Le Délit - 17 novembre 2021

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Le Délit est situé en territoire Kanien’kehá:ka non-cédé. Mercredi 17 novembre 2021 | Volume 110 Numéro 10

On stresse pour la maîtrise depuis 1977


Éditorial rec@delitfrancais.com

Pour un véritable renouveau politique louise toutée Éditrice Enquêtes Après des élections fédérales qui n’ont fait que prolonger le statu quo parlementaire, les résultats des élections du 7 novembre dernier ont apporté un vent de fraîcheur à la politique municipale. De nouveaux visages, des luttes serrées, des plateformes ambitieuses : ces élections auront été historiques pour plus d’une raison. Comme l’ont souligné plusieurs médias, les élections municipales ont porté au pouvoir une proportion sans précédent de femmes, notamment élues à la mairie. En effet, la moitié des dix villes les plus importantes du Québec sont maintenant dirigées par des mairesses – pendant quelques heures, on annonçait même que ce serait une majorité, avant la défaite surprise de Marie-Josée Savard à la mairie de la Ville de Québec. Selon Le Devoir, 31% de la population québécoise réside dans une municipalité gouvernée par l’une de ces cinq villes. Cette féminisation du poste de maire·sse vient main dans la main avec un rajeunissement des élu·e·s municipaux·les. Encore selon Le Devoir, l’âge moyen des maire·sse·s des six principales villes de la province est de 39 ans – la cadette, Catherine Fournier, n’a pas encore atteint la trentaine et siège désormais à la mairie de Longueuil. Les jeunes élu·e·s sont en majorité des femmes : dans la tranche d’âge des 18-34 ans, elles composent tout juste 51% des candidat·e·s élu·e·s comme maire·sse·s ou conseiller·ère·s. Plus l’on avance dans les tranches d’âge, plus cette proportion tombe, jusqu’à atteindre moins d’un quart de femmes chez les 65 ans et plus. On peut également observer le nouveau succès de candidat·e·s mettant l’environnement au cœur de leur plateforme. Bien que la campagne municipale montréalaise n’ait pas accordé beaucoup d’importance à cet enjeu, il a été en général bien plus présent cette année que durant les élections de 2017. Plus de 80 des candidat·e·s ayant été élu·e·s faisaient partie du mouvement La vague écologiste au municipal, organisme conçu pour aider les candidat·e·s avec des plateformes environnementales fortes à se faire connaître. Parmi ces élu·e·s, dont huit ont remporté le poste de maire·sse, on compte une majorité de femmes, et une bonne proportion de jeunes. Le futur de la politique, du moins au palier municipal, semble donc être jeune, féminin et écologiste. Néanmoins, tout n’est pas rose. Il reste beaucoup de chemin à faire avant d’atteindre la parité : 76%

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des maire·sse·s ainsi que plus de 60% des conseiller·ère·s du Québec sont toujours des hommes. De plus, bien que les conseils municipaux des grandes villes se rajeunissent et se féminisent, le reste de la province n’emboîte pas le pas : à la grandeur du Québec, la proportion d’élu·e·s de moins de 44 ans n’a pas changé depuis les élections de 2013, tout comme la proportion des 18-34 ans. Mais surtout, ces élections se démarquent tristement par leur taux de participation, qui n’a atteint que 38% pour la province et pour Montréal. C’est presque la moitié du taux de participation québécois aux élections fédérales de septembre dernier – malgré le mécontentement généralisé contre ces élections perçues comme « inutiles » ou « précipitées ». Plus de la moitié des maire·sse·s de la province ont d’ailleurs été élu·e·s automatiquement, sans opposition – dans des municipalités situées en région, oui, mais aussi dans certaines des plus grandes villes, dont Boucherville qui compte plus de 40 000 habitant·e·s. Certes, cette tendance n’est pas nouvelle : les élections municipales génèrent toujours moins d’intérêt que celles des autres paliers. Néanmoins, les taux de participation de cette année sont les plus bas depuis au moins 20 ans. Et c’est particulièrement vrai chez les tranches d’âge plus jeunes, qui votent moins que les jeunes des générations précédentes. On ne peut que se réjouir de voir un renouvellement des candidat·e·s se présentant aux élections municipales québécoises. Presque une décennie après la commission Charbonneau et les grands scandales de corruption de Gérald Tremblay à Montréal ou ceux de Gilles Vaillancourt à Laval, la politique municipale semble susciter un enthousiasme nouveau. Pour que notre démocratie reste solide, cependant, il faut que ce renouvellement s’effectue aussi sur le plan des électeur·rice·s. Au niveau municipal, les marges de victoire peuvent être extrêmement petites, et dire que chaque voix compte n’est souvent pas qu’une façon de parler : dans Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, un des arrondissements les plus peuplés de Montréal avec plus de 160 000 habitant·e·s, la candidate Gracia Kasoki Katahwa de Projet Montréal l’a emporté sur son adversaire par 83 voix d’avance seulement. Au final, la nouvelle génération paritaire de candidat·e·s ayant l’environnement à cœur ne pourra accéder aux conseils municipaux à travers le Québec que si nous, la nouvelle génération d’électeur·rice·s, les y portons.x

Volume 110 Numéro 10

Le seul journal francophone de l’Université McGill RÉDACTION 3480 rue McTavish, bureau 107 Montréal (Québec) H3A 1B5 Téléphone : +1 514 398-6790 Rédacteur en chef rec@delitfrancais.com Philippe Bédard-Gagnon Actualités actualites@delitfrancais.com Félix A. Vincent Vacant Vacant Culture artsculture@delitfrancais.com Sophie Ji Florence Lavoie Société societe@delitfrancais.com Opinion - Aymeric L. Tardif Enquêtes - Louise Toutée Philosophie philosophie@delitfrancais.com Marco-Antonio Hauwert Rueda Coordonnatrice de la production production@delitfrancais.com Adélia Meynard Coordonnateur·rice·s visuel visuel@delitfrancais.com Illustration - Alexandre Gontier Photographie - Vacant Multimédias multimedias@delitfrancais.com Olivier Turcotte Coordonnateur·rice·s de la correction correction@delitfrancais.com Gabrielle Genest Léonard Smith Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Coordonnateur·rice·s réseaux sociaux reso@delitfrancais.com Eleonore d’Espinose Andrew Ma Contributeurs·rices Alex DePani, Mario Michas, Mathieu Tsirmbas Finalistes du concours de poésie Pierre-Olivier Bergeron-Noël, Anaël Bisson, Amélie Ducharme, Angelina Guo, Catherine Légaré Couverture Alexandre Gontier BUREAU PUBLICITAIRE 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 0E7 Téléphone : +1 514 398-6790 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Représentante en ventes Letty Matteo Photocomposition Mathieu Ménard The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Pandora Wotton Conseil d’administration de la SPD Philippe Bédard-Gagnon, Kate Ellis, Marco-Antonio Hauwert Rueda, Asa Kohn, Thibault Passet, Abigail Popple, Simon Tardif, Pandora Wotton

Les opinions exprimées dans les pages du Délit sont celles de leurs auteur·e·s et ne reflètent pas les politiques ou les positions officielles de l’Université McGill. Le Délit n’est pas affilié à l’Université McGill. Le Délit est situé en territoire Kanien’kehá:ka non-cédé. L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavant réservés). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans le journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

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Actualités campus

actualites@delitfrancais.com

Nouvelle ressource pour les victimes de harcèlement, de discrimination et violences sexuelles Le Bureau de la médiation et des signalements ouvre ses portes à l’Université McGill.

Alexandre Gontier | Le délit Phlippe Bédard-Gagnon

Rédacteur en chef

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n mai 2021, le sénat de l’Université McGill a modifié la Politique sur le harcèlement et sur la discrimination interdite par la loi en établissant un nouveau Bureau de la médiation et des signalements (Office for mediation and reporting, OMR). Entrée en opération cette session, la nouvelle unité accompagne les membres de la communauté universitaire dans leurs démarches de plaintes formelles et de médiation en matière de harcèlement, de discrimination et de violences sexuelles. Dans le cadre de ses activités de sensibilisation, sa directrice adjointe Sinead Hunt a invité les médias étudiants de McGill à une table ronde le 12 novembre dernier pour présenter l’OMR. Centralisation sans soutien direct Sinead Hunt est conseillère principale en équité et en inclusion à McGill depuis 2018. Elle reçoit les plaintes formelles de discrimination et de harcèlement et les attribue aux enquêteur·rice·s bénévoles à temps partiel de McGill. Ces dernier·ère·s sont chargé·e·s d’enquêter sur les cas qui leur sont présentés afin d’arriver à une décision. Les plaintes en matière

de violences sexuelles sont quant à elles envoyées à des enquêteur·rice·s externes. Sinead Hunt organise également des processus de médiation dans les dossiers où cette solution convient aux deux parties. La médiation n’implique pas nécessairement que les parties devront se rencontrer : le·a médiateur·rice peut jouer le rôle d’intermédiaire.

« L’un des objectifs derrière la création de l’OMR est de centraliser les ressources et les informations en lien avec les plaintes formelles et la médiation à McGill » La formulation d’une plainte formelle peut être longue et difficile à accomplir, a affirmé la directrice adjointe. L’un des objectifs derrière la création de l’OMR est de centraliser les ressources et les informations en lien avec les plaintes formelles et la médiation à McGill. L’OMR n’offre pas de soutien direct comme des rencontres avec des psycholo-

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gues ou des accommodements. Il peut toutefois référer les plaignant·e·s à d’autres organismes qui le font, comme le Bureau d’intervention, de prévention et d’éducation en matière de violence sexuelle (Office for Sexual Violence Response, Support and Education, OSVRSE). Quiconque considère avoir été victime de harcèlement ou de discrimination sous la Politique sur le harcèlement et la discrimination interdite par la loi, ou de violences sexuelles sous la Politique contre la violence sexuelle peut demander une séance de consultation avec l’OMR. « Certaines personnes hésitent à nous rencontrer parce qu'elles ont l'impression qu'une fois qu'elles auront partagé des informations, cela déclenche un processus qu'elles ne veulent peut-être pas entamer. Nous sommes donc très explicites sur le fait que la décision revient à la personne elle-même », a affirmé Sinead Hunt. Les personnes qui bénéficient déjà des services de l’OSVRSE peuvent aussi demander à ce que leurs dossiers soient partagés à l’OMR en vue d’une séance de consultation. En raison de sa petite taille, l’organisme n’est pas actuellement en mesure de garantir aux utilisateur·rice·s une consultation avec une personne d’un genre, d’une

orientation sexuelle ou d’une identité ethnique spécifique. L’OMR n’est pas habilité à décréter des mesures de sécurité immédiates pour les plaignant·e·s. Toutefois, il peut en

« Nous sommes donc très explicites sur le fait que la décision [de porter plainte] revient à la personne elle-même » Sinead Hunt, directrice adjointe du OMR faire la demande à McGill ou aux facultés concernées et jouer un rôle d’intermédiaire entre l’administration et les plaignant·e·s. Ces mesures peuvent aller de « l ’ordonnance de ne pas communiquer » à la restriction temporaire de l’accès au campus de l’intimé·e. Un rôle mieux défini et quelques assouplissements Selon Sinead Hunt, la création de l’OMR a été motivée par l’application du premier Plan

stratégique en matière d’équité, de diversité et d’inclusion de McGill, adopté en 2020. Celuici contient des engagements en matière de discrimination et de violences sexuelles, dont l’examen du processus de plainte et de médiation. « J'occupais auparavant un poste à l'Université – Conseillère principale en matière d'équité et d'inclusion – mais j'ai souvent entendu dire que mon titre ne précisait pas clairement ce que je faisais ou que j'étais la personne à contacter pour soumettre une plainte formelle », a souligné la directrice adjointe. À présent, elle espère que la dénomination de l’OMR et ses efforts de publicisation faciliteront les recherches des membres de la communauté mcgilloise. En parallèle, d’autres changements ont été apportés aux politiques de l’Université en lien avec la mission de l’OMR. Les délais pour formuler une plainte en matière de discrimination et de harcèlement ont été étirés de 12 à 24 mois, et ce processus est désormais ouvert aux ancien·ne·s étudiant·e·s de McGill tant que ces délais sont respectés. Aucun délai maximal ne s’applique en matière de violences sexuelles. Avec l’avènement de l’OMR, l’Université a également embauché un·e enquêteur·rice à temps plein pour les affaires de harcèlement et de discrimination.x

Actualités

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campus

Un cas positif de COVID-19 au Gerts La vérification du passeport vaccinal manquerait de rigueur dans l’établissement. louise toutée

Éditrice Société

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e jeudi 11 novembre dernier, le comité exécutif de l’AÉUM et l’équipe administrative de Gerts, le bar de l’association étudiante, annonçaient par courriel la fermeture de l’établissement pour le reste de la semaine. La raison? Ils auraient appris mercredi soir qu’un individu positif à la COVID-19 avait été présent dans le bar le lundi 8 novembre. Dans leur message, l’AÉUM et Gerts incitaient donc les individus ayant fréquenté le bar Gerts ou

son comptoir café ce jour-là à aller se faire tester le plus rapidement possible. Selon le communiqué, l’AÉUM et Gerts avaient déjà commencé à contacter directement les individus qui avaient fréquenté l’établissement lundi dernier. Le processus semble toutefois loin d’avoir été exhaustif : plusieurs étudiant·e·s ayant fréquenté le bar lundi en soirée et en après-midi n’avaient toujours pas été contacté·e·s au moment de publier. L’établissement offrait des cafés espresso gratuits le matin même afin de marquer

l’ouverture du comptoir café de Gerts, et un concert avait aussi lieu ce soir-là. Ces deux facteurs ont pu créer un achalandage plus important que d’habitude, ce qui aurait pu compliquer davantage

« Ç’aurait été facile de rentrer sans vérification. C’était grand ouvert, et pourtant il n’y avait personne à la porte où je suis entré » Un étudiant de McGill le traçage des contacts.

Louise Toutée | le délit

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Les règlements en place au Québec exigent le passeport vaccinal pour entrer dans les bars et les restaurants, incluant les terrasses. Une fois à l’intérieur, le port du masque n’est pas obligatoire pour les personnes assises aux tables. Le retrait du masque à l’occasion d’un repas ou d’un verre peut augmenter

la transmission du virus ; toutefois, dans les cas où les mesures sanitaires sont respectées, le risque présent est « tolérable » d’après la Santé publique. Pourtant, certain·e·s étudiant·e·s ayant fréquenté le bar lundi soir ont confirmé au Délit que les employé·e·s du Gerts n’ont pas exigé qu’il·elle·s présentent leur preuve de vaccination. Le Gerts est accessible par deux entrées, une qui donne sur la rue McTavish et l’autre sur l’intérieur du centre universitaire, et la vérification ne semblait pas être faite aux deux accès. « Ç’aurait été facile de rentrer sans vérification. C’était grand ouvert, et pourtant il n’y avait personne à la porte où je suis entré », confirme un étudiant présent lundi soir. Une autre étudiante ayant fréquenté le bar à deux occasions dans les dernières semaines, dans l’heure précédant la fermeture,

alexandre gontier | le délit confirme ne jamais s’être fait demander sa preuve de vaccination. « Je suis rentrée par la porte intérieure. On dirait qu’il n’y a personne qui vérifie cette entrée-là, du moins pas tard le soir. » L’AÉUM et l’administration de Gerts n’ont pas répondu aux questions du Délit au sujet des procédures de vérification du passeport vaccinal, ni au sujet du statut vaccinal de l’individu positif à la COVID-19.x

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société opinion

societe@delitfrancais.com

Changer le monde un pas à la fois avec l’hydrogène québécois Quand les bottines ne suivent pas les babines. alex depani

Contributeur

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éjà presque 30 ans se sont écoulés depuis la signature de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Cet accord, signé par 165 pays en 1992, avait comme objectif de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre afin de prévenir des perturbations climatiques, tel que mentionné dans le rapport officiel.

béatrice malleret

Presque 25 ans plus tard, 195 pays ont signé l’Accord de Paris. Presque 25 ans plus tard, nous pouvions aussi dire que nous avions augmenté nos émissions dans une proportion d’ approximativement 40%, au lieu de les diminuer. L’objectif, tel que mentionné à l’article 4 de l’Accord de Paris, demeurait sensiblement le même : diminuer nos émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais. On pourrait dire que peu de choses ont changé, hormis l’urgence d’agir. En effet, depuis la première révolution industrielle, notre espèce a sévèrement perturbé les cycles naturels du carbone, du méthane, ainsi que d’autres gaz ayant la capacité d’emprisonner les rayonnements infrarouges émis par notre planète. Cette énergie, ne pouvant s’échapper dans l’espace, entraîne une augmentation de la température à l’intérieur de notre atmosphère. Cependant, contrairement à la croyance populaire, ce n’est pas qu’un problème de volonté politique : le problème est extrêmement plus complexe que l’on pense. Certains secteurs, tels que ceux du transport maritime et aérien, ainsi que celui de l’industrie lourde, ne peuvent pas actuellement utiliser nos technologies les plus populaires exploitant des énergies renouvelables. En effet, des technologies telles que la batterie au lithium sont trop lourdes pour faire voler des avions commerciaux. De plus, ce ne sont pas toutes les technologies du secteur de l’industrie lourde qui peuvent fournir avec constance des niveaux de chaleur dépassant le cap des 1 400 degrés Celsius, température nécessaire pour produire du ciment : ces prérequis ne

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société

alexandre gontier | le délit

peuvent pas être atteints avec une combinaison de batteries, panneaux solaires et éoliennes. La complexité du problème nécessite des solutions créatives. L’hydrogène peut être considéré comme une solution intéressante à plusieurs de nos problèmes liés aux limitations physiques de la décarbonisation de certains secteurs. Dans mon dernier article paru au

duire à grande échelle ce combustible au Québec! La chimie opère entre le Québec et l’hydrogène L’hydrogène est un combustible qui, contrairement à la batterie au lithium, possède l’une des propriétés clés des combustibles fossiles : il est extrêmement léger par rapport aux quantités d’énergie

« L’hydrogène peut être considéré comme une solution intéressante à plusieurs de nos problèmes liés aux limitations physiques de la décarbonisation de certains secteurs » Délit, j’ai mentionné comment l’hydrogène mérite fort probablement sa place au sein d’une transition verte éventuelle que nous souhaiterions entreprendre. Explorons maintenant la possibilité de pro-

qu’il fournit. Cependant, à ce jour, 99,3% de la production d’hydrogène autour du globe est considérée comme « grise » ou « noire » : c’està-dire qu’elle résulte de procédés émettant eux-mêmes des gaz à effet

de serre, tel que le reformage du méthane à la vapeur. Remplacer des combustibles fossiles par de l’hydrogène produit avec de telles sources ne nous avance donc pas à grand-chose, en pratique. Il existe cependant un autre procédé pour produire de l’hydrogène, soit l’électrolyse de l’eau. En utilisant des technologies exploitant l’énergie renouvelable, il est possible de reformer nos molécules d’eau (H2O) en molécules séparées de dioxygène (O2) et de dihydrogène (H2) tout en émettant très peu de gaz à effet de serre! Toutefois, ce processus est très demandant en énergie : il nécessite 2 238 MWh d’énergie pour produire approximativement 46 600 kg d’hydrogène. Cette quantité d’hydrogène relâcherait, lors de sa combustion, l’énergie nécessaire pour effectuer un voyage de 10 heures dans un avion ayant la taille, le poids ainsi que la vitesse de croisière d’un Boeing 747 ( 1552,5 MWh). Cette quantité d’énergie tirée de l’hydrogène produite, propulsant un bolide transportant au-delà de 500 passagers outre-mer, est une quantité d’énergie non négligeable.

Cependant, le 2 238 MWh, utilisé lors de la production d’hydrogène nécessaire pour effectuer un tel vol d’avion, est une quantité d’énergie

« Certains secteurs, tels que ceux du transport maritime et aérien, tout comme celui de l’industrie lourde, ne peuvent pas actuellement utiliser nos technologies les plus populaires qui permettent d’exploiter des énergies renouvelables »

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opinion

Par la suite, il y aurait davantage d’opportunités d’exploiter une des grandes richesses québécoises : l’immense quantité de rivières qui coulent sur l’ensemble du territoire. Selon un rapport effectué par F. Pierre Gingras, ingénieur industriel ayant travaillé plus de 31 ans sur des projets hydroélectriques, il serait techniquement possible d’augmenter notre production hydroélectrique annuelle d’approximativement 7 580 GWh (équivalant à la consommation de 400 000 maisons québécoises), en construisant des barrages, entre autres, sur la rivière Gatineau. Cela est sans compter l’entrée en service de la centrale Romaine-4 en 2022, qui ajoutera annuellement un autre 2 146,2 GWh à notre capacité de production d’énergie hydroélectrique.

alexandre gontier | le délit

suffisante pour subvenir aux besoins énergétiques de plus de 120 maisons québécoises moyennes pendant un an. Il est raisonnable de croire que la majorité des états et provinces nord-américains, où une grande part de l’énergie produite émet des gaz à effet de serre, prioriserait la décarbonisation de leur réseau électrique avant de produire de l’hydrogène. C’est une façon plus efficace de décarboniser son économie : tu en as plus pour ton énergie! Le Québec présente toutefois une situation assez particulière : nous produisons déjà 98% de notre électricité à partir de sources renouvelables. Nos émissions de gaz à effet de serre proviennent principalement du secteur du transport ainsi que celui de l’industrie. Cela tombe bien puisqu’en date d’aujourd’hui, la combustion de l’hydrogène est jugée comme l’alternative la plus envisageable pour remplacer les combustibles fossiles dans les processus industriels nécessitant de hautes températures. Le secteur du transport pourrait aussi éventuellement être décarbonisé avec une combinaison de densification urbaine, système de transport amélioré ainsi qu’un déploiement de véhicules à batterie au lithium. Si le Québec augmentait davantage sa production d’énergie renouvelable, on pourrait donc presque utiliser entièrement notre surplus d’énergie (il en faudrait, entre autres, davantage dans notre réseau électrique afin d’alimenter une éventuelle flotte de véhicules à batterie) afin de produire de l’hydrogène!

Quelle quantité d’hydrogène propre? Quelle quantité d’énergie serions-nous capables de produire au Québec à des fins de production d’hydrogène? Faisons une rapide analyse de trois domaines énergétiques québécois pour avoir une idée de l’ordre de grandeur dans lequel il serait possible de produire cet intrigant combustible. Tout d’abord, il est raisonnable de supposer, selon des études d’efficacité énergétique effec-

Le Québec est aussi doté d’un bon potentiel éolien : aujourd’hui, 5,3% de notre électricité est produite à partir de l’énergie du vent, en grande majorité exploitée à proximité du fleuve Saint-Laurent. Selon un rapport technique de 2010, le Québec pourrait réalistement tripler sa production d’énergie éolienne actuelle : cela créerait assez de nouvelle énergie pour alimenter annuellement plus de 3 800 000 maisons québécoises. Cependant, puisqu’il serait insensé de produire de l’hydrogène afin de décarboniser, entre autres, des avions effectuant des voyages intercontinentaux pendant que des véhicules roulant sur nos routes brûlent encore de l’essence, il serait important de prendre en compte le coût énergétique de la décarbonisation du système de transport québécois. Combien d’électricité serait

« Selon un rapport technique de 2010, le Québec pourrait réalistement tripler sa production d’énergie éolienne actuelle : cela créerait assez de nouvelle énergie pour alimenter annuellement plus de 3 800 000 maisons québécoises! » tuées au Canada, que nous pouvons réduire notre consommation d’énergie de 28% dans l’ensemble de nos bâtiments, ainsi que de 12% dans l’ensemble de nos procédés industriels, simplement en modernisant nos infrastructures de façon appropriée. En nous fiant aux plus récentes données de consommation d’énergie par secteur au Québec, nous constatons qu’il serait théoriquement possible de sauver une quantité d’énergie suffisante pour alimenter plus de 2 200 000 maisons québécoises en énergie.

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consommée approximativement par l’ensemble de nos véhicules, de la Honda Civic du voisin jusqu’à la déneigeuse du quartier, s’il fallait qu’elle se convertisse à la batterie au lithium? Avec une combinaison des données compilant le nombre et le type des véhicule sur nos routes, leur consommation énergétique, leur kilométrage annuel moyen ainsi que quelques calculs mathématiques dont je vais avoir la décence de vous épargner1, on peut en arriver à la conclusion qu’électrifier notre réseau du transport accaparerait approximativement 30% de nos surplus énergétiques.

On a tendance à l’oublier, mais recharger une flotte de plusieurs millions de véhicules électriques tous les soirs, c’est très énergivore! Hydro-Québec vient aussi tout juste de signer un contrat de 25 ans avec l’État de New York afin de lui fournir une partie de notre énergie renouvelable. Cette énergie, qui va remplacer de l’énergie produite à partir de combustibles fossiles, aura un impact positif sur la production de gaz à effet de serre ; cependant, elle ne pourra pas être utilisée à des fins de production d’hydrogène.

en collaboration avec les communautés autochtones dans tous ses projets. Un barrage construit en aval du barrage Gouin sur la rivière Saint-Maurice, par exemple, devrait aussi être avantageux pour la communauté Wemotaci située dans la région. Toutefois, il ne peut pas être tenu pour acquis que tout projet potentiel serait approuvé. En effet, en analysant les enjeux derrière la construction du barrage du Site C en ColombieBritannique, il ne peut non plus être tenu pour acquis que tout projet sera entamé dans le respect des droits des peuples autochtones.

Note : Ces données supposent que nous serons en mesure de réduire de 20% notre utilisation de voitures. En freinant l’étalement urbain, en améliorant le système de transport et en changeant nos habitudes de vie, cela serait à mon avis un objectif atteignable. alex depani Les résultats sont compilés dans le tableau ci-dessus. En effet, avec un plan audacieux, le Québec pourrait assez réalistement utiliser annuellement autour de 75 000 GWh pour produire de l’hydrogène « vert », ce qui équivaut à plus de 1,5 million de tonnes de cet élément. Cette production se rajouterait à celle de l’usine d’électrolyse bâtie tout récemment à Varennes, qui produit déjà de l’hydrogène servant à la transformation de déchets en biocarburant. Étant donné que seulement 0,7% des 60 millions de tonnes d’hydrogène (donc 0,42 million de tonnes) produites annuellement autour du globe peuvent être considérées comme carboneutres, le Québec se positionnerait immédiatement comme un joueur clé dans une éventuelle transition énergétique. En effet, si demain matin, notre plein potentiel énergétique était exploité à des fins de production d’hydrogène « vert », nous en produirions presque quatre fois plus que le reste du monde. L’hydrogène, se transportant très bien en hydrogénoduc, pourrait être exporté à plusieurs endroits en Amérique du Nord. Après les fleurs, le pot Cependant, il serait malhonnête de montrer uniquement le bon côté de la médaille. Nos technologies exploitant l’énergie renouvelable ne sont pas sans impact, et il est crucial de prendre en considération les conséquences de tels projets. La société d’État Hydro-Québec affirme avec fierté qu’elle travaille

Les projets éoliens ne sont pas non plus les bienvenus partout au Québec : en Montérégie, les citoyens de plusieurs municipalités se sont levés afin d’empêcher la construction d’un parc éolien dans leur région. En entrevue avec Radio-Canada, les maires de plusieurs villes ont exprimé leur désarroi vis-à-vis la possibilité de devoir accommoder de gros projets industriels sur leurs terres agricoles. Malgré le bon potentiel éolien de la région, le projet a été relocalisé en 2018, montrant qu’il n’est pas toujours possible de faire avancer certains projets qui semblent être une bonne idée sur papier. En matière d’énergie renouvelable, le Québec possède un potentiel enviable. Nous sommes parmi les rares endroits au monde qui sont en mesure de produire de l’énergie carboneutre au-delà de nos besoins, et cela, sans avoir à changer radicalement notre mode de vie. Produire de l’hydrogène au Québec pourrait amener son lot de bénéfices à l’international, notamment pour les secteurs du transport maritime ou aérien. L’enjeu reste cependant délicat : jusqu’à quel point les Québécois seraient-ils prêts à courir le risque d’inonder leurs terres avec des barrages ou d’accepter des turbines géantes dans leurs voisinages afin de prévenir les effets néfastes des changements climatiques? À contrecœur, nous réalisons qu’il est impossible d’obtenir le beurre et l’argent du beurre. x 1 Un compte rendu détaillé des calculs se trouve sur le site Internet du Délit.

société

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opinion

À la défense de la transsystémie L’enseignement du droit civil à McGill, plus en santé que l’on pense. Mario Michas Matthew Tsirmbas

Contributeurs

L

a Faculté de droit de l’Université McGill enseigne les deux traditions juridiques canadiennes : la common law et le droit civil. Heureusement, l’enseignement des traditions juridiques autochtones occupe aussi une place de plus en plus importante au sein du programme. McGill est ainsi la seule université canadienne qui offre une formation où les étudiant·e·s peuvent explorer les différentes traditions juridiques du pays de manière transsystémique. Dernièrement, un débat sur l’enseignement du droit civil s’est ouvert au sein de la Faculté. Plusieurs étudiant·e·s croient que la tradition civiliste et, par conséquent, le droit privé, ne sont pas enseignés autant, ni au même niveau de qualité que la common law. Les arguments utilisés pour appuyer cette position incluent, entre autres, le manque de professeur·e·s ayant une formation civiliste ou une expertise en droit civil et le nombre insuffisant de cours de droit civil avancé. Avant de décortiquer les arguments utilisés, il faut établir la définition du terme civiliste. Selon le Juridictionnaire du département des travaux publics et services gouvernementaux du Canada, un·e civiliste est un·e juriste ayant une formation civiliste, qui pratique ou qui produit de la recherche en droit privé pendant un certain nombre d’années. Au Québec, un·e civiliste consacre son temps à l’étude du droit privé, c’est-à-dire le droit régissant les relations et les obligations entre personnes, qu’elles soient physiques ou morales, et entre les personnes et les biens. Par contraste, l’étude du droit public, le droit qui régit les relations entre l’État et les individus, même au Québec, provient de la tradition britannique qui est ancrée dans la common law. Toutefois, certains domaines du droit public au Québec, tel le droit administratif, sont influencés par le droit public de la tradition civiliste européenne continentale. D’après cette définition, la Faculté de droit compte plusieurs civilistes parmi ses rangs, dont la professeure Yaëll Emerich, produisant de la recherche en droit des biens, le professeur Helge Dedek, expert en droit des obligations contractuelles et en droit romain, qui est l’origine même du droit civil. On trouve également la professeure Lara Khoury, une chercheuse de grand renom en droit

de la santé, la professeure Adelle Blackett, qui se spécialise en droit de l’emploi et du travail et le doyen Robert Leckey, spécialiste du droit de la famille. D’ailleurs, ces trois dernier·ère·s ont reçu la distinction advocatus emeritus (avocat·e émérite) pour leurs contributions au monde juridique québécois. De plus, à l’heure actuelle, quatre cours de droit civil avancé sont offerts alors que trois cours avancés de common law le sont. De surcroît, plusieurs autres cours complémentaires sont enseignés par des avocat·e·s pratiquant au Québec en droit privé et par des civilistes expérimenté·e·s. Le cours de droit de la famille enseigné par Me Michaël Lessard, qui a une formation civiliste et qui a été avocat-recherchiste à la Cour d’appel du Québec, peut être cité comme exemple. Le cours de droit commercial vient également à l’esprit ; celui-ci est enseigné par le juge Jeffrey Edwards de la Cour supérieure du Québec. Il faut aussi mentionner le cours d’administration du bien d’autrui et fiducie, offert par la Dre Anne-Sophie Hulin, une chercheuse civiliste qui a d’ailleurs été chargée de cours à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, ainsi qu’à celle de l’Université de Sherbrooke.

« À l’heure actuelle, quatre cours de droit civil avancé sont offerts alors que trois cours avancés de common law le sont » Lors de la première année d’études à la Faculté, il faut noter que dans les cours d’obligations contractuelles et extracontractuelles, la plupart des professeur·e·s ont une formation civiliste, et plusieurs ont fréquenté de grandes universités civilistes telle Panthéon-Assas, à Paris – c’est le cas du professeur Farahat. De plus, le nombre d’arrêts à lire en droit civil québécois et en droit civil en général est presque égal au nombre d’arrêts à lire en common law. Quand cela n’est pas le cas, c’est dû au fait que, dans une tradition civiliste pure, les arrêts ne représentent habituellement pas la plus grande partie des lectures. En ce qui

le délit · mercredi 17 novembre 2021 · delitfrancais.com

alexandre gontier | le délit concerne le temps d’enseignement du droit civil en classe, les professeur·e·s, tel le Professeur Janda, comparent le Code civil du Québec à l’ancien Code civil du Bas-Canada, ainsi qu’aux Codes allemand et français. Il·elle·s procèdent également à une révision de la doctrine et des arrêts assignés ; ces textes consistent par exemple d’articles académiques de juristes québécois·es ou d’approches comparatives entre plusieurs pays civilistes, comme c’est le cas dans le cours du professeur Gélinas, anciennement professeur à Panthéon-Assas qui détient lui aussi la distinction d’avocat émérite. La transsystémie à McGill permet aux étudiant·e·s d’apprendre de professeur·e·s ayant une expérience multidisciplinaire, contribuant à la formation de juristes polyvalent·e·s qui ont une connaissance plus complète du contexte juridique canadien et, par conséquent, de chacune de ses traditions juridiques. Autrement dit, la transsystémie entraîne un enrichissement de l’éducation juridique à la Faculté et non le contraire. Il est possible pour un·e professeur·e d’être un·e spécialiste dans plusieurs domaines, tels le droit des contrats et l’arbitrage. Le fait que le grand civiliste québécois, le juge Pierre-Basile Mignault, était lui-même un expert dans plusieurs domaines comme le droit parlementaire et la déontologie n’a pas diminué son expertise en droit civil. En d’autres mots, l’approche interdisciplinaire des professeur·e·s n’enlève rien à leur expertise en droit civil, au contraire : elle l’enrichit. Également, les faits indiquent que la Faculté semble enseigner le droit civil avec compétence ;

« La transsystémie à McGill permet aux étudiant·e·s d’apprendre de professeur·e·s ayant une expérience multidisciplinaire, contribuant à la formation de juristes polyvalent·e·s qui ont une connaissance plus complète du contexte juridique canadien » les nombreux prix obtenus par les étudiant·e·s mcgillois·es lors des concours de plaidoirie de droit civil et de langue française PierreBasile-Mignault le démontrent. Si on se fie aux résultats de l’examen du Barreau du Québec de l’édition 2019-2020, le taux de réussite des étudiant·e·s mcgillois·es (sans cours préparatoires) était de 82,35%, l’emportant sur l’Université d’Ottawa et sur l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il est aussi utile d’indiquer que l’étudiant ayant obtenu la note la plus élevée à l’École du Barreau en 2021 est un diplômé de la Faculté de droit de McGill. Sur le marché du travail, les étudiant·e·s en droit de McGill obtiennent régulièrement des placements contingentés lors de la course aux stages, ainsi que des postes comme auxiliaires juridiques dans les tribunaux québécois et canadiens. Tous ces accomplissements démontrent que les étudiant·e·s en droit de McGill reçoivent une formation en droit civil plus qu’adéquate. Malgré la présence de plusieurs civilistes et d’un grand nombre de professeur·e·s qui détiennent un

diplôme en droit civil dans le corps professoral, l’embauche d’autres civilistes permettrait d’enrichir davantage le bon équilibre qui est déjà présent dans le cursus entre le droit civil, la common law et les traditions juridiques autochtones. Le recrutement des professeur·e·s civilistes Hinarejos et Zumbansen démontre que la Faculté souhaite maintenir et promouvoir la place du droit civil au sein de l’Université McGill. Évidemment, pour assurer la santé de la transsystémie, il ne faut pas trop se concentrer sur une tradition aux dépens des autres. Cependant, étant donné l’histoire interdépendante du droit civil et de la langue française au Québec, il serait bénéfique d’avoir plus de cours de cette tradition juridique enseignés en français, surtout dans les cours avancés. Considérant les contributions importantes de la Faculté de droit au droit civil en français au Québec, notamment avec L’abnégation en droit civil et Les apparences en droit civil, deux ouvrages collectifs codirigés par le doyen Leckey et la Dre Hulin qui ont été publiés aux Éditions Yvon Blais, le droit civil continuera de prendre son essor.x

société

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Philosophie

L’identité religieuse s’exprime à travers différents registres symboliques. [...] Le « symbole » est un symbole dans la mesure où il manifeste sur le plan matériel une vertu à perfectionner, une croyance métaphysique. [...] Certains symboles dérangent plus que d’autres. Dania Suleman

philosophie@delitfrancais.com

mythologie

Mythologie : la laïcité La religion d’un soldat impérial et d’une professeure musulmane. morales. Cet ensemble est porté par une communauté au sein de laquelle se déploient variablement des rôles sociaux spécialisés ». Tiens donc, il s’avère que cette définition de la religion se rapproche drôlement du projet de laïcité du Québec, ainsi que des préceptes de l’Ordre impérial galactique.

marco-antonio hauwert rueda Éditeur Philosophie

I

maginons la vie d’un soldat impérial (oui, comme dans Star Wars). Appelons-le George, en l’honneur du photographe espagnol Jorge Pérez Higuera, qui a réalisé en 2015 une exposition imaginant le quotidien de ces soldats. George se lève tous les matins, sans son armure ni son casque. Les murs de sa chambre sont d’un rouge vif car il en a marre du blanc – à son boulot, tout est blanc. Il se brosse les dents, prend son déjeuner, lit les nouvelles de la galaxie. Et enfin, le moment fatidique arrive : il est l’heure pour George d’enlever son pyjama aux motifs de tigre et de se vêtir de son armure immaculée. Il enfile ses bottes, ses gants, son équipement et, une fois son casque en place, il n’est plus George, il est uniquement un soldat impérial. Loyal serviteur de l’Empire, sa seule mission est d’obéir aux ordres de l’empereur Palpatine sans objection, sans hésitation et sans délai.

Pour son boulot, George doit parfois faire des choses qu’il n’aime pas, comme capturer et enfermer des Tuk’ata, ces créatures semblables à des chiens que l’Empire entraîne à poursuivre des ennemis. Capturer des mammifères va à l’encontre de la religion de George, mais il n’a pas le choix : George a besoin de ces crédits pour payer son loyer et son épicerie. Originaire de la planète Serenno, il croit aux sept dieux de la religion ancestrale de ce monde, dont le dieu des mammifères, Ferogentia. Tous les soirs, George fait brûler de l’encens sur une petite table ronde, ferme les yeux et exprime son repentir à Ferogentia : « Pardonne-moi, je t’en prie. Je dois faire ce que l’Empire m’ordonne si je veux survivre », implore-t-il.

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Philosphie

Les enseignant·e·s au Québec doivent en effet suivre un ensemble de « pratiques symboliques », tel qu’ôter tout symbole religieux avant l’entrée dans un établissement scolaire. Retirer son voile, c’est essentiellement un acte de purification. Cette purification est nécessaire si l’on veut intégrer l’espace sacré de la salle de classe.

marco-antonio hauwert rueda | Le Délit C’est dans une situation semblable que se retrouvent les employé·e·s de l’État au Québec. Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur laïcité de l’État (mieux connue sous le nom de « loi 21 »), il est interdit aux fonctionnaires en position d’autorité de porter des signes religieux, même si leur port est requis par la religion en question. Cela inclut non seulement les juges, les policier·ère·s et les gardien·ne·s de prison, mais aussi les enseignant·e·s. Ainsi, une enseignante musulmane – appelons-la Fatima – se voit dans l’obligation d’enlever son voile si elle veut exercer son métier. Au nom de quoi Fatima doitelle se dévêtir? Parce que c’est essentiellement cela qui lui est demandé : se dévêtir. Au nom de l’État, bien sûr, et de l’impartialité qu’il est censé incarner. Tout comme un soldat impérial,

« Au nom de quoi Nadia doit-elle de dévêtir? Au nom de l’État, bien sûr, et de l’impartialité qu’il est censé incarner »

Fatima doit se défaire de toute influence privée et se dédier impeccablement à la tâche qui lui est confiée, celle de l’instruction des nouveaux sujets de l’État. La salle de classe se doit d’être un univers hermétique, à l’abri des germes du dogme et de la religion. Ces derniers sont proscris de pénétrer l’espace immaculé de l’enseignement, même de façon symbolique. En entrant dans la salle de classe la tête découverte, Fatima signale implicitement à toute personne qui l’aperçoit qu’elle est « comme tout le monde », qu’elle appartient à la « communauté civique ». Débarrassée de son individualité – donc, de sa subjectivité – tout comme un soldat impérial, elle est officiellement, et paradoxalement, « libérée » de la religion. De cette façon, elle est enfin prête à enseigner un cours de Culture et citoyenneté québécoise à ses élèves. Évidemment, porter un voile ou ne pas en porter n’influence en rien les croyances et enseignements d’une professeure. Comme l’écrit Dania Suleman, avocate et réalisatrice québécoise, « les vêtements des un·e·s et des autres nous informent sur une partie de leur identité (leurs valeurs, leur mode de vie, leur philosophie, leur foi), et non sur leur capacité d’exercer leur métier en toute impartialité ». Mais cela est hors

« L’intention n’est pas d’éliminer les biais des enseignant·e·s, mais de protéger les étudiant·e·s du virus de la religion, même de sa simple vue » sujet dans le contexte de la loi 21. L’intention n’est pas d’éliminer les biais des enseignant·e·s, mais de protéger les étudiant·e·s du virus de la religion, même de sa simple vue. Sacrée laïcité Frank William Remiggi, ancien professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), définit la religion comme un « ensemble de pratiques symboliques possédant sa structure propre mettant en relation des représentations générales et particulières du monde, des rituels permettant d’effectuer les transitions de phases dans les cycles de l’existence et de traverser les situations de crise, ainsi que des règles constituant un code de conduites

Ainsi, la « représentation du monde » mise de l’avant par la loi 21 est essentiellement celle d’une bataille entre ce qui est salissant et contaminant d’un côté (la religion), et ce qui est propre et libérateur de l’autre (la laïcité). Pour qu’elle puisse être libre, il faudrait à tout prix protéger la fragile jeunesse de la contamination que représente la religion. Cette construction du monde s’accompagne aussi de « rituels » particuliers : le cours de Culture et citoyenneté québécoise, par exemple, sert comme rituel de transmission du bien sacré de la laïcité. Pour assurer le bon déroulement de ce processus délicat, l’enseignant·e remplit le « rôle spécialisé » de véhicule de la transmission. Tout cela, dans le but de construire et reproduire la « communauté » laïque québécoise. En somme, nous observons que la laïcité telle que pratiquée au Québec suit très fidèlement la définition de la religion proposée par Frank William Remiggi. À vouloir effacer la religion par l’intrusion dans l’individualité, il semble plutôt que la laïcité a fini par devenir elle-même une construction imaginaire dogmatique.x

marco-antonio hauwert rueda | Le Délit

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culture

Délier la poésie

artsculture@delitfrancais.com

concours

Tu ne sais plus habiter ton corps le lieu : to burst ton corps est troué le vent siffle au travers chuchote ce qu’il manque au pli de ton coude les îles qui s’y glissent les absences élargissent tes hanches tu ne sais plus habiter la ville lui inventes des passants recousus ça résonne au-dedans de toi et le sel remonte dans ta gorge and bursts

Vous trouverez, dans les prochaines pages, les cinq textes finalistes de la troisième édition du concours de poésie organisé par Le Délit. Le·a gagnant·e sera annoncé·e lors de notre édition du 24 novembre et se méritera le recueil de poésie Les univers parallèles de Laurie Bédard, gracieusement offert par la librairie Alire.

Presque là sens-tu que je fonds sous la couette que je baigne dans

into a hollow knot

ce chaud de 5 heures 57

tu ne sais plus habiter ton corps sa surface qui s’épluche ne sais même plus de quand date ce vent

mais il manque ton oreiller je sais t’habiter me sens-tu qui sors les doigts

de quel équilibre est faite ta tête

puis saisis ce petit toi appels récents

même les hommes qui parcourent tes artères se plaignent de tes failles ton toucher osseux chuchotent au creux de ton ventre j’entends la mer je n’y crois plus et tandis que ton coude s’enroule autour de leur faim le lieu se dissipe ton armure rétrécit ne laissant sur le lit qu’une pelure de pomme

favoris j’ai le choix de fermer les yeux et fondre allo? alexandre gontier | le délit

à deux pas mais me sens-tu presque là lève la couette et tends-moi l’oreiller

Amélie Ducharme

Angelina Guo

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culture

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concours

Tu penses comme tu respires les grands airs salins tu confonds un littoral avec ta mémoire tu inventes des souvenirs

Le corps au calme

pour les hommes qui s’échouent près de tes cuisses tes narines sont des cavernes de cristal où des noms résonnent en écho un cri un SOS un appel à hier

alexandre gontier | le délit

l’infini traverse ta poitrine une route galeuse qui mène aux versants marins c’est tout le fleuve qui coule entre tes jambes tous les tremblements qui partent de ton corps tout le monde qui s’abreuve à toi la gorge au large tu hurles et les albatros se reposent sur ta langue on fait des trésors de tes seins des nénuphars de tes yeux des pétales de tes lèvres

tu es observée au loin une presqu’île aux mille légendes ta bouche est un secret sur lequel je me repose et j’ai un océan entier pour te bercer.

Catherine Légaré

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culture

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concours

Le fracas de tes ravages

Me cacher vivre sous les ronces quand ta langue déverse sa rouille dans mes affres à vifs feu garroché tempête de sable dans la gorge tout tangue

alexandre gontier | le délit

tu aboies la sauvage calcification de tes douleurs aux ombres d’écueils l’asphyxie banalisée ton épieu plongé entre la glace et ton reflet * tu nous décomposes et la bile renaît sous la guillotine entre les jours mon visage ondule près de ma carcasse étirée sur la rive à l’odeur du soleil absent je goûte le fer de mes gémissements la lente corrosion des scarabées l’incendie attendu ton étreinte comme des barbelés tes crachats me trouent les viscères nos corps se brodent au mercure brûlant des heures qui passent sans retour *

la nuit dans mes rêves le fer de ta coque se déchire sur ta chair j’en arrache les lamelles comme des lattes pourries tu hurles mais j’étouffe le fracas de tes ravages avec des planches et toute une artillerie de battements de cœur que tu ne croyais plus jamais entendre de mon vivant Pierre-Olivier Bergeron-Noël

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culture

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concours

Les baleines à brosses

Tu respires enfin et dans les rues bondées

Les algues dans ta trachée te rappellent les arômes de ton enfance te rappellent ton père viscosité des souvenirs passés date qui te collent à la peau comme le sable te colle aux pieds

on te regarde comme si tu n’étais pas née d’un ricochet manqué galet difforme d’un french sans écume dans le parking du cinéma Imax après un documentaire trop bleu sur les créatures abyssales d’un interlude silencieux entre deux apnées de poudre

Petite, il te disait de regarder par la fenêtre du wagon de métro entre les traces laissées par tes doigts pour mieux voir les tortues de mer qui peuplaient les souterrains imaginaires de cette ville engloutie par vos eaux

on te touche comme si tu n’étais pas née sous huit couches des sédiments de moitiés d’hommes sous la pression de leurs jointures sur les côtes de leurs femmes Stromatolithe conservée sous les couches de bouchons de lièges de je-vous-salue-Marie chuchotés dans le placard et d’éclats de verres old-fashioned moulée par les vibrations des cris et des tirs d’un fusil de chasse

Tu ne savais pas qu’il noierait ton innocence sous les rues de Montréal que l’intérieur de tes poumons serait habillé de mousse verte que le fleuve s’infiltrerait par les crevasses qu’il tailladerait avec les mille et un fragments d’un seul corail

et de ménés grisâtres dans ton corps à toi dans ses bras à lui

Tu ne savais pas que les espèces marines de la ligne verte s’éteindraient pour faire plus de place aux fous qui errent sur les quais plus de place à tes vomis de lendemain de veille après avoir léché trop de sel sur tes poignets pour mieux te rappeler l’océan et oublier tout le reste pour faire plus de place à ses pulsions occasionnelles d’apprendre à nager le crawl sous les rails à tous ses plongeons manqués ses frousses soudaines du tremplin jaune devant le regard blasé des opérateurs qui savent qu’il n’aime pas la sensation de l’eau dans ses narines qu’il a peur de la décharge électrique que les gens comme lui ne sautent jamais Depuis tes douze ans et trois quarts tu te vantes d’avoir vu toutes les stations comme si ça voulait dire autre chose qu’aidez-moi-je-ne-vais-nulle-part comme si tu ne connaissais pas comme seule étreinte que celle du métal des tourniquets sur ton corps-calcaire comme si la STM n’avait pas arraché le soleil à ta peau comme si tu ne trouvais pas refuge dans la voix féminine qui bégaie code 904 sur la ligne orange on attend l’autorisation pour peut-être repartir mais ne t’impatiente pas de toute façon personne ne t’attend nulle part code 904 sur la ligne orange dans le creux de ton oreille Quand tu remontes à la surface tu prends les escaliers roulants tu laisses la voix des passants remplacer les bourrasques dans ta tête

on te parle comme si tu n’étais pas un grain de sable dans une palourde vide une presque perle qui ne brille pas

Tu oublies que c’est avec des morceaux de ton corps qu’ils ont fait l’île Sainte-Hélène que c’est toi qui es crucifiée sur le Mont-royal que les bateaux du Vieux-Port baignent dans les larmes de ta mère

Le soir, dans ta chambre tu tournes sans fin en espérant que la force centrifuge enlève l’eau dans tes poumons et la mette à tes pieds comme la mer qui les lavait du sang sur lesquels ils ont marchés avant même qu’il ne coule Ton corps est troué tu le remplis de mauvais poèmes et de lait le vent siffle au travers tu hurles par dessus chuchote ce qu’il manque au pli de ton coude le verre est toujours vide tu le cales et tu coules les îles qui s’y glissent Dérivent entre tes seins les absences qui élargissent tes hanches Dorment en cuillère avec toi la nuit tu ne sais plus habiter la ville tu l’embrasses les yeux fermés lui invente des passants recousus pour qui tu n’as pas de visage ça résonne au-dedans de toi comme tous leurs silences d’ailleurs

et le sel remonte dans ta gorge.

Anaël Bisson

alexandre gontier | le délit

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