Le Délit du 20 janvier

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

RéSULTATS RÉFÉRENDaires à l’AÉCSUM ENTREVUE STÉPHANIE LAPOINTE P. 11.

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Mardi 20 janvier 2015 | Volume 104 Numéro 12

Des pépins et du vin depuis 1977


Volume 104 Numéro 12

Éditorial

Le seul journal francophone de l’Université McGill

rec@delitfrancais.com

En mon pays suis en terre lointaine Joseph Boju

Le Délit

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ans nos bureaux il traîne, en plus des souris, des papiers en tous genres. Il y a quelques mois je tombais sur le SSMU handbook de l’année 2015, agenda officiel de nos corps étudiants. Curieux de savoir ce que ce libelle pouvait bien raconter à notre sujet dans sa rubrique «50 great ressources at the SSMU building on its 50th anniversary!», je l’ouvrais avec impatience. Erreur fatale. Pas de rubrique Le Délit entre celles du Tribune et du Daily. Rien. Juste cette phrase: «The McGill Daily, in production for 100 years […] Currently, they publish in print weekly, on Mondays, and publish online on a daily basis. They also issue a French version known as Le Délit.» Je m’évanouis aussitôt. J’eus un rêve, le mur des siècles de cette université m’apparut, et nous n’y étions pas cités. Est-ce l’éternelle condamnation du Délit que d’errer dans l’histoire mcgilloise sans s’y voir apparaître? Pareils aux poètes crottés et maudits, aux Villon et aux Miron, ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges de notre alma mater jeter l’ancre de notre insolence un seul jour? Cette ancre qui nous pèse et nous plait tant à la fois. Celle-là même qui nous faisait titrer «Oui» en 1995 et apercevoir le lendemain que l’AÉUM sortait de la Fédération des étudiants des universités du Québec (FEUQ), car celle-ci aussi s’était risquée à dire «Oui». Lorsque je m’éveillais, nous étions le jeudi 15 janvier. La salle Levh Bukhman du pavillon

Shatner était pleine et le conseil législatif de l’AÉUM avait bien commencé depuis deux heures. Amina Moustaqim-Barrette, vice-présidente aux affaires externes, prit la parole. Elle annonça que dorénavant, elle ferait un rapport sur deux en français. Murmures désapprobateurs dans la salle, prises de paroles, questions, incompréhensions, bronca, levée de boucliers, éclairs, tonnerre, tout y passa en vain. L’article 18 de la constitution de l’AÉUM est un de ces remparts que l’on pensait détruit mais qui revoit le jour: ici comme au secrétariat des Nations unies, les langues officielles sont l’anglais et le français. Se passerait-il donc quelque chose du côté de chez SSMU? Quand une principale et son v.-p. adjoint se rendent en réunion, bras dessus bras dessous, devisant en français, je me dis que l’histoire est peut-être en train de changer. Et puis je me réveille et les entends discourir, si l’idiome est le même, leur langue m’est étrangère. Mais cela est un autre problème. Il ne s’agit plus de la bonne vieille bataille linguistique. Peut-être devrais-je prendre un cours d’entrepreneuriat social pour développer mes capacités d’écoute, mon «empathie»? Juste avant les fêtes d’hiver, Madame Fortier nous fit grâce d’un courriel où elle citait Nelligan le poète et son «jardin de givre». Pour ce geste anodin et sublime à la fois, elle mérite la palme des vieux ayatollahs de la langue que nous sommes. Ce fut un édito à l’objet diaphane, nous sortirons de nous quand nous serons nous-mêmes. x

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Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Juan Camilo Velazquez Buritica, Dana Wray, Joseph Boju, Baptiste Rinner, Rachel Nam, Hillary Pasternak & Ralph Haddad.

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L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

éditorial

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politique étudiante

Décentraliser, dérégulariser

L’AÉUM tient son conseil législatif en présence de la principale Suzanne Fortier. joseph boju

Le Délit

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ntre décentralisation et austérité, Assemblée Générale et frais de scolarité, les discussions du premier conseil de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM) du semestre d’hiver, tenu le 14 janvier dernier, donnent le ton pour 2015. Le conseil s’est ouvert sur l’intervention traditionnelle de la principale, Suzanne Fortier, venue accompagnée d’Ollivier Dyens, le vice-principal adjoint. Après quelques mots en français et un message de circonstance sur «les événements troublants» qui ont marqué ce début d’année, la principale est revenue sur les priorités de son mandat, rappelant à l’envie que les «étudiants sont l’élément central de notre communauté» et que l’administration fait de son mieux pour communiquer avec les organes étudiants, fierté poussée jusqu’à la blague: «nous n’avons pas encore utilisé les textos, mais je pense qu’on le fera bientôt».

Interrogée sur l’ouverture à la communauté montréalaise et québécoise de McGill, Madame Fortier répond à coups d’exemples d’initiatives étudiantes, citant la clinique mobile de la Faculté de chirurgie dentaire pour les sans-abris, ou encore le projet d’un centre entrepreneurial à Lac-Mégantic. Des initiatives qui, volens nolens, n’ont pas attendu l’aval de l’administration pour exister. En accord avec le gouvernement Une question sur l’austérité a assombri quelque peu la jovialité avec laquelle la principale s’exprimait. Selon Mme Fortier, elle «ne peut pas s’opposer» à la politique de rigueur suivie par le gouvernement libéral, les fonctionnaires étant trop nombreux à ses yeux, et la Province vivant «au-dessus de ses moyens». Mais la principale ne se contente pas d’être en accord avec la politique budgétaire de M. Couillard, elle souhaiterait pour McGill «d’avoir moins d’interférences avec le gouvernement»,

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notamment au niveau des frais de scolarité des étudiants internationaux. Madame Fortier explique insister auprès du gouvernement pour changer le fonctionnement de la redistribution des suppléments forfaitaires payés par les étudiants internationaux. Actuellement, ces suppléments seraient entièrement reversés entre les différentes universités du Québec, ce contre quoi l’administration de McGill voudrait instaurer un plafond, afin de conserver plus de revenus au sein de l’Université. Quant à l’argent généré par la prochaine hausse des frais de scolarité des étudiants français, Suzanne Fortier explique que trois options sont envisagées pour le redistribuer. Soit il serait partagé entre les universités via un fond d’égalisation, soit il serait entièrement gardé par le trésor québécois, soit il resterait à McGill. Il va sans dire qu’aux yeux de la principale, c’est la dernière option qui semble la plus intéressante, affirmant que l’argent serait reversé au fonds des bourses de l’Université.

Un nouveau Comité de nomination Après ces quelques annonces, la principale s’est retirée et a laissé la trentaine de représentants étudiants à ses rapports et ses motions. La motion votée à l’unanimité ce soir-là concernait la composition du Comité de nomination — organe essentiel au fonctionnement de l’AÉUM, qui décide aussi bien de la nomination du directeur général de scrutin que de l’attribution des SSMU Awards (récompenses de l’AÉUM, ndlr) —, comité sur lequel siègeront désormais quatre membres de la communauté étudiante et quatre conseillers de l’AÉUM, au lieu de l’ensemble de l’exécutif et trois conseillers. Par ailleurs, la présidence de ce groupe sera assurée par le directeur général. Selon Claire Stewart-Kanigan, la v.-p. aux affaires universitaires, cette nouvelle composition permettra de mieux répartir les pouvoirs et «d’augmenter l’objectivité du Comité».

Une AG en mars Autre fait remarquable de ce conseil, la présidente Ayukawa mentionne dans son rapport au conseil que l’Assemblée Générale du semestre d’hiver aurait lieu juste après la semaine de relâche, au début du mois de mars, au lieu du 11 février. Ainsi, elle coïncidera avec la période de campagne électorale de l’AÉUM, moment d’émulation pour la vie politique mcgilloise. Cette nouvelle date permettra aussi de donner plus de temps à l’AÉUM pour organiser logistiquement un rendez-vous qui semble déjà attendu par plusieurs groupes étudiants. En effet, Ayukawa explique «qu’il y aura probablement une nouvelle motion très controversée à l’ordre du jour». Le 22 octobre dernier, lors de l’Assemblée Générale, près de 750 personnes s’étaient déplacées au pavillon Shatner alors qu’une motion sur le conflit israélo-palestinien y était en discussion, du jamais vu dans l’histoire récente de l’AÉUM. x

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Politique Étudiante

Un nouveau départ sans la FCÉÉ Les membres de l’AÉCSUM votent en masse contre le maintien de l’adhésion à la FCÉÉ. louis baudoin-laarman

Le Délit

FCÉÉ, le retour? Si la sortie de la FCÉÉ pour l’AÉCSUM est quasiment acquise, l’issue du contentieux judiciaire qui oppose les deux acteurs n’en demeure pas moins incertaine. En effet, l’AÉCSUM refuse de payer le prix d’adhésion de 100 000 dollars à la FCÉÉ depuis le référendum de 2010, une adhésion que la FCÉÉ réclame toujours et qui, cumulée sur trois ans, représente aujourd’hui 300 000 dollars. Une audience au tribunal à ce sujet est prévue pour 2017, ce qui laisse le temps aux membres de l’exécutif de prévoir leur défense.

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ard dans la nuit du vendredi 16 au samedi 17 janvier, les membres de l’Association étudiante des cycles supérieurs de l’Université McGill (AÉCSUM) ont reçu les chiffres provisoires du référendum de maintien de l’adhésion de l’association à la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCÉÉ). La majorité de l’équipe exécutive de l’AÉCSUM ainsi que les membres qui avaient contribué à la victoire du Non ont attendu jusqu’à trois heures du matin dans le bâtiment Thompson House, le bâtiment de l’AÉCSUM, pour connaître les résultats du dépouillement entrepris à 18h le même soir par quatre personnes. Le Non l’a emporté massivement avec 2014 voix contre le maintien de l’adhésion à la FCÉÉ et 56 voix pour, soit 97% de Non. La participation de plus de 26% des membres, soit le double du quorum requis pour que le référendum soit reconnu, dépasse de beaucoup les prévisions des membres de l’AÉCSUM qui s’étaient investis dans la campagne. «Je me doutais que nous avions gagné et atteint le quorum par une bonne marge, mais l’ampleur de notre victoire m’a grandement surpris», avoue le v.p. aux affaires externes de l’AÉCSUM Julien Ouellet en entretien avec Le Délit.

mahault engérant

Les résultats du vote pas encore reconnus Ce vote, s’il est reconnu par la FCÉÉ, devrait mettre fin à l’adhésion de l’ACÉSUM à la FCÉÉ en juin prochain, date à laquelle la présente session scolaire se termine officiellement. La reconnaissance du vote par la FCÉÉ mettrait également fin à un contentieux entre l’association et la fédération qui dure depuis 2009. En effet, l’AÉCSUM tente depuis cette année-là de mettre

fin à son adhésion, en vain. Un référendum en 2010 où le non l’avait emporté à 86% n’avait pas été reconnu par la FCÉÉ, contribuant ainsi à gâter les relations entre les deux associations. Cependant, Jonathan Mooney, le chef du comité du Non, pense que le vote sera reconnu cette fois-ci, même s’il ne l’est pas encore. En effet, des quatre personnes responsables du dépouillement des votes vendredi soir dans une salle gardée par un agent de sécurité du campus, trois appartenaient à la

FCÉÉ, et une seulement à l’AÉCSUM. Un courriel officiel du directeur de scrutin annonçant les chiffres vendredi est la seule reconnaissance pour le moment, mais Jonathan Mooney est optimiste: «Le courriel officiel du directeur de scrutin montre bien que la FCÉÉ n’a probablement pas l’intention de rejeter ces résultats», dit-il au Délit. M. Ouellet se montre quant à lui un peu plus cynique face à l’absence de réaction du côté de la FCÉÉ: «Fidèle à elle-même, la FCÉÉ n’a toujours pas concédé la défaite.»

«Fidèle à sa réputation, la FCÉÉ n’a toujours pas concédé la défaite» D’ici là, ce seront toujours 100 000 dollars par an d’économisés pour l’AÉCSUM, une somme non négligeable que l’association pourra se permettre d’utiliser à des fins plus utiles à ses membres, même si on ne sait pas encore exactement ce que ces fins pourraient être: «Nous n’avons pas de plans précis, mais il est certain que nos officiers vont pouvoir consacrer davantage de temps et d’argent à des projets constructifs», affirme Julien Ouellet. x

Assemblée-éclair à l’AÉCSUM L’Assemblée Générale de l’AÉCSUM vote le soutien du Non au référendum. Louis baudoin-laarman

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’est avec un petit goût de déjà-vu que s’est déroulée l’Assemblée Générale annuelle de l’Association étudiante des cycles supérieurs de l’Université McGill (AÉCSUM) le 15 janvier dernier dans l’amphithéâtre S1 du bâtiment Stewart à 18 heures. Comme lors du conseil de l’association qui s’était déroulé le 7 janvier (voir Le Délit 13 janvier 2015), une seule motion figurait à l’ordre du jour, la même mot pour mot. En effet, après que le conseil ait voté le 7 janvier pour soutenir la campagne du Non au référendum sur la continuation de l’adhésion de l’AÉCSUM à la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCÉÉ), c’était jeudi au

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tour du corps étudiant représenté par l’AÉCSUM de se prononcer sur la question. Bien que quelque peu redondant, ce deuxième tour de négociations était important pour l’exécutif de l’association, qui souhaitait faire d’une pierre deux coups en s’assurant d’être sur la même longueur d’onde avec son corps étudiant tout en l’informant sur la tenue du vote référendaire les 15 et 16 janvier et son importance pour l’association. «L’idée, c’est aussi que la majorité de nos étudiants-membres sachent qu’il y a un référendum et qu’ils peuvent aller exercer leur droit de vote», explique Julien Ouellet, v.-p. aux affaires externes de l’AÉCSUM. Tant que le quorum nécessaire au vote n’était pas atteint, on a pu voir les différents membres de l’exécutif de l’AÉCSUM s’empresser de divertir les membres déjà

présents afin de les retenir dans l’amphithéâtre le temps que les derniers étudiants puissent arriver. Après dix minutes de tension palpable dans l’amphithéâtre du bâtiment Stewart pourtant déjà rempli, le quorum de 80 personnes a été atteint, conférant ainsi force de loi au vote qui allait s’ensuivre. Jonathan Mooney, le chef du comité du Non – le seul comité du référendum, la FCÉÉ n’ayant pas dépêché d’émissaire pour former un comité du Oui – a donc utilisé ce temps d’attente pour expliquer la procédure de sortie de la FCÉÉ dans laquelle l’AÉCSUM est engagée depuis cinq ans et les problèmes auxquels de nombreuses associations étudiantes canadiennes se heurtent dans leurs tentatives de sortie de la fédération. En effet, l’AÉCSUM n’est pas l’unique association qui tente de sortir de la

FCÉÉ, pour cause de coûts d’adhésion exorbitants et de manque de représentation pourvu au niveau provincial. Ainsi, le syndicat des étudiants aux cycles supérieurs de l’Université de Toronto (UTGSU) ainsi que le syndicat étudiant de Concordia (CSU) et bien d’autres tentent également depuis plusieurs années de quitter la FCÉÉ. Dans le cas de l’AÉCSUM, la procédure dure depuis 2009 et c’est seulement en mars 2014 qu’un juge québécois, sur présentation d’une pétition organisée par M. Gesa, l’officier aux affaires internes de l’AÉCSUM, a imposé à la FCÉÉ la tenue d’un référendum de sortie à McGill. Double représentation? Pour Jonathan Mooney, l’adhésion de l’AÉCSUM à la

FCÉÉ est d’autant plus superflue que l’association est bien mieux représentée par la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), dont l’AÉCSUM fait également partie. L’éducation étant une affaire provinciale au Canada, un syndicat étudiant provincial est selon lui bien mieux placé pour représenter les étudiants qu’une fédération fédérale: «Nous sommes très bien avec la FEUQ, c’est plus démocratique, ils sont plus efficaces pour nous représenter, et c’est la FEUQ qui nous défend à l’Assemblée nationale, pas la FCÉÉ.» Sans surprise, et comme la semaine d’avant, la motion a été adoptée à l’unanimité, moins deux abstentions. Le résultat du vote sera connu le 16 janvier au soir. x

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POLITIQUE ÉTUDIANTE

Suzie sur tous les fronts! L’AÉFA a tenu son premier conseil législatif de l’année 2015. ESTHER PERRIN TABARLY

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’invitée du jour au premier conseil législatif du semestre de l’Association Étudiante de la Faculté des Arts (AÉFA) le 14 janvier dernier était la principale Suzanne Fortier, qui était également présente au conseil de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM) le lendemain. Mme Fortier a entamé la séance avec un discours sur l’engagement politique étudiant qui, selon elle, contribue à la mission d’une université qui est de «créer un bon environnement d’apprentissage mais aussi tendre la main vers le reste de la société.» La principale a insisté sur le fait que ces deux éléments sont ceux qui composent une université d’excellence, et s’est félicité d’y arriver avec la collaboration des organisations étudiantes. «Je sais que vous

nous aidez à poser un regard critique sur nos actions, à nous concentrer non seulement sur le passé mais surtout sur le futur.» La principale a conclu sur le fait qu’elle a mis à profit sa première année en poste le dialogue avec les différents acteurs du changement sur le campus, afin de mieux comprendre les questions. Controverse sur l’alimentation sur le campus Le discours a été suivi d’un dialogue entre la principale et les différents représentants, notamment sur le problème du restaurant Première Moisson dans la bibliothèque Redpath, qui selon de nombreuses organisations étudiantes ne correspond pas nécessairement aux besoins des étudiants. Mme Fortier et le viceprincipal adjoint Ollivier Dyens, également présent au début de la séance, ont justifié le choix de

Première Moisson par un sondage qu’ils avaient mené au terme de l’année dernière, dont le résultat soulignait la volonté des étudiants d’améliorer leur alimentation. De plus, Première Moisson présente selon Mme Fortier et M. Dyens l’avantage d’être un restaurant basé sur des principes de commerce équitable, et basé à Montréal contrairement à son prédécesseur Tim Hortons. Le débat a dérivé sur les négociations en cours à propos du collectif de l’AÉFA SNAX, dans le bâtiment Leacock, à la suite de la récente interdiction par l’administration de vendre des sandwichs. Cet arrêté était justifié par la violation apparente du protocole d’accord entre le collectif et l’Université. Le député Dyens est intervenu sur la controverse et a fortement insisté sur la possibilité pour toutes les organisations étudiantes de signer un vrai contrat

d’affaires avec l’administration afin de rentrer dans une relation partenariale pour changer la donne. «Quand on veut faire des affaires, a-t-il dit, il faut assumer les risques et responsabilités qui viennent avec.» Après le départ de Mme Fortier et du député Dyens, la question de SNAX a fait l’objet d’une discussion du conseil de l’AÉFA à propos des changements à venir. Les représentants ont exprimé leurs doutes sur lediscours de M. Dyens, soulignant

«Quand on veut faire des affaires, il faut assumer les risques et responsabilités qui viennent avec.»

le fait que SNAX est un commerce qui ne présente pas vraiment de risques, pour le moment. Motion pour l’adoption des nouveaux statuts électoraux Le comité de l’AÉFA a travaillé cette année au renouvèlement des statuts électoraux qu’ils considéraient comme obsolètes. Le directeur général de scrutin de l’AÉFA, Guillaume Bauchu, a expliqué que le contenu des nouveaux statuts n’est pas extrêmement différent de celui des précédents, mais que c’est sa présentation qui a beaucoup changé. Selon ses dires, «on l’a écrit à partir de zéro, ce qui signifie que ce n’est pas selon ce qu’on veut changer, mais selon ce qu’on veut tout court». Il n’y a pas eu de débat sur la question, et la motion pour adopter les nouveaux statuts est passée avec une opposition et une abstention. x

CAMPUS

Foule à Shatner Plus d’un millier de participants à la soirée des activités du deuxième semestre. LAURENCE NAULT

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a soirée des activités, une tradition du début de semestre, a eu lieu mercredi 14 janvier dernier en soirée. Dès 16h, plus de 200 clubs et associations étaient présents sur place afin d’attirer de nouveaux participants ou gagner du soutien. Bien que l’achalandage n’était nullement comparable avec celui de septembre, la soirée fut un succès. Plus d’un millier de participants ont visité les différents kiosques selon l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM). Le froid de janvier explique très facilement la baisse par rapport à septembre. L’événement, organisé par l’AÉUM, s’est déroulé à l’intérieur du bâtiment Shatner dont, contrairement à l’automne dernier, seuls deux des étages ont été utilisés. Cette nouvelle configuration a simplifié la circulation entre les salles, mais a cependant rendu la circulation entre les kiosques plutôt compliquée tant ils étaient près les uns des autres. La soirée des activités est pour de nombreux clubs la meilleure occasion de recruter. Si la plupart sont des clubs qui rassemblent les étudiants autour de leurs centres d’intérêts, plusieurs sont de nature

plus philanthrope, comme Heart of the City Piano Program, une association qui offre des cours d’initiation au piano gratuitement à des enfants qui n’auraient pas les moyens d’apprendre cet instrument autrement. Chloé Xavier, membre du club, affirme que la soirée des activités est leur principale source de nouveaux professeurs et une bonne occasion de rencontrer les pianistes francophones ou bilingues dont le club a grandement besoin. Du côté d’Unite For Sight, c’est au niveau international que le club essaie de faire une différence. Les membres organisent des soirées de financement pour amasser des fonds afin d’offrir des opérations de chirurgie oculaire gratuites dans plusieurs pays d’Afrique. Le club profitait de l’événement pour recruter de nouveaux membres pour son conseil exécutif. Selon Juliette Faes, l’une des membres, environ 20% des rencontres faites lors de la soirée des activités se transforment en réelle participation, un nombre tout à fait satisfaisant selon elle, étant donné le nombre élevé d’offres aux participants. L’engagement social n’était pas l’unique thème de cette soirée: plusieurs clubs sur place offraient aux étudiants de McGill des activités culturelles pour enrichir leur

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quotidien. Franc-Jeu, première troupe de théâtre francophone à McGill depuis plus d’une dizaine d’années, faisait la promotion de sa prochaine pièce, Le malade imaginaire de Molière, présentée au théâtre Mainline les 29, 30 et 31 janvier. Victor Gassmann, membre exécutif, souligne que Franc-Jeu offre aussi des ateliers d’improvisation pour les néophytes et des sorties au théâtre afin de découvrir la scène culturelle montréalaise. Adjacent au kiosque de Franc-Jeu, se trouvait la Commission des affaires francophones, un organisme relié à l’AÉUM et qui propose des cercles de conversation en français pour les étudiants souhaitant améliorer leur français, en plus de faire la promotion de la Francofête 2015 qui débutera la dernière semaine de janvier. La soirée des activités est aussi un défi organisationnel pour l’AÉUM. Autour de 19h, environ une trentaine de bénévoles s’affairaient à ce que tout se passe bien. Un parcours était déjà prévu d’avance pour diffuser autant que possible le trafic et s’assurer que tous les clubs auraient une occasion de se faire valoir. Une salle avait aussi été prévue pour accueillir les participants attendant leur tour afin d’éviter les désagréments liés au froid. x

léo arcay

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politique étudiante

Vague de départs à l’AÉFA

Le départ prématuré de la v.-p. aux affaires internes est le quatrième cette année. louis baudoin-laarman

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our la seconde fois cette année, le poste de vice-président aux affaires internes de l’Association Étudiante de la Faculté des Arts (AÉFA) est officiellement vide, et ce depuis le lundi 5 janvier. Roma Nadeem, la deuxième v.-p. aux affaires internes de l’AÉFA cette année, est actuellement en congé prolongé dû à des problèmes de santé qui l’ont obligée à suspendre momentanément ses activités scolaires et parascolaires.

Le poste de v.-p. aux affaires internes n’est cependant pas encore ouvert à l’élection d’un nouveau membre de l’exécutif et il a été décidé par le Conseil législatif de l’AÉFA le 15 janvier dernier que d’autres membres de l’exécutif seraient désignés pour se partager les différentes tâches de son portefeuille, en vertu de l’article 12.14 de la constitution de l’association: «Dans le cas d’une absence prolongée d’un membre du Conseil Exécutif, […] le Conseil aura l’autorité, si jugé nécessaire, de designer un remplaçant temporaire parmi ses membres».

Arts, Peterson et Ferrier). C’est cet aspect du portefeuille de la v.p. externe en particulier qui a été ralenti par son départ, affirme Ava Liu: «Je dois avouer que ce départ a été un des plus problématiques parce que les réservations de salles n’ont pas été traitées depuis un mois; Roma ne pouvait pas le faire, et nous ne le savions pas.» Les groupes liés à l’AÉFA peuvent désormais s’attendre à voir leurs demandes de salles aboutir d’ici peu, car d’ici la fin du mois, selon la présidente, tout devrait fonctionner comme au semestre dernier, sinon mieux.

Le départ de Roma est le quatrième cette année, après les départs et démission de la v.-p. finances, de l’ancienne v.-p. aux affaires internes, ainsi que de celui du v.-p. social. L’année dernière, ce sont deux personnes qui avaient quitté l’équipe en cours de route. L’association est donc habituée à gérer ce genre de situations. Ce départ se démarque néanmoins par sa gravité et l’effet qu’il produit sur l’équipe de l’exécutif qui espère le rétablissement rapide de Mme Nadeem: «Les membres de l’équipe sont tristes car ils s’en font pour Roma», explique Ava Liu. x

compagnies de commerce équitable et commerces au détail. Lors de ces séances interactives, qui visaient avant tout à «unir les acteurs» et créer une «force mobilisatrice», on sollicitait les participants pour connaitre leurs propositions qui permettraient de travailler à partir d’éléments centraux communs à tous. Les participants étaient toutefois conscients qu’il reste «encore beaucoup de chemin à faire» et que les trois jours de la conférence sont trop courts pour véritablement arriver à faire avancer le mouvement. On présentait également d’autres ateliers plus informatifs touchant différents aspects du commerce équitable, par exemple sur le café et les bananes – deux produits phares du commerce équitable. Des séances présentant des plaidoyers en faveur, par exemple, de villes, d’écoles ou de campus construits sur les principes du commerce équitable étaient également au programme. Ces ateliers, plus généraux, permettaient de rejoindre

un public plus vaste provenant de divers domaines.

Le choix de l’Université McGill comme hôte pour une conférence sur le commerce équitable à Montréal allait de soi. Mathieu Laperle, directeur principal pour le service de logement étudiant et hôtelier de McGill, explique en entrevue téléphonique avec Le Délit que le campus de l’Université est devenu le premier au Québec à obtenir la certification Campus équitable de Fairtrade Canada en 2013. La désignation Campus équitable exige entre autres de l’Université qu’elle offre du café, du thé et du chocolat équitables dans tous les endroits où les produits alimentaires sont gérés par les services alimentaires de l’Université. Tout le café disponible dans les bureaux des associations étudiantes et de l’administration, par exemple, doit donc être équitable, mais les

franchises présentes sur le campus, comme Subway ou La Prep, ne sont pas tenues de respecter les normes exigées par Fairtrade Canada, bien que McGill les encourage à adopter ces standards, nous confie monsieur Laperle. L’Université prend à cœur le commerce équitable et «essaye d’en faire la promotion et d’en parler» autant que possible, affirme Mathieu Laperle. «C’est pourquoi on a été emballé par l’idée d’accueillir la troisième conférence annuelle sur le commerce équitable cette année à McGill» ajoute-t-il. Même si trois jours paraissent très peu pour faire avancer la cause du commerce équitable à l’échelle canadienne, les nombreux ateliers offerts ont permis de rejoindre un vaste public provenant de domaines variés et ont encouragé les interactions entre les différentes entreprises qui ont le commerce équitable à cœur. Un bon point de départ pour faire bouger les choses sur le long terme. x

La pause n’est pas totale puisque le collectif continue de servir du café deux fois par semaine. Alors que les plaintes concernant la présence de rongeurs remontent aussi haut que le troisième étage de Shatner, aucun des autres lieux de restauration dans le bâtiment n’a annoncé de fermeture quelconque. Dans leur message, les bénévoles de Midnight Kitchen s’excusent auprès des étudiants qui comptaient sur l’organisation. Les rats ne sont pas les seuls soucis de l’organisation, dont le permis d’exploitation expire le mercredi 21 janvier, et qu’il devra renouveler auprès du ministère de

l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec afin de pouvoir continuer ses activités. Au semestre d’automne déjà,

Midnight Kitchen avait dû fermer pendant quelques jours pour cause de vandalisme dans la cuisine. x

Il a donc été décidé que la présidente de l’AÉFA, Ava Liu, s’occupera des aspect administratifs du poste, tandis que l’ancienne v.-p. aux affaires internes Leila Alfaro s’occupera du conseil représentatif, académique et des événements de première année (FEARC). Une troisième personne sera engagée sous peu afin d’assister Liu dans les tâches administratives du mandat de v.p. aux affaire internes, notamment les réservations de salles pour les groupes de l’AÉFA souhaitant organiser des événements dans les bâtiments de la faculté (Leacock,

conférence

Un campus équitable Tables rondes à McGill sur le commerce équitable. any-pier dionne

Le Délit

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a conférence annuelle canadienne sur le commerce équitable, organisée par le Réseau canadien du commerce équitable (RCCE), s’est tenue à l’Université McGill du 14 au 16 janvier dernier. Les ateliers et activités présentés au cours de ces trois jours visaient à informer le public sur le mouvement du commerce équitable et à ouvrir la porte à de nouveaux partenariats permettant de faire avancer la cause au Canada. De tout, pour tous La troisième édition de cette rencontre annuelle était présentée en collaboration avec l’Association québécoise du commerce équitable et Équiterre, une association citoyenne visant à encourager et sensibiliser les citoyens à vivre et consommer écologique et équitable. La conférence a réuni différents

acteurs du commerce équitable: entreprises de commerce équitable, certificateurs, institutions gouvernementales, organismes à but non lucratif, détaillants et représentants des universités, entre autres, figuraient parmi les quelque 350 participants inscrits cette année. Les principaux objectifs de la conférence étaient de renforcer la coordination entre les participants, inspirer de nouveaux partenariats ainsi que faire le bilan de l’évolution du mouvement du commerce équitable et préparer les stratégies pour les années à venir. Les étudiants et les militants, parmi les publics cibles des organisateurs, bénéficiaient notamment d’un rabais de près de 50% sur l’inscription à la conférence. La grande majorité du public se composait toutefois de gens d’affaires œuvrant dans le domaine du commerce équitable. De nombreux ateliers leur étaient donc destinés, par exemple pour présenter des stratégies de marketing et de collaboration entre

McGill, hôte désigné

brève

Un petit rat avec ça? esther perrin tabarly

Le Délit

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a présence de rongeurs partout dans le bâtiment Shatner n’est pas un mythe: les locaux du Délit en ont fait les frais et ne sont pas les seuls. L’organisation mcgilloise Midnight Kitchen semble être aussi parmi les victimes: elle a temporairement fermé ses portes ce début de semestre et ce jusqu’à la fin janvier, selon un agent d’entretien. Le collectif, qui sert des repas végétaliens gratuits ou par contribution volontaire, a été créé dans le but d’offrir aux étudiants l’occasion d’avoir un certain

6 ACTUALITÉS

contrôle sur leur alimentation et leur santé, tout cela dans un esprit d’anti-oppression capitaliste. Dans une annonce publique du 11 janvier dernier, le collectif explique qu’ils ne pourront pas servir de nourriture avant deux semaines au moins pour raison de «travaux d’amélioration obligatoires des locaux». Selon d’autres sources, c’est plutôt une infestation de souris qui aurait poussé le collectif à prendre cette décision, la cuisine étant hors d’usage. Toutefois, en tant qu’organisation indépendante de l’administration, financée uniquement par l’AÉUM, Midnight Kitchen a l’avantage de pouvoir interrompre ses services.

mahault engérant

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QUÉBEC

Une Charte des valeurs 2.0 Drainville a présenté la nouvelle version de la Charte des valeurs du Parti Québécois. Jérémie casavant-dubois

B

ernard Drainville, le député de Marie-Victorin, a présenté jeudi dernier une nouvelle version de la Charte des valeurs dans le cadre de la course à la chefferie. La version 2.0 de l’ancien projet de loi très controversé contient quelques modifications et tend plus vers le compromis que la première version présentée aux Québécois. Une des modifications les plus importantes est l’inclusion d’une clause des droits acquis, ou clause Grand-Père. La réglementation ne toucherait pas les actuels fonctionnaires de l’État mais la laïcité serait atteinte de façon progressive alors que tous les nouveaux employés seraient soumis à la Charte. Cela permettra d’intégrer la nouvelle réglementation sans revenir sur les conditions de travail déjà

obtenues par les employés. La clause Grand-Père avait déjà été utilisée lors de l’adoption de la Loi 101 au Québec en 1977 et avait facilité l’adoption de la loi de René Levesque à travers le Québec. Jean-François Lisée a même remercié son adversaire à la chefferie d’avoir intégré «sa proposition» de clause GrandPère dans un communiqué, lui qui avait jadis recommandé cette clause. Contrairement au projet de loi présenté en 2012, la Charte 2.0 exclut l’adhésion des universités. Selon M. Drainville, «lorsqu’on étudie dans un établissement d’enseignement supérieur, on est moins influençables sur le plan de l’identité religieuse», a-t-il déclaré en entrevue avec Benoit Dutrisac au 98.5 FM. Du même coup, il évite un possible mouvement de contestation de la part des étudiants.

La présentation de la Charte 2.0 arrive moins de deux semaines après les attentats à Paris. Toutefois, Bernard Drainville assure qu’il ne fait pas d’opportunisme politique. Certains l’accusent de profiter des événements autour de l’attentat de Charlie Hebdo pour faire mousser son projet et sa candidature mais le député de Marie-Victorin se défend en affirmant que la présentation de la Charte 2.0 avait été annoncée avant Noël: «repousser à plus tard [le débat sur la laïcité], c’est céder aux extrémistes et leur donner raison», a-t-il déclaré à La Presse. Bien conscient de son statut de député de l’opposition et de l’adoption quasi-impossible de la Charte 2.0 dans les trois prochaines années, Bernard Drainville appelle le premier ministre Philippe Couillard et son gouvernement à déposer leur projet de loi sur la laïcité. Lors

de la campagne électorale, le chef du PLQ avait affirmé qu’une version libérale de la Charte serait adoptée dans la première année de pouvoir. Ce projet de loi se fait toutefois encore attendre.

«repousser à plus tard [le débat sur la laïcité], c’est céder aux extrémistes et leur donner raison» Jeudi dernier, la ministre Stéphanie Vallée affirmait qu’un projet libéral sur la laïcité serait déposé avant l’été. Moins de 24 heures plus tard, le premier

ministre Couillard disait que ce serait plutôt avant la fin du mandat qu’avant l’été, brisant potentiellement sa promesse de déposer un projet de loi dans la première année de son mandat. Chez les jeunes libéraux de McGill, on réitère le désir de rassembler plutôt que de diviser les Québécois autour de la question des accommodements raisonnables et de la lutte à l’extrémisme: «Notre gouvernement mettra en place tous les efforts pour que le débat ne dérape pas comme cela fut le cas sous la direction du Parti Québécois qui a présenté un projet ayant pour but de diviser plutôt que de rassembler», commente Julie Thibault, v.-p. aux relations internes de l’association en entretien avec Le Délit. De plus, toujours pas question d’interdire le port de signes religieux dans la fonction publique: «le projet se voudra inclusif et consensuel», ajoute-t-elle. x

Montréal

Anonymous contre le SPVM Les hacktivistes menacent la police de Montréal à la suite de l’expulsion de sans-abris. également été retirés le 7 janvier. Il est aussi possible que le but de cette opération ait été de forcer la population du square Viger à passer la nuit dans des foyers, plutôt qu’à l’extérieur où les conditions météorologiques auraient pu s’avérer fatales. Cependant, beaucoup de sans-abris préfèrent dormir dehors, malgré les températures extrêmes, plutôt que de dormir dans les foyers qui sont souvent surpeuplés et parfois dangereux. De plus, le choix de ce square situé près du quartier touristique du Vieux-Port plutôt que d’autres parties de la ville où les sans domiciles fixes trouvent aussi refuge semble indiquer un souci d’esthétisme plutôt que d’éthique. Enfin, l’opération n’a pas simplement consisté en un tri des objets dangereux telles les seringues contaminées: des photos montrent des bulldozers poussant une montagne de coussins, sacs de couchage, sacs à dos et autres objets variés.

MATILDA NOTTAGE

Le Délit

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e campement improvisé du square Viger, situé près du Vieux Port, un lieu choisi par beaucoup de sans-abris pour passer les nuits glaciales de l’hiver montréalais, a été démantelé par des bulldozers d’équipes de la ville sous la supervision du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) le 7 janvier dernier. «Ce soir, on ne veut pas qu’ils dorment ici. Ils devront dormir ailleurs», a déclaré à CBC News Laurent Gingras, le Sergent relations médias de la police de Montréal. La manière dont le démantèlement du camp a été conduite, plutôt violente et par un froid de -22 C, a choqué de nombreuses personnes, dont le groupe Anonymous qui a décidé de réagir en confrontant le SPVM. Souci de santé, ou souci de beauté? Difficile de discerner les réelles intentions derrière cette expulsion. Laurent Gingras avait défendu l’opération en invoquant la propreté et la santé publique. En effet, de nombreuses seringues utilisées par les habitués du square et autres déchets ont

le délit · mardi 20 janvier 2015 · delitfrancais.com

Anonymous à la défense des itinérants

Matilda Nottage

Les images de l’intervention ont consterné beaucoup de Montréalais. Elles ont poussé le groupe «hacktiviste» Anonymous à intervenir. Le groupe, dont

la branche québécoise milite sous la bannière Op Safe Winter Montréal [Opération hiver en toute sécurité Montréal, ndlr], avait fait parvenir le 23 décembre dernier des couvertures et autres commodités aux sansabris du square Viger, lesquelles ont été confisquées lors du démantèlement. En réaction, Anonymous avait appelé les internautes à l’occupation du square Viger le 11 janvier lors d’un communiqué accompagné d’un vidéo publié en ligne le même jour. Le groupe y a également dénoncé les actions du SPVM et accusé la police d’avoir commis «un acte de guerre contre les plus pauvres des pauvres». Le communiqué réclamait également un moratoire permanent, interdisant la destruction de camps de sans-abris pendant l’hiver, du 1er décembre au 1er mars. Enfin, le 12 janvier, Anonymous a attaqué le site du SPVM à travers une avalanche de courriels, le rendant temporairement inaccessible. Aucune donnée n’aurait été compromise. Anonymous n’a donc pas connu un grand succès dans sa campagne de soutien à la population itinérante du square Viger et contre le SPVM. Le groupe a cependant annoncé qu’il reviendrait occuper le square, cette fois en plus grand nombre. x

actualités

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Société

Enquêtes

societe@delitfrancais.com

Quand voir droit, c’est voir double Où va la cohabitation linguistique dans l’enseignement du droit ? Amandine Hamon

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éguler, s’entendre, s’accorder et rendre justice… Comment enseigner le droit au Québec, où confluent deux systèmes juridiques issus de traditions différentes? L’Université McGill est un exemple de ce mariage entre deux traditions, deux cultures et surtout deux langues. Puisque le droit façonne en partie l’opinion publique, il semble légitime de se pencher sur cette question qui conjugue enseignement et justice au pluriel des langues officielles. Bijuridisme, double diplôme La faculté de droit de McGill propose un double diplôme (BCL/ LLB) enseigné en deux langues et destiné aux deux systèmes de droit, à savoir le système de common law d’inspiration britannique et le système de droit civil d’héritage français. C’est ce qu’on appelle le bijuridisme, système qui existe également aux États-Unis pour l’État de Louisiane ou encore au RoyaumeUni pour l’Écosse. On le définit comme la coexistence de deux systèmes juridiques dans une société, reflétant deux types de valeurs et de raisonnements. Les étudiants en droit de McGill doivent étudier les fondements de ces deux traditions, ce qui est censé les préparer à travailler au Québec, mais aussi dans le reste du Canada. D’après le professeur Robert Leckey, directeur du Centre Paul-André Crépeau de droit privé et comparé, c’est une richesse d’apprendre deux types de raisonnements, «c’est comme deux écoles de philosophie qu’on étudie dans un même cours». Il ne faut pas voir la cohabitation bijuridique de façon binaire, mais comme l’intégration de deux courants. Les deux traditions juridiques sont en fait fondamentalement différentes, dans leurs origines mais aussi dans leur fonctionnement. Visions divergentes, question d’héritage Progressivement élaborée depuis 1066 en Angleterre, la common law repose sur un raisonnement inductif, une démonstration empirique basée sur la jurisprudence et les cas antérieurs, un

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projet qui visait premièrement à uniformiser le droit britannique. À l’opposé se trouve la tradition civiliste d’inspiration française, descendant du droit romain, qui repose sur un raisonnement déductif, rationnel et théorique. En 1760, lorsque les colonies françaises du Canada deviennent britanniques, les Anglais y instituent des lois intégralement issues de la common law. Inquiets, les habitants de la Nouvelle-France réclament le retour aux lois d’inspiration française et réussissent à regagner une partie de ce système dans l’Acte de Québec de 1774. À partir de ce moment, le droit privé au Québec est régulé par le droit civil français, alors que le droit public reste régit par la tradition juridique britannique. La loi constitutionnelle de 1867 permet de confirmer le partage des compétences juridiques entre les provinces et l’autorité centrale. Il est décidé que le droit privé sera régulé en grande partie par les provinces alors que l’État fédéral régulera principalement le droit public et une partie du droit privé. Alors que les autres provinces du Canada sont régies intégralement par la common law, le Québec conserve ainsi partiellement son système civiliste. Professeur de droit public et constitutionnel à l’UQAM, Rachel Chagnon illustre cette différence avec le précepte de bon voisinage. Elle explique qu’en droit civil, un avocat aura un raisonnement en entonnoir qui part du principe qu’un bon voisin ne doit pas tailler la haie de l’autre et peaufinera ensuite sa théorie en utilisant des exemples plus précis. Un avocat de «common law» ira chercher la décision de justice dans les annales sur laquelle il reposera sa ligne de défense, arrivant au même résultat que son collègue civiliste, mais par un raisonnement inverse. Selon Rachel Chagnon, c’est par l’organisation de la pensée juridique, la façon d’apporter la défense et celle de poser les arguments de plaidoirie que les avocats de common law et les civilistes se distinguent. D’après Robert Leckey, même si les termes juridiques diffèrent fortement, cette intégration est le symbole d’une unité dans la vie sociale canadienne. Plus que des systèmes juridiques divergents, le professeur voit ces raisonnements comme deux langues qui se complémentent. C’est

Amelia Rols

donc, d’après lui, un véritable atout et une force pour les futurs avocats que de connaitre ces deux façons de raisonner, ce qui constitue l’avantage de McGill sur les autres universités. Conception ad hoc Comprendre les deux traditions juridiques est donc un avantage dans la mesure où cela donne aux étudiants la possibilité d’envisager leurs cas avec deux raisonnements, et donc potentiellement de voir des solutions qu’un autre avocat n’aurait pas envisagées. Michaël Lessard, étudiant de la faculté de droit de McGill et rédacteur en chef du journal web Point De Fuite, explique que le fait de se concentrer sur les deux systèmes juridiques en même temps permet d’étudier les grands principes plus que les détails. «On n’apprendra pas tous les articles avec autant de profondeur qu’eux le font» dit-il, en se comparant aux étudiants d’autres universités. Il ajoute qu’à McGill, on fait plutôt des débats d’idées,

on explore les grands principes du droit, ce qui aide à acquérir certaines facultés d’analyse, de réflexion et une richesse intellectuelle. Malgré le concours de plaidoirie auquel McGill participe régulièrement, les cours magistraux n’offrent pas beaucoup d’expérience professionnelle, elle doit donc s’acquérir en cherchant des stages à l’extérieur. «Être trop technique, c’est passer à côté de l’essence du métier d’avocat. Je ne suis pas là pour me préparer au Barreau, je ne veux pas de prémarché du travail» déclare M. Lessard. Un angle mort ? Le manque de pratique serait la faiblesse de la faculté de droit de McGill, l’intellectuelle qui prône l’enseignement par les grands débats d’idées. Il y a une forme de «snobisme de la part des facultés plus anciennes» dénonce Rachel Chagnon. Selon elle, pour former un bon avocat et lui apprendre à réfléchir en juriste, il faut un équilibre entre la connais-

sance des origines du droit et la compréhension détaillée des articles pour être en mesure de décortiquer le code. À l’UQAM, la pratique du droit est mise en avant au moyen de stages, d’activités. Selon Rachel Chagnon, il n’est pas nécessaire d’avoir un double diplôme pour devenir juriste au Québec puisque les étudiants touchent à la common law en droit public. «Beaucoup de nos étudiants restent au Québec», soutient-elle. Il n’est pas sûr que les diplômés de McGill, leurs LLB/ BCL en poche, passent l’examen du Barreau du Québec. D’après Robert Leckey, près de la moitié des étudiants en droit à McGill viennent de l’extérieur de la province, et n’ont donc pas forcément tendance à y rester. Selon Michael Lessard, même si le programme LLL/BCL est enseigné de façon bilingue, certains étudiants anglophones peuvent s’en sortir sans parler un très bon français, et ne resteront sans doute pas au Québec pour y exercer la profession d’avocat.x

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Enquête

Choix discutable, choix discuté Quelques voix apportent une perspective musulmane sur la publication des unes. Céline Fabre

Le Délit

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ouze couvertures de l’hebdomadaire français Charlie Hebdo on été publiées dans la dernière édition du Délit: une façon pour l’équipe de rendre hommage aux victimes de l’attentat du 7 janvier et de soutenir les idéaux de liberté d’expression sous-jacents qui animent l’esprit du journal. Cependant, face à la chaleur du débat autour des republications des caricatures du journal satirique, les membres de l’équipe se sont proposés une enquête sur les différentes interprétations des notions de liberté d’expression et de laïcité dans le cadre spécifique de l’université. Une pertinence contestée Parmi les étudiants mcgillois interrogés à propos du dernier numéro du Délit, outre une vague de sympathie de la part du lectorat, quelques personnes ont fait part d’une incompréhension, voire d’une certaine méfiance

concernant les réelles intentions du journal francophone étudiant. Ahmer Wali, président de l’Association étudiante musulmane de McGill (MSA), a perçu la double page ornée de couvertures, dont certaines tournaient en dérision le prophète Mahomet, comme une offense à une communauté déjà minoritaire dans des territoires tels que le Québec ou la France. Selon lui, la publication de ces images n’était pas nécessaire et visait plutôt le sensationnalisme en s’inscrivant dans le mouvement général de propagation de ces dessins à travers le monde. Zapaer Alip, éditeur au Mcgill Daily, est quant à lui sceptique. Il considère que les attaques perpétrées envers les membres de Charlie Hebdo étaient démesurées, mais souligne que «le fait de publier ces caricatures tend à privilégier un peu trop une partie du débat en aliénant la discussion». Ainsi, le décalage entre les intentions du journal et les réactions de ces deux étudiants musulmans anglophones illustre les obstacles auxquels se heurte

le délit · mardi 20 janvier 2015 · delitfrancais.com

la quête de liberté d’expression. On constate que, même au sein de l’espace restreint que constitue le campus de McGill, la barrière du langage et les perceptions particulières de chacun peuvent donner lieu à des confusions concernant les messages qui cherchent à être transmis. Pour certaines minorités, ce genre d’actes est difficilement vu autrement que comme une provocation, c’est ce qu’explique Ahmed Fekry Ibrahim, professeur assistant en loi islamique au département d’études islamiques de McGill, au cours d’un entretien avec le Délit: «Il semblerait qu’il existe un sentiment chez de nombreux musulmans – à McGill mais aussi dans le monde et au sein de minorités marginalisées comme c’est le cas en France –, le sentiment que la seule chose qui les réunit et les maintient unis en tant que communauté est une certaine mémoire collective du Prophète et de la foi. Toute attaque à l’égard de cette mémoire devient et est alors interprétée comme une menace pour leur identité.»

Après les attaques contre l’hebdomadaire français le 7 janvier dernier, Ahmed Fekry Ibrahim, visualise deux problèmes majeurs. Le premier est le pouvoir qu’ont certaines idéologies au sein du discours islamique et le besoin de réformes concernant ce même discours, qui permettrait un meilleur accord entre les différentes interprétations de l’Islam et entrainerait moins de courants extrémistes. Le deuxième est la capacité des États – notamment l’État français –, à intégrer les communautés immigrantes sachant qu’elles représentent une minorité et sont déjà victimes de stigmatisations. Ahmer Wali avait aussi mentionné ce problème au Délit en soulevant le fait que certains de ses amis musulmans qui vivent en France sont souvent victimes de discriminations. Selon le professeur de loi islamique Ahmend Fekry, «la notion même d’intégration est problématique car la France se définit comme un pays laïque mais il y a un conflit concernant la limite entre cette notion et celle de propos diffamatoires. Bien sûr, la liberté d’expression

est une valeur importante, mais le maintien de l’ordre publique l’est aussi». Il souligne également l’hypocrisie du gouvernement français qui d’un côté, prône la liberté d’expression, mais de l’autre, censure de nombreux propos antisémites. De la même façon, Zapaer soulève ce déséquilibre en comparant la liberté d’expression des journalistes français avec l’interdiction du port de voile pour les femmes musulmanes, chose qu’il voit pourtant comme une forme d’expression au même titre que la liberté de la presse. Ahmend Fekry ajoute que le rôle des médias est aussi de juger ce qui entre dans la catégorie des propos diffamatoires. «Différents journaux, chaînes de télévision ont leurs propres politiques intérieures qui sont parfois influencées par des enjeux politiques, commerciaux mais aussi, je l’espère, par la notion d’ordre publique. Reste que la délimitation entre ce qui est offensif et relève du racisme et ce qui est une représentation valide dans le cadre de la liberté d’expression n’est pas une question simple.»x

société

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Points de vue Opinion

Rires et pouffements Exacerber les peurs pour mieux les jeter au pied du mur. Théo Bourgery

Le Délit

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ercredi 7 janvier 2015, policiers, agents de services, journalistes, illustrateurs, pères, mères, provocateurs, grandes gueules, artistes, soldats, citoyens seront morts pour rien mais laisseront dans leur sillage la volonté humaine d’une démocratie qui nous dépasse par sa grandeur, son exemplarité, sa transparence, son honnêteté. Un coup de crayon pour définir l’humanité. Une Clio pour dépasser le mur du son – excusez mon mauvais goût. Par le dessin et les mots crus, la limite de la tolérance a été poussée à bout, sans jamais être dépassée. L’extrémisme a été mis à bas, les caricaturistes ont choqué, non pas par plaisir, mais parce qu’ils en avaient le droit. Une liberté n’est aimée que lorsqu’elle est vécue jusqu’au bout. L’une des spécificités du journal attaqué, Charlie Hebdo, était le choc par l’humour. De

mauvais goût de temps à autre, mais ne vous êtes-vous jamais senti mal à l’aise devant un sketch de Coluche, ou à l’écoute de Brassens? Dire les choses par le rire – qui, pour les esprits les plus mal placés, se transformait en étouffement –, la caricature et le grossier, c’était la marque de fabrique de Charlie. Un peu comme Desproges qui fustigeait les Juifs pour mieux leur déclarer son amour. Qu’en est-il de ce rire, sur tout et avec tout le monde? Ce rire jaune mais libérateur; celui qui exacerbait les peurs pour mieux ensuite les jeter au pied du mur? L’heure, il semble, n’est plus aux pouffements, quand bien même l’amalgame à venir a de quoi se tordre: deux musulmans extrémistes qui déciment une rédaction, symbole fort de la démocratie, n’est-ce donc pas le signe que la France est «en guerre»? Et contre qui? Le radicalisme religieux, certes. L’islam aussi, au vu de certains, car que certains pratiquants marginaux deviennent la

Luce Engérant

norme, cela en arrange plus d’un. L’islam et ses amalgames ne sont donc plus matière à humour, mais plutôt à polémique. Comme

si les deux ne pouvaient pas aller ensemble. Gardez-vous bien de faire des blagues: elles sont le symptôme d’un malaise social

plus profond. Le rire comme rhétorique n’est plus: il abime plutôt qu’il ne guérit. Sacraliser pour mieux ridiculiser, c’est de mauvais goût aujourd’hui. Le massacre de Charlie Hebdo, c’est une attaque directe à l’humour comme outil de dénonciation politique. Et cela, il faut le dire, n’a rien de poilant: Charlie Hebdo incarnait un rire combattant: le voilà à terre, du moins pour le moment. Desproges faisait de même sur scène et sur France Inter: aujourd’hui, il se retourne au fond de sa tombe. L’humour laisse place au dogmatisme, pour le meilleur et pour le pire. Il ne s’agit pas de s’esclaffer devant un tel massacre; souvenons-nous seulement que l’humour n’est pas synonyme d’apologie. Il peut aussi exacerber des tensions et des faux débats et les mettre à mal. Il dénoncera le radicalisme tout autant que les amalgames ambiants. Il se rapprochera un petit peu de la Vérité et fera poiler son auditoire.x

Économie

William, le talent bienfaisant

Un documentaire de la compagnie {group theory} diffusé gratuitement à McGill. Kamil Kouhen

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n présentant le documentaire William & the Windmill, la branche mcgilloise de la Société nationale des ingénieurs noirs et le MasterCard Foundation Scholars Program, destinés à accompagner financièrement les nouveaux talents

gracieusetE de {group theory}

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société

africains désavantagés économiquement, semblent s’être donné la mission de sensibiliser les étudiants choyés aux difficultés économiques qui bloquent l’accès à l’éducation pour d’autres. L’histoire commence dans un petit village du Malawi et raconte comment un jeune adolescent, William Kamkwamba, fabrique une éolienne avec des matériaux trouvés sur un terrain vague. Il parvient à alimenter sa maison en énergie si bien qu’il acquiert une réputation qui le conduira jusqu’à une conférence TED (Technology, Entertainment & Design) en Tanzanie. Le garçon est ensuite pris en charge par Tom Rielly, l’un des dirigeants de la fondation américaine TED avant d’écrire une autobiographie dont le succès est international: The Boy Who Harnessed the Wind. Le documentaire rend bien compte du conflit constant entre la médiatisation volontaire du garçon et sa réussite individuelle. Entre l’opportunité

d’effectuer de grandes études et la possibilité de récolter des fonds pour un village, le cas de William pose la question de la gestion d’une gloire fulgurante dans un milieu qui peine économiquement. L’histoire semble dire que l’équilibre se trouve dans l’extraordinaire humilité du garçon qui lui permet de continuer à aider son village en construisant, entre autres, une nouvelle école. La force du documentaire réside ainsi dans le sentiment de profonde humanité communiqué par le contraste assumé entre la nouvelle vie de William étudiant au Dartmouth College appartenant à la Ivy League et l’évolution d’un village bouleversé par le génie d’un de ses enfants. De manière plus générale, le visionnement de William & the Windmill interroge la manière de mettre en avant les jeunes talents d’Afrique et l’épanouissement d’une génération confrontée aux nouveaux enjeux d’un continent

de plus en plus imposant. Alors qu’il avait été, comme bien d’autres, obligé de quitter l’école secondaire en raison de l’extrême pauvreté de sa famille, William Kamkwamba se retrouve inscrit dans un lycée sud-africain prestigieux ayant pour but de former les futurs leaders du continent (African Leadership Academy) avant ses études supérieures à Dartmouth College. Peut-on simplement justifier cette ascension par une persévérance admirable? Le concours de circonstances et l’éclair de génie ont manifestement joué leur rôle et le cas du jeune homme demeure exceptionnel. La question de l’accès à l’éducation et plus spécifiquement à un enseignement supérieur de qualité se pose pour des millions d’enfants et d’adolescents africains dans un temps où la majorité des modèles économiques s’entendent sur l’importance de l’éducation dans le développement économique. La génération

gracieusete de {group theory}

à venir pourra-t-elle jouir d’un enseignement plus accessible, aidée par quelques coups de pouce comme celui de William? Un documentaire comme celui-ci, plein d’espérance, d’enthousiasme et d’humanité donne à voir aux étudiants que la question économique est indissociable de l’accès à l’éducation, que le talent est une chose, mais qu’il doit être soutenu financièrement pour pouvoir répandre efficacement ses retombées bénéfiques.x

le délit · mardi 20 janvier 2015 · delitfrancais.com


Culture articlesculture@delitfrancais.com

entrevue

Une entrevue en parallèle

Rencontre avec Stéphanie Lapointe au sujet de son dernier album, Les Amours parallèles. virginie daigle

Le Délit

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téphanie Lapointe, c’est d’abord et avant tout une carrière qui s’est dessinée hors des sentiers battus et convenus par Star Académie. Avec sa voix enfantine et douce à l’excès, au-delà d’être une chanteuse interprète, elle est également devenue actrice à ses heures et a effectué un travail de documentariste lors de projets humanitaires en Haïti et au Darfour. Tout chez elle évoque une harmonieuse superposition, des mélodies et de nombreux projets, comme son dernier opus musical, le disque Les amours parallèles. Son album précédent, intitulé Donne-moi quelque chose qui ne finit pas, est paru en 2009. Elle explique cette absence relativement longue au Délit: «Je ne voulais pas faire ce projet si les bons éléments n’étaient pas réunis, je faisais tellement d’autres choses, des documentaires, des projets de fiction… Le fait d’avoir tant de projets m’a permis de prendre ce temps entre les albums, sans être dans l’urgence de faire quelque chose.» Un des initiateurs les plus importants du projet fut pour elle Joseph Marchand, réalisateur de son disque précédent et deuxième moitié du duo expérimental Forêt avec Émilie Laforest. «C’est vraiment lui qui m’a donné le petit coup de pied qu’il fallait; à force de ne pas faire de musique [...] je me demandais si j’avais encore ma place, si j’étais capable. J’avais un peu le vertige et il m’a beaucoup aidée à avoir confiance.» Quelle est l’idée principale, le moteur, qui a dirigé le disque de sa conception à son lancement en novembre dernier? Tout simplement, et ç’en est presque audacieux de conventionalité, l’amour: «L’amour, c’est un thème qui peut être abordé sous tellement de facettes, je trouvais ça super intéressant comme défi d’aborder des questions comme le pardon par exemple.» Mais comment réinventer la question de l’amour le temps d’un album sans tomber rapidement dans le piège impardonnable du cliché? En s’entourant de collaborateurs à la fine fleur de la créativité dans le milieu musical québécois, et surtout, de partenaires motivés à faire quelque chose de véritablement unique au profit de leur interprète. C’est ainsi que l’on retrouve au générique

des Amours parallèles non seulement les talents de Forêt, déjà mentionnés, mais également une pléthore d’artistes émérites tels que Philippe B, récemment couronné à l’ADISQ dans la catégorie «Auteur ou compositeur de l’année», Philémon Cimon, qui a ravi la critique l’année passée avec son album poétique et mesuré L’été, Stéphane Lafleur chanteur du groupe indépendant Avec pas d’casque, la poète Kim Doré, ainsi que, le temps d’une parenthèse anglophone dans l’album, l’auteur-compositeur aux sonorités blues Leif Vollebekk.

«Joseph Marchand m’a beaucoup aidée à avoir confiance.» Comment un tel regroupement de talents est-il advenu? «Avec chaque auteur, c’est des histoires complètement différentes. Pour Philippe B, ça a été le premier auteur avec qui j’ai travaillé. Philippe, je l’ai connu avec Pierre Lapointe, il m’avait composé deux chansons du disque précédent. Je ne le connaissais pas tant que ça parce que c’était vraiment Pierre le lien. Entre temps, il a sorti les albums fabuleux qu’on lui connaît puis j’ai été vraiment touchée par le gars, par sa plume, par sa démarche. Finalement, on s’est super bien entendus, on était touchés par les mêmes thèmes, il aimait ma proposition esthétique pour l’album, ça s’est construit un peu comme ça.»

point en commun de tous les artistes avec lesquels j’ai travaillé à l’écriture de l’album, c’est que tous ces gens-là avaient le goût d’écrire pour le projet. Souvent, ce qui peut arriver quand tu es interprète, c’est que t’appelles des gens et [ils t’offrent] des chansons qui n’ont pas été prises pour leur projet ou qu’ils avaient écrites pour d’autres, ou des chansons qu’ils ont tout court dans leurs affaires, et ils te proposent ça. Mais moi de la façon dont ça s’est fait, avec Stéphane Lafleur, avec Philémon, on s’est assis à la maison et chaque fois qu’on abordait un thème on se demandait ce qui n’avait pas été encore abordé sur l’album pour ne pas se répéter.» Et c’est ainsi que chaque chanson offre un nouveau regard sur l’éternelle et inépuisable thématique de l’amour. Par exemple le titre Les amours parallèles (Philipe B) aborde la naissance continuelle des amours au creux du foisonnement mondain de la ville, De mon enfance (Philémon Cimon) explore la difficulté du désenchantement amoureux quand vient le temps de grandir, et N’entre pas sans désir (Kim Doré / Forêt) est une exploration poétique de l’attente languissante, charnelle et désespérée pour l’être aimé. «Le thème c’est vraiment l’amour, mais chaque auteur est venu laisser son petit bout d’histoire au projet. J’abordais ce projet-là comme un espèce de gros puzzle en me disant que chaque auteur allait venir avec la pièce manquante du puzzle et on allait finir par faire un tableau.»

Comment réinventer la question de l’amour le temps d’un album sans tomber rapidement dans le piège impardonnable du cliché?

«Philémon, c’est Joseph qui me l’a présenté; quand je l’ai rencontré, ça a vraiment été comme un gros coup de cœur, parce que c’est quelqu’un d’un peu complexe, de réfléchi. Moi, ça m’attire les artistes comme celui-là, dont tu sens que derrière leur démarche, il y a vraiment une réflexion. [Chez Philémon Cimon] c’est aussi fort au niveau des textes que musicalement.» Pourtant, cette polyphonie d’auteurs éclectiques garde une élégante unité au sein de l’album, et ce grâce à la voix et à la présence unificatrice de Stéphanie Lapointe. «Ce qui est un peu le

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Parmi tous ces collaborateurs s’en trouvent également des légendaires, par le biais de la reprise: soit Un jour comme un autre, chanson qui avait été écrite par Gainsbourg pour nulle autre que Brigitte Bardot, ainsi que Pourquoi, de Jane Birkin. Des deux amantes célébrissimes de Serge, y en a-t-il une qui attire davantage les faveurs de Stéphanie? «J’aime beaucoup Brigitte Bardot, je trouve que c’est un symbole fort de l’époque. Mais à un niveau artistique, je connecte vraiment plus avec ce que Jane Birkin dégageait, cette femme-là, son énergie… J’ai eu la

simone records

chance de la rencontrer il y a un peu plus de deux ans à Montréal, parce que je faisais sa première partie. J’ai trouvé qu’elle était tellement belle, avec tout ce qu’elle a vécu, c’est comme rencontrer une grande page d’histoire, c’est vraiment impressionnant.» Dix ans après son ascension fulgurante à la célébrité grâce à Star Académie, que perçoit-elle de différent dans l’univers musical où elle a su dénicher sa place bien à elle? «Je trouve [qu’en musique] on a été tellement secoués par rapport à plein de choses ces dernières années et j’ai l’impression qu’on se relève de petites guerres et qu’il y en a toujours d’autres qui arrivent. Par exemple, avant, notre support principal c’était vraiment le disque et le disque allait vraiment somme toute bien il y a dix ans. Puis, il y a eu l’avènement d’iTunes et les gens se sont mis à télécharger les chansons, et juste au moment où les compagnies de disques commençaient vraiment à comprendre un peu les nouvelles stratégies et comment utiliser Facebook et les autres plateformes, là le streaming a commencé et ça, c’est un peu comme la nouvelle affaire contre laquelle les musiciens doivent se battre. Je ne suis pas nécessairement contre le streaming mais j’ai l’impression qu’il y a vraiment une question à se poser sur ce que les compagnies d’Internet devraient payer comme redevance aux artistes. Ce qui arrive en ce moment c’est que les gens achètent des ordinateurs, paient pour des réseaux Internet pour se procurer du contenu, mais les

gens qui fabriquent ce contenulà, les artisans des films et de la musique, c’est les moins payés au bout du compte. C’est un peu pour ça qu’en ce moment je me dis qu’il faut vraiment aimer ça pour faire ça parce qu’on travaille comme des fous sur des projets de disque et puis au bout du compte, c’est difficile. C’est vraiment difficile pour tout le monde en ce moment.»

«Il y a une question à se poser sur ce que les compagnies Internet devraient payer comme redevance aux artistes.» On sent en effet qu’énormément d’efforts, et bien sûr, d’amour, ont été mis dans la création et la réalisation des Amours parallèles qu’on pourra voir sur scène lorsque la chanteuse amorcera sa tournée au printemps prochain. Au final, Les amours parallèles, c’est un ouvrage délicat et travaillé où l’on retrouve des paroles et des mélodies qui traversent les gens, les sexes et les générations pour terminer finement entrelacées entre les mains et dans la voix d’une artiste qui n’en finit plus de charmer. x

Les amours parallèles Stéphanie Lapointe Simone Records

culture

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CINÉMA

Coup de foudre à Montréal Le réalisateur québécois Maxime Giroux revient avec l’histoire d’un amour impossible. noor daldoul

Le Délit

A

près Demain et Jo pour Jonathan, Maxime Giroux réalise avec Félix et Meira son troisième long métrage. Prix du meilleur film canadien au Festival International du Film de Toronto et Louve d’or du meilleur long-métrage de la compétition internationale du Festival du nouveau cinéma, Félix et Meira arrive en grandes pompes sur les écrans québécois dès le 30 janvier prochain. Véritable film intimiste au cœur du Mile End montréalais, il est particulièrement bien servi par le jeu parfait des acteurs. Maxime Giroux, qui avait déclaré vouloir avec le cinéma «témoigner à sa façon de son époque, de sa société» afin de faire de ses films des archives sur le monde qui l’entoure (Voir, 17 mars 2011), décide de révéler l’histoire d’amour entre une juive hassidique et un Québécois athée dans un quartier où les deux communautés vivent côte à côte sans se côtoyer ni se connaitre. Parfois sujet de quelques documentaires (par exemple, Shekinah de Julie Caron, 2013), plus rarement sujet de films de fiction, cette branche du judaïsme

est souvent mal connue. Pour tous ceux moins familiers avec les us et coutumes des juifs hassidiques, ce film est l’occasion de découvrir quelques aspects de cette communauté fermée dans laquelle le

petite fille, détonne au milieu de ce mode de vie quadrillé dans lequel son mari aimerait tant la voir confinée. Celle à qui on interdit de dessiner et d’écouter de la musique se demande «comment c’est d’être

par rapport à l’autre. Sa caméra, neutre, alterne entre le quotidien de l’un et de l’autre. Quand les deux personnages sont ensemble, la pudeur de la caméra perdure afin de respecter l’essence de chacun. julie landreville

réalisateur a réussi à pénétrer. On y apprend l’existence de règles extrêmement strictes qui interdisent par exemple aux femmes de regarder les hommes dans les yeux, de porter des jeans ou de montrer leurs cheveux. Meira (Hadas Yaron), juive hassidique mariée et mère d’une

comme les autres». Félix (Martin Dubreuil), lui, est un électron libre qui rejette les responsabilités familiales et financières, sans valeurs religieuses et déboussolé par la mort de son père. Le brio de Giroux tient en ce qu’il ne tombe pas dans une logique de jugement ou de préférence d’un mode de vie

Giroux présente simplement deux mondes différents: l’un soumis à des règles strictes, l’autre plus libre. Pourtant, à travers cette histoire d’amour, on se rend compte que chacun des personnages parvient grâce à l’autre à comprendre quelque chose d’essentiel: Félix fait enfin le deuil de son père et

Meira réalise que vivre enfermée au sein de cette communauté et de ses carcans la tue à petit feu. Mais quitter son mari et être avec un autre homme signifie être bannie pour toujours de sa communauté juive. Ballotée entre ses désirs et ses peurs, Meira doit faire un choix. Le jeu entre ombre et lumière parcourt le film, symbole de l’opposition entre ces deux mondes mais aussi des combats intérieurs des personnages. Giroux sait arrêter le temps avec quelques longues séquences, des temps-morts qui fascinent. Habité par les silences, le film ne commence ni ne finit jamais vraiment. Malgré la frustration de ne pas avoir de conclusion euphorique, il y a là une force de la part du réalisateur, celle de préférer aux fins heureuses les complexités et les doutes qui parcourent réellement toutes les relations amoureuses en dehors des écrans. Au fil de ce film, ce sont deux quotidiens qui se rencontrent, et seulement ça. Sans a priori, avec beaucoup de pudeur et d’esthétisme. Aérien, intense et beau, sublimé par la chanson de Wendy Rene After Laughter Comes Tears, Félix et Meira vous cloue à votre siège jusqu’à la toute fin du générique. x

exposition

«Making money is art.» «Warhol s’affiche» au MBAM. arthur corbel

Le Délit

R

oi de l’art? Roi du marketing? Warhol a tout fait, touché à tout. Si une exposition devait retracer toute son œuvre, elle devrait concilier films, musiques, photographies, peintures, dessins… Difficile. Seule la fameuse Factory de l’artiste pouvait harmoniser un tel ensemble. Le Musée des beaux-arts de Montréal devait donc faire un choix et a pris le parti de l’affiche publicitaire. Le marketing est sans aucun doute l’un des domaines de prédilection de Warhol. Sa technique de la photographie sérigraphiée, la simple efficacité de son œuvre et sa maîtrise du graphique feront sa gloire. Tout est déjà présent dans ses représentations de la soupe Campbell qui marquent le début de sa carrière Pop Art. À partir de ce moment, il recevra de nombreuses commandes d’affiches publicitaires. Chronologiquement, c’est là

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Culture

que l’exposition entre en scène. Ce sont ces commandes qui vont suivre que le Musée propose au visiteur. Warhol en réalisera cinquante-deux, «toutes présentes à une exception près» précise Diane Meunier, guide bénévole au musée. La représentation de célébrités, pour des promotions de disques, ou pour des couvertures de magazines, occupe une place centrale dans son portfolio d’affiches. Warhol fait toujours efficace, il prend une caractéristique principale et la représente sans artifice. La technique est compliquée mais le message est simple. Ainsi, Diana Ross est représentée très sensuelle, les Beatles sont sympathiques à souhait, et le groupe japonais Rats and Stars est bleuté pour se rapprocher physiquement des artistes R&B afro-américains. Un message artistique ne saurait être plus direct que celui de Warhol. Cependant, il lui arrive de faire quelques écarts. C’est le cas avec une étrange représentation

d’un cochon très coloré dont Diane Meunier nous raconte l’histoire: «il devait faire une affiche pour une imprimante couleur. Warhol, trouvant une imprimante bien trop laide, décide plutôt de prendre un cochon comme modèle». Dans un élan de génie publicitaire, il photographie un vrai cochon sur lequel il peint des fleurs. Cette affiche délirante pour un produit qui l’est très peu est ornée des mots «As pretty as a pigture». Warhol est assurément un personnage insolite. Même les personnalités françaises ont droit à leur part d’affiches puisque l’exposition présente également des portraits de Jean Cocteau et de François Mitterrand, réalisés respectivement pour Libération et Le Nouvel Observateur. Cependant, le coup de génie de Warhol ne se trouve pas dans le portrait des personnalités, mais plutôt dans le portrait des marques. Dans les représentations de Perrier ou d’Absolut Vodka présentes à l’exposition, Warhol semble

éléonore nouel

peindre le portrait des bouteilles comme il le ferait pour des êtres humains. Cette tendance à donner une image plus humaine à des objets influence aujourd’hui les philosophies du marketing: CocaCola veut apparaître comme une marque heureuse, Apple comme une marque créative. Warhol a-t-il

alors eu une influence sur le marketing moderne? Diane Meunier répond à l’affirmative. Il semble cependant presque logique que Warhol influence une activité si lucrative en écoutant ses réflexions sur l’argent. Oui, définitivement, faire de l’argent, c’est de l’art. x

le délit · mardi 20 janvier 2015 · delitfrancais.com


exposition

Détour vers le futur Quand l’avenir attaque, la Biennale contre-attaque. céline fabre

Le Délit

C

omme d’ordinaire et en vertu de son mandat, la Biennale du Musée d’art contemporain de Montréal s’est donnée pour but de «soutenir des propositions artistiques audacieuses» en «offrant au public des expériences contrastées». C’est du moins ce qu’on peut lire sur la brochure de «L’avenir (looking forward)», le nom donné à l’édition 2014 dans laquelle nous sont promis des questionnements sur le futur, le modernisme et tout ce qui relève de «l’après». Mais avant de se réjouir, j’attends de voir si l’exposition parviendra à surprendre ou si les prédictions du petit livret sont plus vendeuses que les créations artistiques qu’il cherche à mettre en avant. S’engagent un petit peu inquiets celles et ceux qui ont pris le risque de songer aux incertitudes que le concept de futur tend à inspirer. Mais ce qui est exposé dans la première pièce de l’exposition semble relativement inoffensif: un écran, des plans fixes de vagues, d’océan, de plages, le jour et la nuit — une installation signée Emmanuelle Léonard et

accompagnée d’une voix douce qui nous commande de profiter de l’instant présent. Et c’est ce qu’on fait, assis sur un petit pouf noir. Relaxant? Oui. Quelque peu troublant? Non, mais le voyage vient tout juste de commencer. C’est alors qu’on entre dans un monde parallèle: un projecteur animé fait glisser vers le plafond une vieille photo de l’Empire State Building. Dans une pièce annexe, trois écrans géants diffusent simultanément des films aux couleurs déroutantes. On ne comprend pas tout à fait ce qu’on est censé tirer de personnages portant des masques en carton ou de flashs d’images publicitaires qui brisent la continuité de la narration, mais on ressort avec l’impression d’avoir fait fonctionner les sections «futuriste» et «avant-garde» de notre cerveau. Malheureusement, certaines œuvres se tiennent bien de nous rappeler que l’on n’est pas seulement là pour s’amuser. L’artiste suisse Thomas Hirschhorn et son œuvre «Touching Reality» font défiler devant nos yeux les images de corps mutilés dépouillés de toute humanité, une façon d’éveiller la conscience du visiteur qui garde difficilement

les yeux ouverts plus de quelques minutes. On s’y attendait et c’est bien normal: la Biennale traite aussi de questions environnementales comme l’impact de l’exploitation des sables bitumeux sur les terres d’Alberta ou le conflit russojaponais concernant l’extraction de ressources qui pourraient réduire la dépendance du Japon en énergie nucléaire. On réfléchit aussi face à des œuvres qui adressent de façon plus pudique des concepts qui donnent froid dans le dos. Par exemple, les diagrammes historiques de Suzanne Treister établissent un parallèle entre la croissance des progrès techniques effectués et le sentiment de perte de contrôle de l’Homme face aux forces intangibles, presque mystiques, qui semblent dominer le monde actuel. Le périple culturel de la Biennale se clôt sur l’œuvre la plus drôlement étrange qu’il m’ait été donné de voir: «Tomorow’s achievement» de Ryan Gander, composée de quatre rideaux de différentes largeurs qui se déplacent autour de la salle sur deux rails motorisés, dissimulant tour à tour les œuvres des autres artistes exposés

et bloquant à l’occasion les entrées des visiteurs. Ainsi, l’œuvre parvient à s’approprier la scène culturelle environnante pour nous placer devant un morceau de tissu mobile. Intéressant. Trêve de plaisanterie, le musée va bientôt fermer, il est

temps de jeter un dernier regard aux rideaux mouvants avant de revenir au monde réel. La Biennale a réussi son coup, l’avenir apparaît alors comme une source d’inspiration qu’il faut appréhender, non pas avec pessimisme, mais avec curiosité. x LucE ENGÉRANT

Chronique

Délier la langue Gwenn Duval | Petit cours d’écriture à l’usage de tous.

C

’est reparti pour une révolution. Une nouvelle année comme on dit, parce que le mot révolution, on le garde plus souvent pour qualifier les changements qui impliquent notre race humaine. Pas d’insurrection, de bouleversement, juste

un petit tour de plus autour du soleil. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir rêvé d’évolution à maintes reprises au cours des dernières ellipses. Ellipse comme courbe, l’orbite quoi. Me voici coincée entre une révolution absolument conservatrice, une ellipse qui ne fait jamais d’omission et une orbite. Je m’inquiète pour la science; où va le progrès s’il tourne en rond? Heureusement que je rêve d’évolution! J’aurais même vœu de dévolution si cela n’impliquait pas d’héritage, mais là, je m’irrite. Fi des rites, nouvel âge, qu’on jette tout par la fenêtre à commencer par la dilogie. Dites «logis» une dernière fois et n’en parlons plus.

le délit · mardi 20 janvier 2015 · delitfrancais.com

À partir de maintenant tout de suite et jusqu’à nouvel ordre, je déclare la polysémie abolie et l’homophonie prohibée. Il va de soi que la double entente est in extenso défendue, de ce fait le nez n’est pas cible d’une bonne leçon à coup de règle sur les doigts. Puisque je rêve d’une évolution pas civique, je crie sus à la pause et je prévante mon plan. Délire en page, discours irrécupérable, langage sans engagement. Ma parole est donnée, la Terre tourne autour du soleil et le sol fait pareil. Regardez-moi ce massacre, tant de mots pourtant outillés qui s’acharnent à ne vouloir rien dire que des propos cryptiques. C’est que le sang ne

coule pas de source; pour toucher le fil rouge sans y apposer une vision bornée, il faut commencer par renoncer à l’entendement. Et ça, très cher lecteur, c’est délicat. Il faut faire un choix: s’assujettir à son bagage et résister au texte; ou se livrer à celui-ci, sans crainte d’y perdre la raison. Si le discours est une action, donnons la langue en gage de bonne volonté et n’oublions pas le rêve. J’ai vu, cette nuit, tourner autour de la race humaine, le cours d’eau qu’on appelle Danube. Le fleuve est sorti de son lit, abreuvant les sols pour l’éternité. Les plumes des oiseaux se sont tues, déposant le poids de leur image sur la surface du déluge. J’ai vu se

dessiner des ronds dans l’onde, parfaits, exemplaires, reflétant l’idéal... Puis le bruit a déformé le tableau, les ronds se sont étirés, déviés, distordus… ellipse. J’ai rêvé l’évolution d’une orbite. S’il est possible de transformer la réalité par le rêve, que celuici résonne encore après l’éveil, c’est que les ondes se confondent quelque part. Si quelque part est trop abstrait, c’est que les mots ne font souvent entendre qu’une seule chose à la fois. L’absence de traits rend difficile le portait. Je dis fi de l’illusion des lignes noires, posées au contour des dessins d’enfants, limites rassurantes, impostures… Que vive le confondre, et si tu veux vraiment savoir, cours toujours! x

Culture

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rencontre

Une galerie redéfinie

La galerie mobile permet à André Bouchard de défendre son engagement social. any-pier dionne

Le Délit

A

près une formation en art dramatique et des débuts prometteurs au cinéma, un accident de la route a contraint l’artiste multidisciplinaire André Bouchard à réorienter sa carrière vers la peinture, qu’il considère comme un «mode d’expression libérateur» lui permettant «d’exorciser [s]a peine de voir l’humanité s’employer à détruire son habitat naturel au profit du superficiel [tout en] partageant [s]es préoccupations» sur différents enjeux qui lui tiennent à cœur. La liberté, dont découlent les thèmes de la paix et de l’environnement, est au centre de la vie et de l’art du peintre prolifique qui n’a pas la langue dans sa poche: «Être libre, c’est d’être en harmonie avec la nature et les autres êtres humains.» Ces convictions sont omniprésentes tant dans les œuvres que dans la façon dont André Bouchard promeut son art et agit avec son public. Un artiste humaniste La murale pour la paix d’Amnistie internationale, comprenant l’affiche «Pour un monde sans torture», est un des projets dont l’artiste est particulièrement fier. Il décrit cette murale comme une «révolte face à l’injustice» faite aux humains (les femmes et les enfants, en particulier), aux animaux et à la terre. Les tableaux qui composent cette murale de 60 mètres au total ont été distribués dans différents organismes communautaires un peu partout au Québec. Monsieur Bouchard dénonce par ailleurs depuis plus de trente ans le manque de respect de la nature qui prévaut et les abus de la terre, notamment dans le milieu des affaires. Dans le souci de respecter l’environnement, l’artiste tient à intégrer la nature dans son art. Il peint

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Culture

donc sur des matériaux recyclés et crée à partir de «matières volées dans les poubelles de nos sociétés surindustrialisées».

«Les œuvres d’art sont des projections de nous-mêmes.» André Bouchard accorde également une grande place à son public dans ses pratiques artistiques. En septembre dernier, le peintre a organisé un événement artistique interactif original étalé sur trois jours à Saint-Basile-le-Grand, en Montérégie. Les résidents de la municipalité étaient invités à se rendre à leur centre communautaire afin de participer à la création d’une grande fresque collective. Lors du discours d’ouverture, monsieur Bouchard affirmait: «Par la force de la matière et de la couleur, on va communiquer notre amour de la vie sur la terre», reprenant ainsi ses thèmes phares, soit la paix et l’environnement. Toute la population était sollicitée pour apporter sa touche personnelle à l’œuvre, et le peintre vante le résultat final convaincant. Galerie mobile La galerie mobile est un concept unique qui permet au peintre de demeurer libre d’exprimer ses convictions sociales et de les partager directement avec son public. La motivation première derrière la galerie mobile, née il y a deux ans, est d’aller à la rencontre du public: «Quand j’ai compris que je ne pourrais pas tisser de liens avec les gens du pouvoir, j’ai tout mis en œuvre pour me rapprocher des amoureux de l’art», nous explique André Bouchard. La galerie mobile est née dans le sta-

tionnement d’un restaurant de la municipalité de Saint-Siméon, où l’artiste s’était rendu en vélo avec quelques-unes de ses œuvres. Il y a vendu six tableaux, et l’expérience lui a inspiré l’idée de créer une galerie mobile permanente. Il a obtenu la remorque qui lui sert à transporter ses œuvres en échange d’un tableau, puis l’a «construite [et] inventée au fur et à mesure». L’artistepeintre, maintenant installé à Donnacona, sillonne aujourd’hui le Québec avec sa galerie mobile pour présenter ses œuvres directement à ses clients, qu’il décrit d’ailleurs comme des amis. «L’art a une influence positive» et permet un contact humain «serein» et une relation amicale avec les amateurs d’art, affirme-t-il.

«J’ai tout mis en œuvre pour me rapprocher des amoureux de l’art.» Les tableaux abstraits et semifiguratifs d’André Bouchard, comme il les décrit lui-même, possèdent d’ailleurs la force de permettre une «projection de nous-mêmes»: un tableau renferme une partie de l’artiste, mais surtout une partie du spectateur, qui interprète l’œuvre selon ses sentiments, ses émotions et ses expériences personnelles, entre autres facteurs.

me faire tasser en raison de mes prises de position en faveur de l’environnement, contre la collusion [et] la corruption que je dénonce ouvertement depuis une trentaine d’années, je suis bien identifié par la presse concentrée et ses journalistes embauchés pour leur capacité à répondre aux désirs de leur patron de leurrer sous le couvert de la vérité», se désole monsieur Bouchard. L’artiste-peintre, dont on peut dire qu’il est «tout un personnage», soutient que son art est apprécié du public, mais que les gens au pouvoir exercent leur contrôle, ce qui lui vaut souvent d’être éloigné du milieu.

2003 pour dénoncer l’intention du gouvernement du Québec de construire un barrage sur la rivière et «met[tre] en lumière l’hypocrisie de promoteurs qui souhaitent harnacher la rivière Pikauba au Saguenay», et ce, sous le couvert de la sécurité publique, a notamment déplu au milieu politique. L’artistepeintre fait également remarquer que les subventions et le financement public sont très difficiles à obtenir dans le milieu artistique sans un réseau de contacts bien placés. C’est pourquoi il a décidé de se concentrer «sur les relations individuelles avec [s]es clientsamis», un objectif que la galerie mobile lui permet d’atteindre.

«J’ai compris que je ne pourrais pas tisser de liens avec les gens de pouvoir.» Il rapporte notamment qu’après avoir été approché par un musée (dont il souhaite taire le nom pour s’éviter davantage de problèmes), on a finalement renoncé à exposer ses œuvres, malgré un intérêt très marqué pour ses tableaux. Des années plus tard, on lui a appris que la raison du rejet de ses œuvres a été son engagement environnemental et social qui dérangeait les gens influents dans la région. Son documentaire Pikauba, réalisé en

Au fil de sa carrière, l’artiste coloré s’est servi de l’art comme tribune pour partager son engagement social, politique et environnemental en vidéo, en poésie et en peinture. Il refuse tout compromis dans ses œuvres et dans ses discours, mettant de l’avant l’importance pour un artiste d’être entièrement libre, même si ça lui vaut d’être ignoré par les gens du pouvoir. x andré bouchard

Art et engagement La galerie mobile est également un moyen pour l’artiste-peintre de respecter ses valeurs et de conserver une liberté totale dans un système où l’engagement politique, social et environnemental d’un artiste risque de déplaire et de lui nuire dans la course aux subventions gouvernementales. «À force de

le délit · mardi 20 janvier 2015 · delitfrancais.com


concert

Concertos funèbres Avec Dumay rencontre Bartók, l’OSM rend hommage à Charlie Hebdo. théo bourgery

Le Délit

«L

’Adagio pour cordes de Samuel Barber est ce soir dédié aux victimes de l’attentat de Charlie Hebdo en France», indique le haut-parleur. Ainsi le thème est donné: il faudra jouer pour se souvenir, écouter pour commémorer ceux tombés sous la barbarie. Du 13 au 15 janvier, l’OSM revêt Barber et Bartók (deux de ses concertos présentés pour le délice du public) d’habits d’humanistes, d’humanisme. En guise d’amuse-bouche, c’est Léonard Bernstein qui lance la marche, avec son ouverture de Candide, opérette inspirée du conte philosophique éponyme de Voltaire. Une marche, c’est le mot: les cuivres se lancent, hurlent en rythmes saccadés, couvrant la voix criarde des violons, faisant trembler les murs de l’auditorium. Harmonieux, fort, c’est le chant de la victoire qui rugit. Après la nostalgie qu’évoque la mort, c’est l’espoir qu’évoque l’avenir. Marchons en rythme, vite, tandis que le crescendo monte – le chef

d’orchestre, Kent Nagano, en devient fou. Le public, aveuglé, suivra. Suite à cette tempête s’installe Augustin Dumay, illustre violoniste, qui interpréte le Concerto pour violon no 2 de Béla Bartók. Bartók n’est pas ici par surprise. Loin de ses prouesses musicales, où l’atonalité se fait harmonique et où l’hideux apprivoise les sens, Bartók est avant tout un forcené. Révolté contre le régime autoritaire nazi qui prend ses aises dans sa Hongrie natale, il émigre aux États-Unis en 1940. Compositeur ignoré du grand public occidental (il est par ailleurs pianiste virtuose), sa nation abattue, ses œuvres perceront trop tard. Ce soir, à l’OSM, jouer Bartók est presque logique en vue du contexte. Sans attendre, la musique torturée s’impose. Une violence inouïe; où sont donc les harmonies tonales de Debussy, dont Bartók se dit pourtant admiratif? Dumay fait des prouesses: sous l’écrin de son archet volent des notes affreuses, un haut-le-cœur parcourt le public. Sera-ce bientôt fini? Tandis que l’orchestre se distingue en groupes d’instruments indépendants, ce sont

les rythmes de Stravinsky, son Sacre du Printemps avant tout, qui nous viennent à l’esprit. Inattendus, alogiques, contre-intuitifs. Mais dans la cacophonie ambiante (pourtant si contrôlée, si minutieusement analysée), la sage voix du compositeur américain Charles Yves, contemporain de Bartók, prend tout son sens: «La beauté musicale est trop souvent confondue avec une harmonie qui invite l’oreille à se prélasser.» La musique de Bartók, au contraire, est puissante; dans le désordre, l’ordre est établi. Il fallait une parfaite atonalité pour comprendre l’unité de l’orchestre. Dumay, Nagano et l’OSM rendent à la partition sa vitalité escomptée: l’oreille est toujours en éveil, un chef-d’œuvre est ici signé. Bartók reviendra plus tard dans la soirée, lors de son Concerto pour orchestre en cinq mouvements. Au rythme de la mélodie est racontée l’histoire d’un couple qui se rencontre et qui s’aime. Mais l’amour a ses obstacles, ses triples croches et ses assonances, ses tonitruances et ses contretemps. L’orchestre, ce

Felix broede

jeudi 15, est un couple; le concerto, une vie. Barber ne conclut pas le spectacle – il est joué après l’entracte. Il n’est pas le socle de la soirée, mais lui non plus n’est pas là par hasard. Barber, par son orchestre à cordes, appelle à la réflexion. Ses violons, ensemble, maintiennent la même harmonie, lente et langoureuse. Les altos, violoncelles et contrebasses

font de même: entre deux longs silences, c’est le chant de l’union qui transperce l’auditorium. Ce Concerto pour cordes n’a ni la vivacité ni la férocité que Bartók a le don de mettre en musique. Il serait sot, néanmoins, de ne pas lire dans les si nombreux silences de Barber la force du souvenir et une déferlante d’optimisme. L’hommage a été rendu. x

chronique visuelle

L’illus’ tout cru

le délit · mardi 20 janvier 2015 · delitfrancais.com

luce engérant

Le Délit

Culture

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le d茅lit 路 mardi 20 janvier 2015 路 delitfrancais.com


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