Éditorial
rec@delitfrancais.comLe nouveau latin
Gabrielle Genest Rédactrice en chefÀtitre d’étudiant·e·s universitaires, les pub lications savantes font partie intégrante de notre quotidien marqué par les rem ises de thèses, d’essais et d’autres travaux. Pour celles et ceux inscrit·e·s à l’Université McGill, il est attendu que la majorité des articles de revues académiques qui nous sont assignés ou que nous rédigeons soient en anglais. Ce phénomène n’est toutefois pas limité aux établissements anglo phones : l’anglais s’est imposé comme lingua franca de la recherche à l’échelle du Québec et du Canada au cours des dernières décennies.
À l’Université McGill, il n’est pas surprenant que le pourcentage d’articles publiés en français soit passé de 6% dans les années 1980 à 2% dans les années 2010, selon une étude menée par le professeur Vincent Larivière et Amanda Riddles, chercheur·se·s en sciences de l’information. Il est plus étonnant de voir une diminution significative dans le même sens à l’Université de Montréal, une institution francophone, qui a vu son taux d’articles publiés en français passer de plus de 50% dans les années 1980 à moins de 20% dans les années 2010.
Cette anglicisation de la transmission des connais sances varie selon le domaine académique. Dans les sciences médicales et naturelles, la proportion d’articles canadiens publiés en anglais frôle les 100%. Selon les données de Larivière et Riddles, ces pourcentages sont toutefois plus bas dans le cas des sciences sociales, des arts et des humanités : au Québec, 70% des articles en sciences sociales et 30% des articles en arts et humanités seraient publiés en anglais. Cette différence s’explique sans doute par le caractère universel des sciences telles que la médecine, les mathématiques, etc. À l’inverse, des domaines de recherche relevant des sciences humaines sont davantage axés sur des réalités natio nales ou locales, expliquant ainsi la rédaction d’arti cles dans la langue propre à ces nations ou localités.
Plusieurs facteurs, au-delà de ces distinctions entre domaines d’études, expliquent cette prédom inance de l’anglais dans la diffusion des savoirs, un phénomène qui suscitait déjà études et inquiétudes dans les années 1980 au Québec. Les chercheur·se·s souhaitent que leurs textes soient lus et cités, et la publication en anglais favorise généralement une meilleure visibilité et des citations plus
fréquentes. La publication en anglais est égale ment fortement encouragée par les universités auxquelles appartiennent les chercheur·se·s : un nombre élevé de citations permet d’augmenter leur classement dans les palmarès internationaux.
Or, les politologues François Rocher et Daniel Stockemer soulignent les effets néfastes de cette hégémonie de l’anglais au sein des publications savantes. Les chercheur·se·s allophones sont désa vantagé·e·s par rapport à leurs collègues anglo phones. En effet, il a été démontré que les manu scrits en anglais de chercheur·se·s allophones ont moins de chances d’être acceptés par des revues scientifiques, car ces textes sont moins « raffinés » qu’ils ne l’auraient été dans la langue maternelle des chercheur·se·s. Rocher et Stockemer s’inquiètent également d’un « appauvrissement des perspec tives, des méthodes et des cadres théoriques », entraîné par la domination d’une langue unique, car cette dernière pourrait propager un mode de pensée unique. Les particularités de chaque langue organisent de manière distincte différents enjeux, et ces particularités peuvent être mises en péril lorsque traduites en termes semblables – mais culturellement dépareillés – en anglais.
Rocher et Stockemer concluent que les cher cheur·se·s allophones publieraient davantage dans leur langue maternelle si cette dernière leur méritait autant de visibilité et de prestige que l’anglais. Les établissements d’enseignement supérieur détiennent une part de responsabilité, en accordant une importance disproportionnée aux classements internationaux, au détriment de chercheur·se·s qui craignent la pénalisation dans l’évaluation de leur performance s’il·elle·s ne publient pas en anglais. Reconnaître la place disproportionnée qu’occupe l’anglais dans les publications savantes est la première étape vers une meilleure répartition des langues dans les ouvrages de référence, qui refléterait alors de façon représentative le contexte socioculturel dans lequel ils sont produits. Les indicateurs de classement, qui sont entre autres déterminés par la poursuite d’un prestige pour les institutions et d’une reconnaissance pour ses chercheur·se·s, devrait également faire l’objet d’une révision, afin d’atténuer l’effet homogénéisant de la domina tion de l’anglais sur les publications savantes. x
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Actualités
Des élu·e·s refusent de prêter allégeance au roi
Un antimonarchisme signé Parti québécois et Québec solidaire.
Carl Cenerelli ContributeurLors de leur assermentation la semaine dernière, les 11 député·e·s de Québec solidaire et les trois député·e·s du Parti québécois se sont abstenu·e·s de prêter le serment d’allégeance au roi Charles III prévu par la Loi constitutionnelle de 1867.
Le chef du Parti québécois (PQ), Paul St-Pierre Plamondon, avait problématisé ce serment tout au long de sa campagne électorale, affirmant son intention de ne pas le prêter. Pour le chef péquiste, « on ne peut servir deux maîtres » ; réfé
que « les membres du conseil légis latif ou de l’assemblée législative d’une province devront, avant d’entrer dans l’exercice de leurs fonctions, prêter et souscrire […] le serment d’allégeance ». Le serment prend alors la forme suivante : « Je, A.B., jure que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté [nom du roi ou de la reine du Royaume-Uni alors régnant] ».
Au Québec, un second serment existe depuis 1999, affirmant la loyauté de l’élu·e envers le peuple et la constitution du Québec.
L’Assemblée nationale spécifie tou tefois dans son encyclopédie que « le serment d’allégeance prescrit par la Loi constitutionnelle de 1867 est aussi exigé ».
rant au peuple du Québec et au roi. Le co-porte-parole de Québec soli daire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, a aussi souligné récemment un « grand inconfort à prêter serment au roi » dans une lettre adressée aux autres chef·fe·s de partis.
Pour leur part, tous·tes les élu·e·s de la Coalition avenir Québec (CAQ), dont le premier ministre François Legault, ainsi que du Parti libéral du Québec, ont prêté serment à la fois au peuple et au roi. La cheffe libérale, Dominique Anglade, es timait que son parti pourrait ainsi « respecter les lois et siéger le plus tôt possible ».
Les député·e·s péquistes et soli daires sont maintenant confron té·e·s à un problème constitution nel. Siegfried Peters, secrétaire général de l’Assemblée natio nale, a rappelé à Paul St-Pierre Plamondon jeudi dernier que « la prestation des deux serments est une condition préalable à l’exercice des fonctions parlementaires ». Ces député·e·s ne pourraient donc pas siéger sans prêter serment au roi sous les provisions constitution nelles actuelles.
Un serment prévu par la Loi constitutionnelle de 1867
Contacté par Le Délit, Dr Dave Guénette, chercheur postdoctoral de la Faculté de droit de McGill, membre de la Chaire Peter MacKell sur le fédéralisme, nous a partagé ses commentaires sur ce serment. Selon lui, le refus péquiste et soli daire de prêter le serment au roi, tout en prêtant celui au peuple du Québec, est une première. La Loi constitutionnelle de 1867 prévoit
D’emblée, le Dr Dave Guénette sou ligne que les député·e·s prêtent ser ment « au Chef d’État du Canada », soit actuellement le roi Charles III, et non pas à un roi étranger. La Loi sur les titres royaux affirme en effet qu’il est roi « du Royaume-Uni, du Canada et de ses autres royaumes et territoires, chef du Commonwealth, défenseur de la Foi ».
Le chercheur en changements constitutionnels affirme qu'il « est fort possible que la prestation [du serment] fasse partie de [la] consti tution provinciale » du Québec. Ceci permettrait à l’Assemblée nationale d’unilatéralement mo difier cette loi sur le serment au monarque, car elle se retrouve à la fois dans la constitution du Québec et dans la Loi constitutionnelle de 1867. Le gouvernement de la CAQ pourrait donc éventuellement mo difier la constitution provinciale afin de permettre aux député·e·s péquistes et solidaires de siéger sans prêter serment au roi.
L’incertitude par rapport au che vauchement des deux constitutions provient du fait que celle du Québec est composée d’un ensemble de textes qui ne sont pas réunis dans une liste officielle.
Dr Dave Guénette précise que le ministre de la Justice, Simon JolinBarrette, s’est montré favorable à un tel changement et que le gouver nement caquiste se dit ouvert à un projet de loi mettant fin au serment à la monarchie britannique.
Une tactique politique multina tionale
Atagün Kejanlioglu, candidat au doctorat en droit civil à McGill contacté par Le Délit, compare la situation au Québec avec le refus d’une élue kurde en Turquie de prê ter le serment sous la forme prévue,
remplaçant les mots « peuple turc » par « peuples de la Turquie ».
Premièrement, Atagün Kejanlioglu, dont la recherche se concentre entre autres sur les défis populistes au constitutionnalisme, explique que le serment au peuple des représentant·e·s parlementaires « devient un champ de bataille po litique » lorsque la conception du peuple de ces représentant·e·s et de la constitution est différente.
Deuxièmement, pour des causes
qu’il faut se débarrasser de la monarchie. 51% de tous·tes les Canadien·ne·s étaient prêt·e·s à s’en séparer, selon un sondage Angus Reid d’avril 2022.
Xavier, étudiant en droit à McGill, affirme que « ce n’est pas une ins titution dans laquelle [il] se recon nait ». Il souligne que le serment au roi, chef de l’église anglicane, visait initialement à exclure les per sonnes catholiques de la fonction publique. Le rôle, même si large ment symbolique, de la monarchie dans l’édification du génocide des peuples autochtones justifie pour lui davantage une cession de la mo narchie. « Je pense qu’on est assez intelligents pour être des citoyens à part entière, même si ce n’est que symbolique », conclut-il.
Hippolyte, étudiant français en génie civil, va même jusqu’à affirmer : « Un roi ou une reine pourrait permettre à une nation d’être plus soudée, plus unie. […] La monarchie peut être le ciment d’une nation ».
indépendantistes telles que celle défendue par le PQ et QS, ce type de confrontation représente un excel lent champ de bataille. Ils démon treraient bien « l’impossibilité de faire reconnaître son identité au sein du système constitutionnel exis tant », conclut Atagün Kejanlioglu.
Intéressant pour les cher cheur·euse·s, peu pertinent selon les étudiant·e·s
Le refus des élu·e·s du PQ et de QS de prêter serment à la mo narchie reflète le sentiment an ti-monarchiste d’une majorité des Québécois·es. Un sondage Léger en septembre 2022 trouvait que 66% des Québécois·es estiment
Ce « champ de bataille » ne trouve pas appui auprès de tous les étu diant·e·s mcgillois·es. Kiana, étudiante canadienne en lit térature anglaise à McGill, croit que « le Canada devrait encore avoir une monarchie (tdlr) », car selon elle, « l’application de la monarchie constitutionnelle a été fonctionnelle ». Elle ajoute que, de toute façon, « les personnes sont plus intéressées par la perception du monarque indi viduel que par l’efficacité du système en tant que tel ».
Éric*, étudiant canadien en science politique, dit que cette situation « n’est vraisemblablement qu’une ruse politique de QS et du PQ pour mettre la CAQ dans l’embarras (tdlr) ». Peu optimiste par rapport à la possibilité d’un changement consti tutionnel, il déclare : « Nous devrions nous concentrer sur des problèmes pertinents, tels que les soins sani taires et le logement, plutôt que de réparer quelque chose qui n’est pas encore brisé ».
Qu’en retenir?
Le refus des député·e·s du PQ et de QS a réanimé la discussion autour du rôle de la monarchie au Canada et au Québec. Selon Dr Dave Guénette, l’Assemblée nationale pourrait unilatérale ment modifier la constitution du Québec. Le gouvernement caquiste s’est montré favorable à une telle démarche.
En revanche, les étudiant·e·s mcgillois·es questionné·e·s à ce sujet s’avouent généralement peu intéressé·e·s ou enthou siasmé·e·s par cet enjeu, le qualifiant de « ruse politique » des député·e·s solidaires et péquistes. Plusieurs étudiant·e·s soulignent la non-influence, voire même les bénéfices, de la monarchie constitutionnelle au Canada et en général.
*Nom fictif x
« On ne peut servir deux maîtres »
Paul St-Pierre Plamondon
« 66% des Québécois·es esti ment qu’il faut se débarrasser de la mo narchie »
« La prestation des deux serments est une condition préa lable à l’exercice des fonctions parlemen taires »
Siegfried PetersMarie Prince | Le Délit
Modifications à la Politique contre la violence sexuelle
Le Conseil des gouverneurs a approuvé les changements le 6 octobre dernier.
LLe 6 octobre dernier, le Conseil des gouverneurs a accepté des modifica tions apportées à la Politique contre la violence sexuelle de l’Université McGill (ci-après « la Politique »). Dans un courriel envoyé le 14 octobre dernier à la communauté mcgilloise, Christopher Manfredi, le prin cipal intérimaire, et Maryse Bertrand, présidente du Conseil des gouverneurs de l’Univer sité McGill, indiquait que ces modifications répondent à trois changements majeurs, surve nus depuis la dernière révision en 2019 : la création du Bureau de la médiation et du signale ment au sein de l’institution ainsi que des modifications au processus d’enquête et dans la législation québécoise.
Contactée par Le Délit , Frédérique Mazerolle, l’agente des relations avec les médias de l’Université McGill, nous a informé que la Politique contre la violence sexuelle de McGill, initialement approuvée en 2016, est révisée tous les trois ans par un groupe de travail dont la composition est défi nie par la Politique et qui a le mandat de revoir la Politique et d’y proposer des modifica tions. Les recommandations de cette année ont été approuvées par le Sénat de McGill le 21 septembre dernier, puis par le Conseil des gouverneurs le 6 octobre dernier. « Les révisions importantes de la Politique comprennent des modifications qui reflètent les nouvelles res sources internes (par exemple, le Bureau de la médiation et du signalement) ainsi que les observations des membres du groupe de travail qui renfor ceront les efforts d’éducation et rendront les processus d’enquête plus efficaces », détaille Frédérique Mazerolle.
Bureau de la médiation et du signalement
Le Bureau de la médiation et du signalement fait partie de l’équipe chargée des ques tions d’équité, située dans le bureau du doyen et vice-prin cipal académique. Il est chargé de recevoir et de répondre aux rapports officiels de violence sexuelle, de discrimination et de harcèlement. Le Bureau de la médiation et du signalement est défini comme le « service
de l’Université qui reçoit les signalements de violence sexuelle » dans la nouvelle Politique contre la violence sexuelle. Tous·tes les membres de la « communauté univer sitaire » mcgilloise, incluant les employé·e·s, étudiant·e·s et enseignant·e·s, sont couvert·e·s par la Politique et peuvent donc porter plainte à cet organe institutionnel. Toujours en vertu de la Politique, les signa lements de violence sexuelle doivent être déposés auprès du Bureau de la médiation et du signalement, qui procédera à un examen initial conformé ment à la procédure en place.
Kerry Yang, vice-président aux affaires universitaires de l’Association des étudiant·e·s de McGill (AÉUM), accueille positivement l’intégration du Bureau de la médiation et du signalement dans la Politique : « La nouvelle politique est beaucoup plus claire quant au fonctionnement de la struc ture de signalement et à qui les gens doivent s’adresser, soit au Bureau de la médiation et du signalement, et comment le pro cessus fonctionne », affirme-t-il.
nière modifie l’article 4 de la loi visant à prévenir et à combattre la violence sexuelle dans les établissements d’enseignement supérieur, nous a fait savoir Frédérique Mazerolle. Elle explique qu’en vertu de cette nouvelle loi, les établissements d’enseignement supérieur sont dans l’obligation de divulguer les résultats disciplinaires aux survivant·e·s qui en font la demande si l’enquête a mené à un constat de violence sexuelle.
Récents changments législatifs
La Politique répond égale ment à la nouvelle loi 25, soit la loi modernisant des disposi tions législatives en matière de protection des renseignements personnels, qui est entré pro gressivement en vigueur le 22 septembre dernier. Cette der
Comment ce processus prendil forme à McGill? Frédérique Mazerolle explique qu’à la suite d’une enquête et d’un rapport disciplinaire, les survivant·e·s peuvent désormais demander au Bureau de la médiation et du signalement des renseignements sur les mesures prises par l’Uni versité à l’égard de l’intimé·e, c’est-à-dire le membre de la communauté universitaire qui aurait, selon le signalement, commis un acte de violence sexuelle tel que défini dans la Politique, qui a été nommé dans leur rapport à la suite d’une enquête et d’un rapport disci plinaire. Le Bureau de la média tion et du signalement pourra alors transmettre l’information confidentielle à le·a victime. L’information transmise inclut les mesures disciplinaires et/
ou administrativesqui ont été imposées à l’intimé·e et, si tel est le cas, leur nature.
Pour Kerry Yang, l’accès aux résultats de l’enquête a été un enjeu pour lequel la communau té étudiante s’était grandement mobilisée en 2017. Cependant, en raison des lois québécoises sur la protection de la vie privée, cette demande n’avait pas pu être intégrée dans la révision précédente de la Politique. Les récents changements législatifs, coïncidant avec la révision de la Politique, ont donc pu être reflétés dans sa nouvelle ver sion. « L’AÉUM est ravie que les
personnes survivantes puissent maintenant recevoir les résul tats d’une enquête, ce qu’elles ne pouvaient pas obtenir aupa ravant », affirme Kerry Yang.
McGill « profondément engagée à lutter contre les violences sexuelles »
Frédérique Mazerolle affirme que la lutte contre les violences sexuelles est un engagement important pour l’Université McGill : « [L’Université] reste profondément engagée à soute nir les survivant·e·s et à œuvrer en faveur d’un environnement exempt de violence sexuelle. » Elle ajoute qu’il y a des ressources disponibles tel que le Bureau d’intervention, de soutien et d’éducation en matière de vio lence sexuelle (OSVRSE) qui offre diverses formes d’accompagene ment telles que des conseils pour porter officiellement plainte, un service d’intervention en cas de crise et du soutien basé sur la prise en compte des traumatismes. Cependant, Kerry Yang aimerait voir davantage de collaboration avec l’administration en ce qui concerne la violence sexiste et sexuelle qui touche la commu nauté étudiante. Néanmoins, « pour ce qui est de la poli tique elle-même, c’est un bon pas en avant » conclut-il. x
Alexia Leclerc Éditrice Actuatliés
« L’AÉUM est ravie que les personnes survivantes puis sent maintenant recevoir les résul tats d’une enquête, ce qu’elles ne pou vaient pas obtenir auparavant » Kerry Yang
« Les établisse ments d’enseignement su périeur sont dans l’obligation de di vulguer les résultats disciplinaires aux survivant·e·s qui en font la demande si l’enquête a mené à un constat de vio lence sexuelle »Marie Prince | Le Délit
« Que seriez-vous prêts à sacrifier pour la vérité? »
au « coeur de lion (tldr) » pour l’actrice amé ricaine Meryl Streep, en nemie publique numéro un pour le gouvernement philippin; c’est en héroïne qu’a été accueillie Maria Ressa à la salle Pollack du pavillon Schulich de l'Université McGill le jeudi 20 octobre der nier. La journaliste d’enquête, récompensée du prix Nobel de la paix en 2021 pour son travail sans relâche pour exposer les abus de pouvoir du gouverne ment de Rodrigo Duterte et la montée de l'autoritarisme aux Philippines, avait été invitée par l’Université dans le cadre de la 68 e édition annuelle de la confé rence Beatty.
Femme
avant de fonder Rappler en 2012. Depuis 2012, la journaliste s’in téresse à l’usage des réseaux sociaux, en particulier Facebook et Twitter, pour répandre la désinformation et manipuler le discours public.
« La troisième guerre mondiale a commencé »
C’est avec une bonne dose d’au todérision que la journaliste a gagné son public, sans pour autant le laisser perdre de vue la gravité de son propos. Cofondatrice du journal
Maria Ressa avoue elle-même avoir été une fervente défen seure des réseaux sociaux dans leurs premières heures : « Je croyais que les réseaux sociaux pourraient nous permettre de bâtir des institutions du bas vers le haut », se remémore-t-elle. Et pourtant, depuis les premières indications que Facebook aurait été utilisé comme plateforme pour manipuler l’électorat amé ricain en 2016, son optimisme a fait place à une profonde méfiance face à ce qu’elle qua lifie d’ « instrumentalisation
indépendant philippin Rappler , elle se bat actuellement à la Cour suprême des Philippines pour sa liberté. La justice philippine l’a condamnée pour « cyber-diffa mation » en 2020 pour un article qu’elle n’a pas écrit et qui avait paru huit ans plus tôt, soit avant même la création de la loi en ver tu de laquelle elle est poursuivie. « Ce système de justice [...] m'a appris le sens du mot kafkaesque (tdlr) », lance-t-elle avec une pointe d’humour. À la question de la journaliste Nahla Saed lui demandant pourquoi rentrer aux Philippines alors qu’elle y risque l’emprisonnement, Maria Ressa secoue la tête : « Ce moment compte. C’est le moment où l’on peut être une force pour faire le bien », répond-elle.
« Faire le bien » : voilà la mission que s’est donnée la journaliste depuis plus de 35 ans mainte nant. Née aux Philippines, elle a complété des études à l’Univer sité Princeton aux États-Unis, avant de retourner dans son pays natal en tant qu’étudiante aux cycles supérieurs récipiendaire de la bourse Fulbright. Elle y a travaillé pour le réseau CNN en tant que correspondante étrangère, couvrant les réseaux terroristes d’Asie du Sud-Est,
politique » des réseaux sociaux. Depuis 2016, Rappler a inves tigué la manière dont le gou vernement philippin utilise les réseaux sociaux pour répandre de fausses informations. Sur
« déshumanisantes » menées contre les opposant·e·s aux ré gimes totalitaires, une réalité qu’elle connaît particulièrement bien pour en avoir été victime personnellement. Des photos d’elle exagérant son eczéma lui ont valu le surnom de « face de scrotum » sur les réseaux sociaux. « Elle n’est pas la vic time », peut-on lire sur une de ces photos. Sur une autre, on la
ces plateformes virtuelles, plus rapidement que la haine, ce sont les mensonges qui se répandent à la vitesse de l’éclair. La journa liste raconte comment, lors des dernières élections présiden tielles aux Philippines, elle s’est promenée dans les quartiers défavorisés de Manille pour in terroger les résident·e·s sur leurs raisons de soutenir Ferdinand Marcos Junior, le fils d’un an cien dictateur du pays ayant volé 10 milliards de dollars dans les coffres du pays. « Il va nous don ner de l’or », lui a-t-on répondu. Où avaient-il·elle·s entendu une chose pareille? « Youtube ».
La journaliste dénonce égale ment les campagnes virtuelles
compare à un homme préhistorique. Pour Maria Ressa, ces attaques sont une tentative de réduire au silence les opposant·e·s aux régimes en ciblant leur vulnérabilité, une technique qui, elle souligne, aurait été utilisée contre la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia avant qu’elle ne soit assassinée en 2017. « Ce n’est pas un problème de liberté d’expression », souligne-t-elle. « C’est la “liberté d’expression” utilisée pour étouffer la liberté d’expression ».
Maria Ressa insiste que cette instrumentalisation des réseaux sociaux représente une menace sérieuse pour la démocratie. Elle
souligne au passage que plus de personnes vivent actuellement sous un régime autoritaire que sous une démocratie. Il s’agit d’une « troisième guerre mon diale » que « chacun de nous est en train de mener », sou tient-elle. Cette véritable guerre contre la vérité qui se mène dans la sphère virtuelle a des répercussions on ne peut plus réelles sur les climats politiques actuels. Fausse nouvelle après fausse nouvelle, la confiance du peuple envers les institutions est minée : c’est ce qui est arrivé aux Philippines, affirme Maria Ressa. « Si les gens perdent confiance, alors le jeu est termi né », marque-t-elle d’un ton grave.
Lueur d’espoir à l’horizon
Pourtant, tout n’est pas sombre, nous rassure Maria Ressa. Il est non seulement pos sible, mais impératif, de lutter contre ces menaces à la démo cratie. « Vous devez vous battre. Vous devez rester alertes », nous conjure-t-elle. La journaliste fait appel à l’humanité de son auditoire dans cette bataille,
un véritable défi alors que nos plateformes numériques sont configurées pour faire des profits grâce à la circulation de messages inhumains. « Les ré seaux sociaux sont un système de modification du comportement », soutient-elle. « Le meilleur de la nature humaine y est retiré ». Elle souligne toutefois que la recherche a démontré que, plus que la haine et les mensonges, c’est l’inspiration qui a le potentiel de se répandre le plus rapidement sur la sphère virtuelle.
Alors que Maria Ressa saluait une dernière fois son public sous un tonnerre d’applaudisse ments, une question est restée en suspens, celle posée par la journaliste lors de sa conférence Nobel en octobre 2021 : « Que seriez-vous prêts à sacrifier pour la vérité? » Si Maria Ressa semble pour sa part avoir trouvé sa réponse à cette question, il semble que ce soit à notre tour de nous la poser. x
Béatrice Vallières Éditrice Actualités
Maria Ressa
« Si les gens perdent confiance, alors le jeu est terminé »
Maria Ressa
Une éducation digne des ambitions québécoises Société
Critique de la pédagogie québécoise.
L a Révolution tranquille s’amorçait il y a plus de soixante ans. Menant la charge, le premier ministre Jean Lesage avait l’intention de complètement retourner la société québécoise au cours de ses deux mandats. C’est par la nationalisation des entreprises de production d’hydroélectricité sous Hydro-Québec, par les pre miers pas de l’instauration d’une assurance-maladie publique, et par la révision du Code du travail pour donner plus de pouvoirs aux syndicats, que le monde des Canadien·ne·s Français·es se transforme tranquillement. Au cœur de cette révolution se trouve un enjeu dont l’amélio ration est une priorité du gou vernement libéral, un enjeu qui saurait assurer ou non la
Lesage et ses idées, la trans mission des valeurs libérales appréciées par la pensée pop ulaire de l’époque ne pourrait qu’être assurée par un système nationalisé de scolarisation.
Dans la première année de son mandat, Jean Lesage a mis sur pied la commission Parent, une commission d’enquête, pour mener une recherche sur l’état de l’enseignement au Québec. Présidée par l’ancien vice-recteur de l’Université Laval Alphonse-Marie Parent, elle publie en 1963 une liste de près de 500 recommandations qui indiquent les réformes à apporter dans le but de démoc ratiser l’éducation au Québec.
La création du ministère de l’Éducation, la construction de polyvalentes et de cégeps, l’ob
« En 2022, c’est l’emphase sur les sciences, en particulier sur les mathématiques et la science technologique , qui se démarque, et l’importance qui lui est accordée mérite d’être remise en question »
longévité des autres réformes mises en place : l’éducation
En effet, bien que la société québécoise du moment souti enne le gouvernement de Jean
ligation d’aller à l’école jusqu’à l’âge de 15 ans et l’établissement d’un régime de prêts et bourses pour les étudiant·e·s aux niveaux collégial et universitaire font partie de l’héritage qui nous a
été légué par cette commission. En 1962, le rédacteur en chef du Devoir André Laurendeau appuie la commission Parent en affirmant que les réformes à l’éducation favoriseraient la prospérité de la francophonie, de la société québécoise, et de l’émergence d’un mouvement indépendantiste au Québec. Les motivations pour un système nationalisé d’éducation, telles qu’envisagées par Jean Lesage et André Laurendeau, sont donc
« L’arrivée de l’enca drement de l’éduca tion par l’État offre de formidables ressources et potentiali tés à l’éducation »
très similaires. Les deux voient en l’éducation nationale une opportunité de transmettre des valeurs et des idéaux sociaux.
Alors que la forme de plusieurs institutions construites dans l’élan du rapport Parent perdure encore, l’éducation au sein de ces institutions a radicalement changé. Le régime de cours des « baby boomers » est sans doute très différent de celui des
« zoomers », et c’est en observant ces régimes que nous pouvons identifier certaines tendances et valeurs qui sont estimées par les dirigeant e·s le programme édu catif. En 2022, c’est l’emphase sur les sciences, en particulier sur les mathématiques et la science tech nologique, qui se démarque, et l’importance qui lui est accordée mérite d’être remise en question.
Pourquoi éduquer?
Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école?
C’est ce sacré Charlemagne, sacré Charlemagne... France Gall, Sacré Charlemagne
L’éducation, dans son sens le plus large, ne se limite pas à l’école. Désignant généralement, mais pas exclusivement « [l’]art de former une personne [...] en développant ses qualités phy siques, intellectuelles et morales, de façon à lui permettre d’affron ter sa vie personnelle et sociale [...] » (Centre national de ressou rces textuelles et lexicales), l’éd ucation n’a jamais été dissociée de la vie en société. En effet, les
sources d’une éducation sont nombreuses, et une personne se voit formée autant au sein d’une institution éducative qu’en dehors, au travers de ses relations avec sa famille, ses ami·e·s, sa communauté et par ses interac tions avec la culture dans laquelle elle est immergée. Entendue comme tel, même la famille de Lucy aurait fait preuve d’une éducation au sens de la transmis sion de savoir. L’encadrement de l’éducation par une institu tion, quant à lui, contrairement à ce qui est dit dans la chanson populaire Sacré Charlemagne, existe depuis les premières civil isations. Déjà, en Mésopotamie, on voit l’émergence d’écoles de scribes; puis viendront les académies de l’Antiquité, suiv ies des premières universités prises en charge par les moines religieux au Moyen-Âge. C’est encore en grande partie à ces der niers que sont confiés les soins de l’éducation lorsqu’est mis sur pied le ministère de l’Éducation en 1964. L’arrivée de l’encadre ment de l’éducation par l’État offre de formidables ressources et potentialités à l’éducation.
« L’encadrement de l’éducation par une institution, quant à lui, contrairement à ce qui est dit dans la chanson populaire Sacré Charlemagne, existe de puis les premières civilisations »
Chargés de l’avenir de chacun·e de ses citoyen·ne·s, le système éducatif et le gouvernement qui le dirige doivent toutefois endosser la charge de l’avenir de toute la société, dont le fardeau ne pourrait être réduit à la somme de celui de ses individus. D’un côté, le gouvernement a une main dans la construction personnelle et sociale de l’individu. De l’autre côté, il participe à la variation de la réalité sociale dans laquelle tous deux évo luent. Le programme éducatif doit donc être modifié dans la poursuite d’un certain idéal social, s’inscri vant dans une vision qui souhaite la promotion de certaines valeurs et relations. Dans un même élan, cette éducation doit permettre — si l’on souhaite conserver les valeurs libérales qui auront défini la société actuelle et pour ne pas tomber dans la dystopie — l’épanouissement individuel. L’éducation, et plus par ticulièrement le système éducatif, a donc un enjeu central : celui de per mettre l’accomplissement de l’indi vidu, et de faire en sorte que cette réalisation individuelle participe à l’accomplissement de la société vers l’idéal social recherché.
Le sujet à l’étude
Dans l’école de mes rêves
Il y a des murs colorés
Et un ballon soleil
Qui joue à chat perché
Au bout d’une ficelle… Comptine pour enfant
Si l’éducation est comprise comme étant la recherche d’un idéal social, il est possible de considérer ce qui est enseigné dans les écoles comme étant un reflet des aspirations d’une société. En un sens, les matières et les sujets auxquels sont exposés les étudiant·e·s, pendant au moins une
décennie, jouent un rôle primor dial dans la détermination de ce qu’il·elle·s considéreront comme important une fois sorti·e·s du système scolaire. Sans entrer dans une étude sociologique détaillée, il est possible de tirer quelques exemples de la réflexion des idéaux sociétaux dans divers programmes d’éducation dans le monde. Si l’on regarde le programme du système éducatif d’Israël par exemple, on observe la présence d’écoles pu bliques religieuses qui incorporent l’enseignement religieux en plus des cours donnés dans les écoles laïques. Il en va de même pour les écoles publiques de l’Arabie Saoudite, dans lesquelles l’Islam est étudié au même titre que l’arabe et les mathématiques. On peut comprendre que la religion détient un rôle considérable dans ces sociétés, du moins beaucoup plus que dans la société québécoise. Au Canada, le contenu du programme de différentes provinces peut nous instruire quant à leurs caractéris tiques. Alors que le ministère de l’Éducation du Québec impose des cours d’anglais dans une province majoritairement francophone, l’inverse n’est pas vrai pour toutes nos provinces voisines et certaines d’entre elles n’obligent ni n’encouragent l’apprentissage du français. On peut comprendre l’importance qu’associent cha cune des provinces au bilinguisme français/anglais compte tenu du contenu de leurs programmes d’éducation. Ainsi, le programme d’éducation d’un pays, d’une pro vince, ou d’une époque peut être révélateur de certaines valeurs qui sont désirées par la société en question. En examinant le programme du Ministère de l’Édu cation et de l’Enseignement supé rieur (MEES), on peut remarquer les matières et domaines que le
gouvernement québécois estime comme importants.
Au secondaire, le MEES quantifie l’importance de chaque matière avec un système d’unités. Ces unités indiquent l’importance relative d’une matière en lien avec l’obtention du diplôme d’études secondaires. La matière ayant le plus grand poids dans le pro gramme d’éducation québécois au secondaire est la Langue d’ensei gnement, soit le français, avec 12 unités. Il n’est pas difficile de ral lier l’importance attribuée à cette matière au but général de l’éduca tion : la communication joue un rôle essentiel dans l’harmonie de la société, et une communication développée participe à l’accom plissement de l’individu et de sa société. Une certaine importance est également accordée à la Langue seconde, l’anglais, qui se justifie dans le même élan que la pre mière matière. Avec 8 unités, les sciences, dont font partie les ma thématiques et la technologie, se
voient assigner une importance de la même envergure que l’anglais.
Pourtant, on ne peut pas justifier le poids de ces matières de la même façon que pour les matières de langue; les sciences jouent un rôle secondaire quand il est question de communication.
Une somme pas tout à fait ronde
1 bidon d’eau
2 bidons, 3 bidons, 4 bidons d’eau 5 bidons d’eau 6 bidons d’eau 7 bidons, 8 bidons, 9 bidons d’eau 10 bidons d’eau
Chant Scout
L’attention qui est accordée aux sciences s’explique par l’im portance qui est reconnue sur le plan du développement de l’indi vidu, comme l’indique le docu ment officiel du MEES qui porte sur l’étude de la mathématique: « [La mathématique] concourt de façon importante au développe ment intellectuel de l’individu et contribue de ce fait à structurer son identité. Sa maîtrise consti tue un atout majeur pour s’inté grer dans une société qui tire pro fit de ses nombreuses retombées et elle demeure essentielle à la poursuite des études dans cer tains domaines. » L’apprentissage des sciences a donc pour objectif de soutenir l’accomplissement de l’élève, en ce qu’il lui permet d’accéder à des opportunités d’études et de carrière au travers desquelles il peut éventuellement se voir récompensé. Sur le plan social, comme l’indique le docu ment du MEES, c’est à l’idée de « profit » qu’est associée l’acquisi
tion de compétences en sciences. En ce sens, la société se développe et s’accomplit lorsque les indi vidus, au service de la société, mettent à profit les connaissances scientifiques apprises. C’est par la promotion d’une relation de profit individuelle et sociale que cette matière se voit accorder une si grande importance.
Or, les relations sociales ne pour raient être réduites à un échange de profit ; elles sont davantage de nature humaine et commu nautaire. C’est pour ces raisons que le ministère offre les cours d’Univers Social et d’Éthique et culture religieuse (rempla cées par Culture et Citoyenneté Québécoise à partir de 2023), auxquelles sont assignées quatre et deux unités respectivement. Ces cours font la promotion de relations sociales dans une perspective moins axée sur la notion de « profit », en ce qu’ils permettent notamment le partage d’une culture commune par le biais des cours d’histoire, et une ouverture à la réalité d’autrui par l’introduction à différentes cultures religieuses. Les relations qui se construisent à la suite de ces apprentissages sont fondées davantage sur la compréhension d’autrui et de la société que sur le caractère profitable des compé tences acquises. À ces matières sont néanmoins attribuées moins d’unités, et donc une plus faible importance, qu’aux sciences. Pourtant, les relations promues dans la société québécoise ne devraient-elles pas être d’une nature davantage communautaire que profitable?
« En ce sens, la société se développe et s’accomplit lorsque les individus, au service de la société, mettent à profit les connaissances scientifiques apprises »Marie prince
« Pourtant, les relations promues dans la société québécoise ne devraient-elles pas être d’une nature davantage communau taire que profitable ? »Laura Tobon | le délit MARIE PRINCE | le délit
« L’élève est invité [...] à déployer un raisonnement mathématique [...] pour clarifier et expliquer différentes problématiques liées à sa vie et à ses préoccupations. Grâce à une diversité de situa tions d’apprentissage, l’élève aura la possibilité d’établir des liens entre, d’une part, les com pétences et les savoirs mathéma tiques et, d’autre part, certaines questions issues des domaines généraux de formation ou des do maines disciplinaires. »
Comme l’indique l’extrait ci-des sus, tiré du document du MEES, le raisonnement mathématique a une portée vaste et directe dans plusieurs sphères qui ne sont pas nécessairement reliées aux ma thématiques. Sans entrer dans une explication détaillée de ce
« L’étendue de l’utilité d’un rai sonnement ma thématique dans des domaines si variés soulève donc la question : ne serait-il pas possible d’acquérir ce raisonne ment au travers d’autres matières que les mathéma tiques? »
qu’est « un raisonnement mathé matique », il est possible pour toute personne étant passée par le système d’éducation québé cois ou similaire de comprendre l’importance relative d’un tel raisonnement. Par exemple, l’approche adoptée par une personne tentant de déboucher son évier pourrait s’apparenter à la résolution d’une situation
problème en mathématique. Il faut d’abord identifier ce qui est su (l’évier est bouché et un plongeur est à proximité), ce qui est cherché (déboucher l’évier), ce qui doit être fait (utiliser le plongeur), et vérifier le résul tat de l’action entreprise (faire couler de l’eau pour vérifier l’écoulement). Par cet exemple, on peut comprendre que ce rai sonnement, axé sur la résolution de problèmes, peut s’appliquer dans d’innombrables situations.
L’étendue de l’utilité d’un rai sonnement mathématique dans des domaines si variés soulève donc la question : ne serait-il pas possible d’acquérir ce rai sonnement au travers d’autres matières que les mathéma tiques? Émergeant de l’idée que ce raisonnement mathématique peut être appliqué dans une étude de l’histoire, de l’éthique, ou de la géographie, ne serait-il pas envisageable de construire ce raisonnement au travers de ces matières plutôt que par les mathématiques ou les sciences naturelles? Ainsi, le raisonne ment dont l’utilité est ubique pourrait être formé, en partie, au travers de matières qui sont le fondement de relations sociales de nature communautaire.
Cependant, l’actualisation de la plupart des autres compétences apprises en sciences naturelles ne se concrétise généralement que lorsqu’elle est utilisée dans la poursuite d’études supé rieures. En ce sens, les théo rèmes et les outils mathéma tiques, comme la célèbre fonc tion quadratique, ne sont que profitables presque uniquement dans leur application dans des études approfondies ou dans des métiers nécessitant un diplôme subséquent au diplôme d’études secondaires (DES). Dans le même ordre d’idées, certaines connaissances introduites au se condaire sont réitérées lorsque l’étudiant·e poursuit des études supérieures dans un certain domaine : un·e étudiant·e en bio logie apprendra que la mitochon drie produit l’énergie de la cel lule au secondaire, au cégep, et à l’université; et son actualisation
profitable pour la société ne se traduira que lorsque l’étudiant·e sera employé·e. Ainsi, tandis que les sciences naturelles, qui font la promotion de relations sociales profitables, trouvent leur utilité centrale à travers des études supérieures, leur en seignement se fait au détriment du temps consacré à l’Univers Social et à l’Éthique et Culture religieuse, qui enseignent aux élèves à fonder des relations de nature communautaire. Il est important de se rappeler que l’éducation encadrée par l’État n’est obligatoire que jusqu’à seize ans, et que le gouvernement doit donc choisir judicieusement quelles matières prioriser dans le but de permettre à l’indivi du et la société de s’accomplir. En somme, puisque l’étude des sciences naturelles ne trouve son utilité principale que lorsqu’elle atteint les cycles supérieurs, les cours dont le bénéfice est moins dépendant d’études supérieures ne devraient-ils pas occuper une place plus importante dans l’édu cation des élèves québécois·es?
Une éducation digne des ambi tions québécoises
En comprenant que les liens qui unissent les citoyen·ne·s d’une société sont fondés sur la compréhension d’autrui et le partage d’une culture commune, l’éducation devrait encourager, au meilleur de ses capacités, la formation d’une culture com mune et l’ouverture à l’autre. Ces notions sont acquises en classe d’une part au travers de l’appren tissage de l’histoire du Canada pour ce qui est de la culture partagée, et d’une autre au tra vers des cours d’éthique pour ce qui est de l’ouverture à autrui.
Comme mentionné précédem ment, le ministère accorde deux fois plus d’unités à la construc tion de cette culture partagée à travers les cours d’histoire qu’aux cours d’éthique. Cependant, la création d’une histoire partagée est très difficile pour le Canada parce que sa démographie a une part importante d’immigrant·e·s de première ou de deuxième géné ration. Ainsi, alors qu’il·elle·s ap prennent comment la société dont il·elle·s font partie s’est formée, leur identité et leur culture com portent des aspects qui ne sont pas nécessairement très associés à celle de la société québécoise.
Or, le problème de création d’une histoire partagée repose aussi sur l’importance que le système édu catif accorde aux histoires et aux cultures des peuples autochtones du Canada. La création de liens et la compréhension d’autrui sur les
bases d’une culture partagée se voient donc freinées par la diver sité des identités qui composent la société québécoise. À défaut de ne pouvoir éduquer tous·tes et chacun·e par rapport à ce qui forme l’identité et l’individualité de chaque personne, le système éducatif devrait se tourner vers l’enseignement d’une ouverture à autrui et d’une compréhension de l’influence de différents facteurs sur l’identité d’un individu. En préparant l’élève pour qu’il·elle puisse comprendre les réalités vécues par autrui, l’individu for mé aura une plus grande capacité de compréhension des identi tés et des cultures variées qu’il pourrait rencontrer. À l’image du raisonnement mathématique, par l’apprentissage des phénomènes qui peuvent construire l’identité d’une personne, l’individu sera doté d’outils pour apprendre à connaître les autres individus qu’il côtoie dans sa société. Ainsi, les matières qui permettent la compréhension des phénomènes sociaux devraient se voir accorder une plus grande importance.
Dans le but d’avoir un système éducatif qui permette l’accom plissement double de l’individu et de la société, ce système devrait donc s’inspirer des aspirations d’une société. Le Québec est une province qui souhaite avoir une société unie et liée. Le pro gramme d’éducation du Québec devrait donc accorder une plus grande importance aux matières qui permettent la création de liens significatifs, et une moins grande importance à celles qui la permettent moins. Sans com plètement éliminer les sciences naturelles du programme d’édu cation, il serait avantageux pour le Québec de consacrer plus de temps aux matières comme l’Éthique et l’Univers social. Ces matières, qui favorisent la création de liens com munautaires et humains, devraient être au cœur de l’éducation d’une société solidaire.x
« L’éducation devrait encourager, au meil leur de ses capacités, la formation d’une culture commune et l’ouverture à l’autre »
vie nocturne
Aller danser
vienocturne@delitfrancais.comAve Madonna
Madonna : découpée, traduite, déformée.
Alexandre Gontier Éditeur Vie NocturneLemot « icône » désigne une peinture divine, souvent une représentation de la mère de Dieu. Puis un glissement de langage survient quand « icône » est employé pour désigner la célébrité dont le nom renvoie à la Vierge Marie : Madonna. En effet, selon le Professeur Marcel Denasi de l’Université de Toronto, d’après son ouvrage Language, Society, and New Media: Sociolinguistics (2020), la première occurrence de ce mot pour désigner une vedette extraordinaire est associée à Madonna Louise Ciccone, dite Madonna. Il est donc naturel de commencer par elle lorsqu’il s’agit de rendre hommage à ceux qui transforment un carré en piste de danse. Pour célébrer 40 ans de carrière, Madonna a sorti, le 19 août dernier, Finally Enough Love : 50 Number Ones : une compilation de remixes de ses plus grands titres. Cette semaine, je voulais la célébrer, et prétexter lui rendre hommage, en m’amusant avec son œuvre. C’est pourquoi je vous propose le morceau manquant de sa compilation. Il s’agit non pas d’un remix mais d’un « pot-pourri » (souvent désigné par l’anglicisme « medley »). J’ai recollé plusieurs paroles de multiples chansons de Madonna (dont deux en français) et j’en ai fait une traduction déformée.
Version anglaise: chacun des vers est une parole de chanson de Madonna
Certainties disappear
The right voice will be the snake the pretender will be the fish that got away.
I thought that we were related everyone must stand alone but I wish that you were here with me. This used to be my playground I was looking for a way to drop you down like the limbs of a tree but we only got four minutes outside waiting is the hardest if you can’t stand the heat outside just watch me burn and inside sticks and stones will break my bones.
I’m a little bit rusty we are all still wet.
When you point the finger there are three fingers pointing back at you I tried to be a mess.
Encore une fois, je suis cassée time is waiting.
Encore une fois, je n’y crois pas I’m not happy this way and you hold the key.
I think my head is caving in.
Version française basée sur celle en anglais Là
La voix juste sera celle du serpent, du poisson imposteur en fuite.
Dans ma mémoire, nous étions liés. En dehors, il faut rester seul.
J’aimerais que tu sois là dans ma cour de récréation là où je cherchais, avec des ciseaux la façon pour faire tomber tes quatre branches en quatre minutes dehors
l’attente coule en perles avant l’insolation dehors surveille ma cuisson et carbonise dedans cailloux et bâtons cassent les os.
Je suis un peu rouillée nous sommes toujours mouillés.
En montrant du doigt, tu seras pointé par trois. Ailleurs, j’ai essayé de ranger j’ai cassé la vaisselle sale j’ai cherché la vaisselle propre mais elle était sale. J’ai creusé mon aisselle sale.
Et je m’installe dans le trou.
Liste des chansons utilisées en anglais : Open your heart; You Must Love Me; History; Rain; Bedtime Story; Sanctuary; Pretender; 4 minutes; I love New York; Push; Like A Prayer; American Life; Jump; Sorry; Like It or Not; Let It Will Be; Skin; Frozen; Paradise (contient deux paroles en Français); Live To Tell; Revenge. x
Alexandre Gontier | Le DélitCINÉMA
« Une microécole de cinéma » à McGill Entrevue avec Philippe Léonard au Critical Media Lab.
Photos par Camille Matuszyk Coordonnatrice de la correction Propos recueillis par Sophie ji Éditrice CultureL’Université McGill ne comporte actuel lement aucun pro gramme de formation en création d’arts visuels, mais certaines initiatives tels que le Critical Media Lab (CML) (Laboratoire de médias cri tiques, tdlr), nouveau labora toire multimédia au sein du Département d’anthropologie, émergent tranquillement afin de donner la possibilité à celles et ceux intéressé·e·s par les arts visuels de les explorer. Le Délit a rencontré Philippe Léonard, directeur associé du CML, afin de discuter du laboratoire et de la création d’ethnographies sensorielles, une forme de cinéma expérimental visant à explorer les perceptions senso rielles à travers la caméra.
Le Délit (LD) : Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours?
Philippe Léonard (PL) : J’ai complété un baccalauréat et une maîtrise en cinéma à l’École de cinéma de l’Université Concordia.
Durant ma maîtrise, j’ai fait un échange à Paris, et ensuite j’ai déménagé à New York pendant un bout de temps et c’est là que j’ai un peu fait la transition entre l’école et le monde professionnel. J’ai d’abord beaucoup travaillé en publicité et dans des projets qui étaient un peu éloignés de mes intérêts et de mes valeurs. J’ai aussi essayé les plateaux de tour nage classiques avant de réaliser que cela ne me correspondait pas
trop, donc je me suis réorienté vers une approche solitaire plutôt expérimentale et documentaire qui ressemble plus à un travail photographique ou d’arts visuels. Ce choix m’a amené à travailler avec d’autres artistes tels que des musicien·ne·s, des danseur·se·s ; j’ai fait beaucoup de visuels pour la scène et des vidéoclips. Mon travail personnel est très proche des vidéos d’arts, des trucs plus abstraits, qui cadrent bien avec l’approche de l’ethnographie sen
sorielle (sensory ethnography, tdlr), ce qui me relie davantage à McGill. Je suis en contact avec Pre Lisa Stevenson et Pr Eduardo Kohn depuis plusieurs années ; il·elle·s apprécient beaucoup mon regard patient, mon écoute, et mon ouverture à la différence, deux caractéristiques très liées au monde anthropologique.
En 2017, j’ai remplacé Lisa Stevenson en tant que chargé de cours pour le cours d’ethnogra phie sensorielle, ce qui était vrai ment super. N’ayant pas de doc torat, il était difficile pour Lisa et Eduardo d’imaginer comment je pourrais m’intégrer à McGill, jusqu’à ce qu’il y ait une collabo ration entre McGill et l’initiative de Leadership pour l’Écozoïque ( Leadership for the Ecozoic , tdlr ), un groupe de recherche en lien avec la crise climatique et les problèmes environnementaux. L’idée de « l’Écozoïque » est une façon de réagir à l’Anthropocène plutôt que de se laisser abattre ; c’est une façon de chercher à re penser nos structures, et nos fa çons de faire, afin de briser la sé paration entre nature et culture, et voir que la nature et la culture forment un tout.
LD : Vos œuvres comportent-elles certains thèmes de prédilection?
PL : Durant ma maîtrise à Concordia, j’ai réalisé un mémoire qui posait un regard critique sur les espaces publics et le tourisme de masse et de consommation.
Je restais longuement dans ces espaces afin d’observer un peu ce
sens conventionnel du terme? Ce thème me rapproche donc de l’ethnographie sensorielle, où l’on donne presque une forme d’agentivité au « sens » lui-même puisqu’il y a toujours plusieurs façons de percevoir une situation, un événement. Nous avons ten dance à penser qu’il y a une seule façon d’observer ou d’entendre, mais lorsqu’on commence à dé cortiquer ce que l’on entend en ce moment, par exemple, on se rend compte qu’il faudrait au moins cinq ou six micros, car il y a diffé rentes surfaces, des résonances et des dimensions diverses qui affectent de manière différente ce que l’on perçoit dans cette salle. C’est donc super intéressant d’ex plorer le fonctionnement des per ceptions sensorielles, et comment on peut créer des nouveaux sens, à travers une combinaison de plu sieurs de nos cinq sens.
J’essaie aussi de remettre en question le langage du milieu ci nématographique, souvent relié au militaire. Même la technolo gie cinématographique est liée au domaine militaire, par son grand recours aux drones et sta bilisateurs, des outils qu’on doit remettre en question d’un point de vue éthique selon moi. Aussi, l’idée de « shooter » en anglais, c’est horrible (rires). Mais l’ex
qui s’y déroulait en trouvant des façons différentes de les représen ter à travers le cinéma.
Sinon, un thème un peu plus clas sique que j’aime aussi représenter est la transformation des images par le dispositif cinématogra phique. Comment représenter des perceptions sensorielles sans chercher à tout comprendre au
pression trouve aussi son origine dans l’histoire de la technologie cinématographique, qui a débuté avec le fusil photographique; les premières expérimentations qui ont mené aux images en mouve ment viennent effectivement d’un fusil qui « tirait » pour prendre des images, mais j’essaie tout de même d’éviter le terme « to shoot », j’aime mieux dire « fil
« Au début septembre, cette salle comportait 25 bureaux », explique Léonard. « Nous les avons tous sortis. Le plan est de créer une configuration d’espace qui peut se réorganiser selon le type d’activités qui a lieu, par exemple un atelier ou une projection. »
« Les plateaux de tournage classiques… ne me correspondaient pas trop, donc je me suis réorienté vers une approche solitaire plutôt expérimentale et documentaire »
mer » ou « filming ». Je suis davan tage dans une posture de récep tion envers le monde, les images et les expériences plutôt que dans une posture de « chasseur » qui cherche à « capturer » des moments, une certaine forme d’agressivité qu’on peut par fois relever dans le cinéma ou même la photographie docu mentaire selon moi.
LD : Selon vous, l’ethnographie sensorielle permet-elle de dé tourner un peu l’aspect militaire du cinéma que vous soulignez?
PL : Je pense que c’est le souhait. Les œuvres qui suivent cette approche vont tenter de mettre le·a spec tateur·trice dans une situa tion où l’on ne donne pas l’impression qu’une œuvre cinématographique peut être comprise d’une seule façon, ce qui peut souvent être le cas dans les documentaires plus traditionnels, où le lan gage dirige de façon impor tante les points de vue des spectateur·trice·s.
L’expérience de visionne ment est toujours une forme de catharsis, et l’ethnographie tente d’explorer cela chez les specta teur·trice·s. L’idée même de pro jection en psychologie nous dit aussi que lors d’une projection au
professeures ont fait leur stage postdoctoral à Harvard, avec Lucien Taylor, le réalisateur de Léviathan , un canon du genre, donc elles ont ce bagage qu’elles
On a commencé à faire des évé nements, des projections, des ateliers. J’aimerais aussi éventuel lement intégrer l’aspect résidence d’artistes afin d’avoir des gens de l’extérieur de McGill, des « out siders » du monde universitaire qui viendraient tenter de créer un pont entre le monde externe et le monde universitaire, qui est sou vent un monde très hermétique.
Par exemple cette semaine nous organisons deux projections à la
car on a peu d’équipement pour le moment, donc celui-ci est réservé aux gens présentement inscrits au cours d’ethnographie sensorielle à la session d’automne. Ensuite, à la pro chaine session, l’idée est de rendre l’équipement accessible à tout le monde, mais il faudra déterminer comment fonctionnera l’adhésion au CML, quel genre de formation devra être donnée pour pouvoir utiliser l’équipement, etc. Pour le moment, nous avons 4-5 kits de caméra donc
taine façon de faire les choses, qui est davantage reliée aux besoins de l’industrie, qui suit un modèle de création de films, comme le dit son nom, plus « in dustriel ». L’École de cinéma de Concordia s’en va de plus en plus dans cette direction aussi, car Concordia veut agrandir l’École et accueillir davantage d’étu diantes et étudiants pour servir l’industrie cinématographique grandissante à Montréal.
L’École de cinéma est vraiment un état d’esprit différent selon moi. Je suis content d’être au CML, car je
cinéma, ce qu’on voit à l’écran, dans l’environnement d’une salle avec des sièges confortables, fait en sorte qu’on oublie notre corps et qu’on atteint une sorte d’état de rêve.
LD : Pouvez-vous nous expliquer un peu la mise en place du CML? Quand a-t-il été formé, et qu’estce qui a motivé sa création?
PL : En fait, c’est le résultat du travail acharné de Pre Lisa Stevenson et Pre Diana Allan; c’est leur projet depuis des an nées, de créer un CML. Les deux
tentent d’apporter à McGill. Je leur lève vraiment mon chapeau, surtout à Lisa Stevenson, qui donne le cours d’ethnographie sensorielle à McGill depuis 15 ans maintenant, sans aucune
Cinémathèque québécoise, reliées à la publication du livre Expanded Nature : écologies du cinéma expé rimental publié sous la direction de Elio Della Noce et Lucas Murari aux éditions Light Cone, un distri buteur de films expé rimentaux à Paris. Il s’agit d’une collection d’essais portant sur la relation entre le ciné ma expérimental et les pratiques écologiques.
on ne peut pas servir toute la com munauté de McGill, mais on espère que si l’intérêt est là, l’Université comprendra qu’on a besoin de plus
trouve qu’on cherche à faire quelque chose de plus « artisan » , où chaque projet est unique. C’est aussi le cas à l’École de cinéma, mais ici on a davantage la possibilité de pouvoir s’asseoir avec chaque étudiant·e désirant créer un film et comprendre les bons outils qui vont servir le projet, par exemple. Parfois, la bonne caméra pour un projet peut être la caméra d’un cellulaire, d’autres fois une caméra pellicule, et pour certains projets, une grosse caméra
ressource technique ni labora toire de montage, mais en arri vant tout de même chaque année à enseigner à des étudiant·e·s à faire des films avec les moyens du bord, ce qui est vraiment génial et permet de développer autre chose de vraiment intéres sant, je crois.
Le CML a officiellement été fondé l’an dernier, mais l’idée existe depuis longtemps. C’est vraiment excitant présentement, car on est sur le point d’y arriver, il manque seulement quelques pièces d’équipement à recevoir.
Il y a maintenant tout un réseau de labora toires photographiques dirigés par des artistes, beaucoup en Europe, mais il y en a aussi ici, qui développent euxmêmes leur pellicule. Les artistes partici pant à ce mouvement cherchent à travailler de plus en plus avec des pratiques plus écolo giques et saines. Il·elle·s tentent davantage de représenter les perspectives de la nature au sein du cinéma, en la lais sant agir sur la réalisation d’un film, en laissant, par exemple, une caméra sur un trépied un peu lousse, ce qui permet au vent de pousser la caméra, et donc d’intégrer des mouvements un peu décidés par la nature.
LD : Le CML sera-t-il ouvert à tous·tes les étudiant·e·s de McGill?
PL : Les activités, les projections et les ateliers sont ouverts à toutes et à tous. Ce qui est plus compliqué à déterminer est l’accès à l’équi pement et à l’espace de montage,
« Cette salle deviendra éventuellement une salle de montage », explique Léonard. « Les étudiant·e·s membres du CML pourront venir à leur guise avancer leur projet; le but est vraiment de les rendre autonomes. »
de financement pour acheter plus d’équipement. Mais oui, l’idée à long terme est d’avoir une microécole de cinéma dans le Département d’anthropologie pour servir toute la communauté de McGill.
LD : Que pensez-vous du fait que CML soit actuellement situé dans une université qui n’a pas d’école de cinéma? Cela apporte-t-il des avantages ou des difficultés à vos approches d’enseignement?
PL : Pour avoir été formé à l’école de cinéma, je peux dire que je suis content d’avoir fait cette formation, mais que ça apprend aussi une cer
numérique, mais je ne crois pas qu’une même caméra peut servir tous les projets, et c’est ce que l’on enseigne un peu à l’école de ciné ma, on apprend la même caméra à tout le monde.
Les projections de cinéma expéri mental co-organisées par le CML à la Cinémathèque québécoise auront lieu le mercredi 26 octobre à 21h et le jeudi 27 octobre à 18h30. Le CML organise également une conférence donnée par Elio Della Noce le ven dredi 28 octobre prochain à 10h au 3475 rue Peel. x
« L’idée à long terme est d’avoir une microécole de cinéma dans le Dépar tement d’anthropologie pour servir toute la communauté de McGill. »
« Je suis content d’être au CML, car je trouve qu’on cherche à faire quelque chose de plus “ artisan” , où chaque projet est unique. »Dominika grand-maisoN Contributrice
Le Festival du nouveau cinéma (FNC) ne s’est pas trompé en ouvrant sa 51e édition par une œuvre qui a fait partie de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en mai dernier. Celle-ci est réalisée par Charlotte le Bon, déjà connue pour sa carrière à l’écran d’une dizaine d’années, et pour la réal isation du court-métrage Judith Hôtel (2018). Cette année, le FNC a présenté une programmation entièrement en présentiel pour la première fois depuis trois ans, et l’excitation était à son comble au Cinéma Impérial le 5 octobre dernier. Cette première représen tation a su prolonger l’été et réveiller une nostalgie chez ceux et celles qui sont familier·ère·s des lacs des Laurentides. Les rôles principaux sont joués par Joseph Engel, acteur français, qui paraît dans La Croisade (2021) et Sara Montpetit, con nue pour son rôle dans l’adap tation de Sébastien Pilote de Maria Chapdelaine (2021).
L’histoire commence à l’arrivée de Bastien, jeune garçon français de
Théâtre
13 ans, et de sa famille au chalet d’une amie de sa mère, la mère de Chloé. Après une première rencontre houleuse, les deux adolescents développent une complicité qui change le cours de leur été. Chloé fait part à Bastien de la présence d’un fantôme qui hanterait le lac, ce qui le rend encore plus captivant et imprévis ible. Bastien, le plus jeune, se
retrouve attiré dans ces expéri ences nouvelles qui marquent la transition vers l’adolescence comme les premières amours et les premiers partys. Le Bon nous fait, à sa manière, le portrait de cet âge d’exploration et d’insouci ance qui se situe entre l’enfance et l’adolescence. À travers sa caméra, elle a su capturer à la perfection ces moments de jeunesse où les
pulsions sexuelles dominent et où les inquiétudes sont inexplicables. Équilibré par des silences bien orchestrés et accompagnés de bruits de la nature environnante, ce film offre même de la beauté à nos oreilles à travers la bande sonore qui nous enveloppe dans ce monde naïf et mélancolique.
de verts. Le jeu des acteurs est rendu remarquable en particulier grâce à la justesse et la vraisem blance de l’utilisation d’un lan gage habituellement parlé entre les jeunes de cet âge. En effet, s’ajoutent à l’histoire les origi nes différentes des personnages et donc d’une langue française qui nécessite d’être adaptée dans les dialogues. Charlotte Le Bon a raconté dans une entrev ue à Radio-Canada que, malgré le script, il y avait une place à l’improvisation et l’approbation des dialogues par les acteurs.
Entièrement tourné dans la nature québécoise, cette dernière s’impose dans l’œuvre comme un personnage important. Un autre personnage principal, inattendu, apparaît sous la forme du lac. Son rôle s’accentue d’autant plus que les deux jeunes ont des interac tions ressenties et intimes avec celui-ci. C’est ce qu’on remarque lorsqu’ils y confessent leurs craintes et même les surmontent.
Capturé en 16 mm, le film se caractérise par son grain, et le charme des couleurs captées, tell es que les bleus et les contrastes
Vivre par asphyxie
Une journée, un remède contre l’isolement et la routine ?
Louis Ponchon Éditeur CultureUnpersonnage surgit dans le faisceau d’une torche électrique. Puis un autre. Un troisième, et enfin un quatrième. Ils ne semblent pas se connaître, mais ne prennent pas la peine de se présenter. Au cours de la pièce, ils apparaissent tantôt comme quatre amis, tantôt comme quatre aspects d’une même personnalité, liés seulement par une solitude, un désespoir, le sen timent persistant et nuisible de vivre embourbé dans la routine.
doit-on vivre avec la routine ? Traité avec légèreté et ironie, le sujet pousse à la réflexion, mal gré plusieurs fausses notes.
La journée, ce monstre écrasant
La journée commence, elle égrène lentement ses heures au cadran digital du fond de la scène. Elle est ce jeu sans enjeu, sans suite ni fin, dans lequel surgissent les personnages, et où ils restent blo qués avec comme seul horizon la journée suivante. L’omniprésence du cadran horaire sur scène rap pelle que, pour les gens englués dans la routine, les heures qui passent n’ont aucun sens, aucune importance; ils sont dans une prison dont les barreaux s’épais sissent à mesure qu’ils renoncent à toute tentative d’en sortir.
tous portent en eux une trist esse, ou un isolement, dont ils ne parviennent pas à s’extirper. Debs, jeune femme pétulante mais complètement minée par la routine et intoxiquée à la tristesse (qui s’ac cumule en elle comme un poison depuis des années), en est le meil leur exemple. Elle passe sa matinée sur le canapé, incapable de se lever, et finit par craquer, refusant de croire à la perspective du lende main heureux, du jour ensoleillé qui succède a la pluie, et se laisse (littéralement) avaler par le canapé.
En représentation jusqu’au 5 novembre prochain au Théâtre de Quat’sous, la pièce Une Journée, écrite par Gabrielle Chapdelaine, pose la sempiternelle question, située au cœur de nos exis tences modernes : comment
Dans une ambiance souvent digne d’un épisode de Black Mirror, où la journée deviendrait une simple suite de « tâches » à valider comme dans un jeu vidéo, les quatre personnages vivent, ou plutôt se débattent dans leurs habitudes et leurs difficultés, avec beaucoup d’humour – la pièce est drôle, parfois très drôle. Cependant,
Les autres personnages ont aussi leurs petits « trucs » pour briser le cycle infernal de leur ennui. Qu’ils et elles se querellent avec un barista, regardent des films en noir et blanc de la collection Criterion, volent le téléphone d’une collègue, cuisinent de la soupe minestrone, ou s’inventent une meilleure amie, leurs tentatives de s’échapper de la journée restent vaines.
La mort de l’optimisme
En fin de compte, Gabrielle Chapdelaine propose un point de vue assez triste sur l’existence, puisqu’elle laisse entendre que
le meilleur moyen de survivre à la routine – ce concept vague et illusoire qui asphyxie ses person nages – serait de s’en accommoder, par exemple en se posant pour regarder Titanic. Une « morale » assez simpliste, différente de celle du Désert des tartares de Dino Buzzati (le roman qui parle le mieux de la « prison des jours »), qui enjoint le lectorat à ne pas vivre dans l’attente de quelque chose (un événement, une rencontre, un Godot) qui ne vient jamais.
Ce long-métrage de Charlotte Le Bon se démarque par sa douceur et le souci du détail qui contribuent à distinguer son style. Jusqu’à la fin, elle prend le soin de nous léguer son univers enchanté et fascinant. C’est sa manière d’agencer, avec succès, tous les éléments d’une même scène qui parvient à émouvoir et donner des frissons. Cette réalisatrice québécoise, qui a très bien su faire son entrée dans le monde cinématographique, est à garder à l’œil pour les années à venir.
Falcon Lake est en salle au ciné ma depuis le 14 octobre. x
Au contraire, les personnages de Gabrielle Chapdelaine manquent d’esprit frondeur, de distance et de liberté. Ils ne sont pas libres, et ne le seront jamais, métaphorique ment séparés du public par un mur infranchissable qu'ils miment. Même les dialogues ne parviennent pas à leur donner de la substance. Finalement, ils disparaissent de la pièce comme ils y sont entrés : dans une soudaine obscurité. x
Avec Falcon Lake, Charlotte Le Bon se lance dans la réalisation. Le lac de nos craintes
« Le Bon fait le portrait de cet âge d’exploration et d’insouciance »
« Les personnages se débattent dans leurs habitudes et leurs difficultés »Emmanuelle bois Marie Prince