Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill
Mardi 31 janvier 2017 | Volume 106 Numéro 12
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Volume 106 Numéro 12
Éditorial
Le seul journal francophone de l’Université McGill
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Je me souviens
Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Ikram Mecheri Actualités actualites@delitfrancais.com Antoine Jourdan Sébastien Oudin-Filipecki Théophile Vareille Culture articlesculture@delitfrancais.com Chloé Mour Dior Sow Société societe@delitfrancais.com Hannah Raffin
T
erreur, crainte, attaque. Ce champ lexical que l’on croyait étranger, comme une ombre, est venu obscurcir le ciel de notre province. Le 29 janvier 2017, six hommes ont été abattus dans une mosquée à Québec.
Sous la haine, se terre une profonde peur de l’autre, une bêtise qui se nourrit d’ignorance. À eux la peur, à eux la haine. Nous, nous garderons l’insouciance. La violence résonne. Face à l’incompréhensible, des femmes et des hommes se sont rassemblés à travers le Québec, en leur mémoire, aux côtés de leurs proches et concitoyens. Ils étaient venus au Québec chercher une vie meilleure. Je me souviens Azzeddine Soufiane Abdelkrim Hassane Ibrahima Barry Khaled Belkacemi Aboubaker Thabti Mamadou Tanou Barry
Innovations innovations@delitfrancais.com Lou Raisonnier Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Baptiste Rinner Coordonnateurs visuel visuel@delitfrancais.com Mahaut Engérant Vittorio Pessin Multimédias multimedias@delitfrancais.com Arno Pedram Coordonnatrices de la correction correction@delitfrancais.com Nouédyn Baspin Sara Fossat Coordonnatrice réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Louise Kronenberger Événements evenements@delitfrancais.com Lara Benattar Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Contributeurs Ronny Al-Nosir, Julie Artacho, Hortense Chauvin, Elisa Covo, Julia Denis, Prune Engérant, Samuel Ferrer, Charles Gauthier-Ouellette, Margot Hutton, Sabine Malisani, Monica Morales, Eléonore Nouel, Leyla Prézelin, Marianne Rouche, Jules Tomi Couverture Mahaut Engérant & Vittorio Pessin
L’Équipe de rédaction du délit
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2 Éditorial
L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavant réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).
le délit · le mardi 31 janvier 2017· delitfrancais.com
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Les chiffres à retenir
À venir
54%
Rénovations sur le campus Dans un courriel envoyé à la communauté, l’Université McGill annonce entreprendre, très prochainement, une série de rénovations de certains bâtiments du campus du centre-ville. Ces travaux sont justifiés par l’ancienneté desdits bâtiments
c’est l’augmentation de la consommation québécoise de ritalin, un stimulant d’ordonnance, entre 2010 et 2015. Pour en savoir plus, rendez-vous aux pages 8 et 9 pour une enquête sur le sujet. x
Les mots qui marquent
À l’asso de l’actu
«Tout le monde a été atteint»
Campagne sur le travail étudiant
Ce sont les mots de Philippe Couillard, premier ministre du Québec, à la suite de l’attentat qui a fait six victimes la nuit du 29 janvier dans la capitale québécoise. x
et consisteraient, entre autres, à la rénovation des systèmes de chauffages et de ventilations du Pavillon Burnside et du Pavillon des Sciences de l’éducation. Ils ne devraient durer que jusqu’en 2018. L’administration, d’autre part, assure que ces travaux ne causeront que peu de perturbations et remercie les étudiants et les professeurs pour leur patience et leur compréhension. x
L’association Campagne sur le travail étudiant (CUTE) se bat pour la reconnaissance en tant que «travail» des stages et des études. Les militants souhaitent en effet
qu’une rémunération soit versée à chaque étudiant.e.s. Celle-ci légitimerait le travail effectué pendant les années universitaires, et permettrait aux étudiants de sortir de la précarité. CUTE organise une manifestation à Québec le 16 février prochain. Des buses seront mis à disposition pour les montréalais souhaitant participer. x
McGill: Santé Mentale Le Délit revient sur les derniers développements. sebastien oudin-filipecki
Inquiétudes et explications
E
Cependant, cette vision ne semble pas faire l’unanimité. De nombreuses voix ont en effet désavoué le fait que l’obtention de notes médicales était désormais plus difficile. Cette décision a été expliquée par le Dr. Romano et le Dr. Alfonsi afin de «réserver ces créneaux horaires pour les étudiants nécessitant une aide immédiate» et que «avant de fournir les documents appropriés, un clinicien se doit de connaître un minimum le cas de du patient en question.» Ces derniers ont aussi ajouté que «dans l’ancien système, une large partie des consultations étaient dues à une demande de notes médicales» et autres documents administratifs, empêchant de ce fait les étudiants ayant besoin d’aide d’être vus immédiatement. Quant à la suspension soudaine du Dr. Nancy Lowe, directeur du Mental Health Services en décembre dernier, la directrice des Services aux étudiants, Martine Gauthier, s’est abstenu de tout commentaire, disant simplement que le Dr. Lowe était actuellement en «congé administratif» et que «l’Université ne
Le Délit
n décembre dernier, McGill annonçait le regroupement des services de Counseling et de Mental Health en une seule et même unité. Cette déclaration avait été plutôt mal accueillie par la population étudiante sur le campus. Elle avait en effet attiré les critiques de la presse étudiante et de l’AÉUM, par la voix de son vice-président aux Affaires Universitaires, Erin Sobat qui déplorait le manque de consultation étudiante. Ce regroupement, en lui-même, semble plutôt bénéfique car il permet de centraliser l’aide offerte aux étudiants qui n’ont désormais plus à devoir choisir entre les service Counseling ou de Mental Heath ou à faire la navette entre les deux. Dans un email au Délit la directrice du counseling services, le Dr. Vera Romano et le directeur adjoint des Mental Health Services le Dr. Giuseppe Alfonsi, ont expliqué que cette volonté de fusion avait pour but d«améliorer l’expérience des étudiants» en leur garantissant «un meilleurs accès» aux services de thérapies.
le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com
Cette semaine Veillée de solidarité. Ce lundi 30 janvier au soir, se sont réunis sur la place de la gare Jean-Talon, à la station du métro Parc, près de 2000 personnes en solidarité des victimes de l’attentat terroriste de dimanche soir au Centre culturel islamique du Québec de SainteFoy, près de la ville de Québec. Cette vigile d’initiative citoyenne a été marquée par des discours de membres de la communauté musulmane au Québec dans des
appels à l’unité, au respect et au multiculturalisme, le tout accompagné de remerciements pour les soutiens reçus durant la journée. Se sont ajoutés des appels à l’action contre les actes islamophobes, racistes et homophobes entre autres. Plusieurs sont ceux qui ont critiqué le manque d’initiative des autorités provinciales et étatiques face à ces actes, plus particulièrement par rapport à la lenteur de réaction et la difficulté de les contrer. x
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pouvait commenter aucune affaire liées aux relations humaines afin de protéger la vie privée de toutes les parties». Plus d’implication étudiante ? Dans ce même email, le Dr. Romano et le Dr. Alfonsi assurent que les impressions reçues depuis ces changements ont été «généralement positives» et que les étudiants ayant eu l’expérience de l’ancien système étaient souvent «confus» à l’idée de raconter leur histoire à plusieurs professionnels de santé différents résultant de la séparation des deux services. Ces derniers ont conclut en notant que ces changements étaient «itératifs» et que le service continuerait à être amélioré en fonction des commentaires des étudiants et du personnel. Le lancement récent du Student Wellness Hub Stakeholder Group unw comité composé exclusivement d’étudiants et ayant pour but de donner leur avis sur la qualité des services mis à disposition des étudiants et de réfléchir à de possibles améliorations semble ouvrir la voix à l’établissement d’un dialogue entre la communauté mcguilloise et les services aux étudiants. x
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actualités
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Monde
Keystone XL: Trump dit «oui» Trump a signé un executive order qui relance la discution concernant la Keystone XL. Antoine jourdan
Mahaut engérant
Le Délit
C’
était à la une de tous les médias du monde: à peine rentré à la Maison Blanche, Donald Trump a signé une rafale de décrets (executive orders, ndlr). Ceux-ci donnent au président Américain le pouvoir de faire prendre des décisions ayant force de loi sans passer par la case «Congrès». Parmi les décrets en question, tous plus ou moins polémiques, il y a l’approbation de la Keystone XL pipeline. Retour sur une vielle histoire. De quoi parle-t-on ? Il faut savoir que le Keystone pipeline existe et fonctionne déjà. Construite à partir de 2008, elle s’étend sur 3456km, de l’Alberta à l’Illinois. Au fil des années, plusieurs extensions ont été ajoutées. Aujourd’hui, l’or noir de l’Alberta peut être acheminé jusqu’au Texas sans sortir du « réseau » Keystone. Quelle est donc la polémique? Il s’agit d’une extension additionnelle, proposée en 2008 et appelée Keystone XL qui vise à aug-
menter le flux de pétrole au delà des taux possibles aujourd’hui. La ligne additionnelle commencerait en Alberta, pour s’acheminer jusque dans le Nebraska en passant par le Dakota du sud. Si le gouvernement canadien a toujours été en faveur du projet, sous Harper comme sous Trudeau, ce n’est pas le cas pour le gouvernement américain. En effet, Obama s’était prononcé contre en 2015, ce qui lui avait valu les applaudissements des écologistes.
Le revirement Trump est donc en plein processus de défaire, petit à petit, l’héritage de son prédécesseur démocrate. Sans surprise, l’accord pétrolier était en ligne de mire. Devant de nombreuses caméras le nouveau président a signé son décret, en soulignant que celui-ci ne faisait «que» rouvrir les discussions. En effet, pour faire avancer le projet, il a dit qu’il devait s’assurer que les
pièces détachées soient faites aux États-Unis, une autre de ses promesses de campagne. Pour aller de l’avant, il faudra que les tuyaux qui transportent le pétrole ainsi que les pompes et autres machines utilisées pour faire voyager l’or noir soient «made in America». Justin Trudeau, le premier ministre canadien, a félicité la décision de son nouvel homologue. Pour lui, c’est une évolution positive pour l’économie canadienne, et en particulier celle de l’Alberta, province qui connaît une grave crise. Cependant, il ne croit pas à l’idée que l’économie et l’écologie sont des sphères irréconciliables: faisant preuve d’un pragmatisme féroce, il assure qu’on peut continuer à exploiter les sables bitumineux tout en gardant la transition vers les énergies renouvelables comme objectif. Cette position n’est pas nouvelle, c’est celle qu’il avait déjà présenté lorsqu’il avait approuvé deux des trois pipelines proposés, en novembre 2016. Mais à l’époque, comme aujourd’hui, une partie de l’électorat canadien n’est pas convaincu.
C’est notamment le cas des militants écologistes, dont ceux de Divest McGill. Ces derniers ont, sans surprise, témoigné de leur mécontentement vis-à-vis la position de Trudeau. « Il y a une contradiction chez le gouvernement » entre les positions écologiques et l’économisme pur et dur » affrime Jed Lenetsky, militant de l’association. Pour lui, le choix est clair. Le gouvernement Trudeau doit s’investir à 100% dans la cause écologique, sinon les problèmes liés au réchauffement climatique ne seront par résoulus à temps. L’entre-deux qui caractérise la politique des libéraux ne sert qu’à appaiser les revandications des futurs électeurs. Aujourd’hui, Lenetsky est certain de ne pas voter pour Trudeau aux prochaines échéances électorales. «J’étais prudemment optimiste en 2015» explique-t-il, «maintenant, je ne me fais plus d’illusions». Cette énième position en faveur des pipelines vient donc encore miner les soutiens à Trudeau au sein de la population, à un moment où la popularité du gouvernement se fragilise de jour en jour. x
campus
«Gouverner c’est prévoir» Deuxième conseil législatif de l’année pour l’AÉUM. sébastien oudin-filipecki
Le Délit
S
i l’on devait résumer le dernier Conseil législatif de l’Association des étudiant·e·s en premier cycle de l’Université McGill (AÉUM) en deux mots ce serait «efficace» et «expéditif». Expéditif car il n’y avait à l’ordre du jour qu’une seule motion à examiner, relative aux procédures internes de l’organisation. Cependant, cette motion a son importance, car elle changerait considérablement le fonctionnement de l’AÉUM, notamment en amendant les pouvoirs du Conseil des directeurs de l’AÉUM (Board of Directors, ndlr), restreignant son droit de veto sur les décisions du Conseil législatif et du Judicial Board («Cour suprême» de l’AÉUM). Certains conseillers ont exprimé leurs réserves quant à un des articles du texte qui donnerait au Conseil des directeurs le pouvoir d’invalider toute décision du
4 actualités
Judicial Board avec une simple majorité. Cela affaiblirait considérablement le pouvoir de l’instance judiciaire pourtant indépendante du reste de l’organisation. Cependant, la motion étant encore à l’étude, elle ne devrait être votée qu’au prochain conseil législatif. La session a aussi été marquée par les rapports concis des membres exécutifs au conseil. Sur le plan de la communauté autour du campus, le v.-p. aux Affaires externes, David Aird a annoncé le lancement d’un projet pilote de compostage près de la porte Milton. Les étudiants habitant le quartier de Milton/Parc pourraient ainsi mieux recycler et composter leurs déchets. À propos des activités du campus, le v.-p. aux Affaires internes, Daniel Lawrie revendique fièrement une augmentation de la portée de la listserv de l’AÉUM qui atteint désormais 40% des étudiants. Ce dernier a aussi annoncé aussi le début de la préparation du Frosh de l’année prochaine avec peut-être la signature d’accords
eléonore nouel
entre le bureau du Doyen des étudiants et les différentes associations étudiantes des facultés afin que le Code de conduite de l’étudiant s’applique lors de ces évènements. Une occasion de faire le point De son côté, la v.-p. à la Vie étudiante, Elaine Patterson a exprimé son enthousiasme quant
au lancement sur l’application McGill pour cellulaire d’une nouvelle fonctionnalité permettant aux étudiants d’être informés en temps réel des événements organisés par les clubs sur leurs téléphones. Aussi, cette dernière a dévoilé travailler sur un projet de publication, pour la rentrée prochaine, d’un nouveau guide destiné aux nouveaux étudiants sur les façons de s’investir sur le campus, et ce,
avec le concours des associations étudiantes des différentes facultés. Le Conseil a aussi été marqué par l’absence du président Ben Ger, contraint de s’absenter en raison d’une affaire urgente, son rapport ayant été présenté par le v.-p. aux Affaires universitaires Erin Sobat. Ce dernier s’est concentré sur la progression au Sénat des efforts pour rendre le Conseil des gouverneurs de McGill plus transparent avec l’introduction d’une proposition pour que les membres de la communauté mcgilloise puissent soumettre leurs commentaires directement par écrit au conseil et puissent assister aux réunions qui se font, pour la plupart, à huis clos. Le conseil s’est terminé par la traditionnelle séance de questions lors de laquelle Elaine Patterson, a pu confirmer la mise en place prochaine de distributeurs de produits menstruels dans le bâtiment Shatner après qu’une motion eut été votée dans ce sens le semestre dernier. x
le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com
campus
Des paroles... et les actes? Retour sur la tension entre étudiants et administration au sujet du désinvestissement. ronnementales de Divest McGill, imputable selon certains au fossé générationnel entre l’administration et un corps étudiant qui souffrira considérablement des répercussions du réchauffement climatique.
Hortense chauvin
Le Délit
U
n récent rapport présenté par le vice-principal exécutif Christopher Manfredi au Sénat ce mois-ci revient sur les forums ouverts à propos de la durabilité ayant eu lieu en septembre dernier. En mars 2016, le Committee on matters of social responsibility (CAMSR) du Conseil des gouverneurs avait choisi de ne pas donner suite aux pétitions de l’association étudiante Divest McGill appelant l’administration à mettre fin à ses investissements dans des entreprises opérant dans le domaine des combustibles fossiles. Le comité avait justifié ce rejet par le manque de preuves quant à l’impact social négatif des industries de combustibles fossiles, ajoutant que leurs bénéfices «l’emportaient pour le moment sur ses impacts préjudiciables». Suite à cette décision controversée, la principale Suzanne Fortier s’était engagée à tenir trois forums publics sur la durabilité et les recommandations du CAMSR. Le rapport du professeur Frédéric Bachand, de
Un projet manquant d’audace
la Faculté de droit, revient sur cet épisode et met en lumière la défiance des étudiant·e·s quant aux moyens mis en œuvre par McGill pour faire face au changement climatique. Un manque de confiance L’analyse du professeur Bachand met en lumière les difficultés de communication entre l’administration et les corps activistes étudiants. Parmi l’assistance, composée de membres de Divest McGill, d’anciens étudiants, de membres du
personnel et du corps professoral, de nombreux participants ont ainsi fait part de leur perte de confiance en l’administration suite au rejet du projet de désinvestissement. Son déni des conséquences dramatiques de l’industrie des combustibles fossiles sur l’environnement a été particulièrement décrié. Le manque de transparence du CAMSR quant à ce dossier a également été pointé du doigt. Certaines des personnes présentes ont également déploré le manque de considération du comité pour les revendications envi-
La plupart des vues exprimées dans ce rapport regrettent en effet les efforts écologistes trop timides de l’administration, l’appelant au contraire à opérer un véritable virage environnemental. Les participants ont notamment souligné la nécessité de prendre des engagements plus contraignants afin de lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Parmi les propositions énoncées, on trouve le développement des services de compostage, l’ajustement du système de chauffage de l’université ou encore l’augmentation du nombre de classes liées aux questions environnementales, sans distinction de programme. Outre ces suggestions, un grand nombre de participants ont également pointé du doigt le
manque de cohérence de l’administration mcgilloise, que ce soit dans sa stratégie environnementale ou dans son engagement en faveur de la réconciliation avec les communautés autochtones. Ils soulignent plus particulièrement l’écart entre les objectifs affichés de McGill et les moyens mis en place pour les atteindre. Dans cette optique, nombre d’entre eux ont ainsi demandé à l’administration de prendre en compte l’impact social, sanitaire et culturel dramatique du développement des oléoducs sur les communautés autochtones et de réévaluer les conclusions du CAMSR afin d’œuvrer vers une réconciliation effective. Ces témoignages mettent en relief un problème de confiance récurrent dans les relations entre les organisations étudiantes et le corps administratif. Si l’on peut s’attendre à ce que Divest McGill poursuive ses efforts dans le futur, ce rapport suggère que l’avenir de la collaboration entre l’administration et les groupes activistes étudiants reste, quant à lui, incertain. x
campus
Bilan du semestre avec l’AÉFA Les exécutifs parlent de leur succès du semestre et de leur futurs actions. sébastien oudin-filipecki
Le Délit
L
e Délit a rencontré les membres du comité executifs de l’Association étudiante de la Faculté des arts de premier cycle (AÉFA) pour parler de leur bilan du semestre précédent et leur projets futurs. Voici ce qu’il nous ont répondus. Becky Goldberg - Présidente La présidente de l’AÉFA est chargée de s’assurer du bon fonctionnement de l’association. Cette dernière s’est dite contente d’avoir abordé le thème de la santé mentale via une succession de vidéos pour lutter contre la stigmatisation. Elle applaudit le retour du magazine Leacocks de l’AÉFA avec le recrutement des éditeurs et la remise à neuf du site internet. Elle travaille actuellement en étroite collaboration avec l’administration pour un possible plan de rénovation du pavillon Leacock, notamment du sous-sol. Finalement ses projets pour ce semestre incluent
la simplification des procédures internes de l’organisation avec le concours du secrétaire général. Kat Svikhnushin - Viceprésidente aux Affaires sociales La v.-p. aux affaires sociales, Kat Svikhnushin travaille actuellement sur la restructuration de l’organisation de Frosh avec la création d’un nouveau comité étudiant inter-facultaire en collaboration avec l’AÉUM. Aussi, Kat Svikhnushin souhaite laisser respirer un peu plus les comités au sein de son portfolio en ne siégeant pas systématiquement aux comités et laissant les vice-chaires une plus grande marge de manoeuvre. Finalement, cette dernière compte aussi s’assurer de la continuité du Bar des Arts et de la qualité de ses services (sécurité, etc.). Ceci dans le but de garantir sa continuité dans les années futures, alors que ce dernier connaît un succès croissant auprès des étudiants. Cette dernière le qualifiant d’endroit le plus «fun» du campus.
le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com
Erik Patridge - Vice-président aux Affaires académiques Le v.-p. aux affaires académiques, Erik Patridge s’occupe de défendre les droits académiques des étudiants au niveau de la faculté. Le semestre dernier il s’est assuré que les syllabus des cours de la faculté des Arts soient accessibles à tous les étudiants sur Mycourses. Ses objectifs pour ce semestre incluent: faire en sorte que les étudiants de la Faculté des arts connaissent leurs droits ainsi que l’ajout de questions dans les courses evaluations afin de mieux prendre en compte la santé mentale des étudiants. Finalement, il souhaite offrir aux étudiants une plus grande sélection de stages via le Arts Internship Office et a annoncé la livraison de nouveau bureaux, plus confortables, pour la bibliothèque McLennan. Kira Smith - Vice-présidente aux Affaires internes La v.-p. aux Affaires internes de l’association est en charge
de son bon fonctionnement. C’est une charge administrative et demandante, Kira Smith se reproche d’ailleurs de s’être laissée débordée en début d’année, et compte pré-macher le travail de son ou sa successeur-euse. Smith a aussi entrepris de réformer, petit à petit, l’AÉFA, en y introduisant une «culture d’empathie», et une attention accrue à la santé mentale. Bien que cela soit en dehors de son portfolio, Smith ambitionne aussi de mettre en place une formation à la santé mentale obligatoire pour les professeurs·euses de la Faculté des Arts. Deepak Punjabi - Viceprésident aux Finances Le v.-p. aux Finances gère le budget de l’association et collabore avec les différentes associations départementales de la faculté à l’élaboration de leurs budgets respectifs. Ce dernier travaille aussi à la réduction du café étudiant SNAX en établissant notamment une liste de produits les plus vendus afin de limiter les dépenses liées au gaspillage.
Punjabi dit aussi vouloir s’assurer que les cotisations étudiantes à l’AÉFA soient utilisées pour fournir les meilleurs services aux étudiants. Chanèle Couture DeGraft - Vice-présidente aux Communications Malheureusement, Chanèle Couture De-Graft n’a pas répondu aux questions du Délit. Kia Kouyoumjian - Viceprésidente aux Affaires externes Malheureusement, Kia Kouyoumjian n’a pas répondu aux questions du Délit. x
actualités
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Campus
Un futur s’esquisse...
Principale Fortier revient sur sa récente éxpérience au Forum de Davos. Theophile vareille
Le Délit
enseigne et recherche la gestion d’écosystèmes sur le campus de MacDonald, au sein de l’École de l’environnement.
The Bull & Bear
S
uzanne Fortier, Principale de l’Université McGill, recevait ce mardi 25 janvier plusieurs médias étudiants dans son bureau, pour s’étendre sur sa récente participation au Forum économique mondial de Davos, du 17 au 20 janvier dernier. Principale Fortier, accompagnée de plusieurs professeurs s’étant envolés avec elle pour la Suisse, tenait à partager une expérience unique et enrichissante avec le corps étudiant. D’un ton empreint d’une certaine fierté, McGill étant la seule université canadienne à avoir été conviée, Mme la Principale est revenue sur des enseignements acquis allant de la durabilité à l’intelligence artificielle. Réputation et long-termisme Cristallographe de formation, c’est Fortier la scientifique autant que Fortier la Principale qui s’est enthousiasmée quant aux champs de possibilités évoqués. Questionnée sur les conséquences au court terme de cette visite, Principale Fortier a toutefois reconnu que seule la réputation de McGill s’en sortirait grandie.
Un campus anti-écolo
Les fruits seront plutôt à cueillir au long-terme, a-t-elle fait comprendre, il s’agit de préparer un avenir, d’avoir un «radar» et une «boussole» à disposition. Car si un domaine tel l’intelligence artificielle n’appartient plus à la science-fiction, ses avancées les plus récentes restent difficilement transposable à l’éducation universitaire. Ainsi, il ne faut pas s’attendre à voir une application pratique de la robotique généralisée à nos salles de classe d’ici bientôt. Dr. Andrew Gonzalez,
professeur de Biologie, a tout de même expliqué pouvoir faire profiter ses étudiants de son expérience, en laboratoire notamment. Plus que d’améliorer l’expérience de ses étudiants, participer à une telle conférence internationale majeure a pour but de bénéficier au prestige de l’université, de mettre en avant ses chercheurs et ses initiatives. Nombreux au Forum de Davos étaient cette année inquiets quant au futur des efforts globaux contre le changement climatique,
maintenant que le second pollueur mondial, les États-Unis, est sous la gouverne d’un climato-sceptique annoncé. McGill s’estime armée pour répondre à ces interrogations, grâce notamment au campus MacDonald. De nombreux travaux y sont réalisés sur la sécurité alimentaire et la durabilité, entre autres. MacDonald est essentiel à l’effort «interdisciplinaire» nécessaire pour traiter ces sujets environnementaux, explique la Prof. Bennett. Professeure Bennett
D’un campus à l’autre, Principale Fortier a au cours de la conversation émis des doutes sur la faisabilité d’un campus downtown à l’empreinte carbone neutre. Expliquant s’être entretenue avec des spécialistes à Davos, il serait ardu d’effectuer une isolation thermique des nombreux bâtiments mcgillois anciens et en mauvais état. «Nous avons des vieux bâtiments (...) c’est plus ou moins impossible, on peut construire des bâtiments écoresponsables, mais ces anciennes infrastructures nous posent un obstacle.» L’entretien s’étant concentré principalement sur des aspects techniques et scientifiques, il a été question des opportunités dégagées pour les étudiants de Faculté des arts. Principale Fortier et les professeurs présents ont encouragé ces derniers à s’investir, sans toutefois spécifier comment. «On peut rendre le monde meilleur, il faut regarder autour de soi et se demander ce que l’on peut faire, sur le terrain» explique professeure Bennett.x
Monde
Une dénonciation désinformée ? Eva Bartlett dénonce la couverture médiatique du conflit syrien. Sabine malisani
L
a désinformation médiatique est la nouvelle «bête noire» du moment. C’est d’ailleurs cela qu’Eva Bartlett, journaliste indépendante canadienne, a tenté de contrer lors de sa conférence sur la Syrie donnée à Montréal le 28 janvier 2017. Devant une salle attentive, majoritairement d’origine syrienne, elle fait le récit de la guerre en Syrie, selon elle mal représentée par les médias traditionnels. Ce récit, qu’elle qualifie de «real truth» (vérité réelle ndlr), se base sur ses recherches personnelles et ses entrevues avec des Syriens qu’elle a entreprises lors de ses six voyages en Syrie depuis les débuts du conflit en 2011. Selon Bartlett, la couverture médiatique du conflit par les médias «mainstream» est fondée sur de fausses sources et ne reflète pas adéquatement la voix de la population syrienne. Pour elle, il ne s’agirait pas d’une guerre civile ou sectaire, mais plutôt un conflit orchestré par les grandes puissances (États-Unis, l’OTAN, etc.), en collaboration avec des groupes terroristes, dont l’ÉI.
6 ACTUALITÉS
Sa présentation portait avant tout sur les événements récents à Alep, notamment la prise de la ville par les forces pro-régime. Si la plupart des médias parlent d’événements meurtriers, de crimes contre l’humanité, et de lourdes offensives
par l’armée envers la population, Bartlett, elle, parle d’une «libération». Ouvertement pro-Assad, elle soutient l’idée que les forces du régime ont l’appui de la population. À l’inverse, les rebelles qui occupaient une partie de la ville sont, selon elle,
des terroristes décrits comme des victimes par la couverture médiatique occidentale. De même, elle célèbre l’intervention russe qu’elle considère positive pour la résolution du conflit. Il est important de noter que Bartlett a récemment fait polémique pour ses publications dans le journal Russia Today, un organe médiatique en partie contrôlé par le Kremlin. Si l’on peut louer la prise de parole qui contredit le discours dominant, il faut néanmoins préciser le caractère partisan et populiste de la conférence. L’idée n’était pas tellement d’offrir un autre point de vue, mais plutôt de délégitimer l’angle fourni par les médias occidentaux. Ceux-ci étaient d’ailleurs particulièrement mal accueillis. À plusieurs reprises, les panélistes ont ouvertement montré leur hostilité envers les journalistes invités. À un moment, plusieurs personnes se sont levées pour insulter une journaliste présente, en criant «Honte à eux !» entre autres injures. Interrogée par Le Délit par la suite, la concernée a affirmé n’avoir «jamais vu ça au Canada».
Le manque de diversité d’opinion, à la fois parmi les panélistes et l’audience, a également servi à décrédibiliser cette conférence. En effet, à plusieurs reprises, la salle s’est remplie d’applaudissements suite à des propos de Bartlett louant l’intervention russe, l’armée syrienne, ou suite à des critiques envers la «soi-disant Armée syrienne libre». Le message de Bartlett perd également de sa crédibilité lorsque que celle-ci nie des faits prouvés par l’ONU et autre organismes internationaux, tels que l’utilisation d’armes chimiques par l’armée syrienne à Ghouta. L’aspect le plus problématique de son message est peut-être le fait qu’elle considère parler pour «les syriens que l’on n’entend pas», tout en admettant n’avoir jamais été à Alep Est. Comment peut-elle donc affirmer que les habitants d’Alep se réjouissent largement de la «libération», sans entendre les voix de ces mêmes Syriens libérés? Bartlett semble présenter beaucoup de «faits alternatifs», ce qui nous pousse à nous demander si cette condamnation de la désinformation n’est pas elle-même… désinformée. x
le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com
monde
Identité nationale linguistique
Des tensions entre anglophones et francophones se font ressentir au Cameroun. sa forme actuelle. Des étudiants ayant pris part à ces manifestations ont utilisé internet pour publier des témoignages sous forme de vidéos, y montrant les violences policières à l’Université Buéa, située en zone anglophone. Seulement l’État met un voile sur ces faits, en affirmant que tout va bien partout au pays, et censure l’accès internet pour empêcher la propagation de ces vidéos.
Margot Hutton
Le Délit
L
orsqu’il s’agit d’affirmer une identité nationale, les divisions linguistiques peuvent causer problème. Nous en avons l’exemple concret entre le Québec et le Canada anglophone. Cependant, si le gouvernement canadien est toujours resté prudent face à cette question, au Cameroun, les mesures gouvernementales sont plus radicales. En effet, l’État camerounais a coupé l’accès à internet dans les régions anglophone du pays.
Une réponse massive
Un peu d’histoire Pour comprendre comment le pays en est arrivé là, il faut remonter le temps. Nous sommes en 1918. À cause de la situation désolante du Cameroun, la Société des Nations (SDN, ndlr) retire les droits coloniaux de l’Allemagne sur le Cameroun, et va donc confier la partie orientale du pays (la plus grande) aux Français et la zone occidentale aux Britanniques, qui ont tous deux un important empire colonial sur le continent africain. Il est important de signaler que les deux pays avaient différentes
approches des règles coloniales, ce qui creusait déjà un fossé. En 1960, la partie française gagne l’indépendance, mais la réunification avec la partie anglaise se fait dans la violence. Certaines régions du Cameroun britannique choisissent néanmoins de s’unifier avec le reste du pays, qui devient un État fédéral. Très vite, le pays évolue vers un État centralisé, ce qui a d’autant plus marginalisé les minorités anglophones. Le pays est donc divisé en dix régions semi-auto-
nomes, et huit d’entre elles sont francophones. Depuis 1982, le pays est dirigé par Paul Biya, ayant reçu une éducation française et donc francophone. Expliquer la situation Qu’est-ce qui a poussé le gouvernement à prendre des mesures aussi drastiques? Depuis plusieurs mois, des grèves d’enseignants et d’avocats anglophones ont lieu dans les régions anglophones, et le
gouvernement, en guise de réponse, leur a coupé l’accès à internet. Quelles étaient les raisons de ces manifestations, qui prenaient parfois une tournure violente? Les populations anglophones estiment être mal représentées d’autant plus que la plupart des communications se font dans la langue de Molière, dans un pays où le français et l’anglais sont considérés comme des langues officielles. Ces mouvements de protestation ont conduit à la remise en question de l’État sous
Malgré le fait que le gouvernement camerounais souhaitât que ce problème reste d’ordre national, les vidéos avaient déjà circulé, et la coupure internet n’est pas passée inaperçue. Edward Snowden par exemple, n’a pas hésité à partager des informations sur les raisons de cette coupure internet, dans le but de dénoncer la répression au Cameroun, en la médiatisant. Là où les camerounais anglophones font face à un obstacle, Snowden le franchit pour eux. Cela sera-t-il suffisant pour retourner la situation? Rappelons que l’héritage du pays est marqué par ce fossé entre les anglophones et francophones, et que la vraie réunification nécessitera plus qu’une simple signature d’un traité. x
Satire
De l’importance de la misogynie Enquête sur la branche masculine du féminisme.
Samuel ferrer
Le Délit
L
a semaine dernière se tenait l’un des mouvements globaux les plus encourageants de ces derniers mois, un mouvement féministe d’abord, antiTrump ensuite ; le mouvement Women’s March. Tout inspirante que soit cette manifestation, il semblerait qu’un point vienne l’obscurcir –des hommes y ont participé. C’est en tout cas ce que rapporte un bloggeur indépendant sur le site www.jean_eustache_lereporteramoustache.com. Dans un de ces articles, il questionne la dimension normative d’une telle insertion masculine, se demande si celle-ci n’amoindrirait pas la force du mouvement féministe. «Aux premiers abords, écrit-il, on pourrait ne pas s’en inquiéter, pourtant une recherche sémantique approfondie nous montre l’incongruité de la situation. En effet le nom du mouvement «Women’s March»... n’a ,à priori, rien de spécial. Or, traduisons maintenant ce même titre en français. Qu’obtenons-nous? «La marche des femmes». On comprend donc bien l’absurdité d’y
avoir des hommes. Ce doit être un vaste complot!» Pour éclaircir ce mystère, au lendemain de la marche, un grand colloque a été organisé par l’association AVHV (Association des vrais hommes virils, ndla) en partenariat avec la TEUBP (Troupe exécutive unilatérale pour la bravoure phallocratique, ndla) et le CONARD (Comité organisateur national des hommes avertis républicains-démocrates, ndla). Le Délit a pu assister à cette réunion d’experts –et vous retrace les moments saisissants.
mahaut engérent & Arno pedram
L’égalité… pourquoi faire ? La table ronde commence par une phrase d’introduction enflammée de son président, M. Glolourdeau. «Les hommes n’ont aucun intérêt à être féministes. Nous avons été privilégiés depuis des siècles, nous sommes mieux payés, on peut porter ce que l’on veut sans être objectifiés, sans se faire siffler ou harceler. C’est la belle vie, on ne veut pas l’égalité, ce serait un scandale!» Perdant presque tout décorum, un des membres interpelle ses collègues: «Un homme féministe ce serait quoi… un homme
le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com
qui reconnaît ses privilèges et qui les trouves immoraux ? Quelle absurdité! Évidemment qu’ils sont immoraux, mais pourquoi vouloir que les humains soient égaux, alors que l’on peut les différencier à partir d’un simple caractère biologique – donc sans fondements logique, sans raisonnement, sans argument, juste parce que c’est possible ?!» Au milieu d’un tumulte émergeant, chaque homme coupant la parole de l’autre, pratique si caractéristiques de ces derniers; un des
membres nous glisse timidement à l’oreille. «Ils s’affolent, mais vous savez, la misogynie va bon train. Quel plus bel exemple que M. Trump et ses ministres (au masculin) qui légifèrent sur ce que les femmes peuvent faire de leur organe reproductif ? Et puis, entre nous, quel est le synonyme du mot «humain»… ne dites vous pas «Hommes»? (rire gras) Vous voyez, même notre propre langue reconnaît la domination de l’homme sur la femme (rire vraiment très gras).»
Synthèse. Il semblerait donc, après avoir recoupé tous ces témoignages d’expert, que les hommes ayant participé aux manifestations «Women’s March» autour du monde seraient tout simplement en faveur d’une équité des sexes. Pour autant, il ne faudrait pas croire qu’ils soient le cœur même de ce mouvement. Si ils y participent, ce ne serait qu’en tant qu’alliés –car le but d’un telle démarche vise bel et bien donner aux femmes le pouvoir de parole et d’actions qui leur est dû. Quel étrange phénomène dans un monde pourtant ouvertement hétéro-patriarcal. Or si le féminisme n’était pas un «complot», mais bien un mouvement pour l’égalité, serait-il possible, alors, d’imaginer un monde où le féminisme serait simplement «le sens commun»? x NDLA : Ceci est une satire, toute ressemblance de pensée entre celle exprimée par M.Grolourdeau (et différents membres du colloque) et celle de personnes de votre entourage serait fortuite, et très franchement assez inquiétante.
actualités
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Société societe@delitfrancais.com
drogués à la
Enquête
Réflexions sur le monde des drogues à usage académique. Hannah raffin
Le Délit
I
l est déjà 16h30. En cette journée de fin novembre, les immeubles que j’aperçois par la fenêtre de la bibliothèque s’allument déjà. L’atmosphère extérieure est entre chien et loup. Il fera nuit dans quelques minutes, et la prochaine fois que le jour réapparaîtra, je dois avoir fini mon papier de 15 pages. La nuit promet... Il va me falloir de l’énergie et de la concentration pour réussir à «pondre» un essai de 8000 mots! Pourtant, je sens déjà la fatigue peser sur mon corps et ai l’impression que mon esprit est saturé d’idées. Cela va faire trois semaines de suite que je me retrouve dans des situations similaires à celle-ci, avec d’autres cours, et ma motivation pour «tout donner» s’effrite. Mais pourquoi ne m’y suis-je pas prise plus tôt? Pourquoi? C’est dans ces momentslà que l’on se déteste, que l’on dit «plus jamais!» C’est aussi dans ces moments-là qu’on voudrait une pilule magique, une qui procurerait motivation, persévérance, énergie, et concentration pendant plusieurs heures à la suite. C’est la promesse que tiennent l’Adderall, le Ritalin, la Modafinil, le Vyvanse, le Concerta, et pour certains même de la marijuana. Toutes ces smart drugs, aussi appelées stimulants d’ordonnance, sont normalement prescrites sur ordonnance pour d’autres troubles neurologiques comme le TDAH (Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) ou encore la narcolepsie. Elles sont cependant utilisées par de nombreux étudiants en bonne santé qui les obtiennent illégalement. La consommation
de tels produits a grimpé en flèche pendant la dernière décennie, bien qu’elle concerne surtout des personnes en bonne santé, notamment des étudiants de premier cycle. L’usage non-médical de psychostimulants représente la deuxième forme d’usage de drogues illégales à l’université, juste après la marijuana. Entre 2010 et 2015, la consommation de Ritalin, un des stimulants d’ordonnance les plus vendus au Québec, a augmenté de 56%. Cette réalité choque certains,
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société
alors que d’autres félicitent la science d’avoir inventé ce nouveau «boosteur» cognitif. Reste à savoir quelles sont les raisons et enjeux derrière cette hausse d’usage. Est-ce une avancée scientifique signifiante, assouvissant le perpétuel désir humain d’augmenter ses capacités intellectuelles? Ou est-ce une fausse-bonne idée? Afin de mieux comprendre ce phénomène contemporain, Le Délit a recueilli dix-neuf témoignages, majoritairement d’étudiants mcgillois utilisant des psychostimulants. Une «smart drug» rend-elle réellement plus intelligent? La plupart des smart drugs agissent — au même titre que la cocaïne et la méthamphétamine — sur la quantité de dopamine qui circule dans notre cerveau, un neurotransmetteur associé au plaisir, au mouvement et à l’attention. Bien que ces psychostimulants aient des différences notables de fonctionnement neurologique et d’effets, la principale raison donnée dans les témoignages relève de leur capacité à augmenter la concentration chez l’individu pendant plusieurs heures d’affilée. Ces stimulants permettent aussi de couper la sensation de faim ou de fatigue. On ne peut cependant pas dire que ces substances augmentent nos capacités intellectuelles à proprement parler. Les stimulants aident à booster la performance d’un individu lors de l’apprentissage dit «par cœur» (rote-learning task, ndlr), mais ils n’augmentent en aucuns cas le Quotient Intellectuel (QI) de l’individu. Tout démarre à l’université et ce n’est pas un hasard
L’exemple cité plus haut n’est qu’un profil d’usage de ces drogues parmi une plus grande variété de situations. Sur les 19 personnes ayant participé au sondage, 11 ont répondu à la question «Pour quelle occasion consommez-vous le plus souvent ce type de produit», par «Quand j’ai vraiment une charge de travail trop importante et que je dois cram de manière efficace». Ces mêmes personnes semblent aussi consommer la drogue occasionnellement, «très rarement» ou «2 à 4 fois par semestre». Un·e témoignant·e assure qu’il ou ellea réussi, grâce à un stimulant, à rattraper l’entièreté du contenu d’un cours en seulement trois jours. Il ne serait pas étonnant que cela soit le cas durant la
vittorio pessin période des examens de mi-session et des examens finaux. L’université — fonctionnant très différemment des études secondaires — repose sur un système où l’Étudiant est peu évalué pendant une longue période, mais où il doit s’auto-discipliner pour travailler régulièrement. Aucun ou très peu de suivi de l’élève est assuré durant cette période par le professeur, ou bien le TA (Teaching Assistant, ou Assistant au Professeur, ndlr). Puis, à certaines périodes, toutes les évaluations — aussi importantes les unes que les autres, puisque peu nombreuses le long du semestre — tombent au même moment. L’étudiant est majeur, nous-dirions nous, «il est grand maintenant», il doit se gérer comme un adulte sans que quelqu’un ne doive lui tenir la main? Certes, mais ce n’est pas si simple lorsque l’on sait qu’aucune transition n’est assurée avec le système éducatif précédent, et qu’il s’agit aussi en première année de savoir jongler entre vie académique, extra-scolaire et sociale, et, pour beaucoup, loin de leur famille, l’entité structurante principale pour la plupart d’entre eux auparavant. De nombreux témoignages précisent d’ailleurs avoir commencé à en prendre lors de leur première année d’université. Plus problématique encore, 9 personnes disaient consommer ce produit «pour obtenir les résultats escomptés», alors que 10 en prennent pour «réussir à simplement faire tous mes devoirs». À cela s’ajoute le fait que l’usage de psychostimulants est proportionnel à la compétitivité des universités, et que l’on se plaît à surnommer McGill le «Harvard du Canada». Il s’agirait donc ici d’un usage avec un objectif différent: pallier son écart
de notes avec les autres étudiants de l’Université, ou réussir à gérer la quantité de travail assignée — ici, au quotidien. McGill est connue pour être une université avec une exigence académique considérable, et certains diront même qu’il y règne une ambiance de compétition entre les élèves. Pour avoir des «A», un petit «coup de pouce» avec un psy-
Comment justifier cette augmentation d’utilisation? Il semblerait tout d’abord que l’on assisterait à un surdiagnostic du TDAH au Québec ces dernières années, qui pourrait être expliqué, selon les docteurs Joel Paris et Brett Thombs de l’Université McGill,
«Est-ce une avancée scientifique signifiante, assouvissant le perpétuel désir humain d’augmenter ses capacités intellectuelles? Ou est-ce une fausse-bonne idée?» chostimulant peut augmenter les notes qu’auraient les étudiants par rapport à la situation ou ils travailleraient «sobres». Ces stimulants, pris plus régulièrement, semblent être la seule voie possible pour réussir à atteindre les objectifs souvent trop ambitieux d’étudiants sous pression, parfois asservis par cette idée de toujours être plus performant. À la question, «Avez-vous l’impression que vous ne pouvez pas réussir (académiquement, socialement ou autre) sans consommer ce produit?», 4 personnes ont répondu «Oui». Ils ou elles justifient cette réponse par des réponses variées: «Je n’arrive pas à me discipliner sans», «ça me permet de réussir à tous les niveaux de ma vie» ou encore «Je n’arrive pas à avoir les notes dont j’ai besoin, je n’arrive pas à étudier pendant des heures comme les autres». Il ne s’agit pas ici de généraliser. 7 personnes ont répondu qu’ils pourraient très bien vivre sans, et que s’ils «ne “procrastinaient” pas tant» ou qu’ils «géraient leur temps d’une meilleure manière», ils n’en auraient pas besoin.
par une définition trop vague des critères pour définir la condition d’hyperactivité. Ainsi, des étudiants pourraient obtenir une ordonnance assez facilement en allant voir un médecin. On sait aussi, à en croire le sondage du Délit et d’autres témoignages sur Internet, qu’une grande partie des étudiants qui consomment illicitement des stimulants se le procurent par un ami qui a luimême une ordonnance. Des facteurs générationnels pourraient aussi être à l’origine de cette augmentation. Dans un article académique, N. Katherine Hayles met en lumière la différence entre deux modes cognitifs symboles de leurs générations respectives — l’hyper attention et l’attention profonde (hyper and deep attention, ndlr). Alors que les générations précédentes tendaient à porter une attention profonde aux tâches qu’ils effectuaient — c’est à dire se concentrer sur une seule et unique tâche pendant une durée prolongée, avec un seul média d’information — la nouvelle génération aurait un mode de fonctionnement cognitif alternatif. Avec l’explosion de la diversité
le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com
productivité des sources médiatiques, et des médias par lesquels nous communiquons, nous aurions tendance à favoriser l’hyper attention et l’hyper stimulation: autrement dit, au lieu de se concentrer sur une seule tâche en particulier, nous préférerions effectuer plusieurs choses à la fois en passant très rapidement d’une tâche à l’autre, mais tout en allant moins en profondeur que si nous ne réalisions qu’une unique tâche. Parallèlement à cette évolution, les attentes universitaires n’ont que peu changé, restant ainsi plus adaptées à une forme d’attention profonde — par exemple, faire des lectures de plusieurs dizaines de pages, au lieu de favoriser un format d’apprentissage plus interactif. Ainsi, nous sommes confrontés à un mal-être générationnel, et éprouvons beaucoup plus de difficulté à se concentrer sur une seule tâche et donc à faire les choses en profondeur. D’après Hayles, notre déficit d’attention et de concentration se rapprocherait même des symptômes ressentis par les personnes atteintes du TDAH — ironique quand
dépendent du poids et de la taille de la personne, et le changement de dose peut faire une très grande différence. Une overdose d’un stimulant peut causer une psychose, des convulsions, ou des événements cardiovasculaires (hypertension et tachycardie), entre autres. Se pose aussi la question d’accoutumance à la substance ingurgitée, même si cela concerne davantage les utilisateurs réguliers. Si la Modafinil ne semble pas être addictive, Adderall a un potentiel très important d’addiction. Dans un des témoignages recueillis par Le Délit, un individu qui a pris de l’Adderall tous les jours pendant 8 mois raconte à quel point il a été dur d’arrêter d’en prendre après, et comment il ou elle s’est alors senti·e lassé·e, fatigué·e et non productive. Quant aux effets des stimulants à long-terme, ils restent encore très peu documentés car l’utilisation de ce type de drogue est assez récente. Certains chercheurs pensent que l’usage de cette drogue pourrait affecter notre plasticité cérébrale, c’est-à-dire la capacité de notre cerveau à remo-
l’on sait que les stimulants pris par les étudiants sont à l’origine créés pour traiter cette déficience.
deler ses connexions entre nos neurones, et donc celle à s’adapter à différents contextes et situations. Cependant nous ne sommes pas à l’abri d’autres effets à long terme qui n’ont pas encore été anticipés. Surtout, ces substances semblent déteindre très négativement sur la vie sociale du consommateur — un effet secondaire susceptible d’inquiéter particulièrement des jeunes dans leur âge d’or. De nombreux témoignant·e·s relevaient l’impact des stimulants sur leur sociabilité: «je suis froide avec les gens autour de moi, je vis un détachement social» disait l’une. Un autre individu du sondage, qui prenait de l’Aderall tous les jours, énonçait «je suis devenue une personne différente. Je n’aimais pas la personne que j’étais devenue, j’ai perdu mon aptitude à me relaxer et j’ai perdu mon sens de l’humour. Même des mois après avoir arrêté, je me battais pour retrouver mon «mojo»». Sebastian Serrano, journaliste pour le site Vice, intitulait son récent article «Prendre de la Modafinil m’a fait aimé le travail mais détester les gens».
Un pari risqué Il faut mettre des mots sur une réalité: utiliser des stimulants non prescrits reste un pari risqué. Le faire, c’est s’exposer à des risques très importants. Comme pour tout médicament, les antécédents personnels influent considérablement sur les possibles effets indésirables que peut provoquer la prise d’une substance. Les psychostimulants sont prescrits avec prudence puisqu’ils sont, par exemple, connus pour être extrêmement dangereux pour des personnes avec des antécédents cardiaques (ils peuvent causer une mort subite). Bien qu’ils ne touchent pas l’ensemble des ses consommateurs, ces substances comportent de nombreux effet secondaires indésirables. Parmi les témoignages recueillis par Le Délit, si 5 personnes assuraient ne pas avoir ressenti d’effets secondaires particuliers, 5 personnes déclaraient être sujettes à une forte anxiété pendant le temps d’effet du médicament. Il est aussi facile de faire une overdose, notamment avec l’Adderall: les dosages à prescrire
Les psychostimulants pourraient-ils être un facteur d’inégalités entre les étudiants? Premièrement, il faut penser aux personnes qui ont réellement besoin de ces traitements, les personnes atteintes de TDAH (ou d’autres déficiences neurologiques). Grâce à ces stimulants, il arrivent à remédier à leurs lacunes et donc à arriver au même niveau que celui de leurs camarades. Mais qu’en est-il lorsque ceux-là commencent eux aussi à prendre le même traitement? C’est un retour à la case départ: leur retard par rapport aux autres est de nouveau rétabli. C’est aussi une inégalité financière qui est à la clé. Ces substances ont un prix élevé: si beaucoup d’étudiants se mettent à utiliser cette drogue, les étudiants qui n’ont pas les moyens d’acheter ces pilules «magiques» pourraient être désavantagés dans la course à la meilleure GPA (Grading Point Average, ndlr). Cela nous amène à une autre question capitale: celle de la tri-
cherie — alors qu’il est rappelé dans la totalité des syllabi que «L’Université McGill attache une haute importance à l’honnêteté académique». À quel point modifier artificiellement nos capacités cognitives peut-être assimilé à de la tricherie? C’est une interrogation à laquelle il est difficile de répondre, puisque considérer les psychostimulants comme de la tricherie nous amènerait à devoir caser le café et les boissons énergisantes dans la même catégorie — deux psychostimulants qui sont utilisés à tire-larigot par la majorité des étudiants. Aussi, où tracer la limite de l’acceptable? Devrions-nous mécaniquement suivre la limite normative qui découle de notre système légal entre le licite — café et boissons énergisantes — et l’illicite? Si il est clair que le café a des effets plus faibles que les psychostimulants, à quel point plusieurs tasses de cafés peuvent-elles être considérées équivalentes à une demi-pilule de Modafinil faiblement dosé? La robotisation de la société et la course à la productivité Ce qui dérange, fondamentalement, c’est la manière dont cette
Des enjeux éthiques à la fois clairs et ambigu. Plusieurs questionnements éthiques se posent quant à l’utilisation de ces drogues.
le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com
vittorio pessin
consommation témoigne de manière frappante des vices de notre société contemporaine. L’utilisation régulière de stimulants cognitifs à la fois découle du paradigme de la réussite et de la productivité, dont les étudiants semblent être les premières victimes, mais aussi nourrit davantage. Derrière cette utilisation de substances psychotropes prône la volonté d’être encore plus performant au prix, pour beaucoup, de sa santé et de sa vie sociale. C’est pourtant un jeu dangereux: le chemin de l’amélioration de la productivité n’a pas de fin. Si l’utilisation de stimulants se banalise réellement, un nouveau pallier sera alors créé. Les compteurs seront remis à zéro, nous serons à nouveau tous au même niveau, et nous chercherons à nouveau à améliorer nos capacités. Ce cycle de la destruction créatrice dans la
Ce cycle de la destruction créatrice dans la technologie — ce cycle qui nous fait passer du téléphone fixe au portable, puis au téléphone intelligent, etc — serait transposé à l’humain. technologie — celui qui nous fait passer du téléphone fixe au portable, puis au téléphone intelligent, etc — serait transposé à l’humain. Il ne s’agit pas ici de porter un jugement sur les étudiants qui utilisent des psychostimulants. Cette enquête démontre qu’ils en prennent pour pallier des difficultés compréhensibles et partagées. Mais est-ce vraiment la solution à ces problèmes? L’utilisation de ces stimulants révèle les maux dont souffrent les étudiants sans être pour autant le meilleur remède. Il faudrait peut-être mieux s’attaquer aux causes de ces difficultés, et non pas à nos cerveaux en bonne santé. Il s’agirait de repenser notre système scolaire qui manque d’accompagnement, de soutien, de méthodes pédagogiques adaptées à notre ère. Il s’agirait aussi de remettre en question notre conception de la réussite et de la productivité qui semble nous amener à être bien trop durs et exigents avec nous-mêmes. x
société
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opinions
Je ne suis pas une salope.
Le documentaire UnSlut Project soulève un problème qui nous touche toutes. julia denis
Le Délit
«M
euf arrête de faire la pute!» «Elle couche avec n’importe qui, elle ne se respecte pas.» «C’est la salope de l’école!» «Fais pas genre, on sait que t’es une fille facile.» «T’as vu les photos qu’elle envoie à son mec…elle mérite de se prendre des queues!» «C’est pas du viol, t’es habillée comme une trainée, on sent que tu demandes que ça.» Il y a plus poétique et mieux tourné comme introduction. Je l’admets. Ce n’est pas moi qui ai une rhétorique sale et violente, c’est notre réalité. Vous avez déjà entendu ces phrases. Vous en avez certainement prononcé des similaires. Avouez-le; je m’apprête à faire de même. Aussi importante que la «culture du viol» ou la «culture de l’alcool» – mais plus discrète car encore plus internalisée – la culture du «slut shaming» est un sujet qui mérite d’être abordé sur notre campus. La culture du slut shaming Par «slut shaming» entendez une habitude culturelle qui incite à la discrimination et à la violence envers – le plus souvent – les femmes à cause de leur comportement(s) sexuel(s) jugé(s) comme dépravé(s). Lundi 16 janvier à McGill, Right to Campus et McGill’s Union for Gender Empowerment organi-
vittorio pessin sait justement une projection du documentaire UnSlut Project. Ce documentaire tente de soulever les causes et les effets dévastateurs du slut shaming. L’accent est tout particulièrement mis sur la façon dont le slut shaming se fait ressentir de manière d’autant plus forte par les victimes de viol. En effet, c’est un moyen de justifier et de décriminaliser l’action du violeur. De plus certaines «survivantes» de viol tendent à être, par la suite, cataloguées comme «salopes» du fait de l’expérience sexuelle qui leur a été infligée.
La vérité presque trop intense de ce documentaire m’a émue aux larmes. Elle mène aussi à un débat, à d’autres questions, et surtout, à une reconsidération de nos conceptions parfois trop rapides des femmes en tant que individus ayant une vie sexuelle. La salope salopée Notre façon d’approcher la sexualité féminine est construite sur des dynamiques de pouvoir presque ancestrales. Il semble que
depuis toujours la valeur d’une femme soit rapportée à sa pureté: aujourd’hui encore, il semblerait qu’une femme, comme un objet quelconque, perde petit à petit de sa «dignité» plus elle a été «utilisée» sexuellement. Cela n’est pas seulement le cas dans le regard des hommes, mais bel et bien dans celui de tou(te) s. Même les féministes éduquées et fières de leur sexualité – moi incluse – pratiquent presque inconsciemment le slut shaming envers leurs paires ou sur elles-
mêmes. Qu’il s’agisse de regarder une amie comme une «nympho» car elle «enchaine les coups d’un soir», ou de se s’auto-culpabiliser en décrivant notre retour d’un rendez-vous sexuel comme une «walk of shame» («marche de la honte», ndlr)… il s’agit là de discours qui entretiennent cette culture. Trop souvent, on voit les femmes sexuellement actives comme n’ayant pas su résister, n’ayant pas su dire «non» pour protéger ce qui leur reste de virginité. Des filles faciles, somme toute. Or, ne devrionsnous pas plutôt voir les relations sexuellement consenties comme des décisions prises de manière actives, voir pro-actives, de la part de ces femmes? Des femmes puissantes et maitresses de leurs choix de vie, donc. Cette projection en petit comité à McGill a montré qu’il était nécessaire de dialoguer au sujet du slut shaming car ses manifestations sont parfois inconscientes, mais ses conséquences sont considérables et graves. Nous devons aussi y inclure les questions de genre et d’intersectionnalité. Des solutions éducatives et institutionnelles sont à trouver. Mais avant toute chose il est urgent, comme le fait le UnSlut Project, d’en parler. Qu’on décide de se réapproprier ou de rejeter cette identification de «salope», il faut d’abord prendre conscience qu’elle est omniprésente dans notre société. x
L’homme, un objet comme les autres? Dans une époque où les genres sont questionnés, quelle image imposons-nous aux individus masculins? nouÉdyn baspin
Le Délit
«M
akoumè». Dans la société martiniquaise matri-patriarcale bâtarde dont je viens, ce mot désigne, selon la situation, un très bon ami (de sexe masculin), un homosexuel, ou un homme un peu trop «féminin». Aborder la question des conséquences de l’inégalité des sexes envers les hommes est une tâche délicate. Entre les sourires moqueurs et le dédain, un homme qui se plaint n’est, au choix, qu’un fucking male souhaitant voler aux femmes leur lutte, ou une femmelette qui ne porte pas ses couilles. Il est au moins heureux que les deux camps soient d’accord sur ce point: «Un homme, c’est fort, donc ça se tait.» Dans le British Columbia Medical Journal, un article intitulé «The silent epidemic of male suicide» traite de la deuxième cause potentielle de décès chez les hommes: le suicide. Dans le monde, en excluant la Chine et l’Inde, les victimes masculines de suicide sont 3,5 à 7 fois plus nombreuses que les victimes féminines. Selon
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société
ce même article, le manque de soutien social disponible pour les hommes serait l’une des raisons de cet écart. Une absence flagrante de politique publique est aussi à blâmer. Point de clameur, point d’indignation, un homme ça disparaît en silence.
Un genre sous pression Qu’il s’agisse de violence mentale ou physique, on apprend aux hommes à se taire. Au risque de sortir des platitudes, plus de 40% des victimes de violences conjugales déclarées sont des hommes au
Royaume-Uni. Le but n’est en aucun cas d’oublier le fait que les 60% restants sont des femmes, mais plutôt de poser la question: si un homme se faisait battre par sa compagne dans une rue, interviendriez-vous, vraiment? Ou rigoleriez-vous ? Parce que quand-même, c’est un peu drôle. Ça fait rire, rire jaune. Il faut affronter les moqueries et les préjugés: quand un homme demande de l’aide à une hotline dédiée aux violences domestiques, il a une chance sur deux d’être renvoyé vers un service pour hommes violents. S’il vit au Canada, il a intérêt à vivre en ville et à être anglophone: le seul refuge pour hommes battus se trouve à Toronto et a ouvert en 2014. Il est parallèlement accusé de porter un message anti-femmes. Présumés coupables, levez-vous!
prune engérant
Il y a quelques années, au Vassar College, plusieurs jeunes hommes furent accusés à tort de viol. Après leur disculpation, la doyenne de l’établissement déclara, en des termes semblables «Ils en ont souffert, toutefois ce n’est pas une souffrance que je leur aurais nécessairement épargnée. Je pense
qu’idéalement, ça entraîne un processus d’auto-questionnement : […] Quand bien même je ne l’ai pas violé, l’aurais-je pu ?’». Les propos sont violents, contre-productifs les conséquences aussi: une recherche menée par des chercheurs français montre que lors d’un jugement, à situation égale, les suspects masculins écopent de peines plus lourdes, du fait de leur genre. «Injustice systémique»? Oui, un peu. L’homme lui aussi est un objet pour ses pairs. Si l’on regarde Aladdin — le film — un homme doit continuellement éprouver du désir sexuel. Si l’on regarde Captain America, il faut être musclé pour aider son pays. Si l’on regarde Fifty Shades of Grey et l’engouement qu’il a suscité, il faut être excessivement jaloux et dominateur. Où que l’on regarde, l’homme est représenté comme une muraille: grand, fort, éternel protecteur, et imperturbable. Le problème c’est qu’une muraille ça casse d’un coup, et pour de bon. Il est temps que la société «makoumérise» ses hommes. Qu’elle les accepte fragiles, sensibles, délicats. Il est temps de libérer les hommes, comme on libère les femmes. x
le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com
Innovations innovations@delitfrancais.com
L’agriculture urbaine: une révolution? Les fermes Lufa cultivent des fruits et des légumes sur les toits . leyla prezelin
A
lors que la population mondiale continue de croître, la superficie des terres arables disponible diminue. La consommation éthique, écologique et respectueuse de l’environnement devient une nouvelle tendance rendue possible grâce aux innovations permettant de réduire la quantité d’énergie et de pesticides consommés par l’agriculture dans les pays développés. L’innovation devient donc la clé d’un développement durable. Les fermes Lufa, créées par Mohamed Hage en 2009 répondent tout à fait au défi que posent la croissance démographique et la production agricole. Ces fermes urbaines, mises en place sur des toits d’immeubles, prouvent qu’il est possible de produire en quantité suffisante tout en réduisant la consommation d’énergie nécessaire à la production agricole. Un fonctionnement ingénieux Les fermes Lufa utilisent des procédés technologiques qui réduisent l’impact environnemental des cultures, comme
d’énergie qu’une serre standard au sol. En cultivant sur les toits, elles utilisent des terres perdues pour en faire des surfaces productives. De plus, les contrôles biologiques utilisés sont des insectes «bénéfiques» telles les coccinelles, pour lutter contre les nuisibles. Pour leurs prochaines serres, l’équipe pense adopter un chauffage de biomasse plutôt que du gaz naturel, lors des nuits hivernales. Une décision encore plus écologique... Une éthique respectée
la récupération d’eau de pluie et le compostage de déchets organiques. La première ferme construite à Montréal en 2010, d’une surface de 312 000 pieds carrés, utilise une méthode appelée hydroponie et un système qui recycle la totalité des eaux d’irrigation. Le système hydroponique accélère le processus de
maturation des fruits et permet ainsi plusieurs récoltes par an. Le bémol est que cette technologie empêche les produits d’être certifiés biologiques. Toutefois, le fondateur justifie ce choix plutôt qu’un autre par le fait qu’il minimise l’impact environnemental. Les fermes Lufa utilisent deux fois moins
«Nous cultivons là où les gens vivent et le faisons durablement.» Les fermes Lufa produisent des aliments frais, locaux et responsables pour une population urbaine en employant des techniques les moins polluantes et les plus naturelles possibles. Ces serres permettent de nourrir près de 2000 personnes à Montréal, et ont des partenariats avec des artisans locaux, pour permettre aux consommateurs d’accéder à des produits variés comme du miel, du pain frais etc. La proximité des fermes permet de réduire les transports
et donc les émissions. Ces sèves urbaines écologiques émettent et polluent moins, comparées aux autres fermes urbaines à Montréal. De plus, leurs produits ont une fraicheur inégalée. Respect de l’environnement Le concept séduit et devrait s’étendre. Le consommateur sait d’où viennent ses légumes, qui sont cueillis au jour le jour, puis livrés dans un point de collecte sélectionné lors de l’inscription. Les points de collectes quadrillent une bonne partie de Montréal, et sont aussi divers que le café voisin ou votre studio de yoga. Il suffit d’apporter des sacs réutilisables pour récupérer ses produits. L’abonnement est hebdomadaire, toutefois il est possible de suspendre sa commande ponctuellement si vous n’êtes pas en mesure de la récupérer. Il faut un minimum de 15$ par commande chaque semaine et trouver des recettes adaptées aux produits de saison. Il existe actuellement deux fermes à Montréal, une à Boston et trois autres devraient voir le jour sur les toits montréalais. x
Le gaming pour tous
Le milieu des jeux vidéo reste encore misogyne et homophobe. margot hutton
Le Délit
E
n 2017, à l’heure où le mariage homosexuel se normalise et où la condition des femmes continue de s’améliorer, il n’est pourtant pas anachronique de se poser la question suivante: sommesnous vraiment égaux à tous les niveaux? Car il est vrai qu’il reste certains environnements où une tendance misogyne et homophobe est présente, et ce, malgré l’apparente évolution des mœurs. Chez les gameurs par exemple, comment est perçue la communauté féminine et LGBT? Entre misogynie... Elorri ne ressent personnellement pas de malaise quand elle joue, puisque c’est la plupart du temps avec des personnes qu’elle connaît, et donc qui n’adopter pas un comportement déplacé du fait de son genre. De plus, elle n’utilise pas de micro: impossible d’identifier son genre de par
sa tonalité. En revanche, elle reconnaît que les hommes peuvent avoir des comportements vulgaires à l’égard des joueuses quand ils comprennent qu’elles sont des femmes. Elorri admet donc que oui, il y a toujours un fossé entre hommes et femmes,
le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com
au sein de cette communauté, malgré le nombre croissant de joueuses. ...et homophobie Sébastien, après de nombreuses années passées sur
Dofus, est du même avis. Par ailleurs, le même «fossé» évoqué par Elorri concerne également les gamers homosexuels, qui semblent plus souffrir davantage que leurs comparses hétérosexuels. Il raconte que, lorsque son équipe perdait à cause de lui, il faisait l’objet de violentes insultes (quand bien même). Aussi, Sébastien décrit deux types d’homosexuels en ligne: ceux qui se cachent, et ceux qui s’assument; ce sont ces derniers qui ont le plus de problèmes. Un de ses amis, qui se sentait seul, s’est décidé à utiliser sa passion des jeux vidéos, dans l’espoir de rencontrer un homme. Après de nombreux échecs, la chance a fini par lui sourire. Comme le courant passait bien, l’ami en question décida d’envoyer une photo intime à la personne rencontrée. Malheureusement pour lui, cet homme n’était pas aussi plein de bonnes intentions qu’il
le prétendait, et voulait tout simplement se moquer du jeune homme. Cette photo se retrouva rapidement diffusée sur le forum des gamers de Dofus. De là, les choses ont commencé à empirer: toutes les fois où il se connectait, les insultes pleuvaient. Même après avoir changé de pseudonyme, il fut retracé, et ça n’en finissait plus. Tant et si bien qu’il fut contraint d’abandonner complètement sa passion — le jeu — car il ne supportait plus ce harcèlement. Le futur du gaming Force nous est donc de constater que la sphère virtuelle est moins ouverte que ce que l’on attendrait d’un univers fictif. Cela ne signifie pas pour autant que la situation n’évoluera jamais, mais il est clair que pour l’instant, certains genres et sexualités sont injustement discriminées dans la geekosphère. x
innovations
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Culture articlesculture@delitfrancais.com
chronique
Trump sous la loupe d’Alan Moore Charles Gauthier-Ouellette | Port LittÊraire
ÂŤI
t is the duty of every man in this country to seize the initiative and make Britain great again. (C’est le devoir de chaque homme dans ce pays de prendre l’initiative et
de rendre à l’Angleterre sa grandeur, ndlr.) Vous avez bien lu; ce n’est pourtant pas le plus rÊcent tweet de Donald Trump au sujet du Brexit, mais plutôt l’une des premières lignes de la bande des-
sinÊe d’Alan Moore et de David Lloyd, V for Vendetta. PubliÊe en 1993 – à la même Êpoque oÚ Trump apparaissait dans Home Alone – cette œuvre explore une Angleterre contrôlÊe par un gouvernement totalitaire et fasciste, oÚ un hÊros masquÊ, V, orchestre un plan pour la libÊrer de ses chaines. Si je vous ressors une si vieille bande dessinÊe, c’est qu’elle rÊsonne particulièrement bien avec la mentalitÊ de Donald Trump, et plus largement de la politique Êtasunienne. Avènement d’une sociÊtÊ totalitaire Nous entrons dans des sociÊtÊs de contrôle, souligne Gilles Deleuze dans une entrevue avec Toni Negri (1990), qui fonctionnent non plus par enfermement, mais par contrôle continu et communication instantanÊe. Il ne semble donc pas surprenant de voir le nombre faramineux de tweets partagÊ hebdomadairement par le 45e prÊsident amÊricain. L’accès immÊdiat au discours, souvent relayÊ dans sa forme la plus simple considÊrant la limite de 140 caractères typique de Twitter – exit la nuance, terminus, l’attention à la forme – rappelle l’une des cinq branches gouvernementales dans V for Vendetta: The Mouth. Cet appareil de contrôle mÊdiatique rÊduit littÊralement le discours à une seule personne, The Voice of Fate, supposÊe voix informatique de l’ordinateur central Fate dont l’intÊgritÊ est la pierre angulaire du nouvel ordre. Par transmission radiophonique, cette entitÊ impose un contrôle strict sur le savoir partagÊ aux masses – la disparition de toute information concernant les changements climatiques sur les sites gouvernementaux, anyone? – et qui est justifiÊ subtilement par le travail de David Lloyd: des Êcriteaux For your protection parsèment les vignettes lors des discours de Fate. Sous cette immense supercherie, la voix n’est rien de plus qu’un homme, qu’un outil de propagande qui, une fois neutralisÊ, laisse voir toutes les dÊfaillances du système. Le contrôle par les Êmotions
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La première apparition du hÊros atypique d’Alan Moore se fait en toute extravagance: après avoir sauvÊ Evey des griffes de policiers corrompus, V
Culture
l’invite à admirer le spectacle de la destruction du palais de Westminster. Cet acte terroriste, retour du balancier de la Conspiration des poudres de 1605, sonne le glas du parti totalitaire au pouvoir. Dans cet extrait cÊlèbre, c’est la rÊaction des autoritÊs en place qui m’interpelle: Fate wants us to say it was a scheduled demolition undertaken at night to avoid traffic congestion. (Fate veut que l’on dise que c’Êtait une destruction anticipÊe et programmÊe la nuit afin d’Êviter les embouteillages, ndlr). AncrÊe dans une sociÊtÊ constamment dÊsinformÊe, cette Angleterre fictive illustre particulièrement bien le concept de post-vÊritÊ. DÊfini par l’Oxford Dictionary comme les circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence sur l’opinion publique que ceux qui font appel à l’Êmotion ou aux croyances personnelles, cette
dent, les groupes de propagande haineuse (suprÊmatistes blancs et autres) voient leurs discours pratiquement encouragÊs par la plus importante figure politique du pays. À ceci s’ajoutent tous les messages avilissants au sujet de la Femme. Dans l’univers moorien, ces discriminations servent de base à la sociÊtÊ totalitaire qui s’est ÊrigÊe: the fascist groups, the right-wingers, they’d all got together with some of the big corporations [‌] They soon got thing under control, but then they started taking people away [‌] They came for [my dad] I never saw him again. (les groupes fascistes, l’extrême-droite, se sont regroupÊs avec les plus grosses entreprises [‌] En peu de temps ils ont vite pris le contrôle, et peu après ils ont commencÊ à enlever les gens [‌] Ils sont venus chercher mon père, je ne l’ai jamais plus revu, ndlr). VÊritable gÊnocide basÊ sur
Les États-Unis – et, Êventuellement, le monde – se trouvent à un tournant dÊcisif du contenu mÊdiatique [...] qui les conduira invariablement à l’univers totalitaire de V for Vendetta rÊalitÊ apparait de manière troublante dans V for Vendetta. En .ąŗ& Ċ& ŗ& . /,Ċ,# ŗ-ē),# (. ŗ d’emblÊe du côtÊ de l’opposition et conçoit la distorsion de l’information comme odieuse. Pourtant, une forte majoritÊ se complait dans ces mensonges, qui se miroite chez une partie des Êlecteurs rÊpublicains amÊricains. Pour nombre d’entre eux, la vÊritÊ se dilue facilement dans les faits alternatifs, la parole forte de Donald Trump et son cabinet s’opposent aux mÊdias objectifs traditionnels; Media is fake! (les mÊdias sont bidons, ndlr) dÊclame d’ailleurs Trump dans un tweet du 8 janvier 2017. Les États-Unis – et, Êventuellement, le monde – se trouvent à un tournant dÊcisif du contenu mÊdiatique: un pied sur terre et un pied dans le prÊcipice, qui les conduira invariablement à l’univers totalitaire de V for Vendetta. Le pouvoir par l’oppression EncouragÊs par les propos dÊgradants du nouveau prÊsi-
l’ethnie et l’orientation sexuelle, seul l’homme blanc cisgenre conserve son statut, alors que la femme se voit rĂŠduite aux simples attraits de son corps – Evey essaie de se prostituer dès les dĂŠbuts de la bĂŠdĂŠ; Mrs. Almond doit travailler dans un cabaret suite au dĂŠcès de son mari. L’Êcho du tristement cĂŠlèbre ÂŤGrab ‘em by the pussyÂť s’entend presque dans les idĂŠaux partagĂŠs par la majoritĂŠ de la population de cette Angleterre fictive. Heureusement, pour reprendre les mots de V, ÂŤIt does not do to rely too much on silent majorities, Evey, for silence is a fragile thing‌ One loud noise, and it’s gone.Âť (Tout ne rĂŠside pas entre les mains de la majoritĂŠ silencieuse, Evey, car le silence est une chose fragile‌Un seul bruit et il est dĂŠtruit, ndlr) Des manifestations naissent dĂŠjĂ partout aux États-Unis et les consciences s’Êveillent face Ă ces injustices. Il n’aura jamais ĂŠtĂŠ aussi appropriĂŠ de lire ou relire ce chef-d’œuvre qu’est V for Vendetta. x
le dÊlit ¡ mardi 31 janvier 2017 ¡ delitfrancais.com
chronique
L’histoire d’une vie Baptiste Rinner | Diversion littéraire
«Ç
a raconte quoi?» Curieuse question à poser pour se renseigner sur un livre, un film. Ça ne raconte rien, insignifiant, presque rien. On devrait plutôt demander: «Ça raconte comment?» J’avais prévenu la semaine dernière que les sujets de ma chronique — c’est un gros mot — littéraire allaient déborder. Et, pressé par mon amie éditrice, j’ai trouvé de l’inspiration cette semaine où je pouvais, à savoir au Cinéma du P, trois aprèsmidi consécutifs, refuge pour échapper à la grisaille de l’île de Montréal. «C’était bien? Ça raconte quoi?» Oui c’était bien, ça raconte [recrache le synopsis de la prod, ça tient en trois lignes, pourquoi aller voir le film après ça? Je deviens très fort pour raconter efficacement l’histoire du roman de mon mémoire, moi qui me perds souvent en cours de route]. Passé ces banalités, que dire d’autre? C’est l’histoire d’un homme qui retourne dans sa ville natale après la mort de son frère. C’est l’histoire d’une femme mélancolique le jour de son mariage. Et l’histoire de la fin du monde. C’est trois épisodes dans la vie d’un jeune américain. Mais je n’ai
droit. Tu comprends. Non je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Je t’aime. (Et je ne sais toujours pas comment je pourrais te le dire.) Non je te dis qu’il n’y a rien. Il y a l’impossible, entre nous. *
vittorio pessin pas raconté l’indicible. Je n’ai pas raconté l’échange de regards entre deux amoureux perdus. Ni le sourire plein de malice de Kristen Dünst — la prononciation fautive du bonhomme qui présentait le film. Ni le réconfort que trouve le petit auprès d’un couple bienveillant et quelques bouchées au poulet. Je n’ai rien dit. Parce qu’il n’y a rien à en dire,
croit-on. Ces moments de vie, triviaux, où rien vraiment ne se passe et qui pourtant font le tout. Et quelqu’un pour écrire ce rien qui fait tout. Je n’ai pas raconté comment c’était raconté. L’enchevêtrement narratif. Le savoir fragmentaire du spectateur. Les plans au ultraralenti. La caméra à l’épaule façon Dogme95. Les couleurs. Le
lent travelling vers le juke-box du diner. On aurait pu écrire ça en anglais. * I have nothing big to say. Peut-être que si on déjeunait ensemble on pourrait se parler. Excuse-moi, je n’aurai pas dû dire ce que je t’ai dit. Je n’avais pas le
Ç’aurait pu être une autre vie. La journée comme les autres d’un petit bourgeois de Dublin. Ou les lendemains de la mort de ce pêcheur mancunien, en 1959. Ç’aurait pu être toi, ou un autre — peu importe. La vie, sans clôture narrative. Comme ces films, comme ces livres, j’écris l’histoire de nos refuges. Un bain turc pour oublier que Molly me trompe. Un bain de mer porté par cet homme attentionné pour m’apprendre à nager. Un bain dans une chambre de ce grand manoir suédois pour fuir les convenances. Ta poitrine illuminée par les étoiles. La bière la bière la bière. Quelques bières entre amis pour s’oublier. It’s a good beer. Un peu d’eau glacée sur le visage. Une boîte de comprimés. Un mensonge. Un tipi en bois pour échapper à la fin du monde. Ma main dans le sable. Ton corps contre le mien, jusqu’à ce que la petite mort nous sépare. x
Théâtre
D’assistante personnelle à artiste Siri fait son entrée dans les arts de la scène. ronny al-nosir
Le Délit
J
amais deux sans trois! Initialement, la pièce Siri fut présentée au festival OFF en 2015, au Festival Transamériques (FTA) en 2016. Puis, du 17 janvier au 5 février 2017, c’est au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui de Montréal que la pièce Siri a établi son nouveau chez-soi. Cette pièce du collectif de création théâtrale La Messe Basse marque une innovation. Ce qui est unique, c’est que la partenaire de scène de Laurence tient dans sa main. Son nom: Siri, et elle réside dans votre cellulaire. Siri, la machine La pièce Siri n’a que deux interprètes: l’une humaine, l’autre numérique. Cela veut dire que l’une des interprètes, Siri, ne peut que répondre à des questions qui lui sont posées. Elle répond aux plus banales, telles que «Quelle est ta couleur préférée», et aux plus existentielles, comme «Quel est le sens de la vie?». Siri a d’ailleurs
quatorze délicieuses réponses à cette dernière question, de «42», à «Que le chocolat» ou encore «Un film des Monthy Python». Ses réponses, malgré tout, ne sont pas les plus développées. Laurence lui parle comme si c’était une personne. Cependant, étant un logiciel, Siri a ses limites. Contrairement aux humains, elle ne semble pas consciente. Dans les mots du metteur en scène: «C’est la pire partenaire de théâtre! N’étant pas une entité consciente, elle n’est pas du tout dans un souci d’efficacité. Elle est beaucoup plus limitée que nous.» Surtout, Laurence fait preuve d’émotivité avec Siri, qui répond parfois, mais n’est pas capable de percevoir la nuance. Lorsque Laurence lui dit vouloir lui donner un câlin, elle lui répond qu’elle doit se dématérialiser pour aller la rejoindre dans le nuage.
de l’anthropomorphisme» explique Carbonneau. «Aujourd’hui, cette intelligence n’a pas de corps. Sûrement en aura-t-elle un dans le futur». Ce que l’œuvre cherche à faire, c’est inciter les gens à réfléchir sur leur relation avec leur assistant·e mobile. Siri est une learning machine. Par exemple, comme l’explique Carbonneau, au début, elle ne pouvait pas définir ce qu’est une femme, mais pouvait trouver la définition d’un homme. Au fil des interactions, Siri apprend. Elle retient certains de nos anecdotes et souvenirs, semble montrer une certaine émotivité, et possède un sens de l’humour. Elle a certaines caractéristiques qui sont associées aux humains, et en est consciente. «Tel utilisateur, tel assistant» pour citer Siri elle-même.
Siri, anthropomorphique
Mission accomplie
Cependant, si Siri a une panoplie de différences avec les humains, elle a aussi des ressemblances. «Siri pose la question
Ainsi, la pièce Siri est non seulement une expérience théâtrale unique, mais elle permet aussi de reconsidérer le poten-
le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com
tiel de l’assistante virtuelle. Ses décors minimaux, l’utilisation de l’audiovisuel pour projeter l’écran téléphonique de Laurence derrière elle, et l’intimité entre les deux membres de la distribution permettent de vraiment plonger le spectateur dans l’expérience. On y retrouve des références à HAL-9000, le célèbre ordinateur de 2001: l’Odyssée de l’Espace, des scènes
plus drôles, et des scènes plus dramatiques. Les différentes réponses de Siri forcent parfois Laurence Dauphinais à adapter chaque expérience, ce qui rend chaque spectacle unique. Surtout, en sortant du théâtre, plusieurs ont pris leur téléphone pour tester les limites de l’assistante virtuelle. Les créateurs peuvent donc se dire «mission accomplie». x
julie artacho
Culture
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exposition
«Pour une photographie sociale»
Entre tradition et modernité: retour sur l’exposition «Séoul C’est Loin» de Jules Tomi. JT: Pour reprendre Alexis de Tocqueville, une société cesse de fonctionner à partir du moment où les feux du passé n’éclairent plus l’avenir. Le futur doit être construit en relation à une certaine mémoire. Dans un pays comme la Corée où tout change très rapidement, on a tendance à vouloir se débarrasser du passé. La question que je pose dans mon travail est: existe-t-il un effort de mémoire et cette mémoire estelle sélective?
Elisa Covo
D
ans le cadre de son exposition «Séoul c’est Loin», qui s’est déroulée à la Glass Door Gallery du 27 au 29 janvier, Jules Tomi s’est penché sur la Corée du Sud. Ses photographies nous révèlent les cicatrices d’une modernisation précipitée et posent la question de la mémoire. À la croisée du photojournalisme et de l’ethnographie, son travail capte des instants purs, sans mise en scène. Le Délit est parti à la rencontre de ce jeune photographe talentueux. Le Délit (LD): Pourquoi avoir choisi la Corée du Sud? Jules Tomi (JT): Mon intérêt pour la Corée remonte à environ cinq ans. J’avais commencé à regarder des films coréens un peu par hasard. C’est un cinéma qui est très intéressant parce qu’il est profondément dynamique et varié. De fil en aiguille, j’ai fini par m’intéresser aux problématiques sociales et politiques abordées dans ces films. Quand j’ai intégré McGill, j’ai pris plusieurs cours sur l’Histoire et la langue coréenne afin d’approfondir mes connaissances. Au bout d’un moment, me rendre en Corée est devenu une évidence. LD: Avais-tu un projet déjà bien défini avant de partir ou s’est-il dessiné au fil du voyage?
passage - jULES TOMI JT: Je savais que j’allais en Corée pour prendre des photos, mais j’ignorais quelle forme prendrait mon travail. Vers le milieu de mon voyage j’ai pris une photo qui m’a inspiré le terme «post-industrial melancholy» (mélancolie post industrielle, ndlr). J’ai su dès cet instant que ces trois mots seraient le fil conducteur de mon projet. LD: Qu’entends-tu par ce terme? JT: Il s’agit de ce que j’ai res-
senti dans ce pays qui se trouve entre deux étapes civilisationnelles. La Corée s’est modernisée extrêmement vite, ce qui a donné lieu à toutes sortes de crises sur les plans politique, économique et social. Le pays est inévitablement marqué par cette tension entre l’ancien et le nouveau. C’est quelque chose que j’ai cherché à faire paraître dans mon travail. Ma photographie intitulée Passage fait référence à un passage à travers le temps. On y voit une
muraille qui a probablement des centaines d’années derrière laquelle se trouvent des grands ensembles d’habitations modernes. Mon projet se penche également sur le dialogue entre zone urbaine et zone rurale. En effet, les villes sont le site de la modernité, tandis que les campagnes représentent la tradition. LD : Comment la tension entre modernité et tradition se manifestet-elle dans ton travail?
LD: Pourquoi as-tu intitulé ton exposition «Séoul c’est Loin»? JT: Je ne parle pas d’une distance géographique. La distance vient du fait que la modernisation est un phénomène difficile à comprendre de par sa rapidité. La Corée s’est modernisée en seulement cinquante ans. C’est difficile de rester sain d’esprit dans un contexte aussi intense où tout va très vite. LD: Tu te définis comme un photographe social. Qu’est-ce-que cela signifie? JT: Ma pratique de la photographie est très influencée par la sociologie qui est le domaine dans lequel j’étudie. À travers mes photos, j’essaie de témoigner de ma compréhension de certains phénomènes sociaux. Je m’inspire du photojournalisme, de la photo documentaire, mais je ne recherche pas l’objectivité. x
chronique
Où ça? Où ça?
On le sait, la vie culturelle à Montréal est foisonnante. Il est toutefois parfois difficile de savoir où se rendre après avoir visité le MAC et s’être déhanché-e au Belmont. L’équipe Culture vous propose donc chaque semaine des endroits culturels qui valent le détour et feront plaisir à votre portefeuille. dior sow
Le Délit
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72 Sainte Catherine Ouest: au milieu des magasins, un immeuble à la façade discrète abrite au troisième étage SKOL : un centre d’artiste à but non lucratif qui sert d’espace d’accueil à des expositions sortant des sentiers battus. L’espace est petit mais exploité au maximum ce qui nous permet d’avoir une expérience courte mais dense.
Coup de cœur pour «Paysages Internes» qui est présentée actuellement: cette exposition regroupe plusieurs œuvres d’un collectif d’artistes syriens qui retranscrivent avec poésie les réalités du conflit. De la photo, de la vidéo et des dessins qui servent de medium d’expression à ces opposants au régime qui n’ont même plus d’ateliers. L’entrée est gratuite ce qui en fait le détour parfait durant vos virées shopping sur Sainte Catherine. x
courtoisie du ptit bar antoine jourdan
Le Délit
A
u 3451 de la rue St-Denis, coincé entre une librairie et un restaurant, se trouve un bistro qui ne semble pas assujetti aux effets néfastes du temps. Le comptoir du Petit Bar a été ouvert au grand public il y a des décennies, par un Suisse qui voulait en faire un lieu de musique. Depuis, sa bande de potes et lui s’y retrouvent tous les soirs
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Culture
pour boire des verres et occuper à tour de rôle la petite scène. Pour quelques dollars, vous pouvez y aller n’importe quel jour de la semaine et boire un verre ou deux, en écoutant un ami de la maison jouer de la chanson française (comprenez, francophone). Si vous y restez un peu, on vous tapera la discute à tous les coups, et alors vous rencontrerez rapidement la bande au complet avec qui vous pourrez boire, rire, et chanter. x
guy l’heureux
le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com
chronique d’expression creative
Ligne de fuite Frustration Longtemps j’ai cru ne pas avoir de mot à dire, par faute d’esprit de révolte, Pensant qu’il faut pouvoir maudire pour écrire des rimes qui transportent. Mais c’est une erreur, un leurre, le même genre de malheur que quand la tranche tombe côté beurre. Croyant qu’le vers se mesure à l’aune du trauma, J’ai scellé mes désirs dans une boîte en verre, Ainsi à chaque instant je voyais à travers, Mon envie d’écriture grossir pas à pas. Revenait l’impression d’une défaite amère, Le doigt sur la gâchette d’un puissant révolver, Qui tire sur les choses les mots qui les éclairent. Je restais immobile, pistolet à la main, Contemplant en silence le flot des sentiments, Que j’aurais pu fixer, que j’aurais pu faire miens, En écrivant ma peine et ma joie noir sur blanc. J’écoutais sans cesse les Hommes décrire leurs maux, Enviant ceux qui sans gêne savaient écrire leurs mots. lara benattar
Le Délit
chronique visuelle
Opini-art-re Contemplation. De ce qui se cache sans être vu. De ce qui est là, sous les airs de l’Infiniment Petit. Sous un voile teinté, apprends. À écouter autrement, À être attentif aux instants, Aux sentiments. Au travers de ces moments de confusion, Provoquer un état d’interrogation, Animés, perpétués à jamais, L’état d’un instant. Les détails minutieux se dévoilent, Tout en dansant, doucement. Ils donnent naissance à une nouvelle composition, D’éléments disparates, une juxtaposition. Quelle est l’intention qui se démêle de ces toiles? Invitation dans un monde où l’on s’interroge Inlassablement sur le prévisiblement imprévisible. marianne rouchu
le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com
Culture
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Entrevue Quand la jeunesse joint les deux bouts Entretien avec Neha Rahman: membre du Conseil jeunesse du gouvernement fédéral.
L
e Conseil jeunesse est un groupe d’étudiants qui ont pour objectif d’apporter une perspective «jeune» au gouvernement fédéral. Venus de partout au Canada, ils consultent leurs communautés respectives, puis font des propositions à l’exécutif d’Ottawa lors de rencontres périodiques avec Justin Trudeau et ses ministres. Le Délit (LD): Qu’est-ce-que le Conseil jeunesse du premier ministre? Neha Rahman (NR): Nous sommes un groupe de 26 personnes, toutes âgées d’entre 16 et 24 ans. On vient de partout dans le Canada. On a un mandat de deux ans pour fournir des suggestions en matière de politique aux ministres. Notre boulot, c’est d’aller dans nos communautés, interagir avec les gens, leur parler, leur poser des questions, faire des propositions. Après, on revient avec toute cette recherche, et on essaye d’orienter les politiques fédérales dans le sens qui nous semble être le bon. LD: Du coup, vous connaissez Justin Trudeau personnellement? NR: Je l’ai rencontré à l’occasion, oui. (rires.) Il est très gentil, et vraiment très à l’écoute. Lui et ses ministres prennent vraiment du temps pour nous parler, et conversent avec nous d’égal à égal. LD: Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours? Comment en êtes-vous arrivé là? NR: Je viens de Toronto. Je suis arrivée ici du Bangladesh à l’âge de trois ans. Je suis une passionnée de féminisme, de justice sociale et de journalisme. Au lycée, je faisais tout en même temps, c’était un peu éreintant. J’étais présidente de plusieurs associations, j’écrivais pour des journaux… et j’essaie de faire la même chose ici à McGill. Je travaille pour Leacocks (un magasine d’art et culture mcgillois, ndlr), je prends cinq cours, je travaille… j’aime être occupée. LD: Précisément, que fais-tu à McGill? NR: Alors, c’est ma première année ici, je suis en histoire et études classiques. Je prends cinq cours en ce moment, tous au sein de mon département.
vittorio pessin
«Le Conseil de la jeunesse n’est pas partisan, nous avons des membres de partout sur le spectre politique» Du coup, on peut dire que sur le campus, je suis principalement en train de courir de partout (rires). LD: Quel est le plus gros défi pour le Canada aujourd’hui? NR: Je pense qu’il est multiple en fait. Pour ma part, mes expériences personnelles m’ont poussée vers des questions bien spécifiques qui touchent au féminisme, à l’antiracisme, etc.… Mais le Canada n’est pas homogène, et doit avoir une conversation nationale, qui inclut tout le monde. Le plus gros défi du Canada dépend de la personne à qui vous parlez. D’ailleurs, c’est peut-être en soi un des plus gros défis: comment faire pour que toutes ces personnes qui vivent, qui parlent, qui pensent différemment, s’unissent et travaillent ensemble pour accomplir le projet que nous avons: faire du Canada un endroit meilleur pour tout le monde.
«Les membres du Conseil de la jeunesse ne sont, pour moi, que des conduits qui lient le local et le fédéral» Le plus gros de mon temps est occupé par le magazine Leacocks, pour lequel je suis rédactrice en chef. J’organise des rencontres avec les autres participants, j’essaie de trouver des contributeurs, je dirige des sondages… nous sommes une très petite équipe, et donc on doit vraiment bosser beaucoup pour réussir à publier une fois par mois.
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entrevue
le local et le fédéral. En revenant chez nous, en parlant aux gens, on recueille leurs pensées et leurs inquiétudes. Puis on ramène cette information au gouvernement. Le lien se fait à travers nous. LD: Récemment, Trump a apporté son soutien à l’oléoduc Keystone XL. Trudeau s’est présenté comme étant favorable à ce revirement de la politique américaine. Ce n’est pas sa position la plus populaire. Qu’en pensez-vous? NR: Je ne suis pas en position de parler à sa place. Cependant, le Conseil de la jeunesse n’est pas partisan, nous avons des membres de partout sur le spectre politique. Personnellement, je me situe un peu à la gauche du gouvernement.
McGill Daily
Personnellement aussi, je ne suis pas en faveur des oléoducs, mais ça n’engage que moi. Évidemment, je n’avais pas mon mot à dire quand le gouvernement a pris cette décision. Mais je dois vous dire que j’ai appris des choses intéressantes en allant à Calgary récemment. C’est vraiment différent de ce que l‘on peut voir à Montréal ou à Toronto. Pour eux, la question des oléoducs est beaucoup plus viscérale: on parle de leur travail. Ça m’a vraiment donné une nouvelle perception de la chose. Ça ne m’a pas forcément fait changer d’avis, mais ça m’a présenté le débat sous un autre angle et l’a complexifié un peu. Trudeau, c’est une personne à la tête d’un pays qui, nous le disions avant, n’est pas homogène. Dès qu’il se prononce sur quelque chose, il y aura des déçus. C’est comme ça. En plus, il faut souligner que Trudeau n’a pas changé d’avis sur ce sujet. Ce n’est pas comme si nous l’avions élu en pensant qu’il ferait autre chose. Sa position a toujours été claire: en construisant ces pipelines, on ramène des emplois aux prairies canadiennes. Les énergies vertes restent son objectif au long terme, mais en attendant, il y a une réalité à confronter. En plus, Trump prend ces décisions à coup de décrets, et n’écoute que ceux qui seront positivement affectés; Trudeau travaille avec l’ensemble du gouvernement, notamment avec le ministère des Affaires autochtones. On ne peut vraiment pas comparer les deux processus. x
Propos recueillis par
antoine jourdan et Sébastien oudinfilipecki Le Délit
THE
Le Délit et The McGill Daily présentent la
SEMAINE DU JOURNALISME ÉTUDIANT 24 FÉV RIE R LU ND I 20 FÉV RIE R AU VE ND RE DI 20 FÉVR. : « How to launch your career and avoid burnout » 21 FÉVR. : « The Other Side of Journalism: Talking to press relations people »
LD: Vous parliez tout à l’heure de vos activités avant de faire partie du Conseil de la jeunesse. Quel est le pont entre l’activisme au niveau local et la gouvernance au niveau fédéral? NR: Quelque part, c’est nous le pont! Les membres du Conseil de la jeunesse ne sont, pour moi, que des conduits qui lient
22 FÉVR. : « Alternative journalism: How to start local »
C
« How to pitch the best stories: Pitching Workshop » 23 FÉVR. : « Cyberjournalism, privacy, and you » 24 FÉVR. : « Student Journalists Panel »
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le délit · mardi 31 janvier 2017 · delitfrancais.com