoir pas de transpirer. Mais derrière oubliée, comme une ode juvénile cette femme, six individus se desqui nous fait frissonner. La sois-disinent incandescents dans l’obscusante exclusivité de l’intimité semrité. Ce qui était «cool» pendant les ble à gommer ici aussi, tant il ne répétitions révèle finalement un reste que le sourire partagé par une aura sous les projecteurs.
foule. L’euphorie générale prend le visage d’une marée humaine quand les premières notes de Sur la planche résonnent. Résonnance de la renaissance. Naissance de l’unisexe avec Si un jour où les femmes abandonnent leur Moulinex. Hommes, et femmes ne pensent plus qu’à se déhancher, se déchaîner, complices, au point que les corps de nos artistes se dévoilent. La sensualité apparaît,
on n’arrache pourtant pas les pétales; on caresse du bout des doigts la pénombre rouge bercée par Tueur de fleurs. Puis la tempête se calme, nous laissant le temps de déchiffrer quelques mots sur le torse de Marlon, le chanteur blond qui se décrivait tout à l’heure comme mirenard, mi-furet: «Fuck Zubrowka» (on n’est pas fan non plus rassuretoi, ndlr). Retour à l’état animal. Sacha, le guitariste, perd sa discrétion et se révèle pleinement lors d’une danse endiablée nous invitant dans sa jungle citadine avec SSD – on irait bien s’exiler avec toi petit léopard. Prétendant que la fin approche, Mycose fait son apparition dans toute son absurdité. Nous menacent-ils vraiment de couper le son? C’est absurde de nous prendre pour des idiots, on n’a pas envie que ça s’arrête. Nobles, ils
nous donnent peu mais suggèrent beaucoup. On se sentirait presque privilégié de croiser un de leurs regards dignement sucrés. Les derniers instants d’hystérie emportent la salle alors que certains de nous imposent leurs présences lourdes mais volatiles sur scène: désir de voler la vedette aux petits prodiges et prêt à tout pour surplomber la foule. Mais qu’importe, cette légèreté aérienne, on l’avait pas croquée depuis longtemps. On a joué au chat et à la souris. Ils s’échappent, on les rappelle, absence, absence, ils ne reviennent pas et, étonnement, ils pointent enfin le bout de leur nez. La béatitude inonde jusqu’à en surprendre le buvard. Le majestueux psychédélisme résonne. Apparemment, il ne nous reste qu’à prendre le bus. La pluie ne nous aura pas empêcher de transpirer. x
«On retrouve l’insouciance qu’on croyait avoir oubliée, comme une ode juvénile qui nous fait frissonner»
Et l’Artiste crée Mathilde Chaize & Vittorio Pessin
AGA &
Le Délit
A
vec cette entrevue de Marlon, peut-on envisager sa démarche, ou alors son absence, comme un retour à une naïveté de l’art? Délaisser la vision du poète moralisateur pour se concentrer sur le Beau. Se retrouve-t-on au 21e siècle à revenir à «L’art pour l’art», comme Théophile Gautier et le Parnasse le soutenait. Comme si la création poétique se devait de rimer avec l’engagement proclamé par celui détenant la plume. La plume comme clef ? La poésie, et l’Art plus généralement savent s’approprier la légitimité de nous pointer une réalité. Avec seul notre regard de profane comme indice, le Poète se présente comme guide. C’est alors que ces grandes phrases, quoique agréables pour l’oreille et les yeux, accèdent à un devoir d’utilité, qui put frôler la nécessité du temps de Friedrich. Mais n’oublions-pas, et La Femme nous le rappelle, que c’est nous qui lui attribuons cette vocation. L’engagement est donc mutuel, cette jonction devient partage. Le poète est acteur autant que celui qui le lit: c’est ici que les mots deviennent œuvre. Les mots n’existent donc pas lorsqu’ils ne sont pas dédiés à être lus, autant
Appel de candidatures App Les membres de la Société des publications du Daily (SPD), éditeur du McGill Daily et du Délit, sont cordialement invités à son ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ANNUELLE :
Le mercredi 26 octobre à 17 h 30
Pavillon de l’AÉUM, salle Madeleine Parent (202) La présence des candidat(e)s au conseil d’administration est fortement encouragée.
Le Flaneur selon Marlon qu’une œuvre n’est pas œuvre d’art avant d’avoir été invitée dans la pièce blanche. Le groupe s’approprie plutôt la simplicité, en œuvrant seulement à jouer avec les mots. Autant qu’elle puisse «titiller», leur poésie garde une essence tout en ne s’attachant qu’au rythme et l’harmonie des mots. Serait-il est alors de notre faute de vouloir interpréter les dires de nos artistes?
le délit · mardi 25 octobre 2015 · delitfrancais.com
Dans un certain sens, notre mystification de l’Artiste fait partie intégrante de la création. En se basant sur deux compléments de temps, trois adjectifs et un verbe substantif, le public se crée un imaginaire qui lui est propre, et qui finalement ne concerne que lui. Dans l’abandon de la démarche, notre artiste rompt la dualité avec ce public, qui lui aussi semble perdre ses attentes. L’Artiste crée et le public applaudit. x
La SPD recueille présentement des candidatures pour son conseil d’administration. Les candidats doivent être étudiant(e)s à McGill, inscrit(e)s aux sessions d’automne 2016 et d’hiver 2017 et apte à siéger au conseil jusqu’au 31 octobre 2017. Les postes de représentant(e) communautaire et représentant(e) professionel(le) sont également ouverts au non-étudiants. Les membres du conseil se rencontrent au moins une fois par mois pour discuter de la gestion des journaux et prendre des décisions administratives importantes. Pour faire application, visitez : dailypublications.org/how-to-apply/?l=fr
dossier la Femme
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Culture articlesculture@delitfrancais.com
Litterature
Un roman féministe nécessaire
Avec Le prix de la chose, préparez-vous pour une œuvre crue, farfelue et allumée. Ronny Al-Nosir
Le Délit
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e prix de la chose est le premier roman du journaliste Joseph Elfassi. S’inspirant de l’essai féministe King Kong Théorie de Virginie Despentes, qui comparait l’animalité sexuelle de l’homme avec celle du roi des primates, l’auteur nous offre un commentaire social sur les rapports hommes-femmes au 21e siècle. Elfassi raconte son histoire à travers la vie de Louis Roy, un jeune homme dans la vingtaine. Il semble être un Joe Bleau, une personne ordinaire, ou un dude, selon les dires de l’auteur. Il a un emploi qui lui permet de subvenir à ses besoins et de s’amuser un peu, il a son propre appartement et est peu cultivé. Le protagoniste se moque de sa carrière, de sa famille et de son entourage. Une seule chose l’intéresse: le sexe. Sexe et argent Le sexe et l’argent sont les deux thèmes dominants de cette œuvre. Comme l’apprend Louis, les hommes devront désormais payer pour avoir des relations sexuelles. Terminant ses ébats avec une de ses ‘conquê-
tes’, Louis se fait dire qu’il doit lui verser la somme de 200 dollars . Il vit dans une société dans laquelle «F.», un groupe secret mené par la mystérieuse Julie Savoie recrute les femmes dans ses rangs afin de contrer la misogynie et la violence qui leur est faite par les hommes. Les transactions argent-sexe deviennent une norme sociale. Puis, il y a le «liquide». Développé par «F.», il est injecté dans le corps des femmes et cause la mort à tout homme qui fait preuve de brutalité ou de force lors d’une relation. Le but est de mettre fin au viol, mais des victimes innocentes y succombent évidemment. L’auteur présente une caricature d’un Dominique Strauss-Kahn, de femmes «anti-F», et d’un Canada devenu le paria de la communauté internationale. Une mauvaise première impression Lorsqu’on en fait une lecture au premier degré, le roman peut être décevant. Pour un lecteur non habitué à lire des œuvres crues, l’auteur, journaliste de profession, ne fait preuve d’aucune gêne. Selon le principal intéressé, l’opus a été rédigé
alors qu’il était sans contrat, ce qui lui a permis de ne pas s’autocensurer tel qu’il le fait dans ses écrits journalistiques. Cependant, ce n’est pas le problème principal que l’on peut rencontrer avec l’œuvre. Le personnage est peu sympathique, l’œuvre trop courte, et le développement des personnages faible. De plus, le langage est très familier et la prémisse tirée par les cheveux. Ce roman met en scène une conspiration farfelue s’articulant autour d’un protagoniste au langage de bûcheron.
sation d’agression sexuelle contre le député Gerry Sklavounos. Dans cette optique, on peut comprendre l’intention de l’auteur. Il pousse l’enveloppe jusqu’au bout, va dans le politiquement incorrect, et critique que certains hommes voient encore les femmes comme des objets. L’absurdité rappelle celle de Jonathan Swift au 19e siècle dans son œuvre Hunble proposition, sous forme de fiction. Un univers
exagéré. Il est convaincu que ne pas être féministe en 2016 défie toute logique. Si le statu quo est maintenu, et que l’on continue d’ignorer le problème de la culture du viol, nous n’atteindrons jamais une réelle égalité homme-femme. C’est ce qu’Elfassi tente de véhiculer dans son roman. À la première lecture, il peut choquer. Mais au-delà de la première impression, on y trouve une intrigue d’actualité. x
L’absurde comme commentaire social Cependant, le timing du roman lui donne une nouvelle importance, et peut porter le lecteur à avoir une solide réflexion sur l’état de la société québécoise, notamment sur les relations hommes-femmes. Après le hashtag des agressions non-dénoncées et les Jian Ghomeshi de ce monde, ce sont les agressions sur les campus universitaires qui dominent désormais les conversations sociales, entre les initiations à caractère déplorable à l’Université d’Ottawa, des intrusions dans les résidences de l’Université Laval et enfin une accu-
MAgdalena Morales
Femme aimant le vert...
C’est à ce trait que se réduit ironiquement l’héroïne de La Bien-aimée de Kandahar. Miruna Craciunescu
Le Délit
L
e dernier roman de Felicia Mihali s’inspire d’un fait divers. En 2007, le magazine MacLean’s a fait apparaître sur sa page de couverture la photographie d’une étudiante. Cette parution a incité un sergent canadien à lui écrire depuis l’Afghanistan pour la complimenter sur sa beauté naturelle. Le magazine a par la suite servi de relais à une correspondance entre la jeune femme et le soldat, jusqu’à la mort de ce dernier survenue peu après lors d’une attaque à la bombe. Le roman de Mihali, originellement paru en 2012 sous le titre The Darling of Kandahar, effectue une mise en récit de cette correspondance. Celle-ci est narrée du point de vue de l’étudiante dont la vie se réduit à peu de choses: le divorce de ses parents, deux relations sans amour, ainsi que le souvenir des pièces qu’elle montait à l’école avec sa meilleure amie Marika. La simplicité du schéma actantiel tend à aplanir ces
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Culture
drames de la vie quotidienne tout en favorisant les analogies entre différentes périodes historiques dont les ressemblances sont loin d’être évidentes. Ainsi, sous l’écriture blanche d’une narratrice qui déplore que la
journaliste qui lui donne une entrevue de cover girl ne l’interroge que sur ses goûts alimentaires, sa couleur préférée et les adjectifs qu’elle utiliserait pour décrire sa personnalité, la fondation de Ville-Marie devient un leitmotiv sur l’arrière-plan duquel
se dessine la destinée tragique du soldat Yannis, à qui la narratrice Irina regrettera d’avoir posé tant de questions sur son quotidien en temps de guerre, sans même songer à lui demander ce qui l’a poussé à partir en Afghanistan.
«La simplicité du schéma actantiel tend à aplanir ces drames de la vie quotidienne tout en favorisant les analogies entre différentes périodes historiques»
ligne. Cela implique que le questionnement qui sous-tend ce roman est de nature identitaire, car, si c’est par hasard que l’étudiante qui a inspiré la Bien-aimée de Kandahar était, comme Mihali, d’origine roumaine, il n’est pas anodin que cette auteure en ait fait, à son instar, une spécialiste de la littérature postcoloniale. Le récit permet de mettre en évidence le fait que ces difficultés à communiquer efficacement sa pensée proviennent d’une dichotomie entre un sentiment que l’on se forge de sa propre identité, laquelle relève le plus souvent de Capucine laurier l’ordre de l’implicite, et l’image que l’on en projette. Et cependant, il On devinera que le thème serait vain de séparer tout à fait ces principal exploré par Mihali porte deux instances dans la mesure où sur l’incommunicabilité qui régit l’image que l’on projette ne cesse les relations interpersonnelles, de modifier notre vie intérieure, davantage que sur les malentendus puisqu’un individu ne représente que favorisent les rencontres en
en fin de compte qu’un «amas de connexions avec [ses] semblables». On comprendra alors la détresse qu’elle ressent face aux questions de la journaliste du magazine qui fera d’elle une cover girl. Plutôt que de lui demander d’expliquer ce que représentaient les Versets sataniques de Salman Rushdie pour le paradigme littéraire de la fin du 20e siècle, ou encore sur les fantasmes infantiles qui la poussaient à incarner le rôle de Jeanne Mance, tandis que Marika incarnait celui de Maisonneuve; celle-ci l’a contrainte à décrire son identité à partir de questions futiles auxquelles elle-même ne connaissait pas la réponse. x MIHALI, Felicia. La Bien-aimée de Kandahar, Linda Leith éd.
le délit · mardi 25 octobre · delitfrancais.com
Musique
Aznavour n’a (presque) rien oublié Charles Aznavour était en concert au Centre Bell vendredi 21 octobre. JACQUES SIMON
« Peut-être n’aurons-nous pas la chance d’avoir la belle vieillesse de Charles Aznavour. Nous qui avons, pour la plupart, la vingtaine qu’il regrette tant, profitons-en donc pleinement»
Le Délit
I
l nous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Et pourtant, plus de 70 ans après les débuts de Charles Aznavour sur scène, son succès ne se dément pas. Bien que maintenant nonagénaire, il est reparti en tournée internationale pour nous faire profiter d’une partie de sa discographie débordante. Aznavour, ce petit géant Que celui qui n’a jamais siffloté un air d’Aznavour lance la première pierre! Personne? C’est ce qu’il me semblait. On a tous déjà entendu Emmenez-moi, La Bohème, For me formidable, ou Mes emmerdes. Chacun d’entre nous peut reconnaître une ou deux chansons parmi les centaines qu’il a entonnées durant sa longue carrière. En réalité, il n’y a pas assez de lignes sur cette page pour faire justice à la carrière de ce chanteur «cultissime». Aux côtés d’Édith Piaf (qui est d’ailleurs la première à avoir reconnu son talent), de Brel et autres Brassens il fait partie de ceux qui ont forgé la chanson française du 20e siècle. Avec ses 51 albums studios, sa
Capucine laurier vingtaines de lives, ainsi que sa participation à des films de Jean Cocteau, de François Truffaut ou de Claude Lelouch, il a laissé une empreinte indélébile sur la scène artistique et la culture de son temps. Le concert C’est donc du haut de ses 92 ans bien sonnés que Charles Aznavour est venu chanter au Centre Bell de Montréal devant un public de spec-
tateurs de tous âges. Habillé en costard et en bretelles rouge pétard, il arrive sur scène sous un tonnerre d’applaudissements. Les bras écartés il se prosterne, nous remercie d’être venus, et commence à chanter. Son spectacle est introduit par des chansons moins connues. Il «ressort les fonds de terroirs» et c’est pour beaucoup une belle découverte.Cependant la vraie partie de plaisir est pendant la deuxième moitié, lorsqu’il entonne
Phénomène Jain
ses plus grands succès, accompagné par le public qui chante, qui tape au rythme des chansons, qui est tout ouïe pour Aznavour. Pour l’accompagner, il s’est entouré de beau monde. Parmi les six musiciens et les deux choristes, il y a sa fille Katia, une guitariste avec d’innombrables guitares pour mieux accompagner les chansons, un claviériste, ainsi qu’un pianiste qui —fait assez rare pour un français — est titulaire du prestigieux prix Frédéric Chopin. D’excellents musiciens qui mettent pleinement en valeur les pièces de cet excellent chanteur. Aznavour d’aujourd’hui, Aznavour d’avant-hier Les aléas de sa vieillesse, qu’il assume largement, sont compensés par un prompteur. «À mon âge, on commence à avoir quelques problèmes» nous expli-
que-il. «Je vois plus rien, je suis pas sourd mais complètement sourdingue, et j’ai la mémoire qui flanche». Du coup, il a ses textes qui lui défilent devant les yeux, et un siège sur lequel il s’assoit le temps d’une chanson ici et là. Et pour cause, comme dit un journaliste de Radio-Canada, «Aznavour pourrait être le père de Mick Jagger». Pourtant, beaucoup aimeraient avoir une telle vieillesse! Il n’a presque rien perdu de sa voix (si ce n’est un peu de souffle), il danse pendant quelques chansons, il chante en cinq langues, converse aisément avec le public, et offre un vrai spectacle pendant près de deux heures. Peut-être n’aurons-nous pas la chance d’avoir la belle vieillesse de Charles Aznavour. Nous qui avons, pour la plupart, la vingtaine qu’il regrette tant, profitons-en donc pleinement. «Il faut boire jusqu’à l’ivresse, sa jeunesse.» x
Jain a su créer un son, une image, et une ambiance qui lui sont propres. Simon Jacques
Le Délit
J
ain, c’est la découverte de l’année en France. Son album Zanaka, certifié double platine la semaine dernière, arrivé en 6e position sur les chartes d’écoute, est un mélange magnifique de sons divers. Un peu d’électro, un peu de ska, un peu de reggae, un peu d’afrobeats, le tout chanté en anglais par une française… c’est un assortiment improbable d’influences variées. Le 14 octobre, elle était à Montréal dans le cadre de sa tournée nord-américaine. Son concert au National affichait complet. Jain, un son qui n’appartient qu’à elle Enregistrant sa voix plusieurs fois à l’aide de loops, elle crée un environnement sonore complexe et profond. Les pistes se chevauchent et s’harmonisent les unes
avec les autres pour créer un fond à plusieurs tonalités. Ajoutez à cela des percussions rapides, des instrumentales, le son de sa guitare, et vous avez des morceaux groovy et entrainants. Son tube «Come» témoigne de son univers stylistique particulier. Il commence sobrement au son de quelques accords grattés sur sa guitare. Mais dès qu’arrive le refrain, la voix de la chanteuse est décuplée et entonne un chant rythmé. Au fur et à mesure qu’avance la chanson, des pistes de cuivres s’ajoutent pour finir avec un son plein, mélangeant éléments modernes et occidentaux avec des résonances classiques et africaines. Jain, un style décalé En plus de sa musique, Jain est un personnage. Invariablement vêtue d’un col Claudine lors de ses apparences publiques, elle s’affiche en jeune fille sage du début du
20e siècle. Lorsqu’elle arrive sur scène, largement applaudie par le public, elle se montre touchée avec une sincérité flagrante. Sans exception, lorsqu’elle demande aux spectateurs de chanter et de danser, elle finit ses phrases par «s’il-vous-plaît» et les remercie de leur enthousiasme. Mais, l’habit ne faisant pas le moine, ce personnage s’évapore lorsque commence la musique. Jain, une ambiance Ne vous laissez pas prendre au piège! Malgré ses apparences de bonne fille sage, lorsque Jain est sur scène, elle sait créer l’ambiance qu’elle souhaite. Elle saute, danse, lève les bras, et le public la suit. Chaque fois qu’elle commence une nouvelle chanson, la salle, conquise, bouge au son de la musique. Elle sait jouer avec le public, en lui demandant de battre le rythme en tapant dans ses mains, de s’accroupir pour
ensuite sauter en unisson lorsque commence le refrain, ou en enregistrant les voix de premier rang pour son loop. Quand elle le souhaite, elle peut aussi faire sortir des émotions plus profondes. Lorsqu’elle chante «Paris» par exemple, chanson non-enregistrée qui rend hommage à la ville qui a été le théâtre d’attaques terroristes le 13 novembre 2015, le public commémore avec elle ces événements dont chacun de nous se souvient. Un briquet levé ou faisant le signe de paix avec l’index et le majeur, tous sont émus en écoutant le bruit du micro qu’elle frappe contre sa poitrine pour imiter un battement de cœur. Son premier album est disponible partout et on ne peut trop vous conseiller de vous le pro-
«Un peu d’électro, un peu de ska, un peu de reggae, un peu d’afrobeats, le tout chanté en anglais par une française… c’est un assortiment improbable d’influences variées» le délit · mardi 25 octobre · delitfrancais.com
curer. Vous y trouverez tous ses tubes qui passent en boucle sur les ondes françaises depuis des mois. On attend avec impatience le prochain, pour continuer à découvrir cette chanteuse qui a sans doute une longue carrière devant elle. x
Capucine Laurier
Culture
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cinéma
Un road-trip audacieux et libéré American Honey porte un regard poétique sur la jeunesse américaine. un portrait de la population américaine — peut-être un peu stéréotypé, mais qui reste toutefois proche de la réalité.
valentine dalloz
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ans le dernier film d’Andrea Arnold, sorti au cinéma le 14 octobre, une adolescente issue d’une famille pauvre rencontre un groupe de jeunes qui sillonnent les routes du Midwest à bord de leur van en vendant des magazines. La jeune fille, nommée Star (Sasha Lane), est immédiatement séduite par l’un des membres du groupe (interprété par Shia LaBeouf). Elle décide alors de les rejoindre dans leur périple et embarque dans ce qui s’avèrera être aussi un voyage émotionnel. Le groupe est organisé sous la forme d’une entreprise informelle, avec à sa tête la rigide Krystal (Riley Keough) qui ne voit pas la romance entre ses deux employés d’un très bon œil. La structure du business model improvisé contraste avec l’allure grunge de la troupe et le vent de liberté qui souffle dans leurs dreadlocks et autres mèches colorées. Une atmosphère intime La bande nous évoque notre propre groupe d’amis: ils dansent sur Rihanna ou Big Sean, chantent à tue-tête à bord du van et ont leurs propres rituels. Le spectateur, qui entre dans l’atmosphère du groupe
Des acteurs improvisés
entract films au même rythme que l’héroïne, se prend rapidement au jeu. Les plans rapprochés et les mouvements de caméra désinvoltes contribuent à la simplicité des scènes. La majorité du film ayant été tournée à la lumière naturelle, on est loin des fards hollywoodiens caractéristiques de nombre de films représentant la jeunesse américaine. Ces techniques créent une intimité qui rapproche les protagonistes du spectateur: on se sent réceptif aux
émotions et attentes de ces jeunes qui tentent de s’en sortir. Un tableau social des États-Unis American Honey est le premier film d’Andrea Arnold à avoir été tourné en dehors de la GrandeBretagne. Pendant leur parcours, Star et son groupe sont confrontés à une variété de milieux sociaux. On les suit par exemple dans les banlieues les plus riches, où ils tentent
de vendre leurs magazines à des mères de famille chrétiennes ou à des vieux beaux s’ennuyant dans leur villa avec piscine. La bande nous emmène aussi dans les quartiers défavorisés, leur environnement à eux: familles aux frigos vides, aux parents toxicomanes et aux enfants qui finiront peut-être par s’émanciper en prenant la route eux aussi. American Honey n’est donc pas seulement l’histoire de jeunes adultes en quête d’aventure, mais également
Bien que Shia LaBeouf et Riley Keough n’aient plus à faire leurs preuves, le casting a été pour la majorité des acteurs une première dans le cinéma. Andrea Arnold les a recrutés via la technique du «street casting», qui consiste à repérer dans la rue, devant les supermarchés ou encore sur la plage (comme ce fut le cas pour Sasha Lane) des profils qui pourraient correspondre aux personnages du film. Les rôles ne sont pas forcés, les interactions sont naturelles, ce qui contribue à une atmosphère sincère et authentique dans laquelle le spectateur se plonge avec facilité. Malgré une durée peut-être quelques peu injustifiée (2h44 !), on ne s’ennuie pas. Lorsque le film se termine, on a un peu l’impression de faire partie de la bande. American Honey a reçu le Prix du jury au Festival de Cannes 2016, et achève donc de consacrer la réalisatrice, qui avait déjà obtenu cette récompense pour ses films Fish Tank et Red Road. x
Théâtre
Dans un rythme effréné, le Players’ Theater donne vie à la pièce 39 steps. pierre gugenheim
«39 Steps est puissamment original, et relève bien le défi central du théâtre amateur»
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u 19 au 28 octobre 2016, le Players Theater nous présente la pièce 39 steps, composée d’un quatuor plein de surprise. L’adaptation du polar éponyme de John Buchan (1915), sous la direction d’Oscar Lecuyer, est animée — c’est le moins que l’on puisse dire — par Thomas Phipps, Jocelyn Wiesmann, Frédérique Blanchard et Ben Meyer-Goodman. À vrai dire «interprétation (très) libre» conviendrait mieux à ce pastiche d’espionnage de l’Amérique du Nord à l’Écosse, à ces une heure et demi d’absurdité et d’accents résonnant bien faux. La large équipe impliquée en coulisse aide à la création de ce microcosme policier bidon, dont on désespère de ne pas trouver d’équivalent francophone (vous avez dit Hubert Bonisseur de La Bath?). Alfred se retourne dans sa tombe Histoire d’amour, trahison, péripéties, course-poursuite et danger de mort, le quatuor pousse les
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Culture
gefter photography clichés jusqu’au grinçant, sur fond de musique jazz d’ascenseur. Si l’on est forcé de reconnaître l’impressionnant travail fait par la large équipe en coulisse, on ne peut qu’admirer l’énergie des acteurs. Ceux-ci ont réussi à parfaitement s’approprier l’espace du Players Theater (la «boîte noire») et y évoluent avec une grande aisance. Une mention particulière doit être faite à Meyer-
Goodman et Blanchard, se répondant dans un concours de celui qui incarnera le plus de personnages hauts en couleur, de mimiques, de voix contrefaites. Ce dernier nous avoue d’ailleurs, après la représentation, qu’il aurait aimé jouer une dizaine de rôles supplémentaires, histoire de bien achever sa crise cardiaque et notre crise d’épilepsie. Coup de poignard permanent à
l’œuvre de Hitchcock, la traîtresse pièce joue les francs-tireurs en livrant une relative cohérence, un rythme d’enfer et une certaine fraîcheur. C’est d’ailleurs le thème récurrent au Players Theater, et qui se reflète dans ce casting d’acteurs que l’on a pu notamment retrouver au Directors’ Festival: la proximité avec le public, la réinvention de l’espace utilisable, du réalisme, avec toujours une frontière ténue entre l’histoire construite et la «private joke». On retrouve donc dans 39 Steps ce qui fait les avantages et défauts du théâtre amateur. Le théâtre jeune 39 Steps est puissamment original, et relève bien le défi central du théâtre amateur: rapprocher les jeunes de cet art classique, ne pas ennuyer avec des messages et symboliques alambiqués; en un mot
rester les pieds sur terre tout en innovant profondément. La pièce brise clairement le quatrième mur, dans le pur jus d’un humour anglais grotesque. En ce sens, elle tombe également parfois dans l’excès. Une partie «ventre mou» alourdit un peu la pièce vers son milieu, et la représentation intimiste parfois relève plutôt de la blague entre amis. 39 steps s’apparente à un spectacle de clowns bien surprenant, qui ne vise pas à développer une grande morale, ni même une histoire très structurée. Le Délit y retournera pour s’en faire une idée plus claire, vous venez avec nous? «Je vous en servirai un ramequin, vous vous en ferez une idée». Vive le théâtre mcgillois! x 39 steps, du 26 au 28 octobre au Players Theater.
le délit · mardi 25 octobre · delitfrancais.com
portrait
Le collectif Skinjackin part à l’abordage de Montréal. louise kronenberger
Le Délit
L
orsque l’on arrive à Montréal pour la première fois, une chose peut nous frapper: c’est le nombre de personnes possédant des tatouages. Selon un sondage Ipsos Reid, près d’une personne sur deux est tatouée au Canada. Des salons de tatouages ne cessent d’apparaître dans notre ville. Cela laisse paraître l’existence d’une véritable culture de cet art, qui n’a connu que très récemment une reconnaissance. C’est en partie dans cet esprit là qu’évolue le collectif Skinjackin. Montréal est un lieu idéal pour que ce regroupement de bodypainters s’épanouisse. Maylee Keo, illustratrice et membre de ce groupe depuis 5 ans, a accepté de témoigner à ce sujet. Un projet original Tout d’abord, Skinjackin c’est un projet, créé en 2009 à Bordeaux, d’un collectif regroupant des illustrateurs, des graphistes et des tatoueurs de différents horizons. Le groupe s’est implanté peu après dans plusieurs villes à travers le monde, dont notre chère Montréal, et compte plus d’une quarantaine de
vittorio pessin «pirates» à travers le monde. Les artistes se retrouvent à différentes occasions, lors d’événements ou juste pour s’amuser, et pratiquent le live paint tattoo. Maylee est «capitaine» dans cette équipe et s’occupe en partie de la gestion. Ils sont environ une douzaine d’actifs dans ce collectif à Montréal. Ils ont déjà fait des performances pour le Cirque du
Soleil ou encore Ubisoft. Pour eux, le body art (l’art corporel, ndlr) est un moyen d’expression artistique. Ils jouent avec les articulations et les formes naturelles du corps, et le transforment en véritable tableau. Ils s’amusent, dans leurs œuvres, non seulement avec des dessins mais aussi avec les mots. Skinjackin réalise également des fresques ou des expositions et
des événements, même pour les plus jeunes. Ce qu’ils aiment, c’est l’échange avec les participants et s’amuser à créer. Une culture acceptée «Quand j’ai voyagé en Europe, les gens me regardaient de travers, les tatouages ça ne paraît pas aussi commun pour eux. À Montréal,
j’ai l’impression que l’on a plus de liberté avec ça» déclare Maylee. Montréal est un melting-pot de cultures, ce qui facilite sûrement l’acceptation de genres différents. Skinjackin est le collectif artistique qui compte le plus de femmes à Montréal, et il regroupe des artistes aux styles très différents. Ce groupe est donc très représentatif de l’ambiance de notre ville, et montre la diversité multiculturelle et l’ouverture d’esprit qui s’y trouvent. Malgré la propagation et l’acceptation de l’art du tatouage, la jeune femme trouve qu’il y a tout de même un décalage entre la manière dont Montréal est représentée, notamment dans les publicités par exemple, et la véritable culture de la ville. La ville de Montréal est mondialement reconnue pour l’effervescence de ce milieu alternatif et ses tatoueurs de qualité. Même notre premier ministre, Justin Trudeau, en possède un! Il semble cependant qu’il y ait encore du chemin à parcourir avant que l’acceptation des tatouages soit totale. x Instagram: skinjackin, mayleekeo Site web: skinjackin.com
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par Mahaut Engérant Dessiné sur Microsoft Paint le délit · mardi 25 octobre · delitfrancais.com
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