delitfrancais.com Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill
PETER DOIG P. 11 Le mardi 25 mars 2014 | Volume 103 Numéro 20
Léo, grand mangeur de timbits depuis 1977
Volume 103 NumĂŠro 20
Éditorial
Le seul journal francophone de l’UniversitÊ McGill
rec@delitfrancais.com
#paniquePQ Margot Fortin & Camille Gris Roy Le DĂŠlit
D
e quoi pourrait-on bien parler? Des ĂŠlections peut-ĂŞtre? Encore. Il faut dire que cette campagne qui s’annonçait ÂŤplateÂť est pleine de rebondissements. Le droit de vote-mĂŞme a ĂŠtĂŠ au cĹ“ur des discussions cette semaine. Un mouvement nĂŠ sur le campus de l’UniversitĂŠ McGill au cours de la dernière semaine suscite une importante rĂŠflexion Ă propos des droits dĂŠmocratiques dont disposent les ĂŠtudiants canadiens originaires d’une autre province que le QuĂŠbec. Le 20 mars dernier, le rĂŠseau CBC relayait en manchette l’histoire d’un ĂŠtudiant de McGill en troisième annĂŠe en gĂŠnie chimique originaire de la ColombieBritannique, Dune Desormeaux, qui s’est vu refuser le droit de vote au bureau ĂŠlectoral de Westmount-SaintLouis la semaine dernière. Or, Monsieur Desormeaux rĂŠside au QuĂŠbec depuis plus de trois ans et compte bien rester au QuĂŠbec après ses ĂŠtudes. La loi prĂŠvoit qu’un citoyen canadien de plus de dix-huit ans et domiciliĂŠ au QuĂŠbec depuis plus de six mois peut se prĂŠvaloir de son droit de vote. MĂŞme si cette disposition semble claire, il faut savoir que la notion de ÂŤdomicileÂť, par opposition Ă celle de ÂŤrĂŠsidenceÂť, implique que la personne a dĂŠmontrĂŠ clairement qu’elle entend demeurer au QuĂŠbec. ConformĂŠment Ă l’esprit de la loi ĂŠlectorale, le Dircteur gĂŠnĂŠral des ĂŠlections du QuĂŠbec (DGEQ) doit prouver hors de tout doute raisonnable que les ĂŠtudiants provenant d’autres provinces canadiennes qui souhaitent s’inscrire sur la liste ĂŠlectorale n’ont pas l’intention de rentrer chez eux au terme de leurs ĂŠtudes. Selon un communiquĂŠ publiĂŠ par le DGEQ en fin de semaine, ÂŤle domicile est [...] le lieu oĂš sont associĂŠs des gestes ou des â€œĂŠtatsâ€? importants de la vie civile d’une personneÂť. Ainsi, les ĂŠtudiants qui se sont prĂŠsentĂŠs au bureau ĂŠlectoral de leur circonscription avec leur bail en main comme seule preuve de domicile ont ĂŠtĂŠ dÊçus. En effet, le bail n’est pas considĂŠrĂŠ comme une preuve suffisamment prĂŠcise pour attester de l’intention d’une personne de demeurer au QuĂŠbec de façon permanente. En chute libre dans les intentions de vote, le Parti QuĂŠbĂŠcois (PQ) a sautĂŠ sur l’occasion pour ĂŠchafau-
der une stratÊgie autour de cette nouvelle. Dimanche dernier, le candidat du Parti QuÊbÊcois dans Chambly et ministre de la justice dans le gouvernement du PQ Bertrand Saint-Arnaud, accompagnÊ du candidat du Parti QuÊbÊcois dans Laval-des-Rapides LÊo BureauBlouin, ont tenu une confÊrence de presse pour dÊnoncer le fait que des Êtudiants de l’Ontario cherchaient à voler l’Êlection. Ce discours laissait sous-entendre que des individus avaient essayÊ d’obtenir le droit de vote frauduleusement. Or, il n’a jamais ÊtÊ question d’autre chose que d’Êtudiants cherchant à clarifier les droits dont ils disposent en vertu d’une loi Êlectorale dont l’interprÊtation est vraisemblablement ambiguÍ. Ce grand complot imaginÊ par le PQ serait en marche dans les circonscriptions de Sainte-MarieSaint-Jacques et Westmount-Saint-Louis notamment, oÚ beaucoup d’Êtudiants anglophones habitent. Pourtant, si on compare les nouvelles inscriptions sur les listes Êlectorales dans ces comtÊs cette annÊe et en 2012, on ne constante aucune augmentation flagrante. Il y avait même plus de de nouveaux inscrits en 2012. À l’Êpoque personne ne s’en Êtait vraiment plaint. Le PQ est-il rendu si bas, si dÊsespÊrÊ parce que son plan pour être Êlu majoritaire ne marche pas si bien qu’il l’attendait, qu’il doit s’abaisser à ce genre d’insinuations? Dans tous les cas, le simple fait qu’un parti politique vienne remettre en question le travail du Directeur gÊnÊral des Êlections est consternant. Au contraire, les partis devraient rÊaffirmer leur entière confiance dans cette institution neutre qui œuvre pour le bon dÊroulement de cette Êlection. Enfin, on martèle sans cesse l’importance pour les jeunes d’aller voter, de se sentir concernÊs par les campagnes Êlectorales. Mais quand, justement, ils commencent à montrer leur intÊrêt et leur volontÊ de s’impliquer, on voudrait les rappeler à l’ordre et leur demander de calmer leurs ardeurs? Constatant probablement que la stratÊgie se retournait contre son parti, la Première ministre s’est tout de même dite rassurÊe par les explications publiÊes par le DGEQ sur son site Internet le 22 mars dernier. Mais le mal Êtait fait. Le problème du PQ, c’est que cette stratÊgie n’a justement rien de stratÊgique. En effet, la dÊconfiture du PQ dans les sondages des derniers jours n’est probablement pas Êtrangère à cette surenchère sur la question identitaire mise de l’avant par les troupes de Pauline Marois depuis le dÊbut de la campagne. [
RÉDACTION 3480 SVF .D5BWJTI CVSFBV #t MontrÊal (QuÊbec) H3A 1X9 TÊlÊphone : +1 514 398-6784 TÊlÊcopieur : +1 514 398-8318 RÊdactrice en chef rec@delitfrancais.com Camille Gris Roy ActualitÊs actualites@delitfrancais.com Alexandra Nadeau LÊo Arcay Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com Thomas Simonneau Joseph Boju SociÊtÊ societe@delitfrancais.com Côme de Grandmaison Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com ThÊo Bourgery Coordonnateurs visuel visuel@delitfrancais.com CÊcile Amiot Romain Hainaut Infographie infographie@delitfrancais.com Vacant Coordonnatrices de la correction correction@delitfrancais.com Claire Launay Anne Pouzargues Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu MÊnard Coordonnatrice des rÊseaux sociaux rÊso@delitfrancais.com Margot Fortin Collaborateurs Paul Bismuth, Émilie Blanchard, Gabriel Cholette, Virginie Daigle, Julia Denis, Gilles Dry, Gwenn Duval, Luce EngÊrant, CÊline Fabre, Habib B. Hassoun, Jules De Lage, Keelan Mac Leod, Mathilde Michaud, Adrien Peynichou, Baptiste Rinner, Philippe Robichaud Couverture Image & Montage: Romain Hainaut, Jules De Lage BUREAU PUBLICITAIRE 3480 SVF .D5BWJTI CVSFBV #t MontrÊal (QuÊbec) H3A 1X9 TÊlÊphone : +1 514 398-6790 TÊlÊcopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org PublicitÊ et direction gÊnÊrale Boris Shedov ReprÊsentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu MÊnard, Lauriane Giroux, Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Anqi Zhang
Conseil d’administration de la SociÊtÊ des publications du Daily (SPD) Queen Arsem-O’Malley, Amina Batyreva, ThÊo Bourgery, Jacqueline Brandon, Hera Chan, Benjamin Elgie, Camille Gris Roy, Boris Shedov, Samantha Shier, Juan Camilo Velzquez Buritica, Anqi Zhang L’usage du masculin dans les pages du DÊlit vise à allÊger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.
Les opinions exprimÊes dans ces pages ne reflètent pas nÊcessairement celles de l’UniversitÊ McGill.
2 Éditorial
Le DÊlit *44/ FTU QVCMJ� MB QMVQBSU EFT NBSEJT QBS MB SociÊtÊ des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant ÊtÊ auparavent rÊservÊs, incluant les articles de la CUP). L’Êquipe du DÊlit n’endosse pas nÊcessairement les produits dont la publicitÊ paraÎt dans ce journal.ImprimÊ sur du papier recyclÊ format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (QuÊbec). Le DÊlit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).
[ le dÊlit ¡ le mardi 25 mars 2014¡ delitfrancais.com
ANALYSE
Une odeur de fraude La nouvelle direction de l’AÉUM part du mauvais pied. Paul Bismuth
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8 votes. 1,3% d’écart. Les élections de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM) n’auront jamais vu autant de débats et d’engagement, d’après de nombreux étudiants. Le résultat n’aura jamais été aussi serré, comme aime le répéter Tariq Khan, candidat et vainqueur à la présidence. Enfin, la participation étudiante dans les urnes aura été la plus haute depuis plusieurs années, avec un peu moins d’un tiers des 22 000 étudiants inscrits. Les élections de l’AÉUM 2014 auront donc, il est clair, battu des records. Selon Tariq Khan, en entrevue avec Le Délit après la tombée des résultats, les campagnes étudiantes «ont servi à éduquer le corps étudiant. Cela permet à beaucoup de découvrir ce que fait l’AÉUM, et de s’engager dans l’association». Une vision qui semble partagée par beaucoup d’acteurs dans la politique étudiante, et qui change de l’année dernière lorsque Katie Larson avait gagné la présidence sans que le campus soit ébranlé par la campagne. D’après un membre influent de la politique estudiantine qui a souhaité garder son anonymat, «la campagne [2014] a apporté un énorme élan de diversité, puisque quatre personnes se présentaient avec des programmes très différents». Et de rajouter: «cependant, j’ai eu accès à des informations [compromettantes] qui [auraient] du être communiquées» quant à la campagne de Tariq. Une campagne avec
Université d’Ottawa
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certaines facettes illégitimes, d’après cette même source. Le mardi 18 mars 2014, les étudiants de premier cycle recevaient la censure publique de Sandhya Sabapathy, qui aurait promis des positions dans l’AÉUM en échange de vote. Une manière polie de parler de corruption, que Sabapathy semble nier fermement: d’après une source du Délit, elle s’apprête à se tourner vers le conseil judiciaire de l’Université pour contester la décision du directeur de scrutin, Ben Fung. Lequel dit très clairement que «s’il y avait des preuves concrètes, une censure publique était envoyée». Pas de faute de sa part, une faute aux yeux de Sabapathy – ça devrait plaire à nos confrères du McGill Tribune. Des preuves, il y a en aussi eu pour Tariq Khan, qui s’est vu assigné une censure alors qu’il a «demandé de manière explicite à une personne ne faisant pas partie de son équipe de campagne» d’envoyer des messages au corps étudiant. Loin d’être de la corruption, «c’est une faute qui n’était pas sous mon contrôle. On cherche toujours qui cette personne est», d’après Khan. Et de rappeler très clairement que «ma campagne a été complètement légale». Quant à une perte de crédibilité, Khan hausse les épaules: «j’ai une confiance à gagner, et à regagner. Cela se fera par le biais d’une AÉUM unie, que je veillerai à mettre en place en tant que Président.» Le problème n’est pas pris à la légère par tout le monde; les preuves d’irrégulari-
tés de la part de Khan existent «avant même le début de la campagne» explique notre source, citée plus haut. «Même si cela est impossible à calculer, il est possible que Khan ait bénéficié d’une plus grande visibilité avant même le début de la campagne officielle». Pour un Président nouvellement élu, il semble que ça soit un mauvais départ. Ne nous méprenons pas: la plupart des informations du Délit, récupérées par le biais de sources bien implantées dans l’association, ne sont pas des preuves tangibles. D’ailleurs, beaucoup l’admettent: les preu-
University of Ottawa
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ves ne sont pas simples à avoir. Qui plus est, il ne s’agit pas d’attaquer un candidat qui n’a pas encore fait ses preuves, et, il est important de rappeler que Le Délit a soutenu la candidature de Tariq (voir l’éditorial, volume 103, n°19). Il est juste question d’intégrité, qui n’est pas toujours à l’ordre du jour, même à un niveau aussi «limité» que celui de l’Université. Ou, peut-être, de se demander si les règles quant aux élections ne sont pas un peu trop restrictives. Ce qui, d’après une étudiante interviewée par Le Délit, «retire un peu l’esprit de campagne». [
Luce Engérant / Le Délit
CAMPUS
Les priorités de McGill La principale Suzanne Fortier s’adresse à la presse étudiante. Léo Arcay Le Délit
L
e Principal de l’Université McGill est censé répondre périodiquement aux questions de la presse étudiante. Suzanne Fortier ne rompt pas la tradition et a accepté de rencontrer, le vendredi 21 mars, des journalistes de chaque publication du campus. Dans les locaux de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM), nombre d’enjeux liés à la vie étudiante ont été abordés, des projets d’associations à la transparence, en passant par l’espace universitaire. Brisant cette fois la coutume, Madame Fortier a tout d’abord tenu à faire un discours. «La dernière chose que j’aimerais voir, commence-t-elle, serait que McGill devienne plus similaire à d’autres grandes universités au Canada […]. Nous devons nous rendre compte des caractéristiques qui rendent McGill unique, et continuer de construire dessus». La Principale salue tout particulièrement les initiatives étudiantes. Elle définit cinq priorités pour la suite de son mandat: créer un environnement d’apprentissage avec plus d’opportunités, étendre l’enseignement et la recherche à tous les domaines intellectuels, connecter McGill à sa communauté et aux autres universités, rendre l’administration plus efficace, et, enfin, améliorer le campus, en le rénovant et en le rendant plus technologique. La Principale de McGill a ensuite répondu aux questions des journaux étudiants. McGill Tribune (MT): Quels résultats positifs considérez-vous avoir atteint cette année? Suzanne Fortier (SF): Mon but premier a été de faire partie de cette communauté et de construire une relation
de confiance et de respect avec elle. Cela veut dire travailler directement avec les différents acteurs de notre communauté, dont les dirigeants étudiants, les étudiants eux-mêmes, les employés. [Un autre but] a été de me connecter avec la communauté locale, puisque je n’avais pas vécu à Montréal depuis un certain nombre d’années. Je pense que c’est important pour McGill de faire partie de cette communauté. Il faut donc créer des liens avec nos collègues dans d’autres universités. The McGill Daily (MD): Récemment, vous parliez de la recherche à McGill. Demilitarize McGill a finalement obtenu une réponse à leur requête d’accès à l’information de la part de l’Université, mais les documents sont toujours très protégés. D’autre part, il y a eu une controverse sur le fait que certaines recherches de McGill soient financées par l’armée, mais l’Université affirme qu’elles ne sont pas à des fins militaires. Qu’avez-vous à en dire? SF: Le rôle de l’armée est aussi de protéger les citoyens en situations d’urgence telles que les catastrophes naturelles. Il y a beaucoup de recherches à faire avec l’armée qui sont très importantes. MD: Mais s’il n’y a rien à cacher, pourquoi protéger ces documents? SF: Je pense que dans le cas que vous mentionnez, les recherches sont totalement publiques. MD: L’accès est bloqué. SF: Non, nous ne parlons pas des résultats de la recherche, mais des contrats. Il y a des lois très strictes au Canada qui nous contraignent en termes de protection de la vie privée et d’accès à l’infor-
mation. Nous devons respecter les deux et ce n’est pas toujours simple.
«On a un souci de protéger
la langue française. C’est une richesse qu’on a ici […] au Québec. Je pense qu’on doit offrir à nos étudiants des occasions d’apprendre le français, de profiter de l’environnement bilingue de Montréal.»
Le Délit (LD): Au long de votre mandat, on a vu une vraie évolution de la place du français au sein du campus, notamment par des conférences entièrement en français et la création d’une troupe de théâtre. Étant francophone, comment pensezvous avoir mené cette évolution au sein de votre administration? SF: De plus en plus, on travaille dans les deux langues. Je travaille beaucoup en français avec les gens de mon bureau. On a un souci de protéger la langue française. C’est une richesse qu’on a ici […] au Québec. Je pense qu’on doit offrir à nos étudiants des occasions d’apprendre le français, de profiter de l’environnement bilingue de Montréal, mais je ne crois pas que cela soit une bonne idée pour McGill de devenir une université où la langue d’instruction est en français. C’est un choix que même les étudiants de langue française ont fait; ils viennent ici pour recevoir un enseignement en anglais. MT: Étant donné le plan gouvernemental de réinvestir dans les universités, quelles sont vos
priorités en termes de distribution des fonds? SF: Beaucoup d’argent sera consacré à l’amélioration de l’environnement d’apprentissage et le conseil aux étudiants, pour lequel la communauté pense que nous avons besoin de plus de ressources humaines. Hélas, avec les élections à venir, rien n’a été confirmé. Nous devons attendre pour savoir si les fonds que nous avions anticipés seront disponibles. LD: On a beaucoup entendu parler du désinvestissement des énergies fossiles ces derniers mois, par exemple par le choix de l’Association Étudiante de renoncer à ces investissements, par les interventions répétées de Divest McGill ou encore par l’incident qui s’est produit lors des conférences Pétrocultures. L’Université continue-t-elle la réflexion par rapport à cet enjeu et est-elle dans l’optique de se désinvestir? SF: Il y a eu un impact. On allait faire la révision d’un comité qui conseille l’Université en question d’investissement en regardant le volet de responsabilités sociales. Pour la première fois dans toute l’histoire de l’Université, plutôt que de faire le travail à l’intérieur du Conseil des Gouverneurs, on a décidé d’avoir une communication avec la communauté [étudiante], ce que l’on a fait la semaine passée. Divest McGill a demandé à ce que l’on intègre dans le processus un élément de recherche; je pense que cela pourrait être possible.
«Beaucoup d’argent sera
consacré à l’amélioration de l’environnement d’apprentissage et le conseil aux étudiants, pour lequel la communauté pense que nous avons besoin de plus de ressources humaines.»
MT: Avez-vous pensé à travailler avec des groupes tels que McGill Spaces Project? Parce que vous parliez de financement du campus… SF: Oui bien sûr! Vous devez savoir que nous aurons un espace vide sur le site de l’Hôpital Royal Victoria en 2015. Pour nous, c’est un projet de développement urbain. Nous voulons également intégrer des notions de développement durable dans la reconstruction de ce site. C’est par contre peut-être un peu tôt pour mobiliser la communauté étudiante. C’est un projet qui dépasse McGill, nous avons besoin de partenaires et attendons les propositions du gouvernement. MD: Pensez-vous que McGill est une université accessible ? SF: Oui. On peut toujours faire mieux, mais c’est l’université canadienne avec le plus de bourses. Ça a toujours été une de nos priorités.
Cécile Amiot / Le Délit
4 Actualités
Suzanne Fortier est principale de l’Université McGill depuis maintenant plus de six mois. Elle dit apprécier son rôle au sein de la communauté et entend bien mener à terme les objectifs qu’elle s’est fixée. La semaine prochaine, dans votre Délit, un retour sur son premier mandat. [
[ le délit · le mardi 25 mars 2014 · delitfrancais.com
CAMPUS
Vote à McGill: hausse réjouissante? Un taux de participation de 31,4% pour les élections de l’AÉUM. Céline Fabre Le Délit
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endredi dernier, une vague de courriels est venue annoncer à chaque étudiant les fameux résultats des élections de la nouvelle équipe de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) pour l’année 2014-2015. Le premier chiffre inscrit: 31,4 %. Voici le taux de participation des étudiants parmi tous ceux invités à voter. Doit-on comprendre que moins d’un mcgillois sur trois se sent assez concerné par la vie à McGill pour s’informer et se prononcer sur les propositions des candidats au moment du scrutin? Pour le directeur des élections de l’AÉUM, Ben Fung, ce chiffre représente plutôt un record car il n’a jamais été aussi haut en cinq ans. La proportion d’étudiants qui votent pour les membres de l’Association Étudiante aurait donc augmenté de 1.3 % depuis les dernières élections, et se situe, selon des recherches effectuées par Beng Fung, parmi les plus hauts taux de vote des universités canadiennes. Il considère que cette hausse est probablement
due à une meilleure organisation du débat entre candidats et à leur investissement dans la campagne, ce qui a facilité la diffusion de leurs idées de projet pour l’avenir de l’AÉUM. Cependant, sur 44 étudiants interrogés par Le Délit, seulement 7 d’entre eux citent les débats organisés parmi les moyens qu’ils ont utilisés pour se tenir informés des programmes des candidats, ce qui tend à relativiser leur efficacité et leur réelle influence sur le vote étudiant. La hausse du taux de participation a-t-elle été ressentie au sein des étudiants de l’Université? Le nombre d’étudiants qui participe chaque année à l’élection de la nouvelle équipe de l’AÉUM reste toujours largement minoritaire malgré les efforts de communication et de visibilité des candidats pendant la campagne électorale. Le manque de temps ou d’intérêt pour la vie politique de McGill sont les motifs habituels qui justifient l’absence des étudiants lorsqu’il était temps de cocher les petites cases blanches sur le site de l’AÉUM. Mais plus exactement, il semblerait que certains étudiants ne voient pas les changements que leur vote pour-
Keelan Mac Leod / Le Délit [le délit · le mardi 25 mars 2014 · delitfrancais.com
rait apporter à leur expérience à McGill. Par exemple, Ovgü fait partie de la faculté d’architecture et n’est pas la seule à avoir le sentiment que tous les candidats proposent peu de mesures concrètes qui auront un réel impact sur la vie universitaire en général. Pourtant, cette étudiante a voté car elle ne voulait pas, face à une mauvaise
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Le travail ne se traduit pas forcément par du changement, il peut aussi juste résider dans le maintien du budget et des ressources qui sont à disposition.»
décision de la part des élus, se dire qu’elle aurait pu y changer quelque chose si elle avait donné son avis en temps voulu. Peut-être que le manque d’intérêt des étudiants pour les élections de l’équipe de l’AÉUM provient d’un manque de connaissances concernant sa fonction précise. Lors d’un sondage réalisé par Le Délit sur la participation étudiante dans les élections de 2014, à la question: «Qu’est-ce qui vous aurait fait vous sentir plus impliqué dans ces élections ?» un grand nombre ont recommandé une campagne plus proche des étudiants, des débats plus visibles et une représentation plus claire des postes à pourvoir. Bien conscient qu’il est difficile pour les étudiants de cerner réellement ce qui se passe dans les bureaux de cette association, Ben Fung souligne que l’AÉUM n’est pas là pour changer radicalement la vie des étudiants, mais plutôt pour la maintenir en vie. «Le travail ne se traduit pas forcément par du changement, il peut aussi juste résider dans le maintien du budget et des ressources qui sont à disposition». Il semblerait donc qu’il existe un décalage entre les attentes des étudiants, leur vision du vote et les réels enjeux que certains ont décidé d’affronter en se portant candidats. Cette asymétrie provient-elle uniquement d’un accès insuffisant aux informations sur les élections, ou peut-on aussi l’expliquer par un manque d’effort de la part des étudiants pour aller chercher ces dernières? Quoi qu’il en soit, l’AÉUM et les responsables des élections prévoient de continuer à augmenter la visibilité de la campagne électorale et du rôle des élus, notamment au sein des résidences de McGill, afin de renforcer le rôle de l’AÉUM et la façon dont elle est perçue par le corps étudiant. La tendance des taux de vote des prochaines années permettra d’éclaircir l’efficacité de ces mesures et nous donnera une idée plus précise de ce qui façonne le vote étudiant à McGill. [
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Les candidat(e)s doivent envoyer leur curriculum vitae ainsi qu’une lettre d’intention d’au plus 500 mots à chair@dailypublications.org, au plus tard le mardi 25 mars à 17 h. La période de nomination commence le mardi 11 mars.
Pour plus d’informations, contactez-nous: chair@dailypublications.org Actualités
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POLITIQUE PROVINCIALE
Entrevues élections provinciales Camille Gris Roy & Alexandra Nadeau Le Délit Dans le cadre de sa couverture des élections provinciales 2014, Le Délit vous offre sa 2e série d’entrevues. Entrevue avec Alex Tyrell, chef du Parti vert du Québec (PVQ) Le Délit (LD): Vous définissez votre programme comme un programme «éco-socialiste»: qu’est-ce que ça signifie? Alex Tyrrell (AT): Éco-socialiste, ça signifie s’occuper de l’environnement mais du peuple en même temps. On propose donc une plateforme qui présente beaucoup de mesures environnementales, mais il est aussi question de faire reculer la surconsommation. On propose aussi la gratuité des transports en commun: c’est un exemple de proposition qui va non seulement être bénéfique pour l’environnement mais qui va aussi dans le sens des idées de justice sociale, qui va permettre une liberté de mobilité et aider les gens à faible revenu à se rendre au travail. LD: En matière d’éducation, quelle est la politique du PVQ et comment, en tant que petit parti, contribuez-vous à relancer le débat à ce sujet? AT: En ce qui concerne l’éducation supérieure, on est pour la gratuité. On veut aussi faire reculer l’influence des corporations dans la gouvernance des universités, qui devraient être gérées par les professeurs et les étudiants. La gratuité, c’est la meilleure façon pour que tout le monde puisse étudier. De plus, le système tel qu’il est maintenant fait en sorte qu’après leurs études, les gens sont obligés d’aller travailler et rejoindre le système capitaliste actuel. On veut aussi réduire le nombre d’élèves par classe au primaire et au secondaire, une mesure qui servirait à lutter contre le décrochage scolaire, et qui servirait à créer des emplois dans toutes les régions. LD: Une nouveauté cette année, c’est le vote sur les campus des universités et des cégeps: pensezvous que ça va encourager le vote des jeunes? AT: Le processus démocratique au Québec est loin d’être parfait. Surtout, le fait qu’on ne puisse pas s’inscrire pour voter la journée même de l’élection est problématique. C’est également plus compliqué pour les étudiants qui déménagent. Mais le vote sur les campus cette année est un pas en avant. En général, je crois que les jeunes ont beaucoup d’intérêt à influencer le débat politique. Au Parti vert on a une équipe relativement jeune; moi, j’ai 25 ans et je suis le plus jeune chef de parti politique au Québec. Malgré tout, on est capable d’influencer le débat.
trois dernières années: beaucoup de luttes internes et une tendance à choisir des positions centristes. Récemment, on a pris un virage majeur et on est en train de reconstruire le parti et l’équipe. On a de très bons candidats, qui ne sont peut-être pas des «vedettes» au même sens que PKP, mais la direction actuelle du parti a reçu beaucoup d’appui et, pour les prochaines élections, on aura sans doute plusieurs personnes qui seront intéressées à se présenter avec nous. LD: Le débat s’est beaucoup recentré sur la question de la souveraineté. Vous, au PVQ, vous n’avez pas de position sur le sujet, comment vous placez-vous alors dans cette campagne? AT: On laisse le libre choix aux candidats du parti. Personnellement je suis fédéraliste, je crois que la souveraineté du Québec – malgré le fait que dans le passé, on l’ait présentée comme une question socio-démocrate – pourrait vraiment amener des mesures d’austérité et des problèmes économiques. Si le Québec se sépare du Canada, le Canada irait encore plus loin à droite, notamment sur les sables bitumineux par exemple, et je crois que la voix de Québec à Ottawa est très importante. Aujourd’hui, les jeunes de ma génération semblent peut-être moins intéressés par la souveraineté. C’est un débat sans fin qu’on mène depuis des décennies, mais je crois qu’il y a beaucoup à faire déjà dans le contexte actuel. Les problèmes qu’on a viennent du niveau provincial, les questions environnementales par exemple. Dans ce cas, la bonne chose à faire c’est de changer de gouvernement provincial, et ne pas tenter d’avoir un autre débat sur l’avenir du Québec. LD: Un des grands enjeux environnementaux en ce moment, c’est toutes les questions liées à l’exploitation des ressources, notamment le pétrole. Comment proposez-vous de «sortir du pétrole»? AT: On est le seul parti qui propose la gratuité du transport en commun et une expansion majeure du réseau: c’est la solution numéro un. Cependant on est contre certains aspects du programme d’électrification des transports du Parti Québécois, surtout parce que les voitures électriques ont des conséquences environnementales graves, il y a tout un processus sale et des déchets radioactifs. On est contre l’idée aussi de subventionner des voitures privées. Pour réduire la surconsommation on propose des écotaxes sur les biens de consommation, pour payer le recyclage. On est contre la fracturation, les sables bitumineux, et on croit que le Québec devrait rejeter ces fonds d’énergie là et prendre une position ferme contre pétrole le plus polluant. [
LD: Plus généralement, comment susciter simplement l’intérêt des jeunes pour les enjeux politiques? Pensez-vous que le message passe mieux quand des jeunes, comme vous, entrent en politique? AT: On a vu dans l’histoire récente du Québec que beaucoup de jeunes se sont lancés en politique, au niveau fédéral aussi. Je pense que les jeunes d’aujourd’hui font face à des enjeux très difficiles et commencent à réaliser à quel point c’est important d’être représenté à l’intérieur du système politique formel, et à l’extérieur aussi, dans des groupes environnementaux et communautaires par exemple. LD: Que pensez-vous de cette tendance de «candidats vedette», de ces gros noms présentés par certains partis? Est-ce que le PVQ gagnerait à attirer ce genre de candidats? AT: On est une nouvelle équipe et on commence. Je suis ici depuis seulement cinq mois et on a eu des difficultés au cours des
6 Actualités
Camille Gris Roy / Le Délit
Stéphane Stril est président du Parti libéral québécois-McGill (PLQ McGill). Il est également membre de la commission jeunesse du Parti libéral du Québec. Le Délit (LD): Le Parti Québécois (PQ) a annoncé récemment la création du livre blanc de la jeunesse. Quelle est l’opinion du PLQ par rapport à ce livre blanc et que compte faire le PLQ comme initiative touchant les jeunes en général? Stéphane Stril (SS): Pour le livre blanc, je n’ai pas vraiment de réponses à vous donner, mais pour les jeunes en général, la première chose c’est l’éducation. On ne va pas rentrer dans le débat sur le financement des universités encore une fois, parce que je crois que le financement de l’éducation c’est la clé pour le succès. On est tous d’accord je crois pour dire qu’il y a un sous-financement dans les universités. L’éducation c’est la meilleure façon de garder les jeunes, de les former pour qu’ils aient un meilleur emploi quand ils quittent l’université; il faut les garder à l’école et éviter le décrochage scolaire. Nous pensons aussi qu’il faut réduire la bureaucratie pour réinvestir dans les services; je crois que c’est des coupes de quelque chose comme 200 millions de dollars, au niveau de l’éducation secondaire. […] Le programme du PLQ, surtout sur le côté social, à mon avis, touche plus les jeunes que celui du PQ, par exemple pour la Charte [des valeurs]. Je pense que la Charte, ce n’est pas un projet qui attire les jeunes, je pense que c’est un programme d’une autre génération. Dans les derniers sondages, on a vu que les jeunes, pour une première fois, du moins depuis que je me souviens, appuient en majorité le PLQ, ce qui est assez surprenant. La commission jeunesse du parti libéral est très forte. On n’a pas aliéné les jeunes. LD: On a l’impression que depuis le Sommet sur l’éducation de 2013, le débat sur l’éducation est tombé dans l’oubli, qu’il est un peu mort. Qu’est-ce que le PLQ compte faire pour relancer le débat sur l’éducation postsecondaire, sur tous les thèmes qu’on a pu aborder durant le Sommet en deux jours? SS: Je ne pense pas que le PLQ soit prêt à refaire une hausse des frais de scolarité. Je ne crois pas que ce soit dans les plans du parti pour le moment de relancer le débat. LD: Et si on s’éloigne des frais de scolarité et qu’on parle de qualité d’éducation, d’accessibilité sous d’autres formes, est-ce que le PLQ compte quand même relancer la discussion, une espèce de réflexion sur l’éducation postsecondaire? SS: J’espère bien. Honnêtement, je n’ai pas de réponse là-dessus. C’est un sujet dont on n’entend pas du tout parler durant la campagne, qui est vraiment oublié, c’est peut-être aussi une raison pourquoi je n’ai pas de réponses à donner là-dessus. LD: Cette année il y a le vote sur les campus qui a été instauré. Est-ce que le PLQ pense que c’est une bonne façon d’aller chercher les jeunes, est-ce que ça va encourager les jeunes à aller voter? En complément à cela, quelles seraient les autres façons de motiver les jeunes à ce qu’ils aillent voter? SS: La loi, quand elle est passée, le Parti libéral avait voté pour, je pense qu’elle a fait totale unanimité à l’Assemblée nationale. Je pense que c’est essentiel que les jeunes puissent aller voter. Le fait que les jeunes puissent voter sur le campus fait en sorte que les jeunes qui sont des régions par exemple puissent voter pour leur région et sans être obligé de revenir chez eux pour le jour du
vote. Ensuite il faut que ce soit bien communiqué parce que beaucoup ne savent pas comment ça marche, je crois que beaucoup pensent qu’on peut voter pour la circonscription de l’université alors que non. En fait, tu votes pour la circonscription où tu as ton domicile fixe. Ensuite je pense que tous les jeunes doivent voter, c’est indispensable. À mon avis, il faut aussi faire comprendre aux jeunes l’importance du vote, faire comprendre que tous les votes comptent. Il y a plusieurs circonscriptions qui ont été gagnées ou perdues par des petites marges de 100 votes; ce n’est rien du tout! 100 personnes qui ne se sont pas levées, qui ne sont pas allées voter, et c’est 100 jeunes qui ne sont pas allés voter à mon avis. LD: Il semble que le PLQ sous Jean Charest avait décidé lors des dernières élections de 2012 ne pas appliquer cette formule de faire voter les jeunes sur les campus. Pourquoi? SS: Aux dernières élections, c’était un peu trop tôt. Le projet, deux mois avant l’élection, les gens ne voulaient pas le mettre dans les campus alors que ce n’était pas préparé. Sauf qu’ensuite, dès que l’élection était finie, la loi a été votée par tous les partis. LD: Cette semaine, ça fait la une des journaux, il y a beaucoup d’allophones ou d’anglophones du reste du Canada qui demandent leur droit de vote. McGill est assez concerné par la question, car beaucoup de jeunes peuvent s’inscrire à la liste électorale du Québec car ils y restent depuis au moins six mois. Qu’est-ce que le PLQ pense de cela? SS: Chaque électeur qui a le droit de vote, et des Ontariens qui ont aussi le droit de vote [car ils sont ici depuis plus de six mois], peuvent voter. Ce n’est pas au PQ de décider de qui a le droit de vote ou pas, c’est le directeur général des élections (DGE), et la loi est claire, ils ont le droit de vote. Le DGE a précisé qu’il n’y avait pas de faute électorale qui avait été commise et il n’y a pas non plus une si grosse augmentation du nombre d’inscriptions […]. LD: Y a-t-il d’autres associations à McGill, pour le PQ ou d’autres partis provinciaux? SS: Il y a une association souverainiste à McGill et il y a eu un PQ McGill il y a longtemps. Mais pour l’instant, on est les seuls. Nous on aimerait bien qu’il y en ait d’autres pour faire des débats à McGill. Ce serait intéressant. À l’UdeM il y en a, à Concordia il [n’]y a rien. À l’UQAM il n’y en a pas parce qu’ils n’ont pas le droit de s’associer à un parti politique. [
Cécile Amiot / Le Délit
[ le délit · le mardi 25 mars 2014 · delitfrancais.com
PORTRAIT
S’imposer en tant que femme Hillary Clinton dévoile ses conseils. Margot Fortin & Mathilde Michaud Le Délit
L
’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a fait courir les foules, le mardi 18 mars dernier au soir, à l’occasion d’une rare visite à Montréal. Elle y a présenté une conférence sur le thème de la présence des femmes en politique et dans le milieu des affaires. L’événement s’est tenu dans le cadre d’une rencontre de réseautage des membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). Même si la conférence s’adressait clairement au milieu des affaires, la CCMM avait fourni gratuitement plus de 300 laissez-passer aux différentes universités québécoises dans le but de permettre à de nombreux jeunes d’assister gratuitement à l’événement. L’administration de l’Université McGill avait d’ailleurs procédé à un tirage plus tôt ce mois-ci afin d’écouler 75 billets auprès de la population étudiante. Seule sur une immense scène, l’ancienne secrétaire d’État a livré un discours d’espoir aux quelques milliers de femmes réunies au Palais des congrès, évoquant
l’exemple de sa propre ascension politique pour montrer qu’il est possible de faire éclater les «plafonds de verres» qui confinent les femmes à des rôles qui ne rendent pas justice à leurs compétences, tant dans le domaine de la politique qu’au sein d’entreprises. Au terme de sa présentation, Hillary Clinton a d’ailleurs été invitée par Sophie Brochu, présidente et chef de la direction de Gaz Métro, à donner des conseils aux femmes ambitieuses qui hésitent parfois à viser plus haut. Citant Éléonore Roosevelt, l’ex-secrétaire d’État a donné à l’assistance un petit cours en trois points afin de répondre à une question qui lui est posée de façon récurrente: «Madame Clinton, que dois-je faire pour réussir comme vous?». «Dans la vie publique, chaque femme doit rendre sa peau aussi dure que celle d’un rhinocéros» commence-t-elle pour illustrer le fait que les femmes qui s’aventurent dans des métiers traditionnellement masculins doivent apprendre à vivre sous le feu des critiques. Pour Mme Clinton, les femmes se doivent de prendre les commentaires sérieusement, mais pas personnellement. De même, elles doivent croire en leurs capacités et être
prêtes à prendre le risque. «Osez la compétion!», martelle-t-elle. Voilà son slogan, celui-là même qui l’a poussée à se lancer en politique. Hillary Rodham Clinton a fait son entrée sur la scène politique américaine dans un rôle de second plan, celui de Première dame des États-Unis. Avant elle, aucune épouse d’un Président américain n’avait été élue à des postes de pouvoir au terme de leur «mandat» de Première dame, bien que l’une d’entre elles, Éléonore Roosevelt, ait été nommée déléguée aux Nations Unies. Déjà très impliquée grâce à sa participation à l’élaboration de lois à caractère féministe, telle que la loi sur les congés de maternité adoptée par le gouvernement Clinton en 1993, Hillary soutient que le pas vers la politique ne fut cependant pas facile. Sa décision de se lancer en politique est venue d’un événement anodin. En 2000, alors que Bill Clinton était toujours président, la Première dame a entendu de la bouche d’une jeune étudiante la phrase qu’elle-même s’évertuait à marteler aux jeunes filles: «Osez la compétition, Madame Clinton». Ce fut suffisant pour la convaincre de se lancer dans la course au Sénat à New York,
et le reste n’est qu’histoire. De Première dame à secrétaire d’État, en passant par le Congrès américain et un passage remarqué à la course à la chefferie du Parti démocrate en 2008, Hillary Clinton a cumulé les expériences dans une mesure hors du commun, même parmi les politiciens américains les plus chevronnés. Invitée à se prononcer autant sur la question de la position économique des femmes que sur la politique extérieure des États-Unis, Hillary Clinton démontre qu’être une femme ne devrait absolument pas être un obstacle à une carrière publique. De fait, elle dénote avec autant de joie que de fierté la forte présence des femmes aux postes de Première ministre provinciale au Canada. Nous pouvons affirmer que Madame Clinton a incontestablement connu une carrière aussi impressionnante que surprenante. La question à présent est la suivante: va-t-elle «oser la compétition» à nouveau lors des prochaines présidentielles? [
Keelan Mac Leod / Le Délit
[ le délit · le mardi 25 mars 2014 · delitfrancais.com
Actualités
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Société societe@delitfrancais.com
Le soleil au bo
Un bref aperçu de l’état du tr
Camille Gris Roy Le Délit
«J
e ne suis pas certain qu’on trouverait cent personnes qui rêvent de prendre l’autobus». Le maire de Québec Régis Labeaume a beau ne pas être convaincu de l’importance des transports en commun dans la société actuelle, la tendance semble montrer le contraire. Partout le transport collectif est en expansion et il y a une réelle demande pour que le réseau soit amélioré. Les transports en commun restent certes relativement peu utilisés au Canada. Seule une personne sur huit les emprunte pour se rendre à son lieu de travail: plus précisément, 82% des travailleurs prennent leur automobile, tandis que 12% utilisent les transports en commun et 6% se déplacent à pied ou à vélo, selon une étude de Statistique Canada en 2010. Mais dans tous les cas, le nombre de déplacements en transport collectif est en constante augmentation chaque année. D’après la Société de Transport de Montréal (STM), la ville a enregistré 405 millions de déplacements en 2011, un record d’achalandage historique, qui représente en fait une augmentation de 12% depuis 2006. Se basant sur ces statistiques montantes, la STM a décidé de fixer l’objectif de son Plan stratégique à 540 millions de déplacements annuellement pour 2020, soit une hausse de 40% par rapport à 2010. Les transports collectifs se sont ainsi frayés un chemin dans les mentalités. Dans un récent sondage CROP, commandé pour l'Association du transport urbain du Québec (ATUQ) et présenté le 17 mars dernier, 88% des répondants, usagers ou non, affirmaient qu’il est «assez» ou «très» important de financer davantage les transports en commun. Dans la région métropolitaine de Montréal, le pourcentage monte à 90% des répondants. Faisant écho à ces préoccupations, le transport collectif a occupé une place de choix lors de la campagne municipale à Montréal, à l’automne dernier, et est aussi un thème de discussion de l’actuelle élection provinciale. Petites et grandes frustrations Montréal est une ville où les transports sont bien développés. Mais il reste beaucoup à faire au niveau de la connectivité, de l’efficacité et de la gouvernance notamment. Ainsi, pour parcourir une distance de cinq kilomètres entre un certain point de l’arrondissement Côte-des-Neiges et un point donné du centre-ville par exemple, il faut compter au minimum qurarante minutes de voyage en transport collectif, alors qu’un même voyage serait réalisable en sept minutes uniquement en automobile. De même, il est fréquent d’entendre les usagers du transport collectif se plaindre des longues attentes aux arrêts d’autobus, dans l’une des villes les plus froides au monde l’hiver. Sans parler, enfin, des pannes dans le métro. Ces exemples relèvent de l’anecdote, mais ces petites histoires multipliées viennent démontrer que le réseau de transports à Montréal est en fait plein de failles et manque de coordination. Il reste encore un grand pas à franchir pour que l’auto ne soit plus consi-
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dérée comme le moyen de transport «facile», «par défaut». En fait, si les études statistiques montrent que le transport collectif n’est pas le mode de déplacement favorisé par le citoyen moyen, c’est principalement parce que le réseau n’est pas adapté à la demande. Selon l’étude de Statistique Canada mentionnée plus tôt, les déplacements en transports collectifs sont en moyenne beaucoup plus longs que les déplacements en automobile (en général d’une vingtaine de minutes). À Montréal en particulier, les plaintes des usagers témoignent d’une insatisfaction collective, et surtout d’une frustration devant le potentiel d’un réseau déjà bien structuré, mais qui pourrait se développer bien davantage. Infrastructures montréalaises Le transport collectif à Montréal existe depuis plus de 150 ans. La ville comptait déjà un réseau de tramways dans les années 1860 (alors tirés par des chevaux). Depuis, les transports se sont largement développés, et à partir de 1951 l’entreprise de gestion des transports collectifs à Montréal (la STM actuelle) est passée dans le domaine public. Autobus Montréal compte un réseau développé d’autobus, qui comprend 170 lignes, en plus de 23 lignes de nuit. Ces lignes se divisent en différents types: le service régulier, le réseau «10 minutes maximum», le réseau express pour les heures de pointe, les Navettes Or pour faciliter le transport des personnes âgées, et les navettes pour les événements spéciaux ou pour l’aéroport. Pour faire fonctionner ce système, la STM possède près de 1700 autobus en service. Si le réseau est bien structuré et permet de connecter tous les points cardinaux de la ville, beaucoup plus qu’avec le métro, il n’en reste pas moins que les autobus ne passent pas partout, et souvent il faut passer par un réseau de correspondances entre plusieurs autobus. Les temps d’attente dépendent des lignes: certaines ne passent qu’une à deux fois par heure. En général certaines lignes sont jugées plus fiables que d’autres. Métro Le métro de Montréal a été inauguré par le maire Jean Drapeau en 1966, un an avant l’exposition universelle de 1967. À l’origine il ne comptait que trois lignes – les lignes orange, jaune, et verte – et seulement 26 stations. Au fur et à mesure des années, des stations se sont ajoutées au réseau, et la quatrième ligne (bleue) a été lancée entre 19861988. Le métro d’aujourd'hui comporte 68 stations réparties sur quatre lignes, sur un total de 71 km. Les derniers changements au réseau datent de 2007, avec la construction de trois stations à Laval. Le réseau de métro reste limité et ne connecte pas tous les points de la ville. Ce n’est que depuis récemment qu’il traverse la rivière des Prairies pour se rendre à Laval. Mais les pointes est et ouest de l’île ne sont pas desservies. Le projet d’étendre la ligne bleue au nord-est existe depuis des années mais progresse lentement et reste pour l’instant au stade de «projet», même si lors de la dernière campagne municipale, les candi-
[ le délit · le mardi 25 mars 2014 · delitfrancais.com
dats ont réaffirmé leur intention d’accélérer le processus. Les voitures du métro qui roulent actuellement sont les mêmes que celles qui roulaient dans les années 1960, à l’ouverture. Les pannes de métro sont d’ailleurs fréquentes. Enfin, les heures d’ouvertures restent plutôt limitées (entre 5h30 et 0h30 environ). Autres moyens de transport La ville de Montréal compte aussi depuis peu un service de taxis collectifs, «un transport adapté aux quartiers où il n’est pas possible d’implanter un service d’autobus régulier» comme l’explique le site Internet de la STM. Ces voitures sont des taxis traditionnels mais qui permettent à plusieurs usagers de partager la route. En ce qui concerne les transports qui ne sont pas «collectifs» en tant que tel, mais qui restent des alternatives à l’automobile privée, il y a aussi à Montréal un réseau de pistes cyclables, et un système de vélos en libre-service, les Bixis (l’entreprise a fait faillite, mais la ville de Montréal tente actuellement de la sauver). Il existe également plusieurs services de partage d’auto comme Communauto et le récent Car2go. Tarifs Les tarifs du métro et des autobus sont compris dans un même système. La STM propose différents titres de transport: les billets occasionnels, ou bien les abonnements hebdomadaires et mensuels notamment. Pour un étudiant, le prix de la carte OPUS mensuelle est de 47,25 dollars depuis le 1er janvier 2014. Au plein tarif, le prix monte à 79,50 dollars. Ces prix n’ont cessé d’augmenter dans la dernière décennie (en 2004, les étudiants payaient 31 dollars par mois). Ce phénomène est dû en partie à l’inflation croissante, mais aussi au manque d’investissement dans les transports.
Région métropolitaine Sur l’Île de Montréal c’est la STM qui est en charge du réseau de transports. Mais au niveau du Grand Montréal, la main passe à l’Agence Métropolitaine de Transport (AMT) et les grandes villes comme Laval et Longueuil ont également chacune leur propre compagnie: la Société de Transports de Laval (STL) et le Réseau de Transports de Longueuil (RTL). L'AMT est un lien entre ces différentes sociétés de transports. L’agence est également responsable du fonctionnement des cinq lignes de trains de banlieue qui parcourent la région de Montréal. Les services entre les différentes sociétés de transport de la région ne sont toutefois pas harmonisés. Par exemple, les billets de transports de la STM ne sont valides que sur l’Île de Montréal et ne peuvent pas être utilisés pour les trains de banlieue. L'AMT a ses propres titres de transport: les TRAIN, pour les trains de banlieue, et les TRAM (Train Autobus Métro) qui permettent d’utiliser les différents modes de transport de la région, dans les zones choisies par l’usager. L’AMT divise la région métropolitaine en zones, de 1 à 8 selon le degré d’éloignement par rapport à l’Île de Montréal. La STL et la RTL possèdent aussi chacune leur propre système de tarification. Pour voyager dans la région de Montréal, il faut donc savoir que différents régimes s’appliquent. Au quotidien, ce manque d’harmonisation peut créer des situations complexes. Par exemple, un jeune «îlois» qui possède une carte OPUS mensuelle au tarif étudiant, qui souhaite se rendre à un certain point central de la ville de Laval et faire l’aller-retour, pourra utiliser sa carte pour prendre le métro de la STM jusqu’à Laval mais une fois là-bas, il devra prendre un billet pour un autobus de la STL, et au retour, prendre de plus un billet «spécial» de la station lavaloise de métro de la STM, billet à prix unique disponible unique-
out de la rame
ransport collectif à Montréal.
ment dans cette station, car sa carte OPUS n’y est pas acceptée. Au niveau du Grand Montréal, le réseau de transport manque donc notamment de cohérence (au niveau des prix et des correspondances) et n’est pas efficace sur plusieurs aspects. Mais ces différents problèmes sont souvent dénoncés par les usagers, et il y a de nombreux projets pour mieux développer le réseau. Projets de la STM À plus ou moins court terme, la STM a plusieurs projets concrets pour améliorer son réseau. Par exemple, la société prévoit le remplacement graduel des vieilles voitures de métro MR-63 (datant de 1966) d’ici à l’automne 2014. Pour ses nouveaux wagons, Montréal s’est inspirée de villes comme Berlin, Shanghai, Mexico, Delhi et proposera des trains composés de neuf voitures indéformables, qui devraient faciliter une libre circulation d’une voiture à l’autre. Ces voitures «Azur» (nom donné par la STM) devraient être dotées d’une technologie avancée, et les trains devraient pouvoir accueillir plus de passagers. Le nombre de pannes devrait être diminué dans le futur. Par exemple, un simple problème comme la fermeture des portes, qui est pourtant à l’origine de beaucoup de ralentissements dans le métro aujourd’hui, pourra être diminué. Même si les discussions durent depuis longtemps, les travaux d’allongement de la ligne bleue devraient être entamés dans un proche avenir. On estime que la ligne pourrait se rendre jusqu’à l’arrondissement d’Anjou au début des années 2020, sur 23 kilomètres supplémentaires. Les nouvelles stations de métro pourraient accueillir près de 84 000 usagers, estime le gouvernement. Par ailleurs pour améliorer les temps d’attente pour les autobus, le réseau devrait se
doter du service «iBUS», un service intelligent pour donner l’heure de passage en temps réel d’un autobus. Ce système sera installé aux arrêts d’autobus, et pourra annoncer les retards et les perturbations sur la route. Projet de mobilité durable Le gouvernement du Québec a dévoilé début février sa «stratégie nationale de mobilité durable», une «approche responsable et novatrice» dont le but est de présenter des solutions de remplacement de l’automobile, comme il est indiqué dans le document. La stratégie du gouvernement relève de «belles intentions», pour reprendre le titre de l’éditorial de Bernard Descôteaux dans Le Devoir du 11 février 2014. Le document met le doigt sur plusieurs des problèmes du système actuel de transports, notamment les problèmes de la division des rôles entre les différents acteurs (locaux, municipaux, provinciaux), de l’harmonisation des différentes sociétés de transport, et du manque de financement. Le document rappelle que l’aménagement du territoire est une responsabilité partagée entre l’État et les municipalités locales et régionales et les communautés métropolitaines (Québec, Montréal). Pour ce qui est des sociétés de transport et de la gouvernance, il y a une prise de conscience du fait que, dans l’agglomération de Montréal en particulier, la «répartition des responsabilités entre différents intervenants rejaillit sur les services offerts». On parle ici de «fragmentation des responsabilités» et de problèmes de planification des réseaux. En réponse à ces problèmes le document propose donc la révision de la gouvernance du transport collectif, un projet qui devait être soumis au printemps 2014 (mais qui sera mis en suspens par la campagne électorale). Parmi les idées évoquées, on compte l’harmonisation de certains services aux usagers, l’éta-
Keelan Mac Leod
blissement d’un système tarifaire unique et la diminution du nombre de titres de transport et tarifs différents. Le gouvernement reconnaît également plus généralement l’importance d’investir davantage dans les transports et annonce une augmentation des investissement, d’abord pour le maintien des structures en place. En 2015-2020 on prévoit 931 millions de dollars d’investissements de plus, et des sommes reversées aux transports en commun depuis le Plan québécois des infrastructures pour le réseau routier. Québec s’engage alors à offrir une augmentation de 30% de l’offre de services. Le gouvernement rappelle aussi entre autre son intention d’aller de l’avant avec le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal. Somme toute la stratégie de mobilité durable présente plusieurs idées en réponses aux demandes actuelles. Mais le projet a été présenté à quelques semaines seulement du déclenchement de la présente campagne électorale, et le processus a par conséquent été mis en suspens. Le projet prévoyait également l’ouverture d’un chantier sur le financement du transport collectif, en lien avec l’entente Québec-Municipalités. Mais, pour l’instant, les municipalités ne pourront pas compter sur le soutien de Québec autant qu’elles le souhaitaient. La stratégie ne prévoit d’ailleurs pas une si grande augmentation, si on considère que, de toutes façons, il était nécessaire d’investir dans les transports en commun. Mais le gouvernement aurait pu aller plus loin. Volonté et investissement En fin de compte, améliorer le réseau de transport à Montréal, et au Québec plus généralement, c’est d’abord une question de volonté et d’investissement. Aux élections municipales de novembre 2013, les candidats avaient présenté différents projets pour Montréal, plus ou moins ambitieux, dépendamment des partis. Parmi ces projets, il y avait d’abord l’entretien des structures en place, mais aussi l’idée de développer de nouvelles infrastructures avec des Services Rapides de Bus (SRB) ou encore un tramway pour Montréal. Aujourd’hui, faire le pas en avant dépend de la volonté de la municipalité. À Montréal, l’arrivée d’un nouveau maire et d’un nouveau président à la tête de la STM (une nomination politique) ont laissé planer le doute. Les récentes coupures dans le dernier budget de la Société ont suscité des réactions. Mais le résultat final dépend surtout des subventions du gouvernement du Québec, et d’où sont placées les priorités de la province. L’élection du prochain gouvernement provincial devrait déterminer la ligne qui sera suivie dans les prochaines années. En attendant, différents groupes, à différents niveaux, continuent de faire pression pour qu’on considère réellement le transport collectif comme la solution d’avenir. Par exemple l’alliance TRANSIT (pour le financement du transport collectif au Québec) émet régulièrement des communiqués pour rappeler au gouvernement où il doit fixer ses priorités. «Rappelons que les transports collectifs, au-delà de tous leurs avantages envi-
ronnementaux et d’aménagement, jouent un rôle majeur dans l’économie du Québec, non seulement en diminuant la congestion routière, mais aussi en créant beaucoup d’emplois», disent-ils dans un communiqué du 20 mars dernier sur les élections. «On croit que ça devrait être une priorité pour le gouvernement provincial d’investir dans les transports en commun, on est de l’avis qu’il est possible de couvrir le déficit au niveau provincial pour un système majeur de transports en commun» dit Alex Tyrrell, chef du Parti vert du Québec (PVQ), rencontré cette semaine par Le Délit. «Les municipalités cherchent l’investissement. Le système de transport en commun se base sur une gestion locale, mais est financé par un investissement provincial», insiste-t-il. Pour le PVQ, qui propose dans sa plateforme la gratuité du transport collectif, il s’agit simplement de recentrer les priorités, en cessant par exemple d’accorder des subventions aux automobilistes et en reversant l’argent aux projets de transport en commun. Le système à Montréal pourrait, a priori, mieux fonctionner. Il est plein de petites failles, de petites incohérences par-ci par-là, mais il suffit surtout d’une meilleure organisation et d’une harmonisation, et de toujours le remettre au centre des priorités.[ COMPARAISON ENTRE MONTREAL ET TORONTO
S
i on compare brièvement la Société des Transports de Montréal et la Toronto Transit Commission, le premier écart important est au niveau des prix, même pour les étudiants: une passe mensuelle pour prendre le métro et le bus à Montréal coûte 47,25 dollars, alors qu’à Toronto un étudiant devra débourser 108 dollars pour le même service. Selon le site blogoto.com, qui présente une comparaison des différents systèmes de transports en commun nordaméricains, celui de Toronto est le plus cher de cette partie du continent. Les deux villes ne sont pas non plus desservies de la même manière: Montréal a une superficie de 365,13 km2 tandis que celle de Toronto est de 630 km2. Cependant, le métro de Toronto ne compte qu’une station de plus (69) que celui de Montréal. De plus, ce dernier permet à 1,2 millions de personnes de se déplacer chaque jour (selon la STM), tandis que celui de Toronto en véhicule 940 300. Le même déséquilibre se constate au niveau du bus: Montréal compte 170 lignes de bus, alors que Toronto en compte environ 150. Mais il faut ajouter à ce chiffre les 11 lignes de tramway de la métropole ontarienne, dont ne dispose pas Montréal. Ainsi, pour une plus grande population et une aire urbaine beaucoup plus importante, Toronto dispose d’un système de transport similaire à celui de Montréal. La deuxième ville du Canada est donc mieux desservie, comme en témoigne Joshua Guitard-Maraj en entrevue avec Le Délit, ayant habité dans les deux villes. Selon lui, le métro de Montréal est mieux en général, même si le tramway à Toronto est un atout.[ Côme de Grandmaison
Société
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CHRONIQUE
Paresse buccale Julia Denis | Une chronique qui ne mâche pas ses mots
JE M E S O U V I ENS ENC ORE D E M ES pr emiers dÎners mcgillois. J’avais alors cette impression accordÊe à la tempÊrature ambiante: ces mets tout droit sortis de ma cantine de rÊsidence universitaire (BMH pour les quelques connaisseurs fÊrus de grande gastronomie) avaient un certain goÝt exotique. De vrais hot dogs, des biscuits mi-cuits, des sandwichs crÊatifs à la confiture et au beurre d’arachide, des pizzas traditionnelles, des poutines aux goÝts subtils‌ Ces dÊlices de la gastronomie nord-amÊricaine me bouleversaient hors de ma France natale. Mon avenir à McGill avait alors un gout de mensonge cinÊmatographique hollywoodien, avec quarter back en entrÊe, fraternitÊ en plat, mariage prometteur en troisième annÊe et fromage s’il vous plaÎt. Aujourd’hui mes rêves par la neige enterrÊs, une masse graisseuse sur mes hanches accumu-
lÊe, mon cerveau de calories affamÊ, les menus mcgillois mÊmorisÊs et mes finances rationnÊes, je ne dÊguste plus, je me nourris. J’avale sans goÝter ni me dÊlecter, espÊrant juste que mon estomac sera anesthÊsiÊ. Une vie construite sur une Êquation compliquÊe: s’alimenter sans mettre ses comptes en hypoglycÊmie. La faim justifie alors tous les moyens (excusez le jeu de mots facile mais si tentant). Mais il est dÊlicieux ce sandwich grillÊ à trois dollars. Mais si, il est vraiment bon, y’a plein de fromage. De fromage, vraiment? Si ces remarques quotidiennes dignes d’une relâche affligeante arrivaient jusqu’à la machine auditive de ma bonne grand-maman, elle m’infligerait la torture pour nÊgation de la culture gastronomique (fouet, pique-bigorneaux, mortier, rouleau, brochette, râpe, hachoir‌ ils peuvent être vicieusement dÊtournÊs!). Je prends quand même le risque. Mes besoins animaux se faisant toujours plus ressentir, je reviens à un Êtat sauvage, oubliant les us et coutumes du palais que je souhaitais redorer par cette chronique. Sans repli parental à moins de 5800km, je fais comme tout Êtudiant: je suis un ventre avare. Si la queue au Tim Hortons est d’une demi-journÊe, et bien je m’y ajouterai. Si c’est pâtes au dÎner, c’est par pur amour de la routine. Si j’ai envie d’un plaisir de marque, ce sera des Cheerios chez Dollorama. Si des salades immondes sont proposÊes en accompagnement pour un prix lÊger, je saurai les savourer. Si on me propose un dÎner, il serait impoli de refuser. Si le lait est un peu pÊrimÊ, j’affirmerai que je l’aime à maturitÊ. Coca Colbouse et Burger shit, goodbye gousse d’ail, goodbye marmite chantait Richard Gotainer (un grand classique chez les 6-12 ans) pour exprimer son dÊsarroi face à l’affaiblissement de la cuisine dite grand-maternelle face à la montÊe inexorable de la Junk Food. Aujourd’hui, si ce grand chanteur et amoureux de la francophonie se concentrait sur notre style de vie, son goodbye serait remplacÊ par un simple adieu. Nous vivons dans un tel monde de rapiditÊ, d’efficacitÊ, d’Êconomie, que même nos dÎners sont vouÊs à rimer avec productivitÊ et moindre qualitÊ. Une triste rÊalitÊ à vous couper l’envie de manger.[
UNE AUTRE FAÇON
D’ÉTUDIER.
Des infrastructures de haut niveau pour les passionnĂŠs de la mer . ! . "
ismer.ca
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE L’assemblÊe gÊnÊrale annuelle de la SociÊtÊ des publications du Daily (SPD), Êditeur du McGill Daily et du DÊlit, se tiendra
mercredi le 26 mars au Leacock 26 Ă 17h30
Les membres de la SPD sont cordialement invitÊs. La prÊsence des candidats au conseil d’administration est obligatoire.
Jules de Laage
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Pour plus d’informations, contactez-nous: chair@dailypublications.org [ le dÊlit ¡ le mardi 25 mars 2014 ¡ delitfrancais.com
Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com
PROSE D’IDÉES
Promenade Doig Photographies par Jochen Littkemann
En Terre Étrangère. Philippe Robichaud Le Délit
J
’ai bien écrit un «Peter Doig» indicatif en haut d’un document Word ce matin – j’allais justement vous entretenir des ouvrages qu’il présente actuellement au Musée des Beaux-Arts, lorsque je suis parti pour une balade en ville avec une amie. C’est sa troisième journée à Montréal à vie et la neige tombait abondement; elle n’avait jamais vu ça, et ça l’émerveillait. Tandis que les uns perdaient dans un murmure contemplatif les plus belles heures du jour, les plus belles journées, leur argent et leur gaieté; que de jeunes et graves bourgeois un peu bohèmes et enfoulardés faisaient retentir sur les grands murs blancs des salles d’exposition leurs opinions sur les nouveaux principes de l’art méta-expressionniste, l’utilité ou l’inutilité de la philosophie, la religion, les mœurs, les acteurs, les actrices, le gouvernement, la préférence entre la musique électronique ou instrumentale, les beaux-arts, les lettres et autres questions importantes dont ils cherchaient toujours la solution au fond des cannettes de Pabst, et regagnaient, enroués, chancelants, le fond de leur appartement dont ils avaient peine à retrouver la porte; eh bien j’allais, accompagné de Z. et de mon sac, foulant les trottoirs fraîchement enneigés de cette ville qui est encore plus belle lorsqu’elle est drapée de ouate. Mon projet, c’est de vous décrire les tableaux que notre balade nous a offerts, espérant qu’ils en vaudront bien d’autres. Ma compagne de promenade, qui voyait tous les sites que nous visitions pour la première fois, portait un regard candide sur les scènes qu’elle toisait, décuplant leur intérêt et leur charme par la singularité que lui procurait son point de vue. Nous voilà partis. Nous causons. Nous marchons. Une première étape: «Ça ne te dirait pas d’aller au bain libre au coin de ma rue ? – Mais oui! L’eau, c’est la vie.» C’est un de ces anciens bains publics que la ville avait installé à la fin du XIXe siècle par mesure d’hygiène et qui s’était converti en piscine avec l’arrivée de l’eau courante chauffée dans la
majorité des appartements. Arrivé au bord de son bassin, j’ai encore la tête baissée, selon mon habitude. Mes yeux remontent graduellement, à partir du sol; devant nous, les tuiles luisantes de la promenade, puis l’eau, les corridors du réservoir, la promenade de l’autre côté; le mur, la baie vitrée donnant sur les tons pastels d’une matinée neigeuse. Des lignes horizontales et parallèles structurent l’espace. Au loin, de profil, un vieil homme à la démarche facile avançait, serviette blanche à la taille, avec l’air insouciant d’un habitant de la Côte d’Azur. «T’aurais pas des lunettes à me prêter?» Entre Z. et moi, nous n’avions qu’une seule paire. «Je vois tout en flou; le chlore me pique les yeux! Mais… j’en ai p’t’être pas besoin, de tes lunettes… c’est
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magnifique, comme ça. L’homme, les lignes, les couleurs… Quel artiste aurait pu recréer le naturel d’une telle vision?» Doig, peutêtre… «Il aurait pu refaire la fébrilité de mon regard irrité par l’eau de piscine? La nonchalance totale de c’type?» C’est presqu’exactement son Walking Figure by a Pool, que j’avais vu à Paris lors de l’expo au Palais de Tokyo… «Ah … !» Et elle plonge. «Tu voulais pas mes lunettes?» La baignade nous a bien ouvert l’appétit. Un restau à burritos à un jet de pierre nous convainc; on s’installe près de la fenêtre, qui donne sur la rue. La rencontre entre l’air froid de l’extérieur et le chauffage à bloc sous la vitre macule celle-ci de condensation. Elle suinte et ruisselle en d’agréables petits rus
verticaux. Dehors, le vent fait virevolter la neige et la fumée qui s’échappe des cuisines rajoute une strate nébuleuse au tout. Z. se met à rire. «Non mais qu’est-ce qu’il fait là, lui? – C’est vrai! Il est déguisé ou…? – En chauve-souris, on dirait! – Ha! Il va s’envoler, peut-être!» Dans la rue, un homme s’agite, costumé. Bras entr’ouverts comme le Christ Rédempteur de Rio, il nous fait dos, criant aux passants qu’il est prêt à sauver Gotham City. Proche, il prend toute la place qu’il peut occuper dans notre fenêtre embuée. «J’aimerais tant avoir mon appareil photo! C’est parfait!» Ouais, on pourrait aussi en faire une immense fresque. «Bah c’est mort la peinture depuis Duchamp!» Mais… «Tu vas me dire que Doig l’a déjà faite, cette scène, c’est ça?» J’ai des doutes sur le restau à burritos, mais son Man Dressed as Bat c’est plutôt ça, l’idée… «Vraiment? À y penser, on aurait pu y aller à l’expo…» Pas grave. La peinture n’arrive pas à la cheville de la vie. «Frimeur, va! Tu paraphrases Alain Farah? Qui dit que ça vaut quoi que ce soit, ce qu’il dit?» Qui dit que ça n’a pas de valeur, alors? On se dit qu’il est temps de rentrer. À pied, on n’est pas très loin du métro Square Victoria, là où il y a une des entrées style art nouveau qu’Hector Guimard avait réalisé pour le métro de Paris. S’en rapprochant, on voit que l’air chaud et gras qu’exhumait une bouche d’aération fait frétiller la fixité des contours des objets, des gens qui passent. Les ampoules des lampes à basse pression de sodium jettent une teinte orangée ça et là. Un homme, barbe hirsute et mouillée, s’accroche à un arbre comme un soldat blessé s’accrocherait à un camarade. Il a une bouteille de bière Stag à la main; on devine que son combat est tout autre. «Vouz!… Vou… Gnrraahhh! Moi, j’te la pinnerai bien ta p’tite copine! J’ai une énorme graine!» Z. éclate. Je la prends par le bras; ça va aller, il est saoul, il dit n’importe quoi. Le barbu enlève son grand chapeau jaune, l’agite; il perd pied et tombe. Il grouille, mais ne se relève pas. Enhardis par un dégoûtant sentiment de rétribution, on le laisse et on s’engouffre rapidement dans le métro. La neige tombe toujours, mais on a assez vu de tableaux pour aujourd’hui. [
Arts & Culture
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CHRONIQUE
Publications étudiantes Gilles Dry | Rhétorique culturelle
Un peu de répit pour les enseignants cette semaine, j’ai réalisé après un bref séjour dans un de leurs bureaux toute la pénibilité du métier, et, tenant à mon diplôme, je m’excuse donc de l’étendue de ma faiblesse et espère que je perdrai au moins quelques amis pour compenser. CES DERNIERS MOIS OU ANNÉES, de nombreux journaux étudiants ont fleuri aux alentours de McGill, probablement grâce à la découverte de l’Internet mais aussi et plus certainement grâce à la vibe rétro de la publication, cet amour que l’on a pour les choses en train de disparaître, ou plutôt par ce besoin d’avoir quelque chose dans son C.V. vu l’ab-
sence d’ambition et d’intérêt qu’ont ces publications, pour la plupart en ligne, sans support papier, ne requérant aucun engagement, aucun travail d’édition et finalement rien de ce qui fait véritablement l’expérience journalistique du travailler-ensemble. Tout peut être fait depuis chez soi, et tant mieux d’ailleurs, car au moins ces gens n’ont pas à se supporter. Croyez-moi cela serait un vrai travail, une vraie expérience à mettre sur son C.V., avoir réussi à tolérer la prétention et la suffisance de ses collègues à telle ou telle publication en ligne existant actuellement, et dont la visibilité se limite à l’organisation de soirées destinées à abrutir assez l’esprit des invités pour qu’ils soient enfin à même d’apprécier leurs articles. Par exemple, ces publications proposent souvent aux étudiants de publier leurs essais écrits pour des cours, avec comme condition qu’ils aient obtenu une note minimale. En effet, engagement étudiant et accepter comme jugement qualitatif la note donnée par le professeur (ou plus réalistement par l’assistant de cours), vont de paire. C’est clair, respecter les consignes et écrire ce que l’on attend de nous est un indicateur infaillible de la qualité d’une pensée, et donc de sa légitimité à être
publiée. Non seulement l’étudiant est prêt à respecter ces consignes pour obtenir la note qu’il désire, mais en plus il revendique cet abaissement en se faisant publier dans un des innombrables journaux des facultés en sciences humaines ou établis par des étudiants en sciences humaines. La publication étudiante accepte d’être étudiante, ce qui revient à dire qu’elle accepte d’être dans la norme universitaire, celle du travail récompensé, de la pensée bridée et donc de l’envie de plaire, alimentant le besoin de se mettre à genoux devant les institutions de l’étudiant lambda. Parler de ces publications est déjà une consécration de leur existence, or, il faut nier cette existence jusque dans ses fondements. Accepter la norme et par là prolonger la norme, ce n’est pas exister mais seulement pérenniser des institutions destinées à nous satisfaire de notre propre médiocrité. Oui, l’étudiant qui travaille pour avoir une bonne note n’est pas blâmable car il évolue dans une logique de rentabilisation de son apprentissage c’est bien connu, mais lorsque ce qui devraient être ses supports d’expression se font les miroirs des pratiques universitaires, il y a un problème. Évidemment, on dira qu’il existe à
McGill des journaux papiers respectables, l’un est même de langue française et son indépendance est soi-disant garantie, mais c’est plus un programme de formation journalistique qu’une tribune efficace. Le mode d’expression dans un journal se doit d’être une alternative libératrice aux contraintes universitaires, et donc également libre des problèmes humains qui prévalent dans ce genre de milieux. Tout comme les meilleurs professeurs se doivent de faire abstraction de l’élève lorsqu’ils jugent une composition, les meilleures publications doivent être régies par une équipe qui sait faire abstraction de ses sentiments propres pour garantir son intégrité et offrir ainsi aux étudiants cette possibilité d’expression. La mainmise d’un petit groupe d’amis sur ce genre de publication, comme c’est toujours le cas, souligne un problème structural qu’il est impossible de résoudre. Mais oui, descendons dans la rue pour protester contre je-ne-sais-quelle action du gouvernement et continuons à vivre dans la régulation totale de notre capacité d’expression, passons notre jeunesse à genoux, on a tout le reste de notre existence pour apprendre à ramper. [
quant au propos tenu. Cela dit, nous ne pouvons mettre la nuit de côté de la sorte puisqu’elle est, justement, le sujet sur lequel nous étions en train de nous pencher si assidument. Je vous propose donc de changer de lunettes et d’y voir le verbe «nuire» conjugué à la troisième personne du singulier au présent de l’indicatif. Une petite homonymie qui nous permettra d’avancer sur le chemin de l’idée. À propos de «porte», procédons inversement pour obtenir une porte. Cela nous permettra d’en ouvrir une sur un nouveau dicton. Pour ce qui est du conseil, je vous propose de ne pas nous embarrasser de termes qui pourraient paraître insultants, ne gardons que «seil». «Seil» ne veut rien dire? Bien, profitons des multiples prononciations de la lettre «e» dans la langue française et optons
pour le «eu». Troquer trois lettres contre un petit «u» ne me semble pas relever de l’ajout excessif. Nous voici munis d’un seuil. Récapitulons. Nous avons un seuil et une porte. Nous savons aussi que l’un nuit à l’autre. Si c’est la porte qui nuit au seuil, cela implique que les deux configurations possibles de la porte (ouverte ou fermée) posent un problème à l’entrée en matière. Je vous l’accorde, quoi de plus désobligeant que d’enfoncer une porte ouverte? Mieux vaut donc qu’elle soit fermée. Pour être fermée, il lui faut exister. Après cette déduction par élimination, il nous reste: «Le seuil nuit à la porte». Dicton qui m’apparaît mettre justement des mots sur l’attitude malheureuse qui consiste à rester coincé au seuil. Entre un pas pour le franchir, ou une nuit pour y réfléchir, tout dépend de la porte. [
arrive jusqu’à nous. Sinon, il passait aux oubliettes, le Georges. Un seul critique évoque sa disparition en 1983. Son œuvre est pour le moins laconique: deux petits romans, quelques feuilles volantes, des fragments et ses carnets de captivité. Pas plus. À sa mort, seuls les deux romans ont été publiés, le premier en 1949, l’autre en 1953. Bien que défendus par Sartre et Etiemble, les deux opuscules d’autofiction ne font pas de bruit, passent inaperçus. Et pourtant quelle force, quel style! La peau et les os, son premier roman, est un monologue intérieur racontant son retour à la vie normale, aux repas du dimanche, en famille. Devant l’impossibilité de raconter l’expérience exténuante du quotidien des camps, le narrateur-personnage se tait, raconte quelques anecdotes drôles, ne voulant surtout pas troubler la Famille dans son «bonheur épanoui et gras». Alors il la couche sur le papier, la véritable expérience, seule façon de
la raconter. Sans tomber dans le pathétique, la désolation, qui n’inspirerait que la pitié. Non, il a beau la raconter son histoire, elle dépasse l’entendement. «Le monde des vivants, le monde de tout le monde» ne peut pas comprendre, apprécier trois ans de parenthèses, au cours desquels l’homme se détruit, de jour en jour, presque indiciblement. Il y a quelque chose d’incommunicable chez Hyvernaud, une tension entre le besoin de raconter et l’impossibilité de formuler. On se retrouve, nous lecteurs contemporains, dans la prose de Georges Hyvernaud, une prose dénudée, sèche, efficace. Il n’est pas dans le témoignage, exercice vu et revu ad nauseam, mais bien dans de la mise en forme littéraire. Au lieu de provoquer l’apitoiement, Hyvernaud et sa prose itérative jusqu’à la jouissance nous ouvre une brèche sur le désespoir, un humanisme déchu jetant un regard noir et sans concession sur notre société et l’humanité toute entière. [
«La nuit porte conseil» Gwenn Duval | Construction descendante
VOICI UN DICTON QUI DONNE du fil à retordre! Une nuit vous a-t-elle déjà vraiment porté conseil? Vous est-il arrivé de recevoir, sous la lune, une illumination qui ait réellement changé la façon dont vous vous apprêtiez à envisager un problème? Ne vous
êtes-vous jamais, au contraire, réveillé angoissé à l’idée de devoir gérer une situation? Il peut arriver, je vous le concède, que la nuit permette de combler un manque de sommeil qui empêche de réfléchir «à tête reposée». Cependant, peut-on vraiment prétendre que ce soit la nuit qui ait porté le conseil et non le répit cérébral? Je me méfierais de l’association rapide et douteuse qui place «dormir» entre les crépuscules. Étudiants, vous serez à même de comprendre ce que je veux dire. Que celui qui n’a jamais passé une nuit blanche, penché sur un travail ou bien galopant d’un bar à l’autre ne dorme pas ce soir! Il admettra alors volontiers, lui aussi, que ces heures nocturnes ne sont pas les plus propices à l’émergence d’un jugement. Le dicton est, de façon évidente, à nuancer. Une proposition telle que «le sommeil porte conseil» se rapprocherait de la justesse
Un homme quelconque Baptiste Rinner | Les oubliés de la littérature
POUR CETTE DERNIÈRE CHRONIque de l’année (qui sait, je remettrai peut-être le couvert l’année prochaine, il en reste tant, des écrivains oubliés), fini de rire. Plus d’écrivains fascistes, je veille à ma réputation et à ma respectabilité. Un de plus, et ça aurait été de trop. Comment ne pas passer pour un fasciste quand on lit, à la suite, Nabe et Rebatet?
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Arts & Culture
Quoi qu’il en soit, on parle trop de Brasillach, et Drieu est entré dans la Bibliothèque de la Pléiade il y a deux ans. Tu parles d’un oublié. Non, aujourd’hui je veux parler d’un homme quelconque. Un professeur charentais qui a eu le malheur de fréquenter les camps de travail polonais pendant la Seconde guerre mondiale. Une aventure «que des millions et des millions de pauvres gars ont connue» dira Raymond Guérin. Mais cet homme-là a transformé cette aventure en littérature. En résultent les pages les plus puissantes sur la guerre 39-45 et sur ses conséquences humaines. J’ai nommé Georges Hyvernaud. Avant de poursuivre, j’aimerais profiter de la place qui est la mienne dans ces colonnes pour saluer monsieur Dominique Gaultier, éditeur et despote éclairé du Dilettante, un grand homme à qui je dois tant de choses. C’est Dominique Gaultier qui a réédité les textes de Georges Hyvernaud, qui a donné à son œuvre un second souffle pour qu’elle
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CINÉMA
Tom et le mensonge
Gracieuseté des Films Seville
Le périple du jeune cinéaste Xavier Dolan à la ferme de Michel Marc Bouchard. Gabriel Cholette Le Délit
S
uite à la mort de son amoureux, Tom, jeune publicitaire, part rejoindre la famille du défunt pour être présent aux funérailles et apporter son soutien à la famille. C’est un choc pour lui de tranquillement constater qu’on n’avait jamais parlé de Tom à la ferme familiale. On attendait plutôt l’arrivée de Sara, une femme «qui a vingt ans et qui fume trop», une bonne mangeuse de pâtes, la blonde du décédé, une «crisse de conne» surtout, parce qu’elle n’est jamais venue rencontrer Agathe et Francis, sa belle-mère et son beau-frère. Elle n’est pas réellement sa copine, mais si Tom découvre le pot aux roses, c’est Francis qui va le jeter dans la fosse aux vaches. Il y a longtemps que nous attendions d’être témoin cinématographiquement de l’arrivée de Tom à la ferme, le nouveau film de Xavier Dolan, qui avait été présenté l’année dernière déjà à la compétition principale du 70e concours du Festival international de film de Venise, ainsi qu’au Festival du film de Toronto. Le film a été
reçu avec de grands éloges, gagnant le prix de la Fédération Internationale de la Presse Cinématographique (FIPRESCI) à Venise. Suite à ses premiers films que l’auteur nomme lui-même sa «trilogie de l’amour impossible» (J’ai tué ma mère (2009), Les amours imaginaires (2010), Laurence Anyways (2012)), Dolan se lance un nouveau pari: il propose d’adapter la pièce à grand succès de Michel Marc Bouchard (Les Feluettes (1987)). Il conserve le même titre que la pièce, qui avait été présentée en 2011 au Théâtre du Nouveau Monde, dans une mise en scène de Claude Poissant. Défi de taille, car la pièce de Michel Marc Bouchard est bien appuyée sur les conventions théâtrales: elle réinvente le procédé des apartés, en permettant au personnage de Tom d’énoncer ses pensées à voix haute sans interrompre l’avancement de la pièce. Il est aussi bien conscient de la contrainte de la scène et reflète ce sentiment de huis clos sur ses personnages qui sont symboliquement pris en campagne. L’emprisonnement géographique représente bien l’état des personnages euxmêmes pris dans leur mensonge.
Car Tom à la ferme est avant tout une pièce et un film sur le mensonge. Dans son «Mot de l’auteur», Bouchard conclut avec une phrase frappante de vérité: «Avant d’apprendre à aimer, les homosexuels apprennent à mentir. Nous sommes des mythomanes courageux.». Avant d’apprendre à aimer, Guillaume (qui n’est jamais nommé dans le film et apparaît seulement dans les didascalies de la pièce) a dû mentir à sa mère Agathe, il a dû prétendre qu’il aimait une fille. Il a même une preuve à l’appui, une photo des deux «amoureux» qui s’embrassent. L’adaptation est bien consciente de sa nouvelle forme: c’est ainsi que la zone de la pièce s’élargit. Les routes s’ouvrent et les environs sont ouverts à la trame narrative. Le sentiment de claustrophobie reste cependant, car si tout est maintenant ouvert, il n’y a rien dans les environs immédiats. La campagne, c’est l’espace, c’est la distance. Dans les transpositions importantes, notons le passage de Tom au bar du village, maintes fois nommé dans la pièce. Ce lieu devient source de vérité, un écrit lumineux est délicieusement placé au mur
pour souligner la raison de cet ajout: «Les vraies affaires». Drôle de coïncidence avec la scène politique actuelle, c’est le barman qui n’est pas nommé dans la pièce qui devient le détenteur «des vraies affaires». Le film donne un horizon de l’extérieur, des «occasions d’échapper à son sort» comme l’affirme Dolan, pour renforcer l’effet de séquestration. De façon générale, les scènes ajoutées sont pertinentes. Elles frappent. Seules quelques scènes voient leur propos modifiés, voire adouci. On regrette, mais qu’on comprend aussi car elles n’avaient leur place dans leur entièreté dans le film. Dolan coupe notamment le monologue de la mère à propos de sa salade de pâtes qu’elle se sent si souvent obligée de faire, contre son gré: elle était jugée trop dramatique par le cinéaste, impossible de la transposer de la scène à l’écran. Le film devient une entité distincte, signe de la réussite de Dolan. Nous parlerons maintenant de la pièce Tom à la ferme de Michel Marc Bouchard et du film Tom à la ferme de Xavier Dolan, tous deux exceptionnels. Le film sera à l’affiche au Québec à partir du 28 mars 2014. [
FESTIVAL
Avec sensibilité et envergure Le Festival International du Film sur l’Art nous plonge dans des images poétiques reflétant la mutation des arts actuels. Habib B. Hassoun Le Délit
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our sa 32e édition, le Festival International du Film sur l’Art, dit le FIFA, s’étend sur dix jours, fort riches de la programmation de 270 titres, autant d’ici que tirés d’un peu partout sur le globe. Depuis sa création par René Rozon, le Festival fait du film sur l’art un genre en soi; ainsi il couvre tous les médiums artistiques, l’architecture, la littérature, le monde muséal, la musique populaire, baroque, l’opéra, la sculpture, la bande dessinée, le cinéma, la peinture, la mode, le design, le marché de l’art. Il présente aussi des films sur des lieux, des événements ou des phénomènes d’avant-gardes ou encore des classiques toujours essentiels à se remémorer. D’innombrables et d’infinies projections, qu’on voudrait toutes voir, mais le
temps est tel qu’il faut choisir. Tentons de démêler cette généreuse programmation. Dans le genre littéraire, notons la projection du premier documentaire sur la vie controversée de William Burroughs par Howard Brookner, en 1983; dans la même veine, un film traçant l’amitié ponctuée de mots, de routes et d’alcool des trois grands de la Beat Generation – Jack Kerouac, Allen Ginsberg & William Burroughs comme dans un retour aux origines du mouvement littéraire. Parmi les personnalités inspirantes dont la vie, l’esthétique, le processus de création et même la mort sont mis à nu, Picasso, l’inventaire d’une vie porte sur les trois années qui ont suivi la mort du maître et l’inventaire de ses 50 000 œuvres. Autres images, autre époque: Jimi Hendrix – Hear my Train a Comin’, présente deux heures d’images inédites prises par le musicien et le batteur Mitch Mitchell lors de leurs derniers concerts en 1968 et 1970.
[ le délit · le mardi 25 mars 2014 · delitfrancais.com
Le Cri d’Armand Vaillancourt, de Jacques Bouffard, est un portrait audacieux du peintre, sculpteur et figure sociale qui s’immisce dans le beau rapport entre la création, l’œuvre d’art et l’engagement politique dans sa vie. Parmi d’autres événements spéciaux, notons la création d’une série de documentaires BD QC, sur trois bédéistes québécois dont la réputation n’est plus à faire: Michel Rabagliati, Jean-Paul Eid et Thierry Labrosse. Denis Blaquière consacre un documentaire à chacun des bédéistes où les thèmes, l’inspiration, le travail quotidien, les réussites et les désenchantements du monde des bulles sont démystifiés. The New Rijksmuseum 3 et 4, de Oeke Hoogendijk, qui porte sur les dix ans de rénovation du plus célèbre musée des Pays-Bas et de ses riches collections d’arts classiques et modernes et Zaha Hadid: Who Dares Wins, sur les édifices futuristes et surréels du prix Nobel de l’architecture,
sont deux documentaires parmi les plus fascinants dans le domaine. Ils illustrent fidèlement l’étendue esthétique et historique sur laquelle se penche le festival, allant du plus traditionnel au plus avant-gardiste. Un titre de grande envergure que présente le FIFA est sans doute Google and the World Brain, de Ben Lewis, acclamé au festival de Sundance. Le documentaire relate la mégalomanie du moteur de recherche et son entreprise de regrouper dans une bibliothèque unique tout le savoir du monde. Le documentaire se penche sur les problèmes et difficultés juridiques que rencontre Google quant aux droits d’auteur en rapport avec l’édition et la numérisation du livre. Le FIFA célèbre les communautés artistiques dans tous ses angles, sous toutes ses déclinaisons; il offre surtout un moyen d’apprendre et de découvrir les belles obsessions de l’art qui nous sont contemporaines. [
Arts & Culture
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CONCERT
L.A. Phil du bon coton L’OSM reçoit le prestigieux Orchestre philharmonique de Los Angeles. Émilie Blanchard Le Délit
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lors que l’Orchestre symphonique de Montréal est en tournée européenne du 11 au 25 mars 2014, la Maison symphonique reçoit l’Orchestre philharmonique de Los Angeles (Los Angeles Philharmonic, L.A. Phil), considéré comme l’un des meilleurs orchestre au monde. Au programme: la Symphonie No.1 de John Corigliano et la Symphonie No.5 en mi mineur de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Deux symphonies composées à un siècle d’intervalle et aux styles différents, la première étant contemporaine et la seconde, romantique. La Symphonie No.1 de John Corigliano, récipiendaire de l’Oscar de la meilleure trame sonore en 2000 pour Le Violon Rouge (François Girard), a été composée en 1988-1989, alors que l’épidémie de SIDA faisait rage. Corigliano l’a écrite en hommage à des amis qui sont décédés des suites de la maladie. En effet, chacun des trois premiers mouvements est dédié à une personne chère au compositeur. Le premier mouvement, «Apologue: Of Rage and Remembrance», est dédié à un ami pianiste. Le mouvement débute avec choc et intensité. Dudamel crée un chaos pour rappeler la tension et la peur de la maladie destructrice mais peu connue à l’époque. On y retrouve des extraits au piano du Tango, d’Isaac Albéniz, en trame de fond, comme un fantôme, alors que les cordes jouent pianissimo, pour créer une ambiance de nostalgie et de mélancolie. Chose intéressante: la pianiste de l’orchestre fait des allers-retours sur scène et en coulisse pour aller jouer, inaperçu, des extraits du Tango, ce qui fait se demander au specta-
Mathew Imaging teur l’origine de cet air fantomatique. La pièce se poursuit avec la Tarantella, une forme musicale traditionnelle italienne très énergique pour littéralement repousser la folie suite à la piqure de tarentule. Dans cette partie, la tarentule, c’est le SIDA, et il faut alors se battre contre la démence de cette maladie mortelle qui peut causer autant des périodes schizophrènes et hallucinatoire que des moments de lucidité et de calme. C’est pourquoi ce mouvement passe souvent de l’intensité chaotique à la douceur. Dudamel maîtrise ces contrastes avec brio, créant ainsi un plus grand impact pour le spectateur. Le troisième mouvement, «Chaconne: Giulio’s song», un hommage à un ami violoncelliste du compositeur, est certainement le plus émouvant. Il débute avec les violoncelles, altos et contrebasses, pour ensuite se poursuivre en un solo puis un
duo entre les deux principaux violoncellistes, qui sont bouleversants. Une interprétation divine de la tristesse, de la perte et de la maladie qui détruit tout sur son passage, sans pitié. L’épilogue est un rappel de tous les mouvements précédents. On y retrouve de nouveau le Tango nostalgique d’Albéniz, la tarentelle démentielle et les violoncellistes mélancoliques pour capturer une dernière fois le choc, la peur, la tristesse et le ravage causé par cette nouvelle épidémie. Les toutes dernières mesures sont mémorables. Après une ultime phrase emmenée par les percussions, un la joué par le violoncelle émerge de ce vacarme Somme toute, la Symphonie No.1 est une expérience musicale émotionnelle carrément émouvante qui démontre qu’avec des musiciens chevronné et un chef d’orchestre magistral, on peut transmettre des
émotions plus puissantes qu’avec des paroles. Ça fait mal et c’est beau. Après l’entracte, le L.A. Phil entame la Symphonie No.5 de Tchaïkovski, qui fut composée à la suite d’une époque difficile pour le compositeur, dont le mariage désastreux avec Antonina Milyukova, qui le poussa, dit-on, à une tentative de suicide. Ainsi, le thème de cette symphonie est l’homme qui accepte de suivre son destin et sa capacité à survivre dans l’adversité et la dépression. La pièce débute avec des clarinettes, violoncelles et altos, sur un thème grave. S’ensuit un phrasé plus énergique et dynamique, à la mélodie bien reconnaissable, qui fait de la Cinquième Symphonie l’un des morceaux phares du compositeur russe. C’est lyrique et mélodique. Le finale est une victoire, qui rappelle l’«Ouverture Solennelle 1812» par son intensité et l’enthousiasme qu’elle suscite. En fait, ce fut si brillamment exécuté que l’orchestre californien a eu droit à une ovation. Devant un tel succès, Maestro Dudamel invite ses instrumentistes à enchaîner un rappel. Si le rappel n’est pas coutumier à Montréal – l’OSM n’en a fait qu’un en cinq ans – les orchestres en tournée, soucieux sûrement de leur image internationale, offrent souvent ce petit plaisir au public. Ce geste de spontanéité dans l’univers de la musique classique est souvent très apprécié; celui du 20 mars dernier n’a pas échappé à la règle La réputation du L.A. Phil n’est plus à faire, Dudamel dirige merveilleusement ses musiciens et sait créer une harmonie des sons et chaque section joue juste en ce sens. Il y a une chimie et un excellent travail d’équipe entre les musiciens, le secret pour un orchestre de renom. [
Immobilier à Il Motore Concert chaleureux de Real Estate, groupe américain en provenance du New Jersey. Adrien Peynichou
L
es membres du groupe Real Estate étaient sous de bons auspices en ce samedi soir. Les cinq musiciens étaient de passage au Mile End pour présenter leur dernier album en date, baptisé Atlas, à leurs fans montréalais. Quelle ne dût pas être la surprise du groupe en découvrant que l’immeuble voisin d’Il Motore, la salle qui accueillait le groupe, était doté d’une enseigne «Eclairage Atlas Lightings Inc.». Cette coïncidence allait s’avérer être de bonne augure. En effet, l’établissement, dont les portes ouvraient vers huit heures, se remplit rapidement de fans de tous âges et origines, manifestement enthousiastes à l’idée d’assister à cet événement sold out depuis une semaine. À neuf heures déjà, la salle de petite taille fusait de rires et de bonne humeur, une atmosphère bon enfant qui allait perdurer au cours des quelques heures à venir.
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Arts & Culture
Ce fut au groupe Heat d’inaugurer les festivités. Les Montréalais d’origine prirent la scène, ou plutôt le parquet au pied de l’estrade leur ayant été réservé par souci de logistique, et entamèrent la performance avec des effets larsen provenant de leurs trois guitares qui ne manquèrent pas de surprendre les spectateurs assoupis. La performance se poursuivit sur des notes de rock de gouttière, contrastant les progressions d’accords enjouées aux paroles récitées sur un ton sombre et quasiment dépressif, le tout surplombé de riffs aigus et de lourdes percussions. Malgré quelques soucis d’égalisation des instruments, Heat parvint à plonger la foule dans leur univers mélancolique et macabre l’espace de quelques minutes. On peut tout de même leur reprocher un certain manque d’énergie sur scène, qui se refléta parmi les rangs du public. Après le rock gris et apathique de Heat, c’est au tour de la pop rose et rêveuse de Pure X d’électriser le club du Mile End. Dès que le quatuor d’Austin, Texas, monte
sur scène, la tension baisse et les esprits s’élèvent au rythme de leurs compositions nuageuses. L’instrumentalisation est simple: deux guitares (dont une acoustique à douze cordes), une basse et un ensemble de percussions, complémentant à l’idéal les mélodies langoureuses entonnées par les vocalistes, qui manient le falsetto en maîtres. On a l’impression d’assister à un coucher de soleil sur l’océan, en compagnie d’un amour impossible. Le public se montre réceptif et une complicité s’installe avec le groupe, qui termine sa performance sans faute. Vers onze heures et quart, c’est au tour de Real Estate de monter sur les planches. L’énergie dans la salle est à son comble et les membres du groupe sont accueillis par une clameur générale. C’est donc dans cette atmosphère conviviale que les cinq musiciens entament leur concert au son des guitares chargées de «reverb» et autres effets, à michemin entre le surf rock et l’indie psychédélique. Au cours de la performance d’une heure et demie, le groupe alterne les vieilles
compositions et les extraits de son dernier album paru en mars. Ce nouvel opus était venu mettre un terme à une période de silence de deux ans de la part du groupe, qui n’avait pas été en tournée depuis la sortie de son album Days en 2011. Les membres de Real Estate étaient donc confrontés au défi de se réaffirmer en tant que formation en vogue sous les yeux de leur public québécois. C’est mission réussie grâce à cette soirée qui sût mélanger l’insouciance des premières compositions à la plus grande profondeur des nouvelles, enrichies de paroles plus mûres et réfléchies. L’ambiance dans la salle est détendue et les membres du groupe prennent plaisir à plaisanter avec le public entre deux numéros. «Nous aimons beaucoup venir à Montréal», déclare le bassiste d’un ton humoristique, «c’est la destination qui rend nos tournées internationales». Avec Atlas, Real Estate nous offre ce qui pourrait bien devenir notre bande-son du printemps. À écouter allongé sur Lower field dès le retour des beaux jours. [
[ le délit · le mardi 25 mars 2014 · delitfrancais.com
CONCERT
Rockstar Yo-Yo Ma déchaîne les foules à la Maison symphonique. Anne Pouzargues Le Délit
I
l est la rockstar de la musique classique. Mercredi 19 mars, les couloirs de la Maison symphonique résonnaient des murmures impatients de la foule qui se pressait aux portes de la Place des Arts, tandis que des individus désœuvrés erraient au milieu de cette liesse, une pancarte à la main, cherchant en vain un dernier ticket à acheter. Ceux qui avaient réussi à obtenir leur place souriaient comme Charlie découvrant le dernier ticket d’or pour la chocolaterie; tous les billets s’étaient en effet vendus avec une rapidité étonnante. Cette soirée était peut-être l’événement à ne pas manquer dans le paysage de la musique classique à Montréal. Après avoir donné une classe de maître aux élèves de l’Université de Montréal, le violoncelliste Yo-Yo Ma s’est approprié, le temps de quelques heures, la nouvelle salle de la Maison symphonique. Accompagné de la pianiste britannique Kathryne Stott avec qui il joue depuis près de trente ans, il a interprété un répertoire composé d’œuvres de la fin du XIXe et du début du XXe siècle: la Suite italienne de Stravinsky, la Sonate No.3 de Brahms et les Siete Canciones de De Falla étaient entre autres de la partie. Une fois de plus, Yo-Yo Ma a montré qu’il est sans conteste un monument de l’interprétation classique contemporaine. Non
Photographie de Yo-Yo Ma (violoncelliste) et Kathryne Stott (pianiste) - Todd Rosenberg qu’il doive encore le prouver; après des études à la Juilliard School de New York puis à Harvard, il joue avec les plus grands orchestres et reçoit de prestigieux prix musicaux, comme le prix Vilcek en musique contemporaine qu’il a obtenu l’année dernière. Le violoncelliste, né à Paris de parents chinois, a également joué à l’invitation de huit présidents américains, et notamment lors de la dernière cérémonie d’investiture de Barack
Obama. Mais ce qui l’a fait connaître auprès du grand public, c’est peut-être son enregistrement intégral des Suites de Bach pour violoncelle, dont le monde entier connaît au moins le «Prélude». Enfin, Yo-Yo Ma a presque 380 000 fans sur Facebook – ce qui n’est pas rien pour un musicien classique. Pourtant, dès que le maître entre sur scène, que le silence se fait dans la salle et que les premières notes retentissent, on
oublie vite cet enchaînement de faits et le tissu de gloire qui colle à l’archet du violoncelliste. Yo-Yo Ma parvient en effet immédiatement à transporter le public dans son propre univers. On est captivé par sa virtuosité, la puissance de son interprétation, mais aussi et surtout par l’émotion qu’il parvient à transmettre. Yo-Yo Ma vit par la musique; le public ne peut qu’être happé dans ce grandiose tourbillon qui défile devant lui. Ingénieux et intéressant, le répertoire n’en est pas moins osé: au retour de l’entracte, l’artiste interprète la «Louange à l’éternité de Jésus», issu du Quatuor pour la fin du temps du compositeur français Olivier Messiaen. L’incroyable version de Ma et Stott, dont la complicité ravit, fait naître un moment hors du temps – loin de s’embourber, l’interprétation joue avec force et justesse sur la lenteur, les répétitions et la longueur des notes tenues pendant lesquelles Yo-Yo Ma exhibe son vibrato parfait. On l’écouterait pendant des heures. Après deux heures de spectacle, le musicien quitte la scène sous les hurlements de la foule en délire qui, debout, crie le nom de son idole. Grande star et musicien passionné, Yo-Yo Ma tiendra son rôle jusqu’au bout et reviendra trois fois en rappel. Il termine définitivement son concert par le tube planétaire «Le Cygne», extrait du Carnaval des animaux de Saint-Saëns. On ressort presque les larmes aux yeux. Il faudra plusieurs jours pour se remettre de ces émotions. [
MUSIQUE
Effondrements minimes Marc-Antoine Larche signe un album qui dépeint les peines anodines et difficiles de l’amour. Virginie Daigle Le Délit
L
es petits effondrements est le premier album complet de l’auteur-compositeur-interprète Marc-Antoine Larche, originaire d’Abitibi. Cet album réalisé par Navet Confit, fait suite à l’EP Mes cliques, mon cœur et mes claques sorti en 2010. L’album affiche une pop sobre, aux sonorités indies mais sans grande innovation technique, et où l’empreinte plus avant-gardiste du musicien se fait surtout entendre dans les légères improvisations en ouverture de certaines chansons dont «Les courants d’air» et «Ça n’arrivera pas». L’écoute est agréable dans la mesure où la musique sait suffisamment se démarquer des platitudes redites de la musique commerciale sans toutefois perturber l’horizon d’attente de l’auditeur. Sa simplicité mélodique s’inscrit bien dans le projet esthétique de l’album, soit une approche en «mineur» de la musique, mais celle-ci peut néanmoins devenir lassante et sembler répétitive lorsque l’album est pris dans sa totalité. La voix du chanteur, légèrement rauque, traînante et nasillarde fonctionne de la même façon: il faut l’apprécier dans la mesure où elle cadre par-
faitement avec l’émotion que l’album cherche à communiquer, une certaine nostalgie cherchant à se réfugier dans l’indifférence. Choix particulier, le chanteur a aussi choisi d’offrir une réinterprétation du classique québécois «Ce soir l’amour est dans tes yeux». Cette dernière est surtout intéressante pour sa rupture esthétique avec l’originale, presque humoristique, et qui réside du côté des arrangements, mais laisse à désirer au niveau de l’interprétation vocale. Il faut savoir que la sensibilité et la peine d’amour sont les deux grands moteurs de cet album. Le chanteur est tel une fleur délicate, comme il l’affirme dans «Les pétales sur le plancher», et il faut peut-être applaudir le courage d’une telle posture, généralement plus féminine. Du côté de l’écriture, celle-ci est réussie dans sa construction d’un univers fragile, dont la particularité réside justement dans cet effondrement qui le guette. La pièce «Changement majeur», est spécialement bien composée et dépeint le quotidien comme un espace intérimaire entre l’attente d’une résolution au présent et une réflexion sur la volatilité du passé, alors que le chanteur fait un retour périodique sur ses amours passées. L’auteur ne se préoccupe pas parti-
[ le délit · le mardi 25 mars 2014 · delitfrancais.com
Romain Hainaut / Le Délit culièrement de l’emploi de la rime, sauf dans le morceau «J’te cherche des mots», un joli poème tendre et amoureux écrit à quatre mains avec Catherine Lalonde. Il s’agit d’un album mesuré et discret dont les sonorités évoquent une certaine mélancolie urbaine, et, donc, si vous voulez contempler le plafond de votre chambre justement pour éviter d’aborder les pensées qui
vous préoccupent; déambuler avec lenteur lorsque vous marchez vers un changement de direction dans le métro; marcher sous la pluie, mais une pluie juste assez fine pour ne pas nécessiter l’usage d’un parapluie; vous remémorer au ralenti l’image d’un être aimé qui danse; cherchez une trame sonore pour le film triste que vous vous faites dans votre tête, cet album est peut-être pour vous. [
Arts & Culture
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CINÉMA
Wes Anderson 101 Le Cinéma du Parc présente une rétrospective du réalisateur américain. Émilie Blanchard Le Délit
impressionnant et on retrouve de grands noms dans des rôles secondaires comme Meryl Streep, Michael Gambon et Willem Dafoe. Aussi, il s’agit de la première participation du compositeur Alexandre Desplat à la musique, qui signe une bande sonore très excentrique et amusante. C’est donc sans surprise que Fantastic Mr. Fox avait été nominé aux Oscars en 2010 dans la catégorie du Meilleur film d’animation et de la Meilleur musique originale.
D
u 21 au 27 mars, le Cinéma du Parc présente trois films judicieusement sélectionnés et très différents les uns des autres pour se familiariser avec l’univers et le style singulier de Wes Anderson: Bottle Rocket (1996), Fantastic Mr. Fox (2009) et Moonrise Kingdom (2012). Brièvement, présentons quelques caractéristiques des films de Wes Anderson. Tout d’abord, la production de ses films se fait souvent dans une ambiance très familiale. En effet, Anderson collabore régulièrement avec les mêmes artisans, tels qu’Owen Wilson, Bill Murray, Roman Coppola et Jason Schwartzman. Ensuite, il y a la mise en scène, unique à Anderson. Il utilise la technique dite du flat staging, préconisée dans la comédie. Il s’agit de toujours placer les éléments au centre de l’objectif, afin qu’ils soient perpendiculaires ou parallèles à celui-ci, comme dans une bande dessinée de Charlie Brown. Ainsi, les personnages et décors sont centrés et très symétriques. Les personnages marchent en ligne droite et sont de face ou de profil à la caméra. Finalement, la direction artistique est méticuleuse et précise. Les décors sont souvent excentriques et parfois rétro, avec des palettes de couleurs limitées. La bande sonore est régulièrement composée de chansons des années 1960 et 1970 ou confiée à des compositeurs de renom comme le français Alexandre Desplat. Bottle Rocket Sorti en 1996, Bottle Rocket est le premier long-métrage du réalisateur texan, qu’il a coécrit avec son colocataire à l’université.
Gracieuseté du Cinéma du Parc L’acteur Owen Wilson y joue aussi un des rôles principaux, avec son frère Luke. Il est inspiré d’un court métrage du même nom réalisé et interprété par les mêmes artistes, présenté en 1992 au Festival de Sundance. C’est l’histoire d’Anthony (Luke Wilson), Dignan (Owen Wilson) et Bob (Robert Musgrave) qui désirent devenir cambrioleurs professionnels. À la suite d’un simple braquage, ils prennent la fuite pour rencontrer et collaborer avec un certain monsieur Henry (James Caan). Dans leur périple, Anthony tombe amoureux d’une femme de ménage latino-américaine dans un motel. Bottle Rocket est une comédie indépendante qui, à sa sortie, fut un échec commercial mais pourtant apprécié de la critique. Il a permis à Wes Anderson de se faire un nom et de présenter quelques éléments cinématographiques qui deviendront sa marque de fabrique, dont le flat staging et un sens de l’humour singulier.
Fantastic Mr. Fox Le septième long-métrage de Wes Anderson est adapté d’un livre pour enfants éponyme de Roald Dahl. C’est l’histoire de Mr. Fox (George Clooney), autrefois un grand voleur de pigeons, qui décide de cambrioler ces trois voisins fermiers. Ces derniers feront tout leur possible pour avoir sa peau. Fantastic Mr. Fox, bien qu’il soit un film d’animation adapté d’un célèbre livre pour enfants, est loin d’être destiné uniquement à un jeune public. En effet, Anderson a poussé l’histoire de son long-métrage beaucoup plus loin que dans le roman, avec une plus grande touche d’ironie et plus de références intellectuelles, ce qui plaît majoritairement aux adultes. La qualité de l’animation, via la technique stop-motion, est particulièrement impressionnante et méticuleuse. C’est une œuvre d’art de 86 minutes et un véritable plaisir pour les yeux. De plus, le casting est
Moonrise Kingdom Sorti en 2012, Moonrise Kingdom a été à la fois un grand succès commercial et critique. C’est une histoire d’amour entre Suzy (Kara Hayward) et Sam (Jared Gilman) deux préadolescents très intelligents et mal-aimés qui décident de s’enfuir ensemble de leur maison et camp de scouts respectifs. Nominé aux Oscars en 2012 pour le Meilleur scénario original (coécrit par Roman Coppola et Wes Anderson), Moonrise Kingdom résume parfaitement le genre cinématographique de Wes Anderson: humour noir, intello et absurde, présence de plusieurs de ses fidèles collaborateurs (qui sont aussi au casting de The Grand Budapest Hotel), musique d’Alexandre Desplat et mise en scène rétro, centrée et symétrique. On y retrouve également deux thèmes récurrents: les familles dysfonctionnelles et les enfants parfois plus intelligents que les adultes. Trois œuvres à découvrir ou à revoir avant de se lancer dans The Grand Budapest Hotel. [ Bottle Rocket, Fantastic Mr. Fox, Moonrise Kingdom Où: Cinéma du Parc Quand: Jusqu’au 27 mars 2014 Combien: 8,50$; 8$ les mardis
ENTREVUE
Franc-Jeu Entrevue avec les deux fondateurs du Théâtre francophone à McGill. Philippe Robichaud Le Délit Le Délit (LD): Franc-Jeu, c’est la seule troupe de théâtre francophone à McGill. Elle remplit un vide laissé par la disparition de la troupe La Grenouille, fondée en 1990 par JeanOlivier Vachon, un ancien du Département de langue et littérature françaises. La vocation de La Grenouille était plutôt celle d’un théâtre estudiantin... en est-il de même pour Franc-Jeu? Léa Frydman et Victor Gassman: Bien sûr, en tant que groupe de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM), Franc-Jeu est d’abord et avant tout une troupe de théâtre par les étudiants et pour les étudiants. Au sein d’une université anglophone comme McGill, nous souhaitons redonner la chance aux étudiants francophones de réaliser leurs projets théâtraux. Mais pas seulement! Nous voulons aussi montrer que le théâtre est accessible à tous. Franc-Jeu se
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propose de mettre en place, d’une part, des ateliers ouverts à des acteurs de tous niveaux avec des jeux d’improvisations et du travail de texte et, d’autre part, le travail de pièces complètes avec, à la clé, une représentation en fin d’année. La première aura d’ailleurs lieu dans un an! Jeu?
LD: Et pour l’instant, c’est qui, Franc-
Léa: Franc-Jeu est né il y a trois mois. Au départ, c’est l’union de deux amoureux de la scène que nous sommes. Victor: Pour moi, le jeu, c’est le compromis parfait entre activité de réflexion et distraction pure. C’est une passion qui m’a extrêmement enrichi. C’est tout un monde qui m’anime, me correspond pleinement, et que j’ai voulu ouvrir à la population estudiantine de mon université. Léa: Après avoir joué avec Victor au lycée, j’ai eu envie en arrivant à Montréal de nous donner à tous les deux la pos-
sibilité de continuer à faire du théâtre ensemble. Je suis portée par l’enthousiasme que je vois en lui sur scène, mais j’ai aussi un réel goût pour l’aspect plus littéraire des textes. Franc-Jeu, ça commence donc par l’histoire de deux amis d’enfance. Aujourd’hui, c’est déjà une équipe administrative bien formée avec une dizaine de membres exécutifs, une troupe d’une trentaine d’acteurs, et quelques autres intéressés par la mise en scène ou les costumes. C’est une passion qui se propage! LD: Cela reste sans doute toujours à préciser, mais si vous deviez donner un programme rêvé de votre première saison, à quoi ça ressemblerait? Franc-Jeu (F-J): Notre première saison commencera réellement l’année prochaine. Nous avons deux grands projets: l’un classique, l’autre contemporain. Michaël Blais compte monter, avec l’aide
de Virginie Daigle, Le Malade imaginaire de Molière. En parallèle, Victor tient à jouer La Réunification des deux Corées de Joël Pommerat. En tant que troupe de théâtre francophone, nous sommes ouverts à toutes les esthétiques. Cependant, nous refusons d’incarner une troupe de théâtre classique au sens strict du terme. À nos yeux, le théâtre se doit d’être un miroir vivant de la société, et c’est cet aspect-là que nous revendiquons. LD: Pour ceux et celles qui bavent déjà à l’idée de se joindre à votre mouvement, comment faire? F-J: C’est très simple! Nous avons une page Facebook au nom de Franc-Jeu. Vous y trouverez toutes les informations relatives à notre groupe. Vous pouvez aussi passer par le site de l’AÉUM, où figure un lien vers cette même page. Nous sommes également joignables par mail à francjeutheatre@ gmail.com. Restons en contact! [
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