Cahier de création du 4 avril 2017

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Cahier de CrĂŠation


Prologue Samuel Ferrer

Le Délit

C’est le début, C’est la fin. Premières esquisses d’une pelouse brûlée par la neige. Le soleil réchauffe enfin mes joues blanchies par le froid. Les températures flottent, montent et descendent comme sur un manège. Dehors, il fait bien plus chaud qu’on ne le croit.

Dès que l’on commence, On termine.

Enveloppé par mes souvenirs, Ces images pliées par le temps.

Les fioles de lumières sur mon mur, Ne sont plus hivernales.

Fondent goutte-à-goutte les montagnes de glace, Ruisselant sur mon chemin.

Le vent, son ballet, sa morsure, Entame son arabesque finale.

Ce Jeté, en grand, atterrir. Un drap bleu tapisse le Levant.

Je n’en puis plus d’attendre. Je suis tellement en retard.

Je respire; fit du présent qui s’efface. C’est le printemps, au moins jusqu’à demain. x

Diptyque «Dans la Nièvre en Bourgogne, quand j’attends que ma grand-mère finisse de parler à tous les habitants du village, je capture la ruralité, le vieux, l’abandon.» Alexis FioCCo

Revelstoke, le 7 novembre Margot hutton

Le Délit

Coucou, J’espère que tu vas bien. Je m’ennuie de toi, tu sais. Tu as beau m’avoir dit qu’une fois que je quitterai la ville, tout serait différent, je ne le ressens pas, et ça fait déjà trois mois. Tu te rend comptes? Je n’ai pas grand chose à te raconter depuis la dernière fois que je t’ai écrit, mais bon. C’est la routine de la campagne on dirait. Je n’ai pas l’impression que les gens m’apprécient beaucoup ici. C’est vrai, j’ai tendance à parler trop fort, et à être un peu déconnecté du réel. Je ne

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pense pas que les gens d’ici comprennent ce genre de réalité, ou même qu’ils y accordent de l’importance. Seul leur train de vie compte. Pour moi, ils passent à côté de quelque chose de magnifique, mais bon. Et toi, comment ça va? J’ai appris que tu avais adopté un chiot, c’est quelle race? Est-ce que tu lui as trouvé un nom? J’ai hâte de rentrer pour pouvoir le rencontrer. Bon, il sera adulte à ce moment là, ça sera différent, mais bon. La ville me manque beaucoup. Marianne, Roger, Aline, me manquent énormément. Et toi aussi, tu me manques. T’ai-je dit que c’était ce qui m’avait fait hésiter dans ma décision? J’aurais tellement aimé vous embarquer avec moi dans mes bagages,

le temps serait peut-être passé plus vite. Mais d’un autre côté, je me dis que les retrouvailles n’en seront que plus belles. J’ai parlé de vous à mes collègues, mais ça n’avait pas l’air de les intéresser. Ici comme je te l’ai déjà dit, la vie est plutôt simple, comme si nous étions programmés à être comme ça. C’est paradoxal. J’ai quitté la ville pour explorer de nouvelles libertés, et me voilà enfermé entre quatre murs! J’ai mon échappatoire, ma fenêtre sur mes rêves, c’est vous. Et surtout toi, qui m’as dit de ne jamais abandonner. Je n’en serais pas là si tu n’avais pas été là tu sais? Oui, je suis assez émotionnel aujourd’hui. J’espère que ça ne te dérange pas, mais j’ai

besoin de me libérer un peu de cet environnement étouffant. Alors j’écris. Ça soulage. Ça me rappelle que le meilleur reste à venir, si tu vois ce que je veux dire. Sinon c’est à peu près tout. Encore une fois, même si c’est vraiment pas facile, je ne regrette pas mon choix. J’avais besoin de voir autre chose. Ça me permet de voir ce que j’ai et que je chéris sous un autre angle. Bon, je pense que je vais m’arrêter là pour cette fois, je n’ai plus rien à ajouter. Embrasse les autres pour moi, s’il te plaît, et dis leur qu’ils me manquent. Bisous, Francis. x

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Charles Gauthier-Ouellette

Le Délit

I. Les heures les plus sombres Mon cellulaire vibre, je lis le message d’un œil discret. Le coffre de la voiture s’ouvre. À l’intérieur, des centaines de glaçons fondent lentement autour de la marchandise convoitée. Comme un boucher à la recherche de la parfaite pièce à apprêter, j’inspecte les produits illicites d’un regard méticuleux. Un long silence plane autour de nous. Les yakuzas perçoivent-ils mon manque de contenance face à cette scène? La respiration de l’homme à ma gauche commence à s’accélérer; sa cigarette se consume presque entièrement. Il expulse un nuage de fumée puis jette le mégot à mes pieds. Sa main glisse vers la poche arrière de son pantalon. Au moment même où il dégaine un revolver, je m’interroge: comment ai-je pu me laisser embarquer dans tout ça? Déposée sur la glace, parmi les poissons, l’arme de Bruce Lee dans Enter the Dragon. Enfin, presque. Une main à chaque extrémité, j’empoigne une anguille qui gît là, entre les fugus, et commence à la faire tournoyer. La viscosité du poisson serpentiforme ne m’empêche guère d’assommer les quatre hommes qui encerclent la Mercedes noire; leurs corps tombent au sol, aussi flasques que l’arme les ayant terrassés. La fumée de ma cigarette s’envole avec la brise des cuisines, puis se perd dans l’air de la ruelle. L’urne de madame Kimurai, déposée sur une étagère face à la porte de sortie de secours, me fixe d’un œil bienveillant. Selon les dires des autres plongeurs, Mme K. serait morte d’épuisement professionnel : elle aurait lavé et frotté les vêtements de son mari jusqu’à la tombe. Maitre Kimurai sort à son tour, le tablier empli d’écailles de poissons. – C’est une mauvaise soirée, me dit-il en allumant la Marlboro que je lui tends. – Pourtant, monsieur Kimurai, nous avons servi au moins 150 clients depuis le début de mon quart de travail et le restaurant déborde encore. Il se tait quelques instants, fixant le liquide abject qui coule du conteneur à ordures et se déverse dans l’égout. Pensivement, il caresse sa longue moustache blanche. – … Le goût n’y est pas, ce soir. Sans rien ajouter, il envoie valser

_SUSHI NOIR

les pointes de sa Fu Manchu et, d’une chiquenaude, propulse sa clope à peine entamée dans la flaque d’eau. En rentrant, il s’arrête une fraction de seconde devant les cendres de sa femme pour lui souffler quelques mots en japonais. En rentrant à mon tour, j’aperçois – par une fente entre les pots où macèrent toutes sortes de légumes – maitre Kimurai qui reprend son long couteau à sushi laissé en plan, version miniature des deux

sabres aux pommeaux d’argent accrochés au-dessus de son comptoir. Ses gestes m’apparaissent moins fluides qu’à l’habitude, les poissons flaccides offrant une étrange résistance à sa lame d’expert. Kyoki, dans son uniforme de serveuse, attend impatiemment que je débarrasse les dernières tables. À l’arrière d’elle se trouve l’un de ces aquariums typiques aux restaurants asiatiques, offrant aux clients le luxe de digérer leur repas tout en le regardant nager; de quoi faire retourner Schrödinger dans sa tombe. Par la porte de secours s’échappent les ultimes relents de nourriture. Une main maculée d’entrailles séchées tente, tant bien que

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ce soir et j’aurais besoin de ton aide pour aller me chercher la nouvelle cargaison. Vois-tu, je n’ai plus l’âge ni la forme pour sortir aux heures les plus sombres de la nuit… Évidemment, l’attrait d’une promotion immédiate avait réussi à me convaincre. Ses anciens collègues, des yakuzas travaillant principalement dans le Centre-Sud de Montréal, m’ont donné rendez-vous dans le stationnement de la maison d’édition du quartier. Un grand espace vide, deux portes métalliques coulissantes et de hautes grilles délimitent l’enceinte. Malgré l’heure tardive, les quatre hommes se tiennent bien droits, avec comme seule lumière la braise de leur cigarette. Cet éclairage leur donne un air belliqueux, couronné par les complets italiens et les voitures allemandes. Deux Mercedes noires. La page Wikipédia ne m’aura pas flouée en ce qui concerne les caractéristiques spécifiques de ces mafieux. – Bonsoir messieurs, maitre Kimurai m’envoie pour récupérer les poissons. – Bonsoir monsieur Olivier. Comme je peux le voir, le vieux maitre s’est trouvé une recrue pour faire ses basses besognes. Je le savais faible, mais je ne le croyais pas aussi craintif d’une éventuelle rencontre. – … Je suis totalement d’accord avec vous. C’est un plaisir de faire votre connaissance. Tenez, dis-je en leur tendant la valise d’une main tremblante, votre paiement. Sans plus de formalité, mon interlocuteur s’avance vers moi. La cendre de sa cigarette se tient en équilibre sur le mégot, qu’il tient comme un hameçon coincé entre ses lèvres. Il prend Dina Husseini la valise et la dépose sur le devant de la voiture, face à moi. En regaravec d’anciens… collègues du Japon. dant son contenu, un rictus lui traverse le – Le riz que vous utilisez provient des visage, quelque part entre le sourire et la États-Unis, les légumes du Mexique et la colère. sauce soya de Laval. Pourquoi se donner – Ouvre-lui le coffre arrière de la tout ce mal pour un simple poisson? voiture, dit le chef en se tournant vers ses – Ma chère Sakana pêchait cette collègues. La nuit s’annonce palpitante. espèce dans la rivière près de notre maiAlors qu’un yakuza s’approche de son, lorsque nous n’étions encore qu’un l’arrière de la Mercedes, mon cellulaire se jeune couple. Après ma… démission, elle met à vibrer. D’un œil discret, je regarde m’a appris à couper le poisson et à en faire des sushis. Elle tenait à ce que nous repar- les quelques mots qui apparaissent à l’écran : «Salut Isabelle, je suis en avant tions de zéro, loin de cette vie qui nous du bar si tu veux me rejoindre pour un causa tant d’infortunes. dernier verre chez moi». Mauvais numéro. – Et quel est mon rôle dans toute Désolé mec; au moins, tu n’es pas le seul cette histoire? qui s’est fait berner ce soir. à suivre... – J’ai épuisé mes dernières réserves mal, de chasser les chats errants attirés par ces effluves, avant de me faire signe d’approcher. – Olivier, ça ne fait que quatre mois que tu travailles ici, mais j’aurais une faveur à te demander. – Oui, maitre Kimurai? – C’est une tâche très simple; le seul poisson qui convient aux palais difficiles de notre clientèle ne s’achète pas en poissonnerie. J’ai dû négocier son importation

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Des souvenirs me reviennent de l’ange de l’innocence Et notre premier contact était de loin le plus long Je me souviens de la profondeur des images de ces jours Plein de soleil, de chaleur et d’amour Mais il m’a pas fallu longtemps pour trouver une autre amie La peur m’a trouvé sans difficulté Entre la lueur et les caresses Sous le fantôme des doutes et des ténèbres J’ai senti le frémissement d’une froide détresse Dans ma maison de famille, sans frères ni sœurs L’ennui m’a rejoint, un compagnon non voulu Qu’est-ce qu’on peut faire avec les temps nuls ? Seulement rester frustré et seul Au-delà de tout, restait la politique Dans une famille marquée par la révolution et le génocide Ce n’était pas un choix Une conscience d’injustice

Puis j’ai rencontré la manifestation politique. Je la voyais souvent, elle a eu beaucoup d’amis, Je croyais qu’elle devrait être mal vue Sans support, aliénée, seule Mais voilà qu’ici j’ai vu qu’elle n’était pas du tout Une personne inconnue

Je me jetai à l’eau Je voulais donner ma vie Jeune, un peu stupide et naïf Intoxiqué par les hordes de personnes, l’énergie collective Militants de la rue, sac de boxe de la police Les jeunes luttent, les jeunes se sacrifient Ils luttent pour ce qu’ils veulent abolir Et ils voient pas qu’ils reproduisent un ancien motif Sans rien à offrir, ils tombent trop vite Et le capital, lui, reste impassible

Depuis un très jeune âge, on nous présente des personnages Et on nous demande d’en choisir Ces pressions marchent bien pour nous maintenir Qui est-ce que je voulais devenir ? La question de notre vie Mais qui suis-je ? Et pourquoi faut-il choisir ?

À cette époque-là, pendant un certain temps J’échangeais mon âme pour une idéologie C’est dangereux de croire que tu connais la vérité Enfin j’ai réalisé qu’ils étaient trop naïfs Les dogmes sont simples Mais pas la vie

Il y avait l’homme cultivé, intelligent et riche Mais sans aucune conscience, un agent d’injustice Ou l’homme pauvre, dur et sensible Pour qui changer est presque impossible

Maintenant je suis plus libre Un peu plus léger Je marche dans la vie Avec les yeux ouverts Mais est-ce que je vais réaliser Que je prétends être un autre personnage ? Est-ce que ça c’est la vie ? De peler chaque pelure avant qu’on brise les cages ?

J’étais alors un enfant, ces trucs étaient loin Et j’ai voulu juste être aimé à la fin Et ça c’était moi Pendant quelques années Je me montrais bruyant et spontané Je croyais j’ai connu l’amour C’était un peu comme les films, On donnait des performances Pour construire des belles scènes Mais ce n’était pas facile En fait, c’était vraiment dur D’agir d’une façon Contre ma nature Alors je me suis senti fatigué Sans aucun but C’était parce que j’avais cru Que ce personnage était juste Et pour quelques années J’étais perdu

Je rêve de te retrouver Cher ange de l’innocence Mais cette fois, je pourrai nous protéger Et on va comprendre les autres Même nos ennemis Et on va rester ensemble Forts après avoir traversé Ces parcours dedans et dehors Forts après la journée On arrive à l’innocence

Azad Kalemkiarian

A l’occasion de la Francofête, Le Délit et le Centre d’enseignement de français de l’Université McGill ont organisé un concours d’écriture créative. Ce texte a remporté le premier prix de la catégorie francais langue seconde.

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beg | WRECK

La commode Esther Laforge Je suis une commode avec une infinité de tiroirs, que vous pourriez ouvrir ou bien fermer. Ceux de droite ont été sculptés dans un bois ancien: mes racines courent dans la terre — je suis une française en terre étrangère, qui rêve, les yeux éblouis par les souvenirs, de ce qu’elle a laissé derrière elle. Si vous saisissez l’une des poignées à tête de lion, vous sentirez l’air se remplir d’essences profondes et mystérieuses. Elles montent à la tête, enivrent l’esprit de celui qui a voulu savoir — trop vite — trop bien. Imprégnez-vous en d’une seule pour en connaître toute la singularité… la douce odeur de ma France.

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C

Les tiroirs de gauche sont en fer: vous pouvez poser la main sur leur surface froide et polie, mais si

j’étais vous, je ne m’y risquerais pas. Bouillonnant dans leur prison de métal, j’entends déjà gronder les

Arno Pedram

Le Délit

colères et les cauchemars. Objet que l’on touche en me touchant, je murmure les traces de ma vie. Si vous m’attrapez, peut-être vous parlerai-je de ces sombres tiroirs, de ces tiroirs de lys et de ces mots qui les construisent. Au centre du meuble que je suis, vous trouverez une fenêtre et un miroir. Je demeure les deux à la fois. À travers la vitre, je contemple le monde défiler, avec mes tiroirs palpitants de mémoire, puis mon regard curieux se porte sur le miroir. Tourné vers moimême, tournant obstinément le dos à l’univers tout entier, sur un carré blanc plane mon image. Un coup d’œil à travers le verre, une plongée dans mes yeux verts, enfin l’éclair fugitif d’un vers: pourrais- je enfin trouver les autres dans mon reflet?

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vers 4:38 mathilde chaize

Le Délit

Sauvée par ses cieux Léa Bégis

Le Délit La mue ne cache plus le hâle pourri par cette liqueur forte Toi en confit sur la table

En l’espace d’un regard, Le temps s’arrête; Le calme après la tempête. Car le bleu serein de ses yeux Apaise Le brun orageux des miens. Souvent naufragée, Mais toujours rescapée, Mon âme ballotée par les flots impétueux Échoue au rivage de ses prunelles. Mais le temps est changeant Sur l’océan des regards,

Et parfois j’observe Ce que je ne veux pas voir. Soudain le ciel limpide Se couvre d’embruns. Mais comme le beau temps après la pluie, La brume finit par se dissiper, Et l’azur se révèle à nouveau. Et lorsque j’ouvre les yeux Après une nuit mouvementée Et que j’aperçois ces cieux clairs, Je sais que je suis arrivée à bon port. x

Capucine Lorber

Le Délit

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Capucine Lorber

Le Délit

Un deuxième souhait Épilogue à L’Étranger de Camus.

Mackenzie J. Bleho J’ai fermé mes yeux, essayant d’imaginer ces gens. La foule, rancunière et sanguinaire. Ma mort serait un spectacle pour eux, un festin, et je n’y serais qu’un accessoire. L’origine et non la fin. Les gens aiment voir la mort et, dans ce cas-ci, il serait question de la mienne. Peu importe. Je me figurais les visages qui se trouveraient en avant, les braves qui pourraient assumer leur morbidité, qui oseraient frôler la mort de près, recevoir des gouttelettes de sang à la figure, entendre le son qui crisserait tout doucement lorsque ma tête tomberait dans le panier d’osier,

yeux ouverts ou peut-être fermés. Marie y serait probablement, avec son nouveau Meursault et sa robe à raies rouges et blanches. Elle ne pourrait pas supporter le spectacle, elle se plongerait le visage dans la poitrine de cet homme, qui la tiendrait par ses cheveux salés et qui détournerait son regard, lui aussi. L’aumônier viendrait, peut-être, cherchant l’absolution. Je ne savais pas s’il s’agirait de la mienne ou de la sienne. Peu importe, il n’y trouverait qu’un crâne séparé de son corps mais encore vêtu de chair, sourd et muet, reposant dans un panier qui pourrait servir à mille autres choses. Il partirait encore en pleurant, le col de sa soutane toujours froissée par

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l’action de mes mains. Ou peut-être pas, s’ils me feraient attendre longtemps. Raymond n’y serait probablement pas ; il manque de femmes à de tels spectacles. Masson non plus ; nous ne nous connaissions guère. Sûrement pas le vieux Salamano, mais peut-être des chiens, errants, qui se trouvent souvent rassemblés dans de tels endroits simplement pour leur apport symbolique. Je pensais que j’aurais aimé y voir Céleste, mais finalement, ça m’était égal, la foule. Tant que les cris de haine seraient lancés, je me moquais des lanceurs. Visages connus ou étrangers, il s’agirait de mes frères et de mes sœurs. Un grand rassemblement familial n’est rien sans ses absents.

Cependant, je me suis rendu compte, en considérant cette foule, qu’il y avait une absence qui m’atteindrait. L’origine causale de ma perte, qui était aussi coupable que moi dans cette affaire, devrait se présenter le jour de cet aboutissement. C’était nécessaire, essentiel. C’était insignifiant. Il pourrait ou ne pourrait pas se montrer ce jour, s’offrir comme dernière vision de ce monde que je devrais quitter. Il n’y avait que son absence qui pourrait gâcher le spectacle pour moi, sa vedette. Mon premier souhait: les cris de haine de la foule. Un deuxième: que je meure un jour ensoleillé. x

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