Édition du 17 octobre 2017

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Mardi 17 octobre 2017 | Volume 107 Numéro 6

L’AÉUM opaque depuis 1977


Éditorial rec@delitfrancais.com

Volume 107 Numéro 6

Le seul journal francophone de l’Université McGill rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784

Respirez, ça sent l’automne! air est aigre, sec et rempli de dioxyde de carbone; l’automne arrive. Les feuilles craquent enfin sous nos pas, les toux – interminables et dont l’origine reste mystérieuse – s’imposent finalement pour les six prochains mois de l’année et les toilettes familièrement glauques des bibliothèques bercent nos moments de répits. Une v.-p. de l’AÉUM à vélo, emmitouflé dans son manteau, me dépasse à minuit pour griller un feu rouge. Les insomnies se multiplient. L’automne arrive et la santé s’éloigne.

d’accepter. C’est bien une drôle de manière d’imaginer l’expérience universitaire.

Nos petits corps malades se terrissent sous terre, se recroquevillent sur eux-mêmes, comme les feuilles qu’il nous fait si bon de piétiner.

Le Délit, quant à lui, saura aussi vous offrir un peu de réconfort. Une petite perte de temps, le temps d’un édito, d’un poème, d’un article. Le temps de se dire que tout n’est pas si grave, de s’ouvrir un peu au monde. Le temps d’un journal, le temps de voir ce qu’il se passe autour de nous.

Procrastinant au chaud sous nos couettes, nous voyons défiler les courriels des différentes associations étudiantes, dont les bons mots se veulent réconfortants – «please don’t forget to take care of yourself» (n’oubliez pas de prendre soin de vous, ndlr), «we hope everyone is surviving» (On espère que tout le monde survit, ndlr) – mais qui semble enfoncer un peu plus le clou. «Survivre», voilà ce qu’il nous est donné

Actualités actualites@delitfrancais.com Léandre Barôme Lisa Marrache Sébastien Oudin-Filipecki Culture articlesculture@delitfrancais.com Lara Benattar Sara Fossat Société societe@delitfrancais.com Hortense Chauvin

mahaut engérant Le Délit

L’

Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Mahaut Engérant

En fait, nous sommes tous un peu dans la même barque, Milton B n’est jamais aussi plein qu’à trois heures du matin. Des étudiants perdus mais, heureusement, qui s’entraident un peu. On s’échange une écharpe, une cigarette, une pastille pour la gorge, un brunch ou une petite phrase réconfortante. Tout le monde le sait, ensemble nous survivons mieux.

Il fait bon parfois de perdre le fil du temps, de débobiner en regardant tomber les feuilles. Et puis, pas d’inquiétude, on ne le dira à personne. Demain on retournera tous à nos bouquins, un peu de baume aux lèvres pour éviter de craquer.

Innovations innovations@delitfrancais.com Louisane Raisonnier Coordonnatrice de la production production@delitfrancais.com Hannah Raffin Coordonnatrices visuel visuel@delitfrancais.com Alexis Fiocco Capucine Lorber Multimédias multimedias@delitfrancais.com Grégoire Collet Coordonnatrices de la correction correction@delitfrancais.com Éléonore Berne Thais Romain Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Coordonnatrice réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Dior Sow Événements evenements@delitfrancais.com Madeleine Gilbert Contributeurs Béatrice Malleret, Nathan, Fernanda Muciño, Abigail Drach, Charlotte Grand, Alexandre Zoller, Auguste Rochambeau, Amme Gabrielle Ducharme, Clémence Auzias, Vincent Morréale, Louis SaintAimé, Esther Laforge, Max Belaïch, Sofia Enault de Cambra, Margot Hutton, Tom Lapomme, Suzette Couverture Alexis Fiocco, Capucine Lorber

bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 0E7 Téléphone : +1 514 398-6790 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard & Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Inori Roy Conseil d’administration de la Société des Publications du Daily Yves Boju, Marc Cataford (Chair), Marina Cupido, Mahaut Engérant, Ikram Mecheri, Taylor Mitchell, Hannah Raffin, Inori Roy, Boris Shedov, Rahma Wiryomartono, Xavier

2 Éditorial

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavant réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

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Actualités actualites@delitfrancais.com

Cette semaine: Fermeture du bâtiment Shatner

Les chiffres à retenir

100 000 C’est le nombre d’enfants souffrant d’allergies alimentaires au Québec. Dans un but d’inclusion vis-à-vis de ces enfants, Allergies Québec a lancé une initiative appelée #MaCitrouilleTurquoise. Cette initiative, originaire des États-Unis, invite la population québécoise à peindre une citrouille en turquoise devant leur porte d’entrée le jour d’Halloween pour signaler que des cadeaux non-alimentaires seront présent chez eux.x

À suivre... Suspension de la vp. aux Finances D’après une information reprise par le McGill Daily, Arisha Khan, viceprésident aux Finances de l’Association des Étudiants en premier cycle de l’Université McGill de (AÉUM ou SSMU en anglais, ndlr) a été suspendu de son siège au Conseil des Directeurs (Board of Directors en anglais, la plus haute instance decisionnelle de l’association, ndlr) pour une durée de deux semaines suite à un vote à huit-clos auquel les exécutifs de l’AÉUM n’auraient pas participés. Notons que lors de la publication de cet article, le compte rendu de réunion du Conseil des Directeurs était toujours indisponible sur le site internet de l’association. Plus d’informations à venir.x

L’ENTREPoT‘ DE L’HALLOWEEN

Une réunion a été donnée cette semaine pour fournir plus d’informations sur la fermeture du bâtiment Shatner. Le bâtiment sera donc en construction du printemps 2018 à l’automne 2019, ces constructions ayant pour but de rénover l’infrastructure électrique du bâtiment, le toit et d’ajouter plus de sanitaires. La relocalisation des associations de l’AÉUM n’a pas encore été confirmée mais Ryan Hughes, directeur général de l’AÉUM, a néanmoins évoqué un local sur Peel envisagé par l’administration. x

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“Les voix de nos membres ne sont pas entendues” C’est ce qu’a dit Connor Spencer, vp. aux Affaires externes, durant le dernier conseil législatif de l’AEUM en expliquant que McGill manquait de représentation au niveau provincial. C’est pour cela que, d’après elle, l’AÉUM bénéficierait de faire partie d’une association provinciale telle que l’AVEQ. Pour en savoir plus, lire l’article en page 6. x

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actualités

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campus

À Notre Tour dévoile son plan d’action Des fédérations étudiantes veulent mettre fin aux violences sexuelles sur les campus. Le Délit

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ercredi dernier, le collectif À Notre Tour (Our Turn en anglais, ndlr), un organisme se présentant comme «un mouvement étudiant national qui cherche à vaincre la violence sexuelle et a fondé plusieurs politiques d’agression sexuelle dans plusieurs écoles à travers le pays», organisait une conférence de presse afin de dévoiler leur nouvelle stratégie pour combattre la violence sexuelle sur les campus universitaires. Une initiative nationale Rassemblée dans la salle Lev Bukhman du pavillon Shatner, une dizaine d’étudiant·e·s avait décidé d’assister à la réunion. Autour de la table étaient présentes, Caitlin Salvino, présidente du comité national À Notre Tour, Leyla Sutherland, coordinatrice à la vie étudiante du Syndicat des étudiants et étudiantes de Concordia (Concordia Student Union ou CSU en anglais ndlr), Connor Spencer, vice-présidente aux Affaires externes de l’Association des étudiant·e·s en pre-

mier cycle de l’Université McGill (AÉUM ou SSMU en anglais, ndlr) et enfin Jade Cooligan Pang, étudiante à l’Université Carelton et vice-présidente du comité national À Notre Tour. Au mur, on pouvait voir de nombreuses pancartes portant les inscriptions «McGill qui protégez-vous ?» ou encore «Nous demandons plus de ressources et de personnel à plein temps dédiés à la prévention et à la lutte contre les agressions sexuelles», toutes datant «des années précédentes» selon Connor Spencer. Selon le rapport d’À Notre Tour, la politique contre la violence sexuelle adoptée par l’Université McGill avait obtenu une note de C- (61%) notamment car elle se réfère au Code de conduite de l’étudiant et procédures disciplinaires et qu’elle est limitée quant à sa définition du «contexte universitaire». De plus, celle-ci ne s’applique pas explicitement aux membres du corps enseignant et elle n’inclut pas d’article reconnaissant l’importance de l’intersectionnalité. «Ce n’est pas suffisant» déplore Caitlin Salvino, «une politique n’est que le premier pas ». Connor Spencer note, quant à elle, que ce travail «a toujours été fait par les

étudiant·e·s», précisant qu’une première ébauche de la politique mcgilloise, qui avait été écrite par un groupe de travail composé d’étudiant·e·s, avait été refusée par l’administration. Leyla Sutherland explique que la «violence sexuelle est un phénomène extrêmement répandu» et que la politique de l’Université Concordia avait les même défauts que celle de McGill.

alexis fiocco

Sébastien Oudin-Filipecki

Engagement à long terme La conférence a aussi été marquée par l’intervention d’une survivante qui a partagé son expérience, «Le système m’a laissé tombée» («the system failed me» en anglais, ndlr) a-t-elle notamment déclaré. Son intervention a été suivie d’un silence, l’assistance étant visiblement émue. «Les personnes présentes sont si courageuses» s’est écriée Conor Spencer. «Les étudiant·e·s n’avaient pas confiance en l’équipe exécutive précédente» a déclaré cette dernière avant de préciser que le lancement de ce plan étant un «engagement» de l’équipe exécutive actuelle, «le changement doit s’opérer de bas en haut, il ne peut pas être descendant!» a-t-elle conclu. x

campus

Entre inaction et révolution: discutons ! Une rencontre pour renouer le dialogue entre les groupes minoritaires de l’Université. de la frontière, qualifiant cette expérience de «juste milieu», entre l’inaction et la révolte. D’autres espèrent pouvoir apprendre de cette expérience et répandre une certaine «éducation» à McGill.

alexandre zoller

Le Délit

C

e vendredi 6 octobre, au bâtiment de l’Association des Étudiants en premier cycle de l’Université McGill (AÉUM), se tenait un évènement visant à promouvoir l’équité et la rencontre entre les différentes communautés minoritaires au sein de notre Université. Ainsi, de 17h à 19h, n’importe qui se sentant concerné était invité à s’y rendre afin de profiter de ce moment pour discuter et élargir son horizon. L’AÉUM et l’Association Étudiante des Cycles Supérieurs de l’Université McGill (AÉCSUM) organisaient toutes deux cet événement. Confiance et convivialité Cette rencontre visait particulièrement à attirer les membres des communautés autochtones, des groupes ethniques sous-représentés, des LGBTQ+, ainsi que des étudiants en situation de handicap. Débutant à 17h, la salle se remplit lentement mais finit par être comble lorsque l’évènement

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ACTUALITÉS

Racisme et discrimination?

bÉatrice malleret prit fin. Une grande majorité d’étudiants en maitrise et en doctorat semblaient avoir répondu à l’appel, et tous les groupes furent représentés dans une ambiance conviviale. D’ailleurs, lors d’un discours improvisé, l’un des membres du comité sur l’équité de l’AÉCSUM n’hésita pas, au détour d’une plaisanterie, à accuser McGill d’être

responsable d’une isolation sociale, qui semble peser sur une grande partie des participants, à en juger par les nombreux rires qui fusèrent dans l’assemblée. Un grand nombre de personnes ne faisant partie d’aucune communauté disent avoir ressenti le besoin d’agir après avoir considéré les évènements politiques de l’autre côté

Lors des discussions, de nombreux sujets amènent à nuancer ce que l’on pense savoir. Ainsi, une étudiante d’origine asiatique accomplissant une maitrise remet en question la supposée, mais ô combien célèbre, ouverture d’esprit canadienne. Sa réflexion la mène à affirmer que des formes de racisme et de discriminations sont bien présentes au Canada, mais beaucoup plus insidieuses et subtiles qu’ailleurs. Elle affirme en avoir subi les frais à plusieurs reprises. Maintes fois, le Canada fut critiqué pour avoir favorisé les non-dits qui créeraient, selon une autre étudiante, une image erronée des habitants, beaucoup moins accueillants que ce que l’on a souvent tendance à croire. D’autres sujets sont abordés au cours des deux heures. La situation des populations autochtones semble

préoccuper un bon nombre des participants, qui insistent sur les inégalités auxquelles ils doivent faire face. De plus, une incompréhension persiste sur le sort qui leur est réservé alors que leur présence sur le continent est bien antérieure à celle de nombreux autres habitants, pourtant mieux traités. Enfin, l’évènement n’aura pas laissé les personnes en situation de handicap lésées. Des sujets aussi concrets que la nécessité de l’aménagement au sein du campus, de meilleures infrastructures facilitant l’accès aux bâtiments, en particulier en hiver, reviennent à plusieurs reprises dans la discussion. De même, la considération que beaucoup d’handicaps sont moins physiques que mentaux semblait tenir à cœur à certains représentants de cette communauté. À la vue des sujets abordés, de l’ensemble des communautés représentées et du nombre de participants, cet évènement peut être considéré comme ayant été un succès. Les organisateurs ne cachent pas, d’ailleurs, leur espoir de voir cette rencontre se transformer en retrouvailles annuelles. x

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Montréal

Entrevue: Rencontre avec la candidate de Projet Montréal pour Peter-McGill. sébastien oudin-filipecki ET léandre barôme

projet montréal

Le Délit

Le Délit (LD): Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet de la Ligne Rose, présenté par Valérie Plante la semaine dernière? Jazib Sharifan (JS): Oui, on en est très fiers! La dernière ligne de métro construite à Montréal date de trente ans, et aujourd’hui plusieurs secteurs de la ville sont assez mal desservis, notamment Montréal-Nord. Notre projet prévoit la construction de 29 stations pour lier ces zones au centreville et encourager les transports en commun, afin de réduire la congestion de voitures. C’est un projet très audacieux. LD: Est-il vraiment réalisable dans le laps de temps qu’a annoncé Mme. Plante hier (en 2028) alors que l’extension de la Ligne Bleue a été repoussée à 2021? JS: C’est un projet qui prendra du temps. On espère qu’entre temps la construction de la Ligne Bleue sera terminée, mais dans tous les cas, il faut absolument commencer maintenant. Il est notamment impératif d’aider les étudiants, qui n’ont pas tous la chance d’habiter en centreville. L’une des priorités de Projet Montréal est d’améliorer les transports en commun. LD: De nombreux étudiant·e·s se déplaçant à vélo, pouvez-vous expliquer votre projet de créer un «réseau express» pour les vélos, notamment après la mort tragique du jeune cycliste Clément Ouimet? JS: La sécurité de ces voies là est primordiale. Nous comptons augmenter de 140km les voies de bicyclette, à raison de 35km par an. Nous avons aussi prévu de créer 7 axes majeurs à Montréal et de les rendre sécurisés et séparés du trafic. Nous voulons également augmenter le nombre de stations BIXI, et prévoyons aussi la création d’une carte de transport unique à tous les transports en com-

mun. C’est important pour une ville comme Montréal qui est très attirante pour les cyclistes. LD: Projet Montréal a dans son programme tout un volet sur la thématique du harcèlement de rue. Pouvez-vous élaborer? JS: Plusieurs détails vont sortir au cours des prochaines semaines, donc je ne veux pas en dire plus. J’ajouterais simplement que nous croyons vraiment qu’il faille mieux former la police afin d’intégrer les officiers dans la communauté pour garantir la sécurité de cette dernière. LD: McGill accueille beaucoup d’étudiants étrangers, qui ne s’intéressent pas forcément à la politique municipale. Avez-vous des idées pour mieux engager la jeunesse dans la vie politique locale? JS: Pour moi et pour le reste du Projet Montréal, l’implication des jeunes est très importante. On l’a démontré notamment par le fait qu’un tiers des candidat·e·s que nous avons présenté·e·s ont moins de 40 ans. Si on arrive à toucher les jeunes, on sent

qu’ils veulent s’impliquer. Il faut leur laisser une voix dans les organismes communautaires. Nous nous engageons également à avoir plus d’interactions avec les jeunes, avec des soirées de jeunesse, par exemple, pour voir quels enjeux les intéressent, et de voir comment la politique municipale peut y répondre. De plus, Projet Montréal est en train de se doter d’un chapitre jeunesse afin d’être en contact direct avec ces derniers.

&

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LD: Quels sont vos projets en ce qui concerne la gestion des chantiers, les travaux publics étant une préoccupation pour de nombreux·ses Montréalais·e·s?

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DATE :

le mercredi 18 octobre

JS: C’est sûr qu’une meilleure coordination et gestion des chantiers sont des choses que nous prenons très au sérieux. La planification n’est actuellement pas bien faite, nous devons régler ça. Il faut aussi plus d’inspecteurs pour s’assurer de la qualité des travaux, mais aussi pour assurer que les impacts négatifs sur les résidents soient réduits. On espère pouvoir changer l’idée que le cône orange soit devenu le symbole de Montréal. x

HEURE :

de 10 h à 18 h

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Tous les fonds amassés seront remis au Foyer pour Femmes Autochtones de Montréal.

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actualités

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campus

Conseil législatif du 14 octobre

Un agenda chargé fut débattu au Conseil législatif de l’AÉUM du 14 octobre. Lisa marrache

répandue.

J

Motions à l’ordre du jour

Le Délit

eudi dernier, dans la salle Lev Bukham, se retrouvaient les exécutifs de l’AÉUM et les représentants des facultés étudiantes de McGill au Conseil législatif de l’AÉUM pendant environ 5 heures pour étudier un agenda très chargé. Le Conseil commence avec une présentation de deux représentants de la Clinique d’information juridique à McGill. Le Conseil enchaîne avec une période de questions, dont une du McGill Daily, qui engendre une discussion animée. Ils demandent pourquoi la fermeture du bâtiment Shatner a été annoncé à travers une publication Facebook. À cette question, le vice-président (v.-p.) à la Vie étudiante répond que le but originel était de créer un évènement Facebook pour avertir les locataires, mais que la propagation de l’évènement aux étudiants n’était pas voulue et n’était certainement pas la manière dont la nouvelle devait être

Une heure plus tard, le Conseil s’attaque aux motions qui sont à l’ordre du jour. La première motion est avancée par la v.-p. aux Affaires internes Maya Koparkar, visant à nommer quatre nouveaux conseillers au Conseil des Directeurs (Board of Governors en anglais, ndr). Les élus sont: Kevin Zhou, représentant de la Faculté d’Arts, Vivian Campbell, de la faculté de génie, Josephine Wright O’Manique, pour la faculté d’éducation et Mana Moshkforoush, de la faculté de science. Pour continuer, le Conseil passe une motion endossant la «Grande Manifestation Contre la Haine et le Racisme» qui aura lieu le 12 novembre prochain. Suite à cette motion, certains conseillers demandent la création d’une liste pour répertorier les groupes haineux d'extrême droite à McGill, une liste dont les

gregoire collet grégoire collet

« Deux camps s’opposent, un voulant une affiliation avec AVEQ [...], l’autre jugeant biaisé le fait qe l’AVEQ soit la seule association présentée aux étudiants » représentants on promis de discuter de façon plus détaillée aux prochains conseils. Une autre motion est ratifiée à l’unanimité, celle pour reconnaître la présence de la culture du viol sur le campus de McGill et au sein de AÉUM.

AVEQ à garder? La majorité de la soirée tourna autour d’un débat vis-à-vis de la motion pour créer un référendum quant à l’affiliation de l’AÉUM-AVEQ. Deux camps s’opposent, un voulant une affiliation avec AVEQ

pour que McGill obtienne une représentation provinciale, l’autre jugeant biaisé le fait que l’AVEQ soit la seule association présentée aux étudiants. C’est d’ailleurs ce que Melisa Demir, représentante de la Faculté de Droit reproche: «Pourquoi toutes les associations étudiantes ne sont pas inclues? Les associations étudiantes pourraient-elles venir parler d’elles au conseil législatif?». Beaucoup trouve que le processus «n’est pas démocratique» mais d’autre comme Matthew Savage, représentant de la faculté de service social rappelle qu’il est «important d’avoir une voix unifiée ayant une plus grande portée». Le débat penche aussi vers UEQ, union étudiante étant anciennement partenaire avec AVEQ. Plusieurs conseillers se demandent si l’université ne gagnerait pas à se renseigner sur les services de cette union. Finalement, aucune motion n’est passée, le débat est remis à la semaine prochaine où la v.-p. aux Affaires externes, Connor Spencer, essaiera d’avoir des représentants d’associations étudiantes venant se présenter devant le Conseil. x

canada

Désinvestissement tout tracé

Énergie Est, projet pétrolier d’ampleur, a finalement été avorté. margot hutton

Contradictions nationales

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Les acteurs concernés n’avaient pas tous les mêmes opinions sur le projet. Alors que Trans Canada, auteur du projet, misait sur la création d’emplois et les bénéfices économiques que l’oléoduc pourrait engendrer, de nombreuses organisations s’opposaient à ce plan. D’abord, vis-à-vis des raisons écologiques citées plus haut, de nombreuses ONG, et autres environnementalistes ont désapprouvé l’idée. C’est le cas de Divest McGill par exemple, qui s’était beaucoup investi dans cette dénonciation. De plus, les communautés autochtones étaient des acteurs clés de l’opposition, n’ayant pas été assez consultées sur la mise en forme du projet et ne bénéficiant d’aucun avantage économique lié à la pipeline. Les politiciens et autres acteurs gouvernementaux n’avaient pas peur d’afficher leurs couleurs: les maires de Montréal et de Laval étaient fermement contre, tout comme le Parti Québécois et

Le Délit

e 5 octobre dernier, Trans Canada a annoncé dans un communiqué de presse l’abandon du très contesté projet Oléoducs Énergie Est, «à la suite d’une analyse approfondie des nouvelles exigences». Ce projet avait été annoncé en août 2013, soit au lendemain de la catastrophe du Lac Mégantic. Incohérences environnementales Dès le début, les contestations furent importantes, notamment vis-à-vis des enjeux écologiques. En effet, la mise en place de telles infrastructures et leur emploi auraient provoqué d’énormes émissions de gaz à effet de serre (GES), et auraient alourdi le bilan de Trans Canada à ce niveau-là. Les émissions de GES font partie des «nouvelles exigences» de l’Office national de l’énergie, qui aurait donc jugé cette pipeline beaucoup trop polluante.

6 ACTUALITÉS

Par ailleurs, l’oléoduc présentait des dangers sanitaires, puisqu’il était censé traverser plusieurs sources d’eau potable. En effet, plus de 3000 plans d’eau dans 24 régions municipales auraient été affectés. Avec une seule fuite, une de ces réserves d’eau aurait pu se retrouver contaminée, et les habitants des

régions auaient été mis en danger. Trans Canada a dû adapter son projet à de nombreuses reprises. Initialement, le pétrole devait être acheminé grâce à un terminal sur le Golfe du Saint-Laurent, mais cela aurait atteint à la sécurité la faune maritime. C’est pour cela que l’accès se serait fait directement sur l’océan.

Québec Solidaire. Le gouvernement provincial était plutôt tempéré, et avait des exigences vis-àvis du projet. Au niveau fédéral, le gouvernement était pour, tout comme les Conservateurs, alors que le NPD et le Bloc Québécois s’y opposaient. Pas de répercussions L’abandon de l’oléoduc ne devrait pas avoir de conséquences économiques trop importantes, compte tenu du fait que d’autres plans similaires, tels que Trans Mountain et Keystone XL sont en cours de réalisation. Il était même devenu incohérent de rajouter Énergie Est à cette liste, compte tenu des enjeux financiers. Effectivement, sur ce plan, cet oléoduc ne tenait plus la route. Avec la chute du prix du pétrole, Énergie Est n’aurait pas été rentable pour le gouvernement, surtout avec d’autres pipelines plus fonctionnelles à côté. C’est surtout cet enjeu qui a poussé Trans Canada à prendre une telle décision. x

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Monde francophone Que s’est-il passé chez les francophones la semaine dernière?

EUROPE

ANTILLES

FRANCOPHONE

FRANCOPHONES

BELGIQUE Vendredi 13 octobre Le parlement bruxellois a passé son projet d’ordonnance visant à lutter contre la discrimination présente à l’embauche. Cette ordonnance permettra aux inspecteurs régionaux belges d’utiliser des tests de situation où deux CV identiques, à l’exception d’un critère, seront envoyés au même employeur, pour voir si des pratiques discriminatoires prennent place dans certaines entreprises. x

SUISSE GUADELOUPE

Mardi 10 octobre

Vendredi 13 octobre

L’initiative suisse populaire « Oui à l’interdiction de dissimuler le visage» ayant débutée en mars 2016 a finalement abouti vendredi 13 octobre. Cette campagne a pour but d’interdire la dissimulation des visages dans l’espace publique. L’objectif de la campagne a été dépassé grâce aux 105 533 signatures obtenues alors que seulement 100 000 signatures était nécessaires à l’aboutissement de la campagne. Cependant, plusieur·e·s élu·e·s, à l’image du conseiller aux États Andrea Caroni, s’opposent à cette initiative. M. Caroni ayant notamment déclaré que «l’État n’a pas à légiférer sur les vêtements des citoyens.» x

Plusieurs syndicats de la fonction publique, notamment la Confédération Générale du Travail de la Martinique (CGTM) et la Fédération nationale de l’enseignement, de la culture et de la formation professionnelle (FNEC FP-FO) ont appelé environ 5.4 millions de fonctionnaires à participer à une grève se mobilisant contre les réformes du code du travail que le nouveau gouvernement aimerait mettre en place. Parmi ces réformes, on retrouve une suppression d’environ 120 000 postes de fonctionnaires, un retour de la journée de carence et un gel des salaires. x

Texte Par LISA MARRACHE INFOGRAPHIE PAR GRÉGOIRE COLLET

Les Redmen piqués au vif

Le Délit

Un match de football américain endiablé à l’occasion de la semaine des retrouvailles. Alexandre zoller

Le Délit

C’

est dans une ambiance électrique que le match de football américain opposant les Redmen de McGill aux Stingers de Concordia se déroula ce samedi 14 octobre au stade Percival-Molson. Au programme, rien de moins que l’équipe de meneuses de claques de McGill, un orchestre pour assurer le spectacle de mi-temps, un présentateur survolté pour mettre en avant les sponsors et un public qui fut rarement aussi impliqué dans le bon déroulement du jeu. Ce match de homecoming n’avait rien à envier aux spectaculaires matchs du Superbowl. Un début en double teinte Concordia ouvre le score par un premier touché du numéro 7, James Tyrrel, après 3 minutes de

Alexis fiocco jeu. L’extra-point (frappe au pied visant à envoyer la balle entre les deux poteaux, ndlr) leur permet ainsi de commencer cette partie en menant 7 à 0. Puis un deuxième touché, cette fois par le numéro 4, Adam Vance, 4 minutes plus tard, leur assure un certain avantage lors de

le délit · mardi 17 octobre 2017 · delitfrancais.com

ce premier quart de jeu. Les Redmen, conscients de ce mauvais départ, se ressaisissent alors et ouvrent le pointage de notre côté grâce au numéro 22, Vincent Dethier. Ce dernier va parvenir à aplatir la balle dans la zone de but adverse à seulement 43 secondes de la fin de la première

partie de mi-temps. Une fois lancés, les Redmen ne peuvent plus être arrêtés. Deux minutes après le début du deuxième quart, c’est au tour du numéro 50, Findlay Brown, de nous rapprocher d’une potentielle victoire grâce à un «field goal» (balle frappée au pied par un attaquant qui passe entre les deux poteaux et rapportant 3 points, ndlr). Le score est alors de 10 à 14, avantage à Concordia. Malheureusement, les Stingers semblent avoir dominé dans ce jeu et ne cessent par la suite de creuser l’écart. Les numéros 79 (Andrew Stevens), 8 (Yanic Lessard) et 1 (Jean-Guy Rimpel) permettront à l’équipe universitaire adverse de finalement l’emporter 36 à 10 après un match de 3 heures. Une prestation à féliciter Malgré cette défaite, et assurément quelques points à amé-

liorer, il serait injuste de ne pas reconnaitre que la prestation des Redmen fut bonne. La précision de leurs lancés, l’habileté des rattrapages de balle et un bon esprit d’équipe ne furent entachés que par l’hésitation de certains joueurs. Enfin, de nombreuses tentatives, parfois vaines, ne manquaient pas de courage et permirent au public de vibrer d’une seule voix. Pour finir, il ne faut pas nier la meilleure performance des Stingers, dont la défense fut difficile à percer et dont l’attaque, plus vive, leur permit de saisir un plus grand nombre d’opportunités. Malgré une défaite au goût amer, ce match fut pour les spectateurs un bon moment de divertissement. Les moyens mis en place par McGill, ainsi que la prestation des joueurs furent la clé de cet évènement qui éveilla notre fierté d’arborer la couleur pourpre de notre université! x

actualités

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Société societe@delitfrancais.com

opinion

La «discrimination positive» en question La «discrimination positive» est-elle un frein à l’émancipation des minorités? auguste rochambeau

Le Délit

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aîtrisez les savoirs, et vous maîtriserez le peuple. À travers les âges, on peut trouver de nombreux exemples où l’éducation, servant à signifier le rang social, était restreinte, voire interdite, aux classes les plus basses. Si l’on s’attarde par exemple sur les Etats-Unis, il était interdit dans de nombreux Etats du sud que les esclaves puissent apprendre: un esclave éduqué est un esclave dangereux. Ainsi, à la fin de l’esclavage, quand les premières écoles acceptant les Noirs furent ouvertes, on y vit se bousculer un peuple auquel les plaisirs de la connaissance avaient été niés trop longtemps. Aujourd’hui encore, l’éducation joue un rôle phénoménal dans la résorption des inégalités : selon The journal of Blacks in Higher education, les Noirs ayant un diplôme de niveau baccalauréat gagnent 95% du salaire moyen des Blancs ayant un niveau d’éducation similaire. À ce niveau de qualification, le racisme semble avoir un effet quasi nul. Autrement dit, si l’on résolvait l’écart d’éducation — plus de 30% des Blancs ont un niveau égal ou supérieur au baccalauréat, contre 20% des Noirs — il serait possible de diminuer une importante partie de l’écart social racial. Toutefois, depuis plusieurs dizaines d’années, une certaine approche des relations raciales, les affirmative actions, semblent mettre en danger l’efficacité du système scolaire à résorber les inégalités raciales. Les origines de l’affirmative action En 1964 fut voté le célèbre Civil Rights Act, dont le but était d’interdire une grande partie des discriminations raciales. Afin de s’assurer que la loi soit respectée, les tribunaux furent désormais autorisés à mettre en place des «affirmative actions», qui permettaient d’exiger le réemploi des victimes de discrimination. Plus tard, la notion s’étendit aux campagnes d’information auprès des minorités, les incitant à prendre les opportunités qui leurs étaient offertes, et aux efforts de démantèlement de systèmes discriminatoires. Seulement, malgré l’égalité légale, les inégalités socioéconomiques demeurèrent. Il y avait toujours moins

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de Noirs que de Blancs dans les universités de haut niveau, les Afro-Américains obtenaient toujours un score moins élevé en moyenne aux tests standardisés, et l’écart en terme de chômage restait le même. Partant de ce

diplomation. En d’autres termes, les Afro-Américains rentrent plus facilement à l’université qu’avant, mais en sortent difficilement avec un diplôme. Pourquoi? Après 1964, les universités ont suivi plus ou moins le même

proportion dans la population générale . Toutefois, malgré ce bonus, les minorités restèrent sous-représentées. Ce dernier devint donc de plus en plus important au fil des années. Afin de comprendre l’étendue du phé-

moyen. Néanmoins, un certain nombre d’études et d’académiciens remettent en cause ce point de vue, et affirment que ces préférences rendent plus difficile la diplomation des minorités. Le principal effet incriminé est la «discordance» notablement théorisé par Thomas Sowell, économiste afro-américain, dans les années 80: les préférences accordées sont si importantes qu’elles produiraient un décalage entre ce qu’exige l’université et les performances des étudiants «favorisés», entraînant stress, stéréotypes, ou simplement échec dû à un niveau trop bas.

« Si ces stéréotypes pullulent au sein des étudiants, ils ont de fortes chances d’infecter le marché du travail plus tard » Discordance et conséquences

clayt0n lapomme constat, le terme «affirmative action» a commencé à désigner de plus en plus souvent la «discrimination positive»: si les critères universels ne permettaient pas d’atteindre la parité, alors les critères devaient changer. Ainsi, par l’instauration de quotas, les minorités ont vu leur population augmenter au sein des institutions publiques comme privées, notamment dans celles qui nous intéressent ici: les universités. Victoire? Malheureusement, cette hausse très séduisante cache une réalité plus sombre dont on parle trop peu. Selon CNN, si les Afro-américains sont le groupe avec le second taux d’inscription à l’université le plus élevé après les asiatiques, c’est aussi le groupe avec le taux le plus faible de

chemin que le discours public. Les initiatives visant à rendre plus facile l’intégration des minorités se multiplièrent. Plus tard, on vit l’apparition de préférences raciales. En effet, lorsqu’un étudiant américain souhaite postuler dans une université, il doit souvent passer un examen standardisé, le plus célèbre étant le SAT avec un score maximal possible de 1600 points. Quand un élève se situe dans une situation défavorisée, on peut lui donner un avantage. Ainsi, un enfant de fermier peut être favorisé par rapport à un enfant issu d’une famille privilégiée ayant le même score. Dans le cadre de préférences raciales, l’avantage concerne les ethnies qui sont en sous-nombre au sein de l’université vis-à-vis de leur

nomène, il faut considérer que presque toutes les institutions exigeant un SAT médian de 1100 ou plus utilisent des préférences raciales, représentant de 30 à 40 pourcent de la masse totale estudiantine . En 2009, il fut rapporté par le professeur de sociologie Thomas J. Espenshade que ce bonus représentait en moyenne 310 points pour les noirs vis-àvis des blancs, ayant pour conséquence qu’un fossé important se creuse entre les compétences moyennes des deux groupes . L’espoir est qu’en leur donnant une chance, les élèves admis grâce à des préférences raciales, malgré leur niveau plus faible, arrivent à rattraper le train en marche, et se hissent au niveau

À l’ère où nous prenons de plus en plus conscience de l’importance de la santé mentale, il est un devoir moral de s’attarder à l’effet de ces différences de résultats sur les minorités «désaccordées». Les études supérieures sont souvent éprouvantes; les étudiants passent de longues nuits à étudier, pour subir parfois de lourdes déceptions. À cela, il faut souvent ajouter l’éloignement de ses proches et le sentiment de solitude. Il est alors facile de comprendre à quel point la situation peut être traumatisante pour des cohortes de jeunes étudiants qui doivent de surcroît faire face à un décalage scolaire. «J’ai vu arriver cela pendant vingt ans», témoigne Gary Hull, directeur du Program on Values and Ethics in the Marketplace à l’Université de Duke. «Le postulat paralysant est: je dois, mais je ne peux pas»; les élèves sont coincés entre les attentes de leurs proches et leurs résultats. «Cela pousse les étudiants à ressentir une culpabilité non méritée, qui déclenche de nombreuses maladies psychologiques». On peut aussi craindre que ce décalage entre minorité et majorité d’une même université

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renforce des enclaves raciales, ce que les universités encouragent en créant des résidences noires ou hispaniques. Un étudiant noir, Hunter, témoigne : «J’étais consterné de la manière dont j’étais auto-ségrégué». «Même dans le réfectoire, il y avait une «section noire » où toutes les minorités étaient supposées se rassembler, au risque d’être ridiculisé ou ostracisé par les membres de

d’étudiants en finance d’évaluer la valeur de plusieurs start-ups fictives. Ils se rendirent compte que les compagnies ayant des meneurs blancs sortis d’écoles prestigieuses étaient plus valorisées que celles ayant des meneurs noirs sortis des mêmes écoles. Racisme? Pas si vite: s’il était précisé que les meneurs noirs venaient d’une école ne pratiquant pas d’affirmative action, l’écart

« Les étudiants «bien accordés» ont deux fois plus de chances de poursuivre leurs plans académiques que les «désaccordés » cette section». Selon la critical mass theory, se rassembler en groupe permettrait aux noirs de mieux réussir à l’école. On observe néanmoins l’inverse: selon une étude d’Eric Hanushek, John Kain et Steven Rivkin, moins les minorités sont ségrégées, mieux elles réussissent. L’impact psychologique du processus de discordance ne se limite pas aux minorités. Quand 50% de la population Afroaméricaine d’une université se trouve dans les 10% des plus faibles d’une classe, cela se remarque assez facilement; ce qui — estce une surprise — conduit à des stéréotypes: «Les gens pensaient que j’étais [dans cette université] uniquement à cause de l’affirmative action, alors j’essayais de me rendre invisible», témoigne un ancien étudiant du Dartmouth College. Un autre se rappelle: «Il y avait une impression partagée que tous les Noirs sur le campus étaient ici soit parce qu’ils étaient athlètes, soit avec l’aide d’un programme de recrutement des minorités, et qu’ils n’étaient pas vraiment à leur place». Des stéréotypes raciaux, inexacts et injustes pour tous ceux qui ont été admis du fait seul de leurs capacités, mais des stéréotypes qui s’appuient sur des processus d’admission bien réels. Le fait que dans un environnement académique donné, les élèves socialisent principalement avec ceux qui ont un niveau académique similaire, augmente donc les chances de ségrégation. Nous ajouterons aussi que le stereotype threat — l’impact des stéréotypes sur les performances scolaires — a un impact bien réel et documenté. Malheureusement, si ces stéréotypes pullulent au sein des étudiants, ils ont de fortes chances d’infecter le marché du travail plus tard. De ce fait, si les Noirs souffrent du stéréotype d’être tous acceptés grâce à l’affirmative action, alors leurs potentiels employeurs, en comparant un Blanc et un Noir à diplôme égal, présupposeront que le Noir a été accepté via des préférences raciales, et est donc moins doué que le Blanc. Cette hypothèse semble être confirmée par un expérience menée par trois chercheurs, relatée dans l’ouvrage Mismatch de Richard Sander et Stuart Taylor. Ils demandèrent à une centaine

de valorisation disparaissait. En somme, la discrimination positive semble avoir un effet négatif sur l’emploi des minorités. Il est aussi intéressant de se pencher sur les conséquences de la discordance sur les élèves en science. Ainsi, une étude publiée en 1996 dans Research in higher

d’abandon scolaire est le score SAT en mathématiques. Le propos n’est pas d’affirmer qu’un mauvais score cause l’abandon, mais que le mauvais score et l’abandon ont une cause commune: un niveau scolaire insuffisant. Il est possible d’adresser plusieurs critiques à l’usage d’index académiques tels que le SAT. Toutefois, il est difficile de reprocher à ce test de sous-estimer le niveau des minorités: il semble que, si biais il y a, il favorise les minorités. De plus, selon une étude de 1999 des chercheurs Donald Power et Donald Rock, les Noirs prennent plus souvent des cours particuliers pour ce test que les Blancs et les élèves prennent rarement ce genre de cours. Toutefois, les Noirs étant les premières victimes d’un système d’éducation défaillant au secondaire — voir Waiting for superman —, ils finissent souvent leurs études pré-collégiales avec un retard. Il semble donc qu’en dépit du fait que les Noirs soient nombreux à souhaiter faire des sciences, le décalage entre leur niveau et celui exigé par leur université ne

montra en 1960 James Davis dans The campus as a frog pond, les aspirations des étudiants sont influencées par leurs résultats par rapport à leurs pairs: voir les gens autour de nous réussir quand on échoue est démotivant. En 2004, Frederick Smyth et John McArdle ont estimé que si l’effet de discordance avait été supprimé, 45% des femmes et 35% des hommes issus des minorités en plus auraient obtenu un diplôme de STIM. Cet effet fut confirmé par une étude de Berber and Cole, montrant qu’un large nombre de personnes appartenant à des minorités voient leur motivation meurtrie par leur obtention de notes plus faibles que la moyenne; à l’opposé, les élèves issus de minorités entourés d’étudiants ayant le même niveau académique qu’eux voient leur confiance augmenter. Finalement, les étudiants «bien accordés» ont deux fois plus de chances de poursuivre leurs plans académiques que les «désaccordés». Un autre domaine académique devrait retenir notre atten-

on compare ces résultats à ceux d’écoles moins prestigieuses, les étudiants avec des niveaux similaires réussissent leurs examens finaux 75 à 80% du temps. Notons que les Noirs qui avaient les mêmes notes que les blancs avaient autant de chances de réussir. En outre, il semblerait que l’absence de préférences raciales motive les minorités. Quand ce système fut aboli en Californie en 1997, on observa une hausse des demandes d’admission pour tous les groupes raciaux, particulièrement chez les élèves ayant les meilleurs résultats. Ce résultat fait écho à une autre trouvaille; l’année suivant l’abolition des préférences, le nombre de lycéens noirs passant le SAT et étant dans le top 13% des candidats bondit de 20%, et de 35% au total en 2001, ce qui peut être interprété comme un sursaut de motivation. On observa de même que le taux de diplomation des noirs avait doublé dans les années qui suivirent l’abolition des préférences raciales en Californie. Le nombre de diplômés resta stable, et à plus

juliette suzette

« Des stéréotypes raciaux, inexacts et injustes pour tous ceux qui ont été admis du fait seul de leurs capacités, mais des stéréotypes qui s’appuient sur des processus d’admission bien réels » education, menée dans quatre des universités les plus prestigieuses des Etats-Unis en 1992, montre que si 45% des Noirs et 41% des Blancs souhaitaient entrer en STIM (Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques), les Blancs étaient deux fois plus nombreux à obtenir un diplôme dans ce domaine . En y regardant de plus près, le facteur ayant la plus forte corrélation avec le taux

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leur permette pas de poursuivre leur rêve. Ce phénomène pourrait expliquer le fait qu’il y ait 17 fois moins de docteurs en science chez les Noirs que chez les Blancs, malgré 50 ans d’affirmative action et leur fort intérêt pour le domaine. Des diplômes en moins La situation est d’autant plus tragique quand, comme le

tion: la loi. Considérant le fait que l’examen pour devenir personne de loi est le même quelque soit l’université d’origine, il permet d’établir une claire comparaison. Ainsi, en 1995 on observa que 50% des Noirs qui rentraient à la faculté de droit de UCLA finissaient dans les 10% des élèves les plus faibles. Au final, 50% des Noirs réussissaient leur examen final, contre 90% des Blancs. Quand

long terme, la fin des préférences s’est révélée largement bénéfique pour la diplomation des minorités. Enfin, un autre effet bienvenu fut la diminution de la ségrégation raciale dans les universités. Au regard de ces faits, il me semble impératif de reconsidérer notre approche de la lutte contre les inégalités. Aujourd’hui, celle-ci paraît réduite à une posture: le but n’est plus d’analyser les conséquences de nos actes, mais d’y imposer a priori un sceau moral en se gargarisant d’appartenir au côté de la Vertu. Prenons garde. Enivrés par notre hubris, nous risquerions de voir étouffer ceux que nous voulons protéger sous notre paternalisme tentaculaire. x

société

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enquête

Réflexions sur ce qu’impliquent réellement les méthodes colorées du maire montréalais. Anne Gabrielle Ducharme

Le Délit

abigail drach

L

e nom du maire de Montréal, Denis Coderre, fut souvent accompagné de qualificatifs peu élogieux: Coderre «l’autoritaire», le «tyran», le Kim Jong-un de la politique municipale. Bien que ces surnoms lui aient, la plupart du temps, été attribués par des membres de l’opposition, des journalistes et autres, des observateurs dits neutres ont également, en ces mots, souligné les tendances impérieuses du maire montréalais. Ces comportements présentent-ils vraiment un danger pour les institutions démocratiques municipales, ou au contraire, s’agit-il d’un spectacle aux impacts superficiels? Il est indéniable que M. Coderre présente des traits de caractère pouvant en faire sourciller plus d’un. On se rappellera qu’il ne s’était pas gêné pour mentionner à une policière qu’elle «travaillait pour lui», alors que cette dernière lui avait demandé de libérer le passage de circulation lors d’une fête de célébration de la Saint-Jean. On peut également se remémorer la réunion du conseil municipal où M. Coderre avait ordonné de «cut the mic» (éteindre le microphone, ndlr) d’une citoyenne qui se prononçait en défaveur de son projet de règlementation des chiens de race pitbull. Ces façons de faire, disons robustes, impliquent-elles des impacts négatifs au niveau des institutions démocratiques municipales? Autrement dit, la «méthode Coderre» représente-t-elle simplement une corde de plus à l’arc du maire lorsque vient le temps de négocier, ou se cache-t-il derrière cette dernière de réelles inclinations autoritaires? Une tradition «d’hommes providentiels» à Montréal Il faut d’abord noter que M. Coderre n’est pas le premier leader de la métropole québécoise à

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présenter des airs césariens. Le chargé de cours de l’UQAM et spécialiste du système politique montréalais, Florent Michelot, parle même d’une «tradition de l’homme providentiel» à Montréal: «Cette constance dans l’histoire montréalaise d’élire des hommes prompts au populisme ou au néopopulisme, on l’a vu avec Camilien Houde et d’une certaine façon avec Jean Drapeau. Ce n’est pas un nouveau phénomène». Le professeur de sciences politiques à l’Université Laval, Jérôme Couture, ajoute que la gouvernance municipale est souvent caractérisée par une plus grande personnification du pouvoir. «Non

d’ailleurs que la chef du parti Projet Montréal, Valérie Plante, opte également pour une approche très axée sur sa personne dans le cadre de la présente campagne. Au-delà des mots Qu’en est-il alors des lois 121 et 122? Adoptées dans les derniers mois à l’Assemblée nationale, ces lois «quasi omnibus» tant elles abrogent une grande quantité de règles, lèvent notamment l’obligation des villes de tenir des référendums populaires lorsqu’un projet relatif à l’urbanisme ou à l’aménagement du territoire est initié. Ces changements législatifs étant le

référendums n’étaient pas parfaits. Comme le stipule le professeur d’urbanisme de l’Université de Montréal, Jean-Philippe Meloche: «Ils pouvaient bloquer de bons comme de mauvais projets. On constatait également que souvent, de petits groupes davantage touchés par l’enjeu débattu, par exemple les résidents voisins d’un potentiel nouveau centre d’injection supervisée, empêchaient de cette façon que l’ensemble de la ville bénéficie de changements». Des raisons légitimes pouvaient donc motiver le désir du maire Coderre d’écarter ce mode de consultation populaire. Il demeure tout de même «qu’à première vue,

« Tous les maires veulent avoir le plus grand contrôle possible sur leur ville et retirer des pouvoirs aux arrondissements est une façon d’y arriver.»

tional est de plus en plus axée sur la participation citoyenne. Il est curieux que Montréal, qui fut toujours un chef de file en la matière, se départisse de certains de ses outils». Vers une centralisation des pouvoirs? Dans le même ordre d’idées, en parallèle des projets de loi 121 et 122, le maire Coderre s’est habilement accaparé certaines des compétences des arrondissements, notamment en matière de déneigement. La promulgation de ce service, qui était jusqu’alors prodigué par les arrondissements, est maintenant assurée par la ville mère. Si ce genre de mesures ont l’avantage de permettre une uniformisation des services, elles impliquent également que les arrondissements perdent une partie de «leur saveur locale». Pour Michelot, il ne fait aucun doute que ce genre de modification est le résultat d’une volonté de centralisation des pouvoirs de la part du maire montréalais, même si cette dernière «s’articule de façon plus insidieuse que chez d’anciens maires». Or, si pour le chargé de cours de l’UQÀM ces propensions centralisatrices de la ville sont importantes à souligner, pour le professeur d’urbanisme il s’agit d’un phénomène plutôt banal: «Il y a en effet en ce moment une inclination vers la centralisation qui est observable. Par contre, elle n’est pas propre à Denis Coderre. Tous les maires veulent avoir le plus grand contrôle possible sur leur ville et retirer des pouvoirs aux arrondissements est une façon d’y arriver.» Des formulations chargées de sens

abigail drach seulement [à ce palier de gouvernement] on vote directement pour le maire, contrairement aux autres niveaux de gouvernement où l’on vote strictement pour son député, mais le système municipal fait en sorte que les partis locaux s’organisent autour de la personnalité du chef», explique-t-il. Il souligne

résultat d’une requête formulée par les villes de Montréal et Québec, on peut présumer que M. Coderre et Labeaume avaient pour intention de réduire la quantité d’obstacles potentiels à la matérialisation de leurs décisions, tel qu’un refus populaire exprimé par référendum. Or, il faut préciser que ces

comme le mentionne M. Couture, les citoyens perdent du pouvoir lorsque l’on retire ce type d’obligation». En effet, la tenue d’une consultation dépend maintenant de la motivation des villes à faire entendre le point de vue de leurs citoyens, ce que Michelot considère paradoxal: «la tendance à l’interna-

Autoritaire M.Coderre? Si oui, pas plus que ses prédécesseurs, semblent dire certains spécialistes de la politique municipale, sans nier que derrière le côté «langue pendue» du maire, se trouve également un chef prêt à prendre les moyens de ses ambitions. Cette tendance des observateurs à amalgamer le nom de certains politiciens avec des adjectifs forts d’une connotation tant historique que politique devrait ainsi peut-être être revue. Le professeur de l’Université Laval, M. Couture, se range d’ailleurs derrière cette position, à en croire son diagnostic relatif au maire de la ville de Québec, qui reçoit souvent des critiques similaires: «M. Labeaume n’est pas un populiste, contrairement à ce que laisse entendre l’étiquette que beaucoup lui ont accolée dans les dernières années.» Un autre cas qui mériterait peut-être d’être mis en perspective. x

le délit · mardi 17 octobre 2017 · delitfrancais.com


Innovations innovations@delitfrancais.com

À l’autre bout du fil Quand le smartphone tue le téléphone. Lou laterror

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amais le téléphone portable n’a-t-il aussi mal porté son nom que depuis l’apparition du smartphone. En effet, les coups de fils ne sont plus communs et sont remplacés par des textos et autres systèmes de messagerie instantanée. Se pose alors une question: pourquoi n’a-t-on plus recours aux appels téléphoniques? Après m’être moi-même penchée sur la question en plus d’interroger plusieurs personnes, la réponse fut unanime: les gens n’aiment pas les appels pour la bonne et simple raison qu’ils sont pour la plupart imprévus et donc source de stress. Ils sont intrusifs, car un appel téléphonique nécessite la concentration exclusive de l’individu, tandis qu’un simple message laisse la possibilité de faire plusieurs autres choses en parallèle. Les appels peuvent également rendre la conversation compliquée. En effet, elle peut être perturbée par le moindre bruit de fond, tandis que les messages, eux, peuvent être envoyés en toutes circonstances. Les textos et autres messages ont eux aussi leurs inconvénients et peuvent rencontrer quelques problèmes d’envoi, mais il est plus facile et

rapide de renvoyer un message que de tenter un nouvel appel. On ne se capte plus A l’époque du téléphone fixe, appeler quelqu’un consistait en une activité à part entière. On appelait depuis un salon, une cuisine, une chambre, un endroit isolé garant d’une certaine intimité. On y accordait de l’importance, on écoutait, on répondait, on donnait des nouvelles et on échangeait à n’en plus finir. A l’heure actuelle, la situation n’est plus la même. L’environnement dans lequel se déroulent nos appels a changé, particulièrement lorsque l’on est dans la vie active et/ou habitant d’une grande ville. Un appel peut alors surgir n’importe quand et n’importe où: dans la rue, en cours, dans le bus, au théâtre… Bref, des endroits qui ne sont pas propices à l’intimité de l’échange et qui constituent donc un véritable frein à ce moyen de communication autrefois prisé. Force est de constater que la possibilité d’appeler en tout temps et n’importe où a ironiquement engendré une disparition progressive des appels téléphoniques. Certains psychologues parlent même du téléphone portable comme instrument de «dé-communication».

AGA &

Appel de candidatures App Les membres de la Société des publications du Daily (SPD), éditrice du McGill Daily et du Délit, sont cordialement invités à son ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ANNUELLE :

Le lundi 23 octobre à 17 h 30

Pavillon de l’AÉUM, salle Lev Bukhman (203) La présence des candidat(e)s au conseil d’administration est fortement encouragée.

La SPD recueille présentement des candidatures pour son conseil d’administration. Les candidat(e)s doivent être étudiant(e)s à McGill, inscrit(e)s aux sessions d’automne 2017 et d’hiver 2018 et aptes à siéger au conseil jusqu’au 31 octobre 2018. Le poste de représentant(e) des cycles supérieurs est également ouvert. Les membres du conseil se rencontrent au moins une fois par mois pour discuter de la gestion des journaux et prendre des décisions administratives importantes. Pour déposer votre candidature, visitez : dailypublications.org/how-to-apply/?l=fr

le délit · mardi 17 octobre 2017 · delitfrancais.com

Fernanda Muciño «Tu peux répéter s’il-te-plait?» Le problème du smartphone vient aussi du fait qu’il crée une certaine dépendance en terme de communication: en effet, son possesseur est amené à l’utiliser à n’importe quel moment, et ce, en tout temps. Il affecte donc les rapports sociaux. Ainsi, lorsqu’une personne a une véritable conversation avec une autre, mais que celle-ci utilise son smartphone pour faire autre chose de manière simultanée, la communication entre cette personne et son interlocuteur sera superficielle. Le but initial du téléphone portable s’est donc une nouvelle fois modifié. Maintenant, il est utilisé comme échappatoire à une conversation ennuyante, pour se distraire, ou pour rester connecté. Toutefois, lorsque cette dependence s’intensifie, on parle de phubbing. Ce terme englobe les mots phone (téléphone, ndlr) et snub (snober, ndlr) et décrit l’habitude qu’est de regarder son téléphone pendant qu’une autre

personne, présente physiquement, vous parle. Le phubbing constitue donc une véritable barrière à la communication directe entre les individus, en plus de susciter la frustration de l’interlocuteur. Qui a-t-il de plus désagréable que de se confier à quelqu’un sur quelconque tracas pendant que celui-ci est en train de sourire à la lecture d’un texto? Ou bien de voir une personne jeter un coup d’œil à son téléphone en plein milieu d’un échange, ou bien dès qu’il y a un blanc dans la conversation? Le phubbing renforce donc les tensions au sein de tous rapports, et ce plus particulièrement chez les personnes anxieuses qui ont besoin d’une écoute sincère et d’une attention plus approfondie. C’est donc sans étonnement que nous pouvons tirer la conclusion suivante: plus l’on passe du temps sur son téléphone portable en présence d’un individu, plus on risque de s’éloigner de lui. Du côté des phubbers, eux considèrent la chose sous un tout autre angle. En effet, ils voient

leur acte comme une méthode défensive. S’ils ont leur téléphone posé près d’eux lors d’une conversation, ou qu’ils le tiennent dans leur main, ils se justifient en disant qu’il s’agit pour eux d’un moyen de se rassurer, de savoir que si la conversation tourne mal ils n’ont qu’à saisir leur téléphone et prétexter un appel ou un message, pour les sauver de l’embarras. De plus, peu d’entre eux se rendent compte qu’ils vexent leur interlocuteur en agissant de la sorte. Le monde t’appelle Le téléphone n’a donc plus de fil, il n’est plus fixe. Pourtant, on est fixé à lui, par un fil invisible qui emmêle nos échanges. Dans un environnement où tout se fait dans la simultanéité, il faut que l’on réapprenne à prendre le temps. Pour un appel. Pour un message. Changer son statut pour que celui-ci affiche enfin «disponible», mais cette fois pour une véritable discussion. En d’autres mots, couper le fil, et cette fois-ci, pour de bon. x

innovations

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Culture articlesculture@delitfrancais.com

cinéma

d’émotions 120 battements par minute, une expérience aux mille sourires et aux mille peines. clémence auzias

Le Délit

Avertissement: Cet article divulgue des éléments du film.

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ls donnent un rythme, une cadence à la vie, chacun les ressent dans sa poitrine, son pouls, ses tempes, à chaque instant. Ils sont 120 précisément; 120 battements par minute. Avec son film du même nom, Robin Campillo fait accélérer ce rythme à une vitesse folle. Entre musique, amour, manifestations, peur et mort, 120 BPM fait battre le cœur de son audience plus vite pour l’adapter à la cadence d’Act Up, une association issue de la communauté homosexuelle, et de ses adhérents. Le film prend place une dizaine d’années après le début de l’épidémie du sida et suit le combat d’Act Up. La première partie se concentre sur les différentes actions de l’association et son fonctionnement, tandis que la seconde donne une vision étoffée des personnages et de leur histoire. Le film constitue le parfait mélange entre documentaire et film artistique, présentant une expérience complète, instructive et émotive à son public.

mettent trop de temps à publier leurs résultats sur de potentiels nouveaux traitements. Au fur et à mesure, au milieu de ces scènes purement instructives, une facette artistique du sujet commence à se développer. Cela se manifeste particulièrement à travers des scènes où les adhérents, que l’on voit d’abord se battre, se lâchent finalement et dansent au rythme de la musique house. Le réalisateur offre de cette façon un beau contraste dont il joue beaucoup par la suite.

« Cette descente à la mort donne un côté émotionnel, toutefois très dur au film » tion. Le personnage de Sean apparaît comme une réelle ode à la vie, bien qu’étant certainement l’un des plus touchés par le sida, contaminé très jeune à la suite d’un rapport avec son prof de mathématiques de l’époque, alors que la maladie était mal connue. Si dans la première partie du film,

Sean meurt dans son sommeil, aux côtés de Nathan, et ses amis d’Act Up viennent ensuite le voir un par un, sans aucune larme, comme si c’était un évènement prévisible, attendu. En fait, comme s’ils s’étaient déjà trop habitués à ce genre de situation.

Crédit photo

Un début qui documente et instruit Le film emmène tout d’abord le spectateur à la découverte d’Act up à travers l’arrivée d’un nouveau groupe d’adhérents, pendant un meeting hebdomadaire de l’association. Le spectateur prend connaissance des événements passés et futurs d’Act Up; comment l’association fonctionne, ce que les adhérents veulent faire savoir, et contre qui ils se battent vraiment. Il s’agit d’une opposition au comportement du gouvernement, trop peu réactif à leur goût. Cet aspect documentaire continue tout au long de la première partie du film: en plus des réunions, le spectateur assiste à une action contre les laboratoires qui

« La musique house, qui est la musique des jeunes de l’époque, ainsi que son tempo nous rappelle étrangement les battements du cœur »

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Culture

charlotte Grand

La musique house, qui est la musique des jeunes de l’époque, ainsi que son tempo nous rappelle étrangement les battements du cœur. Ces scènes offrent un beau message de vie; certains des personnages à l’écran sont en train de mourir lentement et pourtant ils montrent leur côté le plus vivant et pétillant, autant lorsqu’ils se battent pour leurs valeurs que quand ils dansent au son de leur cœur. Une suite plus chargée émotionnellement C’est l’une de ces scènes dansantes qui crée une transition vers la seconde moitié du film. L’histoire se concentre soudainement sur Nathan, l’un des nouveaux adhérents avec lequel le spectateur a découvert tout ce monde, et Sean, un séropositif qui est présent depuis les débuts de l’associa-

le seul fait de le voir s’activer et s’exprimer donne de l’espoir et fait sourire ou même rire, dans la seconde partie, le spectateur voit son état s’aggraver lentement. Cette descente vers la mort donne toutefois un côté émotionnel très dur au film. Là aussi le réalisateur utilise un contraste frappant, entre la première Gay Pride pendant laquelle Sean est un cheerleader avec des pompons roses, danse, saute partout, rit et crie, et la seconde où il porte un simple tee-shirt noir et déambule simplement, sans artifice dans la ville. Il disparaît également de la piste de danse, et les scènes de musique intenses que l’on retrouvait au début se font rares, parallèlement aux battements de son cœur. Enfin, le contraste le plus important est certainement lorsque la dernière scène de danse arrive, et qu’elle se termine en laissant place à la scène de sa mort, assez étrange.

Finalement le moment le plus intense du film se révèle dans le dernier plan. Les membres d’Act Up récupèrent les cendres de Sean, selon son souhait, et les utilisent pour son ultime action auprès de riches homme d’affaires, en les jetant sur ceux-ci tout en criant leurs slogans. Sean aura ainsi participé au combat jusqu’à sa dernière cendre et y aura donné tout son corps et toute son âme, comme de nombreux autres avant lui. 120 BPM est donc un film très fort, autant pour ce qu’il apprend aux spectateurs sur Act Up, cette association au nom qui n’est pas toujours familier, que pour l’émotion de l’histoire de Nathan et Sean. Une dualité et un contraste qui fait battre le cœur de l’audience à mille à l’heure et donne envie, en sortant de la salle de cinéma, de vivre au maximum, et de se battre comme ces jeunes se battaient, pour ses valeurs et tout simplement pour vivre. x

le délit · mardi 17 octobre 2017 · delitfrancais.com


entrevue

La technologie, ça me dépasse! Entrevue avec Sévrine Dumais, auteure et illustratrice de la bande-dessinée Les Dépassés. Le Délit (LD): Vous écrivez présentement une série de petites histoires mettant en vedette des personnages qui sont dépassés, mais par quoi exactement?

SD: Nous travaillons en tandem! Bernard est arrivé dans l’équipe après que les textes aient été écrits. Il a donc révisé les textes pour faire ressortir davantage le côté

différente. Par exemple, plusieurs aînés vont trouver les personnages attachants parce qu’ils se reconnaissent en eux. Ils se reconnaissent dans leurs questionnements,

Sévrine Dumais (SD): Les deux personnages de la BD, Henriette et Gilbert, sont en fait des ainés dépassés par la technologie. Ils veulent suivre la tendance et faire partie de la grande conversation technologique de notre époque, mais ils ont parfois (lire: souvent) du mal à comprendre comment fonctionnent les réseaux sociaux et les différents appareils mobiles parce qu’ils ont leurs propres référents. Ils se retrouvent donc souvent au cœur de situations assez cocasses!

part de sensibilité qui se rapproche plus des romans graphiques récents. C’est donc une œuvre assez mixte. LD: Votre bande-dessinée est humoristique et explore les relations des personnages avec la technologie. Est-ce que vos personnages trouvent leur situation drôle ou du moins, ont-ils conscience de l’aspect comique de leur situation?

LD: Vous travaillez le texte en fonction des images, ou est-ce l’inverse? Où réside la capacité comique de votre bande-dessinée?

SD: Pas toujours! Et c’est ce qui rend la chose comique! Henriette et Gilbert gaffent avec les réseaux sociaux mais ne s’en rendent pas compte parce qu’ils n’ont pas les mêmes référents que les générations plus jeunes. Et ils continuent leur vie sans s’en faire. Ils ne s’en font pas avec ça et je pense que c’est une leçon de sagesse que les aînés peuvent nous enseigner: ne pas trop s’en faire avec les réseaux sociaux!

SD: J’ai commencé par écrire le texte. Au départ, les scénarios étaient destinés à la création d’une websérie. Puis, un producteur m’a suggéré d’en faire d’abord une bande dessinée pour faire connaître mes personnages. C’est de cette façon que la bande dessinée a vu le jour; j’ai donc travaillé les images à partir des textes, bien que souvent, les dessins influencent le texte aussi.

« J’ai toujours été influencée par les caricatures »

« Ils se reconnaissent

dans leurs questionnements mais ne comprennent pas nécessairement toutes les bourdes qu’ils font avec la technologie »

La capacité comique, elle, se situe surtout dans le désir profond qu’ont les personnages d’utiliser la technologie et dans leur façon très singulière de le faire. Henriette et Gilbert ne se rendent pas compte qu’ils utilisent les réseaux sociaux de la mauvaise façon, par exemple, et c’est ce qui fait rire dans la bande dessinée. LD: Il y a une dynamique qui s’opère entre le texte et les images: est-ce qu’un l’un peut exister indépendamment de l’autre? SD: Comme le texte était, à la base, destiné à une production audiovisuelle, il a été construit de façon à ce qu’il soit mis en image. Il ne peut donc pas vivre seul, sans dessin ou sans vidéo. Pour qu’il existe de façon indépendante, il faudrait qu’il soit réécrit. LD: Votre processus de création implique la collaboration du comédien Bernard Fortin: travaillez-vous en tandem ou chacun de votre côté?

« Nous comptons intégrer de plus en plus Les Dépassés aux médias sociaux »

LD: Votre projet comporte un volet web et vous diffusez vos illustrations sur les médias sociaux. Pensez-vous explorer davantage ces plateformes? comique. C’est une étape qui a été faite en équipe parce qu’il est très respectueux du travail que j’ai fait et ne voulait pas imposer ses idées. Il y allait à coups de suggestions. Nous lisions les textes à voix haute – son expérience de comédien a beaucoup aidé ici – afin de faire vivre les textes et de trouver les répliques parfaites. Sa contribution a été très bénéfique!

mais ne comprennent pas nécessairement toutes les bourdes qu’ils font avec la technologie, alors que les plus jeunes vont se rendre compte de ces maladresses et en rire parce qu’ils vont reconnaître des membres de leur entourage. Tous les lecteurs peuvent donc se retrouver dans les histoires de la bande dessinée, qu’ils aient 7 ou 107 ans!

« C’est une leçon de sagesse que les aînés peuvent nous enseigner : ne pas trop s’en faire avec les réseaux sociaux! » LD: Le texte et vos illustrations s’adressent à ceux qui se sentent dépassés par, principalement, l’engouement qui existe présentement pour les téléphones mobiles, ordinateurs portables, les médias sociaux, etc. De quelle façon est-ce qu’un lecteur conditionné peut mettre le pied dans votre œuvre? SD: En fait, les aventures d’Henriette et Gilbert s’adressent à tous parce que chaque génération comprend les histoires de façon

le délit · mardi 17 octobre 2017 · delitfrancais.com

LD: Vos illustrations se rapprochent de ces sketchs que nous retrouvons dans les journaux ou dans les coups de crayons des caricatures. Où situez-vous votre travail? SD: Évidemment, j’ai toujours été influencée par les caricatures. La bande dessinée que je propose se conforme bien à cela parce qu’elle se base sur des observations comiques des comportements. Pourtant, je crois que Les Dépassés porte aussi une

SD: Oui! Nous comptons intégrer de plus en plus Les Dépassés aux médias sociaux, surtout lorsque la websérie va paraitre. L’équipe des Productions Gamet – qui chapeaute le projet – et moi-même trouvons que le sujet se porte très bien à la multiplicité des plateformes. À mesure qu’Henriette et Gilbert découvriront les réseaux sociaux, il est bien possible qu’on les voit de plus en plus sur les «zinternets»! LD: Croyez-vous que ce soit une barrière pour certains lecteurs? SD: Oui, c’est une barrière parce qu’un grand nombre d’ainés ne sont pas sur les réseaux sociaux, mais nous arrivons à rejoindre ce public de différentes façons; par le bouche à oreille, par les courriels, etc. C’est certain que, lorsque la websérie va sortir, nous allons exploiter des moyens de communication très variés pour rejoindre le plus de gens possible, du papier jusqu’au web. x Propos recueillis par VINCENT MORREale Le Délit

Culture

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THÉÂTRE

Un iPhone dans le cerveau?

Posthumains propose une réflexion sur le transhumanisme et nos limites éthiques. DOMINIQUE LECLERC

Louis Saint-aimé

Le Délit

«Q

uelle partie de votre corps ou quel organe souhaiteriez-vous améliorer?» nous demande-t-on à l’entrée de la salle du théâtre l’Espace Libre. Collées au mur, les réponses du public font majoritairement allusion aux handicaps fonctionnels et physiques (vue, poumons, colonne vertébrale) plutôt qu’aux considérations esthétiques. Une répondante de 16 ans – fort plausiblement minoritaire dans sa tranche démographique – écrit quant à elle: «Rien: je suis bien». Cette réponse ne serait vraisemblablement pas celle que donnerait Dominique Leclerc, qui signe le texte auto-fictif de Post humains en plus d’y jouer le personnage principal. La protagoniste, souffrant d’une maladie chronique incurable, constate l’effort et l’argent qu’elle doit consacrer au contrôle de sa santé fragile. Comment s’affranchir de ses limites corporelles? S’implanter la santé… pour enrayer la mort Dominique part donc en quête de son Saint Graal, un appareil quelconque qui la (re)mettrait en contrôle de son destin sanitaire. Ses recherches l’emmènent un peu

lieu, interviewés sur vidéo, tiennent un discours qui se résume ainsi: «La technologie a toujours amélioré la qualité et l’espérance de vie humaine, alors il est normal qu’elle continue de le faire sans limite jusqu’à l’enrayement de la mort...» Susciter des réactions pour engager la réflexion

partout sur internet: Google est en développement d’une lentille cornéenne capable de mesurer le taux glycémique de son porteur; certaines compagnies d’assurance offrent des rabais aux clients qui consentent à porter un «fitness tracker». Rebutée par le potentiel de surveillance de ces technologies, elle pousse ses recherches plus loin… Entre en scène son nouveau petit-ami, Dennis Kastrup, un journaliste travaillant à Berlin. Dominique

se rend donc en Allemagne où elle rencontre toute une communauté de cyborgs: certains, à peine à l’âge adulte, ont opté pour l’implantation d’un aimant dans leur index (très utile, paraît-il, pour ramasser le petit trombone récalcitrant sur le coin du bureau) alors que d’autres préfèrent une puce RFID capable d’ouvrir sa porte ou (très exceptionnellement pour l’instant) payer son bus, entre autres utilisations possibles et probables. Plusieurs intervenants du mi-

Didier Lucien incarne tour à tour différentes personnalités influentes du domaine en plus de jouer son propre rôle, très attachant mais aussi accessoire au déroulement du reste de la pièce, reposant essentiellement sur la manipulation de certains éléments techniques ou décoratifs de la pièce. L’artiste-programmeuse Cadie Desbiens, en voix off à la fois sur scène mais aussi coupée de l’espace de performance et des spectateurs par un grand poste d’ordinateur, assise, puisque derrière un écran, lance ça et là des commentaires enthousiastes pertinents – quoique pédants au début – et optimistes au point qu’elle paraisse résignée à accepter l’inclusion de toute et n’importe quelle technologie au corps humain. Si Dominique et Dennis optent, de leur côté, pour un «ajout» mineur et plutôt symbolique, le domaine de l’intelligence artificielle quant à lui est en pleine évolution: combien de temps échapperons-nous encore au

Trans-humanisme généralisé – et voire potentiellement discriminatoire? La période de discussion suivant la représentation du 5 octobre a fourni encore plus d’indices sur l’intention des artistes: «Le jour où je pourrais me faire implanter mon iPhone dans le cerveau, je le ferais tout de suite», dit Cadie Desbiens. «On a toujours su s’adapter sans trop de problèmes aux nouvelles technologies». Est-ce l’artiste ou son personnage qui parle? Un membre de l’auditoire mord à l’hameçon, soulignant qu’il a toujours vécu sans cellulaire. Notre journaliste cite une étude récente démontrant qu’on passe moins de temps en famille ou entre ami·e·s depuis l’avènement des réseaux sociaux en ligne, et que leur utilisation non contrôlée a des effets délétères mesurables sur le bienêtre de ces usagers. «Voi-là!», semblaient répondre les artistes, en conclusion, comme si Post humains avait eu comme but ultime de mener à ces réflexions collectives sur les choix éthiques qui s’imposent et le futur qui en résultera. Une hypothèse très plausible, quand même. Pour mieux y arriver, ils ont volontairement brouillé jusqu’à la fin la limite entre autobiographie et fiction, une formule plutôt bien réussie d’ailleurs.x

VIDÉO

Bill Viola, artisan du temps Naissance à rebours, l’exposition du précurseur de l’art vidéo commence le 24 octobre. temps d’observer, cette œuvre offre l’occasion de rentrer en soi-même et d’explorer les tréfonds de son être.

BéATRICE MALLERET

S

ouvent dans l’art vidéo, la forme est au service du fond. Lorsque Viola découvrit la vidéo dans les années 1970, celle-ci se résumait à filmer des images en noir et blanc sur une caméra aux fonctionnalités restreintes. Faisant fi des idées selon lesquelles la vidéo n’était pas un médium artistique, l’alors élève de l’université de Syracuse s’y consacra entièrement. Ses méthodes de travail évoluèrent rapidement, au rythme des innovations techniques qui lui ouvrirent de nouvelles voies d’expression. Aujourd’hui, Viola travaille aussi bien avec des monobandes qu’avec le numérique et l’ultra-haute définition. Mais si sa technique ne cesse de se transformer, les thèmes explorés par l’artiste eux, suivent une ligne constante : la conscience – et l’inconscient – humaine, la transcendance, la vie, la mort, et le temps. Viola construit des images surréalistes, des performances musicales et des décors sonores pour créer des environnements où les spectateurs

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Culture

Viola, façonneur du temps

CAPUCINE LORBER s’immergent entièrement. L’œuvre Ascension, qui sera présentée à l’exposition à la DHC/ ART est représentative de son travail, qui nous englouti dans un monde sombre, presque hermétique. À l’écran gigantesque, une personne plongeant dans une eau noire brise le silence et la fixité de l’image.

Durant 22 minutes, des bulles d’air émanent de cet homme réduit à un corps, dansant autour de lui dans un puits de lumière avant d’aller éclater à la surface. Les sons aquatiques, la lumière bleuâtre, ainsi que la lenteur et la clarté de l’image donnent à cette vidéo un caractère quasi-mystique. Pour celui ou celle qui prend le

Le caractère frappant d’Ascension, et des œuvres de Viola en général, est leur rapport au temps et leur dimension éminemment contemplative. Différentes temporalités sont sans arrêt confrontées et mises sous tension, révélant des aspects de l’humain que nous n’explorons pas d’ordinaire. Grâce au médium de la vidéo, chaque œuvre se déploie dans le temps, elle a un début et une fin marqués. Cette temporalité, quantifiable en heures et en minutes, devient secondaire dans le travail de l’artiste et laisse la place à une autre temporalité que Viola a lui-même défini. En jouant avec le ralenti, composante essentielle de sa technique artistique, il décompose des gestes, des instants, des expressions qui plongent le spectateur dans une dimension autre. Le temps est comme distendu, étiré et altéré.

Par exemple, il faut 16 minutes pour observer The Quintet of Remembrance (2000), où cinq personnes traversent une série d’émotions que la caméra capture en ultra ralenti. 36 minutes pour saisir le sens des quatre vidéos projetées simultanément dans Going Forth By Day (2002). Aujourd’hui, on accorde rarement plus de quelques minutes aux activités que l’on entreprend, aux discussions que l’on a. Les œuvres de Bill Viola nous obligent, si l’on veut en apprécier l’ampleur, à y consacrer le temps nécessaire. Ses vidéos ne sont pas une succession d’images qui préparent à une apothéose finale. C’est le déroulement même qui importe, et les émotions et sensations que celui-ci suscite. Peut-être considérerez-vous que passer trois quarts d’heure à observer une scène aux actions quasi nulles est une perte de temps. Mais le perd-t-on pour ensuite mieux le retrouver et se le réapproprier? À chacun d’en juger. x

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expression créative

Thème de la semaine: Perdre son temps

Qu’importe que le temps file, il est si bon de flotter Dans la rivière des jours et des nuits ôtées, On voudrait s’arrêter pour se noyer, que dans la lagune du temps on se sente choyé, Mais rien ne le peut — Non, rien — Tu coules comme de l’eau, sur des galets polis et glacés, qu’ils roulent sur ta peau impalpable comme tant de froides douceurs, de ces dures rondeurs, Ils te pénètrent de leurs dents de pierre, mais tu ne peux rien faire — Que de tourner — Et regarder au-dessus de toi, la surface élastique du monde, Qui bouge, bouge, bouge dans un kaléidoscope de couleurs, qui n’a jamais de forme Qu’un écran plat que tu contemples en voulant le crever

Quelle importance donner au temps? Doit-on vraiment s’abandonner et le laisser asseoir sa domination? Quoi que nous fassions, l’heure tourne, le temps s’écoule, les dormeurs rêveront et les danseurs chavireront. Les impatients fracasseront le sol de leurs pas las de l’attente, que ça leur plaise ou non. Les observateurs en revanche resteront là, patients, cachés, lorsque vous ne les rechercherez pas. À l’affût d’un instant. Cet instant décisif qui arrêtera le temps et nous permettra à tous de le perdre à notre guise. Adel Mohamedi

Le Délit

L’Attente, Paris, Octobre 2017 (Tirage argentique) ADEL MOHAMEDI

LE TEMPS D’UNE DANSE, Paris, AOÛT 2017 (Tirage argentique) ADEL MOHAMEDI

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Culture

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Entrevue

Portrait d’une journaliste contemporaine

Le Délit a rencontré Marie-Michèle Sioui, correspondante parlementaire du Devoir à Québec. Le Délit (LD): Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir journaliste?

journalistes. Ils étaient toujours d’accord pour nous parler.

Jacques Nadeau - Le Devoir

LD: Quel a été l’article le plus difficile à écrire?

Marie-Michèle Sioui (MMS): J’ai toujours aimé écrire, mais je ne me suis pas décidée comme ça. Plusieurs choses m’intéressaient, et puis je me suis dit que c’est un métier qui me permettrait de couvrir plusieurs sujets, ce qui pourrait satisfaire ma curiosité. Je savais aussi que je ne voulais pas travailler de 9 à 5 tous les jours. Quand j’ai commencé à travailler durant mon baccalauréat en journalisme à l’UQAM, j’ai su que c’était ça que je voulais faire.

MMS: Je me rappelle une fois avoir dû écrire un article sur un bateau qui racle le fond des fleuves pour permettre le passage des navires. C’était difficile car je ne savais rien là-dessus avant de devoir en parler, mais c’est une bonne représentation de ce qu’est parfois le travail de journaliste. Parfois, on nous attribue un sujet sur lequel on ne connait rien, et sur lequel on doit écrire. Un autre exemple, c’est quand j’ai dû interviewer le Quatret du dialogue national Tunisien, lauréat du Prix Nobel de la Paix en 2015, pour Le Devoir, alors que je n’avais eu que le temps du trajet en taxi pour préparer mes questions à cause d’une erreur de communication. C’était un de mes pires moments.

LD: Comment vous sentez-vous en tant que femme dans le milieu journalistique, qui a souvent été qualifié de boys club, étant dominé par des hommes? MMS: Il y a, d’après moi, de plus en plus de place pour les femmes dans le journalisme, notamment ici à Québec. Mais ça reste un métier qui valorise des traits de caractères traditionnellement associés aux hommes, comme la pugnacité, ou le fait de travailler sans emploi du temps précis. D’autre part, il existe encore des patrons qui cantonnent les femmes à certains sujets, traditionnellement féminins, par exemple dans les soft news, qui ne sont pas des nouvelles d’actualité brûlante. En parlant de mon expérience personnelle sur la colline parlementaire, la majorité des élus sont des hommes plus âgés que moi, tout comme les journalistes. Ça rend la connexion plus facile entre eux.

« Une fois qu’on est journaliste, il faut être débrouillard. Il faut travailler en fin de semaine, tard le soir, des fois sur des sujets qu’on ne maîtrise pas. » LD: Selon votre expérience, à quoi devraient s’attendre les journalistes de demain? MMS: Le désintérêt de la population est un enjeu majeur que je constate aujourd’hui. Dans mon entourage, mes amis ne suivent pas les journaux. Ça peut être assez désespérant de travailler cinquante heures, et de se demander qui se préoccupe des affaires qu’on couvre. Les gens se disent «les nouvelles, je ne suis pas ça, c’est trop négatif» ou «la politique, ça ne m’intéresse pas, c’est tous des menteurs». Ce désintérêt est causé par le cynisme. Un autre enjeu est le numérique. Aujourd’hui, les gens ont accès aux informations en continu sur leur téléphone, ils reçoivent constamment des alertes et des notifications. Il y a de moins en moins besoin de journaux

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entrevue

papiers. Un troisième problème est la crédibilité. On l’a vu aux États-Unis avec la mode des fake news, (fausses nouvelles en français, ndlr) c’est certain que ce phénomène arrive à présent au Québec. Des journalistes que je connais, et moimême, se sont déjà fait accuser d’être des fake news.

LD: L’année dernière lors de la remise du prix de la presse étudiante des Amis du Devoir, dans votre discours, vous aviez insisté sur l’importance pour les journalistes de savoir vulgariser des sujets parfois complexes, qui n’intéressent pas forcément la majorité du grand public. Pouvez-vous développer?

LD: En parlant des fake news, comment pensez-vous que les journalises peuvent lutter contre ce phénomène?

MMS: Le journalisme est un milieu très compétitif, et la capacité de vulgariser un sujet est une compétence de base. Mais se concentrer et se spécialiser là-dessus peut aussi permettre à un journaliste de se démarquer.

MMS: On voit un exemple de comment faire avec la rubrique: «Les Décodeurs» dans Le Monde. Il faut mettre à l’épreuve les faits. Plus les médias appuieront leurs articles par des faits, plus ils seront difficiles à démentir. Il faut écrire des choses collées sur les faits, et qui ne semblent pas être dans le jugement. Par exemple, il est préférable d’écrire «le parti X est passé de 50% à 42% des intentions de vote» à «le parti X est en perte de vitesse». La deuxième, c’est la suivante, il y a une expression de journaliste qui dit «don’t

LD: Dans votre carrière, quel a été le sujet que vous avez le plus aimé couvrir? MMS: Bonne question! J’ai beaucoup aimé travailler en patrouille. J’étais en voiture toute la journée avec un photographe, nous écoutions les fréquences des services de police, et couvrions les faits divers. J’aime aussi vraiment ce que je fais en ce moment à Québec, sur

« Aujourd’hui, les gens ont accès aux informations en continu sur leur téléphone, [...] il y a de moins en moins besoin de journaux papiers. » let the facts interfere with a good story» («ne laissez pas les faits interférer avec une bonne histoire» en français, ndlr), mais il faut être prudent avec ça. Les humains ne sont pas des êtres objectifs, il faut être conscient de la subjectivité du public. Il y a une sensibilité supplémentaire à avoir.

la colline. La politique à Québec couvre un éventail tellement vaste. J’ai aussi un attrait pour les sujets sociaux, notamment les sujets qui touchent les autochtones. J’ai d’excellents souvenirs de reportages faits dans les communautés autochtones, les gens étaient tellement gentils et généreux, notamment avec les

« Plus les médias appuieront leurs articles par des faits, plus ils seront difficiles à démentir. » LD: Quelle est, pour vous, la plus grande qualité qu’un journaliste peut avoir? MMS: La débrouillardise. La curiosité est importante, mais de toute façon les gens qui ne sont pas curieux ne deviennent pas journalistes. Une fois qu’on est journaliste, il faut être débrouillard. Il faut travailler en fin de semaine, tard le soir, des fois sur des sujets qu’on ne maîtrise pas. Parfois, une nouvelle tombe, et il faut vite écrire un article et trouver un expert sur le sujet un dimanche. Il faut vraiment se débrouiller pour trouver des gens à qui parler, trouver les informations... C’est vraiment une question de débrouillardise. LD: Quel conseil donneriez-vous à un lecteur qui souhaiterait se lancer dans le journalisme? MMS: D’écrire le plus tôt possible dans votre vie, en s’impliquant dans les journaux étudiants, par exemple. C’est en forgeant qu’on devient forgeron, et c’est aussi en écrivant qu’on devient journaliste. Il faut aussi avoir des contacts, développer un réseau, par exemple avec les professeur·e·s des écoles de journalisme. C’est un milieu assez petit et très compétitif, donc c’est primordial. x Propos recueillis par Sébastien Oudin-Filipecki et léandre barôme

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