20 septembre 2016

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Mardi 20 septembre 2016 | Volume 106 Numéro 2

Casse ton élan artistique depuis 1977


Volume 106 Numéro 2

Éditorial

Le seul journal francophone de l’Université McGill

rec@delitfrancais.com

Apprendre de ce que l’on a tenté d’effacer Ikram Mecheri

Le Délit

«E

ssaie d’imaginer un saule pleureur sans larmes Une forêt sans arbres, un monde sans arbres» — Samian

Le vendredi 16 septembre avait lieu l’annuel Pow Wow à l’Université McGill dans ce qui souligne la sixième Semaine de Sensibilisation aux cultures Autochtones (Indigenous Awareness Week, ndlr) de l’institution, qui s’étend du 21 au 25 septembre 2016. Comme à chaque année, l’événement rassemble une multitude d’acteurs: parents, enfants, familles, professeurs, chefs autochtones sont présents sur les lieux. L’ambiance est festive, on en oublierait que l’on est en ce jour réunis pour célébrer des cultures qui ont échappé de peu à un oubli perpétuel, et restent sous l’angoissante menace d’une lente dilution que l’on ne pouvait que ralentir. Malgré cela, les femmes chantent, les hommes dansent, les enfants rient aux éclats. Des étudiants distraits sont arrachés à leur routine, entre deux cours, et peuvent difficilement manquer cette présence inhabituelle, mais amicale. Toutefois, cette célébration de la culture autochtone reste une exception que l’on accueille une fois l’an et qui reste étrangère à notre quotidien. Tel un spectre qui ne resurgit qu’épisodiquement pour se rappeler à notre souvenir, nous divertir le temps d’une danse traditionnelle, apparaître dans les colonnes du Délit et repartir en exil jusqu’à l’automne prochain. Avec la Commission de vérité et réconciliation du Canada, on voulait tout, et tout de suite. On voulait être pardonné pour nos crimes en faisant fi des blessures de ceux qu’on a déracinés, brutalisés puis essayé d’effacer. Ceux qui étaient ici avant nous, et qui sont encore là, mais que l’on voit trop rarement — ou le

temps d’une mince célébration. Ceux qui tentent de nous pardonner pour continuer d’avancer. On leur impose la réconciliation sans même leur demander l’état de leurs blessures ou la couleur de leur ciel. On signe des chèques pour apaiser notre état d’esprit et se dire que l’on est pardonné. Au-delà de la célébration En s’immergeant le temps d’un instant dans cet univers, on pense à toutes ces femmes sur lesquelles le gouvernement va enquêter au cours des prochaines années grâce à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Le dossier sur les agressions sexuelles (voir pages 8 et 9) permet de comprendre comment cette problématique affecte de façon disproportionnée les femmes autochtones. Elles sont plus d’un millier à avoir disparu sans avoir laissé de traces et elles sont quelques dizaines de milliers à avoir été victimes d’agressions. Selon le gouvernement du Québec, plus de 75% des jeunes filles autochtones âgées de moins de 18 ans ont été victimes d’agression sexuelle. Cette commission d’enquête permettra d’examiner les facteurs qui contribuent à ces violences. La Politique mcgilloise contre les violences sexuelles permettra — nous l’espérons — d’éduquer, prévenir et protéger les étudiants contre ce type de situation. Cette nouvelle politique ne fait toutefois pas l’unanimité parmi les étudiants. Ainsi, l’administration et sa politique devront faire leurs preuves et éviter de tomber rapidement dans la rhétorique vide et l’inaction, comme ce fut le cas pendant plus d’un siècle face aux communautés autochtones. On cherche à nous éduquer sur notre Histoire, mais il faut se demander: quelle est l’utilité de la connaître si nous ignorons ses leçons et répétons les erreurs du passé? x

rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Ikram Mecheri Actualités actualites@delitfrancais.com Chloé Mour Louis-Philippe Trozzo Théophile Vareille Culture articlesculture@delitfrancais.com Dior Sow Hortense Chauvin Société societe@delitfrancais.com Hannah Raffin Innovations innovations@delitfrancais.com Ronny Al-Nosir Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Yves Boju Coordonnateurs visuel visuel@delitfrancais.com Mahaut Engérant Vittorio Pessin Coordonnateurs de la correction correction@delitfrancais.com Madeleine Courbariaux Nouédyn Baspin Coordonnatrice réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Louise Kronenberger Multimédias multimedias@delitfrancais.com Magdalena Morales Événements evenements@delitfrancais.com Lara Benattar Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Contributeurs Léandre Barôme, Alexis de Chaunac, Anna Dang, Sofia Enault, Prune Engérant, Céline Fabre, Charles Gauthier-Ouellette, Lisa Marrache, Maria Rueda Martinez, Jacques Simon, Samy Zarour Couverture Mahaut Engérant et Vittorio Pessin bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux, Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Sonia Ionescu

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Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction.

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

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Actualités actualites@delitfrancais.com

AÉUM: premier conseil législatif de l’année, à bientôt le second. théophile vareille

Le Délit

Le conseil législatif de l’Association des étudiants en premier cycle de l’université de McGill (AÉUM) est le centre névralgique de la plus grande association étudiante du campus. Y sont prises toutes les deux semaines des décisions influant sur le quotidien des 23 000 étudiants, relevant de l’AÉUM par défaut. Pour autant, il ne s’y passe pas toujours grand chose. Un gouvernement miniature Siègent au conseil législatif les 7 membres exécutifs élus de l’AÉUM, ainsi que 30 conseillers élus. Ces conseillers représentent les différentes facultés mcgilloises — avec un degré de proportionnelle, la Faculté des arts ayant quatre «sénateurs», celle de gestion deux, celle d’éducation un — ainsi que des démographies étudiantes diverses: Conseil des Premières années, Clubs et services, Résidences, etc. Le premier conseil de l’année était, en ce jeudi 15 septembre, l’occasion de remettre en ordre de marche une machinerie complexe au repos depuis cinq mois. Les membres exécutifs se sont eux démenés tout l’été mais ce n’est pas le cas du reste de l’assemblée.

sofia enault Il faut donc à ce rendez-vous initial attribuer chaque conseiller à une des nombreuses commissions de l’AÉUM. Ces commissions sont comme les ministères du gouvernement étudiant qu’est l’AÉUM, alors que le conseil législatif en est à la fois l’assemblée parlementaire et le conseil des ministres. On en compte dix-huit, chaque commission est responsable d’un sujet particulier: santé mentale, affaires francophones, financement, représentation provinciale, environnement, événements…

En persévérant dans cette analogie politique il est facile de concevoir l’AÉUM non seulement comme un gouvernement mais un État étudiant qui en échange de taxation (autour de 50 dollars par étudiant par semestre) offre à ses citoyens protection (contre les violences sexuelles, les abus académiques) et services. Participation étudiante Ces commissions peuvent être composées de conseillers élus, membres exécutifs, employés de

campus

McGill débarque en Outaouais Lisa marrache

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l y à peine quelques semaines, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, annonçait le début d’une collaboration prometteuse entre l’Université McGill et le gouvernement régional. Pas plus tard que le 6 septembre, la création et le financement d’un campus satellite médical en Outaouais fut décidé et annoncé au grand public. En quoi consiste ce nouveau projet? Cet agrandissement de la branche médicale mcgilloise consiste en l’ajout d​e deux étages au s​ervice des urgences de l’Hôpital de Gatineau. Cela permettra à la fois l’agrandissement des locaux de l’Unité de médecine familiale de Gatineau ainsi que la création de locaux qui accueilleront de nombreux étudiants en premi​è​res années de médecine. ​Cette innovation donnera aux étudiants la possibilité de poursuivre l’ensemble de leurs études dans leur région d’origine. La population de l’Outaouais a de très grandes attentes pour ce projet novateur qui permettra tripler le nombre de stagiaires en médecine de la région.

l’association ou étudiants normaux. Attention, certaines ne sont pas ouvertes à tous, telle que la commission de pilotage, responsable de l’agenda de chaque conseil législatif. Les commissions permettent à tous et chacun de s’impliquer dans la politique étudiante. Les positions, quoi que non-rémunérées, y sont facilement accessibles et modérément exigeantes en charge de travail. Sous la gouverne de la speaker (la présidente de l’Assemblée, ndlr), responsable du bon déroulement de la séance, les conseillers se répartissent dans les différentes commis-

québec

L’entente entre Québec et Uber expliquée

Le besoin de médecins, un besoin particulièrement important en Outaouais

Louis-Philippe Trozzo

L’Outaouais fait face à un manque de médecins depuis plusieurs années. Cette pénurie s’est particulièrement aggravée​​l’année dernière lorsque plus de 11 000 habitants de la région se retrouvèrent sans médecin traitant. D’après Gilles ​Brousseau, vice­-doyen adjoint à l’enseignement de la médecine à l’ Université McGill (Outaouais),​​ «former les futurs médecins le plus tôt et le plus longtemps possible dans la communauté visée s’avère être l’une des meilleures stratégies de recrutement des jeunes médecins.» Ce projet donnera aussi suite à une collaboration nouvelle entre Mcgill et l​’Université du Québec en Outaouais (UQO) visant à développer des programmes de formation dans la région pour le secteur médical. Les deux objectifs principaux seront la formation des infirmières praticiennes spécialisées (IPS) et le développement d’une concentration d’IPS en santé mentale et en pédiatrie. Avec ce projet, le futur médical du Outaouais s’annonce être sur la bonne voie! x

cgillois, voici comment votre facture sera affectée suite au nouvel accord avec Uber. Le 9 septembre dernier, le gouvernement libéral du Québec et le controversé transporteur Uber ont conclu une entente de principe sur l’encadrement des activités de l’entreprise américaine au Québec. Les deux parties se sont effectivement entendues sur les modalités d’un projet pilote d’une durée d’un an qui affectera nécessairement la facture des clients d’Uber.

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sions, en fonction de leurs préférences personnelles. Comme souvent en conseil législatif, l’ambiance décontractée contraste avec la stricte procédure régissant le fonctionnement du conseil. Une procédure qui sert autant à ordonner qu’à rallonger le déroulement de la séance. Certains, par ailleurs, la prennent plus au sérieux que d’autres. Chaque conseil suit avec attention un agenda préétabli, lui-même régit par des normes définies: l’on commence avec une période ouverte de questions, suivent les rapports d’intervenants extérieurs au conseil (un club étudiant, une commission…), après cela l’on débat des motions du jour et les votes — la raison d’être du conseil — et l’on termine avec les rapports des membres exécutifs sur leurs agissements récents. Tout cela est disponible en ligne. Lorsqu’il n’y pas que formalités au programme, comme ce fut le cas ce jeudi, le conseil peut soudainement s’embraser d’un débat passionné, à la faveur d’un sujet important ou controversé. Il est probable que le sujet de la récente proposition de politique mcgilloise sur les violences sexuelles (voir page 8) donnera lieu à d’âpres discussions. Pour s’en assurer il faudra être là dans quinze jours, la galerie est ouverte à tous, et ça ne mange pas de pain. x

Le Délit

M

Combien ça va me coûter cette histoire? Premièrement, pour chaque course effectuée, les chauffeurs d’Uber paieront dorénavant une redevance au gouvernement, redevance dont le montant variera en fonction du nombre d’heures que l’ensemble des chauffeurs passeront sur la route par semaine (0,90$ si l’ensemble des chauffeurs effectuent 50 000 heures de course ou moins, 1,10$ s’ils passent entre 50 000 et 100 000 heures, et finalement, 1,26$ s’ils font plus de 100 000 heures). Ne soyez pas surpris d’apprendre que cette redevance sera ajoutée à votre facture au terme de la course.

Ensuite, alors qu’Uber parvenait à échapper en grande partie à l’administration fiscale grâce à une structure complexe de filiales internationales, l’entreprise se voit désormais contrainte de collecter la TPS et la TVQ (taxes québécoises, ndlr) au terme de chacune des courses. Au montant total s’ajoutera finalement une somme fixe de 0,07$ afin de «tenir compte des coûts d’assurance encourus par l’industrie du taxi». L’industrie traditionnelle du taxi enragée À peine une semaine après l’annonce de l’accord conclu, le Front commun des taxis a sans surprise déposé une demande d’injonction contre le gouvernement du Québec. Le Front commun accuse le gouvernement d’avoir outrepassé ses pouvoirs en négociant un projet pilote avec un transporteur qui ne dispose d’aucun permis de taxi. De plus, les chauffeurs de taxi se plaignent que les chauffeurs Uber n’aient pas à se procurer de permis de taxi, alors qu’eux payent près de 200 000 pour opérer en toute légalité. La gestion de l’offre, régulée par l’octroi de permis de taxi, se voit donc affectée par l’application Uber, qui permet à un nombre illimité de taxis d’opérer sur un même territoire. x

actualités

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REportage Photo

Un regard sur...

Pour ceux qui n’étaient pas encore partis en weekend vendredi dernier, vous avez peut-être eu la chance d’apercevoir sur Lower Field les festivités autochtones — Pow Wow — dans le cadre de la Semaine de sensibilisation aux cultures autochtones de McGill. Autrefois l’occasion de célébrer les exploits guerriers, le Pow Wow est devenu un événement de célébration culturelle. Faire vivre leur héritage culturel et le partager n’est pas le seul but de cette sixième édition de la semaine organisée par le Bureau de l’éducation pour l’équité sociale et la diversité (SEDE, ndlr) de McGill. Il s’agit avant tout de sensibiliser les étudiants aux enjeux sociaux, politiques et économiques auxquels font face les populations autochtones. Huit ans après la mise en place du Comission de vérité et de Réconciliation censé apporter réponse et réparation aux sévices subis par les anciens élèves des pensionnats du gouvernement canadien entre 1880 et 1996, les communautés autochtones se battent toujours pour pallier les répercussions d’un génocide culturel souvent méconnu du grand public. Le Délit a sélectionné quelques clichés pour revenir sur cette journée.

Ci-dessus — Les danses traditionnelles sont, au sein des communautés autochtones, remplies de symboles. Rite de passage, description d’une chasse ou d’un haut fait de guerre, ou encore tableau des événements de la vie quotidienne, sont autant d’histoires et faits dansés et célébrés. Autre symbole important dans cette image: les danseurs foulent un sol qui n’est plus le leur. En effet, McGill se situe sur un territoire non cédé, celui du village Hochelaga, ayant été occupé pendant longtemps par une des six nations de la confédération iroquoise, le peuple Mohawk.

Ci-dessus — «Transmettre nos traditions aux futures générations est pour nous une étape importante dans notre parcours vers la guérison» confie une femme autochtone lors des compétitions de chants de gorge — jeux vocaux traditionnellement pratiqués par les femmes inuits.

Ci-dessus — Un dialogue inter-culturel qui tend vers la réconciliation et cherche à combler beaucoup d’ignorance sur la place des populations autochtones dans la société canadienne.

Ci-dessus — La vente d’objets d’art et d’artisanat autochtones renforce le partage de culture recherché lors de cet événement, mais est surtout une source de revenus cruciale pour ces communautées dont le taux de chômage est beaucoup plus élevé que les non-autochtones.

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Chloé Mour et Vittorio Pessin

Le Délit

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Le combat du Vieux-Port Montréal

Les travailleurs(euses) du Vieux-Port continuent de lutter pour un salaire horaire minimum de 15 dollars. explique par exemple au journal de Montréal qu’à Seattle, si une entreprise peut démontrer son incapacité à verser des salaires à ce niveau, elle bénéficie d’une subvention alimentée par une taxe sur les grandes entreprises style Walmart. On peut par ailleurs penser que ce genre de problématique s’effacera à terme, puisque l’accroissement de la consommation renflouera les caisses des entreprises québécoises.

Jacques Simon

Le Délit

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ujourd’hui, le salaire horaire minimum au Québec est de -10,75 dollars soit un demidollar en dessous de la moyenne fédérale canadienne. Pour une province où la vie est relativement chère, c’est embêtant. Au Vieux-Port de Montréal, les travailleurs(euses) ont décidé de s’attaquer au problème frontalement. Depuis l’automne 2015, la coalition «15$ maintenant» se bat pour établir un seuil à 15 dollars l’heure pour tous les employé(es) du secteur.

Un mouvement international

Le Vieux-Port se met en branle Le 27 mai dernier, la grève générale a été votée à 80%. Depuis, les manifestations s’enchaînent, à l’image de celles qui ont eu lieu entre le 15 et le 17 septembre. Pendant trois jours, les travailleurs(euses) du Vieux-Port ont, avec leurs alliés, organisé une série de rassemblements. En plus d’un point presse, les militants ont tracté et récolté des signatures pour leur pétition. «Selon nos recherches, selon le type d’emploi, les employés du Vieux-Port gagnent entre 1 et 8 dollars de moins que ceux qui occupent un emploi semblable ailleurs dans la ville» explique Jacques Fontaine, un des grévistes lors d’un entretien avec Alternative Socialiste.

Avec un salaire de départ moyen à 10,67 dollars (moins que le salaire minimum provincial), et des rémunérations qui ne sont pas indexées sur les prix (dans la dernière décennie, les salaires du VieuxPort ont augmenté de 4,25% alors que le Québec a connu une inflation d’environ 17% sur la même période), les grévistes expliquent qu’ils ont raison d’être indignés. 40% des travailleurs(euses) du Vieux-Port verraient leur fiche de paie augmenter avec un salaire à 15 dollars.

Une mesure contestée Sans surprise, le mouvement n’est pas vu d’un bon œil par le patronat de l’entreprise. Pour l’instant, les demandes des grévistes n’ont pas été acceptées. Une augmentation de salaire de 9,5% sur quatre ans a été proposée, mais la majorité des travailleurs(euses) ont voté pour son rejet. Pour Jacques Fontaine, elle ne permettrait pas de combler le retard pris au cours des dernières années.

Cependant la question de savoir si une telle augmentation est soutenable dans le contexte économique actuel se pose aussi. Pour Martine Hébert, vice-présidente de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), interviewée par La Presse, une telle loi engendrerait des coûts prohibitifs pour les petites entreprises. Les manifestants en sont conscients, et cherchent des alternatives. Julien Daigneault, porteparole du mouvement à Montréal,

Ce mouvement vient rejoindre une multitude d’autres qui militent en faveur d’un salaire minimum à 15 dollars de l’heure. Récemment, le gouvernement néo-démocrate (Nouveau Parti démocratique, NPD, ndlr) de l’Alberta a décidé de procéder à une augmentation en trois temps, pour arriver à 15 dollars le 1er octobre 2018. Il y a quelques mois, l’État de la Californie adoptait une loi similaire, pour arriver à ce seuil en 2022. L’année dernière, la ville de Seattle s’est elle aussi engagée à une augmentation progressive sur quatre ans pour arriver à 15 dollars. Il s’agit d’initiatives publiques venant du haut plutôt que du bas, dans un contexte de prospérité difficilement comparable à la situation du Québec, ce qui n’est pas de très bonne augure pour la campagne 15$ maintenant. x

Satire

Quand les armes tuent des gens Entre deux selfies, Trudeau dissimule l’utilisation d’armes à sous-munitions. léandre barôme

Le Délit

C

ela fait près d’un an que la majorité des canadiens se réjouissent du départ d’Harper et de l’arrivée de Trudeau, un politicien populaire (c’est assez rare pour être souligné). Pourtant, le fantôme du Premier ministre conservateur continue de nous hanter. Il semble par exemple que la politique étrangère du gouvernement Trudeau souffre d’un syndrome de Stockholm curieux, notamment en ce qui concerne les interventions militaires. En effet, on pouvait récemment lire sur lapresse.ca le titre suivant: «Les libéraux critiqués pour leur inaction sur les armes à sous-munitions». Tout d’abord, petit guide des armes pour ceux qui ne sont pas super au point sur comment bien tuer quelqu’un. Une arme à sous-munitions est une sorte de bombe contenant elle-même plusieurs autres bombes à munitions explosives. Le but est de disperser ces bombes de petite taille sur une zone étendue pour s’assurer que les victimes n’aient nulle part où fuir, par souci d’humanisme, évidemment.

En plus du manque de précision de cette arme, certaines des sous-munitions n’explosent pas à l’impact et restent inertes pendant des années, ce qui les transforme en mines anti-personnel (mines qui visent les personnes et non le matériel, ndlr). Voilà ce qu’on appelle du recyclage. Ces deux facteurs combinés, il est estimé que 98% des victimes de ces bombes sont des civils, dont 27% sont des enfants. Une convention sans faille... Devant ce bilan peu reluisant, une convention fut ouverte à Dublin par l’ONU et fut adoptée par 107 États en décembre 2008. Cette convention interdit l’utilisation et la possession de ce type d’armes, et les signataires s’engagent à la destruction de leurs stocks dans les huit prochaines années, au maximum. Il est intéressant de noter que notre paisible voisin américain ne fait pas partie des signataires, tout comme la Corée du Nord, la Russie et la Chine. Le Canada est en revanche l’un des pays signataires.

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Cependant, le gouvernement Harper exploitait sans grande pudeur, à l’image du personnage, une faille dans les clauses de la convention qui indiquait que les pays signataires peuvent mener des opérations militaires conjointes avec les pays non-signataires — durant lesquelles les munitions sont mises en commun. Or, qui est le plus grand allié stratégique du Canada? Bingo, les États-Unis! Sous prétexte que «tout de même, il ne faudrait pas compromettre notre capacité à mener des actions militaires», le gouvernement conservateur n’avait pas cessé l’utilisation des bombes à sous-munitions, malgré la signature du traité.

Dion affirme que «notre loi offre un équilibre adéquat entre considération humanitaire et les intérêts en matière de sécurité.» Comprenez, si 98% de ceux qu’on tue sont des civils, c’est pour votre sécurité, et on a pris en compte l’aspect humain de la

chose... Si ce n’est pas fantastique! Le gouvernement se vante en revanche de faire la promotion de la convention de Dublin aux états nonsignataires, parce qu’on ne respecte pas ces principes, mais on veut tout de même forcer les autres à le faire. C’est Harper qui doit sourire depuis son beau fauteuil au conseil d’administration de la firme Colliers International dont il fait désormais partie. x

L’inaction de Trudeau critiquée Aujourd’hui encore, le gouvernement Trudeau, en plus d’être critiqué pour la poursuite des bombardements au Moyen-Orient, n’a toujours pas pris de mesure quant à l’arrêt ou la limitation de l’utilisation de ces armes. Pire encore, il ne tente même pas de la déplorer; il soutient leur utilisation. Chantal Gagnon, porte-parole du ministre

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conférence

La Riposte voit rouge Leurs solutions marxistes ont le vent en poupe. jacques simon

Une seule solution: la révolution

«L

La discussion se porte d’abord sur la crise de 2008. L’effondrement du crédit aux ÉtatsUnis, qui s’est rapidement propagé à travers le monde, est présenté comme la preuve de la faiblesse de la construction économique capitaliste. Bergman explique que l’endettement est un moyen de pousser artificiellement les limites naturelles du marché. La réponse proposée par les gouvernements d’alors n’est pas plus efficace, poursuit-il. Il souligne que les renflouements financiers organisés à plusieurs reprises n’ont visiblement pas engendré une baisse importante du chômage, ni même une recrudescence de la croissance. Où est donc passé cet argent ? Pour Bergman, il n’y a aucun doute: le capital a gentiment été empoché par le patronat, qui attend de pouvoir l’investir sans risque. «700 milliards de dollars stagnent dans les banques canadiennes!» dit-il. Largement de quoi assurer une vie sans manque (et des études gratuites) pour toute la population nationale. Bergman n’est pas dupe: il sait que l’histoire du 20e siècle est souvent utilisée par ses opposants

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e capitalisme est en crise» disent-ils, et eux, ont la solution. C’est au sixième étage du Hall Building de Concordia que se sont réunis, le mercredi 14 septembre, les membres du groupe étudiant La Riposte (Socialist Fightback en anglais, ndlr) basé à Concordia et McGill, pour une conférence consacrée à la crise du capitalisme et à la révolution socialiste. La salle est bondée. Soixante-dix personnes ont fait le déplacement, soit une des plus grandes participations que l’organisation ait enregistrée depuis sa création l’année dernière. L’assemblée est diverse. Des adhérents, bien sûr, mais aussi de nombreux curieux intéressés par la perspective proposée. C’est Joël Bergman, militant de longue date, qui anime la rencontre, avec une présentation d’environ une heure, suivie de réponses aux questions de la salle. Au programme, Histoire, analyse et commentaires.

pour discréditer ses positions. Pour lui, l’expérience soviétique a échoué parce que la révolution a eu lieu dans un pays trop faiblement industrialisé, et donc incapable de permettre l’épanouissement du socialisme. Soit. Mais, pourrait-on répondre, le communisme reste bien un système utopique, qui n’a pas démontré qu’il pouvait fonctionner dans la réalité. Bergman prend le problème dans l’autre sens: «ce n’est pas nous, mais les capitalistes qui sont utopiques» explique-t-il. «Le système actuel nous a clairement montré ses faiblesses. Penser qu’il pourrait fonctionner autrement relève de la fantaisie.» La salle est visiblement conquise. Regain d’intérêt pour les alternatives socialistes Interrogée sur la forte participation à l’événement, une militante revient sur les récents problèmes économiques. «La crise nous a mis le vent en poupe» explique-t-elle. Au-delà de cela, l’excitation, puis la déception, engendrées par la candidature de Bernie Sanders aux primaires démocrates américaine ont créé une énergie que l’organisation compte bien canaliser.

mahaut engérant Ce qui est sûr, c’est que la population étudiante s’intéresse aux alternatives socialistes. «Même ceux de McGill, qu’on pense souvent être conservateurs» ironise un militant. Fort de ses nouveaux adhérents, Socialist Fightback peut s’organiser de façon assez efficace. De nombreux événements ouverts au public sont prévus, qui

permettront de découvrir et de débattre les thèmes et propositions du groupe. Un journal francophone appelé La Riposte est aussi imprimé mensuellement. Pour le prix de deux dollars, vous pourrez y trouver des dernières informations à tendances socialistes… mais uniquement après avoir lu Le Délit bien évidemment. x

Volo Ergo Sum, le Quidditch à McGill Fans d’Harry Potter, et d’activités sportives, soyez ravis! magdalena morales

Le Délit

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eu savent que McGill, conjointement avec l’Université de Montréal, font partie des deux seules universités québécoises qui pratiquent le Quidditch. Si vous avez toujours voulu courir avec un balai entre vos deux jambes, c’est votre jour de chance!

Lorsque vient donc le temps d’adapter ce sport pour nous, «Moldus» (lire ici: ordi-

naires humains), le défi n’est pas facile. Mais c’est pourtant l’exploit qu’ont réussi, en 2005, les étudiants de l’Université de Middlebury aux États-Unis. Adaptant le jeu pour la terre ferme, ils ont donné naissance au Quidditch Moldu qui aboutira en 2010 à la création de l’Association Internationale de Quidditch et à sa Coupe du Monde.

Origines du jeu

Comment jouer?

Ceux qui ont lu ou vu l’œuvre de J.K. Rowling sur le grand écran se rappelleront probablement du sport favori des sorciers de Poudlard: le Quidditch. À la mention du jeu, l’image d’Harry Potter volant sur son Nimbus 2000 vous viendra sûrement à l’esprit alors qu’il tente d’attraper le fameux vif d’or.

Pour les curieux, une équipe de Quidditch se doit d’avoir sept personnes sur le terrain. L’équipe se compose de trois poursuiveurs, qui ont une balle appelée le «souaffle» et qui tentent de marquer des points dans les filets de l’équipe adverse. S’ensuit le gardien, qui protège les filets, aidé de deux batteurs armés de ballons appelés «cognards».

6 ACTUALITÉS

prune engérant

Finalement, chaque équipe a un attrapeur (clin d’œil aux Harry Potter de ce monde) qui tente de saisir le vif d’or. Fait intéressant, le vif d’or est en fait une vraie personne, neutre, vêtue de doré. Une balle de tennis est accrochée à son gracieux derrière et c’est cela que l’attrapeur se doit d’attraper. Lorsque le vif d’or est saisi, la partie se termine. Tout cela, bien sûr, avec un balai entre les jambes! Côté sécurité, nombreux sont ceux qui ont le sourire aux lèvres en entendant que le Quidditch est en fait un sport physique, voire très dangereux. Eh bien, les sceptiques seront confondus, car plusieurs malheureux ont été victimes de commotions cérébrales, se sont cassés le pouce ou même les jambes. Il faut tout de même admettre que courir avec un bâton entre les jambes n’est pas ce qu’il y a de plus sécuritaire.

Dans un contexte McGillois Fondé en 2008, le Quidditch à McGill se sépare en deux catégories mixtes: McGill Quidditch se trouvant être l’équipe compétitive, accompagnée de Canada’s Finest, la version intramurale. Recrutant à chaque rentrée scolaire, les joueurs se voient donnés une nouvelle identité par l’entremise de nouveaux surnoms. De «Terra» à «Sprout», d’«Arrow» à «Canada», personne n’y échappe. Visant à créer un esprit d’équipe dans un contexte aussi absurde que le Quidditch, le pari est réussi puisque l’équipe compétitive se hisse régulièrement au rang des meilleures équipes mondiales (oui, mondiales). Et en y pensant deux fois, l’architecture de McGill ne vous rappelle-t-elle pas un tout petit peu les tours de Poudlard? x

le délit · mardi 20 septembre 2016 · delitfrancais.com


De l’usage de l’infotainment Comment l’infotainment bénéficie à Donald Trump. Sara fossat

Le Délit

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a semaine passée, le candidat républicain à l’élection présidentielle américaine et puissant homme d’affaires Donald Trump était l’invité de l’émission «The Late Night Show» sur la chaîne américaine NBC. Cette émission populaire existe depuis 2009 et est construite sur le modèle d’un club comédie, mêlant des séquences humoristiques avec d’autres parties d’entretiens plus sérieux. Elle constitue la version originale de ce qui se développe de plus en plus dans le journalisme, «l’infotainment», terme anglais décrivant la combinaison entre information et entertainment (divertissement, ndlr). L’animateur et humoriste Jimmy Fallon y accueille souvent tous types d’invités importants dans la culture populaire américaine, parmi eux acteurs, chanteurs et personnalités publiques. Barack Obama fut par exemple l’invité de l’émission, lors de sa campagne présidentielle en 2012. Le fait que Donald Trump, candidat controversé pour ses propos racistes — entre autres — ait été invité pour une quinzaine de minutes dans cette émission, n’est donc pas le problème majeur. Ce qui interpelle est, au-delà de l’émission, la répercussion qu’une séquence extraite a eue: on peut y voir l’animateur Jimmy Fallon demander au candidat républicain, qui culmine à 43% dans les sondages, «est-ce que je peux jouer avec vos cheveux?». S’en suit un acquiescement de Trump, qui voit sa tignasse d’un jaunâtre douteux — dont il n’a de cesse de vouloir prouver l’authenticité — bien ébouriffée. La vidéo est rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux. Le choix de l’infotainment Ce passage, et le fait qu’il devienne viral, dérangent pour plusieurs raisons. En dehors du fait que Donald Trump ait quinze minutes de temps de libre parole à une heure de grande écoute sur la télévision nationale, la vidéo qui circule sur internet lui donne encore plus de visibilité. Pourquoi? Parce que l’infotainment est la nouvelle manière de consommer de l’information et de rester à l’affut de l’actualité,

puisque c’est un format qui permet de s’informer et de se divertir en même temps, et ce, sans sentir le poids de l’information sérieuse. Quand nous consommons de l’infotainement, nous sommes plus disposés à écouter et enregistrer le contenu du fait d’une certaine notion de plaisir, à l’inverse de la contrainte. L’infotainment et ses séquences drôles — qui sont génératrices de vidéos virales — font partie de la stratégie de communication de Donald Trump. Son équipe savait probablement qu’il se passerait quelque chose de décalé, qui permettrait de dévoiler une facette sympathique du candidat. Là encore, la diffusion de ses idées est effectuée dans un format qui libère du «temps de cerveau disponible».

mahaut engérant

Un usage sournois du format Mêlées à ces séquences drôles, Trump distille encore ses idées racistes, conservatrices populistes et démagogiques. Deux exemples aident à comprendre cela au fil de l’émission. Le présentateur lui demande d’abord comment il compte aider l’économie, et ce d’une manière que l’on pourrait qualifier d’insolite. C’est en effet lors d’une séquence humoristique, présentée comme une entrevue entre le président et lui-même devant un miroir. L’animateur, déguisé tel Donald Trump, est face à ce dernier et s’amuse à le mimer. Trump débite sans broncher une réponse hallucinante de vide: «je suis vraiment riche vous savez, je sais comment faire marcher un business, notre pays se portera bien mieux avec moi.» Au-delà de la plaisanterie, ses déclarations sensiblement inquiétantes sont alors secondées d’applaudissements et de rires du public. Mais allant encore plus loin, lors de la séquence plus sérieuse de l’entrevue, il réitère son idée choquante de ne plus laisser les personnes de confession musulmane entrer dans le pays, et s’auto-justifie par un début d’applaudissement d’une

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personne du public. Il continue alors son raisonnement, exposant un lien douteux entre la communauté musulmane et les attentats qui se sont produits cette année — sans jamais prononcer le nom de l’organisation terroriste État islamique — qui est pourtant le vrai problème. Responsabilité journalistique et éthique politique Au-delà de ces propos, le plus choquant est la troublante position de l’hôte et humoriste Fallon, qui le conforte dans ses positions tout au long de l’entretien. Il ne lui envoie que de rares piques, ce qu’il est pourtant censé faire lorsqu’il reçoit un invité, puisqu’il s’agit du format de son émission. Là semble être le vrai problème: l’animateur met Trump au même niveau que les autres candidats, en faisant de lui un candidat normal — alors que tout est sauf normal à propos de Trump. Il s’avoue lui-même être un candidat-surprise, déclarant ce soir-là «oui, je pense qu’Hillary Clinton va sûrement gagner». Comment quelqu’un qui tient des propos à la limite de la légalité peut-il être placé au même plan que les autres candidats par un animateur aussi populaire? Se pose donc la question de l’indépendance des médias, qui est sous-jacente à la responsabilité journalistique et l’éthique politique de l’hôte: comment une telle émission peut-elle se permettre de tels écarts quand elle constitue

l’un des principaux promoteurs de la culture populaire? Comment l’hôte, étant nécessairement conscient de cette réalité, peut-il être à ce point bienveillant avec le candidat? L’infotainment n’est toutefois pas toujours problématique: lorsque bon usage en est fait, il peut permettre d’alerter le grand public sur une situation peu mise en avant par les médias traditionnels. Cependant, Jimmy Fallon, en invitant Trump et en lui permettant cette exposition particulière,

moment en France, un évènement sensiblement similaire s’est produit. Le même type d’émission d’infotainment était à l’œuvre dans Le Petit Journal — émission de Canal Plus à l’image des émissions québécoises telles que Dan Late show, et Tout le monde en parle. Le nouvel animateur Cyrille Eldin, également un humoristejournaliste-intervieweur, s’est permis de recevoir le numéro deux du parti d’extrême droite le Front National, Florian Philippot. Il a usé de la même complaisance

«Cependant, Jimmy Fallon, en invitant Trump et en lui permettant cette exposition particulière, confère à ce dernier un consentement général»

confère à ce dernier un consentement général. Même si son passage dans l’émission ne lui a (heureusement) pas permis de bondir dans les sondages, cette décision de Jimmy Fallon marque un pas pour la candidature de Donald Trump et porte un coup à l’éthique journalistique des médias de masse américains. Il est aussi intéressant de constater qu’à peu près au même

tout en plaisantant avec une personnalité politique qui tient des propos inquiétants à la limite de la tolérance. Les humoristes ont-ils donc leur place dans le paysage journalistique? Ils ont la conscience de pouvoir toucher une audience particulière grâce à leur format si distinctif: il serait temps pour eux d’adopter une certaine conscience politique. x

société

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clayton lapomme

Le Délit societe@delitfrancais.com

DÉFINITIONS

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onsentement

La définition du consentement utilisée dans la Politique contre les violences sexuelles (Sexual Assault Policy, ndlr) de McGill s’appuie sur la loi canadienne: Le consentement est une décision affirmative de s’engager dans une activité sexuelle mutuellement voulue, donnée par une formulation ou des actions claires. Comme décrit dans le Code criminel du Canada, le consentement ne peut être obtenu quand: - L’accord est exprimé par les mots ou la conduite d’une personne autre que le(la) plaignant(e) - Le(la) plaignant(e) est incapable de consentir à l’activité - L’accusé conseille ou incite le(la) plaignant(e) à s’engager dans l’acte en abusant d’une position de confiance, de pouvoir ou d’autorité - Le(la) plaignant(e) exprime, par des paroles ou une conduite, un manque d’accord d’engager dans l’acte; ou - Le(la) plaignant(e) ayant consenti à engager dans une activité sexuelle, exprime, par des mots ou une conduite, un manque d’accord de continuer à s’engager dans l’acte.

l’évolution de la situation mcgilloise concernant LES AGRESSIONS SEXUELLES

A

gression sexuelle

C’est lorsque l’intégrité sexuelle de la victime est violée. Cet acte ne dépend donc pas uniquement du contact avec une partie spécifique du corps de l’individu, mais davantage de la mesure dans laquelle l’intégrité sexuelle de la personne est atteinte. Différents facteurs sont importants à prendre en compte: la partie du corps touchée, la nature du contact, le contexte dans lequel il a eu lieu, les mots et les gestes qui l’ont accompagné etc.

Crédit photo

QUELQUES CHIFFRES

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n 2016, le gouvernement ontarien a donné 236 000 dollars canadiens à la professeure Dawn Moore (Carleton University) afin qu’elle puisse mener une étude sur la violence sexuelle sur les campus de la province (Radio Canada).

Les statistiques disponibles à ce jour relativement aux agressions sexuelles sur les campus universitaires sont disparates et lacunaires, puisque peu d’étudiants reportent ces agressions. Cependant, des tendances sont récurrentes dans tous les sondages:

Plus de 700 agressions sexuelles ont été signalé de 2009 à 2013 dans les universités et collèges canadiens.

- Les femmes sont beaucoup plus touchées que les hommes

Une femme sur 3 aura été victime d’au moins une agression sexuelle depuis ses 16 ans au Québec (2006).

- Une très petite minorité des victimes portent plainte - Les personnes issues de la communauté LGBTQIA+ sont plus touchés par les agressions sexuelles - Les étudiants en première année sont particulièrement atteints par les violences sexuelles, surtout pendant les premiers mois de l’année. hannah raffin, madeleine courbariaux, dior sow

Le Délit

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On attend de voir

«O

Les deux principales associations étudiantes mcgilloises, représentant plus de 30 000 étudiants à elles deux, s’inquiètent de ce document de travail qui «renforce les limitations actuelles des pratiques universitaires en réponse aux violences sexuelles». Toutes deux châtient l’administration pour le caractère vague de la politique, tant en mesures concrètes que délais raisonnables.

n attend de voir», s’il fallait trouver une expression pour résumer les réactions mitigées qu’a provoquées en la communauté étudiante la première politique sur les violences sexuelles proposée par l’administration, celle-ci pourrait faire l’affaire. Le capital confiance dont bénéficie l’Université auprès des associations étudiantes engagée est au plus bas, conséquemment à la politique de l’autruche adoptée par l’administration Fortier. Plusieurs organisations actives et travailleuses, telles Divest McGill (Désinvestir McGill, ndlr) ou Demilitarize McGill (Démilitariser McGill, ndlr) ont rencontré dans leurs efforts militants une attitude dénigrante de la part des autorités mcgilloises.

Est saluée tout de même la décision d’ouvrir une consultation publique sur la politique à tous les membres de la communauté mcgilloise, et le communiqué d’encourager d’encourager leurs étudiants à soumettre leurs remarques et propositions.

Ainsi, dans un communiqué commun, publié uniquement en anglais — comme l’ébauche de la politique en question, mise en ligne par McGill —, l’AÉUM et de l’AÉCSUM (Association des Étudiants en Cycles Supérieurs de l’Université McGill, PGSS en anglais, ndlr) expriment de nombreuses réserves quant à la politique avancée par l’administration.

Anonyme, U3 Littérature anglaise

À cette réaction fait écho celle du Centre aux agressions sexuelles de l’AÉUM (SACOMSS en anglais, ndlr), qui porte de similaire critique quant au projet de l’administration. Dans une déclaration publiée sur leur page facebook, l’organisation partage ses peurs, ne voulant pas une nouvelle fois en «des mots vides venant d’une Université qui préfère donner à son image la priorité», plutôt qu’aux survivants et leur bien-être. x

vant que la politique ne soit publiée, j’ai une amie qui a essayé de suivre le processus concernant les violences sexuelles à McGill. Elle a remarqué que les «victimes» étaient regardées de manière dégradante parce qu’elles avaient à raconter leur expérience à plusieurs personnes, encore et encore. De surcroît,

l’agresseur avait souvent des mois de tranquillité avant même d’être contacté. Avec la nouvelle version il devrait y avoir un plus grand respect pour les survivants. Je suis d’avis que la violence sexuelle à McGill ne devrait être un tel tabou. Il n’est pas facile de savoir si l’on a été attaqué sexuellement si l’on n’a pas été éduqué en résidence. Il n’est pas évident pour l’étudiant mcgillois moyen de savoir quels sont les lieux fournissant du support en cas de violence sexuelle.

Anonyme, U1 Arts

Siobhan, U3 Arts

ls doivent faire comprendre à tous qu’il y a de réelles conséquences, qu’il n’y pas d’impunité. On voit dans de nombreuses universités américaines que les agresseurs s’en sortent indemnes. Sinon, il y a un sentiment d’acceptation, ce n’est qu’une fois qu’ils mettent en place une telle politique que certains y penseront à deux fois avant d’agresser quelqu’un sexuellement.

eu de mcgillois seront au courant de cette politique si personne ne lit ses mails ou, du moins, ne se contente que de les survoler; il doit y avoir une meilleure façon de communiquer avec les étudiants. Le terme de survivant est litigieux, il élève plutôt que rabaisse, mais certains pensent que cette appellation suppose qu’il y a un besoin

A

I

P

Politique contre les violences sexuelles: les pours, les contres et la voix de la communauté mcgilloise Points positifs - Une politique pour les survivants - Le respect du survivant, de son intimité, des choix, de sa parole - Pouvoir s’auto-identifier en tant que survivant: pas de définition catégorique - La possibilité pour un survivant de prendre son temps, et se retirer à tout moment du processus d’aide de l’université, pour y revenir plus tard, ou non - Une consultation pour recueillir les avis et propositions de tous - L’implémentation est prévue pour l’hiver prochain

Points négatifs - Peu, si ce n’est aucune,de mesure concrète - Quid des moyens? Des mots, pas de chiffres - Il faudrait revoir et modifier les procédures existantes pour les adapter au cas particulier des agressions sexuelles - Attention à la présomption d’innocence, peut-on exclure du campus des perpétrateurs présumés et non avérés? - S’inspire de la politique étudiante proposée en avril passée, fruit du travail sur plusieurs années de bénévoles étudiants, sans en retenir certains points important ni en faire mention

Un problème de communication? De cette nouvelle politique qui concerne tous et toutes peu sont au courant. Le Délit en a fait l’expérience en vous questionnant à l’intersection «Y», et n’en trouvant que peu parmi vous ayant connaissance de la politique en question, moins encore l’ayant lu. Envoyée par courriel à tous les étudiants, il est désormais clair que ce n’est pas la plus efficace des méthodes.

Vox Pop

Anonyme, U2 Sciences politiques

J

’ai entendu parlé du cas d’une étudiante ayant eu une expérience de violence sexuelle; ça ne s’était pas produit à McGill mais après coup elle avait eu du mal à avoir accès au support dont elle aurait eu besoin à McGill. Je sais qu’il y a une refonte en cours du système de support à la santé mentale, parce que l’université est consciente du problème, et l’aide devient de plus en plus accessible d’être «réparé». Appeler quelqu’un «survivant», c’est lui dire «tu dois être réparé», comme la victime avait déjà achevé d’intégrer ce qui lui est arrivé. Certains ne sont peut-être pas encore prêts à se considérer comme survivants, ont besoin d’un peu plus de temps. Beaucoup de gens ne survivent pas complètement à une agression sexuelle. Ce problème d’appellation est compliqué, «victime» est un terme brutal, mais il n’y en a pas de parfait.

«La violence sexuelle à McGill ne devrait pas être un tel tabou» le délit · mardi 20 septembre 2016 · delitfrancais.com

aujourd’hui. Il semblait, parce qu’elle essayait encore et encore, sans réussir, qu’il était presque impossible d’être dirigé vers quelqu’un qui l’aiderait au long-terme.

«Beaucoup de gens ne survivent pas complètement à une agression sexuelle»

Nathaniel, U1 IDS

J

e suis également d’avis qu’il ne faille pas demander au survivant s’il ou elle était intoxiqué(e) ou habillé(e) de manière inappropriée puisque cela importe peu. Ces problèmes sont prévalents aux ÉtatsUnis et, très souvent, les victimes ne reçoivent pas le soutien nécessaire. Je suis donc content de savoir que McGill aborde la question.

Claire, U4 Sciences

O

n entend aux États-Unis qu’il y a beaucoup de problèmes à propos d’agressions sexuelles et que les universités tournent souvent le dos aux victimes. Alors, en tant que femme, ça me rassure de savoir que de telles politiques existent désormais à McGill. Je crois sin-

Sam, U3, Études canadiennes & Arthur, U3, Géographie

E

n ce qui a trait à exclure l’agresseur perpétrateur présumé du campus, McGill a certes le droit de le faire, mais je m’inquiète que les droits d’une personne accusée sans preuve ne soient brimés. La

cèrement que cette ébauche est un bon début, tant pour les étudiants que les professeurs.

«Alors, en tant que femme, ça me rassure de savoir que de telles politiques existent désormais à McGill»

présomption d’innocence est tout de même le fondement de notre système juridique. Les statistiques montrent qu’il y a bien plus d’agressions qu’on ne le pense et, encore, il y a beaucoup de victimes qui n’entreprennent aucune démarche de consultation. Si cette politique encourage plus de survivants à aller de l’avant avec les démarches nécessaires, c’est un immense pas dans la bonne direction.

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Innovations economie@delitfrancais.com

Après les seaux d’eau, les concerts Des modèles de financement innovateurs émergent. ronny al-nosir

Le Délit

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amedi dernier, le Centre Bell de Montréal accueillait un concert. En vedette: Usher, Half Moon Run, The Roots et Charlotte Cardin, pour ne nommer que ceux-là. Rien d’inhabituel. Ce qui était spécial à propos de ce rassemblement, mis à part un casting impressionnant, était la nature du concert. Il y avait deux manières de se procurer un billet: une plus conventionnelle, c’està-dire en achetant sa place, et une plus nouvelle, celle d’effectuer des actions pour combattre les maladies. Ce concert, c’était celui du Fonds mondial (Global Fund, ndlr), une initiative visant à mettre fin au paludisme, au VIH/SIDA et à la tuberculose. Il y a quelques mois, il a été annoncé que Montréal serait l’hôte de la conférence de la cinquième reconstitution du fonds, qui se clôturerait par un concert en soirée. Acheter les billets étant plutôt dispendieux, à moins d’avoir un billet de courtoisie, il fallait passer à l’action pour y arriver. Se souvient-on des seaux d’eau? Vous rappelez-vous de cette époque pas si lointaine lors de laquelle vous, vos amis, votre famille et vos collègues, vous êtes versé un seau d’eau glacée sur la tête pour combattre la sclérose latérale amyotrophique (SLA)? Alors que certains ont ridiculisé ce qui s’appelait le Ice Bucket Challenge, d’autres n’étaient que sceptiques quant à l’impact de tels gestes. Pourtant, les chiffres savent faire taire les critiques. En effet, cette campagne aura généré plus de 100 millions de dollars de dons, dont 16 millions au Canada. Pas mal, n’est-ce pas? L’initiative du Ice Bucket Challenge, si elle n’était pas la première campagne de sollicitation des dons par Internet, a innové d’une autre façon. Non seulement cherchait-on à récolter des fonds, mais on demandait également aux internautes de poser des gestes symboliques et concrets pour la cause. En effet, les vidéos mettant en vedette des personnes se jetant de l’eau sur la tête ont rapidement grimpé en popularité, créant un véritable raz-de-marée sur Internet.

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Innovations

La campagne a donc adopté un modèle «action-don». Certains n’ont fait qu’une vidéo, d’autres n’ont que donné de l’argent, alors que d’autres encore ont fait les deux. Dans tous les cas, on ne peut nier l’efficacité de la méthode.

laisser un message concernant l’importance de la santé. Enfin, il fallait signer une deuxième pétition pour exprimer son soutien envers l’amélioration de la santé des jeunes filles et des mères. Cependant, contrairement au Ice Bucket Challenge,

«En effet, cette campagne aura généré plus de 100 millions de dollars de dons, dont 16 millions au Canada» La récompense pour l’action À l’instar du Ice Bucket Challenge, l’initiative entourant la reconstitution du Fonds mondial demandait aux personnes intéressées de poser des gestes concrets. Le processus se faisait sur le site web du Fonds mondial. D’abord, il fallait regarder un court vidéo d’information sur les trois maladies et le Fonds, avant de faire un petit quiz sur le sujet. Ensuite, il fallait apposer sa signature sur une pétition électronique demandant aux leaders mondiaux de s’engager auprès du Fonds. La troisième étape était de leur envoyer un courriel. Quatrièmement, il fallait lancer un appel au premier ministre du Canada Justin Trudeau pour lui

un don d’argent n’était pas demandé. Le réel objectif était que l’opinion publique — ici les personnes allant au concert et suivant toutes les démarches citées précédemment — effectue une pression sur les personnalités publiques pour que ces dernières libèrent des fonds pour la cause. On s’adressait ici autant aux États, développés ou en voie de développement, qu’aux riches individus tels que Bill Gates. Plutôt que de se faire demander leur argent, monsieur et madame tout le monde recevaient au contraire une récompense pour leurs actions. En effet, toute personne qui complétait les cinq étapes énumérées sur le site web du Fonds mondial courait la chance d’obtenir une paire de billets pour ce

concert mettant en vedette plusieurs célébrités musicales et personnalités publiques. Ainsi, on a ici privilégié le modèle «action-récompense». Le don et la récompense Enfin, pour un exemple de modèle «don-récompense», on peut se tourner vers le domaine politique. En effet, le Parti libéral du Canada, comme en témoigneraient ceux qui détiennent leur carte de membre, envoie quotidiennement des courriels. Dans ces communications, on retrouve généralement une demande de don en argent, et des offres de produits à l’effigie du parti en échange d’un don d’un certain montant. Il semblerait donc que la formation politique ait opté pour le modèle «demande de dons-récompense». Ainsi, ils profitent du fait que le chef de cette formation, également premier ministre, soit extrêmement populaire auprès du public

pour recruter des membres et demander des dons. Certes, il y a parfois des offres un peu moins abordables, comme celle d’offrir un t-shirt pour tout don de 99$ ou plus, mais un crédit d’impôt sur le don est tout de même offert. Ce n’est pas parfait, mais c’est novateur. Le financement est un phénomène universel. Il est présent dans toutes les sphères et strates de notre société. Que ce soit pour démarrer sa start-up, pour financer une campagne politique, ou alors à des fins humanitaires, on cherche sans cesse de nouvelles méthodes pour lever des fonds ou pour convaincre les individus de passer à l’action. Par la récompense, l’action, la sollicitation de dons, ou alors différentes combinaisons de ces trois méthodes, on cherche à faire avancer des causes. L’activisme, qu’il soit politique, social ou humanitaire, ne manque certainement pas de créativité. x

«On cherche sans cesse de nouvelles méthodes pour lever des fonds ou pour convaincre les individus de passer à l’action»

AFP Photo/Geoff Robins/POOL

le délit · mardi 20 septembre 2016 · delitfrancais.com


Démarrer une entreprise à McGill Le Centre Dobson aide les étudiants à se lancer en affaires.

domaine. Cette coupe offre non seulement de la publicité aux vainqueurs, mais aussi 100 000 dollars canadiens afin de financer leurs projets futurs. Enfin, durant l’été se déroule l’Accélérateur X-1 de McGill: celui-ci est le plus récent des trois projets ayant été fondé il y a tout juste un an, en 2015. Il permet aux équipes les plus prometteuses de la Coupe Dobson de poursuivre leur parcours et de transformer leur jeune entreprise en entreprise mature sous la tutelle de mentors expérimentés.

Samy Zarour

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e jeudi 15 septembre, le Centre Dobson pour l’Entreprenariat (McGill Dobson Center for Entrepreneurship, ndlr) a organisé une séance de réseautage afin de présenter les entrepreneurs et aspirants entrepreneurs de Montréal à la communauté entrepreneuriale de McGill. Cet événement s’est déroulé au sein du bâtiment Bronfman sur le campus de McGill, mais il n’était pas pour autant limité aux étudiants ou diplômés de l’université. On y trouvait des étudiants des autres universités de Montréal comme HEC ou UdeM, mais aussi des lycéens ou des professionnels accomplis cherchant une nouvelle aventure à entreprendre. La méthode Dobson Avant de nous laisser commencer «la chasse à l’associé», Maher Ayari, le coordonnateur de McGill X-1 (programme expliqué ci-après, ndlr), a rapidement présenté le Centre Dobson, son objectif, et comment profiter de ses services. Il nous a expliqué le fonctionnement des trois organismes majeurs du Centre Dobson:

La culture du risque

«Il faut explorer des domaines nouveaux et inconnus, ce qui relève du risque» le Lean LaunchPad, la Coupe Dobson et enfin l’Accélérateur X-1 de McGill. Le Lean LaunchPad est un programme de dix semaines qui permet aux aspirants entrepreneurs de McGill de perfectionner leurs idées d’entreprises ainsi que d’apprendre à développer un plan d’affaires et à le présenter de façon convaincan-

le délit · mardi 20 septembre 2016 · delitfrancais.com

te. Au cours de ce programme, ils bénéficieront des conseils d’anciens élèves de McGill, de gagnants de la Coupe Dobson, d’ex-participants de McGill X-1 et de professeurs de la Faculté de gestion Desautels. Le but de ce programme est de préparer les équipes à la Coupe Dobson. Cette formation commence fin septembre

et se termine début décembre. Cependant, il ne faut pas nécessairement participer au Lean LaunchPad pour participer à la Coupe Dobson et vice-versa. La Coupe Dobson est une compétition tenue entre différentes jeunes entreprises de janvier à mai. Elle offre la chance aux participants de prouver leur mérite face au verdict d’experts dans le

Il est important d’ajouter que tout au long de son discours, Maher Ayari a insisté sur l’importance du risque et de son rôle central dans l’évolution d’une jeune entreprise. En effet, l’erreur et l’échec n’ont pas de connotation négative au sein de la communauté Dobson. Selon leur philosophie, le succès nécessite de l’innovation, et afin de faire preuve d’innovation, il faut explorer des domaines nouveaux et inconnus, ce qui relève du risque. Alors pour finir, chers lecteurs, si vous avez une idée qui vous démange, n’ayez pas peur de vous lancer! x

innovations

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Culture articlesculture@delitfrancais.com

EXPOSITON

En toute intimité

Moi, à mon plus beau revisite l’œuvre picturale de Gilles Carle. Dior Sow

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u deuxième étage de la Maison du Festival – dans un angle qui ne se révèle qu’au dernier moment – sont accrochées depuis peu une quarantaine de dessins et peintures qui, d’emblée, ne saisissent pas notre attention. Alors qu’on s’approche et qu’on balaye le premier mur du regard, on ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire: c’est drôle, pertinent et cru. Voilà les mots qui nous viennent à l’esprit devant ces croquis de Gilles Carle, réalisés à vif pour la plupart et récupérés dans son sillon par sa compagne Chloé Sainte Marie. Moi, à mon plus beau nous fait (re)découvrir l’incontournable cinéaste québécois au travers de l’art qui l’a vu débuter – il s’inscrit aux Beaux Arts de Montréal à 16 ans – et conclure – alors qu’il combat la maladie de Parkinson, le dessin devient pour lui un véritable exutoire – sa vie.

«Tous les monstres ne sont pas sacrés… loin de là» Voilà qui résume bien le ton des illustrations exposées! Ce titre et beaucoup d’autres accompagnent des dessins cartoonesques qui questionnent avec ironie la société des «Trente Piteuses». C’est avec un coup de crayon très particulier que Gilles Carle dépeint les faiblesses des mouvements nationalistes, de la révolution sexuelle ou encore de l’avènement du libéralisme.

N’ayant pas peur de s’attaquer à d’autres techniques comme l’acrylique, c’est avec plus de solennité – quand même! – qu’il peint des religieuses seins nues, armes au poing et cigarettes à la bouche. Manifestement prolifique, Gilles Carles a aussi réalisé un grand nombre de caricatures de personnalités québécoises, des dessins que FrançoisMarc Gagnon, historien d’art québécois, qualifie de confidentiels, comme une sorte d’inside joke entre amis de longue date – qui laisse

«Elle est l’inspiration derrière les ‘Seinsphonie’ d’un peintre qui met sa muse au centre de son oeuvre» malheureusement le visiteur à l’écart. «Variation sur un t’aime» Cependant Gilles Carle n’est pas que moqueur, il est aussi amoureux: d’une part de l’art et de l’autre de sa femme. Sa formation classique en art graphique lui a donné des outils dont il aime se jouer, et il excelle dans l’art de l’imitation. Plusieurs toiles réalisées «À la manière de…» revisitent des classiques de Pellan et Picasso. Gilles Carle y imite parfois jusqu’à la signature du maître; on oscille entre l’étude et le faux, et au vu des dessins précédents, on se met à douter du sérieux de ses intentions. Sa femme, elle, est omniprésente tout au long de l’exposition et devient le portedrapeau de la féminité.Tantôt reine

de cœur, tantôt recouverte d’or, elle est l’inspiration derrière les «Seinsphonie» d’un peintre qui met sa muse au centre de son oeuvre. Un statut qui a fait de Chloé Sainte Marie une spectatrice privilégiée du processus de création de Gilles Carle. D’une voix tremblante, elle le décrit comme «un insatiable courtisan de beauté, trop rapide pour être contemplatif et qui voyait à la vitesse du laser». Moi, à mon plus beau est décidément une expérience intimiste, loin des expositions à vocation spectaculaire mais qui vaut néanmoins le détour. x À la Maison du Festival jusqu’au 4 décembre.

CHRONIQUE

Fragments de (men)songes Critique de Owen Hopkins, Esquire de Simon Roy Charles Gauthier-Ouellette

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ui n’a jamais enjolivé une histoire afin d’impressionner ? Que ce soit une rencontre avec un individu marquant ou une simple anecdote, la ligne entre le souvenir et l’imagination se traverse assez facilement. Il semble pourtant impossible de bâtir sa vie autour de cette incertitude… à moins d’être Owen Hopkins, Esquire. Ce nouveau roman de Simon Roy, auteur de l’acclamé Ma vie rouge Kubrick, propose un récit plus traditionnel que le précédent, où la mémoire, le mensonge et le drame s’entremêlent pour offrir un texte intimiste et humain. Ce livre suit une tranche de vie de Jarvis, fils de l’homme qui donne son nom au roman. Plus précisément, il explore la relation tumultueuse entre deux individus unis par les liens du sang, mais qui se connaissent à peine. Sur son lit de mort, Owen Hopkins essaie de faire le bilan de sa vie. Tout droit arrivé de Montréal, Jarvis assiste, impuissant, aux derniers instants de son père «tout aussi médiocre que fabuleux». Cette scène phare du

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Culture

récit dévoile un drame familial bien plus complexe qu’il apparait en premier lieu; elle permet d’aborder les thèmes intemporels de la vie et de la mort. Entre les mains de l’auteur, ces sempiternels clichés revêtissent une allure presque neuve, offrant à lire des réflexions contemporaines et pertinentes. «Rare sont les personnages de père qui ont marqué de manière positive l’univers magique des contes de fées.» Père absent, Owen Hopkins, Esquire —que l’on comprend être un titre de rang — est un menteur compulsif, un baron de Münchhausen contemporain, qui a

intelligemment de cette ambigüité, donnant une place de choix aux discours d’Owen, allant même jusqu’à lui offrir quelques chapitres de narration. Au lecteur de faire la part du vrai et du faux! La complexité de ce roman se déplie dans une narration fragmentée, un genre de plus en plus commun dans la littérature québécoise (ne citons qu’Éric Plamondon): le récit semble divaguer parmi diverses données factuelles avant de s’emboiter en un «tout» logique. Détails horticulturaux, récits enchâssés et définitions ne sont que quelques exemples de digressions

«La complexité de ce roman se déplie dans une narration fragmentée, un genre de plus en plus commun dans la littérature québécoise» laissé une trace indélébile chez son fils. Ses fabulations se confrontent à la négation en bloc du narrateur, nous laissant dans un questionnement sur les limites entre la vérité et le mensonge. Simon Roy joue

qui participent à la richesse de ce roman. Ces chapitres en courtepointe jouent avec la temporalité de l’histoire, l’auteur explorant à la fois les derniers jours de son père et l’en-

LUCE ENGERANT fance de Jarvis, où il vécut la fuite de son paternel vers l’Angleterre. Owen Hopkins, Esquire, deuxième livre de Simon Roy, conserve la touche dramatique qui formait la trame narrative de Ma vie rouge Kubrick tout en nous transportant plus en profondeur dans un récit émouvant. En employant la technique de la fragmentation, il construit un univers surprenant où des cha-

pitres d’abord saugrenus prennent tout leur sens quelques pages plus loin et qui illustre le talent de ce romancier. x Owen Hopkins, Esquire de Simon Roy Édition Boréal, $25

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Exposition

C’était la Belle Époque

Henri de Toulouse-Lautrec nous introduit au Paris de la fin-de-siècle. Louise Kronenberger

Le Délit

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alons, Moulin Rouge, Montmartre, absinthe… Toulouse-Lautrec a étreint la vie de Bohème. Il a traduit son expérience à travers ses œuvres, lithographies, dessins, et peintures, que le Musée des Beaux Arts de Montréal nous fait redécouvrir. ToulouseLautrec affiche la Belle-Époque, exposée jusqu’au 30 octobre, nous fait mettre un pied dans le Paris de la fin du 19e siècle. À travers plus de 90 estampes et affiches, on se balade dans l’univers de l’artiste.

Né en 1864, Henri de Toulouse-Lautrec grandit au sein d’une famille noble. Il souffrait d’une maladie des os due à la consanguinité, cas fréquent à cette époque et dans ce milieu. Cela bloqua sa croissance, et le traumatisa. Il décida de devenir artiste quelques années après la découverte de sa maladie. Son infirmité le força à arrêter l’équitation, discipline qu’il aimait et pratiquait depuis sa jeunesse. On retrouve cette passion à travers ses nombreuses lithographies de courses de chevaux. Sur Les Jockeys (1882), on retrouve le style impressionniste,

HENRI DE TOULOUSE LAUTREC

avec une huile sur toile faite de touches de couleurs. Toulouse-Lautrec n’est pas particulièrement associé à un mouvement artistique. On retrouve donc dans cette exposition des œuvres aux styles qui peuvent différer. Certaines représentent des personnes aux traits marqués, avec des visages très reconnaissables, comme Miss May Belfort en Cheveux (1895). Au contraire, sur les affiches, les traits sont plus évasifs, moins spécifiques. Lautrec a produit également beaucoup d’affiches pour des théâtres parisiens, notamment des affiches présentant la Goulue, danseuse qui inventa le french-cancan pour l’iconique Moulin Rouge.

de vie décadent pour les artistes de l’époque. Le vice était son ami, et celui-ci finit par le tuer. Il mourut de la syphilis, probablement contractée par la fréquentation de prostituées, et l’alcoolisme n’arrangea pas son état de santé.

Représentations authentiques

Les femmes furent le sujet de beaucoup d’œuvres de Lautrec. Elles étaient omniprésentes dans son monde: danseuses, prostituées, serveuses. À cette époque, une femme de bonne famille ne sortait pas en public, encore moins de nuit. Celles que Lautrec représente ne sont que les infréquentables de jour, mais elles furent ses muses. Lautrec se prit d’affection pour quelques unes d’entre elles, dont Jane Avril, une célèbre danseuse de cabaret de l’époque. Il tomba sous son charme. Il créa pour elle quelques affiches de

«J’ai tâché de faire vrai et non idéal» a dit Toulouse-Lautrec. Il étudie scrupuleusement les foules qui fréquentent les théâtres, cabarets et maisons closes. Il représente la bourgeoisie de l’époque et les milieux dépravés. Il procède de façon presque caricaturale, avec des ombres et des couleurs presque expressionnistes, soulignant les traits prononcés de cette population. Ces représentations illustrent de manière authentique la Bohème de la fin du 19e siècle, et son mode

spectacle où l’on peut la voir sur scène, représentée avec une grande sensibilité pour les détails. Ces images sont faites pour, et illustrent, le regard masculin sur ces femmes de la nuit, les dépravées.

«Ces représentations illustrent de manière authentique la Bohème de la fin du 19e siècle, et son mode de vie décadent pour les artistes de l’époque» Fascination pour les femmes

L’exposition nous présente plusieurs aspects de l’œuvre de l’artiste. Elle est surtout basée sur les dessins et lithographies de Lautrec, mais on y trouve également quelques photos et petits films de l’époque, ainsi que des œuvres de ses confrères et des huiles sur toiles. La musique diffusée est bien en accord avec l’époque. On regrette seulement que l’exposition ne soit pas très grande, ce qui ne nous laisse qu’un court moment, mais cependant intense, dans la Belle-Époque. x Au Musée des Beaux Arts jusqu‘au 30 octobre.

Musique

Alaclair fontaine, m’en allant promener

Le retour d’un groupe qui en dit long sur l’avenir du rap québécois. Céline Fabre

Le Délit

U

ne légère inquiétude se promène au sein du public alors que quatre musiciens entament ce qui ressemble drôlement à une suite pour violoncelle en sol majeur de Bach. Il y avait pourtant bien écrit «Alaclair Ensemble, 16 septembre» sur la devanture lumineuse du Club Soda. On s’attendait à tout de la part de ce groupe de rap originaire de Québec à l’imagination sans limite, sauf à une introduction aussi solennelle. Et c’est bien là le tour de force des six «Humble French Canadiens», comme ils aiment à s’appeler, issus de la contrée imaginaire du «Bas-Canada», dont le drapeau se distingue par une feuille d’érable orange qui a perdu le sens de l’orientation. Quand le show commence vraiment, le silence respectueux se voit remplacé par un entrain plus emblématique de la sortie de ce quatrième album: Les frères cueilleurs. Le dynamisme du live permet de mesurer la variété

de leur répertoire musical. Les beats qui résonnent échappent souvent à la mollesse de la dichotomie couplet/refrain au moyen de tournants inattendus, comme

le délit · mardi 20 septembre 2016 · delitfrancais.com

au cours de la pièce «Bazooka Jokes» ou «Fouette» dont les changements de rythme rappellent que l’on ne plaisante pas avec le rap au Québec.

JERRY PIGEON

«Tout est mis en place pour prendre la langue française par les pieds et la secouer dans tous les sens» Comment ça, on ne plaisante pas? Si vous vous concentrez sur les paroles et ce faux air sérieux – souvent saccadé par les pitreries du MC (Maître de Cérémonie, ndlr) Robert Nelson— vous comprendrez que tout est mis en place pour prendre la langue française par les pieds et la secouer dans tous les sens. Non seulement ils ont inventé un jargon qui — comme tout vocabulaire poétique — requiert un temps d’adaptation, mais en plus, cette expérience se déroule dans un climat d’autodérision des plus sincères. Alors que le rap américain ou français reste ancré dans une tradition de durs à cuire, Alaclair Ensemble, à la fois roi et valet du hip-hop franco-canadien, n’a peur ni du ridicule, ni de la vacuité qui parfois souligne l’insolence de son langage.

À l’issue de ce spectacle, ce que la présence physique et artistique d’Alaclair Ensemble illustre, c’est que sous nos yeux se déroule un processus nouveau, que l’on pourrait qualifier de génie. Car le génie se cache rarement là où on l’attend et passe plutôt par l’énergie et le message transmis. Alors, s’il nous est donné d’accéder à un univers si unique, c’est soit parce que l’on oublie souvent d’ouvrir grand ses oreilles, soit qu’un gang de Bas Canadiens a travaillé dur pour l’élaboration d’un son qui fera longtemps vibrer la fleur de lys. x Alaclair Ensemble, Les frères cueilleurs, disponible sur Bandcamp.com

Culture

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cinéma

Les musées ont des oreilles

«Hieronymus Bosch: touched by the devil», du Moyen-Âge aux musées d’aujourd’hui. Museo del Prado de Madrid, puis à la Galleria dell’ Academia de Venise, en passant par la National Gallery of Art de Washington.

Anna dang

L

e 16 septembre est sorti en salle au cinéma du Parc «Hieronymus Bosch: touched by the devil» de Pieter van Huystee. Ce documentaire sur le peintre Hieronymus Bosch (aussi connu sous le nom de Jérôme Bosch, pour faire plus prononçable) a été réalisé en l’honneur du 500e anniversaire de sa mort. Cet artiste néerlandais a passé sa vie à illustrer l’Enfer, le Paradis, et les vices qui mènent l’humanité à sa perte. Toutefois ce qui permet à Bosch de se démarquer de ses contemporains, c’est son imagination fantasque, rendue évidente par les milliers de détails dont regorgent ses tableaux. Sa créativité débordante a fait de lui un peintre dont l’œuvre est encore accueillie avec enthousiasme de nos jours. Par-delà les frontières

Tout est politique

alexis de chaunac

Le premier expert que l’on interroge dans ce film déclare que beaucoup de peintures conservées aujourd’hui n’ont pas été confirmées comme étant de la main du maître en personne. Discrétion oblige, il ne mentionnera aucune œuvre en particulier, pour ne pas «rentrer dans la politique». Pourtant, c’est exactement là que le film va l’emmener et nous emmener avec lui, bien malheureusement. Tout le long du documentaire, nous assistons à des négociations, parfois acerbes, entre experts de différents musées, acceptant ou refusant de prêter tel ou tel tableau. Les rivalités qui nous sont ainsi exposées ne sont pas belles à voir. Le film nous plonge dans un monde où le travail acharné ne porte pas toujours ses fruits et nous livre des informations techniques qui peuvent décourager les amateurs qui ne s’y connaissent pas trop. Le travail de détective des experts laisse peu de temps pour

«Cet artiste a passé sa vie à illustrer l’Enfer, le Paradis, et les vices qui mènent l’humanité à sa perte»

Outre Bosch lui-même, le film comporte un second enjeu: celui d’une exposition qui doit avoir lieu lors de l’anniversaire de la mort de l’artiste, au Noorbrabants Museum, à Den Bosch. Une myriade de spécia-

listes, experts en art, collectionneurs, techniciens, historiens de l’art, curateurs et directeurs de musée s’affairent à ce que tout se déroule bien. Ces individus viennent de milieux très variés, comme en témoigne la diversité des

langues: les témoignages sont tantôt en anglais, tantôt en espagnol, tantôt en allemand ou en néerlandais (pas de sous-titres français, hélas). Le documentaire nous emmène aussi de pays en pays: l’on va de Den Bosch, au

décortiquer le symbolisme souvent nébuleux qui imprègne toute l’œuvre de Bosch (et qui est le sujet le plus susceptible d’intéresser les spectateurs). Petits bonus Malgré tout, ce documentaire a réussi à marquer quelques points. Les gros plans que la caméra effectue sur les paysages inquiétants de Bosch, accompagnés d’une musique lancinante, ont installé cette atmosphère de mystère et d’intrigue qui plaît tant chez cet artiste. On peut également découvrir avec plaisir des œuvres méconnues: c’est le cas d’un croquis nommé Le Champ a des yeux, le bois des oreilles — un bijou de bizarrerie glauque, trouvé dans un marché aux puces par un collectionneur d’art. De manière générale, ce film comporte des moments agréables pour tous les admirateurs du peintre; néanmoins, il serait probablement plus palpitant pour les grands amateurs qui ont déjà étudié le sujet, et sont prêts à passer aux aspects plus techniques du phénomène Bosch. x Jusqu’au 22 septembre au Cinéma du Parc.

La beauté d’une réalité méconnue

Entre humanité et passion, Mommy propose une vision inédite des liens maternels. tées de manière théâtrales et déshumanisées. Les scènes dans ces lieux sont très sombres, ou éclairées par une lumière blanche de laboratoire. L’uniforme du personnel est également très formel, et semble même d’une autre époque. Les tons noirs et blancs évoquent le milieu carcéral. Serait-ce une forme de remise en question des mesures mises en place par le gouvernement pour traiter les malades psychiatriques?

Maria rueda martinez

À

l’occasion de la sortie prochaine du dernier film de Xavier Dolan Juste la fin du monde, primé au festival de Cannes en mai dernier, le cinéma Beaubien organisait du 16 au 20 Septembre une rétrospective du cinéaste québécois. Une occasion de redécouvrir la filmographie de Xavier Dolan, notamment à travers son film Mommy, projeté le 20 septembre, prix du meilleur film étranger au Festival de Cannes de 2014. Dans ce film, le jeune réalisateur dépeint l’histoire d’une mère veuve et de son fils atteint du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité. Suite à son expulsion du pensionnat pédopsychiatrique où il vivait, l’adolescent et sa mère ont une nouvelle opportunité de vivre ensemble et de reconstruire une relation mère-fils. Une relation loin des idéaux Les dialogues francs et parfois vulgaires du film, accompagnés d’un décor montréalais modeste aisément reconnaissable s’opposent aux clichés cinémato-

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Culture

Y-a-t-il une critique?

Crédit photo

Shayne Laverdière

graphiques courants. Les acteurs s’approprient remarquablement ces dialogues et incarnent leurs personnages avec brio. Antoine Olivier Pilon, qui incarne Steve, le fils, parvient à nous faire ressentir un va-et-vient entre l’incompréhension et la compassion face au comportement de son personnage. La mère, peu éduquée, n’a pas les moyens financiers ni pédagogiques pour

gérer les troubles de son fils. Par son fort caractère et son manque de tendresse, elle a tout pour être critiquée par les standards de la société. Or, l’humanité, la ténacité et l’amour filial, omniprésents dans le jeu d’Anne Dorval, rendent son personnage admirable. Ce duo touchant, loin des idéaux de la famille parfaite, expose la beauté du réel, celle de ceux qui ne baignent pas dans l’abondance et la facilité.

Un réalisme limité Bien que l’aspect cru du film apporte un réalisme poignant pouvant plaire, il peut également être émotionnellement exigeant pour le spectateur. La tension constante dans la trame du film semble parfois ne pas connaître d’évolution, ce qui peut être fatigant. En opposition au réalisme général du film, les institutions psychiatriques sont représen-

À qui revient la responsabilité des personnes atteintes de troubles psychiatriques? Donne-t-on les moyens à la population de prendre soin de ceux qu’elle aime dans un contexte humain? À seulement 27 ans, Xavier Dolan parvient à remettre en cause nos jugements sur les personnes atteintes de troubles psychiatriques et sur les comportements des proches qui les accompagnent. On comprend alors un peu plusla complexité de leur situation en se mettant à leur place et au contact de leurs émotions. x Le 20 septembre au Cinéma Beaubien.

le délit · mardi 20 septembre 2016 · delitfrancais.com


Fais l’amour à la caméra

The lovers and the despot, épopée romantique au pays de Kim Jong-il. hortense chauvin

Le Délit

L

e 15 septembre, le Festival international du film Fantasia présentait au cinéma du Parc le documentaire The lovers and the despot de Ross Adam et Robert Cannan. Le film revient sur la destinée singulière de deux stars du cinéma sud-coréen, toutes deux enlevées en 1978 par le dictateur nord-coréen Kim Jong-il. Qui a peur du grand méchant Kim? Hong Kong, 1978. Récemment divorcée du réalisateur Shin Sangok, l’actrice Choi Eun-hee disparaît sans laisser de traces au cours d’un voyage professionnel. Parti à la recherche de son ex-femme, Shin Sang-ok se volatilise également quelques mois plus tard dans le plus grand mystère. Après être passé par la prison et la torture, Shin Sang-ok retrouve finalement Choi Eung-hee à Pyongyang. Leur talent a en effet fait d’eux les objets de la convoitise de Kim Jong-il, cinéphile inattendu bien déterminé à développer le cinéma nord-coréen afin d’accroître le rayonnement international de son régime.

Pendant près de huit ans, les ex-amants retenus en Corée du Nord seront en effet encouragés à écrire et réaliser des films pour le bon-plaisir du dictateur. Disposant du secours financier de Kim Jong-il, ils révolutionneront le cinéma nord-coréen. Ce surprenant mécène leur laissa en effet carte blanche, les autorisant même à produire des films dénués de visée propagandiste. Ils furent ainsi libres de transformer la trame narrative traditionnelle des films nord-coréens de l’époque, glorifiant le travail et la loyauté politique.

Ensemble, ils réalisèrent le premier film romantique du cinéma nord-coréen, représentant pour la première fois l’être humain comme un individu à part entière. Perçus comme des traîtres dans leur pays natal, leurs films furent cependant largement diffusés et ovationnés dans le bloc de l’Est. Dissimulant leurs aspirations à la liberté et prônant publiquement les mérites du régime, ils furent même autorisés à quitter la Corée du Nord afin d’assister aux festivals

«C’était une dictature physique et émotionnelle» auxquels leurs films étaient primés. Pour ne jamais revenir: en 1986, à l’occasion d’une rencontre cinématographique à Vienne, le couple nouvellement reformé file à l’anglaise et rejoint l’ambassade des États-Unis pour y demander l’asile politique. Dans l’enfer de la dictature «C’était une dictature physique et émotionnelle», explique un ancien poète officiel du régime. «Nos émotions étaient faussées, tout était organisé autour de la dynastie». Outre l’histoire d’amour atypique de Shin Sang-ok et de Choi Eun-hee, le documentaire propose également d’explorer les rouages de la dictature nord-coréenne. Entre effarement et stupéfaction, on devient spectateur des célébrations nationales savamment orchestrées, faisant l’apologie du régime et rythmant le quotidien de millions de nord-coréens. The lovers and the despot nous permet également de péné-

trer dans l’intimité de Kim Jongil. Grâce aux enregistrements secrets de Shin Sang-ok et de Choi Eun-hee, on découvre la voix, le rire, mais aussi les projets de domination politique du dictateur décédé en 2011. Cependant, si le documentaire dispose d’une intrigue palpitante, il pêche par sa structure conventionnelle et son manque d’audace artistique. L’enchaînement attendu d’images d’archives et d’interventions de spécialistes sur fond de musique d’ascenseur dessert en effet l’ambition des réalisateurs de conter l’une des aventures les plus rocambolesques de l’histoire du cinéma. Séparés, enlevés, instrumentalisés, réconciliés... La romance de Shin Sang-ok et de Choi Eun-hee est pour le moins originale. Si sa narration l’est moins, elle nous permet cependant de découvrir l’un des régimes les plus méconnus au monde, pour le plus grand plaisir de notre curiosité. x

chronique visuelle

Opini-art-re

«Pourquoi faire de ce décor bucolique et anodin une scène troublante – Pallor, algor, rigor et livor? Du paysage doux au funeste récit, la morbide pensée t’arrête. Mais non, ce ne sont que des emballages en plastique après tout»

Vittorio Pessin Unsettling Obsession le délit · mardi 20 septembre 2016 · delitfrancais.com

Culture

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Calendrier Mercredi

Mardi

Culture

#lemardicestdélit

Sortie au cinéma de Juste la fin du monde du réalisateur québécois Xavier Dolan.

Culture

Lancement de l’Abécédaire du féminisme, une émission novatrice de Radio-Canada, à la librairie Le Port de Tête.

Politique étudiante

Ouverture du Sénat de McGill à 14 heures 30, Leacock 232.

Militantisme

Culture

Rassemblement pour Homa Hoodfar à Montréal au square Norman Bethune.

Début du Festival de Musique Pop Montréal

Jeudi

Sciences

«La révolution de l’intelligence artificielle», conférence à l’UDEM avec notamment Yann Lecun, directeur de l’intelligence artificielle chez Facebook et pionnier de la discipline.

Militantisme

Vendredi

Discussion organisée par La Riposte socialiste au 3600 rue McTavish sur la pertinence du Manifeste du Parti communiste, à 19 heures.

Société

Politique étudiante

Projection d’un film et panel autour de la place des Premiers peuples dans les médias, organisés par l’alliance des étudiants autochtones, à 19 heures dans le bâtiment Stewart Bio.

Portes ouvertes à ECOLE, à partir de 17 heures.

Culture

Vernissage de l’exposition Black Fem’ Art à l’espace Mushagalusa, à partir de 18 heures.

Politique étudiante

Forum ouvert sur la durabilité, à 15 heures au Moot Court.

Samedi Culture

Ouverture de l’Expo-Marathon de Montréal, Place Bonaventure.

Culture

Projection du film Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent à la Maison du développement durable, à 18 heures.

Dimanche Culture Concert de Kalmunity Jazz Project au café Résonance, à partir de 21 heures.

Société

Société

Forum mettant à l’honneur la diversité et la multiethnicité dans les sphères médiathiques, de 14 à 18 heures au Centre culturel Dar Al Maghrib.

Culture

Adoption des arbres et des plantes du village au Pied-du-Courant, de 9 heures à 11 heures.

Culture

Concert des Tam-Tams de Montréal au Parc du MontRoyal, à partir de midi.

Lundi

Spectacle L’écolière de Tokyo au théâtre Denise-Pelletier.

Et toute la semaine...

Politique étudiante

Ouverture de la troisième édition annuelle de McGill Consent Campaign.

Culture

Mettez votre temps à profit, contribuez au Délit! Venez rencontrer vos éditeurs le lundi soir au bureau B-24 du bâtiment Shatner et rejoignez les groupes Facebook des différentes sections afin de participer au Délit dans notre prochaine édition. À bientôt!

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Conversation avec Iggy Pop sur sa carrière musicale, à 19 heures au 1182 Boulevard Saint-Laurent.

Culture

Concert des BuzzCocks au Théâtre Corona, à 19 heures. Infographie réalisée par Hortense Chauvin, Magdalena Morales, Léandre Barôme et Théophile Vareille. Icônes réalisés par Freepik, Popcorns Arts et Madebyoliver sur www.flaticon.com

le délit · mardi 20 septembre 2016 · delitfrancais.com


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