Le Délit du 26 janvier 2016

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Mardi 26 janvier 2016 | Volume 105 Numéro 11

Merci Culture depuis 1977


Volume 105 Numéro 11

Éditorial

Le seul journal francophone de l’Université McGill

rec@delitfrancais.com

Solidaires julia Denis, esther perrin-tabarly et matilda nottage

Le Délit

P

risonniers, coincés, piégés dans leur propre calvaire. La couverture du Délit tente d’illustrer la situation des 4,5 millions de réfugiés syriens récemment comptés par l’ONU. Contraints de quitter leur pays pour leur survie, beaucoup se sont installés dans des camps de réfugiés voisins, où les conditions sociales et sanitaires sont difficiles. D’autres ont pu bénéficier de programmes d’accueils dans des pays plus lointains, en Europe ou ailleurs; mais leur situation et leur intégration restent très difficiles — comme en témoignent les tensions actuelles en Allemagne. Plus de quatre millions d’humains demeurent enfermés entre quatre murs: celui de la menace constante en Syrie, celui de refus de leur accueil par un grand nombre de pays, celui de la stigmatisation et du racisme, et enfin celui de la difficulté de refaire sa vie ailleurs. Le projet de Justin Trudeau qui prévoit l’accueil de 25 000 réfugiés au Canada d’ici la fin du mois de février, se présente comme une politique humanitaire, pour beaucoup une source d’espoir. Elle représente aussi un virement et un vent de changement pour le gouvernement canadien qui, ayant pourtant des précédents humanitaires, a pris un retard considérable en matière d’accueil des réfugiés depuis le début du conflit syrien L’édition du Délit de cette semaine a pour but d’expliquer, décortiquer, louer, interroger et même critiquer cette politique d’accueil des réfugiés syriens au Canada par le gouvernement libéral. Esther Perrin Tabarly (p.9) enquête les conditions d’accueil des réfugiés syriens sur le sol canadien. Elle interroge aussi deux associations – La Fondation d’Alep et l’Alliance Canadienne pour l’Aide aux Syriens (CASA) – qui viennent en aide aux arrivants. Ikram Mecheri a réalisé une entrevue avec Danielle Létourneau (p.16) qui a lancé l’initiative de l’association 25 000 Tuques. Elle explique au Délit comment elle a décidé de tricoter 25 000 tuques pour les 25 000 réfugiés que Justin Trudeau a promis d’accueillir.

Enfin, dans un article d’opinion, Chloé Anastassiadis (p.8) nuance tout de même l’ovation qui se doit d’être faite quant à la politique du Canada vis-à-vis des Syriens. En effet, Chloé Anastassiadis rappelle que le gouvernement n’a pas encore arrêté les frappes en Syrie et a récemment vendu du matériel militaire à l’Arabie Saoudite. Les étudiants membres de l’équipe du Délit ont conscience du privilège qu’ils ont: vivre en sécurité, étudier et, pour certains, avoir pu être intégrés immédiatement au sein de la société canadienne après avoir immigré pour leurs études. Nous souhaitons rappeler que l’éducation est un droit reconnu par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Nous tenons à exprimer notre solidarité avec ces Syriens de nos âges. Mais la sympathie seule ne suffira pas: il faut aussi appeler à l’action plutôt qu’être complices implicites de cette crise humanitaire. La communauté mcgilloise tente de répondre à cette crise humanitaire et partager avec de jeunes Syriens certains des privilèges dont nous bénéficions. En partenariat avec EUMC (Entraide Universitaire Mondiale du Canada) et son Programme d’étudiants réfugiés (PER), McGill a récemment annoncé l’accueil de 19 étudiants syriens supplémentaires pour septembre 2016. L’association permettait déjà d’accueillir à McGill deux étudiants syriens par an. Ces derniers étaient alors aidés par une bourse financée par une cotisation des étudiants sur leurs frais de scolarité. Aux actions de EUMC s’ajoute l’initiative d’un groupe d’étudiants des résidences de McGill. Ces derniers ont organisé des sessions Skype, offrant des cours d’anglais à de jeunes Syriens déterminés à passer le TOEFL dans le but de poursuivre leurs études au Canada. Il est important de saluer les efforts effectués par le gouvernement, les citoyens canadiens et les différentes associations impliquées sur le campus ou au-delà. Toutefois, et malheureusement, il est aussi fondamental de souligner que ces efforts ne suffisent à aider qu’une petite minorité des populations touchées par les conflits. En décembre 2015, Le Délit et The Daily publiaient une édition spéciale sur la durabilité: ce concept s’applique aussi à la lutte quotidienne et de long terme contre les désastres humanitaires. x

rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Julia Denis Actualités actualites@delitfrancais.com Chloé Mour Ikram Mecheri Hannah Raffin Culture articlesculture@delitfrancais.com Céline Fabre Vassili Sztil Société societe@delitfrancais.com Esther Perrin Tabarly Économie economie@delitfrancais.com Sami Meffre Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Baptiste Rinner Coordonnatrices visuel visuel@delitfrancais.com Mahaut Engérant Vittorio Pessin Coordonnateurs de la correction correction@delitfrancais.com Yves Boju Antoine Duranton Coordonnatrice réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Inès L. Dubois Multimédias multimedias@delitfrancais.com Matilda Nottage Événements evenements@delitfrancais.com Joseph Boju Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Contributeurs Chloé Anst, Nouédyn Baspin, Lara Benattar, Charlie Capucine Norbert, Hortense Chauvin, Luce Engerant, Prune Engerant, Sarah Herlaut, Salomé Grouard, David Leroux, Cécile Richetta, Igor Sadikov, Nathan Skelton, Inès Thiolat Couverture Mahaut Engérant et Vittorio Pessin bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux, Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Niyousha Bastani

2 éditorial

Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction.

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

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Actualités

conférence

actualites@delitfrancais.com

Comment travailler pour l’ONU Rencontre sur les voies d’accès à l’institution internationale. sarah herlaut

C

e vendredi 22 janvier 2016, les élèves intéressés par une carrière au sein de l’ONU ont eu l’opportunité d’écouter une des personnes les mieux placées pour en parler: John Ericson, directeur au bureau des ressources humaines du secrétariat de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Dans le cadre de la série d’événements «Work your B.A.» (Travaille ton B.A., ndlr) organisée annuellement par l’université, M. Ericson a pu nous informer sur les réalités d’une fonction à l’ONU, sur les procédures d’embauche et sur les différentes carrières possibles au sein de l’organisation internationale. Selon lui, pour travailler à l’ONU, il faut être idéaliste, croire que le changement est possible et être poussé par cette croyance au quotidien.

M. Ericson ajoute que ceux qui visent l’opulence feraient mieux de passer leur chemin! Aussi, il précise qu’une carrière à l’ONU sera, à un moment ou à un autre, marquée par une mobilité à l’étranger: honnête, il annonce la couleur en nous disant que la vie de famille en est rendue difficile. Cependant, si la vie d’expatrié, les nombreux voyages, la diversité culturelle, le travail d’équipe, la dévotion non pas à un pays mais à l’humanité entière, sont des notions qui vous font vibrer, alors l’ONU est faite pour vous. L’ONU, c’est pour qui? Dans la salle 26 de Leacock, M. Ericson fait un rapide sondage des programmes suivis par ses auditeurs. Quelques-uns sont en philosophie, d’autres en anglais…et une écrasante majorité sont en Sciences Politiques.

Peu surpris par ce résultat, M. Ericson nous confirme que la majorité des candidats pour un emploi à l’ONU a un baccalauréat dans cette discipline. Ce qui ne rend la compétition que plus ardue pour les diplômés et, qu’à l’image de ses objectifs, l’ONU recherche tous types de compétences. Au-delà des aptitudes attendues en économie, finance, droit, ou commerce, l’ONU recherche des ingénieurs, des spécialistes en communication, des interprètes, des médecins… M. Ericson rappelle qu’avec trente différentes sous-organisations, l’ONU ne se résume pas qu’au siège de Manhattan et à la diplomatie. Des options d’emploi à longueur variable Différentes portes d’accès existent pour entrer à l’ONU.

Ces opportunités vont d’un stage de deux à six mois jusqu’au programme de deux ou trois ans des Jeunes Experts Associés (Junior Professional Officer, ndlr). S’il n’existe que dans certains pays partenaires, ce programme permet de se former au sein des Nations Unies, de créer des liens précieux et de démontrer ses compétences en vue d’une potentielle embauche. Le programme Jeunes Administrateurs (Young Professionals Program, ndlr) est accessible par concours d’entrée. Il est ouvert à différents pays chaque année et permet d’accéder à une fonction à l’ONU. L’option la plus classique reste de surveiller les ouvertures de postes régulièrement sur le site de l’ONU. Toutefois, les alternatives présentées plus haut permettent, selon M. Ericson, de donner du poids et de la crédibilité aux candidatures pour un emploi permanent.

Les clés pour être embauché par l’ONU Enfin, l’intervenant évoque brièvement comment accroître ses chances d’être embauché: il est crucial de soigner sa candidature, sous-entendant que chaque poste est différent et ne sollicite pas les mêmes compétences. Il serait donc irréaliste d’espérer accéder à l’ONU en recyclant le même dossier. Dans ce dossier, M. Ericson nous dit que la participation à une opération humanitaire dans un pays en développement, ainsi que des compétences en droit (toutes catégories) sont des atouts. Quand on lui demande quels seront les profils les plus recherchés d’ici à une dizaine d’années, il répond que cela dépendra de l’actualité mais que l’on peut s’attendre à une plus forte offre d’emploi dans les domaines de la sécurité environnementale et du développement durable. x

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actualités

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conférences canada

Allô, Docteur?

Une conférence sur la santé des populations autochtones du Canada. et ainsi accroître l’insécurité alimentaire. Par ailleurs, s’alimenter dans les rares échoppes qui ont été implantées n’est pas une option viable quand le litre de lait est à 10 dollars et le panier de pommes à 16.

Chloé mour

Le Délit

L

e Comparative Health Systems Program (Programme de comparaison des systèmes de santé, ndlr) organisait jeudi dernier un symposium sur la santé des populations autochtones du Canada. Trois chercheurs ont présenté leurs travaux afin d’informer et de sensibiliser les étudiants sur les déterminants sociaux de la santé des peuples autochtones – ces grands oubliés des politiques canadiennes.

Un système de santé néocolonial

Une insécurité alimentaire significative Il peut paraître surprenant qu’au Canada, pays considéré comme un modèle en matière de «développement», l’insécurité alimentaire reste encore un problème pour 10% de sa population et pour les collectivités autochtones en particulier. C’est pourtant les statistiques que nous a communiqué le Dr. Humphries, professeur et chercheur en biologie à McGill. Récemment élu directeur au Center for Indigenous People’s Nutrition and Environment (Centre de nutrition et de l’envi-

ronnement pour les peuples autochtones, ndlr), ses projets consistent à collaborer avec les communautés autochtones afin de garantir la conservation de leur système alimentaire traditionnel. Pour échanger avec ces derniers, le Dr. Humphries et ses collègues s’aventurent dans ces territoires isolés du Nord du Canada, qui pour trop de monde n’évoquent qu’un grand désert de glace. La moitié des 1,4 millions d’autochtones continue pourtant de vivre

dans ces régions rurales difficiles d’accès. Une fois arrivés, les chercheurs s’aperçoivent rapidement de l’importance culturelle et surtout vitale de l’alimentation traditionnelle pour les Inuits, Métis et Premières Nations. Plus de 540 espèces animales et végétales servent à les nourrir tout au long de l’année. Les effets du changement climatique se font particulièrement ressentir dans ces régions, venant dérégler les systèmes écologiques

À l’insécurité alimentaire s’ajoute un système de santé qui, hors des zones urbaines, peine à remplir sa mission. C’est du moins ce que conclut le Dr. Pringle de son expérience d’infirmier dans une réserve des Premières Nations au Manitoba. Il est sans équivoque: Santé Canada entretient avec les Premières Nations une relation «terrifiante et néocoloniale». Manque de moyens, sous-effectifs, du personnel infirmier surmené et propulsé au sein de communautés dont ils ignorent la culture (conduisant l’un d’entre eux à succomber d’un arrêt cardiaque), sont autant de problèmes qui font de Santé Canada une institution non seulement inefficace mais raciste. Quelles solutions? Pour le Dr. Pringle, la solution réside dans un changement

Un budget rassembleur

d’économie politique et dans l’élimination du racisme institutionnel. Il met aussi l’accent sur l’expérience personnelle: «Il est plus important de changer de manière de voir que de changer de paysages» est le message qu’il souhaite que les étudiants retiennent de son intervention. En effet, garantir la santé des populations autochtones nécessite avant tout de laisser les premiers concernés s’exprimer et établir les solutions qui leur semblent cohérentes et respectueuses de leur(s) culture(s). Une fois les politiques mises en place, il faut en vérifier les effets sur la santé des populations. Le troisième intervenant, le Dr. Muhammad Farhan Majid, travaille sur un projet qui ambitionne cet objectif. Maternal and Child Health Equity (Équité de la santé maternelle et infantile, ndlr) est un programme de recherche international qui vise à évaluer l’effet des politiques sociales sur la santé des enfants et des femmes de moins de cinquante ans. Bien qu’intéressant, il est regrettable que le Dr. Muhammad Farhan Majid n’ait pas donné d’exemples de rapports qui concernent la santé des populations autochtones. x

Consultation pré-budgétaire en vue du prochain budget fédéral. s’accordent pour dire que les politiques d’austérité sont inefficaces et que seuls les investissements dans les infrastructures permettent la croissance à long terme.

Ikram Mecheri

Le Délit

C’

est dans la lignée de faire la politique autrement que s’inscrit l’initiative gouvernementale d’effectuer des consultations pré-budgétaires dans les circonscriptions à travers le pays. Organisée le 20 janvier dernier par le député de VilleMarie—Le-Sud-Ouest—Îles-desSœurs, l’honorable Marc Miller, au sein du bâtiment Leacock de l’Université McGill, cette consultation avait pour objectif de prendre le pouls des citoyens afin de connaître leurs préoccupations économiques. Les citoyens montréalais furent nombreux à répondre présent à cet appel. Chefs d’entreprises, professeurs, coordinateurs régionaux, étudiants et plus encore ont fait part de leurs préoccupations au député, dans l’espoir d’une considération de sa part lors du comité ministériel qui sera prochainement formé. Grande absente, car elle se trouvait à Davos dans le cadre du Forum économique mondial, la rectrice Suzanne Fortier a envoyé sa bénédiction à cette consultation populaire par le biais d’Olivier Marcil, vice-prin-

4 actualités

Cibler la classe moyenne

Vittorio pessin cipal aux communications et aux relations externes. D’emblée, le député Miller a rappelé que le surplus de plus d’un milliard de dollars que le gouvernement conservateur avait prédit au tout début de la dernière campagne électorale s’est transformé en gouffre de plus de quatre milliards de dollars. La chute du prix du baril de pétrole a grandement affecté l’économie canadienne, prouvant la fragilité de cette dernière par la même occasion. Néanmoins, le parti de

Justin Trudeau persiste et signe: le gouvernement va investir 20 milliards de dollars sur dix ans dans chacun des trois piliers identifiés, pour un total de 60 milliards de dollars. Le premier pilier concerne les transports en commun, le deuxième comprend l’infrastructure dite «verte» et le troisième comprend l’infrastructure sociale. Les enveloppes sont énormes, certes. Cependant, depuis la dernière crise économique, bien des économistes, tel Paul Krugman (prix Nobel d’économie en 2008),

Tout au long de la dernière campagne électorale, le Parti Libéral s’est présenté comme étant le champion de la classe moyenne. Le député Miller a donc naturellement repris la cassette libérale pour vanter les propositions de son gouvernement qui a promis 3,4 millions de crédits d’impôt pour 9 millions de Canadiens de la classe moyenne. Le gouvernement a par ailleurs aussi augmenté de 4% le taux d’imposition marginal des contribuables qui gagnent plus de 200 000 dollars par année pour pallier la mesure précédente. Des intérêts divergents Logement, tourisme, aide aux aînés, assurance emploi, stages étudiants, bref, tous les sujets ou presque furent évoqués. Néanmoins, plusieurs militants ont à tour de rôle mentionné

l’embourgeoisement du centreville et plus précisément le long du Canal Lachine, ce qui a pour effet de diminuer l’accessibilité aux logements pour les classes moyennes tout en privant les citoyens des derniers espaces vacants de la ville. Plusieurs entrepreneurs présents ont aussi dit espérer que le gouvernement investisse davantage dans l’industrie touristique à Montréal. Avec la baisse du dollar, ils espèrent que les touristes américains et européens, déjà nombreux, seront plus enclins à visiter le pays. Pour certains d’entre eux, le tourisme est la meilleure forme d’exportation possible. Pour Meghan Bottomley (U2), rencontrée à l’issue de la consultation, cette initiative permet aux citoyens de donner leur voix afin d’apporter du «vrai changement» dans la politique canadienne. Pour sa part, Éric Taylor (U2) aurait souhaité que les participants discutent davantage des politiques de développement durable au sein des villes. Finalement pour Benson Cook (U1), citoyen américain, cette rencontre n’aurait jamais pu avoir lieu aux États-Unis et confirme, selon lui, le virage positif que semble avoir pris la machine fédérale sous les Libéraux. x

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p- la s o conférence ine imin a um • cr e h es elles es d phy p c ien stri ratur tion com c • s indu itté uca e – s • Incursion chez la gauche radicale au sein de l’Université du Tout-à-Payer. e l e u d é ar ions ire • e l’é usiq ienc s • p t to vous intéresse, c e rassurezperdu en liberté et qui ont terminé face à quelconque risque éconoprincipalement entre les mains des Nouédyn baspin d m elaquestion o t s tiqu ecin isuneediscussion c r nt s •estmorganisée vous, en échec? mique. Utiliser 1% de ce montant chefs d’entreprises. Les travailleurs Le Délit e h • e janvier suffirait pour supprimer tout frais ont, eux, la force de travail: ils ajourts asia éd lism ère aà l’Université em 27 tur ique pie •mercredi i n a c r • Lionel g Montréal, Les payséqui en ont étudiant au Québec; ce que la natioli pavillon tent de la valeur à un produit de McGill, les occasions de a eide t fait • m rna n es Groulx rl’exo t a e i d t é o s p i u x périencel étaient très peu nalisation pourrait résoudre». Vous base. Ainsi, l’employé et le patron m rencontrer des associathdéve-en elocal s C-7147, •avecfune log19h00. étu vidé • jo is la or faible oconscience i s o loppés avez maintenant mon attention. s’associent afin d’augmenter mutions politiques de tous • d • s n e n l • i Ce qui apolitique. hya conduit ge àt étu mu cial jeu nes ança mé tuellement leurs revenus. Pause. Il les horizons sont assez impresn p a e s u s • d’une e im l so du pho • fr des u t l’instauration Des questions soulevant des proest alors légitime de se demander où sionnantes. Des Démocrates aux tio iq ay bureaucratie a é e t p n i et vai des uso es étu é a m opaque blématiques nécessaireser se situe le problème. Toutefois, Joël Conservateurs, tous sont représenu et inefficace r e o q e u i i t tés. Tous ? Non. Quelque part dans la Bergman nous propose d’observer in gén mat re d séc log • tra étu es l arab al • urit atio s c s • o hé ctu• Comment • nationaliser L’un des défauts deccette un peu plus les implications de ce bibliothèque McLennan un groupe dneepas avoir on nie étud des édic t sé ani s • e entreprises? bio tCela a i i t u e o de grandes réunion esttde défini mode de fonctionnement. Comme d’étudiants reste méconnu. Vous t g a r g u i lo ic e a rm mDe plus, •é h pt opho ue • • ét biom nté n or ière gue ch cinécessiterait le a marxisme. expliqué plus haut, la valeur que crée précisément l’avez sans doute deviné, il s’agit des o m desaquantités • r e a p • ad th tiq ue ie ie • etso d’argent indimensions philosophiques l’ouvrier est divisée en deux: une marxistes. Marxist Economics 101 • im sa atio nfirm lan n cles é or ie colossales. n a e • e q r e • i i h é s politiques n’ont pas été abordées. part à l’employeur, l’autre au salarié. (Économie marxiste 101, ndlr), un h • orm hys • g ène unic es i s de amé cde Questions/Réponses éd çLaaisession ph que rap e lLea mouvement o e i o Ce dernier utilisera son seul salaire événement organisé par Socialist m r i -inf marxiste p ue sc b ilos ysi og s d m ienc ure n • rop • fran pour asur • • t se base une révolution m l’audience permet tout de pour vivre. À l’opposé,e l’entrepreFightback at Concordia and McGill é s a q o e s n l i h i gglobale, c dpopulaire, e memêmepdehdonner eune moe • binduisant r plusieurs p et • co • sc térat atio anth ar p une idée • n u u neur emploie souvent (riposte socialiste à Concordia u o • • s e r g q th Ilan p nbeaucoup i i ne dification e res • lit form n • • ph g e floue. iePar manque salariés. Il gagnera et McGill, ndlr) à la bibliothèque ion •descplace, i phie lade sslai constitution. r la rban ogimais t es eainsi g n m c c c s u a o i é an s pu ue l’in atio les iolo il desl’entreMcLennan le 20 janvier se proposait plus vite u des c de sehsaisir eéchanges, u pourra d •qu’il iqdes richesses, decer-gra s’agirait ol unarésumé ol acvoilà r d t s i é t r s p a e p iq a a e réinvestirrailleurs, d’analyser le fonctionnement du car omis: t hrole m tains tétant n contrepartie. m tu ed’accumulation, ou t urb ique olit es d rpré édic ces b seig m • m émo tudprisesiosans namplifiant i • r p e r créant pitalisme, de détailler ses supposés héphénomène t p ues d • é est on t e at et p nc nte om ien n en es an pha ues n•tPourquoi at ttainsi emvicieux. éraungcercle Marxist Economics 101 ne pas•répartir équi- g i défauts et de proposer le marxisme m r • t q e m q é i • o thtrès ie scie – i s bi • sc e e iqu e ériles gains i ed’une g i mtablement i nEna tantoqu’étudiant i s • l n • p s g a été une expérience entreprise il est légicomme système alternatif. g o • é ati ale olo ne m a om e • que ce at lair us de ie pintéressante, o etoseslodirigeants ie usans ns expliquant l e g m a g m entre ses employés time de se poser certaines questions Malgré une organisation o u i m c r t g o n tjustement • la vacuité on lair usi cien uari sco • m étu é h iol co étrès iq n • a vis-à-vis di es b «Très sdeéla nationaliser? , eibienes nau lieu ré duémouvement: c olo litprincipal, c prétention, l’intervenant e s u i é p u • m • s ct h e – t ré ique ie • bio g t gangréné. • lécLa m ncéconomique, u • m t t aud ue bili d’un ocap- tercetteiorhétorique en imais i p o système a Joël Bergman, de yc a teupleomérite q l t i s s s n e e a o rode sonmremplaçant o ue ne ie • ion eut log e • de • entreprises in snous b sommes o chquestion p auditoire, e Nous iq mdifie ionPrenons e avec l deux us galéci étudiants. tiver•son un résumé m i – s s e g d r e a e r m u différents. iq mai log cat ac timo tiqu ique o e nc rons, i à•gérer ensemble • psy eest•cependant •pour certains, n m vavec des lo éatférentes ie beaucoup fo qu gainss deinotrensystème économia m a oefficace t l o m g i r i i a e t e e o o é • t i ’ baséssur le capital: o autre • im plusioouverte. lest lo onAucune a que. u et mentale. cvie sociale hu ésio édu harm vic rma act dag nCelui-ci employés de t laiv plus florissante et h ,J’ai cr dLes ci uaricours e u t s u l q e n o s s l i i é h c s • t a moi.» Jusqu’à o c • alternative b éc n’estcaussi e proeplus riches. n Lestiinégalités • ct punrquizzeàupréparer m économique in es • e p e • info did pé • t t ne seront butsdedtoute•entité r n k g s i • a n • é lesera a u n e a s o e • c entreprises s accumuler e cetieintellectualisée c toujours. ic ue que metteuse iè tioexisteront éd s •canadiennes a«Les ed’en s niqu tiqu istiq le • rthoation ises ud in ie le•plustion ceci: nc donc c n g s e u a e s n i a m m q u y i e i sura700 i ét systèmeg est basécsur a arsont assises le milliards is Orpunachoixpra gu ab • o gr ino ét h pdeut nc iq Ce c possible. m ie quel le•marxisme. ltsans itpays mdireodes a l i c u l o t • u u h m l s e c e limité à deux systèmes m • Que où le h dollars, qu’ils ne soient utilisés l’utilisation de la force ouvrière: les •sauraitlin dur de inté ch ie • ude d ep o s m so me om sci co e p dié é • stri ang s his une io • ésont r s • •Si la nt e on nfonds être réellement démocratique. communisme a été essayé, qui ont pour de la recherche ou s’assurer et la machinerie détenus é • u es on n • lture log ét r s nis t c c in t c s e u a • e i e i l c s e q e e n r d r i e c d i • cie s • k ique prat hton stiqu urba ue e rapie s de scie log ubli n in étud étu ’inté ectu pem e se ctio t cu uno ues pha u o n • • • p m q e a e e • ie ig é it d c ti iq ais ispa eur uto sta es • mat oth ienc ées rimin se • des ical • l’art ign arch elop lang réd gue t im éri aise him • i c é v • e m ç g a h ri c • s c u s • n es inté des que cien ath • er e • s pliq e • c ança nté méd e de • de ire • • dé nçai ales • la gie s nu fran • bio age r fr s m i s ’ i g e e p u a ir e lo v a a il e io n d • ét ioéth euro nce isqu agog es a tectu ue la s ie b isto dair térin lism • fr édié rava viro siqu ngue isme pay ciolo r d h n à t u la i n • a n in a n ie é b es m e ng de o og ue • es • • fin e du opé uma arch e la e et • gé ion • seco ne v ourn arab des é au elle e • m de urba ure e • s aphi a j i n u l s t u t t s d • tiq atiq TIC naly sychces h lles res ysiq ition uca t au dec es • des • étu curi tion ecin ture nt • itec bliqu éogr de é n p n d h u e h os n d ra a l g m es tu tu ie es op sé sa hé ue d ie et es • scie ustr téra ion p mp choé eme n • m pho • é dica et gani • mé litté gem • arc té p n • ienc orth b e o a n o n io c is é t r y • d it té giq olog éco rée s in e • l uca e – c • ps seig tatio s lus bliqu iom san on o ières ue • mén phie • sa duct • s ire • hie • s n ir d u b é o i a n b a • e a re ic e iq s a a u ox qué omp latio isto e l’é usiq nce s • e erpr étud té p énie ène icat nfirm olit n • hilos siqu • tr imai dent grap s cl t n i p e h d e s o e r • s io e c y de ure c e • r ie • ent s • m t sci tiqu – in ue • • san e • g la s mu ces e et mat ie • p• ph ique nt p cine dém étud gie i m r t t p m e e • e e u u lo g g ia • om en ue iq e éra atiq héra igne icièr arts s as usiq mat siqu opiq ran e • c • sci nom l’info olo logie iolo nem méd gie gie udio – co p t l e o é r r b e e g o o m c a or ysio ense s po gie • tud • m -info phy anth r l’é nism ures • éc s de thro aco ces nsei ent • séol hnol il • siqu bilit l é • o h • a e n rm n o e u e u o o il u it a • p age étud nol ial • vidé • bio ues ph n po urb ues p dro ienc s • a pha scie en gem • m t tec trav • m • m ych u n a e s s c e c t im e u • • e iq s u • re ay té et imm il so u je phie lass estio sitioort e atiq mie e • s iqu les riat olai mén logi tion ne d nell itive n • p • ch • o p n m hi a m a c n c t a ir d o a o è g ra e ri va cu gie e tra des mog des ie • omprans athé • c cula cono édic actu prés ue • • thé , cré hygi tatio cog icati itiqu logie c • s u c i é e s u l u g q t n olo tion • ét • dé • ét iolo ue – lité, ie • mitiqu mol ces é biomgie • ation euti édia • art es • mp ence mu e po mino publ c o i l i i e s c d a pt onie logie logi • au usiq ob olog e po logie cien nce sioloéduc rma ultim iales cien et c • sc com ienc • cr ise • nces ph séo hno vail • m s • m ych enc bio é • s scie kiné s • pha • m soc uros que pie e la • sc tion nça scie kin o h u tec tra lle ive ps sci e • icit s • • que ue es es ne ati éra es d ées éta fra l • es • a m s e t • l i u e • iq ub in ise ni tiq ton iqu s • ém oth nc qu rpr ue trie ais isp n esde nn gn sportif e • n et e du Centre l’UdeM - CEPSUM a o o i i o èn tat s co cat ué iétét • p uma ngla hisp • pra toch atist ique math erg scie ppli inte lang dus angl es h iqu i t i q d ise • a n t • t r d a gi pu 2100, pli eÉdouard-Montpetit y m ence munboul. • ça ces h es a des ieur s au e • s éma nce que gie nes ue – s de ign i des étu umé s • p h • co sci mÉdouard-Montpetit s a logi fran ien étud étu ntér tude iqu ath fina u ris ago mai usiq ture des • étu art • s n tone iq o e t • t e c i c • e e pie e la main ino gue l • s al • ’art n d’ e • é ioéth es m IC • se d opéd s hu s • m ttéra té • ical de l’ siqu toch tatis n l 16igh à g m n rie dic ede i h b e d s T ly ch nce lle • li san éd re u au • s s la s lo 20 cri e la 2stfévrier a éra es d s humardi • i m e é i d e y e e u m n i o e i • c ce es s d du iom ire • d mo que tiq e d t a ps sc ustr toir à la bio hist ur • udes ique nça • r n • n i u l c n i o e e • a t i cie iel ure n i e b ist ire ict at da t e s s i r atRencontrez i experts a • v rmet des giq ogie ises rée s ind • hi ue e énie on • téri • é ioéth s • fr vale ava des étudiants h s g t n i d o d s • u a i e o n g l r ér destous gé les on ue info d’études. n •programmes tho édagxico béc mp tion apie ysiq n • ucat n d’i logi e • b rabe édié au t lle c • o r nd litt • de i i e q t r o o h ns ire • nté ition uca au s uisti ble • e • on p • to qué re c • rela thé n p sitio oéd esig timo tiqu es a es m rité nne s s o a o i o o d d u t c h a u d sto la s mpo hoé en • ling dura con grat oises tude érat ique hysi cati mp syc e • d • vi orm étu étud séc isati o m u p e t c à f t • p u t é n t e et – co psy igne ture men ue s • int chin ie • é • lit rma es • l’éd e – c es • utiq tiqu • in que ical • té e rga o • n c e e s e e e g c u e o li le is u qu ces ens hite opp s lan tion ltur olog nale • inf atiq nt d usiq cien mac ngu rab pub méd • sa tion c u • n u l n r e i s a e o li rc io cie ues • a éve nça réda et c mu nati ique thém nem s • m s et pha es • nt d anté ie b cèn unic r a s d m e qle délit e· mardi 26 janvier actualités t s e r e n e r 2016 · delitfrancais.com ati inair e • s • f les • ngu et i inte nom • manseigicièr • ar tiqu miè pem e • • gé et la omm é ie u r l tér lism be iéva • la ogie des og • e po gie pra infi lop siq ue an • 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Les nouveaux Redmen de McGill? À

admission.umontreal.ca

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mcgill à découvert Cette semaine, l’humain se révèle derrière l’élève et les voiles tombent dans le cadre de l’événement Uncover McGill: ce projet notamment organisé par deux associations chrétiennes de McGill — la Newman Catholic Student’s Society et le McGill Christian Fellowship — propose des discussions qui touchent au fondement de notre identité et aux grandes questions de la vie. Le Délit s’est rendu à deux d’entre elles.

À la croisée des chemins entre science et spirtualité

Science et religion ne seraient pas antagonistes, bien au contraire. Hannah raffin

L

d’un équilibre parfait: si la force d’expansion était ne serait-ce qu’un peu plus forte, il n’y aurait pas d’étoiles. Au contraire, si la force gravitationnelle était un petit peu plus puissante, l’univers s’effondrerait. Il en est de même pour la masse de protons et d’électrons. Qui est responsable de cette proportion si précise des éléments de l’univers? C’est là que différentes écoles de pensée s’opposent. Peut-être que nous sommes vraiment très chanceux. Basil D. Favis soutient que les scientifiques n’aiment pas

Des scientifiques aussi théologiens On a tendance à l’oublier, mais une grande partie des scientifiques sont aussi religieux. Copernic, qui a découvert au 16e siècle que ce n’est pas la Terre qui est au centre de notre système mais bien le Soleil, était très croyant et avait fait des études en théologie. Pascal, qui a prouvé l’existence de la pression atmosphérique, est aussi un grand théologien français et défenseur des jansénistes. Isaac Newton, scientifique majeur qui a découvert notamment les lois de la gravitation universelle, a mis de côté la science à 35 ans pour publier de nombreux ouvrages religieux. Les origines de la science moderne sont donc en lien direct avec la religion. Mais aujourd’hui encore, des scientifiques renommés tel que Antony Flew, Kenneth A. Miller, ou encore Francis S. Collins, défendent cette relation entre science et spiritualité. Un être divin comme déclencheur du Big Bang Ces derniers puisent leur foi dans la science elle-même. En effet, comment expliquer ce réglage si précis des lois de la nature à l’origine de notre planète? Pourquoi le monde n’est-il pas chaotique? Par exemple, le professeur explique que le dosage entre les forces d’expansion et de gravitation dans l’univers sont le fruit

6 ACTUALITÉS

Une conférence au sujet de Dieu: un dialogue au service de la paix. Lara benattar

Le Délit

e jeudi 21 janvier, Basil D. Favis, un professeur en génie chimique à l’université Polytechnique de Montréal, a tenté de donner des éléments de réponses à une question très débattue: la foi et la science entretiennent-elles un rapport conflictuel? Si pour beaucoup d’entre nous, ces deux éléments qui imprègnent notre quotidien constituent une dichotomie, le professeur québécois est convaincu du contraire. Il en est la preuve en personne: c’est à la fois un chrétien pratiquant et un scientifique passionné, qui a notamment publié des recherches sur les polymères et les biomatériaux. Mais ne vous méprenez pas, il n’est pas l’exception qui confirme la règle.

Intervention divine dans les locaux de l’AÉUM

parler de «chance». Une autre hypothèse serait celui d’un «multivers»: peut-être vivons-nous juste dans le bon univers où le dosage s’est effectué correctement, alors que les autres univers sont chaotiques? Pour l’intervenant, il y aurait une autre explication: cet univers rationnel serait le fruit d’un esprit divin. Il suggère donc que Dieu aurait créé notre univers en définissant ces lois si précises. Mais alors, si les lois de la nature sont si parfaites, pourquoi l’Homme, lui, est si imparfait? Le professeur me répond que Dieu a voulu donner le choix à l’être humain d’être ce qu’il voulait être. x

M

grandissante. Aujourd’hui, conflits et amalgames teintent les religions d’un sombre gris. Dans l’auditoire, se mêlent croyants, agnostiques et athées, partageant un espoir commun: que les préjugés religieux soient déconstruits. Les auditeurs désirent entendre ce qui lie les religions et veulent en finir avec toute diabolisation. Deux étudiantes assurent que les tensions religieuses existent jusque sur notre campus. Joel, père de famille et ouvrier du bâtiment, souligne l’importance de l’université pour la liberté d’expression, souvent bafouée lorsqu’elle touche au sujet sensible qu’est la religion. Ainsi, les spectateurs écoutèrent avec intérêt un dialogue inter-religieux animé, teinté de respect et de sincérité. Tour à tour, Mohamad Jebara, imam et érudit du Cordova Spiritual Education Centre et Abdu Murray, spécialiste du Christianisme, membre du Ministère Ravi Zacharias expliquèrent l’essence de Dieu dans leur religion respective. Chacun offrit une explication documentée, sans rendre le débat ésotérique. D’entrée de jeu, l’échange fut placé sous le signe de l’écoute et de l’humour: «We can disagree without being disagreeable» («Nous pouvons être en désaccord sans en devenir désagréable», ndlr). Nombreux furent les points où les interlocuteurs se rejoignirent. À la question de l’identité de Dieu, les deux orateurs répondirent qu’il est le même dans chaque religion: il s’agit du même Être Suprême, prenant différents aspects et caracVittorio Pessin téristiques. L’idée de l’Amour inconditionnel revint à plusieurs reprises: Un dialogue nécessaire contre le Dieu est un Être aimant, figure de Bonté et d’Espérance. Dieu attend du sentiment anti-religieux musulman comme du chrétien, une conduite morale et respectueuse. Les L’audience est unanime: un mesreligions semblent donc promouvoir sage pacifiste est crucial. À l’échelle des valeurs universellement justes. mondiale, le nombre de croyants ne cesse de croître. Selon la World Christian Ainsi, il semble résider au cœur Encyclopedia, plus de 64% de la popudes religions, des valeurs pacifislation mondiale seraient aujourd’hui tes. La diversité religieuse doit être de confession chrétienne, hindouiste et musulmane, contre 50% au début du 20e encouragée et les représentants des siècle. Contrairement à ce que beaucoup religions écoutés, pour lutter à la fois contre l’extrémisme et le sentiment prédisaient, le monde ne devient pas anti-religieux, et pour que ni l’athéisplus laïc à mesure qu’il se modernise. me ni la religion ne fassent loi, dans Cependant, cette montée de la un pays de droit. x religion s’accompagne d’une hostilité ercredi 20 au soir, une centaine d’élèves assistait avec d’autres Montréalais à une conférence au titre mystérieux «Qui est Dieu?». Quelques heures avant, les étudiants sont perplexes: le prosélytisme semble en désaccord avec l’esprit McGillois. L’Université retourneraitt-elle sa veste pour revêtir une soutane, un talit ou un kesa? La réponse est non, et heureusement.

le délit · mardi 26 janvier 2016 · delitfrancais.com


chronique

Le pétrole de la discorde David Leroux | Espaces Politiques

C

ette semaine, le maire Denis Coderre annonçait que la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) s’opposait officiellement au passage de l’oléoduc TransCanada Énergie Est sur le territoire de l’agglomération métropolitaine. L’appel de Coderre est sans équivoque: les maires du Grand Montréal n’en veulent pas, les citoyens n’en veulent pas, les risques environnementaux dépassent de beaucoup les bénéfices attendus. Les réactions n’ont pas tardé à venir. Brian Jean du parti albertain Wildrose a lancé la pre-

mière pierre: «Je ne sais pas ce que monsieur Coderre a en tête, mais vous ne pouvez pas déverser dans un fleuve des millions de litres d’eaux usées, profiter des bénéfices de la péréquation, accepter des pétroliers étrangers sur votre fleuve et rejeter notre pipeline.» D’autres n’ont pas tardé à emboîter le pas, toujours en soulignant avec emphase l’hypocrisie des Québécois qui refusent le pipeline d’une part tout en acceptant de l’autre main les chèques de péréquation d’Ottawa, destinés aux provinces économiquement faibles. Le premier ministre du Saskatchewan a même poussé l’affront jusqu’à demander au Québec de rembourser sa péréquation! Les mendiants du Canada Mendiants, enfants gâtés, voilà ce que les Québécois entendent périodiquement lorsqu’ils écoutent ce que l’on dit d’eux dans le reste du Canada, quand leurs désirs collectifs s’inscrivent contre ceux du reste de la fédération. Il y avait un certain temps que nous ne nous

étions pas fait reprocher notre vilain égocentrisme par ce vertueux rest of Canada. Nous voici donc encore une fois face à cette nauséabonde condescendance: les Québécois cracheraient dans la bienveillante main qui les nourrit. Les reproches n’émanent pas d’obscurs rednecks mais bien de chefs de partis politiques et de premiers ministres provinciaux. Nous pourrions ruminer et nous rappeler les coups bas de l’état canadien envers le Québec depuis la crise d’Octobre 1970, lorsque Trudeau père déclarait la loi des mesures de guerre et faisait entrer l’armée à Montréal pour lutter contre les indépendantistes sous prétexte d’attentats perpétrés par un groupe souverainiste radical, alors sous l’influence d’une espionne des services secrets canadiens. Ou nous rappeler de la Nuit des Longs Couteaux, lorsqu’en 1982 fut signée la constitution canadienne en pleine nuit par les premiers ministres des autres provinces qui avaient pris soin de ne pas réveiller René Levesque, alors premier ministre du Québec.

Justin pleurera-t-il? Justin Trudeau ne se montre pas très bavard au sujet de ce dossier et il sera intéressant de voir comment le grand champion de la béatitude consensuelle gérera la potentielle crise d’unité canadienne qui se pointe à l’horizon. Il y a longtemps qu’un clash politique aussi fondamental n’a pas accablé le doux Canada. Il est tentant pour les Québécois qui suivent le précepte de leur plaque minéralogique – je me souviens – d’être en colère. Malgré la fureur que la condescendance des Brian Jean, Brad Wall et autres Jason Kenney de ce monde font monter en moi, j’appelle plutôt à considérer objectivement le problème posé par le projet de pipeline. D’abord, pourquoi ce refus catégorique de la CMM (Communauté métropolitaine de Montréal, ndlr), et plus largement cette très importante opposition des citoyens québécois envers l’oléoduc ? La première raison est économique: les risques environ-

nementaux pour le Québec sont complètement disproportionnés par rapport aux avantages économiques. Peu d’emplois seront créés et si une fuite de pétrole survenait, ce sont les autorités provinciales qui auront à intervenir en première ligne. Ensuite, on tente de nous convaincre que le pipeline est beaucoup moins risqué que le transport par bateau ou par train. Ceci est exact, mais l’argument omet une réalité importante du projet. Il ne vise aucunement à diminuer le transport ferroviaire ou maritime du pétrole, mais bien de permettre d’augmenter la quantité qui transitera sur notre territoire pour l’exportation. Aucune diminution des risques actuellement présents n’est au programme. Cette fois-ci, il faudra davantage que les larmes et les selfies de Justin Trudeau pour convaincre les membres de la fédération que les intérêts de tous, d’un océan à l’autre, ne sont pas trop divergents pour être satisfaits, sans être obligé de s’adonner à l’humiliation du Québec pour en faire taire les citoyens. x

conférence

Divertissement: les outils de la réussite Le changement des stratégies marketing à l’ère du numérique. nathan skelton

L

e 22 janvier se tenait la Entertainment Management Conference (Conférence de la gestion du divertissement, ndlr) à l’Espace Sid Lee au Vieux-Port. Divers domaines du business du divertissement ont été abordés à travers six ateliers: musique, média, art, film, jeux vidéo et vie nocturne. La conférence visait à mettre en lumière les rouages d’une industrie très présente au quotidien. Les intervenants invités – des modèles de réussite professionnelle – ont offert aux participants, majoritairement étudiants et jeunes professionnels, des conseils pour exceller dans ce secteur. Concilier ère numérique et profit Une première étape primordiale aujourd’hui est de changer la perception qu’ont les individus de la musique comme un produit consommable gratuitement. Conor Clarke est entrepreneur et créateur de plusieurs start-ups dont wavo.me. Pour lui, un artiste doit impérativement prendre conscience de l’importance du marketing digital s’il veut se faire connaitre au sein d’un monde artistique déjà très compétitif.

David Dufresne est chargé de stratégie et développement à Bandcamp, un magasin de musique en ligne qui permet aux artistes indépendants de promouvoir leur musique. On peut y écouter de la musique gratuitement mais le but est d’inciter les fans à supporter financièrement les artistes qu’ils apprécient. Un «acte politique» selon Dufresne.

le délit · mardi 26 janvier 2016 · delitfrancais.com

En ce qui concerne la monétisation des médias, Jean-Philippe Desjardins, président d’Orangerine, agence spécialisée dans la création d’outils de communication interactifs, nous parle du financement communautaire chez Amazon. Cette dernière offre l’opportunité à ses clients de choisir en amont dix films ou séries TV qu’ils peuvent visionner en streaming, et ce en illimité. La compagnie s’engage donc

à leur fournir un service supérieur tout en les incitant à payer. Sur le sujet de la démocratisation de la création artistique de masse, on mentionne surtout l’étendue de l’influence qu’ont les «YouTubeurs». Toutefois, cet effet ne limite pas le pouvoir des plateformes traditionnelles. En effet, d’après les intervenants, médias traditionnels et médias modernes entretiennent une relation qui leur est tous deux bénéfique puisque les médias traditionnels permettent aux «Youtubeurs» de s’offrir une plus grande visibilité. Les intervenants de l’atelier «art» étaient déterminés à maintenir l’intérêt de la génération Y envers ce domaine. Pour ce faire, le partage d’œuvres sur les réseaux sociaux est efficace. Cependant, l’utilisation de ces plateformes crée de nouvelles contraintes. Bien que l’artiste expose son travail à un public plus large, les critiques artistiques et les débats que l’œuvre pourrait susciter sont diminués, puisque les interactions avec le public ne sont que virtuelles. De plus, la rentabilité de l’oeuvre de l’artiste est diminuée quand celleci se trouve sur internet. L’importance du marketing en ligne se révèle aussi au sein du

business des jeux vidéo. Les gamers de YouTube sont devenus des outils de marketing incontournables pour les créateurs de jeux. Comme le précise Yves Bordeleau, directeur général de Rogue Factor, si le «youtubeur» PewdiePie (41 millions d’abonnés et plus de 10 milliards de vues) s’adonne à votre jeu, vos ventes exploseront instantanément. Un modèle d’entreprenariat Zach Macklovitch, entrepreneur établi dans le business de la vie nocturne, nous donne la recette du succès: analyser le marché actuel pour déceler ses failles. C’est en visitant les bars de New-York que Zach trouve l’inspiration pour la création d’ambiance de ses propres locaux montréalais, SUWU et Apt. 200. Les jeunes orateurs de l’atelier «vie nocturne» préviennent cependant que la tâche de l’entrepreneur dans ce milieu n’est pas facile. Il faut s’attendre à de lourds échecs, ainsi qu’à de longues heures de travail non récompensées. Si l’on veut réussir, il faut être persistant et innovateur, car du cinéma à la musique, seule une poignée de nous autres pourra espérer devenir le prochain Zack Macklovitch. x

actualités

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Société

opinion

societe@delitfrancais.com

Contradictions humanitaires Idéalisme vs réalisme politique. chloé anastassiadis

Le Délit

S

i le premier trimestre de Justin Trudeau à la tête du gouvernement fédéral vient de se terminer, sa «lune de miel» avec les Canadiens en revanche semble partie pour durer encore un bon bout de temps. Bien qu’elle ne soit pas inédite (même les Conservateurs avaient profité d’une telle faveur en 2006), cette popularité reste quand même surprenante, au vu de la multiplication des incohérences du gouvernement ces dernières semaines. Des incohérences particulièrement flagrantes lorsqu’il s’agit de Droits de l’Homme. Il est vrai que les photos de Trudeau auprès des nouveaux arrivants syriens ont convaincu de nombreux spectateurs que le Canada retrouvait sa position de sanctuaire des Droits de l’Homme d’avant le règne Harper. La décision du gouvernement de cesser de bombarder un pays déjà en ruine semble également sage. En tout cas, si elle est un jour appliquée. Car le candidat qui a promis tant de fois de cesser de

combattre la violence par la violence n’a toujours pas donné de date précise pour le retrait des troupes. Évidemment, rien ne peut se faire dans la précipitation. Pourtant, si la situation des Syriens est assez urgente pour que le gouvernement ait essayé d’en accueillir 6000 par semaine sans aucune préparation, il est difficile de comprendre pour-

quoi cesser de bombarder le pays d’origine de ces mêmes réfugiés peut attendre indéfiniment. Nos affaires en Arabie Saoudite Il est encore plus difficile d’expliquer comment notre gouvernement humaniste a pu accepter de vendre du matériel militaire à l’Arabie Saoudite, un pays qui

non seulement ne respecte pas le droit de ses propres citoyens, mais commet aussi des crimes de guerre chez son voisin yéménite. Trudeau peut bien affirmer qu’il ne s’agit là que de Jeeps. Si c’est vraiment le cas, il est encore plus incompréhensible que le Canada ait quand même tenu à vendre une marchandise qu’on aurait facilement pu revendre à d’autres pays. Mais apparemment les Yéménites ne sont pas exactement au centre des préoccupations du premier ministre. Pourtant, 93% des morts et blessés dans ce pays sont des civils, et en vendant ces Jeeps blindées, nous prenons le risque d’augmenter leur souffrance. Le prétexte selon lequel l’Arabie Saoudite est garante de stabilité dans la région est difficilement défendable au vu des événements des dernières semaines, durant lesquelles le pays a multiplié les provocations à l’encontre de son voisin iranien. Car, quoi qu’on pense de la réaction des Iraniens à la mort du Cheikh chiite al-Nimr, elle était prévisible. Tout comme leur réaction à un bombardement proche de leur ambassade

Le mythe du PC

au Yémen. Et la tentative de rapprochement de l’Arabie Saoudite avec le Pakistan indique que les dirigeants saoudiens se préparent à une possible escalade des tensions, ce qui n’augure rien de bon pour la région. Alors, pourquoi les Canadiens ferment-ils les yeux sur toutes ces contradictions? Contrairement à l’époque d’Harper, avec le nouveau gouvernement tout est public, couacs inclus. Mais le réalisme politique est devenu une excuse des défenseurs du jeune Ppremier ministre pour accepter tout ce qui ne collait pas avec l’image humaniste de ce dernier. Ceux que les Conservateurs accusaient d’être des idéalistes clament à présent qu’annuler un contrat serait irresponsable, ignorant volontairement le fait que les Suédois l’ont fait. Ce soutien inconditionnel à la politique de Justin Trudeau est un amour aveugle, avec de lourdes conséquences humanitaires à la clé. La question, maintenant, est donc de savoir quand les aléas de la vie de couple vont enfin commencer pour les jeunes mariés. x

lettre ouverte

Le «politiquement correct», un discours trompeur qui nuit au débat. igor sadikov The McGill Daily Un membre de l’équipe éditoriale de nos confrères du McGill Daily a souhaité répondre à un article de Théophile Vareille publié le 10 novembre dernier dans nos pages.

I

l n’est pas de bouc émissaire plus commode que le «politiquement correct». Ce terme, dont la définition est délibérément laissée assez floue, permet de rejeter avec mépris toute critique politique en présentant son auteur comme une personne superficielle et susceptible, le tout sans s’être interrogé sur le contenu de ladite critique. Il est donc franchement décevant que des auteurs du Délit continuent d’employer ce terme vide de sens au service d’un discours trompeur. Ainsi, dans l’édition du 10 novembre, Théophile Vareille nous apprenait que «Le politiquement correct a bon dos» (Société, page 9), déplorant que «certains seulement» aient pu profiter des événements de la série Trans/ Formations organisée récemment

8 société

par l’Union pour la Valorisation du Genre (Union for Gender Empowerment, ndlr). L’auteur se dépeint comme une victime d’«exclusion délibérée… en fonction de critères arbitraires» aux mains d’un «politiquement correct-roi». Une revendication rancunière Cette accusation est mal fondée, puisque sur sept événements, deux seulement étaient non mixtes selon des critères identitaires: un groupe de discussion pour les personnes trans racisées et un pour les personnes non-binaires (c’est-à-dire des personnes ne s’identifiant ni comme il, ni comme elle, ndlr). L’auteur prétend que ces événements non mixtes empêchent l’entièreté du corps étudiant de «se sensibiliser à des questions dont l’intérêt est indéniable». Bien sûr, si l’auteur avait un intérêt réel pour ces questions, il aurait su s’y sensibiliser en assistant à nombre d’autres événements de la série, comme la table ronde sur l’activisme trans ou l’atelier Rad Trans 101. Il cherche plutôt à imposer sa présence dila-

toire dans un partage d’expériences où il n’a rien à apporter, non pas parce que ce dernier l’intéresse, mais uniquement par pure rancune. La non-mixité n’a pas pour objet d’étouffer la libre expression — au contraire, on veut parler librement sans se soucier, pour une fois, de ce qu’un homme blanc en pense. Pour l’auteur, l’oppression des personnes trans ne figure pas parmi les «enjeux réels». «Plus au cœur de notre quotidien» que la violence subie chaque jour par les personnes opprimées seraient, par exemple, l’évasion fiscale ou les accords de libre-échange. L’auteur se trouve bien irrité, semble-t-il, que les enjeux qui concernent aussi ou surtout les hommes blancs ne soient pas les seuls dont on discute sur le campus. Pas étonnant donc qu’il se tourne vers le concept amorphe du «politiquement correct» pour délégitimer toute conversation qui ne l’inclut pas. Le pernicieux discours du «politiquement correct» se glisse aussi dans les articles d’actualités. Dans «Le ‘Non’ l’emporte à McGill» (édition du 17 novembre, Actualités,

page 3), le même auteur se porte à la défense de la «voix dissidente» du président de Conservative McGill, Alexei Simakov, récemment défait à l’élection au poste de v-p aux Affaires internes de l’AÉUM. L’auteur attribue la défaite de M. Simakov à «l’accent sur le politiquement correct» qui «a largement contribué à ériger cette forteresse aux alentours de l’AÉUM, à laquelle seuls les plus intimes peuvent accéder». Camoufler une analyse sans substance Ce «politiquement correct» auquel l’AÉUM serait si dévouée est un mythe. En fait, l’engagement envers l’équité et la justice sociale, auquel l’auteur semble ici faire allusion, est loin de faire l’unanimité au sein de l’AÉUM et demeure matière à débat. Les propositions progressistes se heurtent régulièrement à l’opposition du Conseil législatif, qu’il s’agisse de bannir une chanson misogyne du Centre universitaire, de se prononcer sur les coupures au sein de la Faculté des arts, de s’opposer à la recherche militaire ou

d’adopter une politique touchant à la justice environnementale. La même chose se produit aux Assemblées générales. Quant à la défaite de M. Simakov, elle n’est pas le fruit du travail de quelques conspirateurs de la campagne du «non» outragés par ses positions contre-pouvoir. La réalité est bien plus simple: les étudiantes et étudiants ont refusé d’élire M. Simakov à cause de son incompétence et de sa campagne vicieuse et profondément aliénante. On constate que l’attaque envers le «politiquement correct», qui cherche à présenter l’auteur comme la voix de la raison, ne sert encore une fois qu’à camoufler la vacuité de son analyse. Les lectrices et lecteurs du Délit ne souhaitent sans doute pas voir dans leur journal les discours creux et les équivalences trompeuses que les accusations de «politiquement correct» rendent possibles. On veut défendre des opinions réactionnaires — soit, mais que l’on débatte sur le fond et que l’on évite les expressions «à la mode» mais dénuées de substance. x

le délit · mardi 26 janvier 2016 · delitfrancais.com


Terre d’accueil

Le Canada se refait une réputation humanitaire. esther perrin tabarly

Le Délit

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e conflit syrien qui oppose depuis 2011 les rebelles au régime de Bachar al-Assad a provoqué selon l’UNHCR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, ndlr) le déplacement de plus de 4,5 millions de personnes à l’étranger. Sur ce nombre, 1,9 million est parvenu en Turquie et un million au Liban. Près de 350 000 d’entre eux ont déjà obtenu l’asile en Europe mais le flux reste abondant et provoque dans les pays concernés nombre de débats politiques à propos des limites de l’accueil. Le même a lieu au Canada où, après presque une décennie sous le gouvernement conservateur et réticent de Stephen Harper, le nouveau cabinet libéral de Justin Trudeau s’est engagé à faire venir 25 000 Syriens. Mais qui sont les réfugiés? Comment arrivent-ils ici? Quels sont les enjeux, politiques et réels, de leur venue au Canada? Le Délit a rencontré Farès Antaki, étudiant en médecine à McGill d’origine syrienne, mais surtout président de la Fondation d’Alep, une association qui s’occupe de l’accueil de Syriens à Montréal, Chantal Hudson, coordinatrice à l’Alliance Canadienne pour l’Aide aux Syriens (CASA) et enfin Mitchell Goldberg, avocat chez Goldberg Berger. Ces derniers ont répondu à nos questions afin de démêler les nœuds de l’asile politique au Canada. «Réfugié», mode d’emploi Il nous revient, comme à tout bon élève, de définir les termes et les éléments à la base du problème. La Convention de Genève, adoptée en 1951, définit le statut de réfugié comme tel: toute personne située hors de son pays de nationalité ou de résidence habituelle, «craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques» et qui ne veut ou ne peut se réclamer de la protection de ce pays. Selon

cette même convention, les pays doivent accorder l’asile aux réfugiés et ne peuvent sous aucune condition les renvoyer dans leur pays d’origine. Les réfugiés cherchant à rentrer au Canada doivent faire valoir auprès de la Commission de l’Immigration et du Statut de Réfugié (CISR) qu’ils correspondent aux critères définis par la Convention de Genève. Une fois le formulaire «Fondement de la demande d’asile» remis à la CISR, les demandeurs disposent d’entre 30 et 60 jours (selon leur pays d’origine et la forme de leur demande), pour rassembler les documents relatifs à la demande et se préparer à l’audience de détermination du statut de réfugié. En réalité, la procédure de demande d’asile est souvent bien plus lente que stipulée par la CISR. En septembre dernier, le journal La Presse racontait l’histoire de Hussein Rahim qui, arrivé en 2012, n’avait toujours pas été convoqué pour son audience. Tenu de rester sur le territoire canadien tant qu’il n’a pas officialisé son statut, M. Rahim dispose pour l’instant de documents valides jusqu’en 2017. Il précise dans son témoignage que deux de ses amis, arrivés eux aussi en 2012, font face aux mêmes difficultés. Le problème viendrait de l’excès de demandes en attente (8 000 au 1er janvier 2015, selon la même source). Rhétorique d’élections

que négative au sujet des réfugiés, en en faisant une affaire de sécurité interne et de protection des citoyens canadiens; «le gouvernement conservateur a permis à seulement 3 000 réfugiés de venir en quatre ans et cela inclut aussi ceux qui sont parvenus aux Canada avant de faire une demande d’asile», précise Me Goldberg. En 2012, les lois relatives à l’immigration ont été changées. Le nombre de détentions à l’arrivée a fortement augmenté,et la période de préparation à l’audience a été réduite. La loi a aussi établi une liste de quarante pays dits «sûrs», dont les ressortissants n’ont pas droit d’appel à la décision de la CISR. La vision des réfugiés dans l’opinion publique est souvent teintée de peur. Il y a une stigmatisation machinale de l’immigrant qui débarque d’un bateau, avec ses histoires d’horreur, ses pertes inimaginables et son malheur qui fait mal à voir, à admettre. Pour rassurer ceux qui s’arrêteraient à cette image réductrice, nos trois interlocuteurs se sont accordés sur le haut niveau d’éducation des Syriens arrivant au Canada (le nombre d’années obligatoires à l’école est de neuf ans en Syrie, ndlr). Ce sont surtout des membres de la classe moyenne qui arrivent ici. «Il y a quelque chose de très primitif qui provoque une réaction négative chez les Canadiens», commente Me Goldberg. Et cela est d’autant plus vrai chez nos voisins européens.

«Il y a quelque chose de très primitif qui provoque une réaction négative chez les Canadiens» Selon Me Goldberg, «historiquement, le Canada a toujours été l’un des pays en tête pour l’accueil des réfugiés». Pourtant, dans les dernières années, le pays a pris un grand retard en terme d’aide humanitaire. L’accueil des réfugiés est devenu un sujet de prédilection en politique. Le Parti conservateur attache une rhétori-

le délit · mardi 26 janvier 2016 · delitfrancais.com

Le Canada et le Québec ont une population vieillissante: l’immigration peut être la solution. En 2015, «la plateforme libérale a été construite avec une forte volonté de protection des réfugiés», dit Me Goldberg. La rhétorique libérale a été accompagnée d’une restauration du discours médiatique sur les réfugiés. «Avec la photo

du petit Aylan sur la plage, lequel s’est avéré avoir une connexion directe avec le Canada, la demande d’asile de sa famille ayant été rejetée, mais aussi avec la quantité grandissante de réfugiés arrivant à nos portes, l’opinion publique s’est mobilisée pour leur venir en aide.» Les promesses de campagne des Libéraux ont abouti à un programme d’accueil des réfugiés, dont la première lancée a eu lieu avant la fin de l’année 2015. Dixmille réfugiés ont déjà été amenés au Canada et le gouvernement prévoit que le reste arrivera d’ici la fin du mois de février. Il a déjà accumulé du retard sur la promesse initiale (25 000 avant le 1er janvier); c’était sans prendre en compte la prise de pouvoir quelque peu tardive (au mois de novembre) et la mise en place des infrastructures nécessaires. Selon Me Goldberg, «le Canada a pris du retard sur ses voisins allemands, libanais et turcs, mais il est en bonne passe de les rattraper.» Essentielles associations Alors que le gouvernement se mobilise tant bien que mal pour trouver des logements, assurer des services sociaux et des emplois, les associations d’aide caritative dans l’ensemble du pays ont un rôle fondamental. C’est le cas, notamment, de CASA. Mme Hudson a énuméré les domaines d’action de l’alliance pour laquelle elle travaille: l’objectif primordial est de «participer à l’intégration des réfugiés syriens dans la région du grand Montréal et secondairement au Canada». Ceci implique la mise en place «d’une ligne d’appel pour répondre aux questions du public et des réfugiés», la distribution de «matériel d’urgence pour les premiers jours à Montréal». En plus de son mandat canadien, CASA s’occupe de lever des fonds pour financer l’aide aux réfugiés dans les camps libanais et turques. Cette mobilisation a notamment permis la création de l’école alSalam (qui veut dire «la paix» en arabe, ndlr), dans laquelle sont

admis 1 500 étudiants réfugiés syriens. L’alliance a aussi travaillé avec l’association des étudiants syriens de Concordia pour obtenir des bourses afin que les meilleurs éléments de cette école puissent venir étudier à Montréal. M. Antaki, pour sa part, nous a

«Nous avons réussi à récolter 36 000 dollars jusqu’ici, et 30 000 ont été reversés làbas!» parlé de la Fondation d’Alep, organisme qu’il a fondé en avril 2015. Tout comme CASA, la Fondation s’occupe de prendre soin des Syriens qui arrivent à Montréal, et d’envoyer de l’argent en Syrie. «Nous avons réussi à récolter 36 000 dollars jusqu’ici, et 30 000 ont été reversés là-bas!» La Fondation d’Alep, en outre, a recueilli des vêtements d’hiver pour seize familles à Sherbrooke. Dans les autres fonctions de l’organisme figurent l’aide à l’apprentissage de la langue (le gouvernement québécois propose d’ailleurs des cours de français gratuits à l’arrivée, ndlr), l’inscription à l’école, la facilitation de l’accès aux services de santé, légaux, etc. Cela nécessite un travail urgent et abondant, mais Mme Hudson autant que M. Antaki assurent que l’intégration des Syriens une fois arrivés et installés se fait sans réelles difficultés: «il y a déjà beaucoup de Syriens ici, et la communauté est très active», précise Farès. Mme Hudson conclut ainsi que «l’arrivée au Canada est toujours un moment très positif, mais c’est très peu quand on pense à tous ceux qui sont restés. Ceux qui sont venus sont très chanceux dans leur malheur.» Avec des chiffres de déplacement pareils, cela tient presque du miracle. x

société

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opinions

Debord ou la libération par l’art Faire de la vie une performance créatrice. antoine duranton

Le Délit

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uelques vingt ans après sa mort, la figure et la pensée de Guy Debord n’ont plus leur notoriété d’antan. Pourtant, aujourd’hui encore, ses idées demeurent d’une actualité brûlante. Auteur iconoclaste, par son parcours voilé de secret et sa vie d’intellectuel hors-norme, il est surtout connu pour la Société du spectacle, son magnum opus à la renommée internationale, publié en 1967. La Société du spectacle

Alors que l’ancienne garde communiste considérait que seules les conditions de production étaient aliénantes, Debord fut le premier à souligner que la consommation moderne peut aussi être une forme d’aliénation et que le marxisme ne peut plus se contenter d’être naïvement quantitatif. Élever le niveau de vie ne suffit plus dans les conditions actuelles, où l’abondance pléthorique de marchandises consommables cache en réalité une même banalité, une même pauvreté et dont le but reste la prolongation du système de domination. Ainsi, si le 19e siècle niait l’humain par la machine, le 20e, et maintenant le 21e, le font également par la marchandise.

prune Proprement totalitaire, la Société du spectacle intègre tout à sa domination et impose le règne de l’apparence, ne permettant plus qu’un jeu faussement concurrentiel, à l’image de nos débats télévisés modernes ou de la compétition publicitaire. Toute la valeur des choses ne se résume plus qu’à leur simple apparence, qu’à l’illusion de leur utilité: tout le reste, qui ne se plie pas aux règles spectaculaires, doit disparaître. Ce qui compte n’est ainsi plus le vrai, la valeur intrinsèque de la chose, mais sa capacité à accomplir un spectacle,

une performance sur la base de laquelle on va la juger. L’illusion devient la seule réalité, le faux devient le vrai. L’internationale situationniste Mais Debord ne se contente pas de diagnostiquer la maladie, il propose son remède. En effet, au sein du mouvement lettriste, puis de l’internationale situationniste, il propose, avec d’autres, un mode de vie entièrement nouveau, centré sur la construction de «situations». Pour les situationnistes, la vraie

liberté, l’affranchissement de la société du spectacle, consiste en la «construction concrète d’ambiances momentanées de la vie et leur transformation en une qualité passionnelle supérieure». Autrement dit, il s’agit de faire de chaque moment de l’existence une expérience ludique et particulière, visant à dépasser le côté uniquement pratique et compartimenté du mode de vie spectaculaire. Le situationnisme vise de fait à limiter au maximum les moments «nuls» de la vie, ceux aujourd’hui consacrés au même labeur productif et dénués de poésie. Il cherche un retour à la vie réelle, loin de la fausseté du spectacle. Ainsi, le situationnisme, engagé dans une véritable «bataille des loisirs», vise à développer un art intégral qui permettrait la création de situations. On comprend de ce fait l’importance accordée à l’urbanisme, la ville situationniste se devant d’être l’anti-ville capitaliste, au fonctionnalisme terne. Les situationnistes développent également de nombreux jeux qui favorisent la création de situations, à l’image de la «dérive», qui consiste à errer sans but réel dans une ville, en y cherchant des endroits particuliers, dépaysants, brisant par là tout ce qui est censé être pratique et capitaliste dans une ville.

«Jouissez sans entraves» et autres aphorismes Le situationnisme vise enfin à supprimer tout type de division sociale, de division entre art et travail, entre travail et loisir: il s’agit d’une libération de la créativité, d’une constante création ludique. «Ne travaillez jamais» écrivait Debord, ce qui résume très bien sa pensée d’une libération par un retour complet à la vie, loin de son productivisme actuel. Lire Potlatch, une des revues des lettristes-situationnistes est intéressant pour se faire une idée de l’exubérance créatrice, de l’outrance volontaire des propositions situationnistes, toujours surprenantes mais faites dans le même but: changer radicalement la vie, sortir de l’aliénation triste de la société du spectacle. Le situationnisme propose ainsi une révolution concrète, qui commence dans nos activités quotidiennes en apparence anodines. La praxis révolutionnaire se retrouve à portée de main et dans la vie de tous les jours, quand dans l’ancien marxisme elle était renvoyée à un futur toujours repoussé et à une période circonscrite. Face à la triste rigueur qu’exigeaient les anciennes théories révolutionnaires, le situationnisme propose un retour à la vie, donnant une nouvelle fraîcheur à la subversion. x

Le non-problème de mon âge Petit rappel sur une ritournelle dont il ne faut pas abuser. cécile richetta

Le Délit

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ntre nous, on peut se le dire: on ressent tous de l’amertume quand une discussion animée se termine par le terrible «Tu dis ça parce que tu as vingt ans». Immédiatement, je me demande: mon âge est-il vraiment une limite, est-il un boulet à mon pied? Quel âge faut-il donc avoir pour qu’une personne soit considérée comme ayant des opinions sérieuses et respectables? Trente ans? Quarante? «Moi aussi, quand j’avais vingt ans»; «Mais qu’est-ce que tu en sais, toi, à vingt ans»; «Tu verras, quand tu auras mon âge, tu ne verras pas les choses de la même manière»… Il y a quelque chose dans cet argument qui me met mal à l’aise, et qui mérite d’être disséqué. Seulement une vingtaine d’années au compteur: je sais! Avant tout, il est important de reconnaître qu’effectivement, à chaque âge son point de vue. Je ne dénigre pas le point de vue

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société

d’une personne de trente, quarante, soixante ou soixante-dix ans. Dans une société où l’on respecte l’adulte, j’estime son opinion en tant qu’individu mais aussi en tant qu’aîné, au nom de l’expérience et de la maturité. Il est évident qu’avec à peine une vingtaine d’années d’expérience, il y a de nombreuses choses que je n’ai pas vues, pas entendues, plein de batailles que je n’ai pas pu livrer et que je n’ai observées que dans les journaux ou à la télé. Il faut faire une distinction entre deux possibles intentions, lorsque l’on m’accuse de n’avoir que vingt ans. Dans le premier cas, l’adulte prévient que l’expérience me fera sûrement changer d’avis — néanmoins rien ne m’oblige à un jour partager son avis en particulier. Dans le second cas, l’adulte, excédé dans cette dispute, décide de me rabaisser dans l’espoir de remporter l’argumentation. J’observe néanmoins quelque chose d’étrange dans cette relation de respect: pourquoi l’âge n’est-t-il pas une arme contre mon aîné? Il l’avantage, mais il m’écrase. N’ai-je donc rien vécu, rien lu, rien appris qui ait une quelconque valeur?

charlie L’âge n’est pas un argument convaincant Je prendrai donc le temps d’expliquer en quelques points pourquoi l’âge n’est pas un mauvais argument, mais n’est tout simplement pas un argument. Me dire que mes vingt ans m’empêchent d’être prise sérieusement est une attaque envers la personne que je suis en

cet instant précis — une personne de vingt ans. Car, après tout, on m’apprend à réfléchir. Comme toutes et tous mes camarades à l’université, je passe des heures à lire, écrire des dissertations interminables, mettre mes arguments en forme, pour finalement prendre en compte les commentaires de mes professeurs. J’accepte et respecte ce qu’ils ont à

dire; je grandis et m’épanouis dans cette critique constructive. Jamais un professeur ne critiquerait une dissertation sur la base que mon argument était trop «jeune». Il peut être mal argumenté, mais jamais trop immature. De plus, chers anciens, comme vous, je suis confrontée aux gros titres des journaux. Ils me terrifient et m’horrifient autant que vous. Je me sens responsable de ce monde dont je vais hériter. C’est normal qu’il me tienne à cœur, après tout, je suis censée y passer les cinquante prochaines années. Et je m’inquiète autant de ce monde que de votre cynisme. Naturellement donc, je me suis renseignée avant de parler. Je ne prétends pas tout connaître, mais je n’ai pas commencé cette discussion de but en blanc: j’ai lu, discuté, je m’inspire d’expériences de personnes rencontrées, et j’ai dû mûrir un argument que je trouve convaincant. Peut-être que je ne vous convaincs pas, néanmoins vous vous devez de réfuter mon raisonnement, pas mon âge. Avoir une opinion n’est pas un privilège que l’on acquiert passé un certain âge. x

le délit · mardi 26 janvier 2016 · delitfrancais.com


économie

WTI (NYMEX) 29.78$ -1.85% Nasdaq

economie@delitfrancais.com

Enquête

Les rois sont morts, vivent les rois Une analyse de la crise pétrolière. Sami Meffre

Le Délit

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a semaine dernière, le prix du baril de pétrole brut américain est brièvement passé en-dessous des 28 dollars. C’est un niveau record pour le cours du baril qui était à plus de 100 dollars il y a 18 mois. En effet, la dernière fois que le prix du baril avait plongé si bas était il y a plus d’une décennie, en 2003 plus exactement. Beaucoup s’interrogent alors sur le pourquoi du comment de cette chute effrénée du baril. Après tout, est ce que l’on ne nous avait pas promis que l’on n’aurait bientôt plus de pétrole? En 2016, le pétrole est roi… Si un jour vous décidez de vous mettre à vivre consciemment et ainsi choisissiez de bannir le pétrole de votre vie, bonne chance: il est devenu une partie aussi importante de notre vie que la nourriture ou l’eau. Le pétrole ne sert pas seulement comme carburant pour les voitures, les avions, les trains et autres moyens de transport, il sert aussi comme combustible de chauffage et comme matière première pour virtuellement tous les produits synthétiques qui existent, que ce soit de façon directe ou indirecte. Au Canada, la consommation de pétrole s’élève à 1,5 million de barils par jour, soit 2,5% de la consommation mondiale. Pas mal pour un pays qui ne représente que 0,5% de la population mondiale. En 2016, le pétrole est inévitable: il nous transporte et nous chauffe, mais transporte aussi la plupart des biens que nous consommons et est

partie intégrante de la plupart de ces biens. Il correspond aussi bien souvent à une des formes d’énergie les moins chères pour les pays en voie de développement. Il représente le sang visqueux de l’économie moderne et, à ce jour, aucun pays ne peut se targuer d’être complètement indépendant de ce dernier. …mais qui est le roi du pétrole? On pourrait penser que les rois du pétrole sont les grandes multinationales et les pays exportateurs de pétrole. Les compagnies publiques dominent largement le podium que ce soit en terme de réserve ou de production alors que seulement quatre compagnies privées prennent une place dans le top 10 des plus gros producteurs de pétrole: BP, la Royal Dutch Shell, ExxonMobil, et Chevron, et aucune ne se place dans le top 10 des plus grosses réserves pétrolières. Mais à l’ère où le baril de pétrole est moins cher qu’un baril de poulet frit du Kentucky, peut-on vraiment parler de ces pays et compagnies comme des rois du pétrole? En 2015, les revenus de l’Arabie Saoudite n’ont pas réussi à couvrir ses vastes dépenses (162 milliards contre 260 milliards de dollars) tandis que le chômage chez les jeunes séoudiens entre 16 et 29 ans s’élevait à 29% dans la même année. Le budget qatari est lui aussi près de passer dans le négatif en 2016. De leur côté, la Russie, l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan ont vu leur monnaie s’écrouler avec des taux de changes records. L’Azerbaïdjan s’est même mis à taxer toute sortie de monnaie étrangère dans une tentative déses-

par SAMI MEFFRE

le délit · mardi 26 janvier 2016 · delitfrancais.com

Matilda Nottage pérée de ralentir la descente aux enfers de la sienne. Le Venezuela fait face à une potentielle inflation de plus de 720% cette année, selon le FMI. Du côté des multinationales, le résultat n’est guère plus joli: ExxonMobil est celle qui s’en sort le mieux avec une chute de seulement 27% du cours de son action depuis l’été 2014, tandis que les trois autres ont chuté de plus de 30% sur la même période — la Royal Dutch Shell en tête, avec une chute de près de 40% du cours de son action. Qui a assassiné les rois? Avec des cours du pétrole si bas et une volatilité si forte, il serait naïf de croire qu’il n’y a qu’un seul coupable. Les doigts pointent plutôt

Réalisé à l’aide de Piktochart

dans tous les sens. La Chine, l’Europe, Daesh, le Moyen-Orient… tous les coupables habituels sont de mise pour cette chasse aux sorcières. Tout d’abord, il faut comprendre les problèmes qui freinent la demande de pétrole. L’Europe est en pleine crise d’identité, exacerbée par la crise des migrants qui est venue s’ajouter à sa crise économique, ses mouvements nationalistes d’extrême droite, ou encore les envies de sécession dans certains pays comme le RoyaumeUni. L’ambiance n’est donc clairement pas à la forte croissance, contrairement à ce que l’on peut observer chez nos voisins américains. Plus grave, la Chine, second importateur de pétrole, a vu sa croissance réduire au cours de l’année passée, événement qui a poussé les marchés financiers mondiaux dans une spirale de vente l’été dernier. La Chine et l’Europe représentant près de 38% du PIB mondial, la faiblesse de leurs économies respectives créait un environnement avec une plus faible demande de pétrole. Du côté de l’offre, on assiste à une offre historiquement supérieure à la demande. Tout d’abord l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), dirigée par l’Arabie Saoudite, a répété qu’elle refusait de baisser son niveau de production et l’a, dans les faits, augmenté. Cette stratégie est largement vue comme une façon pour les pays membres de l’OPEP d’étrangler les pays exportateurs de pétrole dont les coûts de production sont supérieurs. La principale cible de cette vendetta est l’huile de schiste: le pétrole non-conventionnel qui s’est libéralisé au cours de la dernière décennie en réponse aux hauts cours du pétrole dit «convention-

nel». En effet, tandis que le pétrole conventionnel coûte en moyenne entre 30$ et 40$ par baril extrait, le pétrole de schiste coûte entre 40$ et 90$ à l’extraction. De plus, la récente levée des sanctions iraniennes a permis à l’Iran d’entrer pleinement sur le marché du pétrole, ajoutant plusieurs centaines de milliers de barils par jour sur le marché. Mais ceci ne peut pas entièrement expliquer la chute des prix en dessous de la barre des 30$, c’està-dire en-dessous du coût d’extraction de la plupart des barils de pétrole, conventionnel ou pas. Pour cela, il faut se tourner vers la pseudo-guerre froide qui est en train de se dérouler au Moyen-Orient entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. Les deux pays cherchent à démontrer leur domination sur la région, notamment au travers de guerres par ennemis interposés comme celle au Yémen, mais aussi apparemment au travers d’une guerre économique. Dans celle-ci, le gagnant sera le pays qui pourra supporter le plus longtemps ces niveaux du cours du pétrole sans voir son économie politique imploser. Les cours du pétrole ne semblent pas prendre le chemin d’une relance inopinée et les compagnies pétrolières s’en doutent aussi. Depuis le début de la crise, selon le New York Times, près de 250 000 employés ont été renvoyés, tandis que deux tiers des puits de pétrole ont été fermés. Cette crise n’est donc pas finie et si, comme le prédit la Banque Royale d’Écosse, cette crise pétrolière dégénère en crise économique, le baril de pétrole pourrait avoir un impact négatif conséquent sur l’avenir proche des étudiants qui termineront leurs études en 2016. x

économie

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Culture articlesculture@delitfrancais.com

théâtre

Ruban de Mœbius

Queue cerise, chercher à se «défaire de l’étroitesse de la raison.» vassili sztil

Le Délit

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mélie Dallaire est comédienne de formation, mais elle est aussi l’auteure de Queue Cerise, une pièce sur l’inconscient et les rêves, jouée au Théâtre d’Aujourd’hui du 26 janvier au 13 février. Le Délit (LD): Pour commencer, étant donné que tu es l’auteure, peux-tu nous présenter ta pièce? Amélie Dallaire (AD): C’est l’histoire d’une fille qui commence un nouveau travail et elle ne sait jamais quoi faire, elle ne comprend pas son poste. Alors elle se perd dans les couloirs, elle se retrouve dans des endroits bizarres… Et ça me permet d’aborder l’inconscience, je m’intéresse beaucoup à l’inconscient, les moments où l’inconscient et la conscience cohabitent. LD: Pourquoi vouloir écrire une pièce aussi intime, puisqu’elle traite en partie de tes propres rêves et fantasmes? AD: Je veux faire de mes

rêver. Et en effet, le rêve c’est un peu l’aboutissement de cette idée je trouve, entre conscience et inconscience. Queue Cerise c’est comme un ruban de Mœbius, on ne reconnaît pas le côté conscient ou inconscient, les deux faces se brouillent. On n’est pas capables de discerner, il n’y a plus de frontière. Le conscient et l’inconscient sont comme… entrelacés. La mise en scène essaye d’appuyer ce phénomène, avec des changements brusques de scènes, comme dans un rêve. C’est un peu brouillé on se retrouve dans une pièce puis une autre sans se souvenir des transitions.

fantasmes un sujet, mais c’est pas littéral. C’est impudique mais en même temps je suis protégée par la fiction. La fiction transforme les fantasmes, les gens vont se les approprier et ça va peut-être devenir les leurs! LD: D’ailleurs, comment le titre t’est-il venu? AD: C’était comme une intuition, j’avais une idée mais pas claire… J’aimais la sonorité, il y a le mot «queue» qui fait animal, une queue d’animal mais aussi un membre. Et puis «cerise» ça faisait la chair, une couleur, une texture. Je trouvais que ça faisait sensuel aussi. LD: Comme l’on parle du rêve et de l’inconscient, quel rapport cette pièce entretient-elle avec la psychanalyse? AD: Je ne m’inspire pas exactement de la psychanalyse, mais plutôt des idées de Carl

Gustav Jung. C’est comme une adaptation, mais en amateur; ça m’a inspiré dans l’écriture. J’essayais d’être connectée à ces pensées, tu sais, celles qui surgissent dans notre cerveau mais qui ne semblent pas être de nous! Carl Gustav Jung dit que l’on est tout le temps en train de

LD: À propos de la mise en scène: commewnt as-tu travaillé avec Olivier Morin, le metteur en scène? AD: On a fait une espèce de laboratoire de Queue Cerise, donc on avait déjà un travail amorcé. Puis je suis retournée à l’écriture, c’est là que ma raison est revenue, j’ai dû organiser le chaos. Olivier m’avait donné des

Rent: injustices et poésie

exercices à faire, il fallait que je travaille les personnages, j’avais besoin d’un cadre. Olivier m’a aidée pour ça. Puis à un moment, il fallait que je lâche l’écriture, et il a fallu que je lui passe le flambeau. LD: Enfin, parlons un peu de toi. Quel lien trouves-tu entre ta carrière de comédienne et d’auteure? AD: Quand je suis sortie de l’école il y a 10 ans, ma carrière n’a pas été très florissante, je n’avais pas beaucoup de confiance en moi, donc j’ai commencé à écrire. J’ai aussi participé au «Théâtre tout court», une soirée de courtes pièces, j’y ai participé à cinq reprises. Ça te permet d’explorer très vite ce que ça donne, en une semaine c’est écrit et monté, tu te sens vraiment libre d’explorer des thèmes. Parfois je me sens mieux comme créatrice. Comédienne c’est parfois un peu passif. Pour être créatrice je prends un crayon pour écrire. Les monologues humoristiques, etc. J’explore, je trouve plus de fun et d’énergie en étant autonome. x

L’AUTS nous présente un show qui touche le spectateur par sa sincérité. yves boju

Le Délit

E

n matière musicale, Rent est une de ces comédies qui allie la performance, le sujet et la réflexion. Ce que l’ Arts Undergraduate Theater Society (AUTS) a présenté à sa répétition générale ressemble à cet équilibre idéal auquel chaque écrivain aspire. Rent est une comédie musicale qui suit le parcours d’un groupe de jeunes adultes de nos âges dans le New-York des années 1980. La vie y est parsemée de difficultés quotidiennes dans un contexte de crise du sida: pauvreté, maladie, isolement, problèmes de communauté et de sexualité; d’après Daniel AustinBoyd, le directeur du spectacle, «ce sont des sujets qui font de Rent un show auquel les étudiants peuvent s’identifier». Car détrompez-vous! Si vous vous laissez prendre au jeu, ce n’est pas pour assister à une performance «feel good» de Sutton Foster sur un Anything Goes qui vous trottera dans la tête pendant une soirée ou deux, si excellente soit-elle. L’objectif de Rent est bien de mettre en évidence ces sujets controversés pour pousser à une réflexion après la séance et c’est d’ailleurs ce qui lui a

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Culture

salomé grouardo valu plusieurs récompenses comme des Tony Awards et autres Drama Desk Awards. Si les premières chansons peinent à démarrer de manière percutante, un rythme se met progressivement en place et les acteurs commencent à oublier qu’ils sont sur scène. Un peu plus de flirt manque dans «Light My Candle», et notre rôle de critique ne nous empê-

che d’en vouloir plus de ce côté-là, comme d’en vouloir moins sur la chorégraphie de «Will I». Et plus tard de déplorer les quelques problèmes de micro qui viennent ternir la belle voix de Teodora Mechetiuc (dans le rôle de Mimi). Cette première partie, ne l’oublions pas, est aussi la première qui soit présentée devant un public. Mais c’est justement au moment

où cette excuse me vient que les acteurs parviennent à casser ce rythme avec le «Tango Maureen»: un duo élégant, bien chanté et dansé avec le soupçon de pudeur qui convient par Mariel White (Joanne) et Olivier Bishop-Mercier (Mark). C’est ainsi que les bonnes performances s’enchaînent afin de remplacer le doute par le plaisir: un onewoman show complètement loufo-

que d’une Sophie Doyle (Maureen) à la voix puissante; «La vie bohême» vous fait danser les pieds faute de pouvoir se lever: l’ensemble y est bon, les actions fusent sur scène et l’on se perd dans ce joyeux mélange à vouloir tout capturer. Au deuxième acte, «Seasons of Love» vous emmène dans un rythme plus calme et l’on y découvre plus tard un «Take Me or Leave Me» entre Joanne et Maureen qui est sans doute le clou de ce spectacle: voix, mouvement, lumière, groove rythmé de la part des musiciens, tout y est. Le spectacle Rent représente donc une succession de bonnes chansons, une montée en puissance au niveau du jeu, de la musique, des émotions. Le metteur en scène a trouvé des manières originales de présenter une œuvre difficile à réinterpréter et c’est là aussi que se trouve le talent des acteurs. Ils ont réussi à nous toucher en nous faisant frissonner ou en nous laissant pantois; bref, en nous faisant croire à la poésie d’une communauté de personnages réunis autour de leurs succès et de leurs défaites. Si, de notre côté, la poésie manque à l’heure de rendre justice au travail de l’AUTS, le sentiment y est, croyez-le bien. x

le délit · mardi 26 janvier 2016 · delitfrancais.com


cinéma

Fable moderne

Mustang: vent de fraîcheur au Cinéma du Parc.

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os gros vêtements couleur de merde font de vous l’émissaire de la

morale?» Cette voix, c’était Lale, cadette d’une famille de cinq sœurs. Elle vient de clouer le bec à une voisine aux mœurs chatouilleuses dont les coups de langue marquent le début de l’intrigue de Mustang, premier film de Deniz Gamze Ergüven. Tout commençait pourtant tranquillement, par une matinée d’été dans le village turc d’Inébolu au bord de la Mer Noire. Mais voilà qu’on accuse les jeunes filles de «se frotter aux nuques des garçons», sous prétexte qu’elles se sont amusées à monter sur leurs épaules. Il n’en faudra pas

plus pour que Lale, Nur, Ece, Sonay et Selma se retrouvent cloîtrées chez elles, sous la tutelle d’un oncle impérieux et d’une grand-mère dépassée. Comme si cet acte innocent représentait la cloche d’alarme qui sonne la fin de leur liberté. Ces filles ont grandi, il faut à tout prix les transformer en épouses dignes de ce nom. Sans aller jusqu’à caractériser son film de «féministe», la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven répète à «toute l’Europe» que Mustang pointe du doigt la sexualisation à outrance à laquelle les femmes turques sont sujettes. «Il y a quelque chose de contestataire dans le film mais de manière assez irréfléchie». Car même si chacune des scènes sont

cohen med

ia group

inspirées de faits réels, les réactions des personnages penchent plus vers le conte que le documentaire. L’alternance entre gravité et légèreté, lenteur et soubresauts détourne la lutte tradition vs modernité et évite une impression de déjà-vu. Car si le blâme du phallocentrisme est un motif récurrent, la spontanéité des cinq héroïnes alloue à ce procès une fraîcheur de nouveau-né. Quand peu à peu, la situation se retourne et qu’il est temps d’agir, l’enchaînement des plans fait corps avec la prise de conscience des personnages. Il nous faut très peu de temps pour comprendre que la syntaxe de Mustang vient tout juste de valider son brevet de nouvelle merveille du cinéma. x

Textes

céline fabre

Le Délit

Trois heures quarante-cinq Rétrospective sur le cinéma de Chantal Akerman.

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ue québécoise la cinémathèq

Textes

céline fabre

Le Délit

esdames et messieurs, le défi de cet article sera de ne pas faire l’éloge aveugle de Jeanne Dielman, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles simplement parce que l’on sait que sa réalisatrice Chantal Akerman s’est enlevée la vie le 5 octobre dernier. Avec tout le respect que l’on doit à cette cinéaste belge post-Nouvelle Vague — pour qui la Cinémathèque Québécoise a organisé une rétrospective jusqu’au 22 janvier —, restons professionnels et replions nos mouchoirs. Jeanne Dielman, en bref, c’est l’histoire d’une femme au foyer qui se prostitue, incarnée par la superbe Delphine Seyrig. En termes descriptifs, la liste est longue pour ce «long» long-métrage tourné en 1975. Des plans fixes, des jeux de lumières, des plans fixes, des dialogues rares (parfois même muets), encore des plans fixes, une esthétique irréprochable

et enfin l’impression globale que quelque chose va ou doit se passer. On a beau prétendre au titre de cinéphile, face à trois heures quarante-cinq de lente déchéance dans un quasi huis-clos, il y a de quoi trouver le temps long. Mais ne nous limitons pas à la description: osons l’analyse subjective, au péril de toute crédibilité. Car trois heures quarante-cinq de passivité physique c’est presque autant de bouillonnement cérébral. On ne comptera pas le nombre de fois où l’on a disséqué l’écran en se grattant la tête. Et ce n’est pas tous les jours que l’on a l’occasion de ressentir la lenteur du quotidien de façon si intense. Ayons la sagesse d’admettre que trois heures quarante-cinq d’observation c’est aussi un exercice de patience, une invitation au respect. Non, Jeanne Dielman ne se transformera pas en citrouille, aucun acte surnaturel ne viendra briser la routine

Fragments hollywoodiens

Une plongée attendrissante dans l’intimité d’Ingrid Bergman. hortense chauvin

Le Délit

R

écompensé par le prix du film documentaire «L’œil d’or» au festival de Cannes 2015, Je suis Ingrid, réalisé par Stig Björkman, est présenté au Cinéma du Parc jusqu’au 28 janvier. À l’occasion du centième anniversaire de la naissance d’Ingrid Bergman, le réalisateur suédois signe un documentaire intimiste, retraçant son parcours

en s’appuyant sur ses archives personnelles. Née en 1915 à Stockholm, Ingrid Bergman connut, dès ses débuts au théâtre, un succès fulgurant. Le tournage de Casablanca en 1942 la consacre comme figure majeure du cinéma occidental et elle tourne avec certains des plus grands réalisateurs de son époque tels que Alfred Hitchcock. À travers ce documentaire, Stig Björkman s’acharne à explorer une autre facette de la trajectoire de l’actrice, dévoilant les étapes de sa vie à travers son ressenti personnel. Il assemble des séquences de films tournés en Super 8 par Ingrid elle-même lors de tournages ou de vacances familiales. Le réalisateur laisse l’actrice se raconter par elle-même. Les images intimes se succèdent, accompagnées de témoignages de ses proches, d’archives télévisuelles, ainsi que de lectures de son journal intime et de ses lettres. Le réalisateur propose alors une vision inédite de l’actrice et de sa carrière. Si cette mosaïque sépia est quelque peu monotone, voire convenue, elle est néanmoins

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touchante, dévoilant une Ingrid Bergman timide, indépendante, talentueuse et indocile. Hommage paradoxal

Échappant de peu au piège de l’hagiographique, Je suis Ingrid se révèle particulièrement intéressant sur le plan historique. En suivant Ingrid Bergman, on assiste également aux évolutions esthétiques du cinéma et de ses différents mouvements, ainsi qu’aux mutations de la société d’après-guerre. Portées par la musique de Michael Nyman, les images sélectionnées par le réalisateur sont marquantes par leur authenticité. On parvient presque à s’identifier et à ressentir de l’empathie pour cette actrice pourtant magnifiée par les médias de son époque au point de paraître inaccessible. C’est sur cette tension entre l’image publique et la vie privée d’Ingrid Bergman que se construit le documentaire. Adulée par le public puis exposée à son jugement de manière particulièrement violente tout au long de sa carrière, Je suis

qui l’asservit, sinon un oubli. Le deuxième jour, elle fait trop cuire ses pommes de terre, et là: ce sont tous ses repères qui perdent le nord. Le tout, dans une gravité qui effacerait presque le ridicule d’un tel incident: quoi que l’on dise, Miss Akerman avait de l’humour. À l’inverse d’un bon vieux film de Godard, il n’y a pas de voix-off qui nous perd dans des réflexions aussi délicieuses que perturbantes et en 1974, Chantal Akerman confiait à l’acteur Sami Frey que la psychologie des personnages ne l’intéressait pas. Finalement, Jeanne Dielman c’est aussi la mise en scène de choses anodines, à l’apparence peu profondes mais qu’il fallait oser porter à l’écran. La beauté des images au service de la lassitude — et vice-versa —, c’est tout de même un bel hommage à la fragilité humaine. Donc malgré l’introduction de cet article: merci Chantal. x

Ingrid critique de manière virulente le fonctionnement des médias sensationnalistes, scrutant de manière obsessionnelle ses choix personnels. En opposant les images de vacances tournées par Ingrid Bergman aux images anxiogènes saisies par les paparazzis, le documentaire interroge sur la mythification des artistes, qui perdure à notre époque. Cependant, l’ambition principale du documentaire reste la commémoration d’une «légende» hollywoodienne, dans une démar-

che qui entretient les rouages d’un système de vedettariat qu’il appelle pourtant à critiquer. À l’image d’Ingrid Bergman, présentée comme la médiathèque de toutes ses expériences passées, le réalisateur de Je suis Ingrid nous confie le souvenir d’une actrice dont la mémoire s’efface avec le passage des générations. Réalisé avec sensibilité et enthousiasme, Je suis Ingrid piquera sans doute la curiosité des admirateurs de l’actrice aux trois Oscars, offrant un regard atypique sur son existence. x

Culture

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cinéma

1969: vertige à Montréal

Neuvième étage documente la désobéissance civile au Cinéma du Parc. inès thiolat

L

ors de l’hiver 1969, la communauté étudiante de Montréal se révolte. Des étudiants de McGill et des principales universités de la ville occupent depuis des jours le laboratoire informatique du neuvième étage de l’Université Sir George Williams (devenue ensuite l’Université Concordia). La raison: ils protestent contre le comportement discriminant et raciste du professeur de biologie Perry Anderson envers six de ses élèves d’origine antillaise. Après quatorze jours d’occupation des lieux, la manifestation prend fin dans la violence, l’intervention de la police et l’emprisonnement de 97 individus. La colère des étudiants qui luttent contre la discrimination explose: Perry

ONF

Anderson semble intouchable et des slogans à caractère raciste tels que «let the niggas burn» («brûlons les nègres», ndlr) émergent peu à peu. Montréal, ville de la diversité qui se revendiquait «Terre des Hommes» lors de l’Exposition Universelle de 1967, cache alors une réalité bien plus sombre. Un mythe s’effondre La réalisatrice indépendante Mina Shum signe un premier documentaire éblouissant et extrêmement juste à propos d’un épisode douloureux des relations entre les différentes communautés du Canada. Cette manifestation universitaire, similaire aux mouvements qui ont secoué la France en mai 1968, met en lumière le débat sur la place des minorités et plus largement le droit de protester contre l’oppression. Emprunt d’objectivité, le documentaire échappe au piège du ton moralisateur dégoulinant de bons sentiments. Au contraire, à l’aide d’images d’archives et de témoignages récents, il laisse la parole aux acteurs du mouvement, qui ne cachent ni leur révolte, ni leur amertume face à une administration universitaire figée.

«Le documentaire échappe au piège du ton moralisateur dégoulinant de bons sentiments.»

Peur et engagement

Tout au long du documentaire, les étudiants victimes soulèvent la problématique de l’intégration de la minorité antillaise et de la notion du «chez soi». Ayant émigré de la Trinidad à Montréal, ils se consolent avec l’espoir de retourner au bercail. L’un d’eux relève avec justesse la notion de l’étranger et la tendance à rejeter ce qui lui est dif-

férent, par peur, par ignorance mais surtout par instinct de survie. Le choc des cultures exerce une influence forte sur notre perception de l’étranger, et peut développer un racisme parfois inconscient. Malgré ce thème plutôt sérieux (c’est le moins que l’on puisse dire!) de l’égalité des hommes face aux lois et aux institutions, on sort de la salle obscure empli de force. Mina Shum a réussi à réaliser une

œuvre sur un thème grave mais non moins pleine d’espoir. Elle dépeint avec talent le sens de l’engagement, dans la définition existentialiste du terme, qui est l’acte par lequel l’individu assume les valeurs qu’il a choisies et donne, grâce à ce libre choix, un sens à son existence.x

Neuvième étage

Jusqu’au 28 janvier au Cinéma du Parc

chronique visuelle

Opini-art-re

Opinions d’étudiants à travers l’art.

«Je ne suis pas un papier glacé.» prune engérant

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Culture

le délit · mardi 26 janvier 2016 · delitfrancais.com


musique

Muse inspiré

Vague de rock britannique au Centre Bell de Montréal. «Les décors suggéraient une sorte de dystopie mécanique, métallique.»

esther perrin tabarly

Le Délit

P

our présenter leur dernier album Drones, la tournée mondiale du groupe de rock alternatif Muse est passée au Centre Bell pour deux soirs de spectacle à plein régime. En première partie du concert du 21 janvier, le groupe américain X Ambassadors a interprété, devant un public enthousiaste mais distrait, plusieurs de ses tubes, dont Renegades (2015).

semblaient guider les musiciens comme des marionnettes tout au long de The Handler. Le groupe a abordé la critique politique avec Drones, Psycho et Dead Inside en ouverture, suivis de près par Isolated System. Toutefois, avec des chansons comme Revolt, Resistance ou Uprising, servies dans la deuxième moitié, persistait un message appelant au soulèvement, à l’anticonformisme.

Un spectacle en résistance

Retour sur la performance

Muse, groupe créé en 1994 par les adolescents britanniques Matthew Bellamy, Christopher Wolstenholme et Dominic Howard, est ensuite monté sur scène dans la clameur du stade presque plein. Il faut souligner la production élaborée, impressionnante, du concert. La scène ronde centrale (et pivotante) — entre deux passerelles rejoignant des plateformes latérales — était surmontée d’un écran circulaire gigantesque. Au-dessus des passerelles, de chaque côté, quatre rideaux blancs se déroulaient de temps à autre, pour

Hormis la mise en scène spectaculaire, Muse a su contenter les fans les plus acharnés en jouant ses chansons les plus emblématiques : Map of the Problematique, Hysteria, Undisclosed Desires, Supermassive Black Hole, Time is Running Out… La clôture s’est faite en grandeur, avec Knights of Cydonia, endiablée, introduite par le thème célébrissime du western Il était une fois dans l’Ouest (composé par Ennio Morricone). Quand on a vingt ans de carrière derrière soi, quelque part, le public surexcité fait la moitié du travail en matière d’ambiance.

la projection d’animations. Plusieurs fois, notamment au début du concert, des drones sphériques illuminés volaient audessus de la salle, dans une danse lente et régulière. À un moment, c’est même un gigantesque missile noir qui a fait le tour du stade, à quelques mètres de la foule. Tout le spectacle a été composé autour du thème de Drones: la robotisation, la déshumanisation,

la violence militaire, la société de surveillance… Les lumières, les animations, les décors suggéraient une sorte de dystopie mécanique, métallique. L’effet scénique le plus impressionnant restera la projection, au-dessus du chanteur-guitariste Matt Bellamy et du bassiste Chris Wolstenholme, de deux mains colossales, argentées, avec des fils noués au bout des doigts. Elles

L’enchaînement des chansons, et surtout l’alternance entre les chansons les plus récentes tirées de Drones, et les classiques, a quelque peu enrayé la performance. Après que la foule ait entonné le chant de ralliement de Uprising, «they will not control us, we will be victorious» («ils ne nous contrôleront pas, nous sortirons vainqueurs», ndlr), il était dommage de poursuivre le concert avec The Globalist, longue et plus lente. Bien que les animations à l’écran — des paysages urbains en décrépitude, pittoresques et colorés — aient captivé l’assemblée, cette suite a complètement brisé l’excitation générale. Le public, près du terme d’un concert de deux heures, a eu le temps de réaliser qu’il avait soif et mal au dos. Somme toute, cette tournée mondiale en met plein la vue, parce qu’elle est de ces productions qui jouent de créativité et d’ambiances thématiques. Il ne se place pas en première place des meilleurs concerts de l’Histoire, mais certainement parmi les plus mémorables. x

SEMAINE DU JOURNALISME ÉTUDIANT 2016 présentée par la Société des publications du Daily

R IE R V É F 0 2 I D E M A S U A R D IM A N C H E 1 4 F É V R IE DIMANCHE : Discussion sur la presse francophone avec Le Délit LUNDI : Atelier sur l’ethnicité et le journalisme MARDI : Journalisme environnemental MERCREDI : Activisme journalistique JEUDI : Journalisme d’enquête VENDREDI : Critiques artistiques SAMEDI : Comment faire carrière en journalisme

McGill

DAILY Restez à l’affût des développements sur www.delitfrancais.com! le délit · mardi 26 janvier 2016 · delitfrancais.com

Culture

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Entrevue

Accueillir les réfugiés, une tuque à la fois! Entrevue avec Danielle Létourneau, la fondatrice de 25 000 tuques.

I

l est des situations où la médiocrité ne suffit plus, où les «J’aime» et les «partages» sur les réseaux sociaux ne veulent plus rien dire. Depuis le début des hostilités en Syrie, selon les Nations Unies, plus de 4,5 millions de personnes on étés contraintes de fuir leurs domiciles. Que leurs apporterons nos «J’aime » et nos «partages»? Strictement rien. Face à cette crise sans précédent et l’apathie généralisée, des hommes et des femmes d’exceptions sont sortis de l’ombre pour nous prouver que la bonté humaine existe encore. Faciliter l’accueil des réfugiés syriens au Canada, c’est la mission que s’est donnée Danielle Létourneau avec l’initiative 25 000 tuques. Le Délit (LD): Parlez nous un peu de vous... Danielle Létourneau (DL): Je suis une scriptrice d'émissions jeunesse qui cumule de nombreuses années d’expérience en improvisation théâtrale à la LNI (Ligue Nationale d’Improvisation). Ma sœur, qui vit en Serbie — et avec laquelle je communique souvent — m’a permise de voir différemment les échos de la guerre et d’avoir une autre perspective sur les enjeux des réfugiés en Europe.

«Plus de 7 000 tuques ont déjà été fabriquées, nous en recevons d’Israël, d’Italie et beaucoup des États-Unis.» LD: Comment vous est venu l’idée de 25 000 tuques? DL: Par colère! Au moment de l'idée, une pétition de 25 000 signatures pour faire reculer notre gouvernement (d’accepter d’accueillir des réfugiés syriens, ndlr) circulait. Je cherchais donc un moyen de faire du bénévolat et mes amies et moi avions des projets de soirées tricot. Par un beau mercredi soir, le 18 novembre 2015, les «fils se sont touchés» et les trois idées se sont arrimées. À ce moment-là, je n'avais nullement l'ambition de tricoter 25 000 tuques. Toutefois, j’ai utilisé ce nombre pour que l'appel soit clair: une riposte à l'appel pour 25 000 signatures contre l’arrivée des réfugiés et une réponse au 25 000 réfugiés qui allaient arriver. LD: Quels sont les enjeux auxquels vous et votre organisation avez dû faire face? DL: Comme il ne s'agit pas d'une organisation officielle mais bien d'un mouvement citoyen, ce n'est pas facile

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entrevue

crÉationeven.ca d'appuyer les efforts des gens sans les «organiser». Pourtant, c'est bien ce qu'il y a de plus beau: une idée qui rassemble les gens sans les diriger ni les obliger. Dès le départ, pour éviter ça, j'ai demandé qu'on refuse les transactions en argent, les dons et les personnes associées à des organisations officielles avec des affiliations politiques ou religieuses. Pour éviter ça, nous avons donc fait appel à un ami sociologue à qui nous soumettions les propositions des organismes qui voulaient nous aider. Seule la Croix Rouge, les Canadiennes (une équipe de joueuses de hockey féminine bénévoles) et quelques rares autres ont passé le test jusqu’à présent. LD: Comment avez-vous surmonté ces difficultés? DL: En consultant des gens et en étant prudente (rires)! LD: Combien de personnes avez-vous réussi à mobiliser jusqu'à présent? DL: C'est impossible à dire. Il y a des groupes partout à travers le Canada. Notre page Facebook est peut-être un bon indicateur? On avoisine les 11 000 «J’aime»! Plus de 7 000 tuques ont déjà été fabriquées, nous en recevons d'Israël, d'Italie et beaucoup des États-Unis. De plus, nous sommes aussi amis avec un groupe de tricoteuses de Belgrade qui nous a découvert par le biais de Facebook et plus encore! LD: Quelle est votre plus grande réussite? DL: D'avoir rassemblé autant de gens sans leur imposer autre chose que la forme du message. Pour tout le reste, ce sont eux qui décident et font tout! LD: Comment réagissez-vous face aux commentaires négatifs que vous avez parfois reçus sur les réseaux sociaux? DL: Il n'y en a pas eu tant que ça. J'ai rarement besoin de réagir moi-même, les

gens se parlent entre eux. Si j'émettais moi-même une réserve, face au mouvement, c'est qu'on peut avoir l'air de se donner bonne conscience en posant un geste symbolique, qui n'est pas aussi efficace que bien d'autres. Quand je me questionne là-dessus, je me dis qu'il faut déjà en avoir une, une conscience, pour se soucier qu'elle soit mauvaise! En plus, faire une tuque n'empêche pas mieux! Nos membres qui ont les moyens et le temps pour s'impliquer plus à fond pour aider le font (et pas seulement pour aider les réfugiés). Pour les autres, ceux qui sont débordés et sans moyens, c'est un petit moyen d'agir afin de démontrer leur appui.

«Mon rêve à moi, c’est que quand on aura couvert toutes ces belles têtes qui arrivent chez nous, qu’on se mette à envoyer nos tuques aux belles têtes d’ailleurs qui en ont besoin!» LD: Quelle est la plus grande leçon que vous retenez de cette aventure? DL: Il vaut mieux ne pas se taire devant l'inadmissible. Ou encore: nous avons un devoir citoyen de support civil. Exercer la démocratie entre les périodes d'élections, ce n'est pas que «chialer»! Ça a l'air prétentieux, mais il faut montrer l'exemple à nos gouvernements en posant ce genre de gestes-là!

LD: Est-ce que vous trouvez que le gouvernement fédéral a été trop ambitieux en souhaitant accueillir 25 000 réfugiés d'ici la fin de février? DL: C'est possible, le support aux réfugiés après leur arrivé est important et il est possible qu'on manque de bénévoles, de moyens, de ressources. Mais comme le disait une de nos tricoteuses: une guerre est une situation d'urgence. Et en cas d'urgence, il y a un effort supplémentaire à fournir. Dans les Balkans, les nuits sont froides, dans les camps, les jours sont durs. C'est une situation exceptionnelle (l'humanité n'a connu un nombre plus grand de personnes déplacées, sauf durant le Seconde Guerre Mondiale, ndlr). Quand on est conscient de ça, 25 000, ça n'est pas tant que ça. Avec les guerres et le réchauffement climatique (peu importe la cause!), ce qu'on vit en ce moment n'est qu'un entraînement, j'en ai bien peur.

«Exercer la démocratie entre les périodes d’élections, ce n’est pas que chialer!» LD: Quels sont les futurs projets de votre mouvement? DL: On rêve d'inviter les réfugiés qui ont eu le temps de s’installer à venir tricoter avec nous pour aider le plus grand nombre de gens possible et pour se donner un lieu de conversation. Mon rêve à moi, c'est que quand on aura couvert toutes ces belles têtes qui arrivent chez nous, qu’on se mette à envoyer nos tuques aux belles têtes d'ailleurs qui en ont besoin! Mon ambition secrète n'est pas de conquérir le monde... c'est qu'on se joigne à notre mouvement! C’est ambitieux, mais je voudrais que les cercles qui œuvrent se transforment peu à peu en cercles citoyens. Des endroits où l’on pourrait échanger librement sur ce que les civils peuvent faire pour s'impliquer, se renseigner et se soutenir. x

Propos recueillis par

Ikram mecheri Le Délit

le délit · mardi 26 janvier 2016 · delitfrancais.com


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