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Le mardi 05 février 2013 | Volume 102 Numéro 14
Analysons le protocole depuis 1977
Volume 102 Numéro 14
Éditorial
Le seul journal francophone de l’Université McGill
rec@delitfrancais.com
Le Délit survit Nicolas Quiazua Le Délit
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ous sommes de retour sur les stands cette semaine après une importante victoire référendaire qui permet au Délit et au Daily de continuer à collecter les frais afférents de six dollars par session. Le conseil de rédaction du Délit tient à remercier tous ceux d’entre vous qui ont pris le temps de voter, et offre un remerciement spécialement chaleureux à ceux qui se sont prononcés en faveur de l’existence d’une presse étudiante critique et indépendante. Le protocole d’entente entre l’université et la Société des Publications du Daily expire tous les cinq ans, obligeant la SPD à obtenir une majorité de soutien pour le renouveler. Ce système a été mis en place en 2006 pour tous les groupes indépendents sur le campus tel que CKUT, QPIRG et McGill legal clinic. Se voulant une expression démocratique du soutien des étudiants, ces exercices référendaires imposés par l’administration représentent un danger pour ces groupes, dont l’indépendance permet et encourage une approche critique envers les pouvoirs autrement déséquilibrés. La liberté de la presse est compromise par le souci de devoir tenir des élections en permanence, la transformant plus en un parti politique cherchant davantage à faire plaisir à ses lecteurs qu’à informer ou à contrebalancer les pouvoirs en place. Une presse indépendante ne constitue pas un instrument visant à faire consensus au sein de ses lecteurs, mais sert plutôt a faire contrepoids aux institutions et individus au pouvoir - entre-autres l’administration ou les étudiants politiciens de l’AÉUM. Au cours du référendum, la SPD a dû se présenter devant le conseil législatif de l’AÉUM afin de faire valoir son importance et recevoir le soutien de l’Asso-
ciation, sous forme d’une déclaration d’appui au vote «oui». La motion a passé, avec 21 des 27 conseillers présents qui ont voté pour — et on leur en remercie. Ceci dit, il n’est pas sain qu’une presse indépendante ait besoin de se présenter, tous les cinq ans, devant les mêmes personnes dont elle a la charge de scrutiner le travail, afin de demander leur soutien. En tant que source d’information, il est important d’avoir la possibilité de critiquer le travail de nos représentants sans avoir peur des conséquences. De plus, il existe déjà des processus en place pour faire en sorte que la presse étudiante soit responsable. Que ce soit par la possibilité des membres de la SPD de proposer une question référendaire, l’option d’agir en tant qu’un des six directeurs représentant du corps étudiant dans le conseil d’administration ou par l’option de participer et de voter lors des Assemblées Générales Annuelles ouvertes à tous les membres. De plus, la SPD possède un système judiciaire indépendant et impartial et un code de déontologie régissant les pratiques de ses journalistes. Des référendums à dates fixes constituent un gaspillage de ressources et de personnels qui pourraient être mieux utilisés en vue du service que nous offrons aux étudiants et pour lequel nous avons reçu un appui incontestable lors des deux derniers référendums (80,6% et 76,17%). Éditeurs, collaborateurs et étudiants en général, en tout, ce sont plus de cent personnes qui se sont impliquées bénévolement dans le comité du «oui» de la SPD, quand ils auraient pu dépenser cette énergie à produire le service pour lequel les étudiants paient. S’il est vrai qu’on définit souvent la démocratie par le droit de vote, une presse indépendante est un véhicule indispensable à la libre expression, et un élément indissociable de ladite démocratie. x
rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédacteur en chef rec@delitfrancais.com Nicolas Quiazua Actualités actualites@delitfrancais.com Secrétaires de rédaction Théo Bourgery Stéphanie Fillion Mathilde Michaud Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section Anselme Le Texier Secrétaire de rédaction Anne Pouzargues Société societe@delitfrancais.com Fanny Devaux Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Samuel Sigere Coordonnatrice visuel visuel@delitfrancais.com Camille Chabrol Infographie infographie@delitfrancais.com Vacant Coordonnatrice de la correction correction@delitfrancais.com Myriam Lahmidi Coordonnateur Web web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Collaboration Louis Baudoin-Laarman, Brent Callis, Pierre Chauvin, Virginie Daigle, Margot Fortin, Marie-Catherine Gagnon, Lola de la Hosseraye, Emily Murdock, Lily Schwarzbaum, Thomas Simonneau, Robert Smith, Alexandra Nadeau, Lindsay P. Cameron, Pierrick Rouat Couverture Camille Chabrol
bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Queen Arsem-O’Malley
Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Nicolas Quiazua, Sheehan Moore, Erin Hudson, Mike Lee-Murphy, Matthew Milne, Joan Moses, Farid Muttalib, Shannon Pauls, Boris Shedov, Queen Arsem-O’Malley, Rebecca Katzman, Anselme Le Texier
L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.
Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec). Le Délit est fondateur et ancien membre de la Canadian University Press (CUP) et membre fondateur du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).
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x le délit · le mardi 5 février 2013· delitfrancais.com
Actualités actualites@delitfrancais.com
CAMPUS
Deux protocoles McGill dévoile son énoncé sur la liberté d’expression et ses procédures opérationnelles Crédit photo : Lindsay Cameron
Nicolas Quiazua Stéphanie Fillion Le Délit
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a direction de l’Université McGill a présenté, plus tôt aujourd’hui, la conclusion des consultations ayant duré plusieurs mois à propos du protocole provisoire sur les assemblées pacifiques. Le document se sépare finalement en deux parties distinctes: un énoncé de valeurs sur la liberté d’expression et de réunion pacifique, et des procédures opérationnelles concernant ce type d’événement. Un courriel envoyé par le vice-président (administration et finances) de l’université, Michael Di Grappa et Anthony C. Masi, vice-président exécutif, stipule que: «Nous avons constaté que le préambule du protocole proposé avait été généralement bien reçu et que McGill bénéficierait davantage de la mise en place de deux documents distincts». L’énoncé des «valeurs et principes» devrait, selon M. Di Grappa, offrir un contexte large à partir duquel l’Université pourra faire une interprétation de situations diverses, alors que le document des procédures opérationelles servira de guide d’intervention pour le service de sécurité du campus et les officiers disciplinaires. Ce qui diffère des procédures opérationelles de l’ancienne ébauche du protocole, explique le viceprésident administration et finances ne sont «pas tant dans les circonstances que dans les réponses qui sont jugées appropriées». L’appel aux forces policières serait approprié, selon les nouvelles procédures opérationnelles, entre autres si les manifestants refusent de se soumettre aux instructions du personnel de
sécurité, concernant la réduction du bruit, l’identification personnelle ou encore la demande de se disperser, si nécessaire. Le document ne spécifie pas de quelle façon ou qui sera en charge de mesurer l ‘«intensité», l’«intentionalité» et la «durée» des actions, critères qui détermineront les formes acceptables de manifestation. Pour Jonathan Mooney président de l’AÉCSUM, en entrevue avec Le Délit, «ces procédures placent encore trop de pouvoir dans les mains du personnel de sécurité de l’Université McGill, avec peu de supervision ou de responsabilité, et
a changé de nom, mais le contenu est resté le même: «La position du syndicat reste la même qu’elle a toujours été depuis février dernier», a-t-elle commenté, en entrevue avec Le Délit: «Les syndicats de McGill et nos alliés croient que le seul document qui doit régir la conduite des membres de notre communauté est la Charte québécoise des droits de l’homme et des libertés». Le document envoyé par l’administration lundi dernier représente donc un hybride du protocole adopté il y a environ un an et débute une «nouvelle phase du processus de consultation». Ainsi, la direction
Crédit photo: Lindsay Cameron
un vague sentiment de la façon dont ils doivent prendre des décisions». Le document considère comme «forme acceptable de contestation» toute «manifestation silencieuse ou symbolique. Jonathan Mooney pense que les deux documents «laissent peu de place à la perturbation ou aux occupations et, par conséquent, négligent une longue histoire d’actions directes nonviolentes». Pour Lillian Radovac, présidente de l’Association des étudiantes et étudiants diplômé(e)s employé(e)s de McGill, le protocole
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de l’établissement invite les étudiants à faire part de leurs commentaires sur les nouveaux documents émis. Les élèves pourront donner leur point de vue par le biais du blog du nouvel énoncé de valeurs ainsi que lors de rencontres se déroulant sur le campus du centre-ville et MacDonald. Ces consultations auront lieu les 13 et 20 février prochains. Ce même processus de consultation dont fait usage l’université depuis la présentation du protocole provisoire a été critiqué par le passé. «On ne considère pas comme
valide les processus de consultation qui ont été enclenchés en vue de rendre le protocole [provisoire] permanent», affirme Mme Radovac. L’administration et M. DiGrappa restent convaincus de leur approche «plus que suffisante pour fournir un forum pour l’expression d’opinions par des membres de la communauté de McGill». Mme Radovac ajoute qu’il y a encore moins de raisons de croire que le processus de consultation sera différent. En effet, seul le nouvel énoncé des valeurs de l’université sera étudié par le Sénat le 20 mars prochain, suivi par le conseil des gouverneurs, à la fin avril. DiGrappa affirme au Délit que la question des procédure operationelles et ses enjeux ont été communiqués au Conseil des gouverneurs, mais «il n’est pas approprié que le Sénat ou le Conseil [les] approuve». En effet les deux plus hautes instances décisionelles de l’université ne s’occupent que rarement des questions opérationelles ou administratives, mais selon les réglementations des comités du Conseil, «les membres de l’administration devraient toutefois présenter [ces questions] qui soulèvent des enjeux d’une sensibilité particuliere ou un risque à l’attention du comité du Conseil concerné ou au Conseil lui-même». Kevin Withaker, président de MUNACA affirme, en entrevue au Délit, que la raison même de la division du protocole en deux parties est de faire passer ce dernier sans avoir besoin de passer par ces instances. Il conclut en exprimant une inquiétude par rapport à l’expansion de ces mesures vers d’autres
universités «au point où les étudiants auront plus de droits en traversant la rue que sur leur propre campus». Le débat sur le protocole étudiant a été enclenché en novembre 2011, alors que quelques étudiants, suite à une manifestation, ont pénétré dans le bâtiment James. Les manifestants se sont ensuite rendus jusqu’au bureau de la principale de l’université, Heather MonroeBloom, absente à ce moment. C’est alors que l’escouade anti-émeute de la ville a été contactée. Un protocole provisoire a ensuite été adopté par l’université concernant les démarches à faire si un événement de la sorte se reproduisait. Pour étudier le protocole nécessaire à adopter lors d’une manifestation, le professeur Christopher Manfredi a été nommé par MonroeBloom, et plusieurs consultations ont eu lieu. Le professeur a émis son rapport en octobre dernier, stipulant, entre autres, qu’une révision du Code de conduite de l’étudiant était nécessaire. Ces modifications devaient avoir lieu le 31 janvier dernier, mais suite à de fortes contestations et préoccupations de la part des étudiants et même de l’Association Canadienne des Libertés Civiles (ACLC) du Québec, l’université a décidé de changer certaines lignes du code: «Nous avons reçu des commentaires de l’ACLD, tout comme de groupes d’individus. Nous ne leur avons pas répondu, mais avons utilisé ces critiques pour changer notre approche». Le protocole provisoire, lui, reste en vigueur jusqu’a l’adoption du plus récent. x
Actualités
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CAMPUS
L’AÉUM veut l’avis des étudiants L’association veut faire des changements considérables dans son bâtiment. Théo Bourgery Le Délit
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e sommet sur l’usage optimal de l’espace a eu lieu vendredi dernier dans le bâtiment de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM). Une réunion marquée par le désir des étudiants d’être impliqués dans la création d’un nouveau café géré par les élèves. Si 60 personnes étaient attendues par les responsables de l’association, aussi organisateurs de la conférence, seule une demi-douzaine se sont présentées dans la sale Madeleine Parent. Le but de l’événement, qui n’est que la première d’une série d’événements dans les semaines et mois à venir, selon le président de l’AÉUM Josh Redel: «C’est avant tout de savoir ce que les étudiants veulent vraiment pour le bâtiment Shatner». En effet, les dernières années ont vu un renouveau d’initiatives de la part des responsables de l’association: «Nous cherchons à moderniser l’endroit selon les choix des étudiants», explique le président de l’association. La réunion, qui est devenue un centre de discussion, a commencé par une mise en contexte historique: la création de l’association et du bâtiment, qui date de 1964, le prix du loyer payé à McGill (qui a changé d’un symbolique 1 dollar à 200 000 dollars en 1999) et enfin les proportions que représentent les restaurants, les emplacements dédiés au travail et autres dans le bâtiment
ont été présentés. Ainsi a-t-on appris que 23% du Shatner est occupé par différents clubs étudiants, tandis que Gerts prend, à lui seul, 8% de l’espace total. S’en s’est suivi un débat sur le rôle de la nourriture dans le bâtiment: y a-t-il trop de restaurants, ou pas assez? Faudrait-il soutenir l’initiative d’un bar 100% étudiant? La première proposition vient d’une élève en dernière année et employée à Organic Campus, qui souhaite voir disparaître les franchises présentes comme La Prep, pour plutôt ouvrir une coopérative où «la structure ne serait contrôlée que par les étudiants». Une participante a suggéré d’ouvrir un magasin de victuailles; l’idée serait de travailler main dans la main avec l’association Farmers’ market, qui vise à «apporter au campus de la ville des fruits et légumes frais et organiques», selon leur blog officiel, pour fournir à tous de la nourriture saine à bas prix. Le thème qui semble donc se répéter à travers les suggestions de divers étudiants est la création d’un endroit dédié à ces derniers, dans tous les sens du terme: ils seraient clients et responsables. Cela va de pair avec l’objectif de l’AÉUM de faire connaître le bâtiment à une plus grande proportion de la communauté estudiantine. En effet, plusieurs raisons font que peu d’élèves s’y rendent pour déjeuner, travailler ou se reposer. La première, importante, est qu’aucun des restaurants n’est relié
Six personnes étaient présentes lors de la réunion. Crédit photo: Robert Smith
au Meal Plan. Limités dans leurs moyens, beaucoup de jeunes préfèrent se tourner vers les cafétérias de leurs facultés ou résidences. Le seul service «populaire» à même le bâtiment Shatner est Midnight Kitchen, qui fournit de la nourriture contre un pourboire à la discrétion de l’usager. Il s’agit donc de créer un endroit toujours accessible où des plats peu chers et équilibrés seraient offerts. «Cela attirerait beaucoup de monde, c’est sûr», s’exclame un des jeunes présents au sommet. Ainsi, la discussion s’est ensuite concentrée sur l’initiative d’un bar/restaurant/lounge
sous le contrôle unique d’étudiants volontaires. Cette idée date de l’année scolaire dernière, lorsque des groupes d’élèves ont été invités à proposer des designs et menus. Depuis les six derniers mois, le rôle de l’AÉUM fut de regarder tous les projets et de sélectionner les plus plausibles. «Un processus qui manque de pragmatisme: maintenant que les idées sont là, il est important de commencer à les mettre sur pied», commente un des responsables. Alors que les idées différaient sur ce que le restaurant devait servir et à quel prix, tous ceux présents se sont mis d’accord sur une chose: il fallait un endroit qui invite à la détente, au calme, «où l’on peut se retrouver en amis, travailler seul ou dormir». Si l’imagination ne manque pas, les contraintes techniques et administratives sont au rendez-vous: il s’agit d’avoir une infrastructure aux normes environnementales et sécuritaires ainsi que financièrement rentable. «Jusqu’à quel degré l’AÉUM devrait-elle être prête à offrir des subventions, et jusqu’à quel degré les étudiants seraient-ils prêts à entreprendre un projet de cette augure?», demande le président. À ce jour, il semble y avoir plus de questions que de réponses concrètes. L’AÉUM vise cependant à organiser plusieurs événements de ce genre dans les mois prochains pour avoir une meilleure idée de l’envie des étudiants et entamer les premières procédures. x
CAMPUS
McGill creuse la tombe du pétrole L’organisme Divest McGill incite l’université à désinvestir dans les combustibles fossiles. Marie-Catherine Gagnon
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e groupe étudiant Divest McGill a organisé, le vendredi 1er février dernier, la sortie de pétitions pour encourager le conseil administratif de l’Université McGill à cesser l’investissement dans les combustibles fossiles et le Plan Nord. Bronwen Tucker, étudiante en troisième année à l’École d’environnement à l’Université McGill, ouvre la rencontre de vendredi dernier par un discours visant à mobiliser la communauté mcgilloise en mettant l’accent sur l’initiative de l’université à investir dans le développement durable. «Il est de notre devoir, en tant qu’université et communauté, d’agir et d’assurer un avenir durable et sain à notre planète», dit Tucker dans son discours. La campagne de Divest McGill, ayant débuté en octobre 2012, a formellement demandé à l’université de réviser ses investissements dans diverses compagnies pétrolières. Divest McGill dénonce les nombreuses injustices sociales engendrées par ces projets pétroliers comme le non-respect des droits des peuples autochtones et l’atteinte à la démocratie et à la science, ainsi que le réchauffement. Lily Schwarzbaum, membre de Divest McGill et l’une des organisatrices du rassemblement, note l’ampleur que le mouvement prend: «Il y a actuellement plus de 200 universités à travers l’Amérique en lien avec l’association 350.org et la Canadian Youth
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Climate Coalition, qui militent avec nous pour la campagne «Fossil Free», visant au désinvestissement des institutions dans les combustibles fossiles». Au Québec, la situation actuelle concernant l’exploitation de combustibles fossiles est au cœur des débats politiques. En effet, la découverte d’une réserve de pétrole de type «sables bitumineux» en Gaspésie par la compagnie Pétrolia et les pressions de la Coalition Avenir Québec pour que le gouvernement québécois s’approprie les pétrolières sur l’île d’Anticosti sont deux événements assez marquants des dernières semaines sur la scène provinciale. De tels investissements feraient que le Québec devienne un important centre d’exploitation pétrolière. Or, Divest McGill s’inquiète de l’impact qu’ont les sables bitumineux et les combustibles fossiles sur l’environnement, détruisant les forêts et accélérant la détérioration des sols, de l’air et de l’eau. Le rassemblement avait pour but principal de déposer les deux pétitions de Divest McGill, qui ont collecté plus de 750 signatures d’étudiants et de membres du personnel de l’Université McGill. La première pétition visait principalement le désinvestissement dans les sables bitumineux et combustibles fossiles, tandis que la seconde visait le retrait des investissements dans les compagnies associées avec le Plan Nord. «[Les pétitions] sont la procédure formelle à adopter pour demander au Conseil
des gouverneurs de faire un mandat de désinvestissement dans les combustibles fossiles. C’est [celui-ci] qui a le dernier mot pour faire pression sur l’administration», souligne Lily Schwarzbaum dans son entrevue avec Le Délit. Ces pétitions ont été officiellement remises à M. Stephen Strople, secrétaire général de l’université, qui les présentera au comité chargé de formuler des recommandations en matière de responsabilité sociale (CAMSR). Ce groupe se rencontre lorsqu’il se trouve devant des pétitions étudiantes rassemblant plus de 300 signatures et ils se doivent de discuter des impacts en matière d’injustice sociale. M. John Limeburner, directeur exécutif des investissements de l’université, souligne dans son entrevue avec Le Délit «qu’il est possible de désinvestir, bien que certains désinvestissements devraient être étalés sur une longue période, et certains sont sujet à une remise en perspective quant à leur valeur pour McGill». Lily Schwarzbaum est optimiste quant à l’impact qu’aura la campagne pour le désinvestissement des universités dans les compagnies pétrolières: «Nous voyons notre initiative comme faisant partie d’un mouvement d’action citoyenne à travers l’Amérique du Nord, et pas seulement au Québec. Nous espérons qu’en présentant ce rapport, CAMSR va recommander au Conseil des gouverneurs de désinvestir [dans les combustibles fossiles]». x
Divest McGill a remis sa pétition Crédit photo: Lindsay C. Cameron
x le délit · le mardi 5 février 2013 · delitfrancais.com
BRÈVE/MONTRÉAL
L’association 1625 frappe Deux étudiants contre la loi sur les associations étudiantes Pierre Chauvin Le Délit
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La politique mcgilloise te fait tourner la tête? Deviens Rédacteur Campus! rec@delitfrancais.com
eux étudiants de l’Université Laval, Laurent Proulx et Miguael Bergeron, ont déposé le 23 janvier dernier une requête à la Cour Supérieure du Québec pour faire annuler certaines dispositions de la loi sur l’accréditation et le financement des associations étudiantes. Cette loi rend obligatoire l’inscription et la cotisation à une association étudiante pour tout étudiant de niveau collégial ou universitaire, et ne permet qu’une seule association étudiante par établissement, soutient Bergeron, parlant de «monopole de représentation» lors d’une entrevue avec Le Délit. Les deux étudiants, qui ont choisi de se représenter eux-mêmes, devront prouver que la loi porte atteinte à leur droit fondamental:
une tâche lourde et complexe. «C’est un dossier éminemment complexe», souligne Louis-Philippe Lampron, professeur de droit à l’Université Laval lors d’une entrevue avec Le Délit. Dans le cas où les deux étudiants arriveraient à prouver une violation de leur droit, le gouvernement devrait démontrer que cette atteinte est justifiée sous la section 1 de la charte des droits et libertés. Celle-ci préconise qu’une telle atteinte doit être «raisonnable et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique». Cette requête concerne aussi les événements du printemps dernier. «Le fait que plusieurs associations étudiantes croient qu’elles ont le droit de grève, nous on croit que c’est peut-être un effet secondaire des dispositions de la loi», affirme Bergeron. Pour Martine Desjardins, présidente de la Fédération Étudiante Universitaire
du Québec (FEUQ), les deux étudiants font fausse route. «Ils ont mal compris les différents éléments parce qu’ils peuvent être remboursés s’ils le demandent. Il y a des formulaires, ce n’est pas très complexe», dit-elle en entrevue avec Le Délit. Desjardins indique d’ailleurs qu’une requête similaire avait échoué en Ontario. Pour Bergeron, cette loi, votée en 1983, avait pour but de faire participer davantage les étudiants qui n’avaient pas de représentation au sein des conseils d’administration des universités. «Malheureusement on croit qu’aujourd’hui cette nécessité n’est plus là, et que ça ne justifie pas une entrave au droit de ne pas s’associer», soutient Bergeron. La requête a été en partie financée par la Fondation 1625, une association à but non lucratif créée en juillet dernier, dont l’objectif était de récolter des fonds pour un recours collectif lancé contre 25 cégeps
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Crédit photo: Lily Schwarzbaum
et universités après la grève étudiante. Laurent Proulx, un des membres fondateurs de cette association, avait obtenu une injonction en avril dernier pour suivre ses cours malgré les votes de grèves. x
DOSSIER
Vers le Sommet
L’éducation
Les forums de consultation populaire: un point de vue citoyen Alexandra Nadeau Le Délit
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nviron cent personnes ont participé au dernier forum citoyen qui s’est déroulé à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), le samedi 2 février. Après quatre rencontres thématiques, quatre forums citoyens et une école d’hiver, cette dernière rencontre clôt les activités préparatoires en vue du Sommet sur l’Éducation qui aura lieu les 25 et 26 février prochains à Montréal. Organisées par l’Institut du Nouveau Monde (INM) et demandées par le ministre de l’Éducation Pierre Duchesne, les animations citoyennes avaient pour but de consulter la population sur les quatre grands thèmes qui seront abordés lors du Sommet: qualité, accessibilité, gouvernance et financement des universités, et contribution des établissements et de la recherche au développement de l’ensemble du Québec. À l’inverse des rencontres thématiques qui réunissaient des partenaires du Sommet (associations étudiantes, syndicats, représentants d’établissement et groupe de gens d’affaire), les forums citoyens ouvraient la porte à quiconque désirait s’exprimer sur l’éducation. Implication des étudiants Dans le cadre des rencontres préSommet, les étudiants ont eu l’occasion de présenter directement leurs idées. Michel Venne, directeur général de l’Institut du Nouveau Monde, explique dans une entrevue avec Le Délit que les associations étudiantes avaient des sièges lors des rencontres préparatoires et que l’École d’hiver de l’INM et les forums ont permis aux jeunes de participer, car il n’y avait pas de limite au nombre d’inscriptions. De plus, le ministère de l’Éducation supérieure a mis à la disposition des internautes un site web où des discussions interactives sur l’éducation ont lieu. «La place [des jeunes] a été faite, la place a été prise», dit M. Venne.
«Lors du Sommet, 31% des sièges seront occupés par des représentants des associations étudiantes» Antoine Genest-Grégoire, président de l’Association étudiante de l’École de Sciences de la gestion de l’UQAM, croit que les forums citoyens ont été accessibles pour les étudiants. Ils se sont, entre autres, déroulés dans divers coins du Québec et pas seulement dans les grands centres. «Dans l’activité où j’étais, j’avais ma place, et je pense que tous les étudiants qui auraient voulu participer l’avaient aussi», dit-il en entrevue avec Le Délit. Lors de la plénière d’ouverture du forum citoyen de Montréal, un étudiant de l’Université d’Ottawa a émis
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un commentaire du fait qu’un nombre insuffisant d’étudiants étaient présents à la rencontre. Le directeur général de l’INM répond qu’il «est vrai qu’il y a peut-être moins de jeunes [que d’acteurs divers du milieu de l’enseignement], mais il y en a, ils prennent la parole et ils amènent des propositions, ils jouent leur rôle. […] Dans chacune des régions, il y en a toujours eu, dans une proportion, si on faisait le calcul, pas si loin de leur proportion dans la population». Lors du Sommet sur l’Éducation, 31% des sièges seront occupés par des représentants des associations étudiantes. Malheureusement, il n’y avait aucune trace d’étudiants de McGill au forum. La totalité des discussions étaient conduites en français, ce qui pourrait expliquer cette absence. Plus de pouvoir aux étudiants À l’UQAM, le forum a débuté avec les présentations de René Côté, vicerecteur à la Vie académique de l’UQAM, et de Cathy Wong, présidente du Forum Jeunesse de l’Île de Montréal (FJIM). Le FJIM est un organisme non partisan qui représente et défend les intérêts des jeunes de 12 à 30 ans de la région de Montréal. En entrevue avec Le Délit, Mme Wong explique que le FJIM mène diverses actions en vue du Sommet. L’organisme propose d’ailleurs trois recommandations: «Considérer la condition économique et l’environnement socioculturel des jeunes comme facteur déterminant de l’accessibilité aux études, favoriser la collaboration entre les universités et réduire la concurrence malsaine entre elles [et] assurer la participation des jeunes à la gouvernance interne des universités». Cathy Wong explique: «Actuellement, seulement 9% des personnes qui siègent sur les conseils d’administration dans les universités sont des jeunes de moins de 35 ans et dans les cégeps, on parle d’environ 15%». Antoine Genest-Grégoire, quant à lui, croit que la situation actuelle fait en sorte que les étudiants qui siègent sur le Conseil d’administration ne sont pas nécessairement représentatifs de toute la communauté étudiante d’une université. «S’il y avait plus de sièges pour les étudiants, il y aurait la possibilité qu’il y ait plus de diversité dans l’ensemble des points de vue des étudiants qui seraient entendus». Selon Jean-Félix Chénier, professeur de politique au Collège de Maisonneuve et animateur d’un atelier lors du forum citoyen, «il faut au moins revenir à l’idée qu’une majorité des Conseils d’Administration (CA) soit composée de gens issus de l’institution. Les administrateurs externes devraient être là, mais pas majoritaires. La difficulté avec les étudiants au sein des CA est qu’ils ne peuvent assurer une continuité et qu’ils sont souvent absents même lorsqu’on leur donne deux sièges... Une façon d’améliorer l’emprise des étudiants sur
l’Administration de leurs institutions serait de leur donner le droit de vote pour choisir leur recteur», dit-il au Délit lors d’une entrevue. Propositions du forum citoyen à Montréal La plénière d’ouverture en grand groupe s’est articulée autour des enjeux reliés aux quatre thèmes du Sommet. Plusieurs suggestions diversifiées ont été exprimées par la foule composée de professeurs, de vice-doyens, d’étudiants, de membres de syndicats et de citoyens. Voici celles qui ont semblé être les plus populaires: éviter de créer des classes avec un trop grand nombre d’étudiants, donner des cours de pédagogie aux professeurs des universités, enlever les barrières économiques qui empêchent les étudiants de se concentrer entièrement sur leurs études tout en s’assurant de ne pas diminuer la qualité de l’enseignement, rendre l’éducation plus accessible pour les autochtones et pour les habitants des régions éloignées du Québec, créer des instances indépendantes pour surveiller la gestion financière des universités et mettre à jour la grille de financement des établissements, qui date de 2002. L’idée que la gratuité scolaire est déjà délaissée par le gouvernement Marois en a fâché plus d’un. Une participante s’est indignée, en disant que dans le rapport Parent
des années 60, la gratuité était l’objectif que devait atteindre le Québec à long terme. «Ça fait 40 ans de cela! Il arrive quand, le long terme?!», a-t-elle lancée.
«L’idée
que la gratuité scolaire est déjà délaissée par le gouvernement Marois en a fâché plus d’un»
Jean-Félix Chénier «[croit] que malheureusement, le gouvernement a déjà son idée de faite sur les frais de scolarité, mais sur les autres sujets, le débat reste à faire. Le ministre semble ouvert à remettre en question le mode de financement actuel et c›est une très bonne nouvelle, car ce mode de financement engendre une course à la clientèle qui favorise des dépenses de publicité, d’immobilier, de campus extraterritoriaux, de programmes qui existent ailleurs, etc., ce qui représente un gaspillage des ressources. L’argent du ministère devrait aller en priorité à l’enseignement et la recherche, pas à toutes sortes de stratégies pour attirer une nouvelle clientèle qui engendre de toute façon un jeu à somme nulle: ce que l’UdeM gagne, l’UQAM le perd ou inversement...», soutient-il. x
Crédit photo: Socialiste Canada/Socialiste Québec
Une dernière rencontre thématique La dernière rencontre thématique avait lieu à Rimouski les 31 janvier et 1er février avec pour thème «La contribution des établissements et de la recherche au développement de l’ensemble du Québec». Le ministre de l’Éducation supérieure Pierre Duchesne a profité de l’occasion pour annoncer en point de presse que des assises nationales se tiendront en avril pour discuter de la rédaction de la politique nationale de la recherche et de l’innovation. «Nous allons rassembler tous les gens de près ou de loin reliés au milieu de la recherche pour discuter, pour participer à un dialogue qui va nous permettre de préciser des priorités, des orientations en vue de [cette politique]», dit-il. Le 31 janvier, quatre experts se sont exprimés sur la question: Marc-Urbain Proulx, Geneviève Tanguay, Denis Faubert accompagné de Gilles Savard, et Renaldo Battista. Au total, neuf contributeurs incluant des associations étudiantes, des syndicats et des organes universitaires, ont participé aux discussions du 1er février. Le document de synthèse de cette dernière rencontre conclut que le Québec doit financer le domaine de la recherche qui a une large portée dans la société. On y conclut aussi que les établissements d’enseignement sont des leviers économiques et sociaux pour leur région. x
x le délit · le mardi 5 février 2013 · delitfrancais.com
au Québec
Gel, modulation ou indexation? Le gouvernement garde ses options ouvertes Louis Baudoin-Laarman Le Délit
L
e Sommet sur l’éducation supérieure qui aura lieu les 25 et 26 février prochains promet d’être mouvementé. Aux propositions déjà existantes sur le chemin à prendre pour le financement des universités au Québec s’ajoute maintenant celle présentée par la Coalition Avenir Québec (CAQ). Entre la gratuité scolaire demandée par l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ), le gel des frais de scolarité prôné par le Parti Québécois et appuyé par les Fédérations Étudiantes Universitaires (FEUQ) et Collégiales (FECQ), ou encore l’indexation des frais de scolarité envisagée par le ministre de l’Éducation supérieure Pierre Duchesne, les choix étaient déjà nombreux. François Legault, président de CAQ a ajouté à ceux-ci sa proposition de modulation des frais de scolarité, lors d’une déclaration la semaine dernière. Qu’est-ce que la modulation? La proposition de modulation des frais de scolarité consiste à balayer le système de tarification unique pour tous les étudiants et le remplacer par des prix qui varieraient selon le programme. Le raisonnement derrière la modulation des frais de scolarité est que certains programmes, notamment ceux qui font de la recherche une priorité, coûtent beaucoup plus cher à financer que d’autres. Par exemple, dans le système actuel de tarification unique, les étudiants en médecine, un programme cher à financer, payent environ 10% du coût de financement de leur programme, tandis que ceux dans d’autres programmes moins
coûteux payent jusqu’à 40% du coût de financement. Le problème de la modulation, selon les associations étudiantes, est qu’elle entrainerait des inégalités dans le système universitaire. Martine Desjardins, présidente de la FEUQ, affirme que: «La modulation crée une iniquité entre divers étudiants» et cite comme exemple qu’«un étudiant de classe moyenne qui est en médecine devrait payer plus alors qu’un étudiant de classe favorisée dans un autre programme comprenant moins de recherches paierait moins».
«La
proposition consiste à balayer le système de tarification unique pour tous les étudiants et le remplacer par des prix qui varieraient selon les programmes»
Paul-Émile Auger, secrétaire général de la Table de Concertation Étudiante du Québec (TaCEQ) - une plate-forme de dialogue destinée à préparer les associations étudiantes au Sommet de l’Éducation Supérieure - pense pour sa part que: «dans le cadre du système universitaire actuel, ce n’est pas dans l’intérêt des étudiants de moduler les frais». Il faut cependant prendre en compte qu’une modulation des frais de scolarité telle que décrite ci-dessus ne rapporterait pas pour autant plus d’argent aux universités. En effet, l’argent économisé grâce aux étudiants qui paieraient plus serait utilisé pour combler le déficit causé par ceux qui paieraient moins.
En plus de la modulation des frais par programme, M. Legault propose une modulation des frais par université, en donnant plus d’autonomie financière à certaines universités pour lesquelles la recherche est une priorité. Les universités qui bénéficieraient de cette autonomie auraient donc le droit d’augmenter leurs frais de scolarité comme elles le souhaitent. Ce statut privilégié serait octroyé à l’Université de Montréal, aux universités McGill, Laval et Sherbrooke, ainsi qu’à certains programmes de l’UQAM, qui ont une mission de recherche importante. Elles seraient donc plus aptes à concourir parmi les meilleures universités du monde, selon la CAQ. Sur la question de la modulation, Olivier Marcil, vice-principal de McGill, affirme que «l’administration de McGill était toujours favorable à l’augmentation des frais de scolarité au Québec», car selon lui, «ce qui est injuste c’est un système à très bas taux de scolarité ou tout le monde paye le même prix». M. Marcil a cependant ajouté que «quand on augmente les frais de scolarité on doit accompagner [la mesure] d’un soutien aux étudiants». Supposant que la mesure proposée par Legault soit adoptée, on pourrait donc s’attendre à une augmentation des droits de scolarité à McGill d’un montant indéfini, ce qui pourrait diminuer les demandes d’admission, en particulier de la part des Québécois. Éric Bélanger, professeur de sciences politiques à McGill dit pour sa part qu’il «ne pense pas que McGill sera très affectée compte tenu de la clientèle que nous avons déjà ici qui est un peu plus fortunée que dans les autres universités».
Gel et indexation Face aux déclarations de la CAQ, le ministre de l’Enseignement supérieur Pierre Duchesne s’est montré peu enthousiaste, mais encourage cependant M. Legault à expliquer plus en profondeur sa conception de la modulation. La ligne officielle du Parti Québécois est actuellement le gel de frais de scolarité, ligne adoptée par la FECQ et la FEUQ. Cependant, M. Duchesne envisage fortement une indexation des frais de scolarité, c’est-à-dire une augmentation graduelle des frais de scolarité directement proportionnelle à l’inflation. Sur ce point, le Ministre et la FEUQ divergent, et Mme Desjardins à affirmé que «la FEUQ a une position de gel, on ne prône pas l’indexation».
«La TaCEQ s’oppose à toute
hausse des frais de scolarité»
La TaCEQ et la FEUQ sont quant à elles contre toute forme d’augmentation, qu’elle soit sous forme d’indexation ou de modulation. En référence au Sommet sur l’éducation, Blandine Parchemal, secrétaire aux affaires académiques de l’ASSÉ, à déclaré: «[L’ASSÉ] va rapporter notre position, on s’opposera à tout frais de scolarité». Dans le même registre, M. Auger à affirmé que «la TaCEQ s’oppose à toute hausse des frais de scolarité». Les possibilités de gel, d’indexation ou de modulation des frais de scolarité seront débattues lors du Sommet; reste à savoir si l’ASSÉ sera présente pour ouvrir le débat sur la gratuité scolaire. x
L’ASSÉ lance un Ultimatum Mathilde Michaud Le Délit
L
’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ) a tenu hier matin une conférence de presse afin de faire état des décisions qui ont été prises durant son congrès qui s’est déroulé la fin de semaine dernière à Saint-Félicien. Le sujet principal de la rencontre a été la participation de l’association étudiante au Sommet sur l’enseignement supérieur. Les membres ont trois revendications conditionnelles à leur participation. «L’instauration de la gratuité scolaire doit être reconnue comme un scénario envisageable durant la rencontre finale». «Les seuls scénarios envisagés concernant la contribution étudiante ne doivent pas être des hausses de frais de scolarité, l’indexation en étant une». «Des mécanismes d’assurance-qualité ne doivent pas être reconnus au sein d’un
Conseil des universités». L’ASSÉ a très clairement annoncé sa volonté de quitter le Sommet si ces trois conditions n’étaient remplies. Cela aurait pour effet de faire perdre de sa légitimité au Sommet qui, déjà: «perd rapidement sa crédibilité auprès de ses acteurs, actrices et de la population», rappelle Jérémie Bédard-Wien, porte-parole de l’association durant la conférence de presse. Les deux porte-paroles de l’Association lors de la conférence, Bédard-Wien et Blandine Parchemal, profitent de la plateforme qui leur est offerte pour lancer un appel à tous : «L’ASSÉ tiendra une manifestation nationale en marge du Sommet, le 26 février prochain au Square Victoria à 14h» avec pour thème «Au Sommet de l’indexation, manifestons pour une éducation libre, accessible et gratuite». Trois associations se sont déjà dotées de mandats de grève afin de participer à la manifestation et de nombreux votes de grève se tiendront dans les prochaines semaines. x
x le délit · le mardi 5 février 2013 · delitfrancais.com
Crédit photo: Camille Chabrol
Actualités
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Société societe@delitfrancais.com
«À bas les tabous» On s’imagine souvent le pire quant à l’acceptation de sa sexualité: un moment tragique, une épreuve dans laquelle on est rejeté par sa famille, ses amis, la société et où l’acceptation est parfois autant un désir qu’une éventualité. On s’imagine être mis à la porte comme dans le film «Dans juste une question d’amour», de Christian Fauré produit en 2000, ou encore envoyé dans un camp religieux pour être «soigné» comme dans «Latter Days», film de 2003 réalisé par Jay Cox. La tragédie que crée Hollywood imprègne les esprits et peut donner l’impression qu’il doit nécessairement s’agir d’une expérience difficile. C’est sans aucun doute un moment compliqué et appréhendé, car les questions préalables sont multiples et les réponses assez rares avant de passer à l’acte. Mais si assumer publiquement sa sexualité peut être violent, physiquement et émotionnellement, ce n’est pas toujours le cas. Alors, nous avons demandé aux lecteurs du Délit de nous partager leurs histoires et expériences afin de nuancer cette réalité. x
Mathilde Michaud Le Délit QUOI!? Le mariage homosexuel est maintenant permis en France?! «Je trouve ça Diabolique… et Monstrueux! Ces genslà doivent être enfermés à perpétuité», De même que la ministre Taubira qui a eu la brillante idée de permettre à cette horrible loi de voir le jour. Et puis quoi après ça, «avec des chiens, des chats, avec des singes?!? Ça va aller jusque où ça?» C’est ce que diraient les manifestants de Civitas, une association se définissant elle-même comme un «lobby catholique traditionna-
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liste», interviewés mercredi dernier par les journalistes du Petit Journal. Pour ma part, je dirais plutôt VICTOIRE. Il est temps de remettre les pendules à l’heure. Après n’avoir entendu pendant des semaines et des semaines que la voix des radicaux de la droite idéologique et des catholiques intégristes de France, la vraie voix de la majorité est enfin sortie de sa cachette. Durant ces semaines, complètement déprimée par le nombre de manifestants qu’avaient rassemblé les grandes «manif pour tous», j’avais refusé d’écouter mes amis français qui me répétaient que ce n’était pas représentatif de l’opinion qu’en avait les Français. J’aurais dû, mais on ne
x le délit · le mardi 5 février 2013 · delitfrancais.com
peut m’en vouloir d’avoir douter vu le silence radio des supporteurs de la loi. C’est avec une majorité écrasante de 249 voix contre 93 que l’article fondamental du projet de loi à été adopté samedi. Le combat n’est toutefois pas fini et c’est maintenant que commenceront les réels débats. À venir: l’adoption, l’homoparentalité et la procréation assistée. Autant de sujets qui font réagir fortement la droite, mais malheureusement sème aussi la zizanie au sein de la gauche. Hier, le député UMP (Union pour un Mouvement Populaire) Hervé Mariton nous a même fourni un argument béton rayant définitivement l’homoparentalité de la carte:
«Là où aujourd’hui un enfant s’appelle Durand, il s’appellera demain DurandMartin, sauf si les parents demandent explicitement qu’il s’appelle Durand». Horreur! Que feront ces pauvres petits enfants qui porteront PEUT-ÊTRE un nom de famille double?!? Ce que ce pauvre Hervé a oublié de mentionner c’est que selon l’article 357 du code civil qui est en vigueur depuis le 1er janvier, les enfants adoptés recevront eux aussi le «doublenom-de-famille» à moins d’une demande explicite contraire. Mais alors, qu’est-ce qu’on attend pour abolir l’adoption? J’attends impatiemment une réponse à cette question, Monsieur Mariton. x
16 ans. Au début, ça m’a semblé un peu jeune pour assumer le fait que j’allais être «différent» aux yeux des autres. Mon histoire peut paraître banale: je suis tombé amoureux de mon meilleur ami en secondaire cinq, juste avant le temps des fêtes. Pas besoin de vous dire que la dinde paraissait plutôt insipide. Ma meilleure amie l’a su le soir-même, mais les autres devraient attendre. Une telle découverte apporte inévitablement son lot de questions, toutes plus ou moins dirigées vers une volonté de trouver sa place dans ces cases qui nous sont imposées, et à la fois vers le désir de s’en affranchir. Progressivement, au fil des semaines, mes amis se sont mis à le savoir. C’est le genre de nouvelles qui vont vite, vous voyez, mais heureusement j’en
J’avais 17 ans lorsque j’ai découvert que j’étais gay et comme je n’habitais déjà plus chez mes parents j’ai eu le temps de rencontrer une fille avant même qu’ils soient au courant que leur fille était lesbienne. Mes parents sont venus me rendre visite, et alors qu’on jasait dans le salon, puis ils ont vu une rose dans un vase, ils m’ont demandé comment s’appelait le prince charmant qui me l’avait donnée. J’ai répondu: «Je suis contente que vous mev posiez la question… c’est pas un prince, mais une princesse». Ils ont hésité, se demandant quel expression faciale adopter. Après un petit malaise, ils m’ont félicité. Ils m’ont posé plein de questions sur elle et m’ont demandé qu’est-ce que j’attendais pour la leur présenter.
étais parfaitement conscient et je l’acceptais entièrement. Puis, vint l’heureux moment où je découvris ce qu’était l’amour, avec mon premier copain. Ce n’est que quelques semaines plus tard que je décidai d’inviter ledit copain à souper, avertissant mes parents moins de deux heures à l’avance. Risque calculé, peut-être, parce que je savais que leur réaction serait bonne. À bien y penser, je n’ai pas tellement ménagé mes proches dans cette transition. Peutêtre par insouciance, mais surtout parce que j’étais alors déjà conscient que cette nouvelle caractéristique ne ferait pas de moi quelqu’un de différent, mais me rendrait au contraire plus complet, plus vrai. Jérémy Boulanger-Bonnelly
Éli Durocher
Je n’aurais probablement jamais eu besoin de faire un coming-out, mais, au moment même où j’acceptais la réalité, où je terminais ma réflexion personnelle, j’ai appris que mon frère ainé était lui aussi homosexuel et qu’il avait fait son coming-out. C’est un retour à la case départ; non parce que j’étais gay, non parce que je craignais mes amis ou ma communauté, mais plutôt parce qu’on accepte généralement bien la réalité d’un homosexuel dans la famille, mais deux, c’est une autre paire de manche. Élevé dans une famille de la région aux valeurs judéo-chrétiennes, je savais que mes parents accepteraient tant bien que mal la personne qu’était mon frère. Or, moi, j’avais peur de les décevoir et de n’être qu’à leurs yeux un autre gay.
Alors je suis devenu un adolescent en quête d’expériences, de joies et de découvertes. J’ai sombré dans un univers parallèle où il y avait le «faux» Charles et le «vrai» Charles. J’ai sombré dans un état qui m’a déchiré pendant plusieurs années et dont je ne savais pas comment me libérer. Jusqu’au jour où je me suis mis à écrire; écrire un livre semi-autobiographique. J’ai plongé tête première dans ce qui m’apparait aujourd’hui comme l’extension littéraire de moi et, dès leur première lecture, mes parents, ma famille, mes amis ont compris. Compris mon coming-out qui n’en a jamais été un, compris les sentiments de mon frère, les miens et de j’imagine un peu tous ceux qui se questionnent, gay ou non. Charles Marois
À mon avis, ce genre d’annonce ne se fait que rarement dans un climat chaleureux. Mon témoignage ne fait pas exception; je vous épargne les détails de cette soirée où j’ai annoncé à ma mère ma bisexualité. Sur le moment, la réaction a été «bonne». Les guillemets sont importants: il n’y avait pas de joie, mais il n’y avait pas de discours dramatique ou culpabilisant. C’était un soulagement: ma mère ne faisait pas partie de ces gens hypocrites qui disent accepter la belle diversité sexuelle, celle qui flotte dans les nuages avec des couronnes de fleurs sur la tête, mais qui, quand on regarde mieux, sont répugnés à l’idée de s’en approcher. Mais bien vite, j’ai compris que ce n’était pas si simple. Compris que le vrai problème, c’était la bisexualité. C’est une chose bien difficile à comprendre, je le savais. Un drôle d’entre-deux qui ressemble plus à de la désinvolture qu’à autre chose. J’ai compris qu’en plus des raisonnements classiques du genre «ma fille n’aura jamais d’enfants» ou bien «j’ai mal joué mon rôle de mère» se mélangeait une confusion totale. Une confusion qui l’empêchait de se mettre complètement ces idées-là dans la tête. Comme si ma mère ne pouvait pas faire son deuil «complètement». Anonyme
Lorsque j’ai fait mon coming-out, j’avais 14 ans. La première personne à qui je l’ai annoncé, c’est ma sœur parce que j’avais moins peur de sa réaction. J’ai eu raison, car elle a ri aux éclats; elle pensait que j’allais lui annoncer quelque chose de vraiment plus grave. J’étais nerveux à l’idée de l’annoncer à ma mère et à mon frère. Je l’ai fait deviner à ma mère qui, après 30 minutes, a fini par trouver. Elle l’a bien pris, bien qu’elle se batte encore contre de vieux préjugés de baby-boomer. Donc voilà, mon coming-out s’est bien déroulé. Mais, dans la vie de tous les jours, je suis confronté aux préjugés et aux stigmates homosexuels. Cela m’amène à me poser des questions sur ce qu’est un homme aujourd’hui. Nous nous devons d’abattre les préjugés et sortir du statu quo... et alors mes réponses se résument au fait qu’il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse, seulement une grande diversité. Simon Charron
Faire son coming-out, c'est un peu comme se mettre nu devant quelqu'un et d'attendre qu'il juge si il aime ce qu'il voit. Quand je pensais à mon coming-out, il y a trois ans de cela, je l'imaginais un peu comme dans les films: papa et maman assis dans le salon et moi qui leur déroule mon beau petit discours tout préparé. Si seulement. Pour vous mettre en contexte, nous sommes un mardi soir et je suis dans la voiture en route vers mon cours de danse avec ma mère, qui prend le cours avec moi. Dans la voiture, ma mère fait quelques commentaires sur mon entourage homosexuel et mes nombreuses sorties avec mes amis au bar homo de la ville. Elle me dit de faire attention, que c'est pas trop fréquentable comme endroit. Évidemment le sujet me pique un peu et je tente de changer la conversation... pour finir par parler de bisexualité. Bisexualité... ça c'est des gens qui ne savent pas ce qu'ils veulent, c'est ça... - Non maman, tu peux être bisexuel et très bien savoir ce que tu veux, c'est simplement que
ce n'est pas une question de genre. - Toi tu sais ce que tu veux? - Bien sûr, maman - Tu veux quoi? La question qui tue. Moi qui m'étais imaginée répondre à cette question dans le confort de mon salon... me voilà prise au piège. Trappée dans un espace exigu et l'air qui semble s'en être échappé. «Maman, j'aime les filles.» Vous pensez avoir déjà expérimenté un malaise de première classe... je peux vous assurer que celui-ci recevrait la cote AAA si un institut de classification des malaises existait. Silence, long silence... et puis: «Tu sais, il ne faut pas te laisser influencer par tes amis. Ça va passer.» Elle me déverse son flot de paroles et moi, ne pouvant ouvrir la portière et m'évader de la voiture en marche, j'écoute, les larmes aux yeux. Au final après une relation d'un an et demi avec une fille, elle a compris que «ça ne passerait pas». Anonyme
Société
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CHRONIQUE
Hollande à Tombouctou: cri de victoire prématuré Margot Fortin | Chronique accidentelle
AU TERME D’UNE vingtaine jours marqués par une offensive spectaculaire menée par l’armée française contre les groupes armés qui contrôlent une partie du Mali, le président François Hollande a été accueilli à Tombouctou avec tout le faste habituellement réservé aux grands héros de guerre. Depuis le début de l’inter-
vention au Mali, le Président a plutôt bonne presse à la maison. À Bamako, dimanche, François Hollande affirmait aussi à qui voulait bien l’entendre que sa visite au Mali marquait le plus grand jour de sa carrière présidentielle. Derrière l’enthousiasme exacerbé du Président se cache toutefois une réalité beaucoup plus sombre. Au-delà des célébrations entourant la libération de Tombouctou, la visite de François Hollande visait surtout à faire oublier aux militaires français déployés au Mali que le pire reste encore à venir. Alors même que François Hollande paradait, les forces françaises préparaient une offensive aérienne d’envergure visant à fragiliser les positions des combattants «islamistes» lourdement armés qui ont fui vers le nord pour mieux se regrouper. À moins de pulvériser complètement les combattants du nord du Mali, la France devra
éventuellement se résigner à laisser aux mains des forces militaires maliennes un pays nettement plus gangrené par la violence et par l’intégrisme qu’il ne l’était auparavant. En effet, les forces françaises et maliennes qui en avait déjà plein les bras avec les combattants d’Ançar Dine s’apprêtent maintenant à trouver au Nord de Tombouctou un interlocuteur autrement plus sympathique, Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI). Par ailleurs, ce que François Hollande aime qualifier de «terrorisme» est avant tout né d’une guerre civile exacerbée par un gouvernement illégitime qui a promis de réprimer le mouvement de libération nationale touareg dans le sang. L’«islamisation» du conflit est aussi le produit direct de la répression violente d’un mouvement de nature identitaire. L’intervention française au Mali, comme toutes les manches de la «Guerre contre le terrorisme»,
s’attaque à des victimes de l’histoire transformées en bourreaux. En définitive, elle contribue par le fait même à créer de nouveaux martyrs. Il est ainsi possible de déduire avec une certaine aisance qu’il ne saurait y avoir de retour tranquille au statu quo ante bellum au terme de l’intervention française au Mali. En effet, les enjeux du conflit gagnent constamment en complexité en raison de leurs ramifications identitaires et religieuses, mais également en raison de la misère profonde qui frappe depuis trop longtemps la région du Sahel. Tandis que François Hollande s’envolait vers Paris, les bombardements français commençaient à pleuvoir sur la région de Kidal, dans le NordEst du Mali. Si les frappes ont été prévues de manière à mettre à mal l’effectif militaire des rebelles d’Ançar Dine avant d’entamer une remontée terrestre, il
convient de garder à l’esprit que c’est dans cette même région de Kidal que seraient détenus les 7 otages français du Sahel enlevés par l’AQMI en 2011 et 2012. Voilà aussi un douloureux rappel des risques liés à une intervention armée dans une région qui fourmille de militants intégristes, au «Maghreb Islamique» comme ailleurs: ceux qui s’y engagent se lancent presque inévitablement dans une longue et pénible bataille contre un ennemi invisible qui n’a rien à perdre et qui sait surtout tirer profit de ses méthodes de combats chaotiques, aléatoires et imprévisibles. Ce que François Hollande n’a pas osé dire à Tombouctou, c’est que l’armée française court à présent tous les risques de s’enliser dans le massif des Ifoghas tandis qu’AQMI, forte de nouveaux arguments pour recruter encore plus de désespérés en ses rangs, en sera déjà à préparer sa prochaine offensive. x
OPINION
Une décision que l’on n’attendait plus Et si on parlait de préjudice environnemental? Pierrick Rouat
L
e rideau est tombé il y a peu sur l’acte final d’une épopée juridique et humaine sans pareille: le recours collectif de milliers d’Indigènes équatoriens et amazoniens contre la pétrolière américaine Chevron-Texaco. L’histoire commence en 1993 quand un groupe d’avocats équatoriens déposent plainte à New York contre les activités de Chevron-Texaco dans leur pays: des rejets polluants délibérément non contrôlés ayant causé la destruction de centaines de milliers d’hectares de l’Amazonie équatorienne et de graves impacts sur la santé de 30 000 personnes. En 2003, le procès commence, et malgré l’avantage écrasant de Chevron-Texaco en ressources économiques et humaines, la justice équatorienne rend un jugement en janvier 2011, qu’elle a confirmé la semaine passée: coupable. L’entreprise doit payer 19,2 milliards de dollars, soit le dédommagement le plus élevé de l’histoire de l’humanité. Récapitulons: 50 ans après ses débuts, une des plus grandes catastrophes du siècle est finalement condamnée, mais au prix de dégâts environnementaux, sanitaires, économiques et sociaux irréversibles. Certes oui, le jugement et l'amende sont historiques. Cependant, peuvent-ils réparer l'irréparable? Manifestement non, et c’est donc notre devoir de discuter de la
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façon de prévenir pareilles catastrophes. Nous nous sommes dotés, collectivement et internationalement, d’outils juridiques pour protéger les plus vulnérables: les minorités linguistiques, ethniques, religieuses, les plus défavorisés socio-économiquement, ou les victimes d’abus de pouvoir. Le Québec a sa Charte des droits et libertés de la personne; le Canada a sa Charte des droits et libertés, et à l’international, il y a une foule de documents divers, dont la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. Évoquons une autre catégorie de vulnérabilité: celle de la diversité biologique et de ses composants, la «Nature», si vous préférez. Peut-on s’entendre sur le fait que l’augmentation de notre pouvoir de production ne vient pas avec celle de notre savoir agir? Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’essayer de conquérir Dame Nature, mais bien de ne pas la détruire. Si on s’est doté d’instruments comme les droits humains, c’est parce qu’on a postulé que les êtres humains ont des droits, car ils sont des sujets de droit. Si Dame Nature avait eu des droits, et qu’il n’avait pas fallu attendre que les enfants des Indigènes de l’Équateur et de l’Amazonie meurent ou deviennent gravement malades une fois adultes, la catastrophe aurait-elle pu être arrêtée plus tôt? Aurionsnous dû attendre janvier 2013
Crédit photo: John Woodcock
pour une histoire qui a commencé en 1964? Quand Texaco s’est retiré de l’Équateur en 1992, il y a laissé 60 millions de litres de pétrole et 68 000 millions de litres d’eaux toxiques, répandus dans l’écosystème amazonien. Sans parler des millions de mètres cubes de gaz brûlés à l’air libre. Et comme le précise le jugement, il ne s’agissait pas d’un accident, mais d’une détermination à faire des économies. Mes maigres connaissances d’étudiant en droit ne me permettent pas de déterminer affirmativement quelle aurait été la meilleure solution, mais il est certain que la flagrante vulnérabilité de la diversité biologique appelle à un changement dans notre conception de la relation humain-nature. Peut-être faut-il
protéger la Nature en tant qu’entité vulnérable, et lui donner une voix. Dans certaines projections du droit contemporain, la planète devient elle-même un sujet de droit. Autrement dit, elle a des droits, que nous devons respecter. Certains ont proposé d’accorder des droits à la nature en général, et d’autres vont jusqu’à le proposer pour les arbres, rivière, et les océans. Je ne peux dire qui a raison, faites-moi plaisir: pensezy très sérieusement. Les textes du droit de l’environnement sont abondants et renforcent le filet de protection de l’environnement. Malgré tout, il doit souvent céder devant des contraintes sociales et économiques et apparaît comme un droit secondaire. La question de savoir si on devrait ériger
la Nature comme sujet de droit en soulève quantité d’autres. Qui pourrait la représenter? Comment réparer les préjudices causés par l’atteinte à ses droits? L’espoir, tout de même, subsiste: les 30 000 victimes ont décidé que l’argent ne serait pas partagé individuellement et servirait la collectivité. Ainsi, la majeure partie ira à la réparation de l’environnement. Le reste? Aux hôpitaux, aux écoles, à l’approvisionnement en eau potable. Si l’idée que pour avoir une écologie qui se respecte, il faut faire de la diversité biologique un sujet de droit à part entière, si cette idée peut sembler saugrenue, ou même absurde, rappelons-nous du temps où la même chose se disait de la démocratie et du droit de vote des femmes. x
x le délit · le mardi 5 février 2013 · delitfrancais.com
Arts&Culture
Crédit photo Brent Callis
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OPÉRA
Première canadienne de Volpone Les étudiants de l’École de Musique Schulich présentent l’opéra Volpone. Lola de la Hosseraye
À
l’occasion de l’Année de la musique contemporaine, les étudiants de l’École de musique Schulich de McGill présentaient vendredi le 1er février l’opéra Volpone, œuvre colorée et divertissante qui tient ses origines de la tradition comique du XVIIe siècle. Le metteur en scène Patrick Hansen dit s’être inspiré de ses étés passés en Caroline du Nord pour imaginer le décor fleuri qui donne vie aux personnages et à l’intrigue de cet opéra présenté à la salle Pollack Hall de l’École de musique de McGill. Volpone est un récit où se mêlent avarice, luxure, trahison, hypocrisie et tromperie. Ces thèmes sont déjà importants en 1606, lorsque le dramaturge anglais Ben Jonhson signe la comédie satyrique aux accents de fable animale, et ils le sont toujours autant lorsque près de quatre siècles plus tard le librettiste Mark Campbell s’inspire «librement» de la pièce pour l’écriture de son livret d’opéra. L’humour est lui aussi toujours là, ni subtil ni grossier, mais dans un équilibre plaisant et léger digne des meilleures comédies. Le choix de cette œuvre ne fut pas anodin pour le directeur des études d’opéra de l’université et metteur en scène Patrick Hansen: admirateur du travail du librettiste Mark Campbell (dont le dernier opéra Silent Night lui a valu le prix Pulitzer) et du compositeur John Musto, il a profité de l’Année de la musique contemporaine mise à l’honneur à l’École de musique Schulich pour présenter la création, que l’auteur lui-même qualifie d’«adaptation infidèle» de l’œuvre de Johnson. Le gentilhomme Volpone, en l’absence d’héritier naturel, feint d’être à l’article de la mort, et voit ainsi défiler chez lui aspirants de toutes sortes qui le courtisent afin d’acquérir une place de choix sur son testament. Alliances, complots, trompeurs trompés, jeux de
valets et autres coups de foudre amoureux rythment l’action de ces personnages caricaturés aux traits d’animaux. Les noms des personnages eux-mêmes sont évocateurs: Volpone le renard, Mosca la mouche ou encore Corvina le corbeau… Ces choix se retrouvent dans le maquillage et les costumes, par ailleurs très réussis: variés et colorés, non sans rappeler la tradition de la commedia dell’arte, ils ajoutent au spectacle sonore un divertissement visuel. La musique composée par l’américain John Musto ne déçoit pas non plus. Subtile et puissante, elle porte les voix des chanteurs et rythme l’action, devenant un élément clé du spectacle. Comme le souligne Patrick Hansen à la fin de la représentation: «Dans une comédie tout est question de timing; et dans un opéra, c’est le compositeur qui détermine celui-ci. Les acteurs doivent s’y conformer». C’est donc bien là que se situe le défi remarquablement relevé par les étudiants: chanteurs d’opéra, ils parviennent pourtant aussi à être comédiens. Jeu, expressions faciales, gestuelle, mimes, et même parfois danse, les artistes ne se contentent pas de chanter. Les jeux de mots et autres comiques de situation s’enchaînant au rythme soutenu des musiciens, leur travail «est donc très exigeant!», confirme le metteur en scène, apparemment satisfait de la prestation de ses élèves. La représentation de Volpone par l’Opéra McGill, qui constitue par ailleurs la première de l’œuvre au Canada, est donc un spectacle amusant, léger et coloré. Il n’en est pas moins une épreuve académique pour les artistes étudiants de McGill, la plupart en deuxième cycle. Leur performance, déterminante pour leur cursus scolaire, a en effet été évaluée par leurs professeurs. Espérons que l’enthousiasme de ces derniers fut à la hauteur de celui du public! x
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Crédit photo Brent Callis
Crédit photo Brent Callis
Arts & Culture
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MUSIQUE
De la musique avant tout chose? Le trompettiste Marco Blaauw poursuit l’année de la musique contemporaine à McGill. Anne Pouzargues Le Délit
C
’est seul sur scène que Marco Blaauw ouvre le concert de la salle Tanna Schulich ce samedi 2 février. À ses pieds, plusieurs instruments sont posés; tous ressemblent de près ou de loin à des trompettes, mais on ne sait pas tout de suite ce qu’ils sont réellement, et ce n’est qu’à la lecture du programme qu’on les découvre. Cornet, trompettes à pavillons doubles, conques, cornes de bélier. Le spectacle n’est donc pas seulement sonore, il est aussi visuel et chaque nouvel instrument frappe tant par son aspect que par ses sonorités. Étrange découverte Marco Blaauw est un trompettiste hollandais membre de l’ensemble MusikFabrik de Cologne. Son travail, tel qu’il le présente pendant ce concert, cherche à explorer les possibilités de la musique contemporaine pour trompette. Blaauw est en effet également compositeur, et la pièce centrale du spectacle est une de ses propres œuvres. Il s’agit de Deathangel, morceau créé en 2012 et fondé sur des techniques d’improvisation et des jeux de résonnance entre deux conques. L’une est tenue par Blaauw sur la scène, l’autre par son accompagnatrice Christie Chapman qui, assise de l’autre côté de la salle, en haut des gradins, lui répond et amplifie cet état de résonnance. Un fond sonore électronique, enregistrement de «voix et bruit ambiant» tel qu’on peut le
lire sur le programme, accompagne les échos des conques. L’effet produit est particulier: les sons sont hachés et on peine à retrouver une ligne mélodique fixe et stable; et pour cause, la mélodie est parfois inaudible. C’est plutôt une impression, une atmosphère générale qui est créée dans la salle, et qui est souvent une tension voire une angoisse que le musicien se plaît à mettre en place
La recherche du contemporain On se rend vite compte que le travail de Marco Blaauw est avant tout un travail de recherche constant. Les sons ne s’enchaînent pas de manière fluide, la réflexion du musicien se fait même pendant le concert, et une place importante est donnée au silence. Pendant plusieurs minutes parfois, c’est le silence qui prend la place des trompettes et des conques, qui s’intègre et fait, paradoxa-
Crédit photo Jose Verhaegh
progressivement. Les jeux sur les dissonances sont nombreux, les notes crissent les unes contre les autres. L’effet est surprenant quand on ne s’y attend pas, même si les techniques ont déjà été utilisées dans la musique contemporaine.
lement peut-être, partie de la musique. Les techniques de jeu de la trompette sont elles aussi explorées, le souffle est différent et les trompettes changent de timbre et de tonalité. La réflexion de Marco Blaauw s’illustre aussi par le questionnement autour de
l’électronique: outre les voix et bruits enregistrés, Christie Chapman joue aussi un rôle important, puisqu’elle s’occupe, depuis une table de mixage, d’allier trompettes et musiques électroniques. Le duo interprète ainsi le morceau Aries de Karlheinz Stockhausen, créé entre 1977 et 1980 et originellement écrit pour «trompette et électronique». Ce travail invite tout un chacun à se demander ce que peut bien être le «contemporain» en musique. Le mariage d’un instrument classique comme la trompette et des platines de la musique électro a été souvent mis en scène depuis les années 1980, et développé notamment par le groupe de violoncellistes Apocalyptica ou par le violoniste allemand David Garrett qui adapte au violon des grands classiques du rock. Le contemporain serait-il donc le mélange des genres? Même la présentation du concert de Marco Blaauw semble appuyer cette hypothèse: on peut en effet lire dans le programme des références aussi bien à Kandinsky qu’à Goethe. Le Duo pour trompette à pavillon double écrit par Rebecca Saunders en 2004 et interprété ce soir-là s’inspire de la théorie des couleurs et travaille notamment autour de la symbolique du bleu. Ce mélange des genres et des arts n’est d’autre part pas propre à la musique contemporaine, puisque la littérature comme la peinture semblent aussi prendre ce chemin. Cependant, cette réponse est loin d’être fixe, et Marco Blaauw montre justement que la contemporanéité reste avant tout une grande question et une recherche toujours en mouvement. x
LIVRE
La grève en 118 mots Le Dictionnaire de la révolte étudiante, codirigé par une étudiante de McGill
Anselme Le Texier Le Délit
Gracieuseté de TÊTE Première
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Arts & Culture
Anselme Le Texier Le Délit
I
l y a quelques semaines était publié un petit livre dont le carré rouge de la couverture ne pouvait dissimuler le contenu. Le Dictionnaire de la révolte étudiante est un petit lexique engagé qui tente de revoir les différents mots qui étaient sur toutes les lèvres l’année passée. L’idée originale de Serge Théroux était de donner la parole aux différents acteurs du printemps érable en leur proposant d’écrire un court texte sur les mots et les expressions qui ont fait la grève. En entrevue avec Le Délit, Mariève Isabel, étudiante au doctorat à McGill en littérature française et en environnement, décrit le projet qu’elle a dirigé avec LaurenceAurélie Théroux-Marcotte comme une plate-forme pour redonner leur sens à des mots galvaudés. Selon elle, le Dictionnaire est un livre «tout en nuances» qui couvre des mots «à sens élastique». L’idée du dictionnaire a germé dans la tête de Serge Théroux il y a un peu moins d’un an. Les deux directrices ont été approchées pour mener le projet à terme, en proposant une liste de mots à couvrir à différents acteurs de la société québécoise. «On a commencé par proposer une liste de 50 mots. Au fur et à mesure qu’on nous proposait de nouveaux mots, on est arrivé à 118 entrées dans le dictionnaire», commente Mariève Isabel. Le Dictionnaire de la révolte étudiante est donc un projet qui rassemble de multiples collaborateurs. De l’étudiante du Québec au professionnel de la culture, en passant par le professeur et jusqu’au préfacier, Guy Rocher, qui approche les 90 ans, le projet rassemble les générations.
De part ses multiples auteurs, le dictionnaire prend des allures d’Encyclopédie. Chaque entrée est comme un traité pour lequel un auteur a décidé de prêter sa plume, pour donner une définition à un mot ou une expression. Ces «lexicographes engagés», comme les décrit Mariève Isabel, donnent pour la plupart quelques définitions pour l’entrée qu’ils ont choisie, en prenant un ton tantôt satirique, tantôt sérieux, tantôt révolté. Les définitions nous touchent toutes de près ou de loin; elles redessinent à la fois ces mots, leur donne un caractère, une histoire, liée à celle du Québec, et sont autant d’associations incongrues que de traités philosophiques. Ce livre qu’on lit partiellement de temps à autre, qui reste sur une table basse, bien en évidence, sait nous rappeler ce que Montréal a vécu en 2012. Pour Mariève Isabel, le fait de publier un dictionnaire permet d’«attirer notre attention sur l’importance des mots». Il est vrai que les opposants à la grève n’ont pas hésité à faire usage d’un «réseau sémantique qui frappe l’imaginaire». Une sorte de guerre des mots, qui font de la grève un boycott, et du carré rouge un symbole d’intimidation et de violence. Dans un climat d’après-guerre, un livre est aussi un moyen de remettre les choses à leur place. Le combat ne s’arrête pas là. La codirectrice du projet nous rappelle que rien n’est gagné; et si nous ne sommes plus dans les rues, c’est que nous avons conclu une trêve pour l’occasion du Sommet de l’éducation. Le passage à la table des négociations est aussi une façon de porter la révolte à un autre niveau. Il ne nous reste plus qu’à défendre nos intérêts comme nous savons le faire. x
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THÉÂTRE
L’absurde de Ionesco à Montréal
Crédit photo Yves Renaud
Quand se résigner à mourir est la meilleure des solutions Théo Bourgery Le Délit
«I
l vaut mieux regretter qu’être regretté.» Ainsi peut-on résumer la pièce d’Eugène Ionesco Le Roi se meurt, qui joue en ce moment au Théâtre du Nouveau Monde. Un classique du théâtre de l’absurde, qui rime avec complexité humaine et chaos universel. Une pièce qui, au premier degré, n’est pas spectaculaire; le public est témoin des dernières heures d’un roi affaibli et dont le royaume disparaît à vue d’œil. Entouré de ses plus proches et uniques connaissances, il se voit obligé de reconnaître sa mort ou, pire à ses yeux, de se résigner. Mourir est un fait; se résigner à être oublié à jamais, ne pas être éternel, est une hérésie. L’audience devient alors partie prenante dans les réflexions, de plus en plus noires, d’un roi dont le palais s’effondre et les forces s’évanouissent. Un coup de jeune La pièce, qui a fêté ses 50 ans en 2012, subit aujourd’hui, comme le veut l’expression, «un coup de jeune». Frédéric Dubois, aux commandes de la mise en scène, révolutionne l’art de la décoration scénique: un seul grand miroir reflétant un public qui rit aux éclats. À mesure que le spectacle avance, cette simplicité du décor prend une tournure métaphorique: le miroir devient les souvenirs du roi. Celui-ci s’y admire et voit son passé défiler, refusant catégoriquement de se laisser aller à la mort. La salle entière rejoint alors l’homme dans ses pensées, ses visions, ses émois. Quant à la mise en scène, elle a le don d’être d’une extrême sobriété: des gestes simples sur une scène d’une toute petite taille. Cependant, la scène ne se limite pas à l’estrade: c’est tout l’espace de la salle qui est occupé par les acteurs. L’interaction avec le public est constante: tout au long de la pièce, les acteurs courent dans les allées, montent dans les loges et au premier
balcon. Des centaines de feuilles de papier, qui représentent les archives oubliées du palais en ruines, tombent sur les spectateurs assis à l’orchestre. Le public se fait acteur: il est le peuple, les réflexions du mourant, le spectateur de la mort digne d’un roi bafoué. Les personnages de Frédéric Dubois renforcent considérablement l’absurde de la pièce. Le contraste entre les costumes resplendissants au ridicule et les fissures se dessinant sur les murs, va de pair avec l’air faux, raté, qu’adopte les acteurs. Tout cela pour admettre, en fin de compte, que la mort de Sa Majesté est un avant-propos de la leur.
La mort, banale et tragique La pièce cherche avant tout à représenter le tragique d’une situation commune. N’estce pas le sort de tout être humain? La reine Marguerite le sait et essaie malgré tout de rassurer son mari. Le docteur ne jure que par le Ciel et les astres, qu’il connaît mieux que le corps humain, pour affirmer les propos de la reine. La reine Marie, l’autre femme du roi, occupe quant à elle un rôle bien plus étonnant. Folle de lui, elle incarne l’Espoir qui n’existe plus devant la fatalité des choses. Alors que des douleurs de plus en plus violentes dévorent Sa Majesté et que le refus fait place à la résignation, elle essaie de le convaincre
d’oublier le passé et l’avenir pour lui clamer haut et fort: «Tu es maintenant». Oublier la simple notion du temps, c’est faire que «maintenant» devienne «toujours». Comme lui-même le dit, fou de désespoir: «Les rois devraient être immortels». Finalement, cette banalité de l’existence ne vous donne qu’une envie alors que le rideau se baisse: aimer la vie avant que la mort ne vienne. x Le Roi se meurt Où: Théâtre du Nouveau Monde Quand: jusqu’au 9 février
Crédit photo Yves Renaud
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Arts & Culture
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ARTS DE LA SCÈNE
Du talent à revendre
Le concours This is Talent pour la dernière année à Montréal Anselme Le Texier Le Délit
T
his is Talent, dans la veine des concours de talents qui fleurissent un peu partout, rassemble des artistes inconnus ou méconnus qui prétendent conquérir un jury et parfois même une audience. Celui-ci a été créé il y a deux ans par Josh Sevy, qui travaillait alors dans le milieu de la nuit à Montréal. Le concours se veut être un tremplin pour de jeunes artistes aspirant à une carrière dans leur «talent». This is Talent veut se comparer aux grands concours télévisés qu’on connaît tous, et s’étend rapidement. Josh Sevy, en entrevue avec Le Délit, confie que le concours devrait se tenir à Toronto l’année prochaine, «Le Los Angeles du Canada» selon lui. Il voit déjà le concours qu’il a créé rivaliser avec Canadian Idol d’ici quelques années. Ce qui fait la particularité du concours, c’est l’âge des personnes impliquées. Le concours est limité aux jeunes gens et jeunes femmes entre 16 et 21 ans, ce qui permet notamment de faire découvrir de jeunes talents locaux qu’on n’aurait pas pu voir ailleurs. Les organisateurs et les jurés ont euxmêmes à peine plus de 20 ans :ne équipe dynamique, et volontaire qui a tout fait dans les deux dernières années pour développer le programme. En deux ans, le rayonnement du concours s’est
étendu; le budget aussi. Avec un budget de 7000 dollars la première année, les organisateurs ont été en mesure de louer le Club Soda cette année, d’organiser plusieurs préliminaires, une séance de photos, etc. Les candidats se sont bousculés au portillon pour participer au concours. En un mois, ce ne sont pas moins de 200 groupes et individus qui ont participé aux préliminaires. Alex Camara, jeune styliste montréalais, chanteur et juré cette année, en entrevue avec Le Délit, précise qu’«il a été très difficile de choisir les candidats qui iraient en finale». D’après lui, le niveau des concurrents s’est beaucoup amélioré cette année. Le 9 février, on devrait pouvoir voir 35 prestations différentes sur la scène du Club Soda, avec des chanteurs, des danseurs, et d’autres artistes plus inattendus comme un magicien, qui ont tous dû s’acquitter de frais de 100 dollars pour pourvoir participer à la dernière partie du concours, d’après une participante. Les concurrents viennent presque tous de Montréal et des alentours, dont certains de McGill. Il faut dire que l’événement n’attire quasiment pas de francophones. Josh Sevy regrette l’unilinguisme de l’événement, et annonce fièrement que «le site internet est complètement bilingue». Pour une jeune entreprise, l’expérience est prometteuse. L’équipe s’est montrée capable de s’imposer
sur la scène artistique montréalaise. En quelques années, This is Talent est devenu un concours d’envergure dont le rayonnement local ne saurait que présager un rayonnement bien plus grand. Pour un journaliste montréalais francophone qui évolue dans un environnement anglophone, il n’est pas rare d’être confronté à un unilinguisme
de fait, malgré les efforts des personnes concernées. Cependant ce constat en appelle d’autres. Il est difficile d’admettre que la culture populaire à grand public comme les concours de talents voient trop peu d’implication francophone. Le désir de Josh Sevy d’emporter le concours This is Talent à Toronto n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. x
Illustration Camille Chabrol
FRANÇAIS FACILE
Printemps-été
Plongée au cœur de la nouvelle saison des couturiers québécois Emily Murdock
F
évrier est arrivé à grands pas, et avec le commencement d’un nouveau mois, la nouvelle saison de la mode débute! Maintenant les magasins sont pleins des vêtements d’hiver en solde, et ils nous tentent tous avec des affiches tape-à-l’œil, avec des «Liquidation!» et des «70% de rabais!». Nous essayons de résister à leur séduction, mais c’est difficile. La plupart d’entre nous faisons nos courses dans des grands magasins, et, sans nous en apercevoir, nous manquons toutes les petites boutiques et les artisans locaux. À cause de ça, le mouvement «Shop Small» a émergé et il est de plus en plus populaire. Il encourage les gens à soutenir leur communauté et à respecter les petites entreprises. La mode à Montréal est incroyable et beaucoup viennent ici pour étudier dans des programmes qui se concentrent sur la mode. Montréal, en parallèle avec Toronto, est au cœur de l’industrie de la mode et nous apercevons de plus en plus de couturiers indépendants ici. Yasmine Wasfy de Lustre et MarieChristine Quenneville des Enfants Sauvages sont des couturières québécoises d’intérêt installées à Montréal. Les deux couturières ont des styles complètement différents, mais elles ont quelque chose en commun: tous leurs vêtements sont cousus à la main. La compagnie Lustre a été créée par Yasmine Wasfy, originaire de Montréal. Une
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Arts & Culture
petite marque avec des origines modestes, elle a non seulement un magasin sur la Main (le boulevard Saint-Laurent), mais aussi une boutique en ligne. La boutique est située au-dessus de Duluth avec une enseigne rose pâle. Dans la vitrine, trois mannequins, avec un air d’élégance, portent les plus récentes créations de la couturière. La vitrine vous donne une idée du style classique que Yasmine Wasfy a capturé. Les habits que vous trouverez au Lustre sont incomparables. La structure des vêtements est intemporelle et flatte tous les corps, mais plus que ça, les tissus sont superbes. Yasmine Wasfy a l’œil pour les textures et les motifs qui sont, en même temps, flatteurs, intriguants et uniques. Elle travaille aussi très souvent avec des tissus vintages qu’elle utilise pour faire de la mode «moderne». Pour sa nouvelle collection, qui est déjà en vitrine, elle s’est concentrée sur les robes d’été, longues et courtes. Mais toute la collection n’a pas encore été révélée. Nous attendons donc avec enthousiasme les belles créations en production pour le printemps et l’été! Contrairement au Lustre, Les Enfants Sauvages n’a pas de boutique. Pour l’instant, Les Enfants Sauvages font leurs vêtements dans leur atelier. Quelques magasins ici à Montréal ont leurs habits en stock, mais Les Enfants Sauvages ont surtout une boutique en ligne.
Les Enfants Sauvages se décrivent comme «un mélange de tradition et de modernité, de local, et d’étranger». Leurs vêtements intègrent des tissus exotiques (Afrique, Asie, etc.) avec des éléments vintages pour créer un style moderne, qui est unique parmi les couturiers québécois. Les beaux motifs et les couleurs vives de leurs créations manquent dans les garde-robes d’Amérique du Nord. Sa collection n’est pas disponible en ce moment, mais récemment Marie-Christine nous a donné trois indices pour le printemps: «Le vert menthe, la soie meisen (une soie japonaise), et jumpsuit short!». En attendant les beaux jours. x VOCABULAIRE: Tenter: to tempt Taper à l’œil: to catch the eye Soutenir: to support Un couturier: fashion designer En ligne: online Au-dessus de: above Les habits: clothes Intemporel: timeless Un tissu: fabric Avoir l’œil pour: to have an eye for Atelier: studio Intégrer: to incorporate/integrate Parmi: among Garde-robe: wardrobe Illustration Camille Chabrol
x le délit · le mardi 5 février 2013 · delitfrancais.com
MUSIQUE
Une extravagance mesurée Queen Extravaganza, cover band du groupe Queen au centre Bell Virginie Daigle
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roduit par Roger Taylor, membre original du groupe Queen, Queen Extravangaza est formé des vocalistes Marc Martel et Jennifer Espinoza, avec Brian Gresh à la guitare, Tyler Warren, François-Olivier Doyon aux percussions et Brandon Ethridge au piano et à la direction musicale. Dans le centre Bell qui se remplit tranquillement, on peut noter une variété amusante de spectateurs. Des couples d’un certain âge dont les manteaux élégants auraient mieux convenu au vestiaire de la Place des Arts, des groupies vieillies arborant les mêmes vêtements savamment rapiécés qu’il y a vingt ans, de nouveaux fans à la vergue vestimentaire un peu plus retenue et de jeunes enfants excités comme avant la parade du Père Noël; tous se sont rassemblés pour assister au spectacle du cover band. Le début du spectacle ne laisse pourtant rien présager de bon. Il y a une incongruité frappante à voir cette foule docilement assise écouter passivement la chanson «We Will Rock You». En vérité, le public ne commence véritablement à rocker qu’à la dernière chanson avant l’entracte, l’épique et incontournable Bohemian Rhapsody. À partir de ce moment-là, la mèche prend feux, et rares sont les chansons du deuxième acte pour lesquelles le parterre s’est contenté de rester sagement assis. À de nombreuses reprises tout au long du spectacle, le chanteur d’origine montréalaise Marc Martel se fait un plaisir de souligner ses racines québécoises. Il s’adresse tout autant en français qu’en anglais à la foule. Le sentiment d’appartenance au public atteint son summum
lorsqu’il réapparaît sur scène arborant fièrement un chandail des Canadiens de Montréal au moment de la chanson «Another One Bites the Dust» qui prend alors une résonnance particulière. Bien que la présence sur scène des géants du rock ne pourra évidemment jamais être reproduite, l’héritage musical que les compositeurs laissent derrière eux mérite d’être apprécié à sa juste valeur, partagé par des milliers de fans à la fois. La soirée atteint son comble lorsque le groupe entame «We Are the Champions» alors que les écrans géants derrière eux projettent des images vidéos de foules
immenses provenant de concerts passés du groupe original. Deux foules, des milliers d’individus rassemblés, ni dans l’espace ni dans le temps, mais sur une seule et même musique iconique: un rassemblement à travers les époques. Le spectacle se fait davantage sur le ton de l’hommage que de l’imitation, dans le désir de partager un héritage musical monumental, qui prend toute sa valeur sur scène. Il s’agit d’une expérience drastiquement différente du fait d’écouter cette musique individuellement en format mp3. Quiconque connaît Bohemian Rhapsody sait qu’un plaisir exta-
tique réside dans le fait de s’époumoner en groupe sans retenue sur les paroles à la fois profondes et disjonctées. Après tout, si les orchestres classiques jouent souvent des «reprises» de grands compositeurs au plus grand plaisir des amateurs, pourquoi le rock ferait-il exception? Il est clair que la musique rock possède un public qui ne cesse de se renouveler. Et tant que les interprètes et la mise en scène sont à la hauteur du matériel original, il n’y a aucune raison pour que les grands classiques des membres de Queen ne résonnent pas sur scène longtemps après leur mort. x
Crédit photo Rob Sinclair
Calendrier Culturel Orchestre symphonique de McGill Haydn, Mozart, Debussy, Tchaïkovsky 5 février à 19h30 Pollack Hall 12$
Pleasure Dome Danse contemporaine Agora de la danse 6 au 8 février à 20h et 9 février à 16h 20$
Fondu au Noir Festival du Mois de l’Histoire des Noirs Nombreux événements Jusqu’au 28 février
Les monologues du vagin, d’Eve Ensler Pièce de théâtre V-Day McGill 14-16 février à 19h30 10$
Aimer le désordre Exposition de Frédérique UlmanGagné Peinture La Centrale Du 8 février au 17 mars
Pérou: Royaumes du Soleil et de la Lune Exposition Musée des Beaux-Arts de Montréal Jusqu’au 16 juin 2013 10$
Hosanna, de Michel Tremblay Pièce de théâtre TNC 6-9 et 13-16 février à 20h 6$
Oroonoko, de Paul Van Dyck Pièce de théâtre Montréal Arts Interculturels (MAI) 6 au 10 et 13 au 17 février à 20h 20$
Circo Ciudad de Colombia Reportage photo sur le cirque en Colombie TOHU - Espace BOHU Du 19 février au 21 avril
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Arts & Culture
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ARCHITECTURE
Montréal mise à nue au Centre Canadien d’Architecture
Crédit photo Thomas Simonneau
Thomas Simonneau Le Délit
C
omme à son habitude, le Centre Canadien d’Architecture offre aux Montréalais la chance de découvrir gratuitement une exposition temporaire qui ne manque pas d’adeptes en ce climat glacial. Cette dernière exposition met en perspective les caractéristiques architecturales de la métropole contemporaine sous la forme d’un abécédaire, d’où son nom. C’est donc grâce à des maquettes, des photographies, des vidéos, des essais et des dessins que l’on découvre cette ville unique sous un angle à la fois familier et surprenant. Le processus ne manque pas de rappeler la singularité de cette ville ainsi que son aspect esthétique qui ne vient pas forcément à l’idée lorsqu’on évoque le nom de Montréal. Le 31 janvier 2013, nous avions éga-
lement la chance d’assister au lancement de la nouvelle partie d’«ABC: MTL», qui inaugure l’exposition Par les rues. Celle-ci a la particularité de se limiter à la salle octogonale du CCA, qui n’a rien d’extraordinaire. On y contemple une trentaine de clichés pris tout au long du 20e siècle et représentant les aspects de la vie quotidienne à Montréal ainsi que ses lieux mythiques. Les monochromes dévoilent par exemple une vue panoramique du Mont-Royal, un salon de coiffure rétro, une charcuterie hongroise sur St-Laurent ou encore une rue McTavish enjolivée par de vieilles berlines américaines que beaucoup rêveraient de posséder aujourd’hui. Bien que Par les rues laisse la plupart des spectateurs ou bien rêveurs d’une époque qu’ils n’ont pas connu ou bien nostalgiques d’un temps révolu, elle permet aussi au public de mieux comprendre cette ville unique sur le plan culturel, économique et politique. En effet, certaines images
Project pour 2025 Crédit photo Thomas Simonneau
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montrent l’existence d’un complexe industrialo-portuaire important au cœur d’une métropole florissante ou le cosmopolitisme formidable présent tout au long du boulevard St-Laurent qui persiste encore de nos jours. Inutile de préciser que Par les rues vaut donc bien le détour, surtout pour des étudiant mcgillois curieux et désirant mieux connaître l’agglomération dans laquelle ils vivent. Pour l’inauguration, le public avait même la chance d’assister à une performance du DJ CFCF et à un mix de DJ Jordan qui ne manquaient pas de piquant. Cult MTL, le mensuel qui a pour vocation de faire connaître la scène culturelle montréalaise, lançait son numéro de février en cette occasion. Le cœur de l’exposition, lui, se présente sous la forme d’un abécédaire urbain. Jolie expression qui définit simplement une variété de supports conçus par des artistes, étudiants, architectes, sculpteurs et autres créateurs talentueux de la métropole. Parmi eux, Melvin Charney, architecte, théoricien et artiste qui façonna Montréal grâce à son ingéniosité et sa créativité. Ce dernier est notamment le créateur du jardin du CCA. La majeure partie de son œuvre développe l’idée que «la rue constitue la richesse fondamentale de la ville». On y découvre également un projet d’étudiants en architecture à McGill intitulé «Feeling Orange» qui suggère une relation entre le corps humain, les émotions et la structure de certains projets urbains. Une grande partie de leur travail se fait par l’étude de l’ossature de la ligne de métro orange et la juxtaposition de vues photographiées à la surface et sous la terre, le long de cette ligne. L’objectif est de «saisir les atmosphères psychologiques et la cognition sensorielle, pour faire du corps l’ancrage de la représentation urbaine». Enfin, on peut admirer des travaux appartenant aux 131 projets de «Montréal 2025» qui prônent le déve-
loppement urbain et économique de la ville tout en incorporant les objectifs et les défis futurs comme le développement durable (voir photo). Pour terminer, un projecteur nous laisse apercevoir une vidéo prise d’un hélicoptère qui met en valeur le centre-ville de Montréal, ses tours et ses lumières, en pleine nuit. Plus terre-à-terre, «ABC: MTL» illustre aussi le principe purement québécois du «raboutage». Celui-ci consiste à récupérer des matériaux usagés pour aménager son chez-soi. C’est en rafistolant, bricolant, raccommodant au mieux que le «raboutage» prend forme et permet aux Montréalais de faire des économies, s’exprimer et améliorer leur confort personnel. D’après un membre d’un collectif d’urbanistes en entrevue avec Le Délit, c’est «l’architecture de l’aubaine, de l’opportunité et des moyens du bord, un ensemble indifférencié, anarchique de petites solutions et de grands projets». En guise de conclusion, il est sûrement utile de préciser que cette exposition, bien que retraçant en partie l’Histoire architecturale de la métropole, s’ancre dans un mouvement majoritairement tourné vers l’aménagement futur de la ville. En effet, l’idée est de percevoir la métropole telle qu’elle est aujourd’hui, de s’inspirer de son passé ainsi que de sa métamorphose quotidienne pour ensuite concrétiser des projets réalistes, durables et aux plus proches des besoins de l’environnement et des habitants. Cela dit, quelque soit le futur de notre chère agglomération, «ABC: MTL» est une exposition qui ne court pas les rues et qui mérite tout son succès. x ABC : MTL Où: Centre Canadien d’Architecture Quand: jusqu’au 31 mars
x le délit · le mardi 5 février 2013 · delitfrancais.com