Le Délit

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CONTRE LE PLAN NORD P5

Le mardi 12 février 2013 | Volume 102 Numéro 15

Plus tu suces, plus ça mousse depuis 1977


Éditorial rec@delitfrancais.com

Le PQ perd le Nord Nicolas Quiazua Le Délit

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eux jours de manifestations contre le Plan Nord se sont soldés par trente-six arrestations face au Palais des congrès de Montréal ce week-end. Un retour dans le passé, le temps de quelques heures, jusqu’à la première série de manifestations de deux jours en avril dernier. La seule différence était un nombre moins important de manifestants et un changement de pilote à la barre de l’exploitation industrielle au Nord du 49e parallèle. C’était sensiblement le même salon que l’année dernière, et les débats tournaient autour du même sujet, tout en prenant soin de se dissocier du «Plan Nord» de Charest en le remplaçant par un salon des «ressources naturelles». C’est à se demander ce qui a changé depuis la transition au gouvernement péquiste, et si cette transition ne se résume pas à trois mots lors d’un discours d’inauguration mouvementée où l’on ne parle plus de Plan Nord, mais de «Nord pour tous». Même projet, nom différent - c’est le message que les manifestants ont voulu faire passer à la population. Le même projet, étalé sur 25 ans, intégrerait 80 milliards de dollars en financement de partenariat public et privé. Le projet reste vague sur les protections environnementales qui seront mises en place et n’assure aucune redevance à la population québécoise. Le territoire aussi demeure le même, couvre plus de 70% du Québec et exploite des terres de villages autochtones. Territoire autochtone Premièrement, de quel droit le gouvernement se permet-il de planifier quoi que ce soit sur un territoire qui n’est pas libre de droits ? Les nations autochtones du Québec ont été, pour la plupart, exclues de l’élaboration du plan d’exploitation. Pourtant, des 120 000 personnes habitant dans la région touchée, 30 000 sont d’origine autochtone. Le territoire convoité par le Plan Nord fait, en partie, l’objet de la Convention de la Baie James et du NordEst québécois, mais certaines portions portent toujours un titre autochtone. Par exemple, si les Cris ont signé la Convention, les Innus, de leur côté, n’ont signé aucun traité. Avant même de parler d’exploration ou d’exploitation des ressources dans le Nord, des consultations et un consensus des 11 nations autochtones sont de mise. Environnement Deuxièmement, on ne sait toujours pas quelle proportion du territoire au nord du 49e parallèle sera protégée de toute activité minière. Les associations en-

vironnementales tirent la sonnette d’alarme. Dans une pétition déposée à l’Assemblée Nationale, Green Peace Canada exige du gouvernement provincial «le gel du Plan Nord». Mis à part l’impact environnemental non négligeable de toute exploitation minière sur l’eau, la terre et la bio-diversité, le projet d’exploitation du Nord aura aussi des impacts moins connus par les québécois: la population de caribous forestiers sera par exemple mise en péril. Une étude commandée par le gouvernement du Québec et remise au ministre des Ressources naturelles et de la Faune et au Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) conclut que le prolongement de la route 167 «réduira de beaucoup la connectivité fonctionnelle du paysage et, de ce fait, la résilience des populations, en plus de promouvoir des conditions qui favorisent le déclin des populations» et recommande donc «d’éviter tout développement anthropique supplémentaire». Redevances Troisièmement, le gouvernement compte exploiter les ressources du Nord sans qu’un système de redevances, qui redonnerait une juste part des profits de l’exploitation au peuple québécois, ne soit mis en place. La loi sur les mines du Québec fait des sociétés minières les propriétaires du sous-sol et, en 2011, la moitié des sociétés exploitantes au Québec n’ont pas payé d’impôt minier. Lors de sa campagne électorale, Madame Marois, première ministre du Québec, avait promis la mise en place d’une redevance minimale obligatoire de cinq pour cent sur la valeur brute de production des ressources extraites, et d’une taxe de 30 pour cent sur le «sur-profit». Mais depuis les élections, la position péquiste n’est pas claire. Les chiffres de la plate-forme ne semblent plus être d’actualité, alors que la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, parle maintenant d’«ouvert[ure] sur les modalités». «C’est une position de départ. Nous sommes très ouverts à des discussions sur le sujet», ajoute-t-elle en entrevue au journal Les Affaires. La création d’emplois, les retombées économiques pour certaines entreprises québécoises, la protection de 50 % des territoires contre toute activité minière ou énergétique et la plantation de 100 millions d’arbres ne sont pas un contre-poids suffisant au manque de redevances, à l’exploitation sous-réglementée et au manque de conventions avec les Premières nations. Avant que ces trois conditions ne soient remplies, le Plan Nord reste un projet colonialiste. x

Volume 102 Numéro 15

Le seul journal francophone de l’Université McGill

rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédacteur en chef rec@delitfrancais.com Nicolas Quiazua Actualités actualites@delitfrancais.com Secrétaires de rédaction Théo Bourgery Stéphanie Fillion Mathilde Michaud Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section Anselme Le Texier Secrétaire de rédaction Anne Pouzargues Société societe@delitfrancais.com Fanny Devaux Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Samuel Sigere Coordonnatrice visuel visuel@delitfrancais.com Camille Chabrol Infographie infographie@delitfrancais.com Vacant Coordonnatrice de la correction correction@delitfrancais.com Myriam Lahmidi Coordonnateur Web web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Coordonnateur Réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Louis Soulard Collaboration Louis Baudoin-Laarman, Sophie Blais, Zoë Carlton, Catherine Collerette, Charlotte Delon, Karina Fortier, Margot Fortin, Romain Hainaut, Annick Lavogiez, Maxence LeBlond, Aliaume Leroy, Alexandra Nadeau, Jessika-Kina Ouimet, Matthieu Santerre, Thomas Simonneau Couverture Photo: Nicolas Quiazua Camille Chabrol Montage: Camille Chabrol bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Queen Arsem-O’Malley

Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Nicolas Quiazua, Sheehan Moore, Erin Hudson, Mike Lee-Murphy, Matthew Milne, Joan Moses, Farid Muttalib, Shannon Pauls, Boris Shedov, Queen Arsem-O’Malley, Rebecca Katzman, Anselme Le Texier L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.

Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill.

2 Éditorial

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec). Le Délit est fondateur et ancien membre de la Canadian University Press (CUP) et membre fondateur du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

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Actualités

Crédit photo: Camille Chabrol

actualites@delitfrancais.com

OPINION

Une réunion oubliée Pas d’intérêt pour l’Assemblée Générale de L’AÉFA Aliaume Leroy

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’Assemblée Générale (AG) des étudiants de l’Association des étudiants de la faculté des Arts (AÉFA) a débuté ce lundi 11 février 2013 avec la présence d’environ 40 délégués. Ce chiffre, qui renferme une fois de plus l’AG dans une position d’assemblée consultative, est un indicateur du peu d’attention que le corps étudiant de McGill porte vis-à-vis de ses droits et des affaires administratives. À ceci s’ajoute une ambiance un peu trop détendue où seules quelques personnes s’efforcent de maintenir un semblant d’ordre. Cette situation entraîne donc tout individu sensé à se poser les questions suivantes: pourquoi cet organisme démocratique, qui représente pourtant les intérêts des étudiants, est-il laissé à l’abandon par ces derniers? Est-ce le fait que nous vivons dans une société où les valeurs individualistes détruisent tout esprit de mobilisation politique? Ou tout simplement: estce que l’idée de débattre pendant une heure des modalités pour élire

le représentant financier de l’AÉFA nous semble être la chose la plus inutile et ennuyante au monde? Cependant, même si cette pensée a sûrement effleuré l’esprit de chaque étudiant de McGill à l’instant où il lit l’email de l’AÉFA lui rappelant de participer à l’AG, il est important de noter que cette Assemblée se bat non seulement pour préserver des droits essentiels mais aussi pour satisfaire les demandes du corps étudiant. Il suffit tout simplement d’étudier les résolutions de ce lundi pour comprendre ceci. La première, acceptée avec une majorité de 35 voix, articule le soutien de l’AÉFA par rapport aux projets de rénovations entrepris par la faculté des Arts. En effet, plusieurs infrastructures (la priorité étant donnée à la salle 101 du bâtiment 3475 sur la rue Peel) ont besoin de travaux pour «assurer un environnement sain et sauf pour les enseignants et les professeurs» tel qu’indiqué par Saad Quazi, vice-président aux affaires financières. La deuxième résolution prononce le «soutien de l’Association des étudiants de la faculté des Arts

dans le maintien de l’existence du programme interdisciplinaire des Relations Industrielles.» Une majorité de 31 voix s’est exprimée en faveur de cette résolution. La question qui concerne les modalités pour élire le responsable financier de l’AÉFA a été reportée à cause de nombreux désaccords sur des détails de formalité, et sera présentée au Conseil de l’AÉFA d’ici deux semaines. Le dernier thème discuté et adopté par une forte majorité porte sur la politique de McGill des crédits de transfert et des crédits accordés en équivalence. Le point principal de cette résolution est, comme l’a exprimé Justin Fletcher, vice-président aux affaires internes de l’AÉFA, «d’attirer l’attention de la faculté des Arts sur le besoin de laisser le choix aux futurs étudiants» d’entrer en U0 ou U1 en dépit du nombre de crédits obtenus pendant la scolarité secondaire. Ainsi, l’objet de chaque résolution est plus ou moins lié à l’intérêt de chaque étudiant de l’Université McGill et il est donc important de conclure que cette Assemblée Générale «oubliée» reste cependant essentielle. x

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POLITIQUE MCGILLOISE

Une coupe de trop à L’AÉFA? Relations Industrielles au bord du précipice Sophie Blais et Mathilde Richard Le Délit

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’Association Étudiante de la Faculté des Arts (AÉFA) souhaite soutenir le programme de Relations Industrielles à McGill. C’était une des motions proposées, lundi dernier, lors de l’Assemblée Générale de l’Association. En effet, selon l’AÉFA et le MIRA, l’Association des étudiants en Relations Industrielles de McGill, ce programme multidisciplinaire unique en son genre risque de disparaître. Une des raisons de cette disparition, selon Julia Simone, exécutante du MIRA, est qu’aucun professeur ne semble prêt à prendre la tête du département, auparavant assurée par le professeur Robert Hebdon qui a, depuis, pris sa retraite. Présentement, le directeur de programme par intérim, Michael Smith, ne semble pas, selon elle, intéressé par occuper ce poste sur le long terme. La motion consiste à ce que l’AÉFA

encourage la signature de pétitions, sensibilise les étudiants à la situation incertaine du programme à travers les médias sociaux et la liste de diffusion ainsi que fournisse un soutien logistique si nécessaire. Elle n’a cependant pas pu être adoptée cette fois-ci, car l’Assemblée Générale (AG) n’a pas atteint le quorum. Elle sera néanmoins probablementproposée à nouveau lors de la prochaine AG.

cé à se concerter en vue d’empêcher la disparition de leur programme, qui est, selon eux, actuellement en révision. Une réunion s’est tenue lundi dernier dans le but de rassembler les étudiants du programme et de les sensibiliser sur cet enjeu de taille. La motivation des étudiants était apparente, et ils avaient l’air de prendre cette menace très au sérieux, proposant des solutions variées.

Contradiction dans les verdicts Le Délit a contacté Christopher Manfredi, Doyen de la Faculté des Arts, par courriel afin d’en savoir plus sur les programmes qui, outre celui de Relations Industrielles, étaient à risque d’être supprimés. «La Faculté des Arts est constamment en train de passer en revue ses offres de programmes, mais en ce moment, il n’y a aucun plan visant à retirer certains programmes, incluant celui de Relations Industrielles», a répondu Manfredi. Parallèlement, le MIRA a déjà commen-

Diversification des tactiques Afin de prévenir la coupe, les étudiants de Relations Industrielles, avec l’aide de l’ancien directeur de programme, M. Hebdon, ont déjà mis sur pied une page sur Linkedin sur laquelle ils recueilleront dans les prochaines semaines les témoignages d’étudiants ayant obtenu leur diplôme dans ce programme ainsi que les expériences de travail qu’ils ont pu obtenir grâce à celui-ci. Parallèlement, ils ont organisé une rencontre entre le Doyen de la faculté de Gestion, les professeurs et les étudiants. Ils feront ensuite circuler des pétitions, tien-

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dront des séances d’information,set participeront à la Foire Départementale afin de promouvoir le programme. x

Illustration: Camille Chabrol

Actualités

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BRÈVE/CANADA

BRÈVE/QUÉBEC

Ouganda et homophobes Téléphonie mobile Louis Baudoin-Laarman Le Délit

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’Agence canadienne de développement international (ACDI) a décidé d’octroyer plus d’un demi million de dollars à un organisme chrétien canadien afin que ce dernier puisse financer un projet humanitaire en Ouganda. Le projet est sensé rendre l’eau potable plus accessible en Ouganda, à travers la création de puits et autres infrastructures destinées à l’acheminement de l’eau. Or, ce financement a provoqué un tollé lorsqu’il a été découvert que Crossroads, l’organisme en question, est ouvertement anti-gai, comme on peut le lire sur son site internet. L’homosexualité y est décrite comme criminelle et perverse, commentaires supprimés depuis la polémique. Ces déclarations sont d’autant plus controversées dû au choix du pays que les subventions aideront. En effet, les parlementaires Ougandais planchent actuellement sur un projet de loi qui non seulement rendrait l’homosexualité criminelle, mais stipulerait la peine de mort à quiconque en serait soupçonné. Crossroads est en théorie une association humanitaire avant tout, et religieuse ensuite, sans mandat d’évangélisation.

Cependant, dans la section «notre mission» de leur site internet, on peut lire: «communiquer une expression visible de l’amour de Dieu». Suite à la polémique, Stephen Harper persiste dans son appui en déclarant lors d’une conférence de presse à Montréal: «Nous examinons l’efficacité de ces projets. [Nous] ne prenons pas en considération la religion des groupes qui prônent ces projets». En d’autres mots, la fin justifie les moyens, et peu importe si cette fin est le fait d’une idéologie réactionnaire. Les déclarations de M. Harper sont surprenantes si l’on considère la position prise par son ministre des affaires étrangères John Baird en octobre dernier au sujet de l’homosexualité en Ouganda. Ce dernier avait affirmé la volonté du Canada de se lever contre le mauvais traitement subit par la communauté homosexuelle en Ouganda. S’il faut bien sûr saluer toute entreprise humanitaire où que ce soit dans le monde, on ne peut accepter que d’énormes sommes soient octroyées à celles dont les déclarations sont contraires aux valeurs canadiennes. D’autant plus que les associations humanitaires et autres ONG ne manquent pas lorsqu’il s’agit d’être subventionné pour un projet humanitaire. x

Jessika-Kina Ouimet

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e Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a tenu, hier matin, à Gatineau, la première journée de ses audiences publiques pour la négociation de nouvelles réglementations des opérateurs de téléphonie mobile. Les procédures ont commencé en avril dernier, dix ans après les dernières interventions du CRTC sur les réglementations des téléphonies cellulaire. Dans celles-ci, le conseil affirmait: «ne pas réglementer les tarifs, la qualité du service et les pratiques commerciales des fournisseurs des services sans fil, car le marché pour ces services est suffisamment concurrentiel». Cependant, après une révision des conditions actuelles de ces services, le CRTC en est venu à la conclusion que «l’industrie des téléphonies mobiles a fait preuve de plusieurs changements», selon la dirigeante principale de la consommation du CRTC, Barbara Motzney. Elle ajoute que : «La compétition est un facteur clé, certes, cependant le besoin flagrant se pose sur le manque de clarté et le contenu des contrats de téléphonie cellulaire». Le chef de la direction de l’Association canadienne des Télécommunications sans fil (ACTS), Bernard Lord, usait des mêmes termes que le CRTC: «les consommateurs

ont besoin d’outils additionnels pour mieux comprendre leurs droits élémentaires». L’ACTS et le Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP), tous deux présents pour témoigner aujourd’hui, s’entendent sur plusieurs points. Selon les deux organisations, le CRTC devrait établir un seul code de conduite national obligatoire sur le sans-fil, le droit des consommateurs d’annuler leurs services en tout temps et le renouvellement de contrats ne devraient se faire qu’au mois. De plus, l’ACTS suggère «un plafonnement obligatoire afin que les consommateurs soient avertis lorsqu’ils approchent certaines limites de services préétablies, et que leur service soit interrompu». La principale requête des consommateurs serait l’abolition du contrat obligatoire de trois ans. En effet, les utilisateurs de téléphonie mobile en Europe et aux États-Unis signent des contrats de deux ans, ce qui pourrait être une option pour le CRTC. Cette option a été proposée lundi dernier, alors que d’autres personnes préféreraient des services à la carte ou des contrats plus courts. Les consommateurs canadiens espèrent au final avoir un meilleur accès à l’information relative à la téléphonie mobile. Les audiences prendront fin le 15 février prochain. La date de publication du rapport final est toujours inconnue. x

BRÈVE/CAMPUS

Francofête 2013 Commission des Affaires Francophones

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a Commission des Affaires Francophones de McGill (CAF) organise cette année encore la Francofête. Cet événement annuel comprend une semaine d’activités hivernales et culturelles à saveur francophone. Du 11 au 15 février, des activités sont organisées afin de permettre à qui le veut d’en apprendre plus au sujet de la communauté francophone de McGill. Les activités commenceront mardi soir à Gert’s avec un 5 à 7 avec les francophones de Concordia. En collaboration

avec l’association des francophones de Concordia (CFSA), la CAF vise à tisser des liens avec la communauté étudiante francophone dans les deux plus grandes universités anglophones de Montréal. Mercredi le 13 février, .une cabane à sucre mobile sera installée devant le pavillon de l’Association des étudiants de l’Université McGill (AÉUM) entre 11h et 14h. Les cent premier arrivés pourront gratuitement déguster leur tire d’érable, gracieuseté de la CAF! Plusieurs produits à l’érable seront aussi en vente. Plus tard dans l’après-midi, un panel culturel sera présenté sous le thème:

«Les deux solitudes: l’intersection du français et de l’anglais à Montréal». Il y sera discuté entre autres de la dualité linguistique qui existe à Montréal. Parmi les panellistes: William Straw, professeur au département de l’histoire de l’art et de communications et directeur du de l’Institut des études canadiennes de McGill, Gilian Lane-Mercier, professeur du département de langue et de littérature française et Manon Gauthier, Directrice du Centre Segal de Montréal. L’événement se déroulera dans la salle Lev Bukhman dans le pavillon Shatner et débutera à 15h30. Il sera bilingue ainsi qu’organisé en collaboration avec d’autres organisations étudiantes de McGill.

Le 14 février, une session d’information mettra en valeur les régions francophones de quelques étudiants de McGill. De Toronto jusqu’au Lac SaintJean, toutes les régions seront couvertes. Par la suite, une session portant sur l’histoire du Québec sera présentée. Ces deux événements auront lieu dans la salle Lev Bukhman dans le pavillon Shatner entre 11h30 et 12h30. Pour terminer la semaine, vendredi soir, la CAF organise une excursion vers le Vieux Port pour une soirée de patinage. Le thème? Musique des années 80-90. Joyeuse Francofête! x

BRÈVE/QUÉBEC

L’anglais intensif pour la 6e du primaire Mathilde Michaud Le Délit

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andis que Jean Charest, alors premier ministre du Québec, annonçait en mars 2010 qu’il allait implanter l’anglais intensif pour la dernière année du primaire, c’est une annonce très semblable que fait Marie Malavoy, Ministre de l’Éducation du Loisir et du Sport, en conservant cette mesure tout en laissant à chaque établissement la liberté de prendre la décision. Cette annonce a de quoi surprendre, surtout quand on sait que le nouveau gouvernement péquiste avait promis de renforcer l’application de la loi 101 et de mettre un frein à l’implantation du programme intensif afin de mettre l’accent sur les cours d’histoire. Plusieurs groupes ont fait entendre

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leur voix dans les dernières semaines afin de montrer leur désaccord avec cette mesure qui, selon eux, mettrait en péril la situation des francophones à l’intérieur du Canada. Impératif Français, un organisme culturel québécois de défense et de promotion de la langue française, insiste sur le fait que les québécois ont déjà un niveau de bilinguisme beaucoup plus avancé que dans n’importe quel autre province canadienne, et qu’il en est de même si l’on se compare aux francophones européens. Pourtant, dit Jean-Paul Perreault, son président, dans une lettre publiée sur CNW Telbec, «on ne parle pas pour autant de manque d’ouverture chez nos compatriotes unilingues anglais». De même, l’anglais prédomine toujours au Québec dans les milieux du travail, et M, Perreault dénonce le fait que l’État qué-

bécois ne soit pas là pour «s’assurer que tous les francophones puissent travailler et vivre dans leur langue, posséder leur économie, encadrer les entreprises étrangères sur son sol, s’assurer que les Angloquébécois soient capables de travailler en français, et s’assurer une sélection de candidats à l’immigration favorable à une intégration réussie à la majorité francophone». De leur côté, des groupes comme Génération Nationale, nouveau parti politique provincial qui se veut souverainiste conservateur, accuse le gouvernement Marois de déléguer ce choix important en se débarrassant «de la responsabilité de ce dossier linguistique en plaidant pour la «liberté» de choix de chaque école». Partant des prémisses stipulant que les parents et citoyens n’ont pas été consultés, que la priorité doit être ac-

cordée au français, qu’il est important d’avoir une certaine considération pour le rythme de tous les enfants et qu’il faut être solidaire avec les enseignants, la Fédération des comités de parents du Québec, certaines commissions scolaires et syndicats professoraux, ainsi que des partis politiques tels que Génération Nationale, se sont donc regroupés sous la bannière des Citoyens pour un moratoire sur l’anglais intensif au primaire. Face à ces échos défavorables au projet de loi, le gouvernement Marois a décidé de repousser l’échéance de 2015 qui avait été échue par le précédent gouvernement libéral. Aurons-nous donc droit à des consultations telles que le demande le rassemblement des citoyens? Un recul total quant à la question? Seuls les prochains mois et débats sauront nous le dire. x

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POLITIQUE QUÉBÉCOISE

Plan Nord, Plan Mort Des manifestants qui veulent se faire entendre Catherine Collerette Le Délit

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ans le cadre du Salon des Ressources naturelles se tenant vendredi et samedi derniers au Palais des congrès de Montréal, deux manifestations ont eu lieu pour s’opposer au Plan Nord. Ce projet a été initié en mai 2011 par l’ancien gouvernement libéral de Jean Charest et a pour but de développer l’économie du Québec au nord du 49e parallèle. Le Plan Nord veut favoriser l’expansion de plusieurs compagnies minières, forestières et de l’industrie du tourisme, permettant ainsi au Québec d’atteindre la scène internationale et de créer des milliers d’emplois pour les vingt-cinq prochaines années. Il prévoit aussi des programmes de protection et de préservation de la faune et des écosystèmes. Depuis sa conception, le Plan Nord sème cependant la controverse et soulève des questions autant chez les économistes, les groupes écologistes, les nations autochtones, que chez les défenseurs des droits humains. On lui reproche de ne pas assez prendre en compte les nations autochtones, de dilapider les ressources québécoises au profit des grandes entreprises impliquées dans le projet et il est craint que les mesures pour protéger l’environnement et la faune sur ce territoire soient insuffisantes. Lors de la tenue du Salon Plan Nord en avril dernier, les manifestations avaient pris une tournure inattendue et les policiers avaient dû procéder à de nombreuses arrestations parmi les milliers de participants. Cette année, les policiers du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) s’étaient préparés à toute éventualité et étaient présents en grand nombre. Un vendredi «calme» Ils n’étaient cependant qu’une centaine, vendredi, à braver le froid et la

tempête devant le Palais des congrès pour s’opposer au développement du Plan Nord. La manifestation «Perturbons leur salon» a débuté vers 12h30 dans un climat qualifié de «calme» par l’un des agents de médiation du SPVM. Pendant la marche, les manifestants ont joint leurs voix pour dénoncer le peu de changement apporté par le gouvernement Marois à ce projet par rapport à l’ancien gouvernement libéral. Plusieurs ont aussi tenu à faire savoir leur opposition aux aspects colonialistes et capitalistes du projet, entre autres afin de soutenir les communautés innues qui sont directement affectées par le projet. Sans porte-parole officiel ni discours prévus pour conclure l’événement, il semblait manquer d’organisation et de cohésion au sein du groupe. Rapidement, l’escouade anti-émeute a rejoint les nombreux policiers déjà sur place afin de disperser les manifestants et mettre fin au rassemblement. Certains manifestants ont déploré la faible participation à la manifestation. Le mauvais temps et la lassitude suite aux nombreuses manifestations du printemps dernier pourraient selon eux expliquer ce taux de participation réduit par rapport à l’an dernier. Il n’y a eu aucune arrestation lors de cette première journée de protestation. Cependant, tel qu’indiqué sur le site de Radio-Canada, il y aurait eu, selon les autorités, des actes de vandalisme commis sur trois voitures de police, des graffitis dessinés sur des bâtiments ainsi qu’une vitrine brisée. Arrestations de masse Le deuxième jour du Salon des Ressources naturelles, ils étaient encore peu à répondre à l’invitation lancée par le Réseau de Résistance du Québécois (RRQ) pour s’opposer au projet du Plan Nord. Cette fois-ci, la manifestation a été déclarée illégale étant donné qu’aucun trajet n’avait été donné aux policiers. Les forces de l’ordre ont dû inter-

Crédit photo: Camille Chabrol

venir dès le début du rassemblement lorsqu’une vitre qui donnait accès à l’entrée du bâtiment a été fracassée et une fusée éclairante a été lancée à l’intérieur. Les manifestants se sont rapidement dispersés, suivis de près par les policiers. Quelques minutes plus tard, les manifestants se sont retrouvés au point de départ, dans le calme. Le SPVM a alors annoncé aux manifestants que tout rassemblement serait dorénavant considéré comme étant un «attroupement illégal» et qu’ils pourraient procéder à des «arrestations de masse». Ils ont cependant toléré

Crédit photo: Nicolas Quiazua

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pendant une vingtaine de minutes que les protestataires demeurent sur place. Ces derniers se sont ensuite séparés en deux groupes se dirigeant dans des directions inverses. Certains d’entre eux ont réussi à entrer à l’intérieur du Palais des congrès par l’accès au stationnement situé sur le côté du bâtiment, mais ont rapidement été contrôlés par la police. À la différence de la veille, les policiers ont eu plus de difficulté à disperser les manifestants. Ils y a également eu quelques altercations entre les policiers et certains protestataires. Au bilan, selon l’agence QMI, les autorités auraient procédé à trente-six arrestations, incluant trente-deux pour attroupement illégal, trois pour voie de fait sur policier et une pour recel. On aurait aussi rapporté qu’il y avait neuf mineurs parmi les arrêtés. Certains manifestants interrogés suite aux événements ont critiqué la présence aussi importante de policiers pendant l’événement. En effet, certains croient que cela aurait rendu l’atmosphère tendue et propice à la confrontation. Une manifestante a aussi déploré le malheureux acte de vandalisme isolé qui a empêché l’événement d’avoir lieu comme prévu. Elle croit que cet acte isolé ne justifiait pas l’intervention d’autant de policiers contre si peu de manifestants. Ces manifestations s’inscrivaient dans le courant du mouvement «Idle no more» et suivaient de près certaines des revendications énoncées par les étudiants lors de la grève du printemps passé. En somme, malgré la tournure des événements inattendue des protestations d’en fin de semaine, plusieurs manifestants considèrent avoir envoyé un message au gouvernement: la lutte n’est pas terminée et il se doit d’écouter ses citoyens. x

Actualités

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SÉCURITÉ ET IMMIGRATION

Les certificats de sécurité McGill Radical Law Community dévoile les violences de notre système judiciaire Karina Fortier Le Délit

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’est dans le bâtiment de la Faculté de droit, Chancellor Day Hall, qu’a pris place la table ronde organisée par McGill Radical Law Community. Elle avait pour thème principal «Votre client a un profil: sécurité et confidentialité dans la loi Canadienne». Une des organisatrices, Charlotte, explique que la motivation d’organiser un tel événement relève du fait que la Faculté de droit à McGill est «plutôt conservatrice; les gens acceptent trop facilement le statu quo et je trouve que l’on perd notre conscience critique». Parmi les orateurs figuraient l’avocate Patil Tutunjian, l’auteur David Austin, et l’égyptien Mohammad Mahjoub, résidant au Canada et tentant actuellement de se libérer d’un certificat de sécurité qui lui fut issu en 2006. Malgré l’heure tardive de la conférence ce vendredi 8 février, la salle était remplie au maximum. Les certificats de sécurité Les certificats de sécurité ont pris leur forme actuelle lors du passage de la Loi sur l’Immigration et la Protection des Réfugiés en 2001. Il s’agit d’un outil dont peut se servir le gouvernement pour détenir et déporter des immigrants vivant au Canada s’ils sont soupçonnés de violer les droits humains, de faire partie d’une organisation criminelle, ou de mettre en danger la sécurité nationale. En 2007, la Cour Suprême du Canada a jugé que les certificats de sécurité enfreignaient la Charte des Droits et des Libertés. De plus, une

personne détenue lors du processus n’a pas accès à l’information utilisée par le Service Canadien du Renseignement et de Sécurité (SCRS) pour émettre le certificat de sécurité, ce qui va a l’encontre du droit à l’Habeas Corpus. En réponse à ce jugement, le gouvernement conservateur de Stephen Harper introduit le rôle d’«avocat spécial», dont le rôle est de «protéger les intérêts de la personne visée par le certificat de sécurité», selon le site web du gouvernement. Cependant, l’avocate Tutunjian insiste qu’il s’agit uniquement d’un changement de forme, puisque cet «avocat spécial» n’a en réalité pas le droit de communiquer ni avec l’accusé ni avec son avocat, hormis lors du procès. Mohammad Mahjoub: un risque pour la sécurité nationale? M. Mahjoub est l’un des cinq individus ayant reçu un certificat de sécurité depuis 1993. Persécuté en Égypte, il quitte son pays avec sa famille en 1995 et est accepté au Canada en tant que réfugié un an plus tard. Dès son arrivée, il tombe sous le radar du SCRS, détenteur d’informations suspectes à son sujet provenant du gouvernement Mubarak. Le réfugié affirme que ces informations ont été obtenues sous la torture en Égypte, affirmation confirmée par un tribunal égyptien qui réhabilite en 2013 le nom de M. Mahjoud. Toutefois, selon M. Mahjoub, le gouvernement canadien a dépensé à ce jour un total d’un milliard de dollars sur son cas en frais d’avocats et de services de sécurité. «Eh, les gars, nous dit-il, c’est vous qui payez pour tout ça. C’est votre argent que le gouvernement balance par la fenêtre.»

Crédit photo: Zoë Carlton

Des conditions de détention inhumaines au Canada? En 1999, il est placé en prison par les autorités canadiennes sans passer par un tribunal. Selon lui, ses conditions de détention deviennent insupportables à la suite des attentats du 11 septembre. «J’ai dû subir des fouilles corporelles jusqu’à dix fois par jour», dit-il. «J’ai été agressé sexuellement par des agents de sécurité canadiens. Ils menacèrent de me tuer à maintes reprises. L’un m’a dit que ‘tous les musulmans devraient être tués’». Il affirme qu’à chaque fois qu’il demandait un service (de nouvelles lunettes, des médicaments, une visite de sa famille), on ne le lui accordait seulement qu’après une grève de la faim. «J’ai eu une infection, mais on me refusa les médicaments. J’ai perdu cinq dents». M. Mahmoud nous interpelle alors: «Vous êtes étudiants en droit. Il est temps que vous ouvriez vos yeux et vous vous rendiez compte de ce qui se passe dans votre pays».

Ce que nous réserve l’avenir «Actuellement, le Service Canadien du Renseignement et de Sécurité est audessus de la loi. Mais cela peut changer. C’est à vous, les étudiants, que l’avenir appartient», affirme Mahjoub. Mais s’il admet qu’il ne reçut aucun soutien parmi la population canadienne, croit-il vraiment en la génération future? «Absolument», répond-il. «Il ne faut pas s’attarder sur le passé. Concentrons-nous sur l’avenir». D’après l’étudiante en droit Lillian Boctor, le meilleur moyen d’assurer que les droits et libertés de chaque individu sont respectés est par le biais des médias, du système judiciaire et de l’organisation de base. «Les trois sont nécessaires», affirme-t-elle. Elle ajoute: «Il y a certainement une tendance négative [par rapport au respect des droits] avec le gouvernement en place. Mais tout est réparable si les gens se battent pour leurs droits». x

BRÈVE/INTER-UNIVERSITÉS

Arrestation à l’UQAM Nicolas Quiazua Le Délit

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n exécutant de l’Association facultaire étudiante de science politique et droit de l’UQAM (AFESPED) a été arrêté mardi aprèsmidi à l’UQAM. L’arrestation serait en lien avec la manifestation contre la dérive sécuritaire du 30 janvier dernier. L’installation de 15 caméras dans les couloirs du deuxième étage du pavillon Hubert-Aquin et dans le Café Aquin, un café étudiant co-géré par l’AFESPED, et l’Association Facultaire Étudiante des Sciences Humaines de l’UQAM (AFESH), et les nouvelles mesures de sécurité à être mises en place dans les deux prochaines années ont créé des remous au sein du corps étudiant. Une manifestation le 30 janvier a vu plusieurs caméras brisées, arrachées et aspergées de peinture en aérosol, en plus de voir le mur construit à l’intérieur de l’Aquin défoncé. Selon René Delvaux, coordonnateur aux affaires académiques à l’AFESPED UQAM, deux policiers seraient entrés dans l’enceinte universitaire pendant ses Portes ouvertes

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et auraient procédé à l’arrestation de l’étudiant en question, qui se trouvait alors dans le bar étudiant. Il n’aurait pas résisté lors de son arrestation. Toujours selon Delvaux, il a été relâché le même jour, fautes de preuves, et aucune accusation n’a été portée contre lui. Une enquête a cependant été ouverte. Le rectorat de l’université étant sensé être la seule entité qui peut donner l’autorisation à une intervention policière de cette sorte, l’UQAM confirme à La Presse qu’elle était en communication avec le Service de Police de Montréal après avoir identifié une personne recherchée pour avoir participé dans la casse du 30 janvier. «C’est sûr qu’on ne veut pas faire intervenir la police. Si on peut éviter ça, on le fait. Mais aujourd’hui, cette personne a été reconnue comme ayant participé à la manifestation et comme ayant commis des actes de vandalisme. Donc pour nous, c’était clair qu’il fallait faire intervenir les policiers», a expliqué Jenny Desrochers, directrice intérimaire des relations médias. x

Crédit photo: Camille Chabrol

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POLITIQUE QUÉBÉCOISE

Feu sur la souveraineté Le Parti Québécois dévoile son plan d’action Alexandra Nadeau Le Délit

jouer quant à la question nationale. Par rapport à la popularité de la souveraineté du Québec en général, il écrit: «Durant les mois qui précédaient le référendum de 1995, les firmes de sondages prévoyaient une victoire écrasante du «non». On a prédit la mort du souverainisme! Et pourtant, le résultat final a été très serré (49,4%). Aujourd’hui, alors que la souveraineté se maintient autour de 40%, le mouvement souverainiste partirait d’une meilleure position qu’en 1995».

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e Conseil national du Parti Québécois (PQ) s’est déroulé les samedi 9 et dimanche 10 février à Drummondville. Ce genre de conseil vise à ce que les membres du parti débattent sur diverses propositions adoptées par les circonscriptions afin de décider si elles deviendront on non des positions officielles du gouvernement. L’élément vedette à l’ordre du jour du Conseil de cette fin de semaine était la mise en place du plan d’action pour la promotion de la souveraineté du Québec, plan qui vise à orienter les actions du parti vers la promotion de celle-ci. Ce plan a été approuvé majoritairement par les délégués du Conseil national. Selon Ariane Lefebvre, vice-présidente aux communications du Comité national des jeunes du Parti Québécois (CNJPQ), le plan «n’inclut pas que les campagnes de pub payées par le PQ, et il n’y a pas que des réseaux sociaux; il y a des projets à long terme». Le PQ organisera notamment des Conseils nationaux thématiques sur la souveraineté et une école d’été des jeunes souverainistes sera mise en place par le CNJPQ, mentionne Mme Lefebvre en entrevue téléphonique avec Le Délit. Bien que le plan de promotion de la souveraineté ait été adopté par le Parti Québécois, il ne reflète pas encore la direction que le gouvernement entreprendra dans les années à venir. Mathieu Côté, responsable des communications du Mouvement des Étudiants Souverainistes de l’Université de Montréal (MÉSUM), croit que le plan d’action du gouvernement Marois est une bonne initiative. Il écrit dans un courriel adressé au Délit que «pour le Parti Québécois, s’il y a plus de souverainistes, il y a plus de per-

Crédit photo: Camille Chabrol

sonnes susceptibles de voter pour lui […]. Pour l’indépendance, plus on en parle, plus il va y avoir de souverainistes». Par rapport à la question des droits de scolarité, les membres du Parti Québécois ont adopté une résolution en faveur d’un gel des frais et contre toute mesure augmentant l’endettement étudiant. Toutefois, Pauline Marois, chef du PQ et première ministre, explique ce qu’elle entend par un gel dans un point de presse: «Pour moi, indexation égal gel». Elle considère que si les frais de scolarité n’augmentent pas en symbiose à l’inflation, on parle d’une réduction des frais de scolarité. Le Comité national des jeunes du Parti Québécois appuie pour sa part le gel des frais de scolarité. Mme Lefebvre soutient que le gel est en ce moment la priorité pour le CNJPQ, mais que l’avenir souhaitable est la gratuité scolaire. C’est sous haute surveillance policière que le Conseil s’est déroulé. Plusieurs

manifestants se sont donnés rendezvous afin de scander leur déception face à la non-tenue de diverses promesses faites par le PQ. Des contrôles d’identité avaient également lieu à l’entrée des salles de réunion afin de prévenir l’accès à des personnes indésirables, selon La Presse du 5 février. Les jeunes Québécois et la souveraineté Selon Ariane Lefebvre, les jeunes du Québec sont toujours intéressés par la souveraineté du Québec. Elle dit par ailleurs que «le projet de pays du Québec servira entre autres aux générations futures et les jeunes doivent contribuer à construire le pays où ils seront vraiment maîtres chez eux. Il faut inclure les jeunes si on veut actualiser le projet d’indépendance». Jean-François Daoust, président du MÉSUM, est également d’avis que le milieu universitaire a un rôle important à

Place aux jeunes péquistes Le Comité national des jeunes du Parti Québécois (CNJPQ) fêtait ses 25 ans lors du Conseil, le samedi après-midi. Un cocktail était organisé pour l’occasion, auquel ont pris part des anciens du CNJPQ ainsi que Pauline Marois. Le CNJPQ, l’aile jeunesse du PQ, détient 33% des voix lors des votes dans les instances du parti, selon les propos de la vice-présidente aux communications, Ariane Lefebvre. Le Comité peut également apporter ses propositions pour qu’elles soient débattues lors des Conseils nationaux. Le CNJPQ possède trois missions, comme on peut le lire sur leur site Internet: «Défendre les intérêts de la jeunesse à l’intérieur du parti», «être les porteparole du Parti Québécois auprès des jeunes de 16 à 30 ans» et «recruter et former les jeunes militants de la souveraineté». Ariane Lefebvre mentionne qu’il est de plus en plus difficile pour les partis politiques d’aller sur les campus universitaires, tant les directions d’établissements deviennent strictes à ce sujet. Elle soutient par ailleurs qu’il existe une «cellule souverainiste à l’Université McGill où le Parti Québécois est représenté», mais le Délit n’a pas réussi à se mettre en contact avec une telle organisation. x

OPINION

Attention! On change nos chemises La police à Montréal vire au noir Mathilde Michaud Le Délit

À

partir du 5 mars, vous ne verrez plus les chemises bleu acier de nos agents de la paix, mais bien leurs nouvelles chemises bleu-noir! Et pour bien nous le faire savoir, nous avons eu droit à une de leur meilleure prestation dans cette annonce publicitaire quasi-hollywoodienne: «Fier de vous servir!» Mais vous vous demanderez: bleunoir, mais quelle est cette étrange couleur? Et bien, je me le demande moi aussi. Ce n’est pas difficile, dites-nous bleu ou noir, pas les deux, ça devient un peu mélangeant, quoi. Mais après de petites recherches, j’en ai déduit qu’il s’agissait de la couleur de leurs pantalons. Ma foi, il faut bien homogénéiser cet uniforme une fois pour toutes. Le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) avait longtemps résolu que ses agents porteraient le bleu acier, entres autres afin de laisser transparaître son côté communautai-

re et de se différencier des escouades anti-émeutes qui elles portent depuis longtemps le bleu-noir. Étrangement, dira-t-on, une étude commanditée par le FBI (Federal Bureau of Information) en 2001 a dénoté que les agents qui portent la chemise bleu-noir se montraient plus agressifs. Faut-il en déduire que le SPVM a renoncé à différentier ses agents et que nous nous retrouverons maintenant avec plus de 3 000 agents anti-émeute à Montréal? Dans son point de presse, le chef du SPVM, Marc Parent, a aussi laissé savoir aux journalistes présents que le changement de couleur avait pour objectif de rendre moins apparent leur gilet pareballes. «Ça fait moins répressif sur le coup d’œil», expliquait-il. Belle rhétorique Monsieur Parent, mais les gilets seront malheureusement toujours présent, et la répression aussi avec eux! Tant qu’à y être vous auriez pu commander des pare-balles bleu pâle. Attardons-nous maintenant à cette fameuse publicité. Normand Baillargeons, professeur en éducation

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à l’Université du Québec à Montréal et auteur du Petit guide d’auto-défense intellectuel, aurait eu bien du plaisir à souligner les différents sophismes qui ressortent de celle-ci. Appel à l’autorité, appel à la peur, fausse analogie, autant de stratégies pour nous éblouir et nous faire oublier que 20 000 dollars seront dépensés inutilement pour ce changement de chemise, sans compter l’argent nécessaire à sa réalisation. On nous en met même plein la vue avec leurs nouvelles Dodge Charger dont ils ont fait l’acquisition par un contrat de plus de trois millions de dollars avec le concessionnaire Pie IX Dodge Chrysler 3 000. Wow, un beau char! Clairement, je vais me sentir beaucoup plus en sécurité maintenant que les policiers se promènent dans des grosses bagnoles. Tout ça nous amène à nous demander: est-ce que ces dépenses sont vraiment nécessaires? Alors que le SPVM accuse présentement un déficit de 11.3 millions de dollars, est-ce que dépenser des sommes aussi importantes est vraiment raisonnable? x

Crédit photo: Matthieu Santerre

Actualités

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Société societe@delitfrancais.com

Citoyens Louis Soulard Le Délit Vivre à l’étranger la majeure partie de sa vie et gérer la perte de repères culturels; enquête, depuis McGill, sur ces enfants de la mondialisation «D’où viens-tu?» La question est simple et directe, presque banale tant elle est devenue le fondement des premières rencontres. Mais pour un bon nombre de personnes, la réponse n’est pas si simple et peut parfois poser de sérieux problèmes de formulation. Pour de plus en plus de personnes, pays de résidence, pays de naissance, nationalité(s) diffèrent et perdent de leur sens. On a tous au moins une fois rencontré ce genre de personne sur le campus: une étudiante ayant fait le tour du monde, un autre ayant vécu aux quatre coins de la planète et fréquenté telle et telle école internationale – et qui, presque miraculeusement, est bien là, en face de nous à nous parler. Bien sûr, le fait de voyager et de vivre à l’étranger, de quitter son pays d’origine pour aller vivre dans une autre région du monde n’est pas un phénomène nouveau. Mais, comme constaté dans la population étudiante à McGill, il a tendance à se banaliser. On définirait ce qu’on peut appeler les «apatrides culturels» comme une nouvelle génération de jeunes qui, au cours de leur vie, ont été amenés à vivre dans différents endroits du monde – le plus souvent avec leur famille – et qui ont, par conséquent, passé une grande partie de leur vie en dehors d’un environnement culturel constant. Qu’est-ce qui les rends si différents? Quels problèmes culturels et identitaires doiventils affronter alors qu’ils quittent leur terre adoptive pour l’université? Quelles peuvent être les implications à grande échelle d’un tel phénomène?

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Une communauté particulière En première année, on est surpris de constater que McGill est bien fidèle à sa réputation d’université internationale. Sur le campus, on s’habitue à entendre parler coréen, espagnol ou encore russe; les résidences sont des lieux où se mêlent une variété surprenante de nationalités. On pense en particulier au nombre impressionnant de «Français» de première année à New Rez. Ils forment un mélange hétéroclite et si vous leur demandez d’où ils viennent, presque aucun ne vous répondra la France; leur pays de citoyenneté, dans lequel ils ne passent rarement plus de trois mois par an, le temps des vacances d’été, n’est pas leur chez-soi. Ils sont habitués à fréquenter les écoles internationales, parlent anglais depuis leur plus jeune âge et voyagent en avion plusieurs fois par an. Ils vous parleront de leur vie à Londres, Singapour, New York, Moscou et évoqueront leur nostalgie des pays étrangers dans lesquels, pendant plusieurs années, ils se sont construit une nouvelle vie. Ils reconnaissent eux-mêmes qu’ils ont peu de choses en commun avec des Français «de France», et, par conséquent, forment une communauté d’anciens expatriés. Eva, une étudiante de deuxième année, a vécu huit ans à Singapour avant McGill. Elle avoue se sentir différente de la plupart des Français nonexpatriés et a l’impression d’avoir vécu quelque chose de plus. Elle observe une forme d’incompréhension mutuelle entre elle et les étudiants qu’elle rencontre et qui n’ont pas voyagé. Eva n’est pas un cas isolé. On observe à McGill que ces étudiants étrangers ayant vécu une expérience internationale commune ont tendance à former une communauté en soi sur le campus. Certains se connaissent depuis la plus tendre enfance. Alexia et Marie, deux francojaponaises, se sont rencontrées à l’école française de Tokyo au

primaire; elles se sont retrouvées quelques années plus tard au lycée français de Hong Kong, ville dans laquelle leurs pères ont été mutés pour des raisons professionnelles. La famille de Marie est ensuite partie à Séoul, celle d’Alexia à Shanghai et les chemins des deux adolescentes se sont séparés. Mais elles se sont retrouvées ici, dans la même université à Montréal. Et parce qu’il existe à McGill un grand nombre d’«apatrides» qui sont dans la même situation, Alexia et Marie fréquentent des étudiants internationaux qui, comme elles, ont vécu dans différents pays au cours de leur vie et qui comprennent mieux ce qu’elles ont vécu.

«Les apatrides manquent de repères culturels bien définis. » S’intégrer à McGill Ces étudiants ont tendance à reproduire à McGill l’impression de communauté dans lequel ils ont été habitués à vivre dans leur pays de résidence. Que l’on soit Américain, Chinois ou Français, vivre à l’étranger développe un sentiment d’appartenance culturelle commun; des réseaux de contacts et d’amis sont ainsi créés. Et parce qu’on est plus susceptible de se rapprocher des personnes qui nous ressemblent, beaucoup d’étudiants dits «apatrides» restent entre eux ou fréquentent des gens qui ont vécu des expériences internationales similaires. Autant dire que McGill facilite le passage du secondaire à l’université pour ces apatrides puisque l’université est composée d’un grand nombre d’étudiants venant du monde entier (20% des 38 779 étudiants de McGill viennent de l’étranger). Il existe aussi un nombre impressionnant de clubs internationaux, tels que le club des étudiants Sri Lankais, qui crée une commu-

nauté internationale mcgilloise semblable aux communautés multiculturelles d’expatriés que l’on peut trouver dans des villes comme Phnom Phen, Accra ou Bogotá. Montréal, de plus, reconnue mondialement pour ses communautés culturelles et sa diversité, baigne aussi dans une atmosphère de tolérance et de multiculturalisme. McGill aussi possède des organismes tels que le Service d’aide aux étudiants étrangers et le buddy program qui aident également à l’intégration dans l’environnement universitaire. Le Délit a parlé au Service d’aide aux étudiants étrangers (SAEE), qui demeure une source de référence pour un bon nombre d’étudiants internationaux. À la question des apatrides culturels, le Service a répondu qu’il organisait «des événements et des ateliers pour faciliter l’intégration d’étudiants ayant vécu à l’étranger. Le SAEE est une référence pour beaucoup d’étudiants internationaux qui viennent nous voir pour faciliter leur expérience à McGill». Cette organisation offre de l’aide au niveau de la langue et se charge d’aider les étudiants dans des processus administratifs qui peuvent être longs et difficiles. Le McGill International Students Network, de son côté, s’occupe de rassembler et de rencontrer les différentes communautés culturelles présentes sur le campus à travers des activités, clubs et associations. Atouts et inconvénients Cependant, ces apatrides culturels forment à eux seuls une catégorie bien spécifique d’étudiants internationaux. Contrairement à beaucoup d’étudiants étrangers qui ont vécu dans un seul pays la majeure partie de leur vie, les apatrides manquent de repères culturels bien définis. Ils reconnaissent eux-mêmes sans prétention qu’ils ont eu une chance incroyable de voyager comme ils l’ont fait. Samuel, étudiant australien en échange à


d’ ailleurs McGill, a vécu dans six pays différents au cours des vingt dernières années. «Je me sens moins ancré dans une culture en particulier, et sans doute ainsi plus adaptable et réceptif à d’autres cultures», raconte-t-il. Cette acculturation a tendance à développer une sensibilité accrue aux autres, la confrontation avec des gens et des sociétés différents d’eux-mêmes les ayant fait mûrir plus rapidement que d’autres. Daria, une étudiante franco-irano-américaine de deuxième année qui a vécu en Chine pendant plus de sept ans observe, elle, ce décalage: «En revenant en France ou aux ÉtatsUnis, j’ai l’impression d’avoir cinq ans de plus que mes amis qui ont le même âge. C’est à la fois réconfortant de savoir que j’ai réussi à me construire en tant qu’adulte plus rapidement à l’étranger, et déprimant en même temps: tu réalises que des liens que tu avais avec des gens, des aspects de ton identité, le sentiment d’appartenir à un tout, ont disparu». On constate toutefois chez la plupart de ces apatrides un certain sentiment de mélancolie quant à leur manque de repères culturels, et l’analyse de Daria est valable pour beaucoup d’entre eux. La vie des apatrides culturels a de quoi faire rêver beaucoup d’étudiants en quête de dépaysement. Mais cette vie nomade est bien plus difficile émotionnellement qu’on ne pense: une désorientation continuelle, ressentir un perpétuel manque, que quelque chose est absent. «On apprend à dire au revoir – à la famille restée dans le pays d’origine, aux amis qui repartent en expatriation à l’autre bout du monde; on apprend à se serrer les coudes entre nous; à accepter le manque de repères (et d’être perdu dans la traduction)», relate Daria. C’est un univers où l’idée du chez-soi est relative et n’existe pas complètement; une vie passée entre plusieurs pays, ou chambres d’hôtels et aéroports

deviennent des endroits trop familiers. Comment certains apatrides réagissent à ce manque de repères culturels? La nouveauté ou les racines? Les apatrides interrogés répondent différemment à la pression imposée par leur mode de vie. Face au manque de repères, à l’évidente distance qui les sépare d’un environnement culturel connu, on distingue aisément différents cas de figures. Vivre à l’étranger n’implique pas nécessairement une immersion culturelle totale – beaucoup d’expatriés ont tendance justement à se rattacher à leur identité culturelle dans le pays dans lequel ils vivent. Camille, une franco-belge, a vécu la majeure partie de sa vie aux États-Unis. Elle raconte à Le Délit que, malgré le fait que ses parents se soient fait beaucoup d’amis américains au début de leur expatriation, ils se sont invariablement tournés vers des francophones par la suite – le besoin, sans doute, de partager une expérience et des valeurs communes dans une culture qui n’est pas la leur. Bien sûr, certains expatriés arrivent plus ou moins bien à s’adapter à leur pays de résidence et s’immergent dans la culture avec plus ou moins de facilité. D’autres, parce qu’ils ont réussi à se construire en parallèle avec cette culture adoptive, se sont adaptés et intégrés avec succès. Aldrich est né et a grandi à Manille, aux Philippines. Au début du secondaire, il est parti avec sa famille vivre à Toronto, son père ayant des opportunités professionnelles là-bas. «Immigrer au Canada m’a distancié de mes amis aux Philippines. Ils pensent que le Canada m’a transformé en un Aldrich plus sophistiqué, anglophone qu’ils ont du mal à comprendre maintenant», ditil, «Il y a des moments où j’ai l’impression d’avoir perdu mon identité, d’autres moments non: cela dépend avec qui je suis.»

Beaucoup d’apatrides comme Aldrich parlent d’une forme de malléabilité identitaire acquise lors de leurs voyages, le fait de pouvoir s’adapter à un auditeur, à comprendre sa différence. Le contact avec l’inconnu, qu’il soit complet ou partiel, fait évoluer et ouvre de nouvelles perspectives.

«Serions-nous tous en marge de devenir des apatrides culturels?» Vers une identité culturelle commune? Beaucoup d’apatrides ont ainsi tendance à se rattacher à des comportements, des valeurs et des points de vue qui leur semblent reliés à leur(s) pays d’origine. Une forme de double point de vue est mis en place pour négocier le nouveau et le traditionnel. On a tendance, en ce début de 21e siècle, à employer les termes de «mondialisation», de «culture occidentale», très largement. Mais est-ce que la crise identitaire culturelle à laquelle doivent faire face nombre d’apatrides n’est pas un phénomène qui, de plus en plus, s’applique à nous tous? Sommesnous en train, un peu comme les apatrides, de nous diriger vers une identité occidentale commune, de «perdre» en spécificités culturelles? En y regardant de plus près, on observe que des choses comme les classifications culturelles et géographiques sont en train de perdre de leur sens. Les frontières perdent leur signification dans des régions du monde comme l’Europe, où l’on se déplace d’un pays à l’autre librement; les réseaux sociaux peuvent nous connecter – en théorie – avec un grand nombre d’autres nationalités. Notre génération d’étudiants, qu’importe le pays, a grandi avec les mêmes émissions américaines, des habitudes alimentaires similaires

et le sentiment d’appartenir à une culture occidentale commune. Ce qui, il y a cent ans, différenciait le jeune adulte espagnol du jeune adulte canadien est, à coup sûr, bien moindre aujourd’hui. Cependant, on ne peut pas nier le fait que des différences notoires nous séparent culturellement les uns des autres. Observez, par exemple, la manière avec laquelle les montréalais attendent à l’arrêt de bus: les gens se mettent dans la file les uns après les autres, en ordre. Prenez un arrêt de bus à Paris, et vous verrez que les gens se mettent en bloc et doivent jouer des coudes pour pouvoir gagner leur place dans le véhicule. Qu’est-ce qui permet à la plupart des apatrides de ne pas être complètement perdus dans leur pays de résidence? Comment se rattachent-ils aux valeurs d’un pays dans lequel, pour la plupart, ils n’ont vécu que quelques années? L’éducation joue indubitablement un rôle déterminant. Les parents ont ce rôle de transmetteurs de codes, d’informations et de valeurs transculturelles qui permettent à l’enfant de se calquer sur un pays ou une région. Les gens que l’on fréquente, l’école à laquelle on est allé, ce qu’on y a appris sont des éléments supplémentaires qui nous conditionnent dans un certain milieu culturel. Certains traditionalistes pourraient se plaindre de la perte de traditions et de valeurs, liée à la mondialisation de la culture. Au contraire, il se peut qu’au lieu de se perdre, de nouvelles se superposent à celles-ci. Les apatrides ne «perdent» pas leur identité et leur spécificités culturelles; leur confusion identitaire très certainement vient justement de la superposition de façons de faire, de comportements culturels différents qu’ils ont au cours du temps assimilées. On a la chance d’être tous exposés à la différence, particulièrement à McGill et à Montréal. Serions-nous tous en marge, dans un futur proche, de devenir des apatrides culturels? x

Société

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OPINION

Les armes à feu tuent Les Américains se trompent de cible.

L

es armes à feu tuent: les Américains le savent mieux que quiconque. Cependant, à chaque fusillade, tous sont honnêtement surpris, feignant de ne pas s’y être attendu, dans une Amérique si «juste et pacifique». En 2012, 61 personnes aux États-Unis ont trouvé la mort dans des attaques au sein d’écoles, de cinémas ou encore de grands magasins. Tel un feuilleton annuel, attendons de voir ce que 2013 a à offrir. Comme si le patriotisme empêchait l’usage de la raison. Protégés par le deuxième amendement qui déclare qu’«une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, il ne pourra être porté atteinte au droit du peuple de détenir et de porter des armes», les pro-armes forment un lobby intouchable car trop puissant. Ces derniers estiment qu’être capable de se défendre est un bien nécessaire, quitte à plonger dans un cercle vicieux qui apparaît aujourd’hui aux yeux de la société: celui de donner des armes pour se protéger des armes. Une analogie me vient en tête: la musique des voisins est trop forte? Augmentons

le volume de la nôtre. Eux font de même et le jeu continue. Au bout du compte les musiques jouent toujours, mais tout le monde est devenu sourd. Le dilemme de la sécurité par excellence. Le plus grand paradoxe reste néammoins la peur qu’a l’Amérique

d’Al-Qaïda depuis le 11 septembre 2001. Loin de moi l’idée que ce jour ne fût pas une tragédie; mais voilà maintenant onze ans qu’aucune attaque ne vient de l’extérieur. En revanche, les armes à feu sont toujours présentes et font chaque jour de nouvelles victimes. Il semblerait donc que

Washington se trompe d’ennemi: le vrai danger, celui devant lequel tous tremblent, vient de fusillades inattendues mais toujours plus meurtrières qui ont lieu sur le sol national. Une trop grande partie des Américains se voile la face, utilisant l’excuse du

Vetta Photography

second amendement pour faire entendre raison ce qui est déraisonnable, tandis que des milliers de soldats brûlent sous le soleil afghan pour des raisons de plus en plus troubles. Évidemment, ce n’est pas l’Afghanistan ni le contrôle du port d’armes, mais la logique ne tient plus debout. La menace d’une attaque à main armée par un fou furieux est bien plus grande qu’un deuxième 11 septembre; un jour deux morts, un jour trois, un autre dix-huit enfants dans une école élémentaire. Combien faudra-t-il de morts en une journée pour que les Américains se rendent à l’évidence que le problème est réel? Aujourd’hui, Barack Obama, président réélu, tente vainement de limiter la vente et l’accès aux armes. Les conservateurs faisant si bien leur travail, les réformes arrivent au ralenti. Si enfin elles arrivent. En attendant donc de voir les choses bouger pour le meilleur, je ne vois qu’une seule solution pour éviter un deuxième Sandy Hook. Qu’on donne des armes aux enfants, il faudra bien qu’ils apprennent à se défendre. x

OPINION

Le Délit, dernier bastion du français Il s’en est fallu de peu. Fanny Devaux Le Délit

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u sein de la Presse U n i v e r s i t a i r e Canadienne, on compte une centaine de journaux et magazines. Chaque publication possède sa propre ligne éditoriale, mais Le Délit n’est pas le seul à promouvoir et à défendre les intérêts francophones. Le Collectif, le journal de l’Université de Sherbrooke, est une publication hebdomadaire entièrement en français. Le rédacteur en chef, Kéven Breton, témoigne: «On ne publiera jamais des articles en anglais, ça ne correspond pas à la population étudiante». Le Collectif cohabite avec un hebdomadaire anglophone: Campus. La proximité fait que l’identité du journal est fondée sur sa spécificité linguistique. Monsieur Breton poursuit: «Nous sommes lus parce nous publions en français, point». Sur les campus où les deux langues sont représentées dans les médias, on s’attend alors à une polarisation des publications; aucun n’empiète sur

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la langue de l’autre. Dans les autres universités anglophones, comme on peut s’y attendre, la situation n’est pas la même. Elysha del Giusto-Enos, une diplômée de Concordia en journalisme, confie au Délit que si The Link a eu des collaborateurs francophones, ceux-ci préféraient écrire en anglais, pour s’entrainer.Les étudiants francophones seraient-ils donc poussés à utiliser les medias étudiants comme un tremplin avant leurs rédactions de fin de session? Pierre Chauvin, journaliste au Link précise que c’est un sujet de conversation qui est abordé régulièrement. En vain? Sam Godfrey, éditrice de la section «Vie étudiante» du McMaster Silhouette nous confie que, pour sa part, elle n’a jamais vu d’articles autrement qu’en anglais dans le journal. Encore plus étonnant, The Ubyssey, le journal étudiant de l’Université de ColombieBritannique, publie des articles en français 2 à 3 fois par session. Selon Natalia Pontarsento, collaboratrice pour la section

Actualités, elle-même francophile, «cela n’arrive pas souvent parce qu’il n’y a pas beaucoup de lecteurs, mais j’aime bien pouvoir lire en français». Elle rapporte en entretien avec Le Délit que ce sont des Québécois qui étudient en Colombie-Britannique qui rédigent ces articles. Pourquoi les autres journaux n’en font-ils pas autant? Outre la pratique, un autre problème se profile à l’horizon. Comment introduire un article en français alors que cela va à l’encontre de l’usage? Comme le dit Elysha del Giusto-Enos du Link: «on n’a pas assez d’articles pour créer une section». Intégrer au journal quelques articles orphelins se révèle donc être une tâche difficile. Au vu du nombre de journaux francophones représentés à la conférence annuelle de la Presse Universitaire Canadienne, soit une très nette minorité, il ne reste plus qu’à compter sur la presse existant dans des universités où les deux langues sont représentées, soit les derniers bastions de la langue française. x

Crédit photo: Camille Chabrol

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SPORT

Le sport, vecteur social À l’assemblée et sur les terrains: même combat? Maxence Leblond Le Délit

J

e suis un joueur de soccer. Depuis 1996, je foule les terrains de manière régulière. J’ai évolué au côté de joueurs du monde entier: Français, Ghanéens, Américains, Australiens ou encore Brésiliens. J’ai rencontré des personnes inoubliables, et d’autres beaucoup moins intéressantes. J’ai vu des joueurs devenir des stars internationales, et d’autres tomber dans l’oubli. J’ai vu, au fil des années, l’évolution de la société au sein du microcosme sportif. Mon parcours n’a rien d’exceptionnel. Il est applicable à tout sport collectif masculin. Le sport est quelque chose de profondément social. Il permet un remous culturel qui n’est visible nulle part ailleurs. La diversité est donc sociale, mais également ethnique.

Les différences n’existent plus lorsqu’il s’agit de défendre le même maillot ou de soutenir la même équipe.

Crédit photo: Bram Janssens

Le sport est-il homophobe? Je suis cependant forcé d’apporter un bémol à ce tableau idyllique. Cette diversité n’est pas absolue. En plus de 16 ans passés sur les terrains, jamais je n’ai eu l’occasion d’évoluer au côté d’un joueur ouvertement homosexuel.

Depuis l’ouverture du débat sur le droit au mariage et à l’adoption pour les homosexuels le 29 janvier dernier, la controverse fait rage en France. L’agitation ne se retrouve pas que dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, mais également dans les rues, puisque plusieurs centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues de Paris, afin de défendre ce projet de loi ou au contraire, afin de protester contre. La question soulève un véritable débat au sein de la société française. Elle nous rappelle qu’encore en 2013, l’homosexualité n’est toujours pas une évidence pour certains. Le sport a quelque chose de profondément machiste. Les spectateurs veulent du contact, de la violence. Bref, tout ce qu’ils refusent d’assimiler à la culture gay. Dans les gradins,

les propos homophobes sont communément admis lorsqu’il s’agit de critiquer un joueur qui ne semble pas suffisamment solide, pas suffisamment dur. Sur le terrain, il en est de même. L’intimidation verbale entre joueurs prend bien souvent une tournure homophobe. Toujours un tabou? De plus, il est essentiel de souligner le manque d’exemples. Il s’agit là d’un cercle vicieux puisque les joueurs n’osent pas révéler leur orientation sexuelle, ne sachant pas à quelles réactions s’attendre. Bien souvent, les joueurs homosexuels attendent la fin de leur carrière pour révéler leur orientation sexuelle. On peut notamment évoquer le joueur de football Wade Davis, qui, une fois sa carrière dans la Ligue Nationale de Football terminée, a décidé de révéler son

homosexualité. Mais rares sont ceux à militer pour la cause homosexuelle durant leurs années d’activité. C’est cependant le cas du gallois Gareth Thomas, premier joueur de rugby à assumer publiquement son homosexualité en 2009. On a néanmoins vu dans les dernières années certains joueurs hétérosexuels se positionner en faveur du mariage pour tous, c’est le cas de Brendon Ayanbadejo, récent vainqueur du Super Bowl avec les Ravens de Baltimore. Ne pas en parler fait de cette question un tabou. Il est essentiel de créer le débat, de faire entrer la possibilité de voir un champion homosexuel dans les consciences. La peur n’existe pas, il s’agit simplement d’une incompréhension de ce que l’on ne connaît pas. Nous sommes en 2013, il est temps que les choses changent. x

CHRONIQUE

La mauvaise foi Margot Fortin | Chronique accidentelle

La principale de McGill, Heather Monroe-Blum, a effectué mercredi dernier une tournée des médias québécois dans le but de semer le doute sur la pertinence du Sommet sur l’enseignement supérieur, allant jusqu’à qualifier l’exercice consultatif mis en place par le gouvernement péquiste de véritable «farce». Plutôt que de sagement s’en tenir à s’exprimer sur les questions qui la concernent directement, telles que la qualité de l’enseignement et la gouvernance des universités, Heather a choisi de souffler à plein poumon sur la braise toujours fumante du débat sur la «juste part». En effet, la viceprincipale persiste et signe: les étudiants ne paient pas assez. Mieux encore, la hausse initialement proposée par le gouver-

nement libéral de Jean Charest n’était pas suffisante. Misère… À l’occasion de cette sortie médiatique hautement constructive, la rectrice a aussi raconté sa frustration lors des rencontres préparatoires qui devaient préparer le terrain pour les discussions qui se dérouleront au Sommet. La principale s’attaquait notamment au nombre «insuffisant» de représentants du Conseil du patronat et à l’ingérence de divers partenaires de l’éducation dans le débat sur la gouvernance des universités: «Les débats des rencontres pré-Sommet ne sont pas ouverts. […] Les recteurs sont dans la salle et écoutent quelqu’un qui nous dit comment gérer nos universités. C’est une farce». S’il peut effectivement sembler inapproprié que des étudiants s’improvisent ainsi gestionnaires afin de souligner les faiblesses de l’allocation des ressources dans le réseau universitaire, alors l’inverse doit nécessairement être vrai: qui sont donc ces gestionnaires et ces représentants du Conseil du patronat pour juger de ce qu’un jeune de la classe moyenne inférieure peut ou ne peut pas se permettre? Le problème de relations publiques de la rectrice de McGill se trouve précisément là: elle est obstinément incapable de tracer la ligne entre

x le délit · le mardi 12 février 2013 · delitfrancais.com

les questions qui relèvent de sa sphère de compétence et celles à propos desquelles elle ne possède aucune expertise. La rectrice d’un important établissement d’enseignement supérieur québécois dispose de la plus haute autorité lorsque vient le temps de débattre, par exemple, des sommes qui doivent être allouées aux universités pour la recherche ou encore pour rehausser la qualité de l’enseignement. Toutefois, lorsqu’il est question de déterminer si l’argent doit provenir d’une hausse d’impôt aux entreprises ou d’une augmentation des droits de scolarité, le discours d’Heather MonroeBlum et des représentants du Conseil du patronat de ce monde ne devrait engager qu’euxmêmes: il s’agit là d’une question éminemment politique, voire philosophique, qui n’est pas directement liée à la qualité de l’éducation. Il est désolant de voir Heather Monroe-Blum confondre ainsi les débats et brouiller les cartes à la veille d’un Sommet qui s’annonce déjà suffisamment haut en couleur. En se bornant à contaminer son discours d’opinions subjectives et personnelles sur la «juste part» qui incombe selon elle aux étudiants dans le financement de leur éducation, la rectrice contribue elle-même à retirer une certaine part de crédibilité

Crédit photo: Lindsay P. Cameron

à ses prises de position pourtant importantes sur la question de la qualité de l’éducation et du sous-financement des universités. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la principale est demeurée fidèle à elle-même depuis le printemps dernier. Outre la constance remarquable de son discours, HMB n’a également rien perdu de son sens du timing: chercher à s’aliéner à nouveau les étudiants et le gouvernement en place au moment le moins opportun, voilà une stratégie tout

à fait digne d’un acteur majeur du milieu de l’éducation. À l’écouter, on aurait presque tendance à croire qu’après un peu moins d’une année de débats particulièrement intenses sur la question des droits de scolarité, la rectrice de McGill n’a toujours pas compris que l’action des étudiants n’a jamais été autre chose qu’une tentative de se réapproprier l’éducation, non par mépris des institutions mais par amour de la connaissance. Un peu de bonne volonté, Madame la Principale. x

Société

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Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com

THÉÂTRE

Parlons vagin V-Day le crie toujours plus fort

Fanny Devaux Le Délit

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’organisation V-Day propose son annuelle représentation des Monologues du vagin à McGill. Dirigé par Rachael Benjamin, ce spectacle célèbre la sexualité féminine dans son mystère et sa complexité. Les Monologues du vagin est une pièce de théâtre d’Eve Ensler, créée en 1996 et qui connut un grand succès à Broadway, puis dans le monde entier. Cette pièce est considérée comme un pilier du féminisme. À ce jour, elle a été traduite en 46 langues et interprétée dans plus de cent trente pays. L’écriture de ces monologues s’est faite après plus de 200 entretiens

avec des femmes de tous les milieux. Ils font appel aux expériences, fantasmes et souvenirs liés à la sexualité. Le but est que le spectateur ne regarde jamais plus le corps d’une femme de la même façon ni ne pense au sexe comme avant. Leacock 132, un milieu stéril La directrice de la pièce, Rachael Benjamin, en entretien avec Le Délit confie que «la salle est toujours un défi. On veut un grand espace pour pouvoir accueillir le plus de gens possible, mais ça veut aussi dire un endroit stérile et zéro intimité». Elle rajoute qu’il n’est «pas aisé de faciliter la discussion et de mettre à l’aise le spectateur». Alors, cette année, l’équipe des Monologues du vagin a

Crédit photo: Charlotte Delon

décidé de jouer la carte de l’originalité: elle veut créer une ambiance salon sur les planches de Leacock 132. Des lampes, beaucoup de lampes, des canapés ou les comédiennes s’affaissent, et où l’on se retrouve chez soi. Madame Benjamin précise «qu’en soi, l’idée n’a rien de révolutionnaire, mais ça n’avait pas encore été fait à McGill». Cette pièce de théâtre prend la forme d’une succession de témoignages poignants. En tout, on compte dix monologues pour dix comédiennes. Elles abordent presque chaque sujet, des poils pubiens à l’orgasme en passant par le viol. Entre chaque passage, le spectateur se prépare à changer de registre avec une introduction donnée par une des comé-

Crédit photo: Charlotte Delon

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Arts & Culture

diennes. Transition quelque peu abrupte, qui rappelle au spectateur la réalité, mais nécessaire tant les styles sont différents. Les transitions rappellent au spectateur qu’il n’est pas là pour assister à une performance, mais pour apprendre: la portée éducative des Monologues du vagin n’est jamais loin. Le tout donne une pièce chargée d’émotion: on pleure, on rit aux éclats, on sourit de gêne. Un casting inégal Le Délit a assisté à l’une des dernières répétitions du spectacle. Celle-ci se déroule dans un salon. La directrice de production nous explique qu’elle veut que les comédiennes s’imprègnent de l’ambiance confortable et intime de ce lieu et qu’elles transmettent cet état d’esprit lors de la représentation. Les monologues sont presque maîtrisés et l’émotion est là. Si les transitions sont à parfaire et qu’il manque encore un peu de travail de mémoire, l’enthousiasme est omniprésent sur scène. Les dix comédiennes dansent, chantent, s’étirent: elles forment dorénavant une petite famille, une communauté rassemblée par la volonté de s’engager. La directrice n’a pas l’air de savoir ce qu’elle veut à une semaine du spectacle. Le dernier monologue sera-t-il fait avec toutes les comédiennes sur scène ou juste certaines? À vous de le découvrir cette fin de semaine. La diversité est aussi présente dans le casting. Nicole Rainteau interprète le sketch du viol de façon tellement émouvante qu’elle pousse le jeu jusqu’aux larmes. Georgia Peach et Lucile Smith sont, elles, pleines d’energie. En revanche, certaines interprétations manquent un peu d’énergie. Cela n’augure rien de bon pour les représentations dans une salle comme Leacock 132. Seront-elles capables de relever ce défi?

x le délit · le mardi 12 février 2012 · delitfrancais.com


Un engagement à la fois individuel et collectif Le spectacle, tout comme son action, est à la fois personnel et collectif. En effet la participation à la pièce témoigne d’un engagement personnel: les dix participantes n’ont pas toutes de l’expérience sur scène et chacune a ses raisons particulières de participer à la pièce. Ruth Pytka-Jones nous confie qu’elle participe pour sa mère, qui avait joué dans cette pièce des années avant elle. Malek Yalaoui, 28 ans, confie qu’elle y avait assisté alors qu’elle était étudiante: «Quand je l’ai vue, je me suis dit: il faut que je participe à ça un jour, et voilà! Quelques années plus tard, je le fais!» Elle ajoute que «c’est la puissance et la force que les femmes transpirent dans ce spectacle qui m’avait impressionné à l’époque, et qui m’impressionne toujours». Au-delà de cette perspective personnelle, chacune connaît la portée internationale de la pièce. Et pour les spectateurs qui l’auraient oublié, le dernier monologue «Un milliard se soulève» vient le rappeler.

Crédit photo: Charlotte Delon

BRÈVE

Ménage à McLennan La collection de référence amenée à disparaître

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’est avec étonnement que nous apprenions ce lundi 11 février au matin, que des changements sont en cours à la bibliothèque McLennan: à l’initiative de la doyenne Colleen Cook, la collection de référence sera progressivement retirée des rayons. Ceci s’effectue sans aucune consultation ni des bibliothécaires ni des professeurs ou des étudiants; l’information a été découverte et révélée par l’un des professeurs du Département d’Anglais. Le principal argument invoqué pour justifier cette suppression est la présence de tous ces textes sur Internet; or, outre le fait que cela s’avère être faux, les textes en version papier sont extrêmement utiles aux étudiants, notamment aux étudiants en Maîtrise et en Doctorat, qui ont besoin d’avoir le meilleur accès possible aux documents nécessaires à leurs travaux. La collection de référence de McLennan contient, entre autres, de nombreux dictionnaires, et son retrait pénaliserait d’autant plus les élèves travaillant dans une langue autre que l’anglais. L’espace gagné par le retrait des rayons de livres permettrait de créer un nouvel espace de travail destiné aux étudiants de premier cycle, mais cet espace semble un bien maigre gain face à la perte de toute une partie de la bibliothèque. L’Association des étudiant(e)s en langue et littérature françaises inscrit(e)s aux études supérieures (ADELFIES), apprenant cette nouvelle, a rapidement réagi et a envoyé dès lundi matin un courriel à Colleen Cook pour demander l’arrêt immédiat du processus. Renaud Roussel, représentant de l’ADELFIES à l’Association étudiante des cycles supérieurs de l’Université McGill (AÉCSUM) et rédacteur du courriel à la doyenne, se dit «à la fois surpris et horrifié» de la nouvelle. Il met en avant les nombreuses pannes informatiques susceptibles de priver les étudiants de leurs outils de recherche, et déplore surtout le manque de consultation des membres de la communauté mcgilloise avant de mettre en place le projet. La question doit être débattue lors de la prochaine assemblée générale de l’AECSUM qui se tiendra mercredi le 13 février. Le Délit suivra l’affaire à jour dans le prochain numéro. x

x le délit · le mardi 12 février 2013 · delitfrancais.com

Une actualisation constante Si Les Monologues du vagin fonctionnent depuis si longtemps c’est qu’une partie du spectacle est actualisée chaque année, en fonction des événements les plus récents du combat des femmes. En 2013, les scripts ont rajouté un monologue décriant les scènes de violences sexuelles qui ont lieu en Inde. Le 29 décembre 2012, une jeune femme victime d’un viol collectif décédait. Les médias ont partagé cette histoire qui avait choqué l’Inde et provoqué de grandes manifestations. La jeune femme, dont on ignore le nom, et qui a été surnommée «la fille de l’Inde» est maintenant considérée comme un emblème de la violence faite aux femmes. Le premier ministre, Manmohan Singh, a reconnu que les violences contre les femmes étaient «un problème» important en Inde où près de 90% des 256 329 crimes violents enregistrés en 2011 ont une ou des femmes pour victime(s), selon les chiffres officiels. Le premier ministre s’est engagé à mieux protéger les femmes

contre les crimes sexuels et a souhaité des peines plus sévères pour leurs auteurs. Le monologue qu’Eve Ensler a rédigé à propos de cette affaire est à la hauteur des événements: triste, touchant, bouleversant. Les comédiennes se tiennent par la main, les yeux fermés et lancent leur ligne, les unes après les autres dans un ordre aléatoire. Comme des boulets de canon, les phrases ainsi scandées viennent blesser le spectateur, lui rappeler la violence des actes décrits. Un chapitre mcgillois de V-Day international Le spectacle a été donné partout dans le monde. McGill organise une représentation annuelle depuis 2001. Ce spectacle est aussi à l’origine de V-Day, une journée pour arrêter la violence contre les femmes et les filles. D’ailleurs, tous les profits sont remis à deux associations antiviolence: Head & Hands et Women Aware. V-Day fonctionne au travers de campagnes, de bénévoles locaux et d’étudiants qui montent le spectacle. Selon leur site officiel, V-Day a rassemblé plus de 5 800 événements à travers le monde, éduquant les hommes et les femmes, un par un. Le chapitre de V-Day à McGill est une organisation du campus qui est un relai de V-Day international. Dans l’esprit d’Eve Enseler, l’objectif est d’augmenter la prise de conscience de chacun et de rappeler que la violence faite aux femmes existe. Le chapitre a été créé à la fin 2002 par Queer McGill. Depuis sa création, le groupe revendique plus de 130 000 dollars de bénéfice reversés à des organisations montréalaises. Ces levées de fonds servent aussi à financer la pièce de théâtre ou d’autres activités comme des ateliers d’auto-défense. x Les Monologues du vagin Où: Leacock 132 Quand: du 14 au 16 février Combien: 10 dollars

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rec@delitfrancais.com avant le 10 mars 2013 Des élections auront lieu le 13 mars 2013 Arts & Culture

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OPINION

Neuilly sa mére Petites histoires de grands vandales Thomas Simonneau Le Délit

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heures de garde à vue pour avoir tagué un mur bien vilain près de la gare de la ville où j’habitais. Mon ami et moi n’en revenions pas: nous, deux adolescents de seize ans à la mèche impeccable, polo Ralph Lauren sur les épaules, étions désormais

ex-taulards classés dans les fichiers de la Police nationale. En sortant j’avais presque envie de dire au capitaine qu’il y a une légère différence entre une bombe de peinture et une bombe nucléaire. À travers cette petite anecdote, j’aimerais attirer votre attention sur le débat incessant concernant la légalité du graffiti, les limites que l’on se doit d’imposer à ce genre d’expression

artistique et celles qui, selon moi, n’ont pas lieu d’être. Effectivement, quand on sait que la ville de Montréal dépense plus de quatre millions de dollars par an pour le nettoyage de graffiti, deux questions se posent: ce nettoyage en vaut-il vraiment la peine? Que pourrait-on faire avec cet argent à la place? À la première, je dis oui. Je peux vous assurer que si rien n’était fait, la ville serait couverte de

Illustration: Romain Hainaut

coups de marqueur et qu’il serait difficile d’y voir clair. Sans oublier les particuliers qui voient leur garage vandalisé. Cependant, certains nettoyages opérés sur des murs délabrés ou sur de superbes fresques me désolent. J’ai notamment en tête une magnifique machine à sous tagguée dans un hangar de notre métropole et datant de 1991 qui vient d’être «toyée» [repeinte NDLR]. C’était un bijou, c’était une merveille. Et encore, Montréal est loin d’être un enfer en ce domaine. La ville de Paris fait preuve d’une véritable obsession en la matière pour essayer de décourager de futurs graffeurs. À la seconde question, je me disais qu’il pourrait être intéressant de payer de bons street artists pour recouvrir des tags sans intérêt ou embellir de grands murs en béton immondes. Idéaliste, me direzvous? Peut-être. Mais ce genre d’artiste n’est pas connu pour rouler sur l’or et «il faut combattre le mal par le mal». Pour terminer, je dois dire que les mesures légales prises concernant le graffiti me dépassent un peu. Le montant des amendes est généralement exorbitant et beaucoup de graffeurs se voient ouvrir un casier judiciaire, ne serait-ce qu’après quelques tags illégaux. En ce qui me concerne, j’en suis sorti indemne, car le mur que nous avions peint appartenait à une enseignante en arts plastiques qui a décidé de ne pas porter plainte, malgré l’insistance - à mon goût vicieuse - des policiers. Bien que cela se limite à un cas particulier, j’ai entendu des histoires bien pires concernant le traitement réservé aux graffeurs et la proportion démesurée entre leurs méfaits et les conséquences judiciaires. x

ARTS DE LA SCÈNE

Le talent imaginaire La soirée tant attendue de This is Talent déçoit Anselme Le Texier Le Délit

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ous proposions dans l’édition du Délit de la semaine passée un article sur le concours de talents montréalais This is Talent, créé par Josh Sevy il y a deux ans. L’enthousiasme des organisateurs, des jurés et des participants n’y trompait pas: l’événement promettait d’être un spectacle à couper le souffle. C’est avec déception que nous sommes sortis du Club Soda samedi soir, après une soirée colorée. La logistique, les participants, la foule et les talents, tout était loin du sans faute. Les portes s’ouvrent à guichet fermé, preuve de la popularité grandissante du concours, et la soirée débute rapidement dans une salle comble, jeune et bruyante. Malgré les problèmes de micro qu’on pardonne rapidement, et un système de son qui laisse à désirer (on aperçoit l’ingénieur du son, au fond de la salle, se démêler avec les boutons),

les candidats au titre de meilleur talent émergeant montréalais se succèdent sur scène. On voit d’abord beaucoup de chanteurs en herbe, quelques danseurs, des rappeurs, un magicien, quelques groupes. La programmation est alléchante. Cependant, l’un après l’autre, les piètres chanteurs se succèdent. L’indulgence dont on doit faire preuve face à des jeunes artistes qui manquent de pratique et de formation laisse vite place à l’incompréhension: comment un jury de professionnels (un styliste, une musicienne, un gérant de contrat) a-t-il pu sélectionner de tels candidats? Il faut rappeler que le concours est ouvert aux moins de 21 ans, et qu’on doit s’attendre à trouver des artistes qui ne maîtrisent pas tout à fait leur art; mais il est étonnant de voir que les jeunes Montréalais qu’on voit jouer dans les bars du centre-ville et qu’on adule n’étaient pas au rendez-vous. L’événement aux allures de super-

production bénéficiait du soutien de nombreux sponsors, notamment CTV et The Gazette, qui ont participé à la publicisation du programme. Certains des candidats sont même accompagnés par les danseurs d’un studio de danse dont la directrice, se vante-t-on, danse pour Kesha. Le cadre du Club Soda ne fait qu’ajouter au décorum. La salle qui accueille parmi les plus grands événements de la métropole offre une scène particulièrement impressionnante. S’arrêter là serait ne pas rendre justice aux quelques jeunes talents qui se sont glissés sur scène. Une ou deux danseuses qui semblent avoir dansé toute leur vie, une ou deux voix qui sortent de l’ordinaire, un contrebassiste. Après trois heures de numéros qui s’enchaînent à un rythme effréné, les artistes les plus prometteurs sont occultés par les plus bruyants. L’organisation n’a pas précisé si le concours serait bien déplacé à Toronto l’année prochaine. x Illustration: Camille Chabrol

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Arts & Culture

x le délit · le mardi 12 février 2013 · delitfrancais.com


FRANÇAIS FACILE

Sourires en perspective! Humour et simplicité font bon ménage dans l’intégrale de Boris de Rémy Simard. Annick Lavogiez Le Délit

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’est depuis 2007 que Rémi Simard, originaire de Roberval, publie les histoires du petit Boris aux Éditions de la Pastèque. Avant cela, il les publiait dans La Presse et Le Quotidien. Ainsi, cela

fait plusieurs années que Simard raconte les aventures simples, touchantes et drôles de ce très jeune garçon qui ne sait pas encore marcher. Boris n’est peut-être qu’un poupon, mais il a une conscience bien éveillée et plusieurs passions particulières. Il aime entre autres débouler dans l’escalier et imaginer sa vie quand il sera

gracieuseté de La Pastèque

plus grand, toujours porteur d’un humour charmant. Il aime les femmes qui sont pour lui d’intarrissables bars à lait et son bonhomme de neige qui ne fond jamais et adore les bains chauds. Il aime aussi Paulette, sa fleur carnivore qui déteste les végétarien… Il affronte quotidiennement Édith, sa sœur qui a beaucoup de difficultés avec les règles et qui, avec son humour grinçant, n’hésite jamais à lui jouer des mauvais tours. Boris, c’est donc l’histoire d’un petit homme qui deviendra grand très vite. Observateur du monde qui l’entoure, Boris ne parle pas, mais écoute beaucoup et n’hésite pas à s’interroger sur les grands mystères de la vie d’adulte, notamment les impôts, le travail et les vacances. Son sens critique, sa capacité à remettre les choses en question et sa perspicacité en font un très sympathique personnage qui ne manquera pas de vous faire sourire. Boris est peut-être un bambin comme les autres, mais cette bande dessinée, elle, est unique. Le format en strip de trois cases donne l’impression qu’on peut lire une page de temps en temps, mais c’est réellement impossible. Une fois entré dans le livre, le lecteur embarque complètement dans un univers dont il est difficile de se détacher tellement il est décalé, mais juste, drôle es réaliste. L’équilibre est parfait entre les blagues pinçantes et touchantes, les belles trouvailles et les quelques blagues et jeux de mots plus classiques. Le tout est parfaitement servi par un dessin minimaliste et amusant. Ainsi, c’est un album en bichromie au style un peu rétro qui se dévore, se feuillette, se prête et se relit avec un énorme sourire que nous offre ici Rémy Simard. C’est drôle et rafraîchissant, sans conteste une œuvre à ne pas manquer. x

VOCABULAIRE: Faire bon ménage: to get on well Originaire: native Touchant: touching Poupon: baby Débouler: to fal head over heels Intarrissable: inexhaustible Fondre: to melt Carnivore: flesh-eating Quotidiennement: daily Impôt: tax Perspicacité: shrewdness Bambin: child Minimaliste: minimalist Bichromie: duotone Feuilleter: to flip through Sans conteste: indisputably

Calendrier Culturel MacBeth, de William Shakespeare Players’ Theater Mise en scène de Martin Law 20-23 et 27-28 février, 1-2 mars à 20h 6$

Désordre public, d’E. de la Chenelière Théâtre de l’Université de Montréal Mise en scène par Laurent Trudel UDeM – Centre d’Essai 15 et 16 février à 20h, 17 février à 14h 7 à 15$

Concerts professionnels Schulich I. Polataev, K. Hashimoto et S. Laimon Oeuvres pour piano de Brahms, Ravel 17 février à 19h30 10$ à 15$

Philopolis Conférences des universités McGill, UQAM et Concordia Nombreux événements Du 15 au 17 février

Récital du gagnant du Prix Violon d’or Baptiste Rodrigues Salle Tanna Schulich 17 février à 16h Gratuit

Solo Snow, de Michael Snow Exposition photo et video Galerie de l’UQAM Jusqu’au 16 février Gratuit

x le délit · le mardi 13 février 2013 · delitfrancais.com

Fluide, de Harold Rhéaume Danse contemporaine Agora de la danse Du 20 au 22 février à 20h 20$ Mi Otro Yo avec Luis et Miguel Córdoba Cirque TOHU Du 5 au 10 mars 36$ Kanaval, de Leah Gordon Exposition photo Centre PHI Du 25 février au 27 avril Gratuit

Arts & Culture

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Mona Lisa, un ornement frontale Crédit photo: Camille Chabrol | Le Délit

EXPOSITION

Art et histoire Le Pérou est à l’affiche au Musée des beaux-arts. Myriam Lahmidi Le Délit

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a nouvelle exposition conçue par le Musée des beaux-arts de Montréal, «Pérou: royaumes du Soleil et de la Lune», rassemble plus de 300 œuvres allant de l’époque précolombienne aux artistes du 20e siècle. L’identité et la spiritualité des différentes civilisations ayant habité le Pérou sont au cœur de cette exposition qui couvre plus de 3 000 ans d’histoire. «Pérou: royaumes du Soleil et de la Lune» retrace l’histoire du Pérou. La visite débute par la découverte des fouilles archéologiques du XIXe siècle, qui donne l’occasion aux visiteurs de se prendre pour de petits Indiana Jones explorant le Machu Picchu. Cette introduction est efficace, puisque sont ensuite exposées des quantités phénoménales de parures, de bouteilles et d’ornements datant de la période précolombienne. Tous ces objets, qu’ils aient une fonction dans la vie de tous les jours ou lors des rites funéraires, sont intimement liés à la spiritualité des civilisations andines. En effet, que ce soit au niveau de la sexualité, des sacrifices faits aux dieux, ou de ce que les rois emportent dans leur tombe, les

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Arts & Culture

objets récoltés par le Musée des beauxarts illustrent la croyance en la complémentarité des différents aspects du monde observable: or et argent, soleil et lune, homme et femme. Après la spiritualité représentée par les’objets, l’art de la période coloniale contraste de façon presque violente avec les œuvres qui l’ont précédé. Les Européens apportent avec eux le catholicisme, et nous sommes maintenant face à des représentations de Jésus et de saints. Ce changement radical illustre le choc de la colonisation et tous les changements qui s’en suivent. Quand on arrive enfin au 20e siècle et à l’indigénisme, courant artistique qui veut revaloriser l’héritage indigène, la boucle est bouclée. Même si les tableaux ne sont pas directement liés aux objets datant d’avant la colonisation, on retrouve cette identité qui semblait avoir disparue. La force de l’exposition réside dans son approche chronologique, qui, lorsqu’elle se termine avec l’indigénisme péruvien, permet d’observer l’évolution et les changements d’une identité collective à travers l’art. En reconnaissant leur passé, les artistes péruviens du XXe siècle participent à la création de

l’identité moderne du Pérou, processus qui a commencé il y a plus de 3 000 ans. Le clou de l’exposition est l’illustre Mona Lisa du Pérou (voir la photo cihaut), qui est en réalité bien loin de l’œuvre de Léonard de Vinci. Ce terrifiant ornement Mochica (100-800 après J.C.) en or est bien plus qu’une relique d’avant la colonisation: il est le symbole de la lutte au trafic d’œuvres d’art. Restituée au Pérou en 2006, la «Joconde» péruvienne avait été volée dix-huit ans auparavant sur un site archéologique au nord du pays. Retrouvée par Scotland Yard à Londres, l’œuvre Mochica fait son premier voyage à l’extérieur du pays pour l’exposition du Musée des beaux-arts. Ainsi, le Musée ne se contente pas de retracer l’histoire du Pérou à travers ses objets d’arts. Il remet aussi en question la légitimité des fouilles archéologiques et de la muséologie. x

Détail d’un fouet de danse Crédit photo: Camille Chabrol | Le Délit

Pérou: Royaumes du Soleil et de la Lune Où: Musée des beaux-arts de Montréal Quand: du 2 février au 16 juin Combien: 12 dollars

Masque funéraire Crédit photo: Camille Chabrol | Le Délit

x le délit · le mardi 12 février 2013 · delitfrancais.com


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