Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill
mcgill: producteurs en herbe P.5
Mardi 20 mars 2018 | Volume 107 Numéro 19
Gert’s dans nos cœurs depuis 1977
Volume 107 Numéro 17
Éditorial
Le seul journal francophone de l’Université McGill
rec@delitfrancais.com
Trouver le juste milieu entre tolérance et liberté d’expression Mahaut Engérant
Le Délit
H
ier débutait la période de vote pour les postes exécutifs de l’AÉUM. Sept candidats, six postes. En février déjà, la période de nomination des candidats fut étendue de 48 heures, faute de participation. Seulement trois candidat·e·s s’étaient présenté·e·s en tout, dont deux pour le même poste. Cela laissait quatre des six postes sans aucun candidat. À la fin de cette période d’extension, chaque poste était contesté par un ou plusieurs candidats. Cependant, avant le début de la période officielle de campagne, deux candidats s’étaient retirés de la course. Au final, ces élections ne débuteront qu’avec seulement un poste de contesté par plus d’un·e candidat·e, celui de président. La période de campagne à beau n’être pas encore terminée, plusieurs questions se posent déjà quand à ses conséquences. Ceci semble être un des pires résultats de candidature des dernières années, des résultats qui s’inscrivent dans une tendance pour le désengagement politique des étudiant·e·s pour l’AÉUM. En effet, en 2017, 10 candidat·e·s s’étaient présenté·e·s, et la même chose s’était reproduite en 2016. En 2015, seulement deux postes étaient contestés, avec un total de sept candidat·e·s. On se permet souvent de mesurer le manque d’engagement politique des étudiants par le faible taux de participation aux votes et aux assemblés, mais leur faible participation au processus démocratique en tant que candidat est aussi très révélatrice. Avoir plus de candidats pour un poste ne permet évidemment pas toujours de tirer des conclusions sur les qualités du candidat, ni son potentiel à connaître du succès dans son poste, mais pour un certain nombre de raisons des élections non-contestées devraient nous inquiéter. Il est possible qu’avec un plus large bassin de candidats nous réduisons le risque de nous retrouver avec comme ultime option un candidat inexpérimenté et peu qualifié pour son poste. Mais surtout, quand les élections ne proposent qu’un seul choix il apparaît peu probable que cela soit propice à un taux élevé de participation aux votes. En effet, comment stimuler l’intérêt des étudiants pour un vote qui apparait ainsi gagné d’avance? Il ne semble pas difficile de concevoir que les étudiants sont moins susceptibles de prendre le temps de faire de la recherche sur un candidat, de se questionner sur ses propositions, s’il n’a pas d’opposition. Finalement, ce manque de candidat outrage un peu aussi. Sur plus de vingt-quatre milles étudiants en premier cycle, seuls sept se sont présentés. Quelles sont les causes d’un tel désengagement? Il semble évident que nous ne pouvons pas ignorer les nombreux
scandales de l’AÉUM qui furent non-seulement particulièrement vicieux, dotés d’attaques personnelles, dont une motion de non-confiance contre la présidente de la part des autres v.-p. de son conseil, la démission de la v.-p. Finance Arisha Khan après une suspension qui en surprit beaucoup, et des tribunes de ces étudiants politiciens dans la presse mcgilloise. Tout cela sans compter les nombreux scandales des exécutifs de l’année dernière. L’AÉUM, avec ses scandales et ses coups bas politiques, fait-elle peur? D’ailleurs le cas de la candidate au poste de v.-p. externe, Marina Cupido, qui fait actuellement fasse a une campagne du «Non» laisse à désirer. Outre les accusations lancées par les deux camps, c’est les attaques monter sur des screenshots de poste dans ses comptes de réseaux sociaux personnelles qui semblerait si emblématique de l’ambiance qui accompagne l’AEUM. Certains des exécutifs de cette année devraient-ils alors être porté comme responsable du faible nombre de candidatures aux élections? Ont ils manqué·e·s à leur rôle en n’assurant pas une relève adéquate? Mais aussi, quelle est la légitimité de ces élections, quand le choix de candidats est si limité. Très peu d’étudiant feront l’effort de voter non à un candidat si cela signifie un poste vacant. Voilà une situation qui aura du mal à faire améliorer l’intérêt des étudiants pour l’AÉUM. C’est dommage sachant que cet association est là pour les soutenir et représenter leur droit, un privilège qu’ils paient d’ailleurs autour d’une centaine de dollars par an. Ainsi, on pourrait même aller jusqu’à se poser des questions sur la légitimité de l’AÉUM en tant qu’association étudiante si ce faible intérêt de la part des mcgillois persiste. Ils nous incombe de ne pas baisser les bras face à une telle situation, de ne pas se laisser paralyser par l’inaction. Votez quand même à ces élections, allez lire la plateforme de ces candidats, les entrevues qu’ils ont donné dans le journal (p.3). On ne doit pas hésiter pas à voter non, à s’abstenir. Toute remise en question de l’institution de l’AÉUM ne pourra se faire sans le soutien et la présence de ses étudiants. Si nous sommes insatisfait par les choix des candidats qui nous est proposé, il ne faut le garder sous silence. Quant aux exécutifs qui seront élues, l’amélioration de l’engagement étudiant ne peut plus s’échouer en vague promesse de campagne, dont le brillant fournit momentanément la plateforme électorale, pour finir abandonner dès le vote terminé. x En parlant de vote: Plusieurs motions sont en ce moment soumises aux votes étudiants, dont la «Politique sur l’implémentation d’une semaine de relâche en Automne». Le Délit encourage les étudiants à aller se prononcer sur ces motions.
L’article «La justice et les autochtones» a été modifié. L’expression «assassin présumé» a été remplacée par«personne initialement accusée», par soucis de précision par rapport à la signification juridique de ces termes. Le Délit regrette cette erreur.
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rédaction 2075 boulevard Robert Bourassa, bureau 500 Montréal (Québec) H3A 28L17 Téléphone : +1 514 398-6784 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Mahaut Engérant Actualités actualites@delitfrancais.com Lisa Marrache Antoine Milette-Gagnon Margot Hutton Culture articlesculture@delitfrancais.com Lara Benattar Grégoire Collet Société societe@delitfrancais.com Simon Tardif Innovations innovations@delitfrancais.com Louisane Raisonnier Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Nouédyn Baspin Coordonnatrices visuel visuel@delitfrancais.com Alexis Fiocco Capucine Lorber Multimédias multimedias@delitfrancais.com Béatrice Malleret Coordonnateurs de la correction correction@delitfrancais.com Éléonore Berne Léandre Barôme Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Coordonnateur réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Pierre Gugenheim Événements evenements@delitfrancais.com Madeleine Gilbert Contributeurs Astrid Delva, Juliette De Lamberterie, Fatima Silvestro, Prune Engérant, Marine Idir, Louise Morteveille, Fernanda Muciño, Marie-Hélène Perron, Thais Romain, Katherine Marin, MarcAntoine Gervais, Niels Ulrich, Eva-Meije Mounier, Evangéline Durand-Allizé Couverture Capucine Lorber Alexis Fiocco
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le délit · mardi 20 mars 2018 · delitfrancais.com
Actualités actualites@delitfrancais.com
Le chiffre à retenir
7 C’est le nombre total de candidats faisant campagne pour devenir membres exécutifs de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM, ou SSMU en anglais, ndlr) l’année prochaine. Sur les 6 positions libres, 5 de celles-ci n’ont qu’un seul prétendant au poste. Il est possible de voter jusqu’au 21 mars. Pour voter, rendez-vous sur: https://SSMU.simplyvoting.com/. x
Cette semaine Après le Québec, c’est Ottawa qui décide d’imposer plus de régulations sur la vente de boissons sucrées alcoolisées telles que le Four Loko ou le FCK UP. Pour cause, le décès récent d’Athena Gervais, âgée de 14 ans, qui d’après plusieurs témoins, aurait consommé du FCKD UP, boisson avec un taux d’alcool de 11,9%. Ginette Petitpas Taylor, ministre de la Santé, compte lancer une consultation de manière à modifier le Règlement sur les aliments et drogues pour implémenter des règles plus strictes quant à la vente de boissons sucrées alcoolisées se vendant en portions individuelles non refermables. x
À l’asso de l’actu Vendredi, l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM, ou SSMU en anglais, ndlr) a annoncé l’acquisition d’un bâtiment situé au 3501 de la rue Peel. L’exécutif espère que ce bâtiment sera «un potentiel centre pour les ressources permettant d’améliorer le bien-être des étudiant·e·s de McGill, et en général un ajout positif au Centre Universitaire». x
La Société des publications du Daily (SPD) recueille des candidatures pour son conseil d’administration. La presse étudiante vous passionne, et vous souhaitez contribuer à sa pérennité et à son amélioration? Est-ce que la gouvernance, les règlements et l’écriture de propositions sont votre tasse de thé? Dans ce cas, vous devriez envisager de soumettre votre candidature pour le Conseil d’administration de la Société des publications du Daily.
À suivre... Le TRH-Bar, bar très fréquenté par des étudiant·e·s mcgillois·e·s, est en proie à une polémique. Mardi 6 mars, une soirée y était organisée afin de récolter des fonds pour la réinsertion de l’un de ses anciens employés, ayant été emprisonnée pour délinquance sexuelle. L’une de ses victimes s’est exprimée, se disant scandalisée qu’un bar montréalais cautionne ce genre de comportement, faisant ainsi l’apologie de la culture du viol. Un appel au boycottage a été lancé. x
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Les administrateurs.trices de la SPD se rencontrent au moins une fois par mois pour discuter de l’administration du McGill Daily et du Délit, et ont l’occasion de se prononcer sur des décisions liées aux activités de la SPD. Les membres du conseil peuvent aussi s’impliquer dans divers comités, dont les objectifs vont de la levée de fonds à l’organisation de notre série annuelle de conférences sur le journalisme.
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actualités
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campus
Dernier Conseil législatif à Shatner
Le Conseil du 15 mars discute une fois de plus d’une semaine de relâche en automne.
margot hutton
Le Délit
C
’est dans une salle plus remplie qu’à l’accoutumée que les exécutifs de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM, SSMU en anglais, ndlr) se sont retrouvé·e·s pour leur Conseil législatif. À l’ordre du jour, il y avait une motion à propos des politiques d’implémentation d’une semaine de lecture au semestre d’automne, une motion en rapport avec le comité spécial sur l’antisémitisme du comité d’administration et du Conseil législatif de l’AÉUM, ainsi qu’une présentation sur le projet Fiat Lux. Long débat sur l’antisémitisme Au début de la séance, une motion a été passée afin que le comité spécial sur l’antisémitisme puisse présenter son travail avant que la motion ne soit discutée, par soucis de compréhension. Composé de membres des divers regroupements juifs sur le campus, ce comité a pour but d’établir une définition compréhensive et fonctionnelle de l’antisémitisme et ensuite de l’implanter sur le campus. Pour cela,
il serait nécessaire de renouveler le comité pour l’année scolaire à venir. Les exécutifs de l’AÉUM seraient directement impliqué·e·s dans ce projet, puisque le vice-président (v.-p, ndlr) Affaires universitaires aurait pour rôle de plaider auprès de l’administration pour des recommandations, telles que l’inclusion de l’antisémitisme dans les ateliers sur les «Race Projects», mais aussi d’avoir une session d’entraînement obligatoire des exécutifs de l’AÉUM sur la question. La motion suscita beaucoup d’interrogations, notamment de la part de la représentante de la Faculté d’ingénierie Vivian Campbell, qui demanda quelle était la nécessité d’adresser la motion maintenant. En effet, ayant été soumise moins de 48 heures avant le Conseil, il était nécessaire d’avoir un vote avec deux tiers de la majorité en faveur pour qu’elle soit portée. L’une des membres du comité spécial sur l’antisémitisme a précisé que les vacances de Pâques juives coïncidaient avec les dates des prochains conseils, empêchant les représentant·e·s du comité d’y assister. Après de longues discussions, la motion fut finalement adoptée.
Semaine de lecture La motion en rapport avec la politique d’implémentation d’une semaine de lecture au semestre d’automne impliquait que l’AÉUM supporte la campagne pour son implémentation. Cette politique doit s’étendre sur cinq ans, et pourra être renouvelée. Un représentant de la campagne en faveur de son implémentation a également souligné l’importance de soumettre cette question au référendum. En effet, puisque les étudiant·e·s seraient directement amené·e·s à s’exprimer sur
la question, l’image de la volonté étudiante d’obtenir cette semaine de lecture serait plus forte, et l’université serait plus encline à prendre des mesures favorables. Que la lumière soit La présentation du projet de rénovation de la bibliothèque McLennan et Redpath, Fiat Lux, a donc permis d’éclairer les aspects qui semblaient obscurs autour du projet. La bibliothèque restera bien ouverte pendant les travaux, mais certaines parcelles seront inaccessibles par moment. Les ar-
alexis fiocco
rangements viseront aussi à faciliter l’accès à la bibliothèque pour tout·e·s les étudiant·e·s. Si tout se passe comme prévu, l’ensemble de la structure devrait être rénové d’ici cinq ou six ans. Les travaux débu-teront par la création d’un centre de stockage des livres, qui devrait accueillir des ouvrages de toutes les bibliothèques du campus. La présentation du comité sur l’équité, qui est une portion sous l’AÉUM a permis de comprendre l’importance de leur rôle au sein de la communauté étudiante. Il aide à la résolution des problèmes liés à l’équité dans différentes associations mcgilloises, en plus d’arbitrer les dialogues de plusieurs comités, dont celui sur l’antisémitisme. Aussi, lors de la période des annonces, la v.-p. Affaires externes a souligné que le 15 mars est la journée contre les violences policières, et a rappelé les noms de tou·te·s les montréalais·e·s ayant perdu la vie de manière injuste dans ces violences. Le prochain Conseil législatif se déroulera dans la salle 623 du bâtiment McConnell. x
campus
Le débat électoral de l’AÉUM
Les candidat•e•s aux postes exécutifs de l’AÉUM purent y présenter leur plateforme. astrid delva
alexis fiocco
Le Délit
L
e mardi 13 mars 2018, le débat électoral des candidats à la direction de l’Association des étudiant·e·s en premier cycle à l’Université McGill (AÉUM ou SSMU en anglais, ndlr) avait lieu dans la salle de bal du bâtiment Shatner. Le débat avait pour but de présenter les enjeux principaux qui s’annoncent en 2018 et de présenter les candidat·e·s aux différents postes exécutifs de l’AÉUM. Cette année, la campagne électorale se déroule du 12 au 21 mars et les résultats des votes seront annoncés le 21 mars 2018. Cet évènement permet de présenter le programme de chaque candidat·e aux étudiant·e·s et de leur donner la parole. La réunion fut organisée de façon à présenter tous les candidat·e·s dans un temps égalitaire. Ainsi, chaque personne avait 1 minute et trente secondes pour se présenter et le jury avait une minute pour leurs poser des questions. Puis, les étudiant·e·s avaient le droit dans un temps illimité de leur poser des questions et ces derniers avaient au plus deux minutes pour répondre à chaque élève.
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ACTUALITÉS
Les candidat·e·s présents Jun Wang, candidat au poste de vice-président (v.-p, ndlr) Finances, fut le premier à être interrogé suivi de Sophia Esterle au poste de v.-p. Vie étudiante, Marina Cupido au poste de v.-p. des Affaires externes, Matthew McLaughlin aux Affaires internes, Jacob Shapiro au poste des Affaires universitaires et enfin, les deux candidats Corinne Bulger et Tre Mansdoerfer au poste
de président·e de l’Association. Les sujets de préoccupation les plus abordés furent évidemment la fermeture du bâtiment Shatner, la communication entre les étudiant·e·s et les exécutifs, l’allocation des fonds aux associations étudiantes et le soutien aux problèmes de santé mentale. Beaucoup d’élèves participèrent au débat et certains étudiant·e·s dénoncèrent le manque de moyens financiers accordés à certains clubs
et le manque d’investissement dans les énergies renouvelables face à Jun Wang qui insista sur la nécessité de la réallocation des fonds financiers. Santé mentale et transparence Le programme de Sophia Esterle fut marqué par son désir de mettre la priorité sur la santé mentale à McGill en créant une plateforme de soutien pour tous les
étudiant·e·s afin de les mettre en lien direct avec des professionnels qualifiés dans un délai raccourci. Marina Cupido potentiellement chargée des Affaires externes insista sur son engagement politique et sa volonté de favoriser l’équité des fonds financiers accordés aux clubs. Matthew McLaughlin, en lice pour être en charge des Affaires internes, souhaite améliorer la communication et l’accessibilité aux activités universitaires en instaurant des assemblées publiques tout comme Jacob Shapiro. Les deux candidats en course pour devenir président·e de l’AÉUM, Corinne et Tre, insistèrent sur la nécessité d’une meilleure transparence au sein de l’organisation et Corinne dénonça «le manque de représentation des femmes de couleur au sein de l’AÉUM» contrairement à l’année précédente, tandis que Tre souhaite « construire une relation entre les étudiant·e·s et le SSMU». Enfin, retenons que des solutions face à la fermeture du bâtiment furent apportées comme la collaboration de l’Université avec des commerces à proximité comme l’Anticafé pour permettre aux étudiant·e·s de se retrouver. x
le délit · mardi 20 mars 2018 · delitfrancais.com
campus
Faire pousser de l’herbe à McGill L’Université McGill offre désormais un diplôme en production de cannabis.
Thais Romain
Le Délit
L
a légalisation du cannabis à usage récréatif, prévue pour l’été 2018 au Canada, a donné naissance à un cursus universitaire proposé par l’Université McGill. La proposition de cette formation par la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement a pour but de former les futurs professionnels de l’industrie du cannabis. En effet, si cette industrie ne fait qu’émerger, sa main d’œuvre hautement qualifiée dépassera le nombre de 10 000, voire 100 000 spécialistes dans les années à venir. Une plante mystérieuse
La Dre Anja Geitmann, doyenne de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement de l’Université annonce que deux ateliers spécialisés auront lieu les 1er et 2 mai 2018 pour don-
ner une vue d’ensemble des besoins de l’industrie du cannabis. L’horticulture et la chimie sont notamment à considérer avec attention. Pour utiliser le cannabis à des fins médicinales, sa culture et l’extraction de ses différents composants sont à étudier de façon approfondie. Si à McGill, des spécialistes en chanvre dont déjà présents précise la Dre Geitmann, le cannabis (similaire au chanvre) comprend du THC (tétrahydrocannabinol, ndlr) et des composés chimiques spécifiques qui rend son étude urgente. Un an de certificat C’est pourquoi le programme que propose McGill envisage de former les étudiants en collaboration avec l’industrie de production. La formation ne sera pas un baccalauréat classique, mais plutôt un certificat professionnel d’un an pour des étudiants déjà qualifiés dans
un domaine familier et désirant se spécialiser dans le cannabis. Elle n’est donc pas ouverte à n’importe quel profil mais aux personnes ayant un baccalauréat en biologie ou en horticulture. Ce nouveau cursus débutera en janvier 2019 et le premier diplôme de ce certificat professionnel en culture du cannabis sera donné à la fin de l’automne 2020. Les cours seront donnés aussi bien par des professeurs de l’Université que par des conférenciers invités. L’industrie du cannabis commence à prendre de plus en plus d’importance au Canada. Andrée St-Cyr, directrice des ressources humaines à Hydropothecary, un fournisseur certifié de cannabis médical, souligne que bien que son entreprise compte 110 employés aujourd’hui, ils devraient être au nombre de 300 d’ici début 2019. Enfin, pouvoir être certifié en production de cannabis prouve que cette production devient banale et
EvanGÉline
ne peut plus demeurer souterraine, insiste Adam Greenblatt, responsable marketing de Tweed, un autre
fournisseur de cannabis. «Il y a une demande grandissante pour une éducation certifiée», explique-t-il. x
Fumer son joint légalement, c’est pour quand ? 13 avril 2017
1923
Le projet de loi C-45, la Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, est déposé. Il vise à l’encadrement strict de la production, de la distribution et de l’usage du cannabis.
Le cannabis devient illégal au Canada, notamment pour éviter les comportements déviants. À cette époque, la consommation est rare.
2001
22 mars 2018
Le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales est mis en place par Santé Canada. Celui-ci encadre l’accès et la production du cannabis utilisé pour traiter, les symptômes de diverses maladies.
Premier vote officiel sur le projet de loi C-45 au sein de Sénat. Cinq comités procèderont à son étude détaillée et délibèreront pour donner leur réponse finale.
19 octobre 2015
7 juin 2018
Justin Trudeau, chef du Parti Libéral est élu premier ministre à la tête d’un gouvernement majoritaire aux élections fédérales canadiennes. Dans sa plateforme est inclue la promesse de la légalisation du cannabis à usage récréatif au Canada.
Vote final pour l’adoption du projet de la loi sur le cannabis. Si la loi est adoptée, son instauration complète n’aura lieu que deux ou trois mois plus tard.
Novembre 2016
Le rapport «Un cadre pour la légalisation et la réglementation du cannabis au Canada» est publié; «fruit de consultations» avec divers organismes canadiens qui dévelopTEXTE ÉCRIT PAR pent ce qu’implique la légalisation du cannabis. JULIETTE DE LAMBERTERIE
1er juillet 2018
INFOGRAGRPHIE RÉALISÉE PAR BÉATRICE MALLERET
C’était la date prévue pour la légalisation du cannabis. Elle devra cependant être repoussée; les délibérations prendront plus de temps que prévu. Il faudra probablement attendre jusqu’à la toute fin de l’été.
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le délit · mardi 20 mars 2018 · delitfrancais.com
actualités
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quÉbec
La jeunesse politique À la rencontre des jeunes membres des principaux partis politiques du Québec. À quelques mois des élections générales québécoises du 1er octobre prochain, Le Délit est parti à la rencontre de ces jeunes qui ont décidé de s’impliquer en politique provinciale. Le Délit fait le portrait de quatre jeunes, chacun s’impliquant dans l’un des principaux partis au Québec. Cette semaine, focus sur le Parti Québécois et la Coalition Avenir Québec suivis la semaine prochaine du Parti Libéral du Québec et de Québec Solidaire.
Kevin Paquette
Coalition Avenir Québec
Âgé de 20 ans et étudiant au baccalauréat en Administration des affaires au campus de Drummondville de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Kevin est président de la Commission de la Relève à la Coalition Avenir Québec (CAQ). Toutefois, le jeune homme a commencé tôt à s’impliquer en politique. En effet, c’est à partir des élections générales de 2012 qu’il dit avoir commencé à vouloir réellement se politiser, notamment suite aux évènements du Printemps érable. «Les élections ont été déclenchées en août et je me suis dit, du haut de mes 15 ans, que j’aimerais faire une dif-
antoine milette-gagnon
courtoisie de Frédérique st-jean
Frédérique St-Jean Parti Québécois
Âgée de 24 ans, Frédérique St-Jean est diplômée d’un baccalauréat en droit de l’Université McGill. Elle est présentement présidente des Jeunes péquistes (du Parti Québécois ou PQ, ndlr) de Montréal-Centre. Elle a commencé à s’impliquer dans divers comités dans la Faculté de droit, mais s’est dit vers la fin de ses études qu’elle devrait commencer à s’engager en politique. «Je pense que, ultimement, si on veut changer les choses, avec les
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ACTUALITÉS
élections qui s’en viennent, c’est important de s’impliquer dans les partis politiques parce que sinon, c’est sûr qu’ils ne vont pas représenter nos idéaux», raconte la jeune militante. Frédérique a commencé à s’impliquer au Parti Québécois pendant la campagne à la chefferie de Véronique Hivon, actuelle vice-cheffe du parti. Elle explique qu’elle a pu rencontrer des gens qu’elle trouvait intéressants et qui partageaient ses idéaux, ce qui l’a motivée à demeurer au sein du parti. La jeune péquiste avance que lorsque les jeunes veulent faire avancer des idées, ils ont
férence pour ma communauté, aussi petite soit-elle. Et je crois que c’est par la politique que ça se fait», explique le jeune militant. Après avoir considéré plusieurs partis, son choix s’est arrêté sur la CAQ en raison de son programme économique. Kevin explique son choix par l’importance de la rigueur budgétaire et de «l’équité intergénérationnelle» en plus de son intérêt pour l’entreprenariat. Son implication a débuté en installant des pancartes de campagne durant l’été. Il a par la suite commencé à s’impliquer dans le Comité d’action locale à Granby, puis dans l’exécutif de la Commission de la Relève du parti. «J’ai commencé comme secrétaire, puis responsable des Finances, puis vice-président et enfin président. Mon implication a commencé de la base pour peu à peu gravir les échelons», narret-il. Selon le jeune militant, la structure de la CAQ fait que les jeunes y sont bien intégrés. «Dans chaque exécutif local, on a un représentant jeune qui s’occupe des activités de la Commission de la Relève dans la circonscription. On a également 14 représentants régionaux qui supervisent les activités de la Relève dans les régions. [Enfin] on a l’exécutif national dont je fais partie et qui
gère les activités à l’échelle du Québec», explique-t-il. Questionné sur la relation jeunesse-senior au sein de la CAQ, Kevin Paquette la juge «très bonne». « Il y a beaucoup de jeunes qui ont été mentorés soit par des députés comme moi ou par des candidats. […] Les députés cherchent à avoir le plus de jeunes possibles à leurs événements et [sont] très généreux de leur temps, que ce sont», ajoutet-il. Kevin estime qu’il est très important que les jeunes s’impliquent, et ce «peu importe les couleurs politiques». Selon lui, les jeunes disant ne pas croire que la politique puisse faire une différence ont tort. «Je vois de très près les actions concrètes de mon député dans sa communauté et qui est proche de ses citoyens. […] La politique reste le moyen le plus concret de changer les choses, notamment au niveau de la législation et de l’Assemblée nationale, parce que c’est là que tu votes les projets de loi, le budget […]». Kevin invite ainsi les jeunes à «prendre d’assaut les partis politiques» pour pouvoir les transformer selon leurs convictions. «C’est important que les jeunes prennent leur place dans la société. On entend souvent [dire] que les partis politiques ne
portent pas assez attention aux jeunes. C’est connu, le taux de participation des jeunes lors des élections est très bas. Même si les partis basent leur discours sur la qualité de vie des jeunes ou sur l’avenir des jeunes, [ceux-ci] ne vont pas voter. Ça fait mal à notre génération parce que les partis politiques le savent pertinemment et vont viser une clientèle plus âgée.» Le militant est d’avis que, si les convictions et opinions divergentes demeurent, les jeunes de différents partis ont moins tendance à «s’entredéchirer» que les membres seniors, notamment parce que les membres de différentes formations politiques ont plus de chance de se croiser à l’université ou à des évènements de réseautage. Comme souhait, Kevin Paquette exprime sa volonté de voir plus de jeunes s’impliquer davantage en politique. «Plusieurs de mes collègues qui font de la politique depuis plusieurs années nous l’expliquent: dans les années 80, on sentait qu’il y avait une force d’action chez les jeunes, qu’ils étaient motivés, et on ne retrouve pas nécessairement ça aujourd’hui. […] C’est important que nous les jeunes investissions les partis pour les mouler à notre image», conclut-il. x
plutôt tendance à le faire au sein d’organismes qui représentent directement ces causes. «Aujourd’hui, on se dit féministe, on se dit environnementaliste. […] C’est initialement le réflexe que j’avais jusqu’à temps que je me dise: bon, je vais essayer [la politique]», nuance la militante. Au Parti québécois, deux représentants jeunesse doivent être présents sur les exécutifs de circonscription. Ces deux représentants vont également sur les Conseil régionaux qui ont des rencontres avec les jeunes des circonscriptions de la région. Enfin, les représentants jeunes ont également des postes au sein de l’exécutif national qui prend des décisions sur la tenue du parti. La présidente de Montréal-Centre rajoute aussi que ce sont les jeunes représentants qui ont le devoir de représenter les positions politiques des jeunes sur la scène médiatique. Questionnée sur l’implication des jeunes à l’échelle de la province, la militante estime que celle-ci est essentielle. «Ce sont [les jeunes] qui vont être le plus affectés par les politiques qui vont être adoptées, et ce sur tous les plans. Que ce soit en éducation, en santé, en environnement, par exemple, ça
va être notre milieu qui va être en jeu. Il faut donc qu’on soit capable de reprendre possession des instances et de les mettre à notre image. […] Par exemple, si on veut atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, c’est maintenant qu’il faut que ça se passe.» Frédérique St-Jean ne croit pas que les jeunes se sentent bien représentés par les politiciens actuels, mais que la situation change peu à peu. «Quand on regarde les quatre chefs [des principaux partis], ce n’est définitivement pas notre génération, mais par exemple au Parti québécois, l’âge moyen des membres de l’exécutif national est de 34 ans. […] C’est [excitant] parce qu’on sent que notre perspective est représentée. Dès que tu prends ta place, […] que tu es compétent et que tu as des idées à faire entendre et que tu les justifies bien, je pense que les partis sont quand même ouverts. Il ne faut pas avoir peur ou se dire qu’on est trop jeune pour se présenter [pour un poste dans le parti]: le pire qu’il puisse arriver est de ne pas être élu», expliquet-elle. Selon la jeune péquiste, les membres seniors sont enthousiastes de leur relation avec les membres jeunes. «Ils sont super réceptifs à ce qu’on dit et à ce qu’on pense. Les milléniaux
deviennent une tranche de plus en plus grande de la population qui [pourront] voter aux prochaines élections. […] On est assez weird en ce sens où on cherche des positions alternatives et qu’on est assez aliénés par la politique actuelle qui est compétitive [et qui fait] de gros booms médiatiques avec des controverses. On se dit que ça ne fait rien avancer. Je crois qu’il y a une volonté de faire la politique autrement, autant ça s’est senti en 2012 [pendant le Printemps érable, ndlr], autant ça continue de se faire sentir de plein de façons.» Comme souhait, Frédérique exprime sa volonté de voir non seulement plus de jeunes en général, mais également un plus grand nombre de jeunes femmes. «C’est une cause qui m’est très chère parce qu’il n’y en a pas assez. […] Pourtant, les filles sont aussi intéressées que les gars lorsque vient le temps de parler de questions sociales, [cette inégalité]c’est quelque chose que je ne suis jamais arrivée à m’expliquer», conclut-elle. x
Propos recueillis par antoine Milette-Gagnon
Le Délit
le délit · mardi 20 mars 2018 · delitfrancais.com
Monde francophone AFRIQUE
FRANCOPHONE Vendredi 9 mars La déclaration de vendredi du chroniqueur Songué Diouf à l’émission Jakaarlo Bi a soulevé l’indignation. Interrogé sur la question de la recrudescence des viols au Sénégal, Diouf a mis le blâme sur les femmes et leurs vêtements «obscènes», qui font «tout» pour être violées. Les réactions se sont faites abondantes et critiques de ce discours qui s’inscrit dans une culture sénégalaise du sutura et du muugn, soit du silence et de l’endurance stoïque, notamment des femmes, et qui contribue à la construction d’une «société où être femme est un supplice», pour reprendre les paroles d’une chroniqueuse du Monde Afrique. x
Vendredi 17 mars Le Canada a annoncé sa participation à la force de l’ONU de maintien de la paix au Mali, la Minusma. Créée en 2013, cette mission lors de laquelle plus de 160 Casques Bleus ont péri est actuellement la plus dangereuse dans le monde. Le retour des Casques Bleus canadiens en Afrique, prévu pour avant l’automne, sera le premier depuis la mission avortée au Rwanda lors du génocide de 1994. x
SÉNÉGAL MALI GUINÉE
Mercredi 15 mars À Conakry, mercredi dernier, trois personnes ont été tuées lors d’une manifestation du parti de l’opposition réfutant les résultats des élections du 4 février ayant permis à Alpha Condé de devenir président. Depuis son arrivée au pouvoir, le bilan des morts lors de manifestations politiques ou sociales s’élève à 93 personnes. Jeudi, plus d’un millier de femmes manifestaient dans la rue pour protester, entre autres, contre la violence policière récurrente au pays. x
TEXTE ÉCRIT PAR MARIE-HÉLÈNE PERRON INFOGRAPHIE RÉALISÉE BÉATRICE MALLERET
campus
Des
à McGill ?
Les étudiant·e·s mcgillois se mettent à la place des itinérant·e·s le temps d’une semaine. louise morteveille
Le Délit
C
e sont plusieurs élèves qui se sont rassemblés en ce jeudi pour rendre service aux sans-abris. Cet évènement n’est qu’un parmi les nombreuses actions menées au cours de ces cinq jours pour les sans-abris afin de collecter des fonds pour l’association caritative Chez Doris qui apporte un soutien aux femmes dans la rue,
que ce soit sous la forme de repas, de vêtements, d’activités sociales ou d’assurance. Ainsi, des élèves des universités McGill et Concordia ont décidé de vivre comme les sansabris dormant dehors et ne se nourrissant que grâce aux donations des passants… Pour faire participer plus d’élèves à cette semaine pour les sans-abris, le réseau des étudiants internationaux de McGill (McGill International Students Network,
en anglais, ndlr) a organisé une distribution de nourriture. C’est donc dans une bonne ambiance que de nombreux élèves ont confectionné des sandwiches avant de partir à la rencontre des sansabris dans les rues de Montréal. Une des membres de l’association reconnaît qu’en plus qu’apporter un soutien aux itinérant·e·s, cet évènement permet aussi à plus d’étudiant·e·s d’être sensibilisé·e·s sur la question de l’itinérance et
leur montre les possibilités qui existent à McGill pour s’engager en faveur de cette cause.
« Cet évènement permet aussi à plus d’étudiant·e·s d’être sensibilisé·e·s sur la question de l’itinérance » Changements à apporter Une élève de la Faculté de gestion s’étant portée volontaire pour dormir plusieurs fois dans la rue au cours de cette semaine témoigne de son expérience et reconnaît que quelques changements pourraient être apportés à cet évènement, ses propos étant approuvés par l’une des membres de l’organisation Chez Doris. Elle critique notamment le fait que plus que de partager l’expérience des sans-abris, plus que de réveiller les consciences et de sensibiliser les autres étudiants, cette opération a aussi pour but de collecter des fonds pour les sans-abris. Focus différent
Alexis fiocco
le délit · mardi 20 mars 2018 · delitfrancais.com
regard que les proches de cette élève porte sur cette expérience de bénévolat pose des questions:
Par ailleurs, elle remet en question le côté expérimental de cet acte bénévole. Le simple
nombreux sont ceux qui l’ont félicitée, qui ont qualifié cet acte «d’incroyable» qui ont assuré être «si fiers d’elle». Mais ces réactions l’ont mené à se poser plusieurs questions: Qu’y a-t-il d’incroyable à dormir dans la rue? En quoi peut-on être fier de ce genre de chose et qualifier d’expérience la vie des plus démunis? Et nombreux sont les étudiants qui ont trouvé ces nuits passées dehors «amusantes». Si cette élève ne regrette pas de s’être engagée pour cette cause, elle préfèrerait que les «stars» de cette semaine soient les itinérant·e·s; que l’on prenne du temps à passer avec eux, à leur parler, à partir dormir dans les foyers où ils vivent pour qu’ils ne se sentent pas marginalisé·e·s. Elle conclut en disant «Le problème des sans-abris, c’est une réalité, parlons-en!». x
actualités
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Société
« La philosophie qui commence par la pensée dénuée de réalité aboutit comme de juste à une réalité dénuée de pensée » Ludwig feuerbach
societe@delitfrancais.com
Portrait
Tocqueville: le diagnostic des médecins L’auteur a découvert le matérialisme maladif en auscultant le citoyen démocratique. Marc-Antoine Gervais
Le Délit
B
ien que Tocqueville ait étudié la société américaine dans son voyage de 1831, la contemporanéité de ses propos marque les esprits. Il souhaitait mettre en garde ses lecteurs des périls qui pèsent sur toute démocratie en faisant ressortir les penchants pernicieux de l’homme démocratique. En particulier, l’auteur a mis en relief son amour du bien-être matériel, qui «entraîne tout dans son cours». Aujourd’hui, le matérialisme outrancier se manifeste par les revendications salariales des médecins spécialistes et par leur utilisation parfois abusive du système de rémunération à l’acte. La Fédération des médecins spécialistes tente de justifier l’injustifiable depuis des semaines: l’augmentation du salaire des spécialistes québécois, qui est déjà plus élevé que la moyenne nationale et supérieur de 36 000$
à celui de leurs homologues ontariens. Parallèlement, aucune mesure de contrôle n’est mise en place pour encadrer efficacement la rémunération à l’acte. Résultat: des médecins peu scrupuleux adoptent des «pratiques de facturation créatives» pour soutirer davantage d’argent dans l’exercice de leur fonction. À première vue, l’obsession de l’argent chez les membres de cette profession paraît curieuse: ils font aisément partie du premier pourcent des plus riches Québécois. Quant à lui, Tocqueville n’aurait nullement été surpris. La démocratie, découlant de l’égalisation des conditions, donne lieu à une mobilité sociale nouvelle: «l’envie d’acquérir le bien-être matériel se présente à l’imagination du pauvre, et la crainte de le perdre à l’esprit du riche.» Toutes les classes peuvent convoiter la richesse, mais, corollairement, aucune classe démocratique n’est à l’abri de la ruine. C’est ce qui amène Tocqueville à qualifier l’amour matérialiste
de passion de «classe moyenne». Il ne faut pas se méprendre: pour l’auteur français, les médecins d’aujourd’hui représentent des «fortunes médiocres», donc typiquement moyennes, au regard des familles aristocrates.
capucine lorber Par opposition, la société aristocrate est immobile: les aristocrates n’ont connu d’autre état que celui de la richesse, et ils n’ont aucune crainte de perdre ce statut. Conséquemment, «le bien-être matériel n’est pour eux point le but de la vie; c’est une manière de
vivre. Les riches ne se préoccupent point du bien-être matériel, parce qu’ils le possèdent sans peine.» En fait, les aristocrates sont si habitués au confort qu’ils manifestent un «mépris orgueilleux» à l’égard des jouissances matérielles. Leur opulence étant garantie, ils se tournent vers une ambition toute autre: l’honneur. Si les médecins sont considérés comme les dieux de la société québécoise, ils ne se contentent pas pour autant de leur statut privilégié. En effet, les ambitions matérialistes ayant, en démocratie, préséance sur la quête de l’honneur, c’est le salaire qui constitue la préoccupation dominante dans la profession médicale. Payés par l’État, les médecins commandent sans vergogne des augmentations salariales alors même que le personnel enseignant –sans doute la profession la plus importante pour la société de demain– est sévèrement sous-rémunéré par le même employeur. Pis encore, nombre de médecins adaptent leur pratique
en fonction de la rémunération à l’acte, et ce, au détriment du patient ou du système de santé (actes médicaux inutiles, interventions les soirs et fins de semaine, etc). Loin de Tocqueville l’idée de rétablir un régime aristocratique –de toute façon, à son avis, la marche vers l’état social démocratique est un «mouvement irrésistible». Cependant, il note que le citoyen démocratique risque de succomber à un matérialisme qui «absorbe» l’âme. Dans une certaine mesure, il faut résister à l’amour du bien-être matériel, qui «est devenu le goût national et dominant». En somme, le penchant du citoyen démocratique à l’égard de l’opulence, qui afflige aujourd’hui la profession médicale, avait été diagnostiqué par Tocqueville dès 1831. L’injection de la valeur aristocrate de l’honneur ferait sans doute grand bien aux médecins, en plus d’être notoirement plus compatible avec le serment d’Hippocrate que la passion pour les jouissances matérielles. x
Portrait
Cioran et l’insignifiance partagée Comment la pensée de l’auteur peut jeter l’opprobre sur l’instantanéité des médias. Antoine Milette-Gagnon
Le Délit
C
ommençons de la sorte: «Je sais que ma naissance est un hasard, un accident risible, et cependant, dès que je m’oublie, je me comporte comme si elle était un événement capital, indispensable à la marche du monde.» Cette citation, tirée du recueil d’aphorismes De l’inconvénient d’être né, peut en désarçonner plus d’un. En effet, n’est-ce pas l’apanage des sociétés néolibérales de s’articuler autour du «je, me, moi»? Mes droits, ma personne, mon compte Facebook, ma photo de profil, mes abonnés Instagram. Vous me likez, donc je suis. Emil Cioran est connu dans le monde occidental comme étant l’un des auteurs les plus pessimistes. Sur les cimes du désespoir, Précis de décomposition, Syllogismes de l’amertume, Écartèlement: ces titres jettent le ton. Je ne cacherai pas que je fais de Cioran une lecture très personnelle et sélective, voire fort probablement erronée au sens de
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société
l’écrivain. Néanmoins, s’il est possible de rejeter les propositions les plus sombres de l’auteur afin d’éviter l’angoisse perpétuelle, notamment en ce qui concerne l’approche de la mort ou du suicide, le constat de Cioran demeure sans appel et assez facile à comprendre: rien n’est nécessaire et surtout pas notre personne. Cela permet de pointer des tendances fâcheuses qui, au final, fatiguent plus qu’autre chose, notamment celles à vouloir absolument remplir chaque parcelle de notre existence pour, consciemment ou non, cacher un vide.
utilisent des quantités considérables d’énergie dans le maintien des serveurs, mobilisent une quantité astronomique de données informatiques sans compter les
« Chaque instant est élevé au rang d’évènement, comme si l’on venait tous de signer le Traité de Versailles »
L’autel de l’insignifiance Cette lecture m’amène à reconsidérer l’usage que je —et probablement d’autres avec moi— fais des réseaux sociaux. Après tout, comment expliquer le temps que je passe à faire défiler mes différents fils d’actualités? Quelques instants de réflexion mettent en lumière la certaine absurdité de la logistique déployée pour l’insignifiance. Après tout, les réseaux sociaux — pas seulement Facebook—
Cioran de dire: «Je ne fais rien, c’est entendu. Mais je vois les heures passer —ce qui vaut mieux qu’essayer de les remplir.» Ce passage m’a frappé par son
Prune Engérant ressources nécessaires (eau, métaux rares, etc.) pour construire les ordinateurs, tablettes et téléphones nous permettant d’accéder à ces réseaux. Pour quoi donc au final?
actualité. Comment ne pas voir dans les photos de repas, les stories Instagram, un remplissage flagrant? Chaque instant est élevé au rang d’évènement, comme si l’on venait tous de signer le Traité de Versailles. Car, qu’on le veuille ou non, c’est bien ce que l’on insinue lorsqu’on partage une photo de nous en train d’étudier dans un café, non? Ne prendre qu’un seul égoportrait n’est-il pas alors étrange lorsqu’on réfléchit à ces implications? «Regardez-moi. Je suis. Je vaux bien que vous sachiez
que je suis là.» Sinon, pourquoi ne pas garder la photographie pour nous-mêmes? Pis encore, pourquoi annexer à son égoportrait une citation célèbre, le plus souvent sans réellement connaître le contexte de la citation ni même sa véracité? Comme si cela permettait de camoufler la futilité de l’action, de se convaincre de sa pertinence aux yeux du monde. Je ne cacherai pas l’ironie de mes propos, moi-même possédant un compte Facebook dont la photo de profil est affublée d’une réplique d’un dessin animé que j’aime beaucoup. Pour sortir un cliché utile: «Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre!», comme disait l’autre. Personnellement, et contrairement à Cioran, je ne crois pas que «remplir ses heures» soit une si mauvaise chose si cela permet à tout un chacun de créer une intimité, au demeurant privée. Pourquoi ne pas se déconnecter et aller observer les arbres —sans cortège ni galas— ne serait-ce que pour le plaisir de le faire? Sans photo, sans mot-clic. Être seul avec soi-même et apprécier l’existence pour l’existence. x
le délit · mardi 20 mars 2018 · delitfrancais.com
Dossier spécial: Portraits de Philosophes Portrait
Arendt et la langue en guise de baluchon
La prospérité d’une culture et sa nostalgie résident dans la langue selon Hannah Arendt. Katherine Marin
L’
histoire du Québec est ponctuée de mille et une péripéties, allant des référendums à la grève étudiante de 2012. Ces décisions et ces batailles collectives semblent aujourd’hui bien loin de notre quotidien, et pourtant notre histoire prend vie dans chacune de nos paroles. Hannah Arendt, exilée de sa mère patrie pendant la Seconde Guerre mondiale, déclara que la seule chose qui lui restait de l’Allemagne pré hitlérienne, c’est la langue. Et, bien que le Québec post-référendaire n’ait pas changé du tout au tout comme le fit l’Allemagne, il demeure que la langue française est le seul réel héritage qui puisse faire encore naître une nostalgie, consciente ou non, chez ses locutrices et locuteurs. Ainsi Hannah Arendt, qui vécut l’exil plus d’une fois et dont la profession oblige
presque la connaissance de plusieurs langues (dont l’anglais au moins), vit sa nostalgie patriotique à travers l’allemand. Elle estime qu’un individu se doit de garder sa langue maternelle intacte et vivante. Aux yeux d’Arendt, répondre aux exigences culturelles du pays d’accueil, du «sauveur», est un outrage et rend ceux qui tentent de l’oublier «bègues», une idée développée initialement par son premier mari, Günther Anders. Ce dernier explique que certains exilés finissent par devenir bègues autant dans leur langue maternelle que dans la langue du pays d’accueil et que la solution pour ne pas l’être (bien qu’il ne la qualifie pas de solution à proprement parler, mais qu’il en parle comme étant une manière de protéger le seul bien qui persiste suite à l’exil) est de se vouer fanatiquement à la langue maternelle. En accordant cette importance à la langue, il me semble
que l’on puisse l’aborder dans l’optique de la situation québécoise et canadienne: du point de vue du Québec, l’adoption de la loi 101 témoigne du désir d’éloignement linguistique des Québécois face au reste du pays; du point de vue fédéral, la Fatima Silvestro
perspective des réfugiés souligne le choix déchirant qu’ils doivent faire entre devenir bègues dans les deux langues
en se conformant aux désirs de la terre d’accueil, ou plutôt doivent-ils décider de se vouer à leur langue maternelle tout acceptant l’abandon des bénéfices socioéconomiques qu’apporte la connaissance de la langue hôte. Exil symbolique Les Québécois ont vécu leur propre exil au 20e siècle, l’exil tout d’abord volontaire du Canada, puis ensuite l’exil forcé par le gouvernement fédéral lors de la nuit des longs couteaux. Bien que la loi 101 existait avant ces évènements, reste que le Québec a vu l’importance de cette loi être confirmée par ces évènements. Il faut dire que certains instigateurs de la loi croyaient euxmêmes se tirer une balle dans le pied en proposant ce projet de loi et savaient pertinemment qu’elle allait déclencher du grabuge chez les Québécois anglophones. Le Québec, poussé par un désir de perpétuer sa culture francophone
fragile, a fait le choix du repli plutôt que de prendre le risque de devenir bègue. Conflit de valeur En tant que francophone, que l’on soit d’accord ou non avec cette loi, il faut essayer de comprendre la difficulté que représente la pratique d’une langue étrangère dans une province comme la nôtre. Le nombre de réfugiés et de personnes immigrantes en province augmentant de jour en jour, il est dur de comprendre à quel point la résidence dans une province législativement repliée sur elle-même doit être difficile pour des personnes de l’extérieur dialoguant dans une langue différente. Les exilés se trouvent, au Québec tout particulièrement, mis face à un choix déchirant, pour eux et pour leur famille, et la pensée d’Arendt, si elle se révèle effectivement vraie, rend l’assimilation beaucoup plus déchirante que ce que la culture populaire ne le laisse croire. x
Portrait
Nietzsche et le Gai savoir pour l’existence Le savoir tragique nous aide à appréhender les souffrances de l’existence. Simon Tardif
Le Délit
C
onstat: «Dieu est mort et nous l’avons tué!» Derrière cette phrase de Nietzsche ô combien trop souvent remaniée à toutes les sauces se cache une lucidité à en faire pâlir plus d’un: le savoir tragique est un gai savoir. Comprendre, avec fermeté et résilience, l’état des choses, les conséquences de notre propre drame, voilà un exercice auquel Nietzsche nous conviait relativement à la question très spécifique de la signification du monde. Pourtant, en tant que peuple, avons-nous répondu à son appel dans un sens plus large, c’est-à-dire d’une manière à penser notre rapport à des vérités qui nous abîment? Au regard du dément qui annonce la mort de Dieu dans le Gai savoir, qu’avons-nous réellement pour nous? À sans cesse accuser tout un chacun des drames qui jonchent notre quotidien, sommes-nous réellement honnêtes face à notre
propre petitesse si misérable? Au demeurant, sommes-nous suffisamment nettoyés des entraves d’une société fatiguée qui se complait dans ses
n’a rien restitué derrière le rideau masquant la réalité. Pourtant, aussi paradoxale que cela puisse paraître, nos multiples illusions sur le monde sont des manières
« Nous tremblons de froid, nu devant une réalité qui ne connaît pas la tendresse » propres déchets? Bien sûr que non. Notre morale est poussiéreuse, nos grands mythes déconstruits et notre rapport au monde risible. Alors que nous aurions pu croire qu’un peuple délivré de certaines de ses croyances soit à même d’accepter davantage un monde cru, nous tremblons de froid, nu devant une réalité qui ne connaît pas la tendresse. La réflexion relative à la mort de Dieu est d’autant plus difficile et non-intuitive pour le non-croyant qu’il est bien souvent lui-même un nihiliste qui
le délit · mardi 20 mars 2018 · delitfrancais.com
Fernanda Muciño ingénieuses d’appréhender avec une certaine subtilité cette réalité. Le tragique de l’existence commande que nous acceptions certaines de nos souffrances comme nécessaires, sans pourtant oublier que nous n’avons pas à tout déconstruire pour y parvenir.
L’invitation de Nietzsche semble donc en opposition totale avec la doxa moderne: nous rejetons en totalité sur l’autre l’excuse de nos souffrances et la minute d’après, nous commandons avec banalité la déconstruction du monde en apéritif. À l’inverse, la formule empruntée au stoïcisme par Nietzsche, l’amor fati, sousentend d’accepter, non pas dans un sens passif mais au contraire d’une manière affirmative, certaines fatalités propres à l’humain. Avant de
nous pourrions percevoir une rupture amoureuse comme étant une étape nécessaire et ainsi ne pas chercher à réhabiliter une histoire inutilement. Corollairement, la mort de nos proches est inévitable. Elle nous frappera de plein fouet, nous jettera sans doute au fond d’un abysse à partir de laquelle nous aurons sans doute de grandes difficultés à entrevoir le moindre espoir d’une lumière au loin. Pourtant, le gai savoir, l’amour de notre destin, est un impératif à nous-mêmes pour lever le bras
« Le gai savoir, l’amour de notre destin, est un impératif à nous-mêmes pour lever le bras en l’air et agripper de toute notre volonté cette lumière » pouvoir envisager un peuple plein de vie, il incombe à tout un chacun d’accueillir un certain nombre de choses comme nous voudrions accueillir l’être cher parti pour un long séjour: les bras pleinement ouverts. Dans cette optique de l’attachement,
en l’air et agripper de toute notre volonté cette lumière. Nous souffrirons toute notre vie pour tout un tas de raisons différentes: acceptons-le et surpassons ce constat tragique pour enfin vivre l’existence que nous voulons nous donner. x
société
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innovations innovations@delitfrancais.com
Entrevue
Sortir l’e-sport du canapé Le Délit rencontre Maximilien Martin, cofondateur du Club de Sport Électronique de l’UdeM.
M
aximilien Martin est un jeune homme français expatrié. Il est co-fondateur du Club de Sport Électronique de l’Université de Montréal. Mordu d’e-sport, Maximilien cherche à partager sa passion et à la faire reconnaître en tant que véritable discipline sportive, tant elle engage de nombreux sens. Le Délit l’a rencontré afin de discuter de sa vision du sport électronique. Le Délit (LD): Peux-tu te présenter et nous raconter ce que tu fais dans la vie? Maximilien Martin (MM): Je m’appelle Maximilien Martin, j’ai 21 ans, je suis Français et j’habite au Canada depuis maintenant 5 ans. Je suis arrivé à l’UdeM en septembre 2015. Maintenant je suis en gestion de l’innovation à HEC Montréal. LD: À quels jeux joues-tu? MM : Je suis un grand passionné de World of Warcraft, j’y joue depuis 2006 environ: c’est la scène e-sport que je suis le plus. Je joue aussi à League of Legends, Counter-Strike. Je suis également un grand fan de RTS (Real Time Strategy, en français stratégie en temps réel, ndlr), c’est d’ailleurs sur ce genre de jeu que j’ai fait des compétitions. C’est de la stratégie en temps réel sur une carte et il y a deux ennemis qui se rencontrent. L’un des jeux les plus connus est StrarCraft, un jeu développé par la compagnie Blizzard Entertainment en fin des années 90. StarCraft est le jeu qui a en quelque sorte donné la naissance du e-sport en Corée du Sud, succès qui s’est ensuite répandu. LD: Comment s’est passée ta rencontre avec l’e-sport, et pour toi, que représente l’e-sport? MM: C’est en jouant à World of Warcraft que je me suis vraiment intéressé à l’e-sport. J’ai commencé à jouer en 2006 sur la première extension du jeu. Ce jeu m’a donné envie de concourir. J’ai participé aux phases de qualifications et championship en 2013. Par la suite, League of Legends m’a beaucoup inspiré dans la poursuite de cette passion. En 2012, le jeu est le plus joué en Amérique du Nord et en Europe, ce qui a débouché sur des compétitions internationales. Le fait de voir le jeu auquel tu joues se faire jouer de manière professionnelle et «propre» si je puis dire. C’est un vrai spectacle. C’est comme regarder un
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innovations
Maximilien martin match de football si tu pratiques ce sport. Tu connais les règles, tu sais comment ça fonctionne, mais c’est un véritable plaisir de voir le jeu se jouer de manière professionnelle. LD: Il y a beaucoup de stéréotypes sur ce que représente le sport électronique. Beaucoup pensent qu’il s’agit de s’affaler sur son canapé en cliquant. Du coup, peux-tu nous expliquer concrètement ce que c’est l’e-sport?
« Si les JO reconnaissent l’e-sport, ça va le faire apparaître comme discipline à part entière et donc le démocratiser » MM: L’e-sport qu’est-ce que c’est? Remettons une sémantique sur ces mots-là. Déjà e-sport c’est «sport électronique». L’esport est une pratique encadrée, structurée d’un jeu vidéo. C’est une pratique sportive d’un jeu vidéo, à but compétitif. Les jeux auxquels je joue par exemple sont créés pour inciter à la compétition. Ils sont créés pour que le joueur se familiarise avec le fonctionnement du jeu, qu’il se perfectionne, pour ensuite concourir. L’e-sport c’est donc vraiment un mélange de base
traditionnelle sportive (aussi bien intellectuelle que mécanique, car ça engage beaucoup de réflexes). Il faut donc s’entraîner assidûment pour réagir correctement à la situation qui se présente. C’est un sport virtuel, le terrain n’est plus physique, mais intellectuel. Ça demande des réflexes cognitifs très développés chez les athlètes professionnels. Le terme e-sport est donc trompeur car les jeux ont tendance à associer le sport à l’effort physique, chose qui n’est pas forcément vraie. Un sport peut aussi demander une rigueur intellectuelle, à l’image des échecs. C’est de l’analyse, et tout un travail préparatoire. Un sportif ne va pas courir un marathon sans aucune préparation. C’est pareil pour les joueurs d’e-sport. On leur impose une préparation, un entraînement, en plus de les encadrer pour qu’ils aient une bonne hygiène de vie. «Un esprit sain dans un corps sain», pour reprendre Juvénal. Aujourd’hui on ne considère pas l’e-sport comme un sport parce que ce n’est pas assez démocratisé, mais ça je te l’expliquerai ultérieurement. LD: La réalité virtuelle (VR) et réalité augmentée fait-elle partie intégrante du e-sport ou est-ce une discipline complètement à part? MM: En 2018, la VR n’est peutêtre pas assez démocratisée pour pouvoir créer des jeux e-sport/ VR, bien que cela existe. Lorsque de tels jeux existent, la frontière entre l’e-sport et le jeu vidéo est
floutée. Lorsqu’on implique la réalité virtuelle, on implique donc le mouvement et le déplacement physique du joueur. LD: Que penses-tu de la place de l’e-sport à Montréal? On dit que le sport électronique est beaucoup plus populaire et répandu en Amérique du Nord que dans les pays d’Europe, en France, par exemple. Comment expliqueraistu cette différence? MM: Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation. L’e-sport c’est une scène médiatique. Il y a plusieurs jeux qui sont dits d’e-sport, et qui sont qualifiés de la sorte soit directement par l’éditeur du jeu vidéo, soit par la communauté e-sport elle-même. Si une communauté est séduite, c’est elle qui va continuer à faire vivre le jeu. Donc, chaque continent a son jeu préféré et de prédilection. Ce qui marche très bien en Europe, c’est Counter Strike. En Amérique du Nord, c’est Overwatch, développé par la compagnie Blizzard. En Asie, en Corée notamment, c’est StarCraft. En Corée, l’e-sport est d’ailleurs un véritable métier. Chaque continent, chaque culture s’approprient un jeu, et donc les niveaux sont différents selon les jeux et les endroits. LD: Pour la première fois, le sport électronique a fait son entrée aux Jeux olympiques d’hiver de Peyongchang. Perçois-tu ça comme une avancée majeure dans la reconnaissance de l’e-sport? MM: C’est extrêmement important. La problématique de l’e-sport à l’heure actuelle c’est
le légal, donc son encadrement juridique. Aujourd’hui au Québec, on ne sait pas trop où le répertorier et il est encore considéré comme un jeu d’argent. On ne sait pas où le situer. Le cas de Peyongchang est donc particulièrement important car il s’agit d’une reconnaissance olympique, qui ferait que l’esport serait considéré comme un sport. Si cette proposition aboutit, on verra de l’e-sport aux Jeux olympiques de Paris de 2024 par exemple, et cela entraînera une explosion dans le milieu, parce que les barrières légales vont sauter. Les pays et les états devront prendre conscience de cette reconnaissance et ouvrir des fédérations provinciales et fédérales sportives de l’e-sport. Au Québec, des initiatives sont déjà mises en place pour se préparer à cette reconnaissance. Si les JO reconnaissent l’e-sport, ça va le faire apparaître comme discipline à part entière et donc la démocratiser. Ça permettrait donc à l’e-sport de sortir du canapé. Si la discipline est démocratisée, tout le monde va pouvoir suivre des compétitions de e-sport dans les bars, par exemple. LD: Certains pensent qu’il existe une corrélation entre jeux vidéo et violence, et donc que le jeu pose problème au niveau éthique. Qu’en penses-tu? De plus, les problèmes de droits d’auteurs et de finance sont souvent évoqués. Vois-tu une solution envisageable à ces problèmes? MM: Aucun. La corrélation entre jeux vidéo et violence n’a pas lieu d’être. Pour moi, il s’agit d’une fausse nouvelle. Je joue aux jeux vidéo depuis mon plus jeune âge, notamment à des jeux violents et je suis une personne saine. Il n’y a aucune étude qui prouve cette corrélation. On utilise souvent le jeu vidéo comme justification d’un cas agressif, alors que la problématique dépasse le jeu vidéo. Si une personne a un trouble psychologique et joue à des jeux violents, le jeu vidéo ne devient alors qu’un prétexte pour justifier sa violence. C’est pour ça qu’il me semble important d’avoir un suivi de l’enfant, et prendre conscience de son état avant de mettre le blâme sur le jeu en lui-même. En ce qui concerne le niveau financier, il y a une grosse problématique qu’il faudra régler lorsque le e-sport deviendra reconnu par le CIO Olympique. Il s’agit du problème des droits d’auteurs.
le délit · mardi 20 mars 2018 · delitfrancais.com
C’est-à-dire que quand on joue à un jeu vidéo, et qu’on veut l’utiliser pour faire des évènements, du contenu vidéo ou autres, on doit le citer, comme une source ou une musique. L’utilisateur paye des redevances. La problématique est donc la suivante, avec la reconnaissance du esport, à qui devra-t-on payer ces redevances? Au CIO Olympique? Aux fédérations nationales/ supranationales? Cette problématique n’a pas encore de réponses car elle n’a pas encore lieu d’être. Il faut que cette reconnaissance ait lieu pour que l’on puisse véritablement envisager une véritable solution. LD: Qui sont les plus gros commanditaires de l’e-sport? MM: Ce sont beaucoup de compagnies informatiques : Intel, Corsaire, Riser, Cooler Master, Asus. Ce sont des marques qui sont issues du milieu du esport et de l’informatique. Les compétitions sont également mises en avant par les producteurs du jeu vidéo. LD: Quelle est la plae du Club de Sport Électronique de l’Université de Montréal à l’échelle montréalaise? Quels en sont les projets?
MM: En janvier 2016, Théophile Haldky et moi avons cofondé le Club de Sport Electronique de l’Université de Montréal, après des négociations qui ont duré plusieurs mois. Au sein de ce comité il y avait déjà l’équipe Polytechnique de Counter Strike, qui avait déjà fait des compétitions et qui étaient déjà reconnue. Nous avons donc construit le club autour d’eux. Nous sommes sous les Carabins (nom porté par les équipes sportives du programme de sport d’excellence de l’Université de Montréal, et de ses écoles affiliées HEC Montréal et l’École polytechnique de Montréal) et le Cepsum (Centre d’éducation physique et des sports de l’Université de Montréal). Nous avons pour vocation de rassembler les universités du campus de Montréal, en parallèle à d’autres missions. La première mission c’est de structurer, d’encadrer et éduquer nos athlètes à travers un programme prédéfini avec un coach, un analyste et un athlète. Toute cette structure est faite pour que l’athlète puisse développer ses compétences dans le meilleur encadrement possible, avec des suivis nutritionnels, comme un sport physique. On
cherche à professionnaliser l’e-sport à travers notre encadrement. La deuxième mission est d’essayer de mettre en place un programme de recherche universitaire sur l’e-sport. Nous travaillons avec un professeur du nom de Thierry Karsenti (Chaire
JO. C’est pour cela qu’il est très intéressant pour nous de travailler avec lui, car il a lui aussi du faire face au problème de reconnaissance d’un sport. LD: Est ce qu’il y a un futur pour l’e-sport féminin?
Capucine lorber
de recherche du Canada sur les technologies en éducation), connu pour ses travaux sur l’éducation et le numérique. Nous travaillons aussi avec Alain Lefebvre, ancien athlète professionnel, il a entraîné l’équipe nationale canadienne de natation. Il a également travaillé sur la reconnaissance du triathlon comme discipline sportive aux
MM: L’e-sport féminin ça existe déjà. Sur Counter Strike*il y a des équipes féminines qui jouent. Au Québec, il y a missharvey, une des joueuses les plus connues du Québec. Dans le Club de Sport Electronique de l’Université de Montréal, nous cherchons plus de femmes à intégrer dans notre sphère, aussi
bien en tant que joueuses mais aussi en tant que coach ou analystes. On cherche des femmes qui seraient intéressées à faire développer cette scène dans un milieu très macho et masculin. C’est la même problématique que le sport traditionnel. Ça existe, mais ce n’est pas encore mis en avant. LD: Il y a de plus en plus d’écoles à travers le monde qui s’ouvrent pour les métiers de l’e-sport, qu’en penses-tu? MM: C’est formidable. En 2015, il y avait 7 institutions scolaires nord-américaines qui avaient un programme consacré à cette discipline et fin 2017, le chiffre était monté à presque 80. Des bourses sont mises en place et tout un encadrement pour l’étudiant. Je trouve ça super. Ça permet à l’athlète de ne pas abandonner l’école et de recevoir une éducation/un diplôme tout en développant ses aptitudes au jeu. x
Propos recueillis par Louisane raisonnier
Le Délit
MARDI 27 MARS NUMÉRO COMMUN SPÉCIAL : RESPONSABILITÉ & SOLIDARITÉ
CONTENU BILINGUE!
Le Délit + The McGill Daily le délit · mardi 20 mars 2018 · delitfrancais.com
innovations
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Culture articlesculture@delitfrancais.com
Hamster, une pièce touchante qui réinvente les codes de la tragi-comédie. EVa-meije mounier
Le Délit
L
e Théâtre de la Licorne nous invite à replonger dans ce temps de latence entre l’adolescence et l’âge adulte, temps où tout est encore possible et où tout se décide, à travers Hamster, premier texte remarqué de Marianne Dansereau, porté à la scène par Jean-Simon Traversy. Poétique de l’absurde Tels Vladimir et Estragon, attendant vainement Godot sous leur arbre, une adolescente patiente sous un abribus de la rive nord de Montréal. À ses côtés, Le Vieil Homme Qui Passe La Balayeuse Sur Sa Pelouse pour faire rire sa femme décédée, aime lui rappeler que décidément non, le bus 51 ne passera pas en cette nuit de fête du travail. En face, la station essence Pétro-Canada est habitée par un trio haut en couleurs: Le Gars Qui Compte La Caisse, visiblement effrayé par les deux silhouettes qui se dessinent à l’arrêt de bus et qui se doit de les imaginer en mascottes pour ne pas céder à la
annie éthier panique; Le Gars Qui Passe La Moppe, employé joufflu rechignant à faire le ménage; tous deux dirigés par une cheffe aguicheuse, La Fille Qui Arrive À La Job Sur Le Fly Même Si Son Prochain Shift Est Dans Deux Jours, venue
remettre en ordre la station essence en vue de la venue d’un·e possible client·e mystère… Dans le jardin d’enfants abandonné, se promène La Jeune Fille Qui A Une Jupe Trop Courte Selon Le Règlement, livrant sans
vergogne ses désillusions amoureuses à son hamster et au public. Grandir Malgré quelques longueurs et une fin un peu précipitée, Hamster
retranscrit dans un vocabulaire volontairement très québécois les hésitations de la jeunesse, ses doutes et ses grandes histoires d’amour, et pose avec subtilité la question de la construction d’un Je, sa confrontation avec le monde et les autres. Le texte est sublimé par quelques notes de guitare et une chanson interprétée en direct par Lydia Képinski. Les jeunes adultes d’Hamster soulèvent au fond des questions existentielles, sous l’œil protecteur du vieil homme à qui rien n’échappe: qu’est-ce que cela signifie, vivre? Et aimer? Peut-on vivre d’amour comme on peut en mourir? Comment conserver les sentiments que nous portent les autres êtres humains? La scénographie est par ailleurs assez minimaliste: outre une cabine de toilettes, lieu de grands drames comme de blagues potaches, et un banc représentant l’arrêt de bus, les espaces sont figurés par les paroles des act·rices·eurs. Les jeux de lumières sont sobres et classiques, apportant peu à l’intrigue de la pièce, et ne contribuant pas autant qu’ils le pourraient à l’escalade des tensions. x
cinéma
Je ne vois qu’une chimère
Force et quête de reconnaissance: Une femme fantastique les combine avec brio. la mort de son amant. Cependant, Marina reçoit un certain soutien de sa propre sœur ou encore du frère d’Orlando, le seul à accepter cette situation. Pourtant, ce soutien paraît désespérément faible face aux épreuves que Marina traverse.
NIELs ULRICH
Le Délit
U
ne femme fantastique. Cela pourrait sonner comme un titre de dessin animé. Pourtant, Una mujer fantástica, de Sebastián Lelio, dépeint une histoire bien plus que réelle. Il s’agit du récit de la vie de Marina, interprétée par la talentueuse actrice chilienne transgenre Daniela Vega, après la mort de son amant Orlando (interprété par Francisco Reyes). Elle doit faire face à la haine, la rancœur et l’incompréhension de la famille de son défunt compagnon, et ce, en traversant l’épreuve de la disparition de ce dernier. Une escalade de haine Orlando et Marina filent le parfait amour. Il a quitté sa famille pour elle. Elle vit chez lui. Il lui a offert son chien. Cette vie d’amour et de passion s’arrête brutalement au cours de la nuit d’anniversaire de Marina, durant laquelle Orlando succombe à une soudaine rupture d’anévrisme. S’ensuit une succes-
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culture
Des images belles et terribles
Site internet du film sion de difficultés pour Marina, qui doit gérer de front sa vie professionnelle, son deuil et les problèmes de succession. Sa force et sa manière d’appréhender cette situation imposent l’admiration et le respect. Pourtant, ce n’est pas ce que montre la famille d’Orlando à son égard. Plusieurs personnages sont marquants par leur comportement envers Marina. Entre autres, l’ancienne femme d’Orlando semble être une femme moderne, ouverte d’esprit, jusqu’à ce qu’elle soit
confrontée à la réalité de la relation entre Orlando et Marina qui impacte directement sa vie personnelle. C’est alors qu’elle montre son vrai visage, empli de haine et d’incompréhension, dissimulé derrière une façade de bien-pensance. Cette manière de penser et d’agir est plutôt récurrente chez les personnages, que ce soit le reste de l’entourage d’Orlando, ou encore au sein des administrations médicale et policière auxquelles est confrontée Marina suite à l’enquête sur
Une femme fantastique met en avant un réel problème de société, soit la transphobie mais également la désinformation face à la transidentité, au travers d’images fortes de symbolisme. Les décors sont simples, sans artifices, ce qui permet une immersion totale dans la vie de Marina. Il est facile de se laisser porter par l’histoire et de suivre son cheminement. On ne peut éprouver qu’empathie et un certain sentiment d’impuissance face aux scènes débordantes d’injustice et de transphobie dont Marina est victime. Ces situations, qui sont bien trop semblables à des scènes auxquelles on pourrait assister dans la vie courante, témoignent d’une réelle incompréhension et d’une aversion face
à l’inconnu malheureusement trop récurrentes dans notre société. Le film comporte bien évidemment des scènes plus positives, qui témoignent du courage de Marina, et qui nous apportent un souffle d’espoir. Que ce soit lorsqu’elle danse, qu’elle chante ou simplement dans sa manière de parler, l’héroïne est magnifique, et fait prendre tout son sens au titre du film. Une femme fantastique est porteur d’un message d’une importance majeure, et participe à ce cinéma engagé dans la lutte pour la reconnaissance des droits des personnes transgenres. Le fait que l’histoire soit axée non pas sur la transition du personnage, mais plutôt sur sa vie en général en fait un film notable. Il a d’ailleurs permis, grâce à sa résonance, à la présidente chilienne, Michelle Bachelet, d’orienter le débat sur le soutien des personnes transgenres au Chili vers plus d’acceptation. Cependant, ce film nous prouve qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème de législation mais également un problème culturel, ancré dans de nombreuses sociétés. x
le délit · mardi 20 mars 2018 · delitfrancais.com
musique
Agar Agar,
Les membres de la Société des publications du Daily (SPD), éditrice du McGill Daily et du Délit, sont cordialement invité.e.s à sa Rencontre spéciale des membres :
Chaque semaine, Marine laisse vibrer les notes d’un·e nouvel·le artiste.
Le lundi 9 avril @ 18 h
Pavillon McConnell de génie, Salle 304 Durant cette rencontre, un rapport de fin d’année sera présenté par la présidence du conseil d’administration de la Société des publications du Daily. C’est l’occasion parfaite pour demander des questions sur les activités de la Société durant l’année 2017-2018, et dans quelle direction elle se dirige! Tous les membres sont invité.e.s à prendre part à la rencontre spéciale. La présence des candidat.e.s au Conseil d’administration de la Société des publications du Daily est fortement encouragée.
courtoisie de Agar Agar
Le Délit
L
e parcours du duo français débute en banlieue parisienne. Clara Cappagli et Armand Bultheel se rencontrent à l’école des Beaux-Arts de Cergy, et le projet Agar Agar, du nom de la substance sucrée qu’Armand donne à manger aux fourmis qu’il élève, commence en 2015. Leur premier EP Cardan sort un an plus tard chez le label indépendant Cracki Records. Cadences entêtantes Les morceaux d’Agar Agar ont la moiteur grisante des fins de soirées à l’atmosphère enfumée. Une ligne de basse énergique, des kicks secs, et des synthétiseurs qui ondulent, l’instrumentale des morceaux du duo est plutôt sobre. Prettiest Virgin, un des premiers morceaux du groupe, débute par
un riff de clavier enivrant, et délivre le récit faussement naïf d’une soirée style bal de promo trempé dans la synth-pop des années 80. La progression musicale s’organise ensuite en une synthèse additive minimaliste qui va crescendo et qui vient remarquablement compléter la partie vocale. Dans un processus de composition imbriquée, le duo utilise la voix de Clara comme un instrument à part entière. Dans I’m That Guy, la chanteuse joue sur la fine frontière entre le chant extatique et le parlé désinvolte dans un savant exercice d’équilibrisme vocal.
peut-être son léger accent français qui rappelle celui de Soko, semble défier l’auditoire. À deux, Agar Agar livrent une performance magnétique, tout en maîtrise et en simplicité. Le clip surnaturel de leur dernier single Fangs Out est une aventure nocturne en réalité virtuelle où se mêlent les cris de loup et les rythmiques brutes. Poétique et futuriste, il illustre en trois dimensions un morceau aux sonorités oniriques. Avec ses notes capiteuses et vibrantes, le duo Agar Agar apporte librement son coup d’éclat à la French Touch, tous crocs dehors. x
Des opposés qui ensorcèlent Sur scène, Clara et Armand sont deux pôles d’énergie. Lui, aux machines, est impassible et concentré, tandis qu’elle captive la salle avec humour et théâtralité. Sa voix puissante, ou
PRETTIEsT VIRGIN (2016)
CARDAN (2016)
le délit · mardi 20 mars 2018 · delitfrancais.com
capucine lorber
courtoisie de Agar Agar
Marine idir
Le Délit et The McGill Daily ont déménagé! Notre nouvel emplacement: 2075 Boulevard Robert-Bourassa Bureau 500 Crédit photo: Google Maps Street View
culture
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ligne de fuite
Evangéline Durand-Allizé
Cuba
Une célébration de la couleur La Havane, Trinidad, Viñales mars 2018
Un choc thermique. Certes. Mais avant tout une révélation esthétique. Sur cette île hors du temps et du commun, les formes et les couleurs sont venues dégeler ma rétine imprégnée de la froide blancheur montréalaise. La culture visuelle cubaine est une célébration omniprésente de la couleur : comme un message de joie et de fête, elle vient réchauffer les moindres recoins de l’ïle. Façades, paysages, voitures, objets, habits, rien n’échappe à cette palette généreuse aux pigments purs, aux pastels lumineux. Nature morte, nature vivante; le pays est une fresque qui se réinvente tous les jours. Simple touriste émerveillée, je brûle de donner mon coup de pinceau. Alors je témoigne.
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culture
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entrevue
Le Délit s’est entretenu avec Zé Mateo, membre du groupe Chinese Man. exemple, quand on a fait une publicité pour Mercedes, on avait été repérés sur MySpace, où l’on avait juste posté nos morceaux en se disant que si les gens avaient envie de nous chercher, ils nous trouveraient. Grâce aux transformations, le public a donné naissance à la valeur de ce qu’on fait. S’il n’y avait pas eu Internet, notre projet n’aurait sans doute pas du tout marché de la même manière. L’autre avantage des évolutions est qu’elles nous obligent à nous renouveler en performance, sans toutefois dénaturer notre propos artistique.
Depuis 2004, le trio français Chinese Man mélange les genres, jonglant entre hip-hop, funk, dub, reggae et jazz. Ils arpentent les routes à la recherche de l’ivresse de faire danser les foules au son des notes qui résonnent pour eux. Ils sont en tournée pour le dernier album. Shikantaza, et seront à l’Olympia à Montréal le 3 avril. Le Délit (LD): Le titre de votre album et la promotion faite autour donnent une impression spirituelle. Mais en l’écoutant, j’ai trouvé une vraie tension dramatique, une certaine violence, des dissonances, quelque chose de très saccadé et moins dansant que d’autres morceaux. Comment expliquerais-tu ce lien? Chinese Man (CM): Je crois que c’est une parenthèse sur le fait de prendre le temps d’écouter les choses, de faire les choses. Ce n’est pas forcément par rapport à la thématique de l’album qui peut être par moment en rapport avec quelque chose de l’ordre d’une proposition plus violente ou plus lumineuse, «darky»… Ce n’est pas forcément par rapport à ça, c’est plus par rapport au fait que nous on prend vachement le temps de faire les choses, parce qu’on a décidé il y a presque quinze ans de monter nos projets, et de le faire d’une manière qui nous ressemble. Et la réalité c’est qu’aujourd’hui, moimême en tant que producteur solo, je vais faire des morceaux et je vais les sortir assez rapidement. Quand tu es dans un cadre où tu es plusieurs, ça demande du temps, de la patience et ça va un tout petit peu à l’encontre de ce qui se passe maintenant, qui est une sorte de surconsommation permanente de la musique, des objets culturels, et de tout en fait. Ce n’est pas du tout pour être donneur de leçon sur quoi que ce soit, c’est juste qu’on s’est rendu compte que ça nous allait bien de se dire qu’en fait, c’est le moment où il faut se poser, composer, il faut réfléchir et méditer. C’est comme une vague moins rapide.
« Il ne faut pas mettre le pouvoir à l’extérieur, mais vraiment se concentrer sur son propre contenu » LD: Comment envisages-tu l’avenir du groupe? CM: Pour l’instant, on est encore dans la tournée de Shikantaza, on va notamment venir à Montréal. Après, il y aura encore des échos en 2019. On va se laisser le temps de laisser redescendre tout ça: l’album et la tournée nous ont pris environ 5 ans. Après, on a des idées pour s’oxygéner. Je produis pas mal en solo, un projet va bientôt sortir. On essaie d’être visionnaires sans s’enfermer dans nos projets.
« En termes de propsitions culturelles et de conditions pour les artistes, même si ce n’est pas toujours facile pour tout le monde, les Français sont chanceux » LD: Es-tu d’accord avec cette interprétation de l’album, par rapport à la tension dramatique? CM: Je suis à moitié d’accord. On est assez connectés tous les trois… En fait le principe de Chinese Man quand on compose, c’est qu’il faut que le sample qu’on choisit nous fasse écho à tous les trois. Souvent, ce qui fait rejoindre les gens, c’est peut être des notes qui sont assez mineures ou quelque chose qui fait que ça touche un peu à une corde sensible, donc il y a cette tonalité-là qui est dans un côté un peu plus drama. Mais, je ne crois pas que ce soit autant le cas, il y a vraiment des choses assez lumineuses avec des morceaux comme The New Crown. C’est assez varié. Effectivement, un morceau comme Liar est dramatique, mais pour moi il ne sonne pas si dramatique que ça, il touche presque à des choses soul. À mon sens, il y a un peu de tout, c’est varié comme on a toujours fait chez Chinese Man.
LD: Vous faites beaucoup de collaborations depuis le début. Allez-vous les chercher, ou ce sont des personnes autour de vous? CM: Il y a les deux, il y a des gens qu’on rencontre parce qu’on aime bien avoir un lien avec la personne. Il y a un rayonnement quand on fait des tournées et on tourne beaucoup depuis 10 ans, donc on a eu la chance de rencontrer plein de gens qui sont devenus des amis, des artistes avec qui on travaille, comme Tumi, Youthstar, comme Taiwan (MC Taiwan, ndlr). À côté de ça, on a rencontré Kendra Morris, Dillon Cooper, on a eu la chance de faire ces rencontres-là pour travailler ensemble, mais il y a aussi tous les artistes musiciens avec qui on bosse parce qu’il y a pas mal d’arrangeurs aussi avec qui on aime travailler. Les sections cuivres, les sections à cordes, c’est beaucoup de gens et on est très ouverts à ça parce que forcément ça donne un rayonnement supplémentaire à la musique.
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LD: Vous partez beaucoup en tournée autour du monde depuis près de 10 ans. Quelle importance donnez-vous à votre succès sur la scène française? CM: C’est important parce que ça l’est devenu. On a fait les choses pour qu’elles nous fassent du bien. Il y a eu un vrai échange avec le public français, et on fait beaucoup de tournées à l’étranger depuis cinq-six ans. Le public a grandi. Pour moi, il n’y a pas vraiment d’enjeu à vouloir être reconnu par son public. Le gros avantage de la scène française est qu’on a les moyens d’y faire des choses, notamment grâce au grand nombre de festivals et de salles de concert. C’est un énorme avantage par rapport aux autres pays. En termes de propositions culturelles et de conditions pour les artistes, même si ce n’est pas toujours facile pour tout le monde, les Français sont chanceux. Ça fait que le public est «éduqué» à la musique, il y a un réel attachement. C’est une chance que ce public-là nous apprécie et nous suive. LD: Comment avez-vous été influencés par l’essor des réseaux sociaux et du streaming depuis 2004? CM: Je pense qu’on a fait partie des personnes chanceuses, puisqu’on a traversé la période de transformation de la consommation de la musique et l’avons vécu comme quelque chose de génial. Par
«Je pense que l’humain est fait pour la création: on est sur cette planète uniquement pour créer » LD: Aurais-tu des conseils, de grandfrère, que tu aurais aimé connaître avant de te lancer? CM: Oui, du point de vue de la création. Par moments, on a peur de créer des choses, et se limiter crée des frustrations. Je pense que l’humain est fait pour la création: on est sur cette planète uniquement pour créer. Prendre son temps est important, mais il ne faut pas rester dans la retenue en accordant trop d’importance au regard d’autrui. Je crois que plus tu te sens aligné avec ce que tu fais, plus tu te sens bien, et plus ça fait du bien à la planète. Il ne faut pas mettre le pouvoir à l’extérieur, mais vraiment se concentrer sur son propre contenu. Aussi, par rapport aux projets collectifs, je pense qu’il est important de prendre le temps de définir et redéfinir le but et les valeurs des projets. Plus tu définis ça bien, plus c’est duplicable. Il s’agit d’être capable d’aller écouter ce qui se fait ailleurs tout en tentant de ne pas se travestir. x
Propos recueillis par Lara benattar
Le Délit
CUlture
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bande dessinÉe
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