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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill
entrevue radio radio P.12-13 Mardi 10 février 2015 | Volume 104 Numéro 15
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Éditorial rec@delitfrancais.com
Volume 104 Numéro 15
«D’ailleurs l’Anglais, pour Alexandre, c’était l’ennemi héréditaire, proposé par l’histoire, l’école, l’entourage, celui dont il pourrait à peine se passer, tant en le perdant, ses griefs manqueraient d’emploi.» Gabrielle Roy, Alexandre Chenevert
Rien sur Robert Joseph Boju
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Le Délit
près la démission surprise de John Baird, ex-ministre des affaires étrangères, notre Premier Ministre Stephen Harper s’est vu dans l’obligation de procéder à un léger remaniement ministériel, ce qu’il a fait ce lundi 9 février, annonçant trois nouvelles nominations via le site internet Twitter. Veuillez juger par là de la contemporanéité de l’affaire. Parmi les trois nouveaux ministres, Robert Douglas Nicholson, dit «Rob», qui occupait le ministère de la Défense depuis juillet 2013, récupère le portefeuille vacant des Affaires Étrangères. «Formidable, me direz-vous, j’en parlerai à mon original.» C’était sans compter l’adresse du gouvernement Harper. Selon La Presse et Le Devoir, le député de Niagara Falls qui vient d’être nommé chef de l’appareil diplomatique fédéral ne parlerait pas un traitre mot de français. Dans l’état fédéral canadien, depuis 1969, les deux langues officielles sont pourtant le français et l’anglais. Aussi, on attendrait d’un ministre des Affaires étrangères qu’il puisse être en mesure de s’exprimer dans chacune d’entre-elles. Pour les notables du Nouveau Parti Démocratique au niveau fédéral, du Parti Québécois, de la Coalition Avenir Québec ou encore de Québec Solidaire au niveau provincial, la journée de ce lundi a donc été l’occasion de protester contre la nomination de Rob Nicholson, nouvelle inconséquence du gouvernement fédéral. Pour nous autres, modestes journalistes-étudiants, la journée de ce lundi a donc été l’occasion d’aller en cours, et de fleureter ici et là, à la recherche de quelques perles du politicien de la seconde
capable de satisfaire notre espièglerie. En voilà une. Le 8 janvier dernier, dans la foulée des attentats de Charlie Hebdo, Rob Nicholson publie ce tweet à la syntaxe envoûtante: «La liberté doit être protégée. Canada est solidaire avec les peuple de France». Un ange passe. D’aucuns pourraient prétendre qu’il s’agit là d’une tactique très habile du ministre canadien pour s’adresser aux citoyens français en reconnaissant l’équilibre précaire de leur système d’intégration — entre assimilation et pluralisme —, conjuguant le pluriel de l’article «les» au singulier du mot «peuple» et prévoyant par là même les débats sur l’identité qui seront déclenchés par les événements. Mais d’autres prétendraient certainement l’inverse. Il faut préciser qu’à la différence d’un Justin Trudeau ou d’un Thomas Mulcair, qui gazouillent en français et en anglais sur un même compte, Rob Nicholson, tout comme son patron Stephen Harper, ne met aucun de ses œufs dans le même panier et adopte une politique de comptes séparés. C’est une question d’attitude, d’action et de discours, choses qu’il nous convient d’inspecter, car au niveau fédéral, le temps des courtisans est sur le point de reprendre. Une autre pour la route? Le 3 février, toujours sur Twitter, le vieux Rob se dit «attristés de prendre connaissance de l’attaque faite contre des militaires à Nice». Nous somme, pour notre pard, assé attrister, qu’un ministre des Affaires étrangères ne puisse s’exprimer correctement en anglais et en français sur la scène fédérale et internationale, de façon virtuelle ou réelle, intermodale enfin, car c’est bien de cela qu’il s’agit. x
Le seul journal francophone de l’Université McGill rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédacteur en chef rec@delitfrancais.com Joseph Boju Actualités actualites@delitfrancais.com Louis Baudoin-Laarman Esther Perrin Tabarly Culture articlesculture@delitfrancais.com Noor Daldoul Baptiste Rinner Société societe@delitfrancais.com Gwenn Duval Coordonnatrice de la production production@delitfrancais.com Cécile Amiot Coordonnatrices visuel visuel@delitfrancais.com Luce Engérant Eléonore Nouel Coordonnatrices de la correction correction@delitfrancais.com Any-Pier Dionne Céline Fabre Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Coordonnatrice réseaux sociaux réso@delitfrancais.com Inès L. Dubois Contributeurs Chloé Anastassiadis, Clément Bletton, Jeremie Casavant-Dubois, Miruna Craciunescu, Virginie Daigle, Pascal Gely, Laurence Nault, Amelia Rols, Zaliqa Rosli, Anaïs Rossano, Yuna Saudemont, Thomas Simonneau, Tamim Sujat. Couverture Cécile Amiot Luce Engérant Éleonore Nouel bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux, Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Dana Wray
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2 éditorial
L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).
le délit · mardi 10 février 2015 · delitfrancais.com
Actualités actualites@delitfrancais.com
Couillard persiste et signe louis baudoin-laarman
Le Délit
brève
Colère chez les enseignants louis baudoin-laarman
Le Délit
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brève
a Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a organisé le lundi 9 février une manifestation devant le bureau du premier ministre québécois Philippe Couillard au croisement des rues Sherbrooke et McGill College, afin d’exprimer le mécontentement des enseignants face aux politiques d’austérité du gouvernement libéral. La FAE, qui regroupe 8 syndicats et 32 000 enseignants de divers secteurs de l’éducation, avait choisi la date afin d’envoyer un message fort au premier ministre à la veille de la reprise des travaux parlementaires à l’Assemblée nationale le 10 février.
Quelque 1200 personnes, selon les organisateurs, étaient présentes devant le bureau de M. Couillard au point fort du rassemblement, dans une ambiance tonitruante générée par les sifflets et vuvuzelas distribués par la fédération aux manifestants afin de mieux se faire entendre depuis le bureau du premier ministre, quelques étages plus haut. Afin d’inciter les enseignants à rester plus longtemps malgré le froid, les organisateurs avaient prévu des haut-parleurs diffusant de la musique afin que l’on danse pour se réchauffer. Malgré l’ambiance festive, la FAE prend très au sérieux les coupes budgétaires qui affectent le milieu de l’éducation. Concrètement, la FAE craint une
baisse de la qualité de l’éducation et de la qualité de vie des enseignants que causeront certaines mesures des coupes budgétaires. Le plan prévoit entre autres des coupes dans certains programmes éducatifs, un gel des augmentations et un départ à la retraite repoussé de 60 à 62 ans. «D’autres options existent et nous sommes ici aujourd’hui pour rappeler au gouvernement que nous faisons partie de la solution et que nous ne sommes pas que des exécutants!» a affirmé Sylvain Mallette, président de la FAE, lors d’un discours devant les manifestants. Les manifestants se sont dispersés vers 18h15 après la tribune des politiques de la FAE, soit un peu plus d’une heure après le début de la manifestation à 17h. x
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lusieurs centaines de personnes ont manifesté contre les politiques d’austérité du gouvernement libéral le mardi 3 février devant le Palais des congrès de Montréal. Bravant le froid à 11h30, les manifestants se sont rassemblés suite à l’appel de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics. Le choix de l’emplacement était dû à la présence du premier ministre québécois Philippe Couillard au Palais des congrès pour une allocution devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain intitulée «Ensemble, on fait avancer le Québec sur la voie de la prospérité». Parmi les manifestants, de nombreux cols bleus de divers secteurs et employés de la fonction publique étaient présents, la plupart regroupés
sous la bannière du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP). Étaient également présents divers groupes sociaux et étudiants venus afficher leur opposition aux restrictions budgétaires. Une douzaine de manifestants ont momentanément réussi à s’infiltrer dans la salle de conférence pour interrompre le discours du premier ministre, avant d’être escortés à l’extérieur. Imperturbable, M.Couillard a continué son discours sous les huées, défendant son plan de rigueur budgétaire et ses réformes de l’État québécois. Vers la fin de la manifestation, qui s’est terminée à 13h, des altercations ont eu lieu entre les policiers et certains manifestants, qui ont été dispersés à l’aide de poivre de Cayenne. Les syndicats et associations étudiantes promettent de nombreux autres mouvements de contestation contre l’austérité dans les mois à venir. x
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le délit · mardi 10 février 2015 · delitfrancais.com
actualités
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politique étudiante
Pour une représentation plus verte L’École d’environnement plaide pour un siège au conseil de l’AÉFA. LAURENCE NAULT
Le Délit
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e mercredi 4 février, le conseil législatif de l’Association Étudiante de la Faculté des Arts (AÉFA) a été l’occasion de discuter de la place de l’École d’environnement au sein de la Faculté des arts. Il a aussi été question du projet d’une nouvelle application mobile pour l’AÉFA et de l’ajout du Département de sciences informatiques au conseil. Ben Ger, étudiant à l’École d’environnement, a profité de la tenue du conseil pour continuer sa campagne visant l’obtention d’un siège de représentant pour l’École d’environnement au conseil législatif de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM). M. Ger affirme que les étudiants en environnement sentent que leur opinion n’occupe pas la place qui lui est due et se sentent sous-représentés. À ce jour, la représentation des étudiants de l’École d’environnement au conseil de l’AÉUM se fait par le biais de sept représentants, provenant de la Faculté des arts, des sciences et des arts et
sciences. M. Ger souligne qu’avec plus de 500 étudiants, un nombre qui augmente chaque année, l’École devrait avoir son propre siège au conseil. Les avis sur la question étaient clairement partagés lors du conseil. Lola Baraldi, v.-.p aux affaires externes de l’AÉFA qui siège au conseil de l’AÉUM à ce titre, croit que ce nouveau siège ajouterait une voix favorisant le développement durable à l’AÉUM. Ava Liu, présidente de l’AÉFA, n’est pas aussi convaincue de la nécessité de ce siège étant donné que l’École d’environnement n’est pas une faculté alors que la Faculté d’études religieuses n’en possède pas. Le conseil avait débuté avec une présentation de Tom Zheng, co-fondateur de la compagnie Kreate et ancien étudiant de McGill. Kreate a été engagée par l’AÉFA afin de créer une nouvelle application spécialement conçue pour l’association et ses membres, laquelle sera officiellement lancée le 16 février prochain. Selon M. Zheng, elle facilitera la communication entre l’AÉFA et ses membres afin d’assurer plus de transparence et de responsabilités entre l’exécu-
tif et les membres. Un marché en ligne où les utilisateurs pourront vendre divers biens entre eux sera aussi disponible. L’application devait être lancée en septembre 2014, mais des problèmes de contenu ont retardé la mise en ligne. Motion et rapports Le conseil a approuvé à l’unanimité la motion sur l’ajout d’un siège pour la Computer Science Undergraduate Society (CSUS) [Association des étudiants en informatique, ndlr] au conseil de l’AÉFA. Ian Karp, v.-p. aux affaires externes de la CSUS, a justifié ce choix en soulignant le nombre important d’étudiants en informatique membres de la Faculté des arts. La CSUS possède maintenant un droit de vote au conseil législatif de l’AÉFA en plus de son siège à la Faculté des sciences. Lors de leur rapport, les sénateurs de l’AÉFA ont souligné leur plus récent succès au sujet des droits pour les étudiants. Le sénat de McGill a adopté une motion pour qu’il soit dorénavant possible d’abandonner la totalité des cours
d’une session sans l’apparition de mentions d’abandon dans le relevé de notes officiel. Cette politique ne s’appliquera que dans les cas d’abandons justifiés par des circonstances extrêmes. De son côté, la présidente Ava Liu a travaillé sur un projet d’amélioration de l’espace dans les bâtiments Leacock et Ferrier. Le projet est réalisé en collaboration avec le Projet d’espace McGill [McGill Spaces Project, ndlr]. Le Bureau
de planification des campus et des espaces est ouvert aux idées proposées et apportera l’aide de l’un de ses designers au projet. Enfin, le poste d’administrateur interne, créé en partie pour remplacer le poste de v.-p. aux affaires internes suite au départ de son ancienne titulaire Roma Nadeem, a été comblé. L’administrateur sera responsable de plusieurs tâches internes dont la réservation des salles. x
éléonore nouel
L’AÉCSUM en quête d’espace
Le vice-principal présente le plan de reprise du Royal Victoria au conseil de l’AÉCSUM. louis baudoin-laarman
Le Délit
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e conseil de l’Association étudiante des cycles supérieurs de l’Université McGill (AÉCSUM) a reçu la visite du viceprincipal Olivier Marcil le 4 février, venu exposer la potentielle transformation de l’hôpital Royal Victoria en extension du campus mcgillois et répondre aux questions des conseillers à ce sujet. Les motions débattues lors du reste du conseil portaient sur la démission du secrétaire général de l’association Juan Pinto et sur l’élection d’un secrétaire général en intérim. À l’ordre du jour figuraient également une motion de suspension de certaines règles entourant les frais de scolarité des étudiants en cycles supérieurs, ainsi qu’une motion sur la sensibilisation au drame des étudiants mexicains disparus en 2014. Reconversion du Royal Vic McGill manque d’espace pour ses salles de cours et ses laboratoires de recherche. C’est pourquoi depuis l’annonce du déménagement de l’hôpital Royal Victoria au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), prévu pour avril prochain, l’administration a les yeux tournés
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vers l’hôpital, qu’elle espère convertir en une extension du campus. Le vice-principal a depuis annoncé aux différentes associations étudiantes qu’il pourrait répondre à toutes leurs questions. L’AÉCSUM, qui place ses pions en espérant acquérir ainsi de nouveaux locaux pour la recherche de ses membres, était la première
annoncé le vice-principal, pour qui la reprise du Royal Vic par McGill est une évolution « naturelle, due à la connexion historique entre le Royal Vic et McGill», et logique par sa proximité avec le campus. Le viceprincipal a affirmé que le gouvernement est intéressé par le projet de reprise, apparemment le seul ayant
tamim sujat
part de ses réserves quant aux coûts énormes qu’une telle transformation engendrerait, ce à quoi M. Marcil a répondu que l’Université n’achètera l’hôpital que si le gouvernement fait à l’Université une offre financièrement raisonnable. De plus, de par sa reprise des espaces, l’Université espère économiser l’argent qu’elle doit actuellement dépenser en louant des espaces de cours au centre-ville. Les motions du jour
à inviter M. Marcil à son conseil bimensuel. «Nous avons officiellement dit au gouvernement [québécois] que nous sommes intéressés par cet espace et prêts à le développer» a
été soumis à temps, à l’exception des projets de démolition des bâtiments pour développer l’espace en condominiums. La v.-p. aux finances de l’AÉCSUM, Nikki Meadows, a fait
La motion sur le départ du secrétaire général de l’AÉCSUM Juan Pinto, qui en a brièvement exposé les raisons devant le conseil, a été débattue dans une ambiance de tension palpable, certains conseillers ayant interpelé directement le secrétaire général, ce qui explique les rappels à l’ordre du modérateur lors du passage de la motion. En effet, un conseiller a critiqué le secrétaire général pour son absence aux conseils de l’association précédant l’annonce de sa démission. La motion de démission du secrétaire général, dont l’approbation par le conseil est nécessaire pour que celleci soit activée, a été approuvée. Une autre motion décrétant une période de vote du 18 au 24 février pour l’élection d’un secrétaire général par intérim a également été approuvée.
Le conseil a également débattu la motion soumise par Jason Jensen, étudiant en sociologie, au sujet de la suspension des règles actuelles sur le paiement de frais de scolarité pour des services non fournis par l’Université. En effet, selon les règles actuelles, les étudiants qui dépassent la limite de temps maximale pour l’obtention de leur diplôme se voient automatiquement déchus de leur statut d’étudiants et ne peuvent plus bénéficier des services de l’Université. Or, les étudiants en cycles supérieurs qui présentent leur thèse jusqu’à deux ans après leur perte de statut se voient quand même obligés de payer leurs frais d’études, bien que n’ayant pas bénéficié des services de l’Université. La motion de mercredi prévoyait donc que l’AÉCSUM présente une motion de suspension de ces règles au Sénat, et entame des négociations avec l’administration pour son abrogation. La motion est passée avec une grande majorité des voix. Enfin, le conseil a approuvé une motion pour que l’AÉCSUM prenne part aux initiatives de sensibilisation de la population au drame des 43 étudiants mexicains disparus en septembre 2014, et dans le but d’amener les coupables devant la justice. x
le délit · mardi 10 février 2015 · delitfrancais.com
brève
À votre santé! esther perrin tabarly
Le Délit
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es nouveaux locaux de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) ont été inaugurés le mardi 3 février dernier. La réinstallation de l’IRCUSM au tout nouveau site Glen, boulevard Décarie, consiste en un mouvement stratégique qui, selon son directeur exécutif, le Dr Papadopoulos, «permettra un flux de communication continu parmi les chercheurs issus de différents domaines de recherche en matière de santé», facilitant ainsi des avancées considérables. En effet, le nouveau site a une surface de plus de 120 000 mètres carrés, permettant aux chercheurs et professionnels de nombreux domaines médicaux d’opérer sous le même toît. Le site regroupe le Centre de biologie translationnelle (de recherche fondamentale), le Centre de médecine innovatrice (spécialisé en études cliniques) ainsi que
le Centre de recherche évaluative en santé (qui se concentre sur l’étude de la santé publique et ses facteurs environnementaux). Selon Julie Robert, coordinatrice des communications auprès du CUSM, en entretien téléphonique avec Le Délit, il s’agira dans les nouveaux locaux de «permettre une collaboration unique» à tous les niveaux de la recherche médicale, en créant un espace où «les trois ensembles vont se compléter». Pour la construction du site, l’Institut disposait de fonds s’élevant à un total d’environ 210 millions de dollars, provenant de versements de fonds publics ou de donateurs tels que la Fondation canadienne pour l’innovation ainsi que divers hôpitaux. Le CUSM ne dépend pas de McGill, mais l’Université est représentée dans les conseils d’administration, et les professeurs de McGill sont parmi les chercheurs de l’Institut, et les étudiants en médecine de McGill pourront y faire leur résidence. x
luce engérant
brève
Un professeur de droit aux élections fédérales esther perrin tabarly
Le Délit
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avid Lametti, professeur agrégé à la Faculté de droit de McGill, se présentera en tant que candidat du Parti Libéral du Canada (PLC) lors des élections fédérales du 15 octobre 2015 pour la circonscription LaSalle-ÉmardVerdun. Élu candidat officiel par les membres du PLQ de sa circonscription , le dimanche 8 février dernier, M. Lametti affrontera en octobre l’actuelle députée néo-démocrate de la circonscription, Hélène Leblanc.
En entretien avec Le Délit, le professeur Lametti dit vouloir contribuer de façon plus active au changement de la politique: il s’agit de «servir le Canada, et plus précisément la circonscription». Vigoureusement critique des actions du gouvernement de Stephen Harper, il affirme que «c’est le temps pour un changement». Expert en propriété intellectuelle, M. Lametti dit notamment vouloir travailler sur l’amélioration des lois actuelles dans le domaine numérique qui d’après lui «empêchent l’innovation». Selon M. Lametti, il est im-
portant de profiter de la révolution numérique en cours, en faisant du Canada un centre d’infrastructures pour développer l’internet, sur le modèle de l’Europe du nord. La nouvelle circonscription LaSalle-Émard-Verdun, au sudouest de Montréal, a une population majoritairement immigrante. Sur le sujet de l’intégration de la francophonie dans son programme électoral, M. Lametti explique que dans une circonscription telle que la sienne, la protection de la langue française passe par l’enseignement dans les écoles. x
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le délit · mardi 10 février 2015 · delitfrancais.com
actualités
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campus
Repenser l’Afrique MASS organise une série de conférences sur la façon de voir le continent. ines léopoldie-dubois
zaliqa rosli
Le Délit
L
a troisième convention annuelle du développement africain a eu lieu à McGill du 5 au 7 février derniers. Organisée par la McGill African Students Society (MASS) [Société des étudiants africains de McGill, ndlr], la conférence intitulée «revendiquer la réalité de l’Afrique sous toutes ses formes» visait à fournir une plateforme de dialogue pour revisiter les questions relatives au continent africain et à ses cultures. Ebuka Ujondu, président de la MASS, nous explique que ce thème a été choisi car il est important de regarder le continent africain et ses habitants à travers plusieurs points de vue, pour avoir une vision moins binaire du continent. La v.-p. social de la MASS, Bintou Diallo, explique que l’idée était de contester cette vision réductrice souvent ancrée dans nos esprits pour offrir aux étudiants de McGill une opportunité de repenser leur conception de l’Afrique. Afin d’atteindre cet objectif, les membres de l’association préparaient les événements depuis septembre dernier. Au programme cette année, des conférences sur l’afro-féminisme, sur l’afrofuturisme et une séance de discussion sur le développement de l’Afrique. La conférence sur l’afro-féminisme s’est déroulée le samedi 7 février et avait pour objectif de nuancer l’image de la femme africaine, souvent vue soit comme une victime, soit comme une
mère. Pour cela, quatre intervenants étaient invités: Mme Letty Chiwara, représentante d’ONU Femmes en Éthiopie, à l’Union Africaine et à la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique; Mme Marieme S. Lo, maître assistante en études des femmes et du genre, ainsi qu’en études africaines à l’Université de Toronto; Monica Popescu, professeure agrégée au Département d’anglais de l’Université McGill; et M. Uzoma Esonwanne, professeur agrégé au Département d’anglais et au centre de littérature comparée de l’Université de Toronto. Lors d’une discussion modérée par Sta Kuzviwanza, étudiante en économie et études
africaines, chacun a mis à profit son expertise sur trois grandes questions: la perception occidentale de la femme africaine, l’importance de l’éducation pour éviter l’émergence d’une conception erronée de celle-ci, ainsi que la place des femmes dans le développement de l’Afrique. Les panélistes ont apporté des réponses diverses à ces questions mais ont tous souligné l’importance de donner une voix à ces femmes, trop souvent oubliées. Tous étaient d’accord pour dire que les femmes sont, dans beaucoup de pays et de communautés, les moteurs du changement social, mais que leur représentation n’est pas toujours à l’échelle de leur importance. La discussion
s’est terminée sur des questions d’élèves adressées aux différents panélistes. La conférence a été un succès, se déroulant dans une salle quasi pleine en ce samedi après-midi devant un public captivé. Les panélistes, eux, étaient contents de participer à cette discussion mais aussi de pouvoir s’exprimer sur un sujet peu abordé en Amérique du Nord. En effet, Mme Chiwara a affirmé être heureuse de constater la forte demande pour ce type de discussion à McGill, et a avoué qu’avant de venir, elle se demandait ce que les étudiants savaient vraiment du féminisme en Afrique. De son côté, Mme Lo nous a expliqué qu’elle trouve le thème stimulant
intellectuellement, et que venir participer à la conversation était une façon de supporter une initiative étudiante intéressante. Finalement, toutes les deux étaient d’accord pour dire qu’il est important de changer les discours utilisés pour parler de la femme africaine, et que ce genre de discussion était donc une bonne opportunité pour donner une voix à la femme africaine dans le monde occidental. Du côté des étudiants, la curiosité semblait être la première motivation. Jacob Omorodion, étudiant en sciences politiques, a expliqué qu’il était venu par intérêt, mais aussi parce qu’il n’avait jamais eu l’occasion de voir interagir le féminisme et l’Afrique. Pour lui, ce genre de discussion est nécessaire et en tant qu’université représentante d’un corps étudiant international et varié, McGill se doit d’accueillir ce type de panel. D’autres conférences ont animé ce congrès qui s’est terminé le samedi 7 février avec comme événement de clôture la venue de Binyavanga Wainaina, journaliste et écrivain kenyan. Pour M. Ujondu le congrès a été un succès, avec un public nombreux chaque jour. Pour lui, le succès a été rendu possible par le thème qui rassemblait les différents événements, une durée de trois jours consécutifs au lieu de quatre (comme l’an dernier), et des intervenants plus renommés que pour les éditions précédentes, dont Binyavanga Wainaina en tant qu’intervenant principal. x
Parler pour mieux prévenir Healthy McGill organise des évènements pour sensibiliser aux troubles alimentaires. laurence nault
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Le Délit
out au long de la semaine du 1er au 7 février, plusieurs évènements ont eu lieu sur le campus dans le cadre de la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires. Tous les évènements étaient organisés par le Programme d’aide pour troubles alimentaires de McGill en collaboration avec Healthy McGill. Cette année, l’objectif de la semaine était de briser le silence
autour des troubles alimentaires afin de détruire les tabous qui entourent ces problèmes. Pour l’occasion, un hashtag #TalkingSavesLives [Parler sauve des vies, ndlr] avait été conçu pour mieux sensibiliser les étudiants sur l’importance de la communication face aux troubles alimentaires. Une plus grande sensibilisation pourrait aider à détecter plus rapidement les signes de troubles alimentaires en plus d’encourager les gens à consulter.
En plus des kiosques d’information tenus par des bénévoles de Healthy Mcgill tout au long de la semaine, les étudiants étaient invités à participer à une discussion sur l’impact des médias sur l’image corporelle. La discussion était animée par Sara Robb, travailleuse sociale au Programme d’aide pour troubles alimentaires. Mme Robb a débuté la séance en s’attaquant aux mythes qui entourent les troubles alimentaires. Contrairement à une croyance
répandue dans la population canadienne, les troubles alimentaires ne sont pas un choix et touchent aussi les hommes. Sara Robb a aussi souligné la haute fréquence des troubles alimentaires parmi les populations étudiantes. Par la suite, il a été question des standards de beauté irréalistes véhiculés par les médias et de la pression pour bien paraitre que ceux-ci imposent à tous. La prolifération des médias sociaux et l’image de perfection qui y est souvent projetée ne font
qu’ajouter à cette pression. Robb a cité plusieurs études démontrant que l’exposition aux médias sociaux, particulièrement l’exposition à des images, entraine une réduction de la satisfaction personnelle face au corps. Le Programme pour troubles alimentaires de McGill est ouvert à tous les étudiants de McGill. Il n’est pas nécessaire d’avoir été référé par un médecin au préalable pour accéder aux services et il est possible d’être traité en français. x
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6 ACTUALITÉS
le délit · mardi 10 février 2015 · delitfrancais.com
chronique
La souveraineté à l’ordre du jour Jeremie Casavant-Dubois | Au fil de la campagne
L
e 4 février dernier marquait le début officiel de la course à la chefferie du Parti Québécois. On connaît maintenant tous les candidats, les dépenses sont comptabilisées et les questions ont plus que jamais besoin de réponses. C’est la semaine dernière que les candidats Martine Ouellet et Alexandre Cloutier ont amassé le plus d’élan. Mme Ouellet a lancé sa campagne le 1er février à Longueuil devant une foule de plus de 400 personnes et s’est placée comme la candidate sociale-démocrate par excellence parmi les cinq candidats en course. En tant que telle, elle est la plus grande bénéficiaire
du retrait de la course de JeanFrançois Lisée, et semble avoir réussi à attirer les partisans du candidat de gauche, notamment sa directrice de campagne. Selon un sondage Léger fait pour Le Devoir et Le Journal de Montréal en début février, elle reçoit maintenant 10% des appuis, ce qui la place au cœur de la course pour la deuxième place. Pour Alexandre Cloutier, le haut point de la semaine aura été l’appui reçu par Véronique Hivon. La députée de Joliette est toute une prise pour l’équipe Cloutier. Elle s’est démarquée au cours des dernières années, entre autres pour son projet de «Mourir dans la dignité», militant pour la légalisation du suicide médicalement assisté. L’approche non-partisane de Véronique Hivon et sa capacité à rassembler seront des atouts importants dans la course du député de Lac-Saint-Jean. Quid de la souveraineté? Le fameux calendrier référendaire demeure un sujet d’actualité au PQ. Chez les souverainistes, il est difficile, voire impossible, d’en venir à un compromis. On retrouve des opinions
différentes dans chaque formation politique. Il y a ceux qui croient qu’un référendum devrait être tenu au moment opportun sans préciser quand exactement. D’autres proposeraient un référendum au cours du deuxième mandat d’un gouvernement péquiste. Il y a aussi les souverainistes pressés, ceux qui croient qu’un référendum devrait être tenu au plus tôt. Questionnés sur le calendrier référendaire au débat de l’Université de Montréal du 28 février, les candidats ont pu afficher leurs couleurs sur la démarche à suivre. Fidèle à ses habitudes, Pierre-Karl Péladeau est resté prudent sur la question et a évité de trop s’avancer sur ce terrain qui peut être très glissant. Son manque de prise de position commence à affecter négativement sa campagne. Dans le dernier sondage Léger, il est maintenant à 63% d’appuis, une chute de 5%. Bernard Drainville a quant à lui affirmé qu’il s’assurerait d’avoir des appuis à la souveraineté en 2018 avant de tenir un référendum. De son côté, Martine Ouellet a été très claire sur la souveraineté et a réaffirmé son adhésion
à l’école référendaire de Jacques Parizeau, qui propose qu’un référendum soit tenu dès le premier mandat. S’inspirant de la campagne référendaire écossaise du semestre dernier, elle croit que mettre en mouvement le projet d’indépendance augmenterait l’appui de la population. Dans le camp d’Alexandre Cloutier, on tient avant tout à rassembler les souverainistes de différents horizons avant même de penser à un référendum (faisant référence à Québec Solidaire et Option Nationale). M. Cloutier va même jusqu’à demander qu’un million de Québécois signent un registre pour réclamer un référendum. Lui aussi inspiré par la campagne écossaise, il publierait un livre pour répondre à toutes les questions sur l’éventuelle indépendance du Québec. Cette stratégie est précise et laisse toutefois le dernier mot aux Québécois: sans le million de signatures, il n’y aurait vraisemblablement pas de référendum. C’est une position intéressante car elle laisse le dernier mot à la population, mais elle permet tout de même à Alexandre Cloutier de s’affirmer sur le sujet. Rarement, sinon ja-
mais, a-t-on vu un chef du PQ ou un candidat à la chefferie montrer le désir de rassembler tous les souverainistes. Cette position pourrait être très favorable pour sa campagne. La souveraineté reste un sujet propice à la discorde. Regardons simplement l’exemple du Bloc Québécois, décimé après la vague orange des élections de fédérales de 2011. Gilles Duceppe avait donné sa démission et une course à la chefferie avait été lancée. Mario Beaulieu, qui optait pour la promotion de l’indépendance avant tout, avait été élu. Depuis ce temps, les querelles s’enchaînent au Bloc et le caucus est dans une position de faiblesse avec seulement deux députés. Jean-François Fortin et André Bellavance ont décidé de siéger comme députés indépendants tandis que Maria Mourani a été expulsée du caucus par M. Beaulieu. C’est dire que la question nationale reste un sujet très sensible pour la majorité des souverainistes. Il sera impossible de satisfaire tout le monde, mais chaque candidat choisira l’option qu’il croira la plus rentable en fin de course.x
chronique visuelle
L’illus’ tout crue
le délit · mardi 10 février 2015 · delitfrancais.com
luce engérant
Le Délit
actualités
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Société societe@delitfrancais.com
Qui sont les Ogres? Derrière l’infamie de la pédophilie, des réalités à nuancer. Yuna Saudemont
U
n petit tour sur Google en tapant «pédophilie Québec», et le second lien à apparaître renvoie à un site de géolocalisation des pédophiles. Le pédophile a une figure populaire qui fait consensus: un pourri, un danger, un être abject. Il faut dire que le phénomène est suffisamment important pour que la haine épidermique s’insinue dans la réflexion: au Québec, pas moins (et possiblement plus) d’une femme sur cinq, et d’un homme sur dix, rapportent avoir été victimes d’agression sexuelle pendant l’enfance selon des études recensées dans L’agression sexuelle envers les enfants des Presses de l’Université du Québec. Cette réalité nous touche tous de près, sinon directement.
ne sont pas commises par un seul et même type de démon populaire nommé «pédophile». Latifa Bennari, fondatrice de l’association L’Ange Bleu qui vient en aide aux victimes ainsi qu’aux pédophiles abstinents, propose d’utiliser le terme «pédosexuel» pour parler des abuseurs d’enfants et faire ainsi la différence entre des actes posés et des attirances ressenties. Le mythe du pédosexuel qui guette sa victime à la sortie de l’école pour la séquestrer
d’établir un portait simplifié du pédosexuel (amalgamé sous le terme «pédophile»): quelqu’un qui avait lui-même été abusé sexuellement enfant, quelqu’un d’immature avec de faibles compétences sociales, quelqu’un de frustré sexuellement, etc. Cependant, si des facteurs de risque statistiques concernant l’agression sexuelle d’enfants peuvent être dégagés comme relativement réguliers quant aux agresseurs avérés, ils ne prédi-
Certains pédosexuels ne sont pas attirés par les enfants en général: excités par simple sadisme, par absence d’empathie conjointe à une situation favorable d’exploitation, attirés occasionnellement par un enfant particulier, apprécié non pas pour ses caractéristiques infantiles mais à cause d’un regard confondu, etc. La définition de la pédophilie soulève beaucoup de débats, et la bible des psychologues, le Manuel diagnostique
Cauchemar général L’agression sexuelle pendant l’enfance est un fléau que l’on cherche à freiner, à défaut de pouvoir l’endiguer. Or, trop de confusion existe autour de ce phénomène et empêche potentiellement de prendre les mesures adéquates. Tout pédophile n’est pas un agresseur sexuel d’enfant, et tout agresseur sexuel d’enfant n’est pas un pédophile; les deux termes ne sont pas synonymes. C’est par cette précision essentielle que Franca Cortoni, psychologue et professeure agrégée de l’Université de Montréal introduit son cours sur la délinquance sexuelle. Comment traiter un problème si l’on déguise les faits sous des tas d’amalgames et d’imaginaires cathartiques de haine et de dégoût condensés sous un seul mot: «pédophile»? Il convient d’apporter un éclairage débarrassé des filtres affectifs qui conditionnent le regard à observer cette réalité de façon dichotomique. Il ne s’agit pas d’excuser les actes de quelque agresseur que ce soit. Le problème se pose à l’échelle sociétale et non pas individuelle, sans en nier l’interdépendance. L’ampleur de l’agression sexuelle d’enfants est colossale, à travers le monde, les différentes cultures, et toutes les classes sociales. Le tabou qui lui est associé semble tout autant universel. En revanche, toutes les agressions sexuelles d’enfant
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et la violer dans la cave n’est pas représentatif de la réalité. La victime connait son agresseur dans 75 à 90% des cas. Il existe des agresseurs dits «extra-familiaux», et des agresseurs dits «intra-familiaux», c’est à dire du cercle de famille proche (le beau-père, le père, la mère, mais aussi les frères, et plus rarement les sœurs). Beaucoup d’agressions sexuelles d’enfants sont commises par des jeunes: 13 à 18% par des agresseurs âgés de moins de 13 ans, et environ 40% par des agresseurs âgés de moins de 20 ans, d’après des méta-analyses présentées dans l’ouvrage L’agression sexuelle envers les enfants. Le danger des chiffres De nombreuses études ont cherché à établir un profil-type de l’agresseur sexuel d’enfants. Aucune n’y parvient réellement et il n’existe pas de personnalité à proprement parler pédosexuelle. Différentes théories ont tenté
Une large partie de la population vit sa pédophilie dans l’abstinence. sent absolument rien et simplifient dangereusement la réalité. L’importance de nuancer ces études est manifeste: bien que de nombreux pédosexuels aient été victimes d’agressions pendant l’enfance, un enfant victime d’agression ne deviendra pas pour autant pédophile. La valeur conférée aux statistiques fait souvent croire à tort qu’elles sont prédictives et génère des craintes vives chez les victimes d’agressions. L’autre facteur de risque principal de devenir pédosexuel est l’attirance sexuelle envers les enfants, que nous appelons ici «pédophilie». Cependant, les études qui le rapportent sont menées à partir des pédosexuels identifiés et incarcérés (pas représentatifs de la majorité qui n’est pas inquiétée par la justice). De plus, il existe des pédosexuels qui ne sont pas pédophiles.
et statistique des troubles mentaux, ne s’aventure que jusqu’au terme «d’intérêt sexuel» pour les enfants. D’autres, comme Latifa Bennari, ou encore le psychologue Hubert Van Gijseghem, peuvent parler «d’orientation sexuelle», assumant l’irréversibilité et la dimension affective que ce concept comprend. Il existe des pédophiles attirés exclusivement par les enfants (d’un certain âge, d’un certain sexe ou non), et de nombreux autres attirés également par des adultes. Certains passent à l’acte, d’autres non. Une large partie de la population vit sa pédophilie dans l’abstinence. Pédophiles abstinents laissés pour compte Ces personnes, trop diabolisées pour s’exprimer, trop isolées pour recevoir de l’aide dans leur
détresse, s’amalgament souvent elles-mêmes avec des images de monstres, oubliant que leur identité ne se résume pas à cette orientation sexuelle. Plusieurs témoignages sont réunis dans l’ouvrage de Latifa Bennari Pédophiles, ex-auteurs, et victimes paru en 2014. Aucun espace n’est prévu pour venir en aide à ces personnes, la seule prise en charge existante est une prise en charge institutionnelle après un passage à l’acte condamné en justice (à Montréal le Groupe Amorce vient en aide aux pédophiles déjà condamnés, et il n’existe pas d’autre organisme communautaire pour cette population). Bien que des statistiques représentatives manquent, les cliniciens en contact avec cette population constatent que cette orientation sexuelle déviante se déclare souvent à l’adolescence. Des témoignages directs expriment le désarroi de ces jeunes qui ne peuvent sortir de leur honte anxiogène permanente en avouant leur orientation à d’autres personnes que celles partageant le même intérêt. Comment s’étonner que certains finissent par se convaincre entre eux que c’est la société qui a tort et qu’ils ne font pas de mal s’ils laissent s’exprimer leur amour sexualisé pour les enfants? Il semble trop tard pour s’étonner ensuite qu’ils cèdent à leurs pulsions… Hormis l’association L’Ange Bleu en France et une ligne d’écoute pour personnes pédophiles en Allemagne, les espaces qui viennent en aide à ces personnes sont inexistants. Coller l’étiquette du criminel sexuel dangereux semble plus facile que de tendre la main aux nombreux pédophiles qui ne désirent pas céder à leur pulsion. Les réactions lors des rares propositions d’aide révèlent l’ampleur de ce phénomène passé sous silence: Latifa Bennari raconte avoir reçu quantité de courrier de personnes pédophiles à la suite de sa participation à une émission de la radio montréalaise Radio X le 9 février 2014. Tout le monde crie au loup contre les pédophiles. Paradoxalement, un enfant qui dévoile son agression sexuelle est fréquemment soupçonné de mentir et encouragé à se taire par ses proches. De l’autre bord, des pédophiles soucieux de ne pas passer à l’acte ne peuvent trouver aucune aide. Diaboliser la pédophilie, n’estce pas une manière de loucher pour ne rien voir du problème réel en partageant une bonne conscience consensuelle? x
le délit · mardi 10 février 2015 · delitfrancais.com
Enquêtes
«Aille âme McGill» Protéger, commercialiser et arborer un logo. Gwenn Duval
Le Délit
P
orter les armoiries de son école, quoi de plus ordinaire? Le Délit s’est donné pour mission d’écouter ce que le blason de l’Université McGill avait à dire aujourd’hui, afin de mettre au clair les messages implicites qu’il pourrait véhiculer sur le campus. Marque de fierté, appartenance à une communauté ou cachet de l’intelligentsia sont autant de murmures qui circulent à son sujet. En tendant l’oreille à gauche et à droite, on s’aperçoit qu’il est au centre de préoccupations insoupçonnées par le commun des étudiants. Des origines de l’enseigne au nouveau onesie gris disponible à la librairie McGill (bookstore), les trois oiseaux sans pattes, merlettes de McGill, ont une valeur qui, sans être volage, ne semble pas immuable.
ce logo. Le peu d’importance accordée à la signification originale donne-t-il un autre sens au message véhiculé par l’emblème? «Le propre d’un signe est qu’il demande d’être d’abord identifié avant d’être compris», indique M. Arnaud Bernadet, professeur au Département de langue et littérature françaises. Marque de prestige «L’identité visuelle est l’un des plus grands atouts de l’Université», stipule la Politique d’utilisation de la marque déposée de l’Université McGill. D’ailleurs, pour reproduire le logo de l’Université, il faut suivre des contraintes très strictes; on ne peut pas
dans son usage originel l’enseigne même d’une boutique, la boutique contemporaine du savoir». C’est au fil des ans que les armoiries ont obtenu leur signification d’aujourd’hui, leur valeur de logo «comme preuve d’une histoire, d’une longévité, d’une tradition» ajoute M. Bernadet. Les armoiries sont donc inhérentes au message véhiculé sur le campus, celle de l’appartenance à une grande famille institutionnalisée. Ce qui est pour
En plus de son rôle dans le commerce du savoir, le logo de McGill sert aussi à la vente de produits, multipliant les reproductions de l’enseigne sur toutes sortes d’objets disponibles à la librairie et au centre sportif. La marque de prestige en prêt-à-porter vivifie les affaires. «La vente de produits qui portent l’enseigne est une partie du business qui
le moins étonnant, c’est qu’elles semblent être «gages de qualité» non pas grâce aux mots inscrits ou aux symboles, mais grâce au simple fait qu’elles sont des armoiries. Le
s’agrandit» affirme Jason Kack, directeur général de la librairie. Sans fournir de chiffres officiels, il confie que la vente des produits dérivés génère un profit de plus en plus important. Même si la vente des manuels scolaires et des notes de cours rapporte encore la plus grande part des revenus, elle décroit d’année en année et «l’impact de la baisse de vente des livres, reconnaît Jason Kack, n’est pas [encore] compensé par l’augmentation des ventes de produits dérivés malgré que ceux-ci soient plus rentables». Il s’agit, selon lui, d’une période de transition: «c’est un phénomène qu’on remarque dans toutes les universités d’Amérique du Nord.» Il ajoute que le travail actuel qui se concentre sur la vente de produits permettra de pallier la diminution des revenus liée à la baisse des ventes de livres. L’enseigne de McGill ornera donc de plus en plus de produits divers. Cependant, le commerce se heurte à une difficulté: les contraintes de style imposées par le secrétariat, le gardien du logo McGill. Respecter la police, la disposition, etc. rend plus difficile l’adaptation à un marché étudiant. Impossible de vendre un chandail avec un logo délavé (ne parlons même pas d’une blague ou d’un heureux jeu de mots). L’image véhiculée de McGill doit rester conforme aux valeurs de l’Université. La mue du logo
Chloé Anastassiadis
changer de police au gré d’une fantaisie, ni manquer de respect aux mensurations prescrites. Les armoiries comme marque de commerce de l’Université se seraient imposées d’elles-mêmes. Selon le professeur Bernadet, «ce n’est pas le logotype qui est une armoirie mais l’armoirie qui est devenue un logotype, c’est-à-dire
le délit · mardi 10 février 2015 · delitfrancais.com
moment car la Politique est en train d’être revue. Il est possible que l’enseigne change de gardien pour s’adapter, entre autres, à la nouvelle réalité des médias sociaux. Le directeur général de la librairie McGill indiquait qu’ils étaient les seuls, avec le centre sportif, à détenir le droit d’utiliser la marque de commerce sur des produits dérivés – exception faite du campus où les étudiants s’en servent parfois à petite échelle, ce
La marque de prestige en prêt-à-porter vivifie les affaires
Quid est hoc quod dicit? Les armoiries de l’Université McGill, qui comprennent l’écu et le listel, sont inspirées de celles de son fondateur: le riche marchand de fourrure James McGill. Les trois oiseaux rouges sont des merlettes; il est difficile d’établir avec certitude leur signification, mais l’hypothèse la plus probable est celle rapportée par Raphaël Thézé dans Le Délit spécial royauté du premier mars 2011: «lorsqu’elles sont rouges, [les merlettes] symbolisent l’ennemi tué sur le champ de bataille. En héraldique [étude des armoiries, ndlr], elles sont habituellement représentées sans bec ni pattes pour illustrer les blessures reçues.» Le livre ouvert est le symbole de l’enseignement institutionnalisé et l’inscription en latin In Domino Confido se réfère à la devise de James McGill: «J’ai confiance en Dieu.» L’autre inscription en latin est celle du listel: Grandescunt Aucta Labore. Elle se traduit ainsi: «Par le travail, toute chose augmente et croit.» Or, parmi l’échantillon d’étudiants interrogés au hasard par Le Délit, qui n’avaient en commun ni la langue, ni le niveau d’étude et dont l’unique ressemblance était l’enseigne qu’ils portaient sur leur sac ou leurs vêtements, pas un seul n’était en mesure d’expliquer la symbolique de
Produits dérivés
contenu du message passe inaperçu, c’est le contenant qui communique. Il serait inexact de dire que la reconnaissance internationale dont jouit depuis fort longtemps l’Université McGill n’a pas procuré au logo son prestige, mais la contribution de l’image commerciale à sa renommée ne semble pas pouvoir être ignorée non plus.
Du côté du secrétariat, «l’autorité absolue en matière de cérémoniale» selon le site de l’Université, l’agente de règlementation Bonnie Borenstein est chargée d’octroyer, ou non, l’autorisation d’utiliser la marque de commerce de McGill. Préoccupée par l’écriture d’un article de journal sur le logo, elle déclare tout de suite que rien ne peut être affirmé à propos de sa gestion pour le
qui représente une part négligeable du marché. Bonnie Borenstein, quant à elle, confie au Délit qu’une investigation est en cours pour déterminer si l’utilisation du logo par d’autres commerçants serait profitable, se rapprochant ainsi du modèle états-unien où les chandails Harvard sont vendus jusque dans les aéroports. Cependant, rien n’est encore certain et la préoccupation première du secrétariat est de protéger l’image de McGill, conformément aux valeurs de l’Université. «L’estampille sacrée», comme l’appelle M. Bernadet, doit-elle craindre la prolifération de ses reproductions sous peine de perdre en rareté? Toutes les conséquences sur la réputation d’excellence de l’Université McGill doivent être pesées quand on touche à l’effigie, et cela implique une organisation complexe qui doit prendre en compte de nombreux partis. Quoi qu’il en soit, les merlettes ne sont pas en voie de disparition, même si elles n’ont, en théorie, pas le droit de sortir de l’écu sans autorisation spéciale. On remarquera tout de même que lorsque l’image est en jeu, l’étiquette a l’air de gagner en souplesse au profit de la notoriété et des intérêts commerciaux. En fin de compte, c’est peut-être en regardant sa trajectoire, plus que le logo lui-même, qu’on perçoit les multiples tenants de l’esprit de l’Université.x
lle i p m ta «L’es crée» sa
société
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Points de vue Opinion
Vive l’Institution! Quand jeunesse refait le monde. Thomas Simonneau
Le Délit
L
’institution est un mot qui fâche en Occident. Taxée de machine à reproduction sociale favorisant toutes sortes d’abus de pouvoir, elle est souvent et heureusement critiquée, méritant ainsi toute notre attention. Profitant de cette grande institution qu’est notre cher Délit, je me permets de soumettre quelques vagues réflexions sur ces entités indispensables au bon fonctionnement de la vie en communauté. N’ayant jamais lu une ligne de Foucault (pourtant vénéré parmi mes amis anglo-saxons) et fort d’un moyen 12/20 à l’épreuve de philo du bac français (section économique et sociale, qui plus est), ce texte est très loin d’opérer un éclairage philosophique mais traduit plutôt des expériences vécues, des observations faites en tant qu’étudiant, stagiaire, employé, repris de justice, patient, délégué international,
déficitaire bancaire et autres situations circonstancielles de notre monde dit postmoderne.
d’un bel optimisme, sa réflexion sur l’évolution des modes de communication contemporains
L’idée d’écrire cette opinion m’est venue en regardant la «Master Class» du 15 mars 2013 du philosophe Michel Serres à l’École de la Communication de Sciences Po Paris. Empreinte
nous interpelle forcément, nous, jeunes connectés de la génération Y. Du haut de ses 84 bougies, la jeunesse de ses propos vient défendre l’idée d’un monde révolutionné où tous les outils tech-
nologiques nous seraient donnés afin de construire une société plus avertie et ainsi, plus juste. En ce sens, Michel Serres nous propose un regard vers l’avenir que je me permets, en toute subjectivité, d’interpréter de cette manière: nous permettrons-nous de repenser une société où le professeur n’aurait pas le monopole du savoir, le médecin celui de la santé, l’architecte celui de l’espace, l’avocat celui de la justice, le patron celui du capital et le politique celui du pouvoir réel? Toujours existantes mais forcément décentralisées, les asymétries de pouvoir et autres abus institutionnalisés seraient ainsi moins nocifs. Plus démocrates, nous trouverions assurément des solutions plus adéquates face aux problèmes sociaux ressassés sans arrêt par nos médias. Après quatre années universitaires et d’innombrables heures à arpenter les réseaux sociaux, une question me trépigne malheureusement toujours: mais où
sont donc passés nos anars, nos cocos, nos syndiqués, nos rockstars? La peur du chômage dans un monde de plus en plus compétitif nous aurait-elle à ce point asphyxiés? Existe-t-il des libertaires et révolutionnaires du 21e siècle? En effet, le conservatisme des gens de mon âge me semble être une évidence. Les jeunes d’aujourd’hui sont trop sages, les étudiants trop sérieux. La police se tourne les pouces. La violence ne s’exerce plus dans la rue ou au sein d’espaces publics de plus en plus fragilisé, mais plutôt à l’école, au sein des entreprises, dans nos institutions, de manière plus discrète. Au même instant, ces dernières dépérissent, dédaignées, fatiguées, sans remède. Assemblées accablées, universités ruinées, musées inusités, hôpitaux surchargés et autres antiquités: il est grand temps de penser à se repenser. On ne va tout de même pas le faire pour vous, nous, les jeunes. On espère le faire avec vous.x
destinaient à devenir enseignants. Ils figuraient parmi une centaine de leurs semblables, regroupés le 26 septembre 2014 pour manifester contre les réformes de l’enseignement du gouvernement fédéral. Une violente altercation a eu lieu avec la police locale de la ville d’Iguala, qui a fait une vingtaine de blessés, 6 morts et 43 desaparecidos. Fin janvier, le gouvernement mexicain a confirmé leur décès, orchestré par un cartel de la drogue «qui les avait pris pour des membres d’une bande rivale», a rapporté Radio-Canada. Pourtant, deux membres du cartel Guerreros Unidos, arrêtés et interrogés le lendemain de la disparition, ont avoué avoir pris part à l’enlèvement dans la cohue, puis au massacre de 17 d’entre eux, ainsi qu’à leur incinération. Tout cela a été exécuté, selon eux, sous les ordres de leur chef, lui-même commandé pour l’occasion par le
chef de la sécurité publique de la ville d’Iguala. Selon le témoignage des deux hommes, ce dernier aurait simplement suggéré de faire une frayeur aux manifestants. Les meurtres résulteraient du trop grand zèle du chef du cartel. Par la suite, le maire d’Iguala et sa femme ont été arrêtés: vraisemblablement concernés, ils avaient fui la ville dès le lendemain. En outre, on a passé les menottes à 22 policiers de la ville pour leur flirt régulier, et plus si affinités, avec les narcotrafiquants. L’affaire a l’air absurde et tirée par les cheveux. Il y a trop de partis en jeu, des aveux, des arrestations, mais deux protagonistes semblent avancer main dans la main: cartels et institutions locales. Ils éliminent ceux qui ne suivent pas, ceux qui parlent trop, ceux qui regardent. Entre deux cargaisons d’héroïne, ce sont eux qui font la loi.x
Chronique
Les pido perdon Esther Perrin-Tabarly | Raconter au prix d’une vie.
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n matin, sortant de chez elle, María del Rosario Fuentes Rubio alias @Miut3 est chargée dans un camion par des hommes armés. Le lendemain, elle est déjà morte. Le 17 octobre 2014, c’est un tweet bien singulier qui attend les abonnés au compte de @Miut3, ou «Felina»; une photographie de son cadavre difforme, légendée: «[…] Aujourd’hui ma vie arrive à
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société
son terme, il ne me reste qu’à vous dire de ne pas faire mon erreur: il n’y rien à gagner. […] Je vous demande pardon.» Une figure blanche sans visage, une trainée de sang et des excuses. Médecin et activiste mexicaine, María del Rosario dénonçait, sous son pseudonyme, les affaires des narcotrafiquants de sa région. Elle contribuait au site «Valor por Tamaulipas» (Courage pour Tamaulipas, ndlr), un blog d’information sur le trafic de narcotiques dans la ville de Tamaulipas, sur la côte atlantique du Mexique. Le site publiait des identifications des membres des cartels, et en nommait les crimes. La triste réalité mexicaine, c’est une loi qu’on chuchote: on ne touche pas aux narcotiques. Les chiffres de la drogue au Mexique sont astronomiques. Selon le Rapport d’évaluation nationale de la menace liée à la drogue publié
en 2010 par le département américain de la Justice, la production d’héroïne au Mexique s’élevait à 38 tonnes en 2008, soit 20 tonnes de plus que l’année précédente. L’index de perception de la corruption calculé par l’agence Transparency International reléguait, en 2014, le Mexique au rang de 103ème sur 175 pays classés selon leur score. Celui du Mexique était de 35%, très loin du 100% qui indique le plus bas niveau possible de corruption. De plus, selon un rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), le nombre total de crimes liés au trafic de drogues s’y élevait à près de 12 000 pour l’année 2012 seulement. L’exécution de Mme Rubio a eu lieu un mois environ après la mystérieuse disparition de 43 étudiants mexicains. L’histoire de ces derniers a fait le tour du monde. Ils avaient entre 17 et 21 ans, et se
le délit · mardi 10 février 2015 · delitfrancais.com
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littérature
Un Houellebecq polémique
Michel Houellebecq dépeint une France fracturée faisant face au retour du religieux. anaÏs rossano
Le Délit
S
oumission, c’est d’abord un titre pas vraiment innocent: de quelle soumission l’auteur s’apprête-t-il à nous parler? Soumission de la société française face à l’influence musulmane? Soumission des femmes voilées face à leur mari, dans un pays où soudainement la polygamie est légalisée? Soumission du protagoniste face à son destin? Houellebecq joue ici avec l’étymologie du mot «islam», qui signifie «soumission». À peine sorti des bacs en janvier, le nouveau livre de Michel Houellebecq connaît un succès fulgurant, et des critiques assumées. Jugé comme livre islamophobe, provocateur ou décevant, Soumission s’inscrit dans une lignée d’œuvres qui font parler d’elles de par leur contenu et leur style propre. Souvent considéré comme écrivain provocateur, Michel Houellebecq nous fait découvrir dans son dernier livre une France à la dérive en 2022, fragmentée par les échecs de la gauche au pouvoir. Les élections présidentielles arriveront et feront tout changer. Viendra le temps des réunions entre un Parti socialiste (PS) affaibli et une Union pour un mouvement populaire (UMP) mourante pour éviter l’accès au pouvoir du Front national (FN). Les résultats tombent: le leader du Parti Musulman modéré
est élu. Le nouveau président, Mohamed Ben Abbes, visionnaire et intelligent, viendra bousculer les fondements même de l’identité française laïque. L’enseignement est privatisé, les professeurs non convertis à la religion du Coran sont virés, avec une prime de retraite très satisfaisante pour «éviter de faire des histoires». Les femmes sont reléguées au foyer, se voilent, et la polygamie est autorisée. Mais la situation sociale s’arrange, le chômage et la délinquance baissent, et Ben Abbes conduit un projet d’élargissement de l’Europe au bassin méditerranéen. Au fil des pages, on découvre le narrateur, François. Universitaire quadragénaire à la Sorbonne, ayant consacré sa vie aux œuvres et à la personne de Huysmans, écrivain du 19e siècle, il est lassé de tous les plaisirs de la vie. Héros houellebecquien par excellence, véritable solitaire, détaché de toutes émotions, le protagoniste apparaît comme bien fade et inexpressif face à de nombreuses situations. Habitant dans le 13e arrondissement de Paris, il pense que vivre dans le quartier chinois le protégera d’une possible insurrection. Il enjambe un cadavre dans une station-service sans esquisser la moindre réaction. Il apprend le décès de sa mère par courrier, puis celui de son père de façon très calme, comme si tout son être était dénué de sentiments humains et
d’émotions. Ses relations avec les femmes sont tout aussi compliquées et hasardeuses. La seule femme à le rendre vivant, Myriam, s’exile en Israël peu avant le second tour décisif des élections. François suivra alors Huysmans, en se convertissant non pas au catholicisme mais à l’islam. Sa conversion s’écrira au conditionnel, donnant un caractère ambigu à la fin du roman. «… Une nouvelle chance s’offrirait à moi; ce serait la chance d’une deuxième vie, sans grand rapport avec la précédente. Je n’aurais rien à regretter.» Telle est la manière dont François met un terme à sa première vie, sa conversion s’apparentant alors plus comme une opportunité qu’un désir de foi. Amplement commenté par la classe politique et médiatisé, Soumission déchaine les polémiques. On pourrait lire ce livre comme un roman islamophobe, machiste, misogyne, ou plutôt comme un éloge à l’islam. Pourtant il n’en est rien, et Soumission reste une fiction, un livre au contexte amer, grinçant et moralisant. Car il ne s’agit pas d’un programme politique mais bien d’une réflexion sur notre société et notre époque. Houellebecq nous montre les travers d’une France épuisée, au bord du gouffre, proche de l’extinction. Le style de l’écrivain est présent: un coup de plume bien maitrisée, à dégagement philosophique et à l’ironie sociologique baignée d’un
clement bletton
ton neutre et assez simple. Doiton voir un futur proche comme annoncé par le roman? Non, insiste Houellebecq qui fait figure d’écrivain dressant un constat froid sur un monde occidental et une modernité face au retour du
religieux politique. Quelle tâche difficile, alors, de ne pas être aveuglé par les débats qu’engendrent le roman. Que l’on aime ou non le dernier roman de Michel Houellebecq, Soumission restera un livre qui fera parler de lui. x
chronique
Le mot à l’oeil
Gwenn Duval | Petit cours d’écriture à l’usage de tous.
«R
egardez donc devant vous lorsque vous marchez!» Qui peut encore ignorer, aujourd’hui, le risque de frapper involontairement un concitoyen lorsqu’on se pro-
mène le nez en l’air? Même combat pour les yeux rivés aux trottoirs, ils marquent d’un point rouge ma cible de cette semaine: la vue des mots. La vue permet de percevoir, le mot de concevoir; à moins que ce ne soit l’inverse. Admettons que la vue est un sens, changeons-le sans trop s’en faire et obtenons-en ainsi un nouveau. En vue d’établir un rapport clair entre les mots, je vous confie mon présupposé: on ne voit pas ce qui est dans l’angle mort. Mon projet de cette semaine est de vous montrer que si l’on a un but, une visée, il faut porter son regard dans le bon sens. Cela semble couler de source, pourtant il n’est pas rare celui qui,
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atteint d’un strabisme insoupçonné de l’esprit, regarde à droite lorsqu’il tourne à gauche. Nul besoin de détailler les risques d’une telle entreprise mal coordonnée sur la circulation des autos, des motos et des mots. Alors, oui, il faut être à l’écoute de ce qu’il se passe autour, balayer des yeux l’environnement, mais il faut conserver un minimum de bon sens. Autrement, la fluidité en pâtit: c’est le cas de Narcisse, se noyant dans un verre d’eau qu’il avait lui-même pris soin de remplir, au lieu d’y épancher sa soif. Triste affaire, que de larmes dilapidées, brouillant la vision des échos, coupant court à la chasse. Les flèches de Robin-des-Bois ont quelque chose de plus percutant.
Lorsque le tir suit l’œil, le mot voit clair. Projeté dans l’air, il siffle jusqu’au papier, s’infiltre entre les autres, s’étoffe de sens et finit par refléter l’idée plus que l’archer. Jusqu’ici vous marchez? Pourriezvous lire en regardant ailleurs? Je ne crois pas. Alors d’où vient l’inconstance des propos? De ce qu’ils oublient souvent de regarder où ils vont. Ils se heurtent, vous dis-je. Les mots qui se regardent, qui se délectent de ce qu’ils ont écrit non pas dans le but d’élaborer, de chercher, de remettre en question, de communiquer ou encore d’offrir mais dans celui de se jeter des fleurs: voyez le beau coup. Mon œil!
Les mots voient double, triple parfois, mais les mots voient. Lorsque l’on joue avec des entités qui ont de tels sens, peut-on vraiment les accorder avec une courtevue? Pour en revenir à mon promeneur, je lui concède deux choses: en vue de protéger sa boîte crânienne, l’intérêt est manifeste de garder un œil sur les trottoirs glissants; dans la même optique, on n’est jamais à l’abri d’une stalactite ou d’une pelletée de neige tombée d’un balcon. Ayez bon pied, réveillez-moi ces yeux qui se croisent les bras ou sortez-les de vos poches, remettezles en face des trous et gardez-en un sur les mots, vous éviterez ainsi bien des escarmouches. x
CULTURE
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entrevue
«Le succès du rap Le Délit a rencontré en exclusivité les deux membres du groupe de rap acadien
L
e Délit (LD): Pouvez-vous faire un bref historique de votre groupe pour les lecteurs du
Délit? Jacques Alphonse Doucet (JD): On s’est rencontrés en 2002 à Moncton quand on avait différents groupes et projets particuliers, pis on est devenus amis. C’est pas avant 2006-2007 qu’on a commencé à écrire de la musique ensemble pour créer Radio Radio. On a fait un EP pour se faire connaître ici à Montréal pis en Acadie. Et là par après en 2008, après qu’on a rencontré notre label, avec le EP, on a sorti Cliché hot; c’est un premier album qui s’est fait connu. On a joué à l’ADISQ avec Ariane Moffatt. On s’est fait connaître un peu plus au Québec avec «Jacuzzi» qui s’est fait pické up par Telus. Après on a fait Belmundo Regal, avec Timo qui quitte le groupe. Après Belmundo Regal on décide d’aller changer les saveurs pis faire Havre de grâce en Louisiane pis en Nouvelle-Écosse; pour toute changer les idées, pis faire quelque chose qu’y’est plus artistique et flyé. Et là on retourne avec Ej Feel Zoo, un party album, qu’on voulait ajouter pour faire un show live plus énergétique. Depuis, Alexandre aussi a décidé de faire un projet solo. LD: Est-ce que vous considérez la chanson, et dans votre cas le rap, comme partie de la littérature? JD: Dans la poésie, oui. Avant Radio Radio on était publiés dans Exit. Quand tu fais ton album t’es publié sur ton livret, d’une façon ou d’une autre, juste pas de la façon traditionnelle en littérature… On fait
pas les salons du livre! Mais je dirais, oui, c’est de la littérature parce qu’on raconte des histoires. Y’a des thématiques, y’a de la poésie. Sauf qu’on le présente pas comme ça. Mais ça ferait drôle pareil: prendre toute les albums pis faire un petit livre de poésie en format régulier. Pour les dix ans de Radio Radio ou dans quelques années. Gabriel Louis Bernard Malenfant (GM): Moi je pense que c’est totalement de la poésie. C’est rap: c’est rhythm and poetry. C’est pas packagé comme un livre de poésie à l’Édition Perce-Neige [mais] ça pourrait facilement l’être. J’pense que y’a du snobisme à tous les niveaux de la littérature. J’pense qu’avec du recul pis avec de l’ouverture d’esprit, on voit que les jeunes aujourd’hui consomment plus de rap qu’ils consomment de poésie traditionnelle. J’pense c’est important d’avoir les deux. L’idée du rap c’est un gars qu’y a mis son âme, qui communique avec ses mots, son histoire, j’pense par exemple à Tupac: y’a plein de cours universitaires qui l’étudient avec une perspective de littérature. LD: Qu’est-ce que le rap vous permet d’exprimer de plus que l’écriture seule ou la chanson traditionnelle? GM: J’pense que le rap et la culture hip-hop sont tellement universels, pis ont pris le globe par assaut: autant que sur la télévision on va voir du gansta rap, qui a un côté beaucoup plus matériel, y’a du rap pour tout le monde: y’a du conscious
amélia rols
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Culture
rap, y’a du christian rap, du spiritual rap, y’a du party rap, y’a du rap de n’importe quoi. Le succès est dans son ouverture, pis dans sa capacité de s’adapter à la réalité de n’importe qui, pis le lifestyle de n’importe qui. Ce qu’y’est cool avec le groupe, c’est qu’on a chacun notre perspective, notre thématique, ce qui fait que nos fans peuvent être de n’importe quelle humeur pis de n’importe quel background pis ça finit par toucher une certaine corde. On peut explorer différents côtés de nous autres. JD: Moi j’ai tombé dans le rap par accident parce que j’aime beaucoup l’country. J’aimais écouter l’country pis j’aime les histoires du country, et là le rap y’a des histoires aussi. Les deux ont des histoires, mais avec le country je me limitais parce que souvent c’est des courts textes pis tu peux pas aller en détail, pis tu peux pas t’amuser, pis jouer avec la langue c’est plus difficile en country. Dans ma tête y’avait pas assez de texte: avec le hip-hop tu peux aller dans des tangentes pis t’amuser. Avec le country faut vraiment choisir ses mots.
«J’pense que y’a du snobisme à tous les niveaux de la littérature.» GM: Les thématiques c’est comme: «J’tais drunk, my girlfriend, pis mon truck, pis mon chien»… JD: … non mais, c’est bien plus que «C’est mon chien qu’est mort». Mais j’trouvais que c’était plus difficile de faire du country que faire du rap, pas dire que le rap c’est facile aucunement, mais c’était trop difficile avec le country parce que j’avais trop de textes… GM: … pis pas de truck pis pas de chien! LD: Comment trouvez-vous l’état de la littérature acadienne aujourd’hui? JD: J’trouve c’est l’fun, j’veux dire avec les artistes qui sort pis qu’écrivent dans leur langue c’est l’fun. Chai pas j’ai hâte de voir comme la prochaine génération, qu’estce qu’y vont faire avec. Et non seulement y’a le parler, le côté acadien, mais y’a la littérature aussi. Dans mon opinion, porter l’Acadie c’est l’fun: le Québec découvre l’Acadie, mais j’pense qu’en littérature il faut aller au-dessus de ça, ça doit être compris par tout le monde. Pour pas que ce soit seulement une affaire de «Ah c’est acadien», mais une affaire de «Ah c’est de la bonne littérature». Mais ça s’en vient. Georgette Leblanc j’adore ce qu’elle fait, pis moi comme Acadien j’adore ça.
GM: J’pense que avec les Éditions Perce-Neige, l’éditeur à Moncton qui cherche à pousser la littérature des jeunes beaucoup, ça a commencé avec Gérald Leblanc, c’est rendu avec Patrice Serge Thibodeau, y’a eu beaucoup de livres. J’pense que Georgette Leblanc c’est un bon exemple, c’est le langage acadien but les textes sont quand même universels. JD: Ça j’aime Serge Patrice pour ça, y’écrit bien mais c’est non seulement français, québécois, acadien… c’est tout. LD: Est-ce qu’il y a une influence de Gérald Leblanc ou d’autres artistes acadiens dans votre écriture? JD: Moi personnellement… indirectement oui, directement non parce que j’ai jamais lu un livre de Gérald Leblanc. Mais la personne comme telle je la respecte énormément parce que je l’avais rencontré. Pour ce qu’y’est des artistes acadiens, moi ça vient de la Nouvelle-Écosse: c’est Grand Dérangement et Blou qui m’ont plus influencé. GM: J’ai pas lu beaucoup de poésie, mais quand j’ai lu Cri de terre de Raymond Guy-Leblanc ça m’a vraiment marqué; il y a [dans le recueil] la révolte de quand t’es un teenager qui a résonnance [pour moi]. Aussi, obviously, Acadie Rock [de Guy Arseneault], y’avait comme toute une affaire de prise de conscience politique, identitaire, faite à travers du chiac. [C’est] les petits mots qui nous fait vibrer, comme Kent Building Homes [un constructeur de maisons dans les maritimes], c’est voir ton existence sur papier. Parce que chez nous y’a pas de Passe-Partout en chiac, y’avait pas de télévision acadienne, ça fait que le p’tit peu qu’on a pu voir dans la littérature ça a vraiment vibré chez nous. Moi Gérald
c’tait Moncton Mantra, j’ai beaucoup aimé ça. Les textes de 1775, la musique c’est sûr que encore une fois ça passe plus dans les maisons. Gérald Leblanc ça a été un des premiers poètes [acadiens] à se faire traduire en espagnol, en anglais, à voyager à l’international. LD: Quelle est l’influence de Montréal dans votre production de musique? JD: Toutes nos idées venons d’une ville, soit Moncton ou ici, n’importe où, mais la majorité se fait dans une place isolée loin de tout. GM: Mais ce qu’y’était drôle c’est que quand on a écrit Cliché Hot on habitait à Moncton… JD: Tous ensemble! GM: Ouais, on était tous à Moncton ensemble pis on a fait un album vraiment urbain, c’était électro, pis la couverture c’était des TVs. Pis là quand ce qu’on a fait le deuxième disque, Belmundo Regal, on a déménagé à Montréal pis là on habitait à Outremont, qu’était comme la ville, but en même temps quelque chose d’enchanteur: c’est les arbres, le temps est lent par rapport au reste de Montréal. On a fait un album avec un voilier qui appelait la mer, ou une nostalgie pour chez nous. C’est peut-être une façon de l’interpréter. Pis là Havre de Grâce on a rencontré plein d’artistes. Alexandre y’avait plein de chums qu’y’avait envie d’intégrer dans le projet: y’avait des gars de Montréal, des gars japonais, américains… JD: Pis avec la Louisiane on voulait faire appel au côté francophone, acadien, cajun, mettre ça ensemble. On voulait pas faire un album cajun, mais on voulait jouer avec l’idée. Finalement on a réussi à faire un mix entre les deux.
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est dans son ouverture.» Radio Radio, Jacques Alphonse Doucet et Gabriel Louis Bernard Malenfant. bonsound
acadien, «on abuse la langue parce qu’on est Acadiens». Pis là Lisa LeBlanc est rentrée par après, ce qu’y a fait [les choses] plus faciles pour les Hay Babies et les autres groupes je pense. GM: Juste le fait que Lisa LeBlanc a été à Tout le monde en parle deux fois. Nous on a été une fois. Juste le fait que le monde entende l’accent. Le fait qu’y’ait des gens comme Guy A Lepage [ça aide]. C’est l’fun de se faire apprécier par les fans qui aiment la musique, mais quand la machine embarque pis dit «C’est ok», elle promouvoit et ça se rend à la masse, c’est big. Au début quand ce qu’on était à Montréal, je pense que l’accent [acadien] était beaucoup plus étranger, ça sonnait comme de l’anglais. On parlait en français pis ils répondaient en anglais. Là maintenant on sait: «Ah c’est acadien» et pas «Ah c’est un bonsound
LD: Est-ce que c’est important pour les artistes acadiens de venir à Montréal? JD: Je pense que c’est important d’avoir une présence à Montréal. De vivre ici ça c’est autre chose, y’a d’autres groupes qui veulent rester à Moncton. Par exemple j’ai parlé la semaine passée aux Hôtesses d’Hilaire: ils veulent rester à Moncton, mais ils veulent quand même aller à Montréal pis travailler avec un label québécois. C’est pas nécessaire de vivre ici, mais je pense que c’est plus facile: si y’a une entrevue demain tu peux être là. Sinon ça va couter pas mal cher en billets d’avion, de train ou d’autobus… GM: Évidemment t’as plus de rayonnement, mais y’a personne qui dit que t’as besoin de déménager ici pour le faire. Dans notre cas, juste économiquement parlant, on a pas de sugar maman pour payer tous ces couts-là [de déplacement]. Juste pour faire des shows, tu peux tourner pis vivre au Québec, mais tu peux pas tourner pis vivre en Acadie. JD: L’argent rentre quand ça rentre pis t’es pas sûr quand… GM: Mais comme Lisa LeBlanc elle a créé un gros buzz, elle a resté par ici pis là maintenant a peut rester oùsqu’à veut: à peut rester en Acadie, wherever… faire des grosses runs pis retourner… LD: Est-ce que vous sentez une plus grande présence des artistes acadiens au Québec avec Lisa LeBlanc que vous venez de mentionner, mais aussi Joseph Edgar, les Hay Babies? JD: Y’a certainement une présence en général: y’a Jean-
c’est de la musique québécoise» ou «Non, c’est des Acadiens!». Alors ça c’est drôle. À la fin on est des Acadiens mais on est un groupe québécois parce qu’on fait tout ici; on est des Acadiens dans un groupe [québécois]. So on est les deux… GM: … ben on est Acadiens! Ce qu’y’est important c’est qu’on fasse de la musique pis que le monde aime ça. Mais je dirais pas qu’on est un groupe québécois… JD: Moi j’ai mes raisons: je dirais qu’on est des Acadiens qui font de la musique de l’Acadie, mais j’pense que vu qu’on est ici on est un groupe québécois composé d’Acadiens. GM: Groupe québécois? (rires) Je sais pas… tu dis pas: «C’est des oranges, but c’est dans un sac de pommes là donc…». JD: Non, non, non… c’est comme, t’as une équipe de sport, ok? Mettons tu joues au soccer, t’es une équipe au Canada, mais composée portugais. Tu vois ce que je veux dire? C’est dans cette logique-là, notre compagnie, notre marché est ici. GM: Une équipe de sport est avec une région, mais nous je nous vois plus comme un produit culturel… Mais au final ça change absolument rien.
«Le “J” comme ça, on se le crisse par la porte.»
«On s’est toujours amusés avec le style.» François Breau qu’est à la télé, Wilfred [Le Bouthillier] est encore là, pour une raison ou une autre, j’adore le gars… On reste présents, mais ça donne une bonne chance aux autres pour rentrer. JeanFrançois Breau et Wilfred avions fait leur affaire, mais c’était plus côté québécois, nord du NouveauBrunswick. J’pense avec nous autres, on a rentré le côté vraiment
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anglais qu’essaye parler français». Les mentalités changent, maintenant j’pense que l’accent est pas mal établi. LD: Comment vous vous sentez si parfois on dit de votre musique que c’est de la musique québécoise? JD: Sur Youtube y’avait une petite guerre des clans de «Ah
LD: Est-ce que vous pouvez expliquer la différence entre le chiac et l’acadjun? GM: Jacques now’s your chance! JD: C’est vraiment une affaire de région parce que nous [Gabriel et moi] ça fait longtemps qu’on se connait fait que j’ai pris un peu de chiac, il a pris un peu d’acadjun, mais va à Baie Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse pis dit: «Eille vous parlez chiac», pis on va être comme «C’est quoi le chiac?» On parle pas pareil. Quand j’ai été à Moncton la première fois, les gens me comprenaient pas parce que c’est un différent parler. Les expressions sont différentes. Leur utilisation de l’anglais est différente de la nôtre. Je pense que la raison pourquoi tout le monde dit qu’on parle le chiac c’est à cause de quand on a sorti en 2008 les gens ont vu le chiac surtout… GM: Parce que le brand était comme déjà formé à cause d’Acadie rock et compagnie. JD: Pis deux [membres du groupe] étaient du NouveauBrunswick et deux de la NouvelleÉcosse, on était prêts à dire, ok «chiac», peu importe… Mais plus que ça avançait plus qu’on se disait
«Ben, c’est pas chiac vraiment…». Ça revient à la même chose quand tu définis ça comme «un peu d’anglais, un peu de français», mais par chez nous on a des expressions complètement différentes que z’eux. Mais on finit par se comprendre. GM: C’est clair que dans l’acadjun y’a des expressions qu’on n’utilise pas [à Moncton]. Pour la façon de dire les choses y’a des racines qui viennent d’ailleurs en France ou wherever. Moncton c’est français-anglais-micmac, mais avec un gros poids d’anglais parce qu’on était moins isolés que la Baie Sainte-Marie. Moncton ça reste un lieu anglophone où les francophones sont venus, ont dû s’intégrer pour pouvoir travailler, changer LeBlanc et White pis apprendre à parler anglais automatiquement, dès la naissance. Ça fait une grosse différence aussi. JD: Même quand ce que tu vas de Moncton, pour te rendre à Cap Pelé ou Shediac, l’accent est toujours un peu différent. Y’a beaucoup plus de termes nautiques aussi. Nous autres, on a une tendance d’aller un peu plus vers l’espagnol: à place de «jamais» c’est «h’amais», «j’avions» c’est «h’avions». Le «J» comme ça, on le crisse par la porte; parce que c’est pas utile pour nous autres peutêtre, ch’ais pas pourquoi… LD: Est-ce que la mode et l’image sont des choses importantes dans le milieu musical? GM: Oui, je pense que c’est relativement important d’avoir un site Web, peut-être pas au même niveau que d’être en santé pis l’amour là (rires)… Mais on est conscient que c’est important, on s’amuse avec ça pis c’est pour ça qu’on a pu changer de style. C’est ce qui est resté constant dès le début; on s’est toujours amusés avec ça. JD: Ben comme les idées des albums, des choix musicaux, les styles ont changé. De Télé-Télé et Cliché Hot à Belmundo et Ej Feel Zoo, c’est comme le jour et la nuit. GM: On se disait toujours en jokant: plus que tu t’habilles de différente façon, plus tu peux avoir accès à des différents parties. Si t’es confortable à porter un threepiece suit, ben tu peux aller à des parties… JD: …avec des three-piece suits. GM: Si tu portes des dekshoo, tu peux aller à un autre party. [Le style], c’est une sorte de dextérité culturelle et sociale. On est des artistes; c’est une façon de s’exprimer, fait que on joue c’te game là. x
Virginie daigle Le Délit
Culture
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théâtre
Curieux comme c’est classique Attendez, La Cantatrice chauve se coiffe au Théâtre Denise-Pelletier? Baptiste RINNER
Le Délit
«P
ourquoi êtes-vous venus en retard?» demande, menaçante, Mme Smith à ses invités, les Martin. La phrase résonne étrangement en moi. Outre le fait que je sois un retardataire compulsif, ce qu’il y avait de plus délicieux dans cette réplique, c’est qu’au même moment je me faufilais entre les sièges de la salle DenisePelletier pour trouver le mien, étant arrivé en retard avec mon camarade de sortie. Est-ce un délire de persécution, un hasard surréaliste ou bien la coïncidence de l’art et de la vie qui fait se mêler constamment ma situation personnelle et les œuvres que je côtoie? La question se pose. En tout cas, nous sommes arrivés en retard, donc je ne suis pas en mesure de commenter le premier non acte de cette antipièce. La Cantatrice chauve de Ionesco est en effet la pièce par excellence du théâtre de l’absurde, montée ad nauseam dans le monde entier mais qui fait toujours son effet depuis sa création
au Théâtre des Noctambules en 1950. Le texte est publié quatre ans plus tard au sein du recueil Théâtre I de Ionesco chez Gallimard, avant d’être reprise au Théâtre de la Huchette en 1957, où les représentations se poursuivent sans interruption depuis. L’avantage d’une pièce telle que La Cantatrice chauve, connue et reconnue, c’est qu’elle valorise la mise en scène. En effet, le texte étant déjà plus ou moins connu du public, cela permet de se concentrer sur les choix de mise en scène et les effets qu’ils produisent. Le texte en soi est immanquablement comique; c’est au metteur en scène de transcender le texte et de révéler des effets insoupçonnés. Aussi arrivais-je (en retard) avec beaucoup d’attentes. Surtout que j’avais encore en tête la mise en scène d’Anton Golikov au Théâtre Sainte-Catherine l’année dernière, que j’ai eu la chance de couvrir pour Le Délit, qui est sans conteste la meilleure mise en scène que j’ai vu de La Cantatrice chauve. Il y avait dans cette mise en scène – bilingue –
gracieuseté d’isabelle bleau communications
tellement de trouvailles, de jeux de scène, de risques et d’imagination que j’y suis retourné une seconde fois le surlendemain. Il y avait, dans la mise en scène de Frédéric Dubois – c’était la troisième fois qu’il montait la pièce – de bons effets, qui mettaient en valeur les répétitions dans le texte, ainsi que le rôle de l’amnésie dans la constitution des personnages,
comme ma scène favorite des retrouvailles des époux Martin, de Manchester. Un plateau vide n’était peut-être pas le choix de décor le plus judicieux, mais il collait avec l’ambiance asilaire qu’il contribuait à créer. Une des dimensions les plus réussies de la mise en scène de Dubois est l’insistance sur le côté dérangé des personnages, des personnages sans histoire, ou sur une
histoire qu’ils ont oubliée, s’en racontant justement, des histoires, pour s’en sortir et passer le temps. La pièce prête évidemment à rire, de par la force du texte, et des rires s’échappaient effectivement de la salle Denise-Pelletier, même si la mise en scène n’a pas assez exploité le côté loufoque et complètement barré du texte, de mon humble avis de retardataire. x
Un monologue à plusieurs voix Wajdi Mouawad met en scène sa dernière pièce au Théâtre d’Aujourd’hui. pascal gely
MIRUNA Craciunescu
Le Délit
S
ous bien des aspects, la nouvelle pièce de Wajdi Mouawad reprend avec bonheur les thèmes de prédilection de ce dramaturge qui se plaît à marier les conflits familiaux aux problèmes identitaires qui résultent de l’immigration. Rien de bien surprenant, lorsque l’on sait que Sœurs s’inscrit dans un cycle domestique entamé avec la figure du fils dans Seuls, qui sera suivi de Frères, Père et Mère. Ainsi, l’écriture de cette pièce adopte un caractère intimiste qui tend à se détourner de la tonalité épique explorée dans des pièces comme Forêts, Incendies ou Temps. Il est cependant difficile de percevoir les drames de ses personnages dans un huis clos qui chercherait à les enfermer dans le cadre familial, dans la mesure où leur situation particulière ne cesse d’être projetée dans un contexte plus large. Ainsi en est-il des souvenirs d’enfance de l’avocate Geneviève Bergeron, qui se voient systématiquement rattachés à l’isolement linguistique de la communauté francophone au Manitoba, de même que la
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Culture
détresse émotionnelle de Leila – son alter ego d’origine libanaise – semble être entièrement attribuable à la guerre qui a contraint sa famille à fuir son pays pour se réfugier au Québec. Il va de soi que toute cellule familiale n’existe qu’au sein d’une communauté dont elle porte les conflits, et qu’il serait illusoire de chercher à détacher entièrement une tragédie individuelle du contexte plus large qui l’a vue naître. Or, cette tendance vers
l’universalisme a pour inconvénient de noyer les particularités de chaque personnage dans des situations générales qui en font davantage des cas de figure d’une tragédie collective que des individus. Il me semble par exemple que le dialogue comique qui confrontait «Djeneuvivi Burgeron» au réfrigérateur anglophone de sa chambre d’hôtel interactive de luxe en révélait davantage sur ce personnage que les tirades lyriques qu’elle a échangées par
la suite avec l’experte en sinistres qui venait constater l’étendue des dommages qu’elle avait infligés à sa chambre dans un accès de rage, après avoir constaté que la télévision de sa chambre offrait des services en chinois ou en russe, mais pas en français. Cela dit, je tiens à souligner que la mise en scène d’une pièce semblable représentait des défis considérables que Wajdi Mouawad et son équipe ont su relever avec brio. En effet, il n’est
sans doute pas facile de faire reposer le poids d’un spectacle de deux heures sur les épaules d’une seule actrice sans risquer de perdre l’attention de son public, ce qui se serait sans doute produit si le spectacle nous avait été offert sous la forme d’un monologue. On ne peut donc qu’admirer l’utilisation judicieuse des effets de lumière projetés sur la scène qui ont eu pour effet non seulement d’agrandir l’espace et de varier les décors, mais également d’alterner la performance «en direct» avec des séquences filmées, ce qui permettait ainsi à l’actrice d’interpréter simultanément plusieurs personnages sur scène. La performance d’Annick Bergeron par ailleurs était tout à fait remarquable, comme n’ont pas manqué de le souligner plusieurs critiques, en allant jusqu’à mentionner que l’on s’étonnait parfois de ne voir qu’une seule actrice venir saluer son public à la fin, tant la transformation qu’elle subissait entre chaque personnage était radicale. Malgré tout, on ne peut s’empêcher de relever la présence de plusieurs temps morts où l’attention décrochait, ce qui me semble un peu inévitable dans un spectacle en solo. x
le délit · mardi 10 février 2015 · delitfrancais.com
CINEMA
Timbuktu, l’autre visage du djihad Abderrahmane Sissako livre son dernier film, fable poétique et bouleversante. anaïs rossano
Le Délit
T
out commence par une course effrénée entre une gazelle et un groupe de chasseurs en voiture cherchant à l’épuiser plus qu’à la tuer. Puis des statuettes en bois sculpté servent de cible à des djihadistes: la plupart sont renversées sur le sable, mortes sous le feu des balles, mais deux restent debout, abimées mais faisant face à l’adversité. Voici comment débute le dernier film d’Abderrahmane Sissako, Timbuktu, tourné en grande partie en Mauritanie, son pays natal. L’histoire traite de l’invasion du groupe djihadiste AQMI à Tombouctou, ville du Mali surnommée «la perle du désert», en avril 2012. Le film retrace le bouleversement de ce nouveau système imposé aux villageois, qui essayent de résister tant bien que mal. La lapidation par des islamistes d’un couple non marié dans une ville au nord du Mali aurait incité le réalisateur à empoigner sa caméra de nouveau. Timbuktu retrace cette terreur djihadiste qui fait irruption dans la ville: la musique, les cigarettes et le football sont soudainement bannis, les femmes doivent se voiler et porter des gants, les mariages forcés sont
improvisés par un groupe d’hommes qui détient le pouvoir au nom de Dieu. Mais ce sont les hommes et leur résistance qui intéressent Sissako: un imam qui fait face aux islamistes, leur rappelant que la religion se fait dans la tête et non par les armes; deux couples bravant l’interdit en entonnant une
grand talent ces scènes alliant une puissance indéniable à une réalisation douce et poétique autour d’un sujet lourd d’actualités et de malheurs. Sissako prend soin de dépeindre ces fameux djihadistes sous un nouveau visage: ici, il ne s’agit pas de les diaboliser, mais plutôt
clip de propagande, certains parlent de Zidane et de Messi avant d’interdire une partie de foot. Les dialogues zigzaguent entre plusieurs langues, passant du français à l’anglais, à l’arabe et aux dialectes berbères, avec la présence de plusieurs interprètes, montrant alors certains djihadistes le pacte
chanson; un père de famille touareg faisant face au châtiment des djihadistes; ou encore un groupe de jeunes mimant un match de foot sans ballon, la scène inoubliable du long-métrage. Le réalisateur parvient à filmer avec un
de les montrer comme grotesques et absurdes. Ils apparaissent comme des êtres remplis de contradictions, ne respectant pas les principes qu’ils imposent: un fume en cachette, un autre ne se sent pas capable d’exprimer sa foi pour un
qui maitrisent à peine la langue du Coran. La parole est multiple mais devient répression au lieu de communication. Le seul moment où l’un des chefs manifestera oralement de l’empathie, il demandera à l’interprète de ne pas traduire.
Sissako s’attarde sur une famille de Touaregs, installée au-delà des dunes, au milieu du désert aride – une famille idyllique où règnent l’amour, le bonheur et la liberté, mais que l’instauration du nouvel ordre islamiste viendra désunir et précipiter dans le malheur. L’intelligence du film se trouve dans la manipulation parfaite de la caméra par Sissako et par son message qu’il déploie au monde: Timbuktu s’éloigne de l’image de l’islam radical véhiculée par les médias, lui donnant à l’inverse un visage humain en montrant des djihadistes simples d’esprit et remplis d’absurdités dont les premières victimes sont les populations locales, qu’elles soient maliennes, nigériennes ou syriennes. Mais Timbuktu reste une fiction avant tout: Sissako voulait éviter d’en faire un documentaire, pour ainsi proposer une vision audacieuse, courageuse et assumée, dénuée de pathos et de jugement. Timbuktu met en scène des plans qui subliment les paysages du désert malien et des acteurs pour la plupart inconnus du grand public qui n’en sont que plus éclatants. C’est une fable incarnée par un cinéma poétique et sublime dénonçant la réalité de l’horreur. Timbuktu est une prise de conscience, une gifle donnée au spectateur. x
divertissement
Il a dit «ma neige» ou «manège»? Dixit, le jeu de société qui imagine toutes les couleurs. Gwenn duval
Le Délit
Q
ui n’a jamais rêvé de pouvoir décrypter la pensée d’un adversaire pendant une partie de cartes? Qui n’a jamais eu envie de transmettre des messages codés sans avoir à se casser la tête pour apprendre un code? Qui n’a jamais été long à la détente, perdu dans la contemplation d’une carte? Qui n’a jamais osé interroger, noir sur blanc, les connexions mentales des autres joueurs? Qui n’a jamais joué à Dixit? Depuis sa création en 2008 par Jean-Louis Roubira, Dixit a fait parler de lui aux quatre coins du monde. Plus de 18 prix lui ont été accordés: un succès international du Portugal à la Belgique en passant par la Pologne, les États-Unis, le Japon… et le Québec où il a reçu le Lys Grand Public 2009. Il faut dire qu’à part les règles du jeu, toute parole s’inscrit
dans un système de communication à la fois unique et universel. Le jeu repose sur l’interprétation d’images, de petites cartes délicatement illustrées par Marie Cardouat. Le principe est simple: chaque joueur a 6 cartes en mains qu’il cache aux autres au début de la partie. Le premier joueur choisit une carte de sa main et s’en inspire pour formuler un énoncé: un mot ou une courte phrase. Tous les autres joueurs consultent leurs propres cartes et choisissent celle qui correspond le mieux au mot ou à la phrase énoncée. Le premier joueur récolte toutes les cartes qui sont désormais associées à cette idée, y inclut la sienne, les mélange et les dispose sur la table. Les joueurs doivent alors tenter de deviner quelle était la carte qui a inspiré l’idée. Il faut décider d’une limite de temps, sinon les coups d’œil furtifs ne peuvent trouver de fin. Premier ou second degré, le pied de la lettre ou le figuré, quelle référence
le délit · mardi 10 février 2015 · delitfrancais.com
se cache donc derrière cette image? Le malin qui glisserait une carte qui semble n’avoir aucun lien pourrait bien découvrir des associations insoupçonnées autour de la table. Les jeux de mots, double sens et références littéraires ou cinématographiques sont souvent appréciées car les joueurs honnêtes évitent les inside jokes. Une petite précision qui donne tout son piquant au jeu: pour que le premier joueur gagne des points, il ne faut pas que tous les autres trouvent sa carte, mais il faut qu’au moins l’un d’entre eux la trouve. De plus, les joueurs dont la carte est pointée comme étant celle qui a inspiré l’énoncé, alors que ce n’est pas le cas, gagnent des points. Chaque image, dont l’esthétique est très plaisante, sera passée au radar: est-ce une carte inspirée ou une carte inspirante? Chaque joueur, dont la clairvoyance est très agréablement frustrante, sera passé à la sonde:
jusqu’où réfléchir pour ne pas tomber dans un piège imaginaire? La première version comportait 84 cartes, mais les extensions se multiplient et la société Libellud qui édite Dixit a embarqué dans son aventure ludique un fier équipage d’illus-
trateurs: Pierô, Xavier Collette, Dominique Ehrhard, Clément Lefèvre et tout récemment Franck Dion. Plus de 500 cartes ont été dessinées, qui proposent une forme de communication si adaptable, pertinente et amusante qu’on en retrouve son latin: dixit. x
Culture
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la Société des publications du Daily présente la
Semaine du journalisme étudiant La semaine du journalisme annuelle de la SPD est arrivée! Joignez-vous à nous du 16 au 19 février pour des ateliers, conférences et discussions à propos des compétences requisespour devenir un journaliste efficace!
16 au 19 février
Lundi
Science & Communication
Apprenez en plus à propos du journalisme scientifique, des sujets d’actualité ainsi que sur l’importance de transmettre efficacement les recherches scientifiques au public.
Photojournalisme
Écoutez des experts en photojournalisme parler de leur expérience pour raconter des histoires avec des images. À voir si la photographie vous intéresse (littéralement, il y aura des photos!!).
Mardi
Présentation sur le documentaire au Québec
Écoutez la réalisatrice Karina Garcia Cassanova parler de son documentaire autobiographique suivant une famille à travers plusieurs difficultés dont la maladie mentale. Cette présentation offrira également une perspective pour ceux désirant s’orienter vers le cinéma et les documentaires.
Magazines montréalais, ce qu’ils veulent (Bilingue)
Voilà votre chance d’obtenir des informations sur l’univers des magasines montréalais. Nos conférenciers discuteront de ce que l’industrie recherche et des opportunités existantes pour y entrer.
Mercredi
Pigiste, comment se lancer?
Tout le monde doit commencer quelque part. Naviguer à travers l’industrie des pigistes peut s’avérer difficile et frustrant. Les conférenciers feront référence à leurs propres expériences en tant que journaliste et discuteront des moyens de faire la transition vers une carrière de pigiste.
Le reportage au Québec (Bilingue)
Cette conférence avec des journalistes québécois traitera des sujets d’actualité dans la province et de notre communauté montréalaise. Si vous voulez en savoir plus sur les moyens les plus efficaces de raconter et de transmettre des histoires sur le Québec, cette conférence est parfaite pour vous!
Jeudi
Écoutez! Les reportages radio
Vous êtes obsédés par les médias audio? Joignez-vous à nous pour une conférence dédiée aux reportages radio, où les interlocuteurs discuteront des meilleurs moyens pour se faire entendre.
Journalisme & Activisme
Tous les journalistes peuvent parler de politique, mais certains d’entre eux ont transformé leur carrière en traitant de sujets leurs étant particulièrement importants. Venez apprendre comment connecter votre activiste intérieur avec le journalisme.
Vin et fromage
Pour terminer la Semaine du journalisme étudiant, nous organiserons une soirée vin et fromage. Oui, vous avez bien lu! Alors passez nous dire bonjour et discuter avec nos journalistes et nos étudiants. Du vin et du fromage gratuit, pas besoin d’en dire plus!
Les locaux et les heures des évènements seront annoncés sous peu sur notre évènement Facebook DPS Student Journalism Week. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à nous écrire au community@mcgilldaily.com