Le Délit du 11 novembre

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Le mardi 11 novembre 2014 | Volume 104 Numéro 9

Société, reine du Délit depuis 1977


Volume 104 Numéro 9

Éditorial

Le seul journal francophone de l’Université McGill

rec@delitfrancais.com

Une vie de referenda joseph boju

Le Délit

«I

l y a deux à peine, il y a deux déjà. Ma mémoire est incertaine mais mon cœur lui n’oublie pas». Feu Mort Shuman avait les mots pour rappeler le référendum que nous tenions en 2012 sur l’existence de la Société des Publications du Daily, société qui comprend Le Délit mais aussi notre fausse jumelle: The McGill Daily. Ce référendum était le deuxième depuis 2003, année terrible où l’Université a décidé de soumettre au vote l’existence des associations étudiantes indépendantes tous les cinq ans. Nous l’avions remporté à 76%, 4% de moins qu’en 2008, mais 76% tout de même. Cette semaine, c’est au McGill Tribune de vivre son premier référendum. Ce qu’il doit mettre en jeu, c’est les trois dollars perçus par étudiant chaque semestre. Moment clé dans la vie d’une association étudiante, ce vote traduit la confiance que le corps étudiant lui porte. En cas d’échec, sans autre forme de procès, les tabliers sont rendus et la clé mise sous la porte. Si nous ne considérons pas le Tribune comme l’arbitre des élégances et que, par bien des côtés, nous pourrions en médire, reste que nous sentons pour lui quelques sympathies à l’heu-

re des grandes phrases. Bien entendu, nos lignes éditoriales, éthiques et esthétiques diffèrent en maints lieux mais voyez vous, nous vivons du même pain, celui des étudiants dans un premier temps, celui du reportage dans le second. Et quel temps celui-là! Insaisissable esprit de notre société! Combien de fois par jour tentons nous de te dire, de t’écrire, de t’expliquer? L’étudiant-journaliste est semblable à Sisyphe, roulant sa pierre immense sur le flanc d’une butte. Arrivé au sommet, la pierre lui échappe et il faut repartir… Recommencer, tomber, recommencer, tomber, recommencer jusqu’à l’oubli du monde. Voilà ce que c’est que de déjouer la Mort! C’est parce que nous roulons la même pierre avec le Tribune que nous lui apportons notre soutien en vue de son référendum. La diversité des pratiques est une chose à laquelle nous tenons, n’oublions pas que c’est en son nom que nous sommes apparus un beau matin de 1977. Mais il se fait tard. Nous sommes déjà à la mi-novembre et ceci est la dernière publication du Délit pour l’année 2014. Les opportunistes que nous sommes en ont profité pour faire un numéro de 20 pages au lieu de 16. Bonne lecture donc, et bonne chance. x

RÉDACTION 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédacteur en chef rec@delitfrancais.com Joseph Boju Actualités actualites@delitfrancais.com Léo Arcay Louis Baudoin-Laarman Culture articlesculture@delitfrancais.com Baptiste Rinner Thomas Birzan Société societe@delitfrancais.com Julia Denis Économie économie@delitfrancais.com Charles-Élie Laly Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Thomas Simonneau Coordonnatrices visuel visuel@delitfrancais.com Cécile Amiot Luce Engérant Coordonnatrices de la correction correction@delitfrancais.com Any-Pier Dionne Céline Fabre Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Coordonnatrice réseaux sociaux réso@delitfrancais.com Gwenn Duval Contributeurs Olivier Assayas, Inès Chabant, Pierre Chablin, Alexis de Chaunac. Virginie Daigle, Noor Daldool, Fred Dubé, Mahaut Engérant, Jean-Louis Fernandez, Samy Graia, Sandra Klemet, Camille Larcheveque, Alexandra Lelyuk, Yanick Macdonald, Matilda Notage, Ines Palaz, Esther Perrin Tabarly, léo Richard, Victor Sokolovitch, Kharoll-ann Souffrant, Miklos Szabo Couverture Cécile Amiot & Luce Engérant Photos de Mandarin Film, Gaumont & Olivier Assayas BUREAU PUBLICITAIRE 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux, Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Dana Wray

Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Juan Camilo Velzquez Buritica, Dana Wray, Joseph Boju, Thomas Simonneau, Ralph Haddad, Hillary Pasternak et Rachel Nam.

luce engérant

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éditorial

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

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Actualités

VIVRE. APPRENDRE. JOUER. TRAVAILLER.

actualites@delitfrancais.com

LA CONSTRUCTION A DÉBUTÉ

campus

Même pas déficitaire! L’AÉUM publie son budget 2014-2015. Le Délit

L

e conseil législatif de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM) s’est réuni le 6 novembre pour l’une de ses sessions les plus importantes du semestre. En effet, outre les motions présentées et l’invitée cette semaine, la vice-présidente aux finances de l’AÉUM Kathleen Bradley a présenté son budget pour l’année 2014-2015, disponible sur le site de l’AÉUM. Présentation du budget La présentation phare de ce conseil fut sans doute la présentation du budget final de l’association étudiante pour l’année 2014-2015, qui après de nombreuses coupes budgétaires l’année dernière, a été remanié afin de rétablir certains fonds annulés, ainsi que placer certains fonds qui serviront à financer les futurs grands projets de l’AÉUM. D’une manière générale, le bilan de santé financière de l’AÉUM cette année est plutôt positif. Le budget total présente un surplus d’environ 2 400 dollars, qui avec les actifs capitalisables [les investissements qui rapportent sur le long terme] de 47 000 dollars iront financer le fonds de réserve d’immobilisation (CERF) de l’AÉUM, lequel sert à financer les grands projets, comme la rénovation de Gerts ou le nettoyage de l’amiante il y a quelques années. L’approbation du nouveau frais du bâtiment Shatner lors du référendum du semestre d’automne y est pour beaucoup, et permet à l’AÉUM de respirer un peu. En effet, le loyer sur le bâtiment Shatner, qui avait été

augmenté par McGill l’année dernière, menaçait l’existence des locaux de l’association étudiante, que la cotisation augmentée à 5,78 dollars par semestre par étudiant à temps plein permet maintenant de financer. Augmentation pour certains services Cette nouvelle manne qui vient s’ajouter à la contribution étudiante, laquelle finance la quasi-totalité des services offerts par l’AÉUM, a été employée pour plusieurs initiatives. Tout d’abord, le budget alloué aux nombreux clubs (près de 300) sponsorisés par l’AÉUM, qui avait été réduit de 30 000 dollars l’année dernière, a été augmenté et bénéficie maintenant de 86 000 dollars pour ses activités. «Financer ce genre de service au sein de la communauté étudiante est une de nos plus grandes priorités», explique Kathleen Bradley. Outre le financement des associations et clubs étudiants, l’AÉUM compte également augmenter les salaires de ses employés. Cette catégorie, avec 1 213 536 dollars de dépenses, représente de loin la plus grande partie du budget opérationnel de l’AÉUM. «Les salaires ont été augmentés surtout pour rétablir les positions des portefeuilles des exécutifs qui ont été coupés l’année dernière» rassure Mme Bradley. Ceux-ci représentent par exemple les postes de recherche, auxquels 10 000 dollars ont été alloués, par exemple pour permettre de faire une recherche sur la durabilité de l’AÉUM demandé par la présidente Ayukawa. Les salaires des exécutifs eux-mêmes ne sont cepen-

dant pas dévoilés dans le budget, pour des raisons légales.

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Les déficits dévoilés Si certains événements et organisations étudiantes rapportent de l’argent à l’AÉUM en dehors de la contribution estudiantine, d’autres se révèlent plutôt couteux. C’est le cas du Nid, le café étudiant récemment ouvert dans le bâtiment Shatner, qui affiche un déficit de plus de 76 000 dollars cette année, alors que son voisin du dessous Gerts pose lui en bon élève avec son surplus de 15 000 dollars. Kathleen Bradley explique que cette perte provient d’une part des travaux sur la rue McTavish, qui diminuent le flux régulier d’étudiants dans le bâtiment Shatner, et d’une autre du désaccord entre le mandat du Nid et les besoins des étudiants. En effet, le Nid souhaite offrir des produits sains, bios et locaux aux étudiants, ce qui augmente ses prix, alors que les étudiants souhaitent principalement de la nourriture bon marché. «Je veux respecter le mandat et je veux que le Nid offre de la nourriture à moindre coût mais ces deux choses ne sont pas vraiment conciliables», affirme Bradley. Frosh a affiché un déficit de 3 600 dollars et Four Floors 5 200 dollars, principalement à cause des frais de sécurité imposés par McGill, plus hauts que ceux annoncés par l’administration initialement. Il est à noter cependant que d’autres événements et opérations de l’AÉUM moins connus, et bénéficiant de budget moindres, ont affiché des surplus, comme les Mini Courses ou encore la Nuit des Activités. Au terme des explications, le conseil a approuvé le budget à l’unanimité, avec deux abstentions. x

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actualités

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campus

Culture Shock: éveil garanti! Semaine de sensibilisation aux discriminations faites aux minorités visibles. ines chabant

Le Délit

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’événement initié à McGill par le Groupe de Recherche d’Intérêt Public (GRIP) en 2006, Culture Shock, s’est déroulé du 6 au 9 novembre dernier. Organisé autour d’une série d’ateliers ludiques, Culture Shock incitait les participants à repenser l’immigration et l’héritage historico-culturel nord-américain. Le concept au cœur de cette entreprise: faire valoir les droits autochtones sur les terres canadiennes «colonisées et volées» d’après les mots de M. Holden, coordinateur de Kanata, un groupe de soutien étudiant de la Communauté des études autochtones de McGill, qui a pris part au déroulement de Culture Shock. Cette même question était à l’ordre du jour lors de l’atelier Oh Canada, Our Home on Native

Land: Discussing Colonization, qui s’est déroulé le 6 novembre dans le bâtiment de l’AÉUM. Après un prélude en musique traditionnelle des Premières Nations, les participants se sont présentés un à un, souvent en reconnaissant l’héritage autochtone de leurs villes d’origine, comme Jacob Greenspon, un sénateur de l’AÉUM: «Je viens de Toronto, terre originelle des Mohawks.» Cet exercice de prise de conscience est maintenu tout au long de l’événement, par exemple en abordant le rôle du gouvernement canadien dans le système des écoles résidentielles. Entre 1860 et 1996, plus de 150 000 enfants autochtones ont été placés dans ces institutions réputées pour leurs conditions déplorables qui ont causé la mort de près de 4 000 d’entre eux. Au second plan aussi, l’atelier cherche à stimuler les esprits sur l’éducation au

Canada. Jusqu’au cégep, l’histoire des Premières Nations est maintenue en marge, en faveur de celle de la découverte de Jacques Cartier et de l’engagement auprès des Européens lors des Première et Seconde Guerres mondiales. Pour éduquer les participants sur cet aspect de l’histoire canadienne délaissé par les institutions publiques, des fiches informatives étaient placées en ordre chronologique à même le sol, relatant les faits d’une histoire marquée par la souffrance et la hantise des colons européens. Aujourd’hui encore, McGill demeure une des seules universités au Québec à ne pas avoir reconnu l’historicité des territoires traditionnels qu’elle occupe – mohawk dans son cas – pourtant établie par la Cour suprême en 1997, qui avait défini la portée de la protection accordée au titre autochtone avec l’arrêt Delgamuukw.

Espace sécuritaire ou espace fermé? Si la politique de Culture Shock est d’«engager le dialogue autour des problèmes relatifs aux vies [des minorités] ainsi que d’éduquer les personnes non renseignées sur ces problèmes», l’atelier Giving Birth to Yourself: Revolutionary Storytelling for People of Colour était inaccessible aux personnes blanches. Ainsi, la description de l’événement soulignait: «veuillez noter que cet atelier est fermé, seulement les personnes autochtones, métisses ou de couleur peuvent y prendre part». Pourtant, Kira Page, coordinatrice externe du GRIP et membre de l’équipe à l’origine de cet atelier, note en entrevue avec Le Délit qu’«à McGill, en règle générale, il n’y avait pas d’espace pour discuter du racisme ou du colonialisme» soulignant: «voilà l’intérêt véritable de Culture

Shock». Sur l’exclusion des personnes blanches à l’événement, elle justifie ce choix controversable en affirmant que «les personnes de couleur doivent avoir le droit à un espace où ils peuvent partager leurs expériences d’oppression». Durant l’entrevue, Kira fait analogie aux combats de féminisme radical où l’exclusion des hommes était d’ordre; mais elle rétracte finalement ses propos. Depuis le semestre d’automne 2014, une mineure en «Études autochtones» a été inaugurée à McGill. Une victoire pour les différentes associations dans la lutte pour la reconnaissance des Premières Nations et la promulgation d’idées antiracistes, antidiscriminatoires et pro-communautaires. Prochain rendezvous: Culture Shock, prévu pour novembre 2015, pour assister à autant d’ateliers sur l’ouverture et le partage, pour la plupart, du moins. x

Silence, on innove

Une semaine d’ateliers et de conférences pour encourager la créativité étudiante. louis baudoin-laarman

Le Délit

L

e campus mcgillois a accueilli pour la deuxième fois la semaine de l’innovation de McGill du 3 au 8 novembre derniers. Cette deuxième rencontre du type visait à inciter la réflexion étudiante sur les différentes manières de concevoir l’innovation, à travers une série d’ateliers, de conférences ou de visites tout au long de la semaine. L’événement a été organisé par le QI Student Working Group (SWG), créé en février 2013 pour soulever la participation étudiante dans le Quartier de l’Innovation (QI), une plate-forme en pleine expansion destinée à fomenter la créativité à Montréal. Il concerne l’innovation dans tous ses sens, qu’elle soit entrepreneuriale, technologique ou encore artistique, comme on pouvait en débattre lors de la conférence de Standpoints: Art and Innovation Talk. Asma Manssouri, la VP Externe du SWG, et qui s’occupe de l’organisation de la semaine de l’innovation depuis mai dernier, explique qu’avec cet événement, elle cherchait à inspirer les étudiants en mettant à leur disposition des gens «qui sont en train de bouillonner, qui ont plein de projets». Elle ajoute que

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cécile amiot

cette semaine de l’innovation peut aussi ouvrir les esprits à des choix de carrières alternatifs: «Dans une institution qui reste assez traditionnelle, c’est intéressant d’avoir un point de vue sur d’autres moyens de réussir dans sa vie, pas seulement se focaliser sur ses études.» C’est le vice-principal exécutif adjoint aux études et à la vie étudiante, Ollivier Dyens, qui a ouvert cette semaine de débats et d’échanges d’idées lundi lors de la conférence Enriching Student Experiences in the QI, qui traitait de l’impact

des expériences d’apprentissage et des projets sur le Quartier de l’Innovation. Pour M. Dyens, la semaine de l’innovation de McGill est l’occasion rêvée pour les étudiants de se rendre compte des possibilités qui sont à leur portée quant il s’agît de la concrétisation de leurs idées et de leurs projets. Selon lui, il est trop facile de mettre ces derniers de côté face aux obligations plus immédiates: «Il est important de se forcer à penser car on est tous pris dans le quotidien et parfois on oublie de regarder un petit peu plus loin.»

Le Quartier de l’Innovation à l’honneur Le Quartier de l’Innovation, plate-forme en pleine effervescence mais qui peine encore à s’assurer une visibilité sur le campus, était au cœur de cette semaine de l’innovation. Avec 3 évènements sur 11 qui lui ont été dédié, et le 4e Sommet de Montréal sur l’innovation du 6 novembre, consacré cette année à la collaboration entre les domaines de santé et les industries créatives, le QI a pu sortir de l’anonymat et être représenté sur la scène collective mcgilloise. En effet, selon M.

Dyens, le QI est un aspect phare de la semaine de l’innovation car: «L’innovation à McGill se décline de plusieurs façon, mais au niveau des grands projets de McGill ça se décline surtout autour du QI». Julien Ouellet, membre du SWG, pense quant à lui qu’il est important que les étudiants s’impliquent dans ce vaste projet de coopération en plein essor: «QI vient d’entrer dans la phase la plus intéressante de son développement. Les idées se concrétisent et les opportunités se multiplient». Le QI, situé au sud-ouest de Montréal, et dont la visite était une des activités proposées par la semaine de l’innovation, est basé sur quatre piliers (socio-culturel, formation et recherche, urbain et industriel). De là, plusieurs centre offrent différents services aux jeunes avec des idées mais sans capitaux. L’un d’entre eux, le Centre d’entreprises et d’innovation de Montréal (CEIM), constitue selon M. Ouellet l’exemple idéal de l’esprit du QI: «Concrètement, le CEIM est un très bel exemple de ce que le QI a à offrir. Ce centre qui procure des locaux, de l’expertise, et des opportunités de réseautage à très bas prix est un point de départ idéal pour démarrer une compagnie». Ce dernier a d’ailleurs été inauguré le lundi 9 novembre un partenariat avec le gouvernement fédéral. x

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léo arcay

montrÉal

Convergence à Montréal

Rassemblement d’associations étudiantes environnementales de tout le Canada. Léo Arcay

Le Délit

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enus du Québec, d’Ottawa, d’Ontario, de ColombieBritannique ou encore du Nouveau-Brunswick et de Nouvelle-Écosse, 140 personnes, dont une grande majorité d’étudiants impliqués dans des associations environnementales ont participé à la Fossil Free Canada Convergence (Convergence pour un avenir sans énergies fossiles, ndlr), cette fin de semaine. Sous la supervision de la Coalition des Jeunes Canadiens pour le Climat (CYCC) [Canadian Youth Climate Coalition, ndlr]. Les associations étudiantes des universités McGill et Concordia, et les groupes de désinvestissement affiliés à ces institutions, ont accueilli et organisé un certain nombre d’activités et de conférences sur différents enjeux. Les différents groupes de désinvestissement de Montréal et ailleurs ont proposé des tables

rondes sur des sujets variés, comme les stratégies de désinvestissement elles-mêmes, les histoires de résistance, le rôle des médias et de la communication ou encore la justice climatique, la plupart ont eu lieu à McGill. Les participants étaient fortement encouragés à partager leurs idées et le parcours de leur organisation. Un autre aspect de la lutte climatique, mis de l’avant par la directrice de la CYCC Kelsey Mech lors de l’ouverture des activités le samedi 8 novembre, est la collaboration avec les communautés autochtones. La tendance qui s’accroît, notamment le long des lignes de pipelines projetées, sous forme de camps de résistants. Réseautage L’objectif de l’événement, en dehors des activités en elles-mêmes, était de renforcer les liens entre les différents membres du réseau de désinvestissement

national, pour éviter à chacun de «s’enfermer dans sa bulle», d’après David Summerhays, membre de Divest McGill, en entrevue avec Le Délit. En plus de créer un sentiment d’unité, il permet d’échanger des idées et des conseils par rapport aux succès et aux échecs et groupes de désinvestissement dans leurs négociations avec leurs universités respectives. Megan Bowers, de la campagne de désinvestissement de l’Université d’Ottawa, explique également lors d’une entrevue qu’elle n’est pas simplement venue pour «faire du réseautage avec des gens directement impliqués, mais aussi pour apprendre […] et bénéficier du partage d’idées». Elle est plus particulièrement intéressée, par exemple, par la justice climatique. Au niveau des associations, la Convergence pour un avenir sans énergies fossiles permettrait de galvaniser et susciter l’intérêt de la communauté étudiante et de favoriser l’enrô-

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ÉCO prend son envol face aux pétrolières. Léo Richard

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in octobre 2014, une nouvelle coalition d’associations étudiantes a pris forme sous le nom d’Étudiant(e) s Contre les Oléoducs (ÉCO). Le co-porte-parole d’ÉCO et vice-président du Concordia Student Union (CSU), Anthony Garougalis-Auger, voit ÉCO comme une coalition visant à mobiliser «le plus grand mouvement étudiant d’Amérique du Nord derrière une seule bannière» et contre l’industrie des sables bitumeux en pétrole acheminé au

Québec mais destiné à l’exportation. Un mois après sa création, ÉCO revendique plus de 70 000 étudiants représentés à travers le Québec. La Coalition appelle à des actions non violentes pour mettre un frein aux projets d’oléoducs et d’extraction des ressources, dont une manifestation le 15 novembre «contre les projets pétroliers et le Plan Nord». Amina MoustaqimBarrette, vice-présidente aux affaires externes de l’AÉUM et membre de Divest McGill, a affirmé que si Divest McGill n’est pas admissible comme membre de la coalition étant donné son

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statut de «campagne», le groupe étudiant a néanmoins tenu à apporter son soutien par rapport à la «Motion portant sur l’action sur les changements climatiques» approuvée le 22 octobre dernier par l’AÉUM et qui vise à ce que cette dernière se joigne à la coalition ÉCO. Elle a aussi ajouté que l’AÉUM et Divest McGill participeront à la manifestation du 15 novembre, étant donné la forte opposition des étudiants aux projets d’oléoducs et le fait que le but ultime de Divest McGill est de se désinvestir des énergies fossiles. x

lement dans les campagnes de désinvestissement. Main tendue aux francophones Il est à noter que plusieurs activités se sont déroulées en français. Kelsey Mech explique l’importance d’une telle mesure dans le contexte montréalais: bien que McGill et Concordia soient anglophones, limiter le public potentiel aux seuls partisans de la langue de Shakespeare est contradictoire au but du mouvement en lui-

même: rassembler et partager. «Dans les écoles francophones, à part peut-être l’Université de Montréal (UdeM), il y a très peu de dotations [dans les énergies fossiles]. Le désinvestissement devient une technique plutôt anglophone», explique David Summerhays. «Mais il y a des jeunes qui font des choses au Québec, et on voulait que les gens sachent qu’au Québec on fait [un gros travail] contre les pipelines; […] et inversement, que les jeunes du Québec sachent ce qui se passe ailleurs au Canada.» x

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Conseil législatif de l’AÉUM. Esther Perrin Tabarly

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e conseil législatif bimensuel de l’AÉUM s’est ouvert cette fois-ci avec une présentation par Alexandra Heim, coordinatrice du projet Green Building, sur l’état de la consommation d’énergie dans le bâtiment Shatner. Elle salue les progrès faits en comparaison des dernières années: «La bonne nouvelle, c’est que malgré l’augmentation du coût de l’énergie, notre consommation diminue et les dépenses diminuent!» Amendement du portefeuille des Clubs et Services Parmi les motions proposées figurait celle présentée par Stefan Fong, le vice-président aux clubs et services, qui visait à mieux définir l’utilisation des fonds discrétionnaires par les services de l’AÉUM. Les clauses spécifient que le versement de ces fonds sera uniquement dirigé

vers des clubs dont les activités sont réservées exclusivement aux étudiants de McGill. Aussi, la condition de versement des fonds est que l’activité sera financée à condition qu’elle ne dépasse pas la durée réglementaire fixée à un an. Après près d’une heure et demie de débats, et de multiples amendements, la motion a été adoptée. Frais de scolarité C’est actuellement plus un sujet de conversation qu’une réalité, mais l’administration a pour projet de regrouper les différents frais des factures aux étudiants sur Minerva. La présidente de l’AÉUM, Courtney Ayukawa, a donc décidé de consulter le conseil à ce sujet, lequel, deux abstentions mises à part, s’y oppose à l’unanimité. Kathleen Bradley intervient: «On a besoin de faire preuve de transparence! Cela bénéficie clairement à l’administration au détriment des étudiants.» x

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Québec

«Traitement spécifique» pour les étudiants français? Du nouveau sur la renégociation de l’entente franco-québécoise de 1978. Joseph boju

Le Délit

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uite à la visite d’État du président de la République française, François Hollande, les 3 et 4 novembre derniers, plusieurs annonces ont été faites quant à la renégociation de l’entente signée en 1978 entre le Québec et la France. La nouvelle entente devrait être finalisée à la fin de l’année 2014, avant le dépôt du budget du gouvernement Couillard en mars 2015. L’entente actuelle permet en ce moment à quelque 12 500 Français d’étudier au Québec en payant les frais de scolarité québécois, à savoir 2 224 dollars par an, contre 1 300 étudiants québécois en France. Avant la visite présidentielle, le gouvernement libéral avait annoncé qu’il comptait hausser ce tarif de plus de 180% en l’ajustant au prix payé par les étudiants des autres provinces du Canada, soit 6 234 dollars par an. Un système de quotas Le ministère des Relations internationales comme le Quai d’Orsay semblent d’accord sur le maintien d’une «spécificité

française» dans l’accueil des étudiants étrangers au Québec. Du côté français, le but est de préserver si possible les ententes pour les 2e et 3e cycles universitaires, aux droits de scolarité plus lourds. Pour les étudiants de 1er et 2e cycles, il est question d’un système de quotas à mettre en place en France, sur des critères de diversité, pour décider de qui pourrait être éligible au tarif préférentiel. Ce système de quotas est déjà utilisé par le Québec avec 39 pays différents dont les trois les plus importants sont la Chine (105 exemptions par an), le Maroc (90) et l’Algérie (83). Rappelons que les étudiants de 1er cycle composent 70% des étudiants français au Québec. Ouverture des grandes écoles À la recherche d’un partenariat «plus équilibré», la France pourrait ouvrir les portes non plus seulement de ses universités, mais aussi de ses grandes écoles. Après le souhait formulé par Philippe Couillard lors de la conférence de presse conjointe du 4 novembre, et relayé par François Hollande lors de son adresse à la communauté française de Montréal, des places contingentées dans certaines

grandes écoles françaises pourraient être accordées aux étudiants québécois. Statu quo pour les Français déjà au Québec Les étudiants français qui sont en ce moment aux études, et probablement ceux qui y rentreront à l’automne 2015, ne seront pas concernés par la nouvelle entente. Ils pourraient par ailleurs, continuer leurs études aux seconds et troisièmes cycles avec les tarifs actuellement en vigueur. Pour 22 millions de dollars de plus De 6 881 en 2007, les étudiants français sont aujourd’hui plus de 12 500. Avec 38,1%, ils représentent par ailleurs le premier groupe d’étudiants étrangers au Québec, loin devant la Chine (8,8%) et les ÉtatsUnis (8%). Si le gouvernement Couillard reproche aux étudiants français du Québec de coûter 120 millions de dollars par an aux contribuables québécois, Sylvie Beauchamp, présidente de l’Assemblée des gouverneurs de l’Université du Québec, ne l’entend pas de cette oreille. Dans une entrevue avec Le Soleil,

elle rapporte tout d’abord ce coût à 71,9 millions de dollars, chiffre provenant d’une enquête menée par le réseau de l’UQ et publiée le 5 novembre dernier. Avec la hausse proposée, le manque à gagner est évalué à 22 millions. Mme Beauchamp ajoute qu’aujourd’hui, près de «deux tiers des français s’établissent au Québec après leurs études», cela sans compter les retombées économiques des étudiants installés au Québec (frais de vie et logements) évaluées à 380 millions de dollars par an selon une estimation de la Conférence régionale des élus de Montréal. Un point de vue de l’opposition En entrevue avec Le Délit jeudi dernier, le député-candidat à la chefferie du Parti Québécois, Jean-François Lisée, a expliqué ce qu’il ferait s’il était toujours en poste au ministère des Relations internationales: «Je prends toute la somme, il y a à peu près 130 millions de dollars là-dedans, et j’offre à tous les francophones de la planète qui veulent venir étudier au Québec de postuler, et sous condition de ressources on leur paierait, soit rien si leur condition est très bonne, soit une partie ou la totalité de leurs droits de scolarité.» Il affirme que ce système fonctionnerait «au mérite, donc évidemment beaucoup de Français viendraient, mais nous ne ferions pas en sorte de financer la bourgeoisie française qui n’en a pas besoin et qui viendrait de toute façon.» Le second pan de son projet vise à rembourser progressivement la différence payée aux étudiants qui resteraient au Québec, «pour les inciter à vivre ici et à devenir Québécois» affirme-t-il. Quant à l’entente de 1978, il n’est pas question qu’elle reste en place selon M. Lisée. «Moi, payer de ma poche, pour qu’un fils de millionnaire français vienne à McGill, je trouve ça un peu fort de café. Mais à partir du moment où c’est sur conditions de ressources et que je les incite à devenir des Québécois, cela ne me pose plus de problèmes.» Les positions mcgilloises

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mahaut engérant

actualités

À McGill, Olivier Marcil, le vice-président aux communications affaires externes, a commenté la nouvelle des négociations dans The Montreal Gazette en se rangeant derrière la position gouvernementale. Au nom de l’administration, il affirme que «nous croyons que les étudiants français devraient conserver leur statut particulier au Québec mais nous pensons que cela

serait raisonnable que leurs frais de scolarité rejoignent la moyenne canadienne, qui reste bien inférieure à ce que paient la plupart des étudiants internationaux». Le 7 octobre dernier, le McGill Tribune avait lui aussi pris cette position dans un éditorial, en urgeant l’Université de prendre des mesures pour retrouver au plus vite le top des palmarès universitaires, sa position sur la scène internationale étant en jeu. Sachant que les 1 500 étudiants français de McGill ne représentent qu’un léger dixième de la population étudiante française au Québec, et que ces étudiants sont pour la plupart capables d’assumer une éventuelle hausse, ces mesures n’auront que peu d’effets sur la réalité du fait Français à McGill, qui va croissant ces dernières années. Rappelons enfin que le 3 novembre dernier, Le Délit prenait ouvertement position en faveur du maintien de l’entente de 1978 en publiant un hors-série consacré aux relations entre le Québec et la France, dans un contexte plus large. Une série de témoignages d’étudiants et de professeurs issus de cette coopération en analysait notamment les apports positifs. Quand la littérature rapporte Peu d’étudiants le savent, mais la clause «f» de la «Politique relative aux droits de scolarité exigés des étudiantes et étudiants étrangers par les universités du Québec» datant de mai 2008 stipule que les exemptions concernent aussi «toute personne inscrite à des cours en langue et littérature françaises ou en études québécoises». Ces cours, selon le système de classification des disciplines CLARDER (Classification de la recherche et du domaine d’enseignement et de recherche), sont ceux de langue française générale, de français langue seconde, de littérature française catégorie générale et littérature canadienne-française et québécoise. Cette exemption se justifie avec un document prouvant «l’inscription à un ou des cours» énumérés plus haut. Autrement dit, avec au moins un cours de langue ou de littérature française à son programme, n’importe quel étudiant étranger inscrit dans une université du Québec peut demander à payer ses frais de scolarité au prix québécois. Au cas-où nulle entente ne saurait satisfaire les étudiants français du Québec, ils sauront désormais vers quels types de programmes se tourner pour bénéficier d’une exemption. x

le délit · le mardi 11 novembre 2014 · delitfrancais.com


MONTRÉAL

Coderre à Montréal, un an déjà La première année du nouveau maire mise en perspective. julien beaupré

Le Délit

L

e 3 novembre 2013, voilà presque exactement un an, l’ex-député fédéral libéral Denis Coderre devenait le nouveau chef exécutif de l’Hôtel de Ville de Montréal. Depuis, le maire a su se faire remarquer malgré une équipe minoritaire. Le contraste avec ses prédécesseurs est sur toutes les lèvres. En effet, si Tremblay avait l’air timide et faible et qu’Applebaum, après seulement huit mois d’intérim, a été arrêté pour fraude et corruption, Coderre, lui, aboie et sur tous les fronts. S’attaquant à toutes les problématiques de la ville, notamment en ce qui a trait à la corruption, sa force de caractère et sa détermination plaisent à plus d’un. En revanche, on lui reproche parfois d’être «au travail sans vraiment en faire», dit Luc Ferrandez, chef par intérim de l’opposition officielle, dans La Presse. Rétrospective. D’un côté, l’opinion générale sur Denis Coderre est presque unilatérale, et elle est positive. Cela tiendrait plus à son caractère qu’à ses décisions. En effet, même l’opposition salue son énergie. Décrit

comme fonceur, soucieux de la ville sous tous ses angles et franc, le maire a aussi amorcé des réformes applaudies par plusieurs. D’abord en guerre contre la corruption et la collusion à Montréal, sa «réorganisation» de l’administration et, surtout, l’avènement de l’inspecteur général, bien que critiqués pour leur pensée magique, avancent dans une bonne direction et témoignent de sa bonne volonté. Sur l’éventualité d’un nouveau pont Champlain payant, projet proposé par Ottawa, le principal intéressé ne plie pas l’échine, bien que la décision finale relève du domaine du gouvernement fédéral. Notons aussi quelques propositions sociales et environnementales qui, loin d’être unanimes, trouvent pourtant preneur chez une part importante de la population montréalaise. C’est le cas, notamment, de la création de sites d’injections supervisées, de l’abolition des sacs de plastique dans la métropole ainsi que de l’amélioration de l’aide aux sans-abris. Là encore, M. Coderre doit d’abord obtenir l’approbation des gouvernements fédéral et provincial. Il décide cependant de prendre une longueur d’avance en organisant déjà ces projets.

Les cas problématiques Maintenant, ses détracteurs ne se laissent pas emporter. Sa réforme du financement – d’ailleurs absente de sa campagne électorale – est sans doute la plus critiquée au sein du conseil municipal. De l’avis des autres élus de la ville, l’uniformité du financement des arrondissements, que Coderre se targue d’implanter, ne prend pas en compte leurs différences inhérentes, allant du nombre de citoyens aux diverses activités touristiques et commerciales. Les arrondissements craignent notamment que cela crée un écart important dans le coût de la vie entre le cœur de la métropole et ses périphéries, porté principalement par les taxes et les amendes. Dans la foulée des mécontentements, sa vision sur les transports en commun est aussi remise en question. Spécifiquement pointé du doigt dans l’entrevue de Radio-Canada expliquant que «la STM a vu son budget diminuer cette année, en contresens total de ce qui se fait ailleurs sur la planète», le maire répond pourtant qu’on ne peut tout réaliser en un an et que cette question fait partie prenante de ses priorités à venir.

Naturellement, après un an, les bilans se font pressants, mais «il faudra patienter avant de voir des résultats concrets» déclare la chef du Vrai changement pour

Montréal, Lorraine Pagé, dans Le Devoir. Plusieurs projets sont d’ailleurs toujours en attente et dépendent des instances gouvernementales. x

Alexandra Lelyuk

INTERNATIONAL

Quel prochain pas pour la Catalogne?

Dimanche 9 novembre, confirmation de la volonté indépendantiste catalane à 81%. Yves Boju

A

u lendemain du vote symbolique de la Catalogne pour son indépendance, le gouvernement de Mariano Rajoy se trouve maintenant dans l’obligation de revoir sa stratégie quant à la question catalane. Le 9 novembre, les Catalans participaient à un «processus participatif», en répondant aux questions prévues dans le projet de référendum initial: «Voulez-vous que la Catalogne devienne un État?» En cas de oui: «Voulez-vous que cet État soit indépendant?» Avec 80,76% de vote «oui-oui», soit entre 1,6 et 1,8 million de votes selon les chiffres, le processus est considéré comme un «succès total» par Artur Mas, le président de la région du Nord-Est de l’Espagne. Une vision discutée de la consultation Cependant, quelques journaux pro-fédéralistes tentent de minimiser cette victoire. Le quotidien madrilène ABC, qui suit la ligne conservatrice du Partido Popular (parti actuellement au pouvoir), dénonce par exemple la consultation comme «une farce» et critique les résultats

en publiant ce qu’il reconnaît être les «véritables chiffres» du scrutin. Malgré cela, la majorité de la presse semble reconnaître l’impact que pourrait avoir la consultation sur la position du gouvernement espagnol sur la question catalane. En rapportant les paroles du président de la Generalitat, le quotidien français Le Monde parle d’un «échec de Rajoy». Celui-ci ne peut désormais plus ignorer un mouvement populaire qui s’est clairement prononcé. D’autres quotidiens comme le Guardian, le New-York Times, ou encore ici Le Devoir vont dans le même sens. De la même manière, l’historien Joaquim Coll salue la performance d’Artur Mas dans El País du l0 novembre: «le président de la Generalitat a brillamment joué son jeu, et reprend ainsi la tête du processus souverainiste». Quelle portée? Maintenant que la voix du peuple s’est faite entendre, une nouvelle question se pose: Quelle va être la réponse du gouvernement espagnol? Le PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol, actuellement à l’opposition) est un des partis à avoir parlé de réforme constitu-

le délit · le mardi 11 novembre 2014 · delitfrancais.com

tionnelle. Si la question reste en suspens, le gouvernement Rajoy ne peut manifestement faire la sourde oreille plus longtemps. Comme l’Union Européenne ne s’engage pas dans le débat en plaçant le problème au niveau de l’organisation interne de l’État espagnol, Mariano Rajoy devra soit céder aux demandes de la Generalitat, soit proposer des alternatives ou bien suivre les idées de Rafael Catalá par exemple, le Ministre de la Justice espagnole, en continuant de d’ignorer la volonté du peuple catalan.

consultation populaire sans conséquence légale. Comme de nombreux témoignages l’indiquent, la différence entre Catalans et Espagnols se trouve en grande partie au niveau culturel; une différence que les catalans s’escriment à cultiver à travers leur système éducatif qui promeut le catalanisme mais que l’on retrouve aussi dans les nombreuses fêtes de la région comme la Diada (Journée Nationale de Catalogne) où les

velléités nationalistes s’illustrent. D’autres facteurs comme l’existence de la langue catalane et son ubiquité autrefois sévèrement réprimée sous la dictature franquiste interviennent quand il s’agit de comprendre les origines du nationalisme catalan. Une chose reste claire: de plus en plus près du but, le gouvernement de la Generalitat ne cessera de miser sur la presse internationale pour exposer sa cause. x

Une aspiration démocratique en devenir Néanmoins, s’il y a quelque chose à retenir de ce scrutin, c’est le peu d’emprise que le gouvernement espagnol détient sur la nation catalane. Avec un nombre de votes aux alentours de 2 305000, plus d’un tiers de la population en âge de voter en Catalogne, la consultation aurait certes pu susciter plus de participation, mais elle intervient après que le projet de référendum ait été interdit par le tribunal constitutionnel espagnol le 29 septembre dernier. Ce qui devait être à l’origine un référendum a été transformé en

Mahaut Engérant

actualités

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Société

enquêtes

societe@delitfrancais.com

Et maintenant, on va où?

matilda nottage

Une enquête sur la désinstitutionnalisation psychiatrique au Québec. matilda Nottage

Le Délit

I

l est difficile de ne pas se poser certaines questions lorsqu’on vit dans une ville comme Montréal. Au printemps dernier, je passais chaque jour par le square Cabot, un parc où l’herbe trop piétinée a laissé place à une étendue de poussière parsemée de bancs délabrés. De nombreux sans-abris y avaient trouvé un refuge temporaire, un groupe éclectique avec qui j’ai pu me familiariser au fil des semaines. Il y avait l’homme qui s’asseyait sur un banc et hurlait à toute voix des séries de monosyllabes variées, celui qui débattait des grandes questions économiques et sociales avec lui-même, le couple qui hélait des compliments aux passants, ainsi que d’autres personnes plus discrètes. Si certains d’entre eux étaient simplement excentriques, d’autres avaient de toute évidence besoin de l’aide d’institutions sociales et psychiatriques. Alors que faisaient ces derniers devant le métro Atwater plutôt que dans un hôpital ou un foyer? Peut-être qu’ils étaient là de leur propre gré, ou peut-être qu’ils étaient l’illustration même des effets d’un mouvement de réforme du secteur psychiatrique qui a commencé il y a plus de 50 ans au Québec. Désinstitutionnalisation par vagues La désinstitutionnalisation, ou réduction des services médicaux dans les institutions psychiatriques, commence dans les années 1960 au Québec. Le mouvement a émergé en réaction aux traitements parfois brutaux

8 société

administrés aux patients dans les hôpitaux. Le but est alors de leur rendre leur dignité et liberté, et de veiller à ce qu’ils s’intègrent à la communauté. À cela s’ajoutent des motifs économiques: les listes d’attente qui s’allongent et les institutions surpeuplées annoncent une augmentation signifiante des coûts. On pourrait aussi citer l’évolution de l’approche des maladies psychiatriques comme une troisième cause de mouvement. À cette époque, la découverte du potentiel de certaines drogues dans le traitement de ces maladies mène à une ferme croyance en la curabilité de certains types de maladies. Les séjours en institution ne paraissent alors plus essentiels pour certains patients. À SaintMichel-Archange, aujourd’hui l’Institut Universitaire en santé mentale de Québec, le nombre d’admissions a diminué de 1 481 patients en 1963 à 571 patients en 1970. D’après Françoise Boudreau, auteure de De l’asile à la santé mentale: les soins psychiatriques: histoire et institutions, des personnes sorties de cet hôpital en 1970, 53% sont retournées dans leur famille, 39,8 % se sont retrouvées dans des endroits divers, 4,2 % ont été transférées vers d’autres institutions, et seulement 2,3 % ont été placées en foyer. Ces chiffres montrent l’importance du phénomène dès le début de la première vague de réformes, et le système n’a que très peu changé depuis. Les personnes qui sortent de telles institutions ont besoin de projets de réinsertion sociale; un soutien qu’ils ne trouvent que rarement. Cette première vague de désinstitutionnalisation est suivie d’une deuxième vague, de 1970 à 1988. Celle-ci fait partie d’une

réforme globale du système des services de santé et des services sociaux. En ligne de mire: la rentabilité des services. Un soutien absent, des malades toujours présents À première vue, ces réformes ne paraissent pas être basées sur de mauvaises intentions: redonner leur indépendance aux patients, s’adapter à une situation économique difficile et profiter des avancées de la médecine. Cependant, ce qui marche en théorie peut être contredit par la pratique. Le premier problème, et le plus évident, est que le nombre de personnes souffrant de maladies mentales ne diminue pas en proportion du nombre de lits disponibles en instituts de santé mentale (de 23 612 lits et 78,8% de taux d’occupation dans la province en 1991, à 15 831 et 85,9% en 2012). Ces personnes sont de moins en moins internées, mais les quelques patients qui ont encore accès à ces institutions psychiatriques manquent crucialement de soutien à leur sortie. Le rapport Bélanger de 1973 dénonce «l’absence quasi totale de suivi et de révision concernant les malades libérés du système hospitalier; l’absence aussi totale de contact avec la famille du malade, avec son employeur, son milieu de vie». La rue et la prison comme sorties de secours Par conséquent, un grand nombre de ces personnes, qui n’ont pas pu être institutionnalisées ou avoir le suivi dont elles avaient besoin à la sortie, finit à la rue ou en prison. Une étude de Côté & Crocker faite à l’Univer-

sité McGill en 2007 révèle des statistiques alarmantes. Les gens atteints de schizophrénie ou de dépression majeure composent 6,6% de la population totale du Québec, 24% de la population des prisons et pénitentiaires, et 45,2% de la population sansabris. Jonathan Bacon, bénévole auprès de 5 Days for the Homeless (5 Jours pour les sans-abris) à McGill, constate lui aussi un lien entre santé mentale et itinérance. «C’est un problème courant: l’itinérance est prise dans un étau entre la médicalisation et la judiciarisation. Ce qu’on entend par là, c’est que l’énorme gamme de problèmes vécus par les itinérants est placée dans deux catégories: soit le médical, qui perçoit l’itinérance comme curable par des traitements biomédicaux ou psychomédicaux […], ou le légal, qui place sur les itinérants le même fardeau de responsabilité sociale que nous éprouvons tous – donc, qui “punit” l’itinérance par des contraventions et des nuits au poste». Jonathan Bacon conclut en expliquant que «peu importe l’approche, les autorités ont tendance à mettre un grand poids sur les itinérants, qui eux manquent de ressources pour s’aider.» Il n’y a pas qu’au Québec que les proportions de personnes atteintes de maladies mentales en prison et dans la rue sont surprenantes. D’après un rapport du Treatment Advocacy Center, une ONG américaine qui a pour but de faciliter le traitement des désordres mentaux, plus de 356 000 personnes incarcérées sont diagnostiquées avec des maladies mentales sévères, contre seulement 35 000 dans les hôpitaux psychiatriques publics aux ÉtatsUnis.

Des pistes pour changer d’approche La situation qui a émergé à la suite de la désinstitutionnalisation des services psychiatriques québécois n’est donc pas idéale; on semble être loin des promesses de dignité, de liberté et d’intégration. On ne peut alors s’empêcher de remettre en question l’entièreté de l’argumentaire qui a mené à une telle réforme. L’idée d’une «curabilité» définitive à l’aide d’antidépresseurs, anxiolytiques et autres médicaments par exemple. Si les médicaments peuvent en effet être utiles dans le traitement des maladies psychologiques, il est temps de revoir notre dépendance quasi-complète à ces derniers. De plus, même si les raisons humanitaires qui ont mené à la désinstitutionnalisation étaient valides dans les années 1960, le sont-elles encore aujourd’hui, alors que les pratiques en institution ont grandement évolué? Et enfin, investir dans des moyens d’intégrer ces individus dans notre société et sur le marché du travail ne bénéficierait-il pas à notre économie? Aujourd’hui, le square Cabot est fermé pour travaux. Un kiosque à café y sera bâti, les espaces verts vont remplacer le sol trop piétiné et de nouveaux bancs vont y être installés. Je ne pense pas y revoir les sans-abris que j’ai rencontrés au printemps dernier, et j’ignore où ils sont à l’instant présent. Ce que je sais, c’est qu’ils ne sont probablement pas en institution ou en foyer. Mais je sais aussi que cette situation peut changer pour le meilleur à condition d’une prise de conscience du problème, à l’échelle de la ville comme à l’échelle globale. x

le délit · le mardi 11 novembre 2014 · delitfrancais.com


Une bulle à faire éclater Renforcer le français sur le campus pour ouvrir les portes du Québec aux McGillois. Any-Pier Dionne

Le Délit

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algré l’augmentation indéniable de la présence du français sur le campus depuis les années 1960, l’Université McGill continue d’être perçue comme une «bulle», résultat de sa spécificité linguistique. En effet, l’université anglophone détonne dans une province unilingue francophone. Tant que le français sera relayé à un rôle de second plan, l’effet de «bulle McGill» persistera. En entrevue téléphonique avec Le Délit, Olivier Marcil, viceprincipal aux communications et relations externes, refuse catégoriquement «l’affirmation de la bulle McGill»: «McGill a énormément de partenariats avec des universités [et des entreprises] québécoises». Il souligne l’importance du français dans ces relations, réitérant au passage le nouveau leitmotiv de l’Université: «McGill n’a jamais été aussi francophone qu’aujourd’hui». Ironiquement, en tentant de nier l’existence de la bulle mcgilloise, il la confirme: selon ses dires, Madame Fortier (qui n’a pas répondu à notre demande d’entrevue) s’étonne que le français soit plus présent ici qu’à Ottawa (où elle travaillait avant son entrée en fonction à McGill), ville pourtant située dans une province unilingue… anglophone! Combien de francophones? La politique linguistique la mieux connue de l’Université McGill date officiellement de 1980: «À McGill, la langue d’enseignement est principalement l’anglais. Vous avez le droit de rédiger vos examens, vos travaux, vos thèses ou vos mémoires en français ou en anglais, sauf dans les cours où l’un des objectifs est la connaissance d’une langue». Malgré tout, certains professeurs avouent aujourd’hui encore ne pas maitriser le français et encouragent les étudiants à rédiger leurs travaux en anglais. Monsieur Marcil confirme qu’«on embauche des professeurs unilingues anglais [sic] […] [et] on les accompagne au niveau [sic] du français». Il nous explique que depuis moins de deux ans, McGill offre des cours de français gratuits pour les professeurs et leur conjoint dans l’optique de mieux les outiller, de leur permettre de se conformer à la politique linguistique mcgilloise… et de passer les examens de français des ordres professionnels auxquels ils souhaiteraient éventuellement adhérer. Du côté de l’effectif étudiant, le pourcentage d’étudiants francophones a dégringolé de 25,5% en 1987 à 17,7% en 2009, mais est remonté à 18,5% en 2013 puis à 19,1% en 2014, nous apprend Doug Sweet, directeur du service des

communications internes. Olivier Marcil avance quant à lui que le nombre de Québécois qui forment l’effectif étudiant se maintient à environ 50% depuis les dix dernières années, tandis que le nombre de Français admis a augmenté de 150% dans les dernières années. Le vice-principal aux communications affirme qu’«on porte une attention particulière aux francophones», mais soutient que McGill n’a pas de politique

Cette politique ne semble toutefois pas très contraignante: Jason Kack, directeur général de la librairie (bookstore) de l’Université (qui relève du Services aux étudiants), affirme lors d’une entrevue téléphonique qu’on lui a demandé de s’assurer de la présence d’au moins un employé qui parle français sur le plancher en tout temps et de veiller à l’affichage bilingue. Il n’hésite pas à embaucher des employés unilin-

coupes budgétaires risquent d’affecter la présence du français sur le campus, il a interrompu la question pour marteler un «non, non, non, non, non». McGill a, selon lui, l’«obligation», le «devoir» d’assurer la présence du français sur le campus. Il avoue toutefois que «la question est tout à fait pertinente», surtout qu’une des mesures prises par l’Université en réponse aux récentes compressions est le gel d’embauche de

MaHAUT ENGÉRANT

de sélection à cet effet. Plutôt, «on cherche les meilleurs – c’est clairement une politique, on vise l’excellence». Effectivement, le premier des trois principes fondamentaux présentés dans La politique sur l’emploi et la qualité du français à l’Université McGill requise par l’art. 88.2 de la charte de la langue française du Québec stipule que «L’Université attire d’excellents étudiants et recrute des professeurs exceptionnels dans toutes les disciplines, sans égard à leur langue maternelle». On n’y fait aucune mention des étudiants francophones. Trop grande souplesse des politiques de service aux étudiants Monsieur Marcil insiste sur l’importance qu’on accorde au français, notamment dans «l’interface avec les étudiants [qu’on souhaite] bilingue». De plus, le Services aux étudiants, le Services aux étudiants internationaux et la Gestion de l’effectif étudiant nous confirment (en anglais, en réponse à une question posée en français et dans le cadre d’un échange de courriels dans un excellent français avec Doug Sweet) que la maitrise du français est une exigence pour l’embauche de nouveau personnel qui travaillera en contact direct avec les étudiants.

le délit · le mardi 11 novembre 2014 · delitfrancais.com

gues anglophones pour des postes temporaires, mais souligne que les candidats aux postes permanents doivent répondre à des questions en français lors de l’entretien pour démontrer leur maitrise de la langue. Ce qui n’empêche pas la librairie de proposer un contrat de location pour les manuels qui contient une clause stipulant que l’étudiant a demandé à ce que le contrat soit rédigé uniquement en anglais! Lorsque Le Délit s’est rendu à la librairie pour demander à voir un exemplaire du contrat pour confirmer l’existence de la clause mentionnée, la réponse a été «I’m not getting involved in this crap. You can ask to see the manager» («Je ne veux pas être impliquée dans cette merde. Vous pouvez demander à voir le gérant»). En entrevue téléphonique, monsieur Kack confirme qu’il n’existe pas de version française du contrat et que la version anglaise contient bel et bien la clause mentionnée; si un étudiant venait à demander un contrat rédigé en français, le directeur général semble hésitant quant à la mesure à adopter, mais affirme que «l’Université a un service de traduction. J’imagine qu’on leur demanderait [de faire la traduction]». Lorsque Le Délit a demandé à Olivier Marcil si les récentes

nouveau personnel, ce qui inclut les traducteurs, admet-il. Redéfinition du bilinguisme officiel de la politique étudiante Du côté de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM) et de l’Association Étudiante de la Faculté des Arts (AÉFA) – dont la politique linguistique est entièrement interne, l’Université n’imposant aucune règle, nous révèle Ava Liu, présidente de l’AÉFA –, on déclare l’anglais et le français comme langues officielles. Sauf que de nombreux documents ne sont pas traduits, faute de moyens. Lola Baraldi, v.-p. aux affaires externes de l’AÉFA, reconnait qu’il y a présentement un problème d’accessibilité aux documents en français. Ava Liu admet que la traduction des documents pose problème: «on veut des traductions fidèles». Puisqu’on engage des étudiants mcgillois comme traducteurs, les risques d’erreurs sont là. La traduction actuelle de la constitution de l’AÉFA le confirme: on y déclare à l’article 25.2 de la section «Language [sic] de la Constitution» que «les textes en Anglais [sic] et en Français [sic] sous [sic] également autoritaires».Voilà qui invite à questionner l’autorité! Phillippe Robichaud, commissaire aux affaires francopho-

nes de l’AÉUM, nuance un peu ce triste constat: «d’un côté pratique», déclare-t-il dans un échange de courriel, «la situation est compréhensible comme 100% de la population mcgilloise parle au moins un peu d’anglais». De plus, «l’accessibilité [aux] documents publics» reste également à désirer du côté de l’AÉUM, selon Philippe Robichaud. Il nous confie toutefois qu’on y est conscients de la réalité francophone et qu’il y a une «réelle volonté» d’améliorer les choses. Bien que la situation soit «déplorable», selon la v.-p. aux affaires externes Amina Moustaqim-Barrette, les initiatives étudiantes semblent en voie de faire bouger les choses. Concrètement, on a considérablement augmenté le budget de l’AÉUM accordé à la Commission des affaires francophones (CAF), créée en 2007 suite à l’initiative d’un étudiant francophone. De plus, l’association envisagerait l’embauche d’un(e) traducteur(trice) professionnel(le), selon les dires d’Amina Moustaqim-Barrette rapportées par Philippe Robichaud. Du côté de l’AÉFA, on a mis sur pied l’an dernier une commission aux affaires francophones sur le modèle de celle de l’AÉUM qui a le mandat de veiller à «l’inclusion du français dans les opérations et les politiques» de l’association, déclare Ava Liu. Philippe Robichaud regrette «l’accès anglophone unilingue des documents de nos associations étudiantes [qui] les ampute de la discussion avec le reste du Québec». Dans le contexte actuel d’austérité qui mobilise les étudiants à l’échelle provinciale et de mouvements pro-environnement, par exemple, «le monde universitaire québécois gagne à communiquer à une plus grande échelle que celle des campus individuels afin de mieux saisir sa réalité socio-économique», reconnait le commissaire. Amina Moustaqim-Barrette affirme qu’«il est de [s]on devoir d’intégrer McGill dans la communauté québecoise, [ce qui est] impossible sans faire des efforts vers la francisation de notre propre association». Elle ajoute que la décision «d’intégrer le bilinguisme à la société [revient au conseil exécutif ], de sorte que la situation change beaucoup d’une année à l’autre. J’espère trouver une façon d’institutionnaliser ce processus». Quand on considère que 40% des étudiants sur le campus sont bilingues, selon madame Fortier, tandis que plus de 55% affirment «bien parler français», selon monsieur Marcil, il est surprenant de constater que le français se fait encore aujourd’hui si discret sur le campus, et que les francophones soient très peu nombreux dans les rangs des associations étudiantes, qui détiennent pourtant le réel pouvoir de faire changer les choses.x

société

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EnQUÊTE

McGill en guerre Quelques précisions sur l’implication de l’Université entre 1914 et 1918. Les femmes pour l’effort de guerre

Joseph boju

Le Délit

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urant la Première Guerre mondiale, 3059 hommes de l’Université McGill se sont enrôlés dans les forces armées actives, 363 au-moins y laissèrent la vie. Cent ans plus tard, les 791 médailles distribuées après le feu sont oubliées. On ne sourcille qu’à peine en entendant que deux «victoria cross» faisaient partie du lot. Et pourtant, la mémoire officielle s’agite encore. Aujourd’hui, comme à chaque 11 novembre, plusieurs coups de feux retentiront en l’honneur des soldats canadiens morts dans les champs de Flandres, ceux-là mêmes que chantaient John McRae – physicien et poète, invité d’un jour à l’Université McGill –, et qui sont entrés dans la postérité.

Bien que l’Université ne prenne pas la responsabilité directe d’un corps militaire, elle soutient activement la recherche, l’entraînement et le recrutement de troupes. Dès 1912, le Contingent de Corps d’Entraînement des Officiers est créé à McGill. Ce centre de formation pour officiers sera directement lié au 148e bataillon des forces expéditionnaires, bataillon composé principalement de Mcgillois et tenant ses quartiers sur le campus jusqu’au départ outremer en 1916. Par ailleurs, l’engagement historique de McGill auprès de l’armée canadienne n’est plus à prouver. Ce n’est pas un hasard si Sir Arthur Currie, commandant des forces expéditionnaires canadiennes et héros consacré de la célèbre bataille de la crête de Vimy, sera nommé principal de l’Université de 1920 à 1933.

Ci-dessus: Affiche de recrutement du 148e bataillon. Archives de McGill

Exposition La Mort patriote Avec les affiches du fond d’ archive mcgillois Musée des beaux-arts de Montréal Du 11 novembre 2014 au 29 mars 2015

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société

Si les femmes ne sont pas admises dans les forces armées, plus d’une «Donalda» – surnom donné aux étudiantes de l’Université, seulement admises depuis 1884! – participent à l’effort de guerre. Sous la direction du doyen de la Faculté de médecine, Dr. Herbert

Un bataillon pour McGill

Exposition, On se souviendra d’eux

Avec la présentation du poème In Flanders Fields de John McCrae Bibliothèque McLennan De février à juin 2015

Stanley Birkett, elles vont en France fonder un hôpital général derrière la ligne de front. Après quelques déménagements, en 1916, Le N°3 Canadian General Hospital plante ses tentes et ses 1040 lits à Boulogne. De 1915 à 1919, les «anges blancs» de McGill accueilleront près de 143 762 soldats blessés et feront 11 395 opérations.

Il faut sauver le soldat Beullac Quand on arpente le registre d’honneur des Mcgillois morts au combat, les patronymes anglophones abondent, McKenzie, McLeod, Metcalfe... Après ceux-ci, quelques Canadiens-français trainent çà et là mais que voulez-vous, McGill était à la couronne! Un soldat, cependant, sort étrangement du lot. Il s’appelle Marcel Célestin Joseph Beullac et il est … Français! Né à Montpellier en 1872, il arrive à Montréal avec sa famille en 1874. Après un Certificat d’Études à l’Université Laval, Marcel Beullac entre à l’Université McGill et en sort en 1904 avec un bacc. en sciences appliquées. Les registres des diplômés des années suivantes indiquent qu’il travaille comme ingénieur pour une compagnie appelée Dom. Bridge à Westmount et qu’il est aussi «special lecturer» à McGill. En 1914, Beullac s’enrôle non pas dans l’armée canadienne mais dans l’armée française, au 16e bataillon territorial du Génie basé à Montpellier. Si bien qu’il est le seul du registre d’honneur à paraître dans son uniforme de Maréchal des Logis! En 1918, il rentre blessé des combats à Montréal et meurt le 27 janvier. Marcel Beullac était marié. Il laisse alors dans le deuil sa femme Alice Gravel et son fils, Georges Beullac, né avant la guerre en 1911. Ce dernier deviendra par la suite un important photographe et cinéaste des années 30 à 50, connu aujourd’hui pour les nombreux clichés du peintre et poète, Hector de Saint-Denys Garneau. Notre Beullac avait par ailleurs un frère qui s’appelait Pierre, ami d’Honoré Beaugrand (maire de Montréal de 1885 à 1887) et membre fondateur, entre autres, de l’Association du Jeune Barreau de Montréal, toujours Sources principales: McGill at war, par R. C Fetherstonhaugh; Archives de la bibliothèque McGill

Ci-dessus: Les Donaldas du N°3 Canadian General Hospital avec des patients. Archives de la bibliothèque McGill.

Ci-dessus: Vitrail de la bibliothèque Blackadder, en l’honneur des membres de la fraternité Sigma Phi morts au combat. (photo par Cécile Amiot)

L

a guerre fait parler, écrire, laisse des traces. Qu’en reste-t-il? Des symboles. Sur notre campus, on connaît peut-être ce vitrail de St-Georges terrassant le dragon, situé à l’entrée de la bibliothèque Blackadder et dédié aux membres de la fraternité Sigma Phi morts au combat. Exemple incontournable, le stade Molson,

fruit de la volonté testamentaire de Percival Molson, riche héritier des brasseurs montréalais, étudiant mcgillois et surtout athlète vedette des années 1910. Bien d’autres vestiges existent et le fonds des archives de la bibliothèque McLennan a décidé d’en exhumer un certain nombre pour le centenaire de la guerre 14-18. Bien lui en a pris! x

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points de vue lettre ouverte

#AgressionNonDénoncée

Expérience partagée dans la foulée du mouvement lancé sur Twitter. Kharoll-ann souffrant

U

n soir d’hiver, il y a environ deux ans, j’attendais l’autobus de ville. Il faisait un froid glacial. Je bougeais sur place, histoire de me réchauffer un peu. Un taxi est arrivé à ma hauteur. C’était dans une rue résidentielle, sans personne aux alentours. Le chauffeur m’invite à monter. Je lui réponds que je n’ai pas d’argent. Il me dit que ce n’est pas grave. J’hésite, mais considérant le froid, l’autobus qui ne venait pas et le fait que c’est un taxi, je décide de monter. Je m’installe du côté passager, un banc de neige bloquant l’entrée du côté des sièges arrière. L’homme se présente, me dit son nom. Je me présente aussi. Il semble gentil. Puis la première question qu’il me pose: «As-tu un copain?» La question classique. À partir de ce moment-là, je réalise que je me suis fait piéger en montant dans ce taxi. Je lui réponds «oui» en espérant qu’il me laisse tranquille. Erreur. C’est alors qu’il pose sa main sur ma cuisse gauche. Et il la laisse là pendant 20-30 secondes au moins. Une éternité. Et je suis là à me débattre pour repousser sa main qu’il persiste à laisser sur ma cuisse. Puis, au bout d’un moment, il me demande: «Est-ce que je te mets mal à l’aise?». Je réponds:

mahaut engérant

«Oui et j’aimerais que vous enleviez votre main de ma cuisse». Ce qu’il fait aussitôt. Le reste du trajet se déroule en silence. Mais moi dans ma tête, je regarde son nom et sa photo, affichés sur son matricule de chauffeur. Je répète les informations dans ma tête parce que je ne sais pas ce qui m’arrivera ensuite. Mais nous approchons de ma résidence. Je lui demande de me débarquer dans un stationnement près des commerces; je ne veux pas qu’il aille devant chez moi. Il part. Et je

prends mon cellulaire pour retranscrire et enregistrer les informations que je me suis efforcée de retenir. Je les garde pendant plusieurs jours, voire quelques semaines. Je repense à l’affaire souvent. Puis, réalisant que je n’entendrai plus jamais parler de lui, je les supprime. Sans le dénoncer à la compagnie de taxi ni à la police. Je pensais que cette histoire tomberait dans l’oubli. Jusqu’à ce que je tombe sur cet article de La Presse paru plus tôt en octobre dernier: «Agressions sexuelles dans les

taxis: le SPVM enquête» (9 octobre 2014). Un suspect y est décrit. Je me suis alors demandé si c’était le même homme. Que me serait-il arrivé si je n’avais pas été capable de tenir tête face aux avances du chauffeur? Est-ce que le fait de ne rien avoir dit par la suite a entrainé l’agression d’autres femmes? Ontelles vécu quelque chose de pire? Je n’aurai probablement jamais de réponse à ces questionnements. Je n’ai pas rapporté ce geste déplacé pour plusieurs raisons. La première est que j’ai senti

que je n’aurais pas de soutien dans mon entourage. Je pensais qu’on n’allait pas me croire ni même me prendre au sérieux. J’en ai d’ailleurs eu la preuve avec les deux personnes à qui j’ai relaté l’histoire, l’une d’entre elles s’empressant de me dire que «j’aurais dû faire attention». Deuxièmement, je ne voulais pas être étiquetée comme une victime d’agression sexuelle. Ce geste était déplacé; or je n’ai pas vécu ce qu’il y a de pire dans le large spectre des agressions. Je suis retournée à ma vie d’avant assez rapidement et sans séquelles. Troisièmement, je n’avais pas envie de m’embarquer dans une panoplie de démarches qui n’aboutiraient probablement à rien considérant que je n’avais eu aucune blessure physique.Fuck that. Je voulais passer à autre chose le plus rapidement possible. Mais des incidents du genre, ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. C’est arrivé à beaucoup de mes amies aussi. Et c’est pour ça que je m’implique. Pour qu’on cesse de porter la responsabilité des agressions sur les victimes. Pour qu’on enseigne aux jeunes hommes et aux jeunes femmes le respect de soi et le respect des autres. Il faut cesser de considérer cette problématique comme un problème individuel. C’est un problème social et culturel. x

Chronique

Portrait du mutin Snowden Esther Perrin Tabarly | Raconter au prix d’une vie.

E

dward Snowden est l’ancien agent de la CIA qui, l’an dernier, a levé le rideau sur le scandale des écoutes de masse de l’Agence nationale de sécurité (NSA) aux États-Unis. Son père le décrit comme un «jeune sensible et attentionné», un «intellectuel» (Le Figaro). Mais dans la presse il prend une tout autre envergure: il est décrit comme étant «l’homme

le plus recherché du monde» dans Wired, ou comme celui «qui fait trembler le ���������������������� gouvernement américain» dans le journal français Le Figaro. On connaît tous son visage doux, ses lèvres fines, son regard à la fois perdu et déterminé au-dessus de ses lunettes. Le monde entier se demande où le trouver: sa dernière étape connue est la ville de Moscou, puis Snowden a (physiquement) complètement disparu. Sa carrière aurait pu être glorieuse dans les services secrets américains. Snowden a un parcours en chemin de chèvre, inattendu. Il entame des études d’informatique, qu’il ne termine pas. Il s’engage ensuite dans l’armée, mais une fracture des deux jambes le force à abandonner ses rêves de forces spéciales. À la place, il devient agent de sécurité à la NSA. Ses prouesses en informatique le catapultent en charge de la surveillance des tech-

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nologies de l’information à la CIA. Il grimpe vite les échelons, passe quelques années en Suisse, puis quitte la CIA pour un sous-traitant de la NSA, au Japon, puis à Hawaï. C’est là qu’il commence à prendre la mesure de l’extension de la surveillance de la NSA. Comme il l’explique au Guardian: «Assis à mon bureau, je pouvais mettre sur écoute n’importe qui, de vous ou votre comptable, à un juge fédéral ou même le président si j’avais son courriel personnel���������������� ».�������������� «������������ ������������� Nous collectons plus d’informations numériques en Amérique que nous n’en prenons aux Russes» ajoute-t-il. L’idée de lancer l’alerte lui trotte dans la tête pendant un moment, mais il décide d’agir le jour où il se rend compte, au cours d’une conversation avec ses collègues, de ce qu’il appelle la «banalité du mal», mots empruntés à Hannah Arendt. Ce jour-là, un haut fonctionnaire

avait nié devant la presse que la surveillance des services secrets s’étendait aux citoyens américains. Snowden avait été le seul au bureau à s’indigner. Face à une découverte d’une telle envergure, sûrement peu auraient eu le courage de tenir tête aux États-Unis. Snowden se lance alors dans l’arène et s’entoure pour ses révélations de plusieurs journalistes américains dont Glenn Greenwald du Guardian et de la documentariste Laura Poitras. C’est au cours d’une rencontre en catimini à Hong Kong qu’il leur confie ce qui ne semble être qu’une petite partie de ce qu’il a subtilisé à la NSA. La bombe est lâchée, le scandale se propage. On estime à 1,7 million les documents volés; Snowden assure en avoir pris beaucoup moins. Il est accusé d’espionnage, et pourtant, le jeune homme a pris soin de laisser

des traces digitales, de façon à ce que la NSA sache exactement ce qu’il avait pris. C’était un avertissement voulu, un manque de discrétion nécessaire à sa mission. «Si le gouvernement ne représente pas nos intérêts», se justifie-t-il dans le portrait que le Wired a fait de lui, «c’est au public de les protéger». À l’entendre, Snowden considère qu’il a fait ce qu’il devait faire: donner le coup de sifflet. Il semble prêt à sacrifier sa liberté au nom de la vérité. Il dit avoir communiqué au gouvernement américain qu’il se «portait volontaire pour faire de la prison, tant que cela aurait servi la bonne cause». Malgré son absence physique, Edward Snowden reste sous les projecteurs: le 24 octobre dernier est sorti en salle le documentaire de Laura Poitras sur leur première rencontre à Honk-Kong et un film d'Oliver Stone se prépare pour 2015. x

société

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opinion

«TAFFARDER»

économie economie@delitfrancais.com

Un paradigme de carrière professionnelle au bistouri. Camille l’Archevêque

Sur l’être

u’est-ce que le mode de vie «TAFFARDER» ? C’est l’acronyme d’une série d’étapes dans la vie d’un homme (ou d’une femme): «Travaille A Fond, Fais s’Accumuler la Richesse, Donne En Retour». Quand j’imagine l’individu lambda du mode de vie TAFFARDER je vois un jeune requin de la finance, arpentant Wall Street dès que, sorti de son école de commerce prestigieuse, il gagne une fortune à travers ses longues heures de travail; puis, se retrouvant millionnaire à l’âge tendre de 32 ans, rentier des temps modernes, il partage le reste de sa vie entre vacances et philanthropie. TAFFARDER est un acronyme qui rappelle le verbe «taffer» en argot; c’est vrai, ça implique de travailler dur. Mais il rappelle aussi «tarder». TAFFARDER, c’est tarder de redistribuer son bien à la communauté, c’est tarder de venir en aide à son prochain. Je pense que TAFFARDER c’est aussi et surtout se «farder»: maquiller la vérité au point de se mettre le doigt dans l’œil quand on trace le plan de sa vie. Je voudrais remettre ce mode de vie en question. Est-il viable pour l’être humain, pour la société, et pour l’environnement ?

Il est tentant de croire qu’une fois riches, nous serons heureux et que nous pourrons donc nous évertuer à partager cet heur. Malheureusement la recherche montre que plus d’argent ne rend pas les gens plus heureux: il y a une faible corrélation entre les revenus et le bonheur. C’est en tout cas ce qu’affirme Daniel Kahneman, le lauréat du prix Nobel d’économie en 2002, connu pour ses travaux de l’économie du bonheur, qui explique que l’argent ne fait le bonheur que jusqu’à une certaine limite qu’il fixe à 75 000 dollars (US$) par an. Beaucoup de gens se laissent tromper par cette illusion: nous sommes tellement habitués à mesurer notre performance par l’argent que nous oublions que des revenus plus élevés vont généralement de pair avec plus de stress, des heures de travail ou de trajet plus longues, qui peuvent par exemple empiéter sur notre vie familiale.

Q

Sur la société Le sacrifice de la vie familiale ne se fait pas seulement au détriment de l’individu, mais aussi de la société. En effet, négliger l’éducation des enfants affecte le type de société que nous créons. Et l’éducation d’un enfant passe avant tout par ses parents. Plusieurs chercheurs

en gestion, notamment le MIT 21st Century Manifesto Working Group (Le groupe de travail du MIT pour le manifeste du 21e siècle) , appellent à la réorganisation des processus de travail «en considérant au premier abord comment les employés peuvent intégrer leur carrière et leur vie familiale, plutôt que de concevoir le processus de travail en premier, puis d’essayer de balancer sa famille et sa carrière plus tard». Outre les considérations familiales, TAFFARDER est aussi insoutenable dans un sens social plus large. Tout d’abord, la recherche de revenus si élevés afin de par la suite financer des activités philanthropiques, implique de consentir à une forte disparité des revenus. Or, d’après des rapports sur le bien être sociétal, comme celui de la Deutsche Bank, la disparité des revenus a tendance à réduire le bien-être économique d’une population. Ainsi, entrer dans un tel système, et même y participer compétitivement, me semble injustifiable. De plus, construire un système soit disant vertueux basé sur des disparités créé un manque de confiance de la population envers ces philanthropes. Et cette insuffisance de confiance a été désignée comme un frein important au développement par divers organismes non-gouvernementaux. Point besoin d’aller chercher dans des contrées lointaines pour trouver un exemple

LUCE Engérant

concret à ce problème. D’après un employé de la Fondation Lucie et André Chagnon, l’organisation a dû faire face à beaucoup de scepticisme initial. Cette fondation a été créée en 2000 quand Mr. Chagnon revendit Videotron, et mit 1,4 milliards de dollars dans sa création, la rendant sur le champ la plus large fondation du Canada. D’après l’employé, les gens étaient réticents à travailler avec eux, pensant que la fondation servait d’évasion fiscale. Sur l’environnement C’est en considérant l’environnement que TAFFARDER se révèle vraiment comme modèle non-durable. De commencer sa vie par une période de revenus élevés, c’est continuer sinon accroître sa consommation. Or, pour ma part, mes habitudes d’achats sont déjà trop élevés: d’après myfootprint. org, si tout le monde sur la planète

adoptait le même mode de vie que moi, nous aurions besoin de «2,93 Terres». Alors que dire des «taffardeurs»? L’état de l’environnement est un facteur fondamental, et donc qui devrait être servi par l’entreprise. Pourquoi compromettrait-t-on ses idéaux, pour travailler dans une firme insensible au réchauffement climatique, pour s’y pencher plus tard… quand on aurait le temps ? Illusion que tout cela! Cette réflexion me donne espoir qu’un meilleur mode de vie que TAFFARDER existe. Celui-ci verrait une plus grande intégration de la carrière et de la vie familiale, et la recherche d’un travail plus clairement et immédiatement impliqué dans l’impact social positif. J’espère que d’avoir commencé à réfléchir à la séquence «Travaille À Fond, Fais s’Accumuler la Richesse, Donne En Retour = TAFFARDER», nous poussera à éviter cet écueil. x

Factum Campi

«Grandescunt aucta labore»? Quand on s’aperçoit que notre devise est une citation tronquée. Charles-Elie Laly

Le Délit

L

a devise officielle de l’Université McGill: «tout s’accroît par le travail», est un détournement, pire, une usurpation idéologique. Car que dit Lucrèce – le passeur latin d’Épicure – au vers 1160 du livre II de son célèbre poème De Rerum Natura (De la Nature des Choses)? Tout d’abord, transcrivons la proposition en entier: «quae nunc vix nostro grandescunt aucta labore». Selon le professeur Martin Sirois du Département d’histoire à l’Université McGill, cela veut dire littéralement: «qui maintenant ne grandissent que par notre labeur accru».

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économie

LUCE Engérant

La proposition fait référence aux bœufs, moissons et autres produits de la Terre que nous consommons. Mais attention,

l’insistance sur l’accroissement par l’emploi des deux verbes est tout le contraire d’un superlatif valorisant; c’est en effet la

marque d’une indignation face à la nécessité absolue du travail pour vivre. Ce carcan est d’autant plus inacceptable qu’il n’est que contemporain selon lui. En effet, Lucrèce contraste cette condition humaine avec celle d’un Âge d’Or sous le règne du titan Saturne (père de Jupiter) et à jamais révolu, où la Terre donnait spontanément ses richesses aux hommes. Ce déclassement – analogue à la Chute depuis le Jardin d’Eden – s’inscrit dans une théorie de la cosmologie autant matérialiste que sombre: de même que l’infinité des autres mondes, la Terre est née et mourra; la voici même toute proche de son fatal destin. Un visionnaire du

désastre climatique? S’en est-il fallu de quelques siècles pour vérifier ses dires? En tout cas, Lucrèce, toi qui ne demande qu’à «cueillir le jour», justice t’est faite! Seulement il y a un autre hic: Lucrèce détourne lui-même le mythe de l’Âge d’Or à son gré. Le même professeur Sirois nous apprend que dans un poème fondateur (7e siècle avant J.-C.) de l’hellène Hésiode, ce dernier tire du déclassement de l’Homme le précepte contraire de Lucrèce, c’est à dire: «Travaille dur!». S’arroger la parole d’un auctor pour mieux en renverser les valeurs ne date donc pas d’hier. Alors, McGill, partisan d’Hésiode ou de Lucrèce? x

le délit · le mardi 11 novembre 2014 · delitfrancais.com


Culture

luce engérant

articlesculture@delitfrancais.com

«Luchini n’est pas un homme normal» À l’occasion du festival Cinémania, Le Délit s’est entretenu avec Anne Fontaine, réalisatrice du film d’ouverture, Gemma Bovery.

L

e Délit (LD): Bonjour Anne Fontaine et merci de nous recevoir. Nous sommes plusieurs étudiants au journal à étudier en littérature et j’ai une première question à vous poser concernant le statut du littéraire dans un film comme Gemma Bovery, où il y a un jeu des adaptations; votre film est l’adaptation d’un roman graphique du même nom de la Britannique Posy Simmonds, lui-même une adaptation libre du chef-d’œuvre de Gustave Flaubert. Quel rapport entretenez-vous avec les deux œuvres? Anne Fontaine (AF): Un rapport étroit, sinon je ne me serais pas lancée dans ce film-là. Quand j’ai découvert le roman graphique de Posy Simmonds, j’ai été saisie par la liberté de ton, par le fait de réinvestir un classique de la littérature française d’une manière si drolatique et originale. Seule une Anglaise peut avoir ce rapport à la culture française! L’adaptation m’a touchée à double titre: d’abord parce que le personnage principal, Martin Joubert,

qui est une sorte d’écrivain raté, est assez proche d’un metteur en scène, une sorte de démiurge qui transpose entre des personnages réels et des personnages de fiction une sorte de réalité autre. Cette dimension m’a plu personnellement, le rapport au fantasme à l’imaginaire. Ensuite, c’est rare pour une femme de ne pas avoir été touchée par la lecture de Madame Bovary, qui est du point de vue du féminin d’une précision, d’une modernité, d’une force. Je n’aurais jamais adapté Madame Bovary au cinéma, justement parce que c’est un chefd’œuvre, c’est pour moi inadaptable. C’est l’écrit qui peut rentrer dans les méandres si subtiles de [la] psyché [d’Emma]. Mais le projet de faire un film qui joue avec cette idée de mise en abyme du personnage littéraire de manière ludique me plaisait. Ce n’est pas grave de ne pas avoir lu Madame Bovary pour apprécier le film, ce n’est pas un diktat culturel. Des gens m’ont même dit que ça leur avait donné envie de le lire.

«Mon but était de faire un film de distraction intelligent.»

LD: Quel est votre point de vue sur ce réinvestissement du littéraire au cinéma? Je pense, outre votre film, à Alceste à bicyclette avec Fabrice Luchini, où l’approche littéraire est simplifiée, où le littéraire contamine le film sans en être l’objet principal? AF: Ce n’est pas une question de simplifier, c’est un autre rapport. Le cinéma est organique, sensuel, vous voyez des êtres vivants devant vous. Ce serait extrêmement rébarbatif si c’était uniquement théorique et cérébral. La difficulté dans Gemma Bovery c’était de transmettre cet amour érotique et fétichiste du personnage de Luchini envers cette femme, avec laquelle il a une communication laconique. Comment faire qu’un regard devienne plus fort que quinze phrases? Il ne faut pas essayer de rivaliser avec la littérature, ce serait absurde. Comme je vous l’ai dit, je n’adapterai jamais un monstre littéraire tel quel, je pense que c’est voué à l’échec. LD: Je me souviens de l’adaptation du Temps retrouvé de Proust par Raoul Ruiz qui était assez créative, qui essayait de rendre compte avec les moyens de la mise en scène cinématographique le style, l’ambiance de La Recherche. AF: Oui, je l’ai vu. Il y a eu des adaptations très réussies. Mais vous avez vu l’adaptation de Madame Bovary avec Isabelle Huppert? Je ne dirai rien. (Sourire) LD: Le style de Fabrice Luchini m’a marqué dans votre film; il est tout en retenu, en subtilité, alors qu’on le connaît pour le moins exubérant. Il ne surjoue pas, il n’est pas dans la parodie de lui-même, du personnage d’acteur qu’il s’est créé. AF: Et ça vous a plu ou ça vous a frustré?

cécile amiot

le délit · le mardi 11 novembre 2014 · delitfrancais.com

LD: Ça m’a plu justement! AF: Oui, ça marche justement parce que le personnage est un personnage de voyeur qui vit les choses en les analysant, en les scrutant. Il a par définition quelque chose de plus retenu. Il y a un côté Fenêtre sur cour dans le personnage. J’ai toujours trouvé inté-

ressant de faire jouer un acteur moins, de le faire jouer en creux, et c’était nécessaire pour la dimension émouvante du personnage. Au fond il est amoureux. Son personnage dans La Fille de Monaco est aussi un personnage réservé, qui se laisse déborder.

de la narrativité. Il a trois voix dans le film: d’abord sa communication orale avec les autres personnages, sa voix intérieure et la voix qui met en scène la fiction dans la fiction, une voix qui pressent le fantasme bovaryste dans le personnage éponyme.

J’ai tout de suite pensé à Fabrice Luchini pour ce rôle, d’abord parce qu’il a cet amour de la littérature dans les veines, qu’il est très original, et qu’il a une ambigüité permanente dans le regard. Ce n’est pas un homme normal, et c’était bien pour ce rôle de ne pas avoir un homme normal.

AF: Oui, c’était assez sophistiqué et complexe à doser entre la voix intérieure qui donne le décalage avec la situation vécue, l’exemple évidemment frappant du regard qui met fin à dix ans de tranquillité sexuelle, et la voix du metteur en scène, quand il fait se rencontrer Hervé, le jeune châtelain, et Gemma. J’ai exploité cette superposition et le rapport au roman, avec l’épisode des souris, le danger d’imaginer que ce personnage finisse comme Emma Bovary. J’ai essayé de créer un scénario avec du suspense, pour que les spectateurs se posent la question du destin fatal du personnage. Il fallait aussi faire ressortir une sorte d’histoire d’amour; Joubert est touché par Gemma Bovery, ce n’est pas uniquement une programmation cynique. Mon but était de faire un film de distraction intelligent, pour qu’on puisse le prendre à plusieurs niveaux, soit de manière assez subtile de par les interventions de la littérature, soit en voyant un type amoureux qui essaye de faire en sorte que le personnage de Gemma Bovery n’ait pas le même destin que le personnage littéraire. En fait, Madame Bovary, c’est lui.

«Il ne faut pas essayer de rivaliser avec la littérature, ce serait absurde.»

LD: C’est vrai qu’on a l’impression que le personnage a été taillé sur-mesure pour Fabrice Luchini, et Gemma Arterton aussi d’ailleurs pour le personnage éponyme. AF: Tout à fait. On a adapté le personnage de Martin Joubert, il est plus rural, plus rustre dans la bédé, mais en écrivant le rôle on s’est très vite imaginé que c’est Fabrice qui allait dire ces phrases-là. Gemma, c’est un peu une coïncidence, je l’avais vraiment mise de côté, je ne voulais pas retomber sur la même actrice que Stephen Frears avait utilisée pour Tamara Drewe (lui aussi une adaptation d’un roman graphique de Posy Simmonds, ndlr). Mais je suis retombée sur elle quand j’ai vu qu’aucune des autres actrices anglaises castées me plaisaient. J’ai tout de suite su qu’elle était faite pour le rôle. Quand elle a lu un petit texte français, j’ai senti qu’elle avait une bonne oreille, qu’elle pouvait jouer en français. Je ne pouvais pas rêver mieux pour le personnage. Elle incarne cette volupté en n’ayant rien d’apprêté, c’est un mélange rare. LD: Je reviens un peu en arrière à propos du personnage de Luchini, très intéressant au niveau

LD: Comme Flaubert! AF: Bien sûr! x baptiste rinner Le Délit

Gemma Bovery

Réalisation: Anne Fontaine Avec Gemma Arterton et Fabrice Luchini. France, 2014, 99 min.

Culture

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CINéma

Gaspard fais-moi l’amour Retour sur le Saint Laurent de Bonello, présenté en avant-première au Cinéma Impérial. de sens, de poésie et d’humour. Même les moments d’horreurs sont beaux: les orgies sont des ballets, les morts d’overdoses des peintures flamandes et les relations tumultueuses des tragédies. Que le lecteur m’excuse mais on ne peut que commenter Saint Laurent sans faire d’accumulations. Elles sont à l’image du film: chaque scène est comme une courte et belle proposition, bien délimités par deux virgules.

julia denis

Le Délit

A

vant même d’arriver dans la salle du Cinéma Imperial de Montréal dans laquelle le film Saint Laurent de Bertrand Bonello est projeté en avant-première québécoise à l’occasion du festival Cinemania, une seule question nous obsède: cette version serat-elle mieux que le Yves Saint Laurent par Jalil Lespert sorti en France en janvier dernier? On s’assoit dans les fauteuils en velours rouge et on ne peut s’empêcher de se demander si l’acteur Gaspard Ulliel fera mieux que Pierre Niney dans le rôle du couturier parisien. N’est-il pas trop beau, trop éclatant pour jouer la fragilité d’Yves Saint Laurent? Mais finalement au bout de deux heures et demies de film on ne peut que conclure que ces deux films sont incomparables. Certes ils peignent le même personnage qu’est le couturier parisien Yves Saint Laurent, artisan-révolutionnaire du style de la Femme moderne pendant la seconde partie du 20e siècle. Mais quand Lespert y allait à la gouache, Bonello y va à l’aquarelle. Contrairement au premier film qui nous racontait l’histoire d’Yves Saint Laurent et de sa relation avec Pierre Bergé, le Saint Laurent de Bonello nous projette dans l’univers tout en entier du styliste. Bonello est ici plus du ressort de l’exposition que du biopic: il nous plonge dans le monde et dans la dynamique d’un personnage et de son univers. Le film se déploie entre les décennies 1960 et 1980, une période clé dans la vie du couturier. Entre la création de la robe Mondrian et le célèbre défilé de la collection Opéra-Ballet russes, le génie de Saint Laurent s’illustre au milieu d’une époque formidable, mai 68 et l’émancipation de la femme.

mandarin film

de la vie professionnelle du couturier sont en fait les étapes décisives dans l’histoire de la maison de couture: la découpe de la robe trois trous Mondrian, le développement de la ligne prêt-à-porter Saint Laurent Rive gauche, le smoking, la saharienne, le rachat de la couture YSL par Berger, le vernis YSL, le parfum Opium… À��������������������������� coté, des scènes plus longues montrent un homme que la fragilité et le succès trop fulgurant ont rendu avide de sensations interdites. C’est peutêtre au travers de ces scènes plus complexes que la force de Gaspard Ulliel se développe. L’acteur déploie dans tout le film un jeu précis, maniant parfaitement la diction si singulière du véritable Yves Saint Laurent. Mais souvent le charisme et la sensualité virile de l’acteur le détache de son personnage, sa gueule nous saute aux yeux et

nous ne parvenons plus à la calquer sur l’image effacée et fragile du couturier. Or pendant les scènes de sexe, de défonce et de fêtes cet écart donne de la puissance: le visage fort de Gaspard Ulliel dénote avec la voix calme qu’il emprunte à Yves Saint Laurent, comme pour accentuer le fait que le couturier avait une face cachée plus sombre, plus folle, plus forte. Un film aux perspectives intéressantes donc. Mais estce véritablement un bon film, de ceux qu’on a envie de revoir et qu’on conseille? Il est vrai que pendant ces deux heures et demie de film certaines longueurs sont pesantes, le trop grand nombre d’ellipses perd le spectateur, et celui-ci en vient presque à s’ennuyer du fait d’un manque d’action linéaire. On ne s’accroche pas à l’histoire du personnage ni à celle de la maison de couture. Mais on ne

peut s’empêcher de garder les yeux rivés sur l’écran, la bouche ouverte. Car à la fin de ce film on ne se souvient que d’une chose: sa beauté! Cette beauté est partout, c’est un film d’ornement. Elle est dans les habits crées par Yves Saint Laurent, dans ses costumes, dans les tenues flamboyantes de tous ceux qui l’entourent. La beauté est dans le choix des acteurs Gaspard Ulliel, Louis Garrel et Amira Casar. La beauté est dans les décors, le fameux appartement que le duo Saint Laurent-Berger partageait, leurs collections d’œuvres d’art, leur villa du jardin Majorelle à Marrakech. La beauté est dans les fêtes qui nous donnent envie de descendre les marches du club mythique Chez Régine avec eux. La beauté est dans le cadrage très rapproché et précis, le montage travaillé et la bande son. La beauté est dans chacune des répliques pleines

Cette beauté est partout, c’est un film d’ornement. D’un côté, le spectateur assiste à la monté de la maison YSL; et parallèlement il comprend la descente aux enfers et l’assombrissement du personnage d’Yves Saint Laurent. Par le biais de scènes courtes, qui ont l’air au premier abord sans intérêt, Bonello fait un clin d’œil au spectateur averti qui comprend que ces petites scènes

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Culture

Un homme que la fragilité et le succès trop fulgurant ont rendu avide de sensations interdites. Ainsi le spectateur pressé par un certain manque de rebondissement et une envie de champagne grandissante, reste quand même concentré sur l’œuvre de Bonello et se laisse bercer jusqu’à la fin du film. Et quelle fin! Une apothéose! On retient surtout l’avant dernière scène du film, celle du défilé des ballets russes. Cette collection 1976-1977, que Yves Saint Laurent lui-même a décrit comme son seul défilé de peintre. C’est une véritable prouesse cinématographique: tout est là. Le défilé et la musique de La Callas font déjà leur effet, mais Bonello réussi deux coups de maitre. D’une part, il a découpé l’écran comme un tableau de Mondrian, comme pour refermer le film avec une référence à ce par quoi il a commencé. D’autre part, avec ce jeu d’écrans il a «associé à chaque robe, une image du passé, un mort qu’il a côtoyé, afin de lier morbidité et créativité» (explique le réalisateur dans une interview donnée à L’Express). Cette scène clôture alors parfaitement le film car il nous montre l’acmé de la maison YSL en même temps que la descente finale du personnage vers son côté sombre. On a les larmes aux yeux devant ces mouvements de taffetas qui défilent en brillant. Un film géométrique et précis comme la robe Mondrian, chargé et détaillé comme les silhouettes des ballets russe; pour un homme à la fois révolutionnaire et sombre, comme un smoking pour femme. x

Saint Laurent mandarin film

de Bertrand Bonello Sortie prévue en mai 2015

le délit · le mardi 11 novembre 2014 · delitfrancais.com


cinéma

Sils Maria, portrait d’actrices au sommet Le dernier film d’Olivier Assayas s’attaque aux problèmes du septième art. inès palaz

A

lors qu’elles rejoignent Zurich en train, Maria Enders (Juliette Binoche), actrice à la renommée internationale, et Valentine (Kristen Stewart), son assistante, apprennent la mort du célèbre dramaturge Wilhem Melchior. Ce dernier n’est autre que celui à qui Maria doit son premier grand rôle, son succès, sa reconnaissance mais c’est aussi et avant tout son grand ami. Forcée de vivre son deuil sous le feu des projecteurs, Maria rend hommage comme elle le peut à son mentor. C’est peut-être pour cette raison qu’elle accepte de jouer dans une nouvelle adaptation de la pièce de théâtre qui l’avait révélée à l’époque: Maloja Snake, histoire d’une passion entre deux femmes, la jeune et cruelle Sigrid et l’autodestructrice Helena. Cette fois-ci, Maria n’incarnera plus le rôle de la jeune adolescente libre et effrontée, mais celui d’Helena, femme d’âge mûr qui se consume d’amour pour cette dernière. C’est au tour de Jo-Ann Ellis (Chloë Grace Moretz), nouvelle star hollywoodienne, idole des jeunes et reine des tabloïds, d’incarner Sigrid.

Les films du losange

Afin de travailler le rôle d’Helena qu’elle accepte mal, Maria se retire avec Valentine dans le chalet isolé de Melchior, à Sils Maria, au sommet des montagnes suisses. Là, la relation ambiguë entre l’actrice et son assistante se révèle être le parfait miroir de celle d’Helena et Sigrid. C’est donc à partir d’une mise à abîme à plusieurs tiroirs – qui manque un peu de subtilité, je vous l’accorde – et sur fond de tensions intergénérationnelles

qu’Olivier Assayas nous propose une réflexion sur le monde du cinéma et le métier d’actrice. Malheureusement, le scénario se perd un peu dans toutes les facettes de ce métier qu’il cherche à évoquer et qui, finalement, nous laisse un peu sur notre faim. Assayas nous présente la relation complexe et destructrice d’une actrice et son assistante mais il aborde aussi de grandes questions comme celles de la célébrité aux

temps du règne des médias, la posture artistique dans l’ère de la technologie, le statut du texte comme objet d’art et les différents problèmes d’interprétation qu’il peut poser. Le programme est ambitieux pour un film de deux heures, vous en conviendrez, et le résultat nous donne une impression d’inachèvement. Pourtant, l’image est maitrisée à la perfection, les paysages sont d’une grande beauté,

le montage très esthétisant – un peu trop même, on se serait volontiers passé des scènes en fondu kitsch à souhait. Et bien-sûr, les trois actrices sont épatantes. C’est là qu’est tout l’intérêt du film. Juliette Binoche nous livre une performance touchante et toute en finesse, Kirsten Stewart est très juste en assistante introvertie et mal dans sa peau (Bella Swan est définitivement mise au placard) et Chloë Grace Moretz incarne à merveille la starlette à la fois victime de la presse à scandales et passée maître dans l’art du buzz. Dans l’ensemble, le film vaut donc le détour; on passe un bon moment, on assiste à trois belles performances (voir très belle en ce qui concerne Juliette Binoche) et même si l’histoire est trop riche, des questions très intéressantes y sont posées. À voir le 14 novembre dans le cadre du festival Cinémania. x

Sils Maria

Réalisation: Olivier Assayas Avec Juliette Binoche et Kristen Stewart. France, Allemagne, Suisse, 2014, 124 min.

Musique

Les amours de Stéphanie Lapointe La chanteuse lance un nouvel album exécuté avec finesse et avec de nombreux collaborateurs. virginie daigle

Le Délit

M

ercredi 5 novembre, six heures du soir. Dans l’ambiance feutrée et agréablement rétro du Cabaret La Tulipe, la foule commence tranquillement à s’amasser jusqu’à finalement remplir la salle. Au-dessus de la scène encadrée d’épais rideaux rouges on voit, suspendus aux bouts de fils, de délicats luminaires de jardin qui dégagent une lumière dorée, alors que d’autres du même genre traînent un peu partout sur le sol ou sur des tabourets. L’effet qui s’en dégage sied bien à la chanteuse Stéphanie qui se présente alors sur scène, classique et délicate, pour lancer son album qui se pose à michemin entre hier et aujourd’hui. Accompagnée de cinq musiciens et avec la chanteuse Émilie Laforest en guise de choriste, elle se lance à l’eau avec la chanson «La fuite», premier extrait lancé de son nouvel album Les amours parallèles. Dans la douceur enfantine de la voix de

l’interprète perce une force et une stabilité qui affirment sa maturité accomplie depuis des années déjà. On note son style vestimentaire qui semble inspiré avec justesse des muses de Gainsbourg dans la France des années 60: frange éméchée qui encadre un joli visage de gamine, une petite robe de soie qui ferait office de chemise bien modeste chez d’autres, élégante veste noire, ainsi que des collants et de petits bottillons également noirs. Sa première chanson achevée, elle accueille le public avec bonheur et reconnaissance, charmée de voir la salle du cabaret pleine. Elle explique alors que cet album qui vient cinq ans après son dernier, Donne-moi quelque chose qui ne finit pas, elle a eu la chance de le faire «entourée d’auteurs fabuleux». En effet, ses nombreux collaborateurs sont parmi ce qu’il se fait de mieux en termes d’écriture sur la scène musicale montréalaise en ce moment: Jimmy Hunt, le groupe Forêt, Philémon Cimon, ainsi que la poète Kim Doré. Ce sont donc les mots de Philippe B qu’elle incarne

le délit · le mardi 11 novembre 2014 · delitfrancais.com

dans la chanson éponyme de l’album «Les amours parallèles», alors que les lampes au-dessus d’elle virent doucement au rose. Stéphanie Lapointe s’apprête alors à interpréter une autre de ses chansons dont elle dit avoir été vraiment touchée à la première écoute, mais invite d’abord son auteur Philémon Cimon à la rejoindre pour ce qui s’avère être un duo charmant. Nonchalamment et le verre de vin à la main, le chanteur vient la rejoindre et, installés côte à côte sur des tabourets, accompagnés seulement d’une guitare, ils chantent dans une harmonie complète du début à la fin la chanson «De mon enfance», empreinte de la nostalgie et de la fragilité de grandir. Elle poursuit alors seule avec «Nous revenons de loin» dont le texte et la musique ont été composés par Stéphane Lafleur, sa voix rehaussée de réverbérations profondes. Maintenant rendue à l’heure des remerciements, la chanteuse précise que cet album est «un projet qui s’est construit

dans une totale intimité» et remercie chaleureusement sa maison de production Simone Records pour la confiance qui a permis une telle réalisation. Puis elle offre au public une reprise de «Un jour comme un autre», chanson qui faisait partie du répertoire de Brigitte Bardot, avec suffisamment d’arrangements nouveaux pour que la Québécoise parvienne à la faire sienne. Pour adorner la mélancolie des paroles, les lumières suspendues deviennent alors bleues. L’interprète n’hésite pas à osciller entre la note et le murmure pour bien transmettre l’émotion des mots que Gainsbourg a offert à son égérie d’autrefois. Il apparait évident que la chanteuse prend un réel plaisir à ainsi renouer avec la scène, après une absence causée par d’autres projets, dont des apparitions au cinéma et l’écriture de romans jeunesse. Elle nous offre donc une autre performance, «même si un lancement, ça doit être court!» avoue-t-elle en souriant. Et elle clôt la soirée avec, quoi d’autre,

simone records

une chanson de Jane Birkin, puisque les amantes de Serge sont à l’honneur en cette romantique soirée de novembre. Accompagnée de son réalisateur Joseph Marchand à la guitare, elle berce son public conquis des paroles de «Pourquoi» en lui disant sereinement et en douceur: « Je vais tenir ta tête/ Et dire comme une prière/ Pardonne les silences/ D’hier». x

Les amours parallèles

Stéphanie Lapointe Simone Records En spectacle le mardi 11 novembre au Cabaret du Mile End. $25

Culture

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danse

Jean-Louis Fernandez

Sang et Mouvement

Akram Khan réinvestit le canonique Sacre du printemps. thomas birzan

Le Délit

L

e public montréalais avait déjà eu l’occasion (notamment en 2012, avec Vertical Road) d’être témoin du travail d’Akram Khan. Le diffuseur Danse Danse et le Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts prolongent cette visibilité en programmant iTMOi, dernière création en date du chorégraphe britannique. Pas la peine d’y aller par quatre chemins: il s’agit là d’une grande pièce qui transcende majestueusement une double contrainte générative. D’une part, il y a l’intimidante intertextualité des réécritures du Sacre du printemps: comment passer après le chef-d’œuvre démentiel de Pina Bausch, le tour de force compositionnel et esthétisant de Sasha

Waltz, la polychromie libidinale du Sacre de Preljocaj? Et Béjart! Et Chouinard! D’autre part, la concordance des temps; comment réécrire, aujourd’hui, un ballet centenaire dont le sujet – les rites païens russes – est à la fois primitif et atemporel? Khan contourne ces difficultés par un dispositif aussi évident que fuyant; celui de l’originalité. Ainsi, le chorégraphe se démarque du florilège des reprises du Sacre en évacuant de son spectacle non seulement la musique originale, dont il ne reste que trois notes fugitives, mais aussi sa trame narrative. iTMOi, comme l’explique son créateur, s’intéresse plutôt à un univers mental, à «ce à quoi pourrait ressembler l’esprit de Stravinsky». Une des problématiques majeures de la danse contemporai-

nes est – c’est presque devenu un poncif de le dire – , l’hybridation des formes. Cette dernière échoue sous l’action de certains artistes qui, en proposant non pas un métissage mais une démonstration de métissage, finissent malheureusement par renforcer les clivages formels génériques. iTMOi, en revanche, réussit ce pari: le spectateur est témoin, simultanément, du kathakali indien, du butô japonais, de certaines figures du breakdance new-yorkais et du pantomime. Parler du travail d’Akram Khan c’est, avant toute préoccupation conceptuelle ou dramaturgique, parler d’une gestuelle. Ainsi, iTMOi marque la souveraineté du mouvement organique en danse contemporaine. Le mouvement des danseurs (virtuoses) est puissamment féral, circulaire et

arachnéen, percussif. Les ensembles millimétrés sont pulsionnels et témoignent de l’urgence du dire khanien. La chorégraphie, elle, n’est pas articulée par la logique linéaire du fameux «et 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8». Dans iTMOi, chaque mouvement est un «1», chaque déplacement est une fulgurance, chaque geste est, pour reprendre le terme de Deleuze, balistique. Si in The Mind of Igor n’est pas une «pièce bien faite», du fait de l’absence surréaliste de liant entre chaque scène, elle tombe néanmoins sous le régime du conte, avec son lot de mythèmes et de personnages types. On reconnaît (entre autres grâce à un superbe travail sur les costumes) la reine, on aperçoit les servants, on devine le fou du roi. Ce qu’extrait Akram Khan de cette structure, ce sont des invariants

sociologiques: les luttes sociales, la reproduction des schémas de domination par les dominés eux-mêmes. On se souviendra, longtemps, d’une grandiose scène de torture, dans laquelle un des sacrifiés, immobilisé par dix longues cordes, est traîné puis fouetté avec une cruauté qui n’a d’égal que la perfection de sa chorégraphie. Il faut cependant le dire, iTMOi ne révolutionne ni ne scandalise le monde (de la danse). Le Théâtre Maisonneuve n’est pas celui des Champs-Elysées, et 2014 n’est pas 1913, comme en témoigne la très consensuelle (mais si émouvante) ovation debout et les quatre rappels qui ont suivi la représentation. iTMOi n’est pas un chef-d’œuvre, ce qui ne l’empêche pas d’être un opus magnum. x

théâtre

De quel monde parlons-nous? Le théâtre des Quat’Sous présente une pièce criante de vérité.

pierre chablin & Victor sokolovitch

J

anvier 1993, une femme est retrouvée morte, violée, enfouie sous le sable chaud de Ciudad Juárez. Ce n’est que la première d’une liste de plus de 400 femmes retrouvées en une trentaine d’années, au rythme d’une par semaine. Cette petite ville, en plein désert de Chihuaha, connue pour sa violence exacerbée et son cartel de drogue, est un des lieux d’implantation de multinationales américaines. Suite à l’accord de libre échange nord-américain de 1994, ces dernières bénéficient de coûts d’exportations avantageux sur les marchandises produites. Le jeudi 30 octobre, Chaîne de Montage, une pièce écrite par Susanne Lebeau et mise en scène par Gervais Gaudreault, offre au public du Théâtre de Quat’Sous un questionnement rétrospectif sur les meurtres en série de femmes irrésolus, sur la condition féminine ouvrière dans les maquiladoras et le diktat néo-libéral. Plus qu’une représentation, c’est

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Culture

un manifeste, un cri, une colère que nous délivrent le metteur en scène Gervais Gaudreault et l’actrice Linda Laplante sur ces meurtres. Le décor théâtral est occupé par une trentaine de souliers déposés en ligne par l’actrice et d’une imbrication de bonbonnes d’eau vides formant un immense mur en arrière-plan. Un silence règne dans la salle. Dès lors, une voix hors champ nous éclaire. Les spectateurs subissent une exposition rythmée, qui liste les noms et les âges des victimes. Un point commun entre toutes ces femmes: elles travaillaient dans les maquiladoras de groupes internationaux situés à Juarez. Le mur enferme la femme et les spectateurs, il n’y a pas d’horizon, il n’y a pas d’avenir. Aujourd’hui nous sommes dans la ville de Ciudad Juarez, une ville délimitée par ces meurtres sauvages de femmes. C’est l’incompréhension qui rythme les premières paroles de notre locutrice; la femme reste fixe, son regard est vide. De fait, Linda Laplante s’adonne au jeu du monologue.

Yanick Macdonald

Sa conscience s’exprime, déchirée entre deux instances. D’une part, la poursuite d’un bien-être individuel et d’autre part, l’acceptation des faits. La première est synonyme de lâcheté. La seconde, symbole de courage. Sa carapace mentale se brise, et le corps reprend le dessus. L’actrice se rue contre le mur de bonbonnes d’eau. L’espace d’un instant, le temps s’arrête.

Puis cette vague de bonbonnes d’eau chute sur la scène dans un vacarme qui nous prend à la gorge. La scène s’assombrit. La femme est dos au public, mains au mur et éclairée par une lumière sombre. Victor Hugo disait: «Il y a deux manières de passionner la foule au théâtre: par le grand et par le vrai. Le grand prend les masses, le vrai saisit l’individu.» Ici, c’est grand et c’est vrai.

Les premiers mots prononcés par la femme résonnent dans nos consciences: «Je ne comprends pas...». Personne ne veut comprendre. Maintenant les victimes de Juarez ne sont plus des inconnues, elles sont en nous, leurs peurs sont nos peurs, leurs larmes sont nos larmes. Gervais Gaudreault a réussi dans Chaine de Montage à éveiller nos consciences. x

le délit · le mardi 11 novembre 2014 · delitfrancais.com


entrevue

Hamlet métamorphosé

miklos szabo

Rencontre avec le metteur en scène Martin Tulinius. gwenn duval

Le Délit

L

a première représentation de The Tiger Lillies perform Hamlet aura lieu demain, à la Cinquième salle de la Place des Arts. On dit que c’est un cabaret déjanté, «brilliantly twisted», selon le journal britannique The Guardian, qui réunit un groupe de musique et une troupe de comédiens dont les performances physiques ont été qualifiées de sensationnelles. Trépignant d’impatience, Le Délit a eu la chance de recevoir, en avantpremière, des réponses du metteur en scène de cette réinterprétation audacieuse du drame de Shakespeare par le Théâtre République de Copenhague. Le Délit (LD): Pourquoi remettre Hamlet sur les planches aujourd’hui? Martin Tulinius (MT): Je pense qu’il est essentiel de raconter l’histoire existentielle d’Hamlet aujourd’hui parce qu’elle saisit l’essence de l’existence humaine et révèle la part obscure de nos vies que nous avons tendance à cacher dans notre subconscient lorsque nous n’arrivons pas à y faire face. Nous vivons à travers les médias sociaux comme Facebook, Instagram, Twitter, Snapchat, etc. qui nous incitent à afficher une surface lisse, une vie parfaite qui ne comporte aucune place pour l’échec. Cette vie est superficielle et n’a rien à voir avec la réalité. Le Hamlet de Shakespeare peut nous rappeler à quel point la vie est fragile, qu’elle a ses nuances et que tout n’est pas parfait. Notre réalité est aussi colère, poésie, pensées profondes, suicide, solitude, vieillesse, vie et mort.

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Culture

LD: Reprendre des classiques avec une nouvelle interprétation visuelle, pensez-vous que cela les rende plus accessibles ? MT: Je souhaitais mettre en scène Hamlet de telle sorte que l’histoire soit racontée par un théâtre corporel avec de la musique et des effets visuels qui parlent à nos cœurs et ouvrent d’autres portes de la perception. Je pense que c’est la clé de l’ouverture d’esprit. Mettre en scène une version classique et historique d’Hamlet, ou de Shakespeare en général, distancie nos sentiments et donc la compréhension que nous pouvons avoir des personnages. Les plus fortes et belles performances sont celles qui créent une connexion avec le public; le théâtre n’est alors plus uniquement intellectuel mais aussi émotionnel. LD: Avez-vous l’impression qu’il y a un manque sur la scène culturelle que vous essayez de combler avec votre spectacle ? MT: Je pense que, trop souvent, on essaie de rester politiquement correct au théâtre. Mais à qui voulons-nous plaire? Aux critiques, à l’audience ou à Shakespeare? Shakespeare était lui-même un rebelle qui a passé sa vie à repousser les limites de son temps. Pourquoi ne ferions-nous pas la même chose aujourd’hui? Je pense que c’est le rôle de l’art contemporain et du théâtre; c’est pourquoi je travaille avec différentes formes d’art pour faire ressurgir les différents aspects de la communication et de l’histoire. Le personnage d’Ophélie, par exemple, s’est vu ajouté plusieurs scènes dans l’optique de souligner sa relation amoureuse avec Hamlet. Nous la montrons avec une force encore plus grande

qui permet de comprendre comment son histoire peut avoir une fin aussi fatale. LD: Vous avez entrepris une aventure d’échelle internationale: pensez-vous que la réception en est facilitée par l’usage de musique, de vidéo et d’acrobaties? MT: Je ne crois pas qu’il soit possible d’exporter une pièce dans sa forme traditionnelle. Quand nous avons joué à Londres, j’ai été surpris de l’accueil favorable que nous avons reçu. L’idée d’apporter la pièce la plus célèbre de Shakespeare à Londres m’effrayait jusqu’au plus profond de mon âme. Mais je pense qu’il faut un regard étranger pour voir Hamlet sous un nouvel angle et je ne pense pas que nous aurions été invités si nous avions monté une version qui avait déjà été vue et

revue. L’aventure internationale que nous entreprenons n’aurait jamais été si nous n’avions pas une interprétation unique d’Hamlet, une version avec de la musique, des vidéos et un théâtre corporel.

«Shakespeare a repoussé les limites de son temps. Pourquoi ne ferions nous pas la même chose aujourd’hui?» LD: Pensez-vous que cette mise en scène dépasse les limites du langage, que l’impression qui accompagne l’expérience du

public suffise à transmettre le message clé que vous avez perçu d’Hamlet? MT: Je l’espère! Dans les différents pays où nous avons joué, les spectateurs avaient plus ou moins connaissance du texte anglais initial. Pourtant, la pièce semble avoir un grand impact même sur ceux qui ne comprennent pas chacun des mots. Je crois que la qualité de cette pièce repose sur l’interprétation du texte avec une telle diversité de formes artistiques que nous parvenons à toucher le public. x

Hamlet

Place des Arts - Cinquième Salle Du 12/11 au 18/10/2014 À partir de 30$

brève

Cette semaine sur le campus. Noor Daldoul & Gwenn Duval

Le Délit

Six personnages en quête d’auteur Non, il ne s’agit pas d’une petite annonce pour écrivain, mais bien d’un communiqué pour la prochaine pièce du Player’s Theater: Six Characters in Search of an Author. La troupe McGilloise présentera la pièce du 12 au 15 novembre et du 19 au 22 novembre à 20 h. Écrite en italien par Luigi Pirandello en 1921, traduite en anglais par Domenico Pietropaolo, le spectacle que les comédiens interprè-

teront sous la direction d’Anna Gordon raconte une histoire inachevée. Les personnages, coincés dans l’imagination de leur inventeur, le supplient de les laisser exister. On attend de voir la mise en abîme d’acteurs dans leur rôle de personnages issus de l’imagination du metteur en scène. Avis aux intéressés: ils prendront corps dès demain sur les planches du Player’s Theater dans le bâtiment Shatner. x Exposition de la Fridge Door Gallery Ephemera, l’exposition d’automne des artistes de McGill, aura lieu le 14 et 15 no-

vembre. Le rendez-vous pour le vernissage est à 18 heures au #04164 boulevard Saint-Laurent. Pour les étudiants avides de peinture, de photographie et de performances diverses, c’est l’occasion de faire connaissance avec la fibre artistique, parfois discrète, de McGill. La Fridge Door Gallery est une galerie d’art gérée par des étudiants qui existe depuis 2007. Puisqu’il n’existe pas de programme d’art appliqué à McGill, elle permet tout de même aux étudiants d’exprimer et de partager leurs créations au moins une fois par session. Nouveauté de cette année: certaines œuvres seront mises en vente. x

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prose d’idées

De l’art ou du cochon?

Les Nocturnes au Musée d’art contemporain, ou la rencontre de tous les arts. sandra klemet-n’guessan

Le Délit

V

ingt-heure quarante-cinq: la jeunesse chic et choc, la tranche 20-45 ans des bobos danseurs montréalais se pare de son rouge à lèvre le plus vif et met belle chaussure à son pied; ce soir, c’est fiesta au musée. Les Nocturnes de MAC (Musée d’Art Contemporain), 7 novembre, visite du musée jusqu’à 2h du matin, nous y voilà. Les portes sont grandes ouvertes et l’on croit apercevoir à 1 mètre de soi une personnalité quelque peu familière; tiens, bonsoir M. le Maire. Le public occupe déjà l’espace dans toute son étendue; une vraie scène de théâtre. Le son de la basse commence à s’amplifier et nous donne déjà envie de secouer la tête. En plein centre du hall d’entrée, quelque peu surélevé, le DJ s’en donne à cœur joie; ce soir, c’est fiesta…au musée? Ah mais oui, nous sommes au musée! On rentre dans une première salle, une belle plage s’offre à nous. Des vagues, la lumière vive du jour, puis la tombée de la nuit. Une maison abandonnée est filmée sous tous ses angles, et dans nos oreilles raisonnent les voix d’une femme et d’un homme de 85 ans. Le discours sombre et désabusé de ces deux retraités quant au futur et à la futilité de la vie tranche avec le fond de house music que l’on en-

tend dans la salle d’à côté. Il tranche un peu, un peu trop. Alors on monte à l’étage et on tente de découvrir les secrets que chaque salle et mur renferment. Un petit verre de vin pris sur le rebord de l’un des nombreux bars installés ci et là; mettons-nous dans l’ambiance! À l’affiche, des œuvres allant de l’art visuel à la sculpture avec pour

la plupart une démarche similaire: mettre le doigt sur l’un des aspects de l’humanité contemporaine et en dégager son caractère déconcertant, négatif voire révoltant. Ladite démarche est néanmoins respectée à des degrés très différents. Certains, en effet, semblent non pas utiliser le laid pour en faire ressortir une vérité amère, mais plutôt pour placar-

der l’obscène à travers la caricature de réalités de plus en plus communes aujourd’hui. Ainsi, se retrouver face à des dizaines de photos de type «selfie pornographique postée sur internet» sur le chemin de la sortie ou lire une série de messages textes entre de jeunes adolescents, après une soirée ayant très mal tournée nous laisse perplexe. Enfin, rassu-

alexis de chaunac

rons-nous, pas très loin est projeté un documentaire faisant intervenir deux sœurs nous rappelant que l’actuelle décadence des mœurs n’est qu’un passage épisodique de nos vies: «la foi est en tous» affirment-elles. Vingt-trois heures quarantecinq. Les voix montent, les rires s’accentuent, le rouge monte aux joues et la musique se fait plus forte. Un étage au-dessus, la timidité et la retenue ont été abandonnées au profit de coups de hanche bien placés. Fini le côté sensible et les regards sérieux face aux œuvres, au diable le musée; ce soir, c’est fiesta. La piste de danse a rassemblé tous ses amateurs, gobelets rouges à la main; le spectateur devient spectacle. Certains s’adonnent à l’atelier «création» d’en face dont le but est d’utiliser les matériaux à disposition et d’imiter le style d’une des œuvres présentées, d’autres se racontent des anecdotes, main dans la poche. Le «voir et être vu» est au rendez-vous; l’intérêt artistique habilement déguisé ou volontairement atténué et le phénomène de démocratisation de l’art apparaissent comme thème général de la rencontre. Habituée des classiques visites de musées au silence religieux , mais également avide d’aventures originales, ma visite au «Club MAC»… c’était vraiment la fiesta. x

SPEctacle

Rire pour réfléchir Quand humour et politique vont main dans la main. any-pier dionne

Le Délit

D

iplômé de l’École nationale de l’humour en 2005, Fred Dubé transpose sa folie sur scène depuis le secondaire déjà. Après s’être fait connaître au festival Zoofest en 2013 pour son spectacle solo Terroriste blanc d’Amérique, l’humoriste présente en rappel L’ignorance fait plus de victimes que le cancer au théâtre Sainte-Catherine. Le Délit l’a rencontré pour discuter humour et politique. La directrice de l’École nationale de l’humour, Louise Richer, affirmait en 2007 que «les humoristes de demain ser[aient] plus engagés». Force est de constater, sept ans plus tard, qu’elle a vu juste: une nouvelle génération d’humoristes politisés qui «s’est réconciliée avec un certain intellectualisme», selon Fred Dubé, prend sa place sur la scène québécoise. Pour

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Culture

l’humoriste rimouskois, «la politique est un matériau pour faire de l’humour», et l’humour, un outil pour dénoncer les injustices sociales et faire bouger les choses: «Un des grands avantages de l’humour, c’est d’aller chercher des gens qui ne pensent pas pantoute comme toi [… et de] résumer huit pages de théorie en un liner[…], [car] pour engraisser l’indignation, il faut de l’information». Rire noir, rire jaune, rire gras, malaise… Fred Dubé n’hésite pas à aller jouer dans différentes platesbandes pour charmer son public. Il décrit d’ailleurs ses débuts en humour comme une période «verte fluo» où il se «révoltait par l’absurde, contestait par la folie et questionnait par l’étrangeté». Un humour surréaliste et très imagé qu’il a officieusement exporté en France. Au fil des années, il a toutefois évolué vers un humour beaucoup plus politique, à contrecourant de la pensée collective.

Ses références sont aujourd’hui très ancrées au Québec où l’artiste souhaite «avoir un poids politique selon [ses] compétences». Mais il répète que son «objectif premier, c’est le rire». Libre au public de faire un pas de plus et de s’intéresser aux enjeux qu’il soulève, ou non. Prendre la parole L’humoriste n’hésite pas à utiliser différentes tribunes pour éveiller le public aux injustices sociales à travers son humour mordant. En réponse au «saccage pétrolier», il a récemment organisé l’événement Déversement d’humoristes, qui réunissait une dizaine d’humoristes pour un spectacle d’info-divertissement. Les fonds amassés étaient versés au CQDE (Centre québécois du droit de l’environnement), qui se bat en justice contre TransCanada et son projet de port pétrolier à Cacouna.

Il est également co-porte-parole des Journées québécoises de la solidarité internationale au BasSaint-Laurent, un événement qui invite le public à comprendre les enjeux internationaux et à s’impliquer pour bâtir un monde plus juste et équitable. De plus, l’humoriste signe une chronique satirique bimestrielle intitulée «C’t’une vraie joke» dans le journal Mouton Noir; comme sur scène, il n’hésite pas à faire rire pour critiquer le «système qui déshumanise». L’ignorance fait plus de victimes que le cancer Dans son plus récent spectacle, L’ignorance fait plus de victimes que le cancer, l’humoriste aborde sans censure des sujets chauds tels la désinformation véhiculée par les médias de masse, le fossé entre les classes sociales, ou encore la structure sociale qui pousse à la surconsommation. Il tente d’abat-

tre les préjugés et de s’opposer «à la propagande de droite […] en humour et en rigolant, évidemment», dit-il. Grâce à des textes à la fois drôles et réfléchis ainsi qu’à sa forte présence sur scène, il fait tomber l’indifférence et lève le rideau sur les injustices qui nous entourent. Si l’humoriste espère que son humour provoque un «déclic» chez ceux qui ne sont pas déjà sensibles aux sujets qui tissent la toile de son spectacle, son objectif premier demeure de faire rire. Qu’on soit de droite ou de gauche, riche ou pauvre, jeune ou moins jeune, on ne peut rester de glace face à son monologue provocateur et réfléchi qui vient du cœur. x

L’ignorance fait plus de victimes que le cancer Théâtre Sainte-Catherine Le 20/11 et le 11/12/2014 15$

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chronique

Trébucher sur chaque prétexte Gwenn Duval | Petit cours d’écriture à l’usage de tous.

À

vous qui lisez ces lignes, je livre aujourd’hui le secret de mon impulsion. J’entends ici non pas seulement la cause de mes écrits, mais aussi la variation physique de la quantité de mouvement générée par les forces en application. Pour ne perdre personne en route, je m’exprimerai de la manière la plus méthodique et la plus simple dont je sois capable de faire usage – nous avons

vu, lors de la dernière chronique, que les erreurs de transmission dans mes messages généraient un échec, un «aïe», un glissement de sens et une retombée navrante. «Se cacher est un plaisir, mais ne pas être trouvé est une catastrophe», merci Winnicott. Je dois, avant tout, commencer par vous exposer mon prétexte. Il est indissociable de l’écriture (qui est le germe, le levain et le pain de la réflexion, rappelonsle) puisqu’il constitue la terre dans laquelle elle peut se former. Le prétexte, pour moi, c’est le Pourquoi. Pourquoi réagir à l’existence en écrivant? Pourquoi saisir le réel et le confiner à des lignes en n’en ayant extrait que le concentré alambiqué de certains instants? Pourquoi chercher un sens, au risque de se mettre en danger, de soulever des controverses, d’avoir l’air ridicule ou pire, de se froisser avec un être estimé? Mon impulsion, dans le premier sens du terme – la cause de

mes écrits – c’est le Parce Que. Lorsqu’il est seul, le Pourquoi se perd. Il n’y a que le Parce Que qui puisse lui permettre de résonner dans le réel. Attention, l’importance de la justesse du Parce Que n’est, à mes yeux, pas en cause. Ce qui compte, c’est la tentative de rassembler ses esprits pour répondre, surtout lorsque la question est délicate. Attention encore, un «Je ne sais pas» n’exclut pas un «Parce Que» pensé. J’ai parlé plus tôt de «l’impulsion comme variation physique de la quantité de mouvement générée par les forces en application». Décortiquons ce propos: le total des forces en application revient au prétexte dont je parlais à l’instant. Le contexte, la question, les implications, les potentielles répercussions, les outils que l’on rassemble pour répondre sont autant de forces qui, additionnées les unes aux autres, donnent un prétexte. Le prétexte génère un mouvement, celui de la pensée,

de la tentative d’un Parce Que. Cette quantité de mouvement varie, c’est ce que j’appelle impulsion; en ayant, je vous l’accorde, remanié la définition à ma sauce afin d’ajouter «un soupçon de Gwenn», comme dirait Mme C***. Pour ma défense, je l’ai fait parce que je voulais exprimer quelque chose, j’ai donc créé un déplacement dans le sens du mot afin de l’adapter au contexte. C’était un prétexte, une variation en me mineur. Force est de constater que cette façon de manier les mots risque de m’éloigner de mon impulsion initiale, de mon Parce Que. Parce que quoi? Parce que je cherche à CQFD le langage. L’interdisciplinarité, c’est mon cheval de bataille et je manque encore parfois un peu de délicatesse dans la tenue des rênes. Pourquoi? Parce que j’ai encore le temps d’élimer mes idées jusqu’à ce qu’elles atteignent la pureté des messages. Enfin libre, puis-

sent-ils se détacher de la langue. Por qué? Porque. Qui a dit: «plus on possède d’imagination, mieux il faut posséder le métier pour accompagner celle-ci dans ses aventures et surmonter les difficultés qu’elle recherche avidement»? Baudelaire, évidemment! N’a-t-il pas cherché un prétexte à son prétexte, le Pourquoi qui génère l’impulsion imaginative du Parce Que? Pourquoi choisir un métier juste qui recèlera d’expériences parlantes? Parce qu’il pourra accompagner les raisonnements, Parce qu’il permettra au Pourquoi de répondre au Parce Que, d’inverser le rapport qu’entretient la réponse avec la question, la réflexion avec le prétexte. Les conditions doublées par l’aventure inopinée des rencontres éclairées dégagent un nouveau bagage composé, c’est Pourquoi je parsème ma page de caractères à la lueur d’une loupiote, je reste éveillée par ce que je cherche: un mais tierce… x

essai

Bordeleau veut sauver le commun Le Quartanier publie le denier essai d’Erik Bordeleau. Samy Graia

«L

’Union soviétique se concevait bel et bien comme un État où seule la philosophie gouvernait.» L’aventure communiste aujourd’hui finie a-t-elle eu le sort qu’elle méritait? C’est tout du moins la question que se pose Erik Bordeleau, dans son essai Comment sauver le commun du communisme?. Docteur en littérature comparée, spécialiste des thèmes de l’anonymat et de la politique dans le cinéma chinois, Bordeleau dévoile un constat esthétique du communisme et entreprend de sortir le «commun» de celui-ci pour l’intégrer dans un monde où «l’individu est roi» . Publié aux éditions Le Quartanier, divisé en 5 chapitres et long de 200 pages, cet essai propose une lecture dense, complexe et riche qui mérite (votre) lecture. Afin de comprendre la pensée de Bordeleau, il faut tout d’abord dissocier «esthétique socialiste» des régimes communistes du siècle dernier. Cet essai ne vise absolument pas la réhabilitation des crimes perpétrés sous les régimes communistes. Il s’agit ici d’un bilan philosophique et artistique où l’art sert d’outil permettant la critique, la remise en question et le diagnostique du système-monde actuel. Bordeleau juge le capitalisme libé-

ral malade ou du moins souffrant d’une «précarisation existentielle» où les valeurs étendards seraient celles de «la valorisation permanente de soi» et de la productivité.

en émane. Quant à l’art en lui-même, Bordeleau l’envisage comme «réfractaire aux enrôlements, qu’ils soient de gauche ou de droite». Celui-ci dénonce l’instrumentalisation de

Le problème du communisme c’est peut-être les communistes; «Sartre disait qu’il n’y a pas de différence entre un amour imaginaire et un amour vrai, parce que mahaut engérant

Ainsi, Bordeleau s’en va plonger le lecteur dans une immersion artistique plutôt rafraichissante au vu d’un sujet assez pondéreux. Il y met l’accent sur son domaine de prédilection, le cinéma chinois, effleure le théâtre avec Crisis in the Credit System de Melanie Gilligan, touche à Mai 68 et à l’émulsion critique qui

le délit · le mardi 11 novembre 2014 · delitfrancais.com

l’art comme outil politique pendant la Guerre Froide, où «la production culturelle est réduite au statut d’outil». Le but de cette guerre est de faire croire que son art est le plus libre. L’essence même de ce combat est philosophique, quel est l’art le plus libre? Le «réalisme socialiste» ou «l’expressionnisme»?

le sujet est par définition ce qu’il pense être, étant sujet pensant». L’humanité apparaît comme un simple matériau modulable sous n’importe quelle forme peu importe les antécédents historiques dont elle est sujette. «Tant que les communistes cultiveront l’idéal d’être détachés, ils ne sau-

ront aborder la question des biens communs, ils ne seront pas communistes». Pendant ce temps-là, au sein du capital, l’humain devient un chiffre dans la matrice. Le «potentiel humain n’est jamais envisagé qu’en vue de son actualisation dans une vie productive et réussie», l’attrait réside dans la «multitude de possibilités existentielles qu’il laisse miroiter». L’environnement devient «un espace jeu» où tout n’est plus qu’occasions à saisir et ressources à optimiser pour l’individu. Finalement, où se trouve ce commun? À la fin de son essai, Bordeleau nous raconte les ateliers philosophiques pour enfants qu’il a pu organiser pendant ses études doctorales. Il explique aux élèves d’une école primaire montréalaise que les cerveaux humains (comme les ordinateurs) «peuvent attraper des virus», la philosophie devient «l’antivirus du langage». Puis après quelques histoires il leur demande de trouver ensemble une définition de la philosophie. Un élève commence par «se concentrer», un autre ajoute «ensemble» puis un dernier s’écrie «mutuellement» Derrière les grandes débandades politiques, le commun est en chacun de nous, il s’entretient en philosophant tous les jours, peu importe où. x

Culture

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Ceci était la dernière édition du Délit pour l’année 2014. Nous tenons à remercier nos annonceurs, nos contributeurs et surtout nos lecteurs qui permettent au seul journal étudiant francophone de l’Université McGill d’exister, et qui-sait, de briller! Meilleurs voeux pour la période des fêtes et la nouvelle année, mais surtout bonne chance pour vos examens finaux! On se retrouve le 13 janvier 2015 avec une nouvelle équipe éditoriale. -Déliitement vôtre, l’équipe de rédaction

Ian Afif Astrid Aprahamian Gabrielle Beaulieu Julien Beaupré Léa Bégis Arnaud Bernadet Émilie Blanchard Yves Boju Théo Bourgery Pierre Chablin Frédéric Chais Alexis de Chaunac Hortense Chauvin Gabriel Cholette Thomas Cole Baron Emma Combier Arthur Corbel Anne Cotte Miruna Craciunescu Virginie Daigle

Noor Daldoul Inès L. Dubois Lisa El Nagar Mahaut Engérant Julia Faure John Foley Chloé Francisco Mathilde Fronsac Lauriane Giroux Georgia Gleason Samy Graia Côme de Grandmaison Isabelle Grégoire Noémy Grenier Magali Guyon Marie-Claude Hamel Sandrine Jaumard Prune K Sandra Klemet O. Lamarre Camille Larcheveque

Claire Launay Shayne Laverdière Bianca Lavric Frédérique Lefort Nadia Lemieux John Londono Zoma Maduekwe Eva Martane Charlotte Mercille Julien Mignot Jérémy Mimnagh Catherine Mounier-Desrochers Laurence Nault Sao-Mai Nguyen Matilda Nottage Éléonore Nouel Suzanne O’neill David Ospina Inès Palaz Olivier Pasquier

Christophe Pele Esther Perrin Tabarly Alexandre Piché Kary-Anne Poirier Lynn Poulin Youssef Rahmani Scarlett Remlinger Yves Renaud Léo Richard Philippe Robichaud Djamila Saad Antoine Saito Myra Sivaloganathan Jan Simonson Victor Sokolovitch Kharoll-Ann Souffrant Victor Tricaud Théophile Vareille Horatio Yvan


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