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Séisme au Maroc : La communauté marocaine de Montréal se mobilise
Une récolte de matériel a eu lieu au Collège Lasalle du 11 au 19 septembre.
Dans la soirée du vendredi 8 septembre dernier, vers 22h11, un séisme de magnitude 6,8 a frappé le Maroc. Selon l’Observatoire Européen Copernicus, le séisme a principalement frappé la région de Marrakech-Safi, l’épicentre se trouvant à approximativement 72 km au sud-ouest de Marrakech, une des principales villes marocaines, qui compte plus d’un million d’habitants. Les provinces les plus touchées sont des zones rurales du massif du Haut Atlas qui n’en restent pas moins peuplées : selon l’Observatoire, 172 000 personnes ont été exposées aux secousses, notamment à Talat-Nyaaqoub, Tamarirt, Amizmiz et Imzilene. Les habitants de Marrakech ont eux aussi ressenti les secousses, subi des dommages matériels et déclaré plusieurs pertes humaines. Le 14 septembre, le bilan humain s’élevait à 2 946 morts et 5 674 blessés. Le nombre de personnes dont le logement a été détruit n’est pas encore connu, mais le Maroc a compté environ 50 000 bâtiments endommagés.
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L’action de la communauté marocaine de Montréal
À Montréal, une action de solidarité s’est mise en place dès le lendemain, le samedi 9 septembre. Adib Lahlou, actuellement directeur de l’expérience étudiante du Collège Lasalle de Montréal, et Nadia El Hamiri, directrice adjointe aux soutiens administratifs, ont co-organisé une récolte de dons financiers et de matériel en collaboration avec le Collège Lasalle. Dans une entrevue avec Le Délit , Adib Lahlou nous a expliqué le fonctionnement de la collecte : « Avec la direction du Collège Lasalle, nous étions initialement partis sur l’idée de faire une collecte de dons en argent via la Croix-Rouge [canadienne, ndlr], et par la suite on a pensé faire une collecte de vêtements et de matériel. »
Lors de notre entrevue, Adib, lui-même d’origine marocaine, nous a fait part de l’engouement collectif à aider existant au sein de la diaspora marocaine « on a fait un fichier Excel dans lequel on a 260 bénévoles inscrits et 96 actifs qui participent au triage. » Adib nous a notamment expliqué qu’ils ont rapidement été débordé et ont même dû changer de local : « on a été victime de notre succès [...], dès le premier jour, lorsqu’on était à l’intérieur du Collège, on a reçu beaucoup [de matériel] et on ne savait pas où le stocker. » L’administration du Collège a donc ouvert un espace bien plus grand à quelques pas du local initial, au 2110 rue Sainte Catherine. Adib nous a confié que : « étant Marocain et ayant vécu là bas, je n’en attendais pas moins de la solidarité marocaine, mais là, ça dépasse mes attentes [...] tu n’as qu’à voir derrière toi : wow! »
Des complications pour transporter le matériel accumulé
Une fois le matériel récupéré et organisé, il faut désormais trouver un moyen de transport rapide vers le Maroc. Néanmoins, plusieurs des organisateurs ont dû faire face à de nombreuses complications : ils n’ont toujours pas trouvé de compagnie aérienne pour transporter le matériel gratuitement vers le Maroc. « Envoyer du matériel par avion représente un coût en milliers de dollars. C’est bête de payer dans ce genre de situation où rement l’aide internationale. En effet, le Maroc n’a, en date du 17 septembre, accepté l’aide que de quatre pays : le Royaume Uni, l’Espagne, le Qatar et les Emirats Arabes Unis. Adib comprend ces mesures : « Pour le moment les routes ne sont pas praticables, il faut s’organiser et déblayer ». « On attend toujours les autorisations pour envoyer tout cela [...] le Maroc est actuellement en train de s’organiser sur le terrain pour certainement ouvrir dans quelques jours les dons internationaux de matériel », explique-t-il. suite d’une catastrophe sismique. Précédemment, le Maroc avait déjà marqué sa sensibilité envers son voisin lors de catastrophes naturelles. Le Royaume avait par exemple proposé une aide à l’Algérie lorsque le pays faisait face à des feux de forêts en août 2021. Cette fois-ci, c’est l’Algérie qui a fait un pas de solidarité envers le Maroc : le pays a ré-ouvert son espace aérien - fermé depuis 2 ans - et a proposé d’envoyer des équipes de secouristes et du matériel destiné au sinistrés. Néanmoins, comme le pays l’a fait pour les ÉtatsUnis ou la France, le Maroc a refusé
Lorsque l’aide internationale sera possible, le Collège Lasalle compte utiliser son réseau d’établissements pour affréter le matériel accumulé vers le Maroc. En effet, l’institution d’enseignement supérieur est québécoise, mais comporte 23 campus présents sur cinq continents. Adib raconte que c’est aussi pour cela que le Collège s’est rapidement impliqué. « Comme on a des campus au Maroc, notamment à Casablanca, à Marrakech, Tanger et Rabat, on va tout affréter vers le Collège Lasalle de Marrakech, et de là bas il y a un relais qui va se faire vers les zones plus lointaines. » cette aide. Pour Adib Lahlou, cette proposition est « ridicule ». Il souligne le contraste entre cette proposition et les tensions existantes au Sahara occidental. Il mentionne notamment que peu après le séisme, « les milices du Polisario, basées en Algérie, ont commencé à frapper le sud du Maroc [territoire reconnu par l’ONU comme Sahara occidental, ndlr]… en plein séisme et catastrophe naturelle [...] alors que les Forces armées royales [marocaines, ndlr] sont mobilisées pour porter aide aux victimes ». Adib termine son propos en ajoutant : « tendez-nous la main, mais une bonne main. »
Une « diplomatie des séismes »?
Au cours de notre passage dans le local de la récolte, nous avons croisé Mohammed Essaïdi, un étudiant à l’Université de Montréal (UdeM) venu donner du matériel. Il nous a raconté vouloir faire ça « par cœur ». « Je suis d’origine marocaine et j’en suis fier, je veux aider les gens qui sont affectés ». En le questionnant s’il s’attendait à une telle entraide, il nous a répondu « oui bien sûr, nous les Marocains, que ce soit au Maroc, au Canada, en Europe ou ailleurs, on est unis. » il y a déjà un sinistre. » Les organisateurs de l’action semblent donc se tourner vers l’option du cargo : « cela prendrait entre 3 à 5 semaines, donc c’est long, mais c’est l’option la moins chère et ce n’est pas demain que les plus démunis seront relogés, il y aura encore besoin de ce matériel. » Si cette option est choisie, les organisateurs de l’action lancerons une récolte de fonds pour financer le transport.
Un autre facteur limitant pour le moment est la décision marocaine de restreindre temporai-
Un événement surprenant a eu lieu en marge de cette catastrophe naturelle : l’Algérie a annoncé rapidement son soutien et a même proposé son aide. Les deux voisins ont des relations crispées depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, qui avait notamment été suivie d’un conflit ouvert avec le Maroc : la guerre des Sables de 1963. Depuis, le sujet du Sahara occidental catalyse ces tensions. D’un côté, le Maroc revendique sa souveraineté sur le territoire, et de l’autre, le groupe séparatiste du Front Polisario, appuyé et hébergé par l’Algérie, prône l’autodétermination des populations sur ce territoire. En raison de ces divergences, les relations entre le Maroc et l’Algérie ont récemment été au point mort. En 2021 par exemple, l’Algérie avait notamment fermé son espace aérien au Maroc et rompu les liens diplomatiques avec ce dernier.
La catastrophe du vendredi 8 septembre a donc laissé penser à un retour de la diplomatie des séismes : un réchauffement des relations diplomatiques entre deux pays à la
Alors que la récolte devait initialement durer jusqu’au vendredi 22 septembre, celle-ci s’arrêtera prématurément le mardi 19 septembre. Adib explique cette décision : « on a récolté le double de ce que nous avions prévu. Il nous faut maintenant du temps pour s’organiser en interne pour trier et proposer une aide la plus efficace possible. » Par exemple, certains éléments récupérés ne sont pas adaptés au besoin des victimes du séisme (des vestes « trop » chaudes par exemple).
Néanmoins ce matériel « inadapté » va garder son utilité : les organisateurs cherchent actuellement une action similaire à la leur, récoltant du matériel pour la Libye, qui fait actuellement face à des inondations dévastatrices. « Entre un séisme et des inondations, ce n’est pas le même besoin. Nous pouvons leur donner du matériel inadapté à nos besoins, mais adapté aux leurs : il est question de solidarité marocaine, mais aussi de solidarité arabe et musulmane. » x
Vincent Maraval Éditeur Actualités
McGill et les terres non cédées : promesses et (in)action
Les reconnaissances territoriales peuvent-elles mener vers la réconciliation?
Jeanne marengère Éditrice Opinion
Léonard Smith Rédacteur en chef
Les reconnaissances territoriales sont aujourd’hui mises de l’avant comme une manière de souligner l’appartenance des territoires sur lesquels nous vivons aux peuples autochtones, mais aussi de rappeler qu’il est important d’honorer leurs droits ancestraux et la préservation de leur culture sur les terres qui leur ont été enlevées durant la période coloniale. Cette forme de réappropriation symbolique du territoire, loin d’être une finalité en soi, doit servir de rappel constant du passé des terres sur lesquelles nous nous retrouvons pour étudier.
L’Université McGill, dont le campus du centre-ville est situé sur les terres autochtones de la communauté Kanien’kehá:ka, a non seulement un devoir de reconnaissance, mais doit également être l’instigatrice d’un mouvement de sensibilisation à l’égard de la cause autochtone sur le campus car elle demeure parfois mal comprise. Alors que les reconnaissances de territoire se retrouvent dans la plupart des plans de cours et dans la majorité des événements académiques de l’Université, leur lecture conserve-t-elle leur pertinence si elles ne sont pas suffisamment mises en contexte et n’entraînent pas d’actions concrètes de la part de McGill?
Que fait McGill pour la cause autochtone?
En 2017, le Groupe de travail du vice-principal exécutif sur les études et l’éducation autochtones publie un rapport final, au sein duquel sont émis 52 appels à l’action « jugés essentiels au succès du projet de réconciliation et de reconnaissance des peuples autochtones de McGill », comme l’indique le site web du Bureau des initiatives autochtones (BIA). Ce Bureau, qui a été créé en réponse à l’appel à l’action 48, incite McGill à se mobiliser davantage pour encadrer les étudiant·e·s autochtones à travers leur parcours universitaire et accroître le financement accordé à la cause autochtone.
Interrogée par Le Délit, Frédérique Mazerolle, agente des relations avec les médias de l’Université McGill, a développé sur la mission du Bureau : « En tant sur le campus nous paraissent floues et difficilement accessibles. Frédérique Mazerolle soutient que « l’Université s’engage à travailler en collaboration avec les membres
« Je crois que les reconnaissances de territoire sont une pratique importante. Aux temps pré-coloniaux, lorsque les peuples autochtones se déplaçaient sur les territoires
« Les colonisateurs ne comprennent pas le sens [des reconaissances territoriales], n’ont pas fait de recherches sur ce qu’ils disent, et [ leur emploi] est générique et trop souvent répété » que responsable institutionnel de la vision de McGill en matière d’enjeux autochtones, le BIA, dirigé par la vice-principale exécutive adjointe (Initiatives autochtones), joue un rôle à plusieurs niveaux en s’efforçant d’intégrer l’identité autochtone dans toutes les facettes de la vie universitaire. Il s’emploie également à renforcer la sensibilisation et l’harmonisation des diverses initiatives autochtones dans l’ensemble de l’Université, à favoriser la réussite des étudiants et des professeurs autochtones, et à soutenir la mise en œuvre des 52 appels à l’action de McGill en matière d’études autochtones et d’éducation autochtone. »
Or, la manière dont s’orchestrent les consultations entre l’Université et les communautés autochtones de la communauté mcgilloise pour faire avancer les appels lancés par la Commission de vérité et de réconciliation du Canada et les engagements en faveur de la décolonisation et de l’autochtonisation dans les domaines de l’enseignement autochtone, de la réussite des étudiants autochtones, des communications, des événements et de l’établissement de relations, en renforçant la présence autochtone et la représentation physique des autochtones sur nos campus ».
Témoignage d’étudiant·e·s mcgillois·e·s
Le Délit s’est entretenu avec Aaron*, un étudiant de première année à McGill et membre des communautés Anishinaabe et Haudenosaunee. Il nous confie : d’autres nations, ils remerciaient la nation hôte pour son hospitalité et reconnaissaient la terre sur laquelle ils étaient invités. Bien que les reconnaissances de territoire soient importantes, il existe tout de même une tendance chez les colonisateurs à les instrumentaliser pour signifier leur solidarité. Souvent, les colonisateurs n’en comprennent pas le sens, n’ont pas fait de recherches sur ce qu’ils disent, et utilisent une reconnaissance de territoire générique et trop répétée. Ceci amoindrit la nécessité et la valeur de ces reconnaissances et propage une fausse solidarité qui est préjudiciable et blessante pour les personnes autochtones qui partagent leur espace avec des colonisateurs.
( tdlr ) » À une question sur les actions entreprises par l’Université
McGill, Aaron précise qu’il n’est qu’en première année et juge ne pas être pleinement renseigné sur les initiatives de McGill. Ceci dit, il juge que « les reconnaissances de territoire ne cachent pas nécessairement un manque d’actions concrètes. Effectivement, dans plusieurs cas, les colonisateurs croient qu’une reconnaissance de territoire représente la majeure partie du travail qu’ils doivent accomplir, alors que la plupart des personnes autochtones préféreraient éviter les reconnaissances de territoire vides de sens et superficielles. Malgré tout, McGill a lentement entrepris des actions concrètes pour améliorer ses relations avec les peuples autochtones. Cela inclut la mise en place de mécanismes de consultation, des cours d’études autochtones, ainsi que le financement de la First Peoples’ House Cependant, McGill devrait également éduquer sur la compréhension des reconnaissances territoriales, ainsi qu’améliorer les ressources disponibles sur l’importance de la terre sur laquelle les colons résident ».
Le sens que revêtent ces reconnaissances de territoire et le contexte dans lequel elles interviennent est-il en revanche bien compris par tous·tes? Selon Clara*, ayant été coordonnatrice à l’édition 2023 de Frosh et ayant suivi des formations afin de bien réciter les reconnaissances territoriales, « il y a un manque de communication de la part de McGill sur la raison derrière ces reconnaissances de territoire. Il a fallu que je reçoive un entraînement pour comprendre pourquoi on en faisait ».
Elle a reçu de la part des personnes responsables de son entraînement des directives qui pourraient paraître « contradictoires », selon ses propres mots. La première de ces directives, « c’est surtout ne pas écorcher les noms, et que si on pense ne pas être en mesure de les prononcer, il faut mettre l’audio, pour une question de respect. Mais la deuxième directive demande aussi de faire un effort individuel [pour respecter la prononciation, [ndlr] », nous explique-t-elle. Elle dit avoir tenté de comprendre comment bien les dire, car il s’agit d’« une manière de respecter l’histoire, de respecter ce qui s’est passé, et surtout de faire un travail de non-oubli sur l’histoire et ces territoires non cédés ».
Que des paroles en l’air?
Les témoignages d’Aaron et Clara nous éclairent sur le manque d’exhaustivité quant aux raisons pour lesquelles on s’adonne aux reconnaissances territoriales, et leur absence de corrélation avec des gestes significatifs posés par McGill. Bien que les reconnaissances de territoire partent d’une intention noble, elles semblent presque surfaites dans le contexte mcgillois, et on doute que leur impact soit conséquent pour initier un véritable désir de s’informer sur ses enjeux adjacents de la part de la communauté étudiante. La préservation des langues, la défense des droits, la promotion des cultures autochtones sont tout autant des dossiers de taille, qui semblent délaissés, mais qui devraient faire l’objet d’une attention continue. Alors que les reconnaissances de territoire sont en soi un pas dans la bonne direction, il reste du devoir de McGill d’accorder la même importance à ces enjeux que celle donnée à l’histoire du territoire mcgillois.
Au-delà du fait que les reconnaissances territoriales manquent parfois de contextualisation, on juge que l’élocution expéditive qui les caractérise dénote souvent une certaine indifférence. Initialement, la mise en place d’une telle mesure a dû sembler novatrice, et a certainement mené un certain nombre d’étudiant·e·s à se renseigner sur les questions autochtones, mais on craint qu’à l’usure, les recon-
Opinion
naissances territoriales ne soient devenues dans l’oreille de plusieurs que des mots dénués de sens qu’on nous répète au début de chaque trimestre. Bien qu’on juge important de continuer à en faire, leur portée nous semble actuellement limitée.
est aussi défaillante, et laisse transparaître une forme de laxisme pour tenir informée la population étudiante quant aux initiatives relatives aux causes autochtones. Parmi les 52 appels à l’action rédigés en 2017, le cinquantième nous semble assez représentatif de l’état développer des modes systématiques visant à améliorer la prise de conscience générale et la compréhension quant aux questions autochtones et à stimuler la participation ayant trait aux initiatives d’éducation par tous les membres de la communauté mcgilloise ».
Pour Aaron, « La réconciliation signifie la prise de mesures significatives par les institutions coloniales afin de résoudre les problèmes qu’elles ont créés, causant des préjudices et des traumatismes aux peuples autochtones, et un engagement à marcher main dans la main tel que prévu dans les traités de ceintures wampum et autres accords. Cela inclut notamment comme première étape cruciale la reconnaissance des méfaits et des rôles joués par les colonisateurs dans la création d’une structure de racisme institutionnalisé et systémique. La réconciliation ne consiste donc pas simplement à cocher une case permettant d’affirmer que tel ou tel problème est résolu. Au contraire, c’est plutôt un continuum d’actions visant à aborder les préoccupations, les problèmes existants et à créer des relations positives entre colonisateurs et colonisés. » Bien que les reconnaissances territoriales soient essentielles à la sensibilisation aux causes autochtones, elles devraient s’inscrire au sein d’un effort constant pour la réconciliation.
« La réconciliation ne consiste donc pas simplement à cocher une case permettant d’affirmer que tel ou tel problème est résolu. Au contraire, c’est plutôt un continuum d’actions visant à aborder les préoccupations, les problèmes existants et à créer des relations positives entre colonisateurs et colonisés »
L’Université devrait en ce sens faire un travail beaucoup plus conséquent pour rendre publiques et facilement accessible les informations qui ont trait aux initiatives dont l’accomplissement est en cours. La communication de la part de McGill quant aux avancées des appels à l’action
Aaron, membre des communaut és Anishinaabe et Haudenosaunee des affaires autochtones à McGill. Ce dernier invitait l’Université à « créer une stratégie de communication coordonnée concernant les initiatives, les programmes et les peuples autochtones. [...] le Groupe de travail invite en outre notre Université à explorer et à
Six ans après le rapport du Groupe de travail, il nous semble difficile d’affirmer avec confiance que McGill a réussi dans ce domaine. Nous aurions aimé pouvoir témoigner de la réussite de l’appel à l’action 50, mais cela nous semble loin d’être accompli.
Comme Aaron le souligne, McGill se doit d’entreprendre des actions concrètes de façon continue afin d’amoindrir les effets de l’institutionnalisation de la discrimination à l’égard des personnes autochtones.
*Noms fictifs x
Résidences étudiantes : rêves et déceptions Récit d’une année en résidence à McGill.
En ce début de session d’automne, en observant défiler sur le campus plusieurs groupes d’élèves de première année fraîchement arrivés à Montréal, j’ai fait un travail introspectif sur ma propre première année. Au cœur de cette réflexion sur mes expériences et mes apprentissages depuis mon arrivée, je ne pus m’empêcher de penser à la place cruciale qu’occupait dans ma vie la résidence que j’avais choisie, et qui m’avait été assignée en premier choix : La Citadelle. Ces pensées m’ont poussé à écrire cet article, qui cherche à peser le pour et le contre du système de résidences à McGill.
Dans toute université nord-américaine, les résidences sont considérées comme des points de passages fatidiques, presque obligatoires. Au sein du narra -
« Dans toute université nord-américaine, les résidences sont considérées comme des points de passages fatidiques, presque obligatoires » tif partagé par beaucoup sur l’idéale trajectoire académique, pour nombre d’élèves, la résidence apparaît comme un lieu de sociabilisation et d’échange majeur, au sein duquel les élèves peuvent se forger, faire des expériences, et pleinement profiter de leur vie étudiante. Forcé de reconnaître le charme des résidences, qui semblent avoir toutes les qualités, je suis moi-même tombé dans leur piège : la promesse d’une année formidable où les rencontres ne manqueraient pas, et où l’émancipation serait complète. En somme, une promesse de liberté. Après tout, on ne cesse de nous le répéter : « ce sont les plus belles années de ta vie. » Cependant, j’estime que cette promesse de liberté n’est qu’une illusion. Mon année en résidence était loin d’être ce à quoi je m’attendais, et très loin d’être « la plus belle année de ma vie ».
Pénurie de social
Après quelques semaines de vie à La Citadelle, j’ai progressivement commencé à regarder les choses en face. Je devais affronter une immense désillusion, qui éradiqua toutes mes attentes : la mentalité de la résidence ne correspondait pas à ce que j’imaginais. Je pense que ce phénomène fait partie d’un ensemble plus global : lacunes à l’oral en anglais, et je pense que cela a été le principal élément qui m’a empêché de complètement sociabiliser. Cependant, la langue n’est pas le problème des résidences : c’est une chance que d’être dans une université tournée vers l’international, je suis le premier à le penser. Mais au fond, la base de cette affaire réside dans une problématique comportementale.
Une fois qu’ils ont une routine, ou une habitude, les êtres humains s’y cramponnent si fort que les faire changer se révèle souvent être une tâche ardue. Ainsi, une fois que des groupes sont créés (souvent sur la base de la langue ou du pays d’origine,
« Les chambres classiques de La Citadelle [...] coûtent, en 2023-2024, 1 541$ par mois par personne. Un tarif exorbitant qui ne reflète en rien la qualité de vie offerte » l’existence dans l’imaginaire collectif d’un fantasme partagé, forgé par les films, les séries, et autres contenus culturels traitant du milieu étudiant. Au cœur de ces œuvres, les résidences jouent un rôle de ville dans la ville, de microsociété à part entière, où tout le monde se connaît et profite de cette inestimable expérience. Bien que j’aie eu l’occasion de me faire de très bons amis - bien moins que ce à quoi je m’attendais, cependant - la grande majorité des habitants de La Citadelle m’étaient inconnus. Je voyais en permanence les mêmes visages et entendais les mêmes voix, mais toujours dans un contexte très trivial : dans l’ascenseur, au café de la résidence ou dans la salle de lavage. S’enchaînaient alors regards gênés et sourires crispés, à travers lesquels toutes ces personnes m’apparaissaient comme peu chaleureuses, voire socialement hostiles. Je veux dire par là que je ressentais comme un sentiment d’indifférence frappant de la part des résidents, qui ne se montraient que très rarement aimables, ou qui seraient atteints d’une curieuse maladie de fainéantise qui les empêchait systématiquement d’aller chercher plus loin qu’un simple « salut ». C’était l’affaire de la résidence, l’ambiance était morne, quasi sans vie. Établir un contact était presque impossible.
Je ne pense pas être introverti, et encore moins avoir une quelconque phobie sociale. Je pense que le principal obstacle fut celui de la langue. J’avais des légères moi, avait du mal à faire la conversation.
Cependant, je pense qu’il est important de faire des distinctions entre les résidences. En effet, je pense que les résidences hôtelières (La Citadelle, New Residence Hall, et Carrefour Sherbrooke) sont les plus impersonnelles et socialement compliquées. Les résidences plus traditionnelles, d’après des discussions que j’ai eues avec mon entourage, sont plus accueillantes et facilitent un peu plus l’intégration sociale. Par ailleurs, moins il y a de personnes dans la résidence, mieux c’est. Ainsi, Douglas Hall, qui accueille un nombre relativement limité d’élèves, est probablement la meilleure option pour l’interaction sociale.
Tout ça pour ça?
Ainsi, au fil des mois, je me suis senti de plus en plus prisonnier de La Citadelle. Les cours me permettaient de penser à autre chose, mais j’en revenais toujours au même point. Je n’étais jamais heureux de rentrer. On pourrait me qualifier de capricieux : La Citadelle est probablement la résidence la mieux équipée, la plus moderne, avec des chambres agréables et assez spacieuses. En soi, cette première année m’a offert un cadeau, malgré ses imperfections : elle m’a permis de philosopher à mes heures perdues. Loin de moi l’idée de vouloir me déclarer sage penseur, mais vivre à La Citadelle m’a fait réfléchir sur les notions de bonheur et de matérialisme. Il m’est maintenant clair qu’on ne peut pas être heureux en connaissant ce que je qualifierais de « pénurie de social ». Les avantages de La Citadelle, cités ci-dessus, ont été déterminants dans mon choix. Ils m’évoquaient un grand confort, quasi luxueux dans un contexte étudiant.
Cependant, sans contact social, tous ces avantages me paraissaient superflus. La Citadelle, en elle-même, n’était pas chaleureuse.
Beaucoup diront que mes plaintes sont injustifiées, et que quand on a la chance de vivre dans une ré- sidence en plein centre-ville de Montréal, avec une superbe vue et des chambres d’hôtel modernes, on ne fait pas la fine bouche. Arrive alors, selon moi, le problème majeur : le prix. J’ai récemment discuté avec une des rares amies que je me suis faite à résidence. Elle m’a avoué qu’elle était très contente d’avoir pu trouver un appartement où elle se sent vraiment chez elle, et que l’année passée, elle en avait eu assez de La Citadelle au bout d’un semestre. Mais elle a ajouté que le pire, c’était le tarif. Selon elle, et je suis en tout point d’accord, le prix des résidences à McGill est totalement en décalage avec la réalité. Les chambres classiques de La Citadelle, avec deux lits côte à côte dans une pièce unique, une petite salle de bain et deux bureaux, coûtent, en 2023-2024, 1 541$ par mois par personne. Un tarif exorbitant qui ne reflète en rien la qualité de vie offerte. S’ajoute à cela un Meal Plan (plan alimentaire) obligatoire pour l’année (d’un coût de 5 700$), qui restreint encore un peu plus notre liberté en nous incitant fortement à aller manger à la cantine. Résultat : les élèves se retrouvent en quelque sorte piégés dans la bulle du campus, où les jours passent et se ressemblent, et où les trajets quotidiens se limitent au strict minimum, à savoir entre résidence, campus et cantine. Tout imprévu, toute exploration, toute audace est réduite à néant. puisque ce sont d’importants facteurs de rapprochement social dans des contextes muticulturels), ils ne vont que très rarement chercher à accueillir de nouveaux « membres ». D’un autre côté, si le groupe est entièrement anglophone, l’intégrer est extrêmement difficile, surtout pour un francophone qui, comme