Le Délit - Édition du 14 février 2024

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Publié par la Société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université Le Délit est situé en territoire Kanien’kehá:ka non cédé.

Mercredi 14 février 2024 | Volume 114 Numéro 5.2

On s’aime depuis 1977.


Éditorial

Volume 114 Numéro 5.2

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butions qui habillent ses pages chaque semaine. Il offre à tous·tes les étudiant·e·s qui le souhaitent une plateforme pour partager leurs articles et leurs créations. Nos pages revendiquent le droit à l’information libre, à l’information qui décortique et refuse les raccourcis, et à l’information qui questionne les structures de pouvoir. Et surtout, le droit à une information qui comprend et transmet les enjeux étudiants, et qui s’engage pour leurs causes. Le Délit appartient à tous·tes.

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Au-delà de son importance dans le contexte universitaire, Le Délit est une institution au sein de laquelle il est merveilleux de grandir et d’apprendre. Le conseil de rédaction réunit des rôles d’une grande diversité, de la photographie à la production en passant par l’édition et la correction, grâce auxquels il est possible d’acquérir des compétences techniques et créatives. Et cela, au sein d’une équipe de passionné·e·s, qui ont pour seul moteur, une croyance amoureuse et indéfectible en ce projet. Un projet ambitieux, qui vit depuis presque 50 ans de la volonté obstinée d’étudiant·e·s rêveur·euse·s à travers les générations. Au sein de notre conseil de rédaction de l’hiver 2024, on aime Le Délit particulièrement pour le travail d’équipe, l’amour du débat, l’esprit créatif, le respect pour chacun·e et le dévouement de tous·tes ses membres et de tous·tes ses contributeur·rice·s.

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Les opinions exprimées dans les pages du Délit sont celles de leurs auteur·e·s et ne reflètent pas les politiques ou les positions officielles de l’Université McGill. Le Délit n’est pas affilié à l’Université McGill. Le Délit est situé en territoire Kanien’kehá:ka non cédé.

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L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mercredis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavant réservés). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans le journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

Éditorial

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International

Sénégal : une crise constitutionnelle Le report des élections présidentielles dans un pays à fortes traditions démocratiques. Ysandre Beaulieu Éditrice Actualités

Une telle action a déjà été redoutée au Sénégal en 2016, alors que Macky Sall, au milieu de son premier mandat présidentiel, a réussi à réduire la longueur des termes présidentiels de sept à cinq ans. Bien qu’il ait diminué la longueur potentielle de sa présidence, cette décision semblait être un stratagème de sa part. En effectuant des modifications à la constitution, un échappatoire constitutionnel lui permettait donc potentiellement de se présenter pour un troisième mandat.

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Le 3 février dernier, Macky Sall, président du Sénégal depuis 2012, a annoncé que les élections présidentielles prévues pour le 25 février seraient repoussées, citant des désaccords entre l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle autour de la liste finale des candidats présidentiels. Cette annonce a provoqué des manifestations violentes à travers le pays. Entretemps, le président Sall a confirmé que les élections se tiendraient finalement le 15 décembre 2024, plus de 10 mois après la date initialement prévue.

Le Sénégal obtient son indépendance en 1960, et gagne rapidement la réputation de démocratie stable au sein de la région. En effet, le pays ouest-africain tient des élections démocratiques de manière régulière depuis 1963, et est un des seuls pays de la région

Clément Veysset | Le Délit beaucoup plus puissante au Sénégal qu’elle ne l’est ailleurs dans la région, et les chefs d’opposition jouent le jeu [de la démocratie, ndlr] ».

« La nature de la culture politique au Sénégal, la société civile qui manifeste, vient équilibrer l’élite politique dont Sall fait partie » Khalid Medani à ne pas avoir subi de coup d'État. L'annonce du président Sall a donc provoqué une onde de choc, et a remis en question la stabilité démocratique du Sénégal. Le Délit s’est entretenu avec Khalid Mustafa Medani, professeur associé à McGill dans les départements de Science Politique et d’Études Islamiques pour contextualiser ce développement politique. Le Sénégal : pays modelé par la tradition démocratique Selon le professeur Medani, l’avenir de la démocratie sénégalaise dépend grandement de sa trajectoire politique depuis son indépendance. « Contrairement à d’autres pays avoisinants comme le Mali ou la Côte d’Ivoire qui ont récemment subi des coups d'État, le Sénégal est un pays qui n’en a jamais vécu (tdlr)», explique-t-il. Le Sénégal n’a jamais reporté d'élection depuis son indépendance en 1960, et bénéficie d’un système politique robuste et d’une constitution légitime. De plus, « la société civile est

« Il y a de fortes suspicions que ces événements marquent le début d’un coup constitutionnel, mais nous devons faire attention », explique le professeur Medani. Le Sénégal a une démocratie forte, et il n’est pas clair que les actions de Macky Sall sont anticonstitutionnelles. C’est en effet dans la nuit du 5 février que le projet de report du scrutin présidentiel est approuvé à l’Assemblée nationale quasi-unanimement, avec 105 voix pour et une voix contre, par une législature où le parti du Président est majoritaire. Le professeur conclut donc qu'il ne faut pas « présomptivement arriver à la conclusion que la démocratie sénégalaise prend fin et qu’il y aura un coup militaire ». Une crise constitutionnelle, pas plus « On ne peut qu’émettre des hypothèses, nous ne connaissons pas le raisonnement derrière la décision de Macky Sall. Cependant, quand un chef d’État reporte des élections comme Sall

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l’a fait, c’est qu’il est inquiet du futur de son parti politique. » Le Président sénégalais ne peut pas légalement se présenter pour un troisième mandat. « Cependant, affirme Medani, Sall peut limiter la liste de candidats présidentiels afin d’exclure les opposants qui présentent une réelle compétition pour son parti. » Dans ce cas-ci, c’est Karim Wade et Ousmane Sonko qui sont les principaux candidats d’opposition en compétition avec le parti de Sall, l’Alliance pour la république. Ce sont aussi deux des membres de l'opposition qui ont été exclus de la liste de candidats présidentiels par le Conseil constitutionnel Sénégalais, et récemment purgés de peines de prison. « Ceci est cohérent avec la politique de Sall, explique le professeur Medani, il essaye de limiter toute opposition même si lui-même ne se présente pas. » Il n'est pas inimaginable qu’il aille à l’encontre de la constitution et qu’il se présente pour un troisième mandat. Sall a affirmé en juillet 2023 qu’il ne se représenterait pas aux élections présidentielles de 2024. Néanmoins, la population sénégalaise et plusieurs opposants politiques considèrent que ce report soudain remet cette décision en cause, et que les récents événements constituent un risque de coup constitutionnel. Le professeur Medani affirme que, ce que l’on observe est bel et bien une crise constitutionnelle, mais pas un coup d'État. Ceci ne veut pas dire qu’il n’y a pas

de quoi s'inquiéter. El Malick Ndiaye, ancien porte-parole du parti de Ousmane Sonko a fait part de son inquiétude le 3 février, en affirmant que « ce n'est pas un report, mais une annulation de l'élection tout simplement ». Medani confirme qu’il est normal et important de manifester durant ce type de crise politique : « Plusieurs sénégalais, surtout les jeunes, sont inquiets à la perspective que le président essaye de se présenter

Le professeur Medani confirme qu’il est probable que Sall tentait de changer la constitution en 2016, afin de se présenter pour un troisième mandat. « Son intention initiale était de s’attribuer un troisième mandat, mais il a fait face à énormément d’opposition domestique et internationale sur le coup. Quand son plan n'a pas marché, il s’est dit qu’il pouvait garder un certain pouvoir politique du moment que son parti restait puissant ». Selon Medani, c’est justement à cause de ses robustes traditions démocratiques que le Sénégal ne peut être comparé à la tendance actuelle au troisième mandat dans le reste de la région. Il poursuit : « C’est une crise, mais on ne peut pas comparer ce qui

« Si on ne voit que des discours annonçant la tombée de la démocratie au Sénégal, la politique formulée le reflétera » Khalid Medani

pour un troisième mandat ». Une région en déclin démocratique Action qualifiée par certains de coup d'État constitutionnel, le « syndrome du troisième mandat » consiste entre autres en la modification des clauses de la constitution ayant trait aux mandats présidentiels, permettant ainsi d’invoquer une nouvelle constitution pour remettre le compteur des mandats à zéro. Cette stratégie a été utilisée dans d’autres pays, notamment par Alpha Condé, président de la Guinée en 2020, et subséquemment par plusieurs autres pays incluant le Mali et le Burkina Faso.

se passe au Sénégal avec ce qui se passe dans le reste de la région : les traditions démocratiques sénégalaises sont à considérer ». Une opposition domestique « On peut observer une continuité entre les changements constitutionnels en 2016, et le report des élections en 2024 », explique Medani. Il existe, cependant un important obstacle à toute manœuvre anti-démocratique : la société civile. « Les manifestations qu’on voit actuellement sont majoritairement composées de jeunes, qui ont vu dans leur vie et sous le mandat de Sall la séparation entre le pouvoir présidence de Macky Sall. Ils ont raison de manifester. »

Actualités

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International La puissance de la société civile, soutenue par une tradition démocratique, a notamment été évidente lorsque Ousmane Sonko l’a mobilisée en 2021 dans une « caravane de la liberté », pour protester un procès de viol dit monté par le président Sall

De plus, l’opposition est double. « La société civile s’oppose au report des élections, mais l’élite politique aussi. Macky Sall n’a pas encore réussi à la coopter ». En effet, plusieurs figures d’opposition ont ouvertement rejeté le report des élections, et certaines entre-

figure principale de l’opposition en 2023. Malgré ces arrestations et l’écartement des principaux opposants, Medani maintient qu’il existe encore une opposition politique robuste, active, et connectée aux intérêts des manifestants.

« C’est une crise, mais on ne peut pas comparer ce qui se passe au Sénégal avec ce qui se passe dans le reste de la région : les traditions démocratiques sénégalaises sont à considérer » Khalid Medani pour le disqualifier des prochaines élections.

prennent même leurs campagnes électorales comme prévu.

Le professeur Medani poursuit : « Je pense que c’est justement grâce à une opposition comme celle qu’ils présentent que la démocratie Sénégalaise ne sera pas mise à terme. La nature de la culture politique au Sénégal, la société civile qui manifeste, vient équilibrer l’élite politique dont Sall fait partie ».

En revanche, Sall essaye activement d’éliminer cette opposition depuis le début de sa présidence. Depuis 2012, 42 membres du parti opposant de Karim Wade ont été emprisonnés par le président. Cette tactique politique a d’autant plus été soulignée par la population sénégalaise lors de l’emprisonnement d’Ousmane Sonko,

En plus de la société civile, Medani prédit que les acteurs religieux auront un rôle important à jouer dans la crise. « L’Islam et les chefs religieux Sufis supportent la démocratie au Sénégal. Ils jouent un rôle de médiation entre la société civile et l’élite politique », et sont nécessaires pour assurer la prospérité de la démocratie sénégalaise. Il est probable que les chefs religieux du pays interviendront dans la crise, comme ils

l’ont fait auparavant : pendant les manifestations de 2021 et 2023, c’est les Frères Mourides, ordre religieux puissant au Sénégal qui ont fait appel au calme, en demandant notamment à Sonko de mettre fin à sa grève de la faim, afin d’apaiser les manifestants. Et la communauté internationale? La réponse de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) à la crise reste conservatrice, demandant au Président Sall de restaurer au plus vite les élections. Précédemment, la Cédéao a joué un rôle punitif face aux infractions à la démocratie, par exemple, en imposant des restrictions économiques au Mali et au Burkina Faso après leurs coups d’État. « Dans le cas du Sénégal, cette approche n’est ni nécessaire, ni avantageuse, affirme Medani. La Cédéao peut jouer le médiateur, et retirer son chapeau militaire ». Une intervention diplomatique par l’organisation est donc importante.

« Une crise constitutionnelle comme celle qu’on observe au Sénégal ne peut qu’être réglée au travers d’avenues légales et constitutionnelles », explique le professeur Medani. Il note toutefois qu’une intervention diplomatique de pays comme la France ou les États-Unis serait contre-productive. Malgré l’influence de la communauté internationale, « les pressions les plus efficaces, toutefois, restent domestiques », conclut-il. Un autre enjeu empêche la résolution constitutionnelle de cette crise. « Plusieurs médias journalistiques prédisent déjà la fin de la démocratie au Sénégal », note le Professeur. Ceci influence grandement les décisions politiques prises, il est donc important de rationaliser le report des élections. « Si on ne voit que des discours annonçant la tombée de la démocratie au Sénégal, la politique formulée reflétera ceci, et les interventions seront différentes de nature : elles supporteront la société civile et la médiation par les autorités religieuses ». x

Baisse drastique des permis d’études Le Ministre de l’immigration annonce une baisse de 35% des visas étudiants.

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e 22 janvier 2024, l’Honorable Marc Miller, ministre de l’Immigration, a déclaré dans un communiqué de presse un plafond sur deux ans limitant le nombre de visas octroyés aux étudiants étrangers. Le gouvernement a prévu l’approbation d’environ 360 000 permis d’études en 2024, soit une baisse de 35% en comparaison aux 500 000 délivrés l’année précédente. Miller a souligné que ces mesures ne concerneraient pas les étudiants à la maîtrise ou au doctorat, ni les détenteurs actuels de permis d’études.

Le ministère de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) répartira le plafond

tour ce quota à leurs établissements d’enseignement choisis, selon le communiqué de presse du ministre Miller. À compter de l’annonce du gouvernement fédéral, chaque demande de permis d’études présentée à IRCC devra être accompagnée d’une lettre d’attestation de la province ou du territoire concerné. « L’annonce d’aujourd’hui vise à protéger un système qui a ouvert la voie à des abus, ainsi qu'à soutenir une croissance démographique durable au Canada (tdlr) », a énoncé le ministre Miller en conférence de presse le 22 janvier. Le ministre Miller déplore la prolifération d’établissements « bidons », qui abusent du système d’immigra-

des services de santé. Ces « institutions monnayeuse de diplômes » prennent avantage des droits de scolarités exorbitants payés par les étudiants internationaux en opérant sur des campus inadaptés. « Ces mesures ne sont pas dirigées contre les étudiants étrangers, je pense qu'il est très important de le souligner », a voulu clarifier le ministre dans une conférence pour les médias étudiants canadiens le 2 février, organisée par IRCC. « Elles visent à garantir que les futurs étudiants arrivant au Canada recevront la qualité d'éducation pour laquelle ils se sont engagés, qui leur a été promise et pour laquelle ils ont payé. Permettre

« L’annonce d’aujourd’hui vise à protéger un système qui a ouvert la voie à des abus, ainsi qu’à soutenir une croissance démographique durable au Canada » Marc Miller de demandes de permis entre les provinces et les territoires proportionnellement à leurs populations, qui alloueront à leur

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tion et contribuent à l’accroissement de la population étudiante qui exerce de fortes pressions sur la demande de logement et

aux mauvais acteurs de poursuivre leurs activités serait une injustice à tous les établissements qui s'enorgueillissent d'of-

frir une expérience universitaire de premier ordre ». Les étudiants internationaux sont une source de revenu non négligeable dans les provinces. Ceux-ci paient des droits de scolarité jusqu’à cinq fois plus élevés que les résidents canadiens permanents. En 2018, les étudiants de provenance étrangère contribuaient près de 22,3 milliards de dollars au PIB Canadien, tout en soutenant plus de 218 000 emplois selon des données gouvernementales. L’explosion récente du nombre de ces étudiants, comptés à 900 000 en 2023 contre un peu moins de 240 000 en 2011, atteste l’engouement des établissements universitaires autour de l’accueil d’étudiants internationaux. Cette augmentation de la population étudiante est souvent pointée du doigt comme contribuant à la crise du logement au Canada. Miller s’est exprimé sur l’incidence: « La diminution du volume [d’étudiants, ndlr] va avoir un impact sur les loyers, principalement, mais ce n’est pas le cas que du jour au lendemain, le prix et l’abordabilité vont être réglés à cause du fait qu’on a réglé ou qu’on a diminué le nombre d’étudiants internationaux qui s’en viennent

au Canada. C’est un élément, ça a un impact, mais l’impact et le motif principal aujourd’hui, c’est d’enrayer un système qui a perdu le contrôle » a-t-il déclaré. Frédérique Mazerolle, agente des communications avec les médias de McGill, a commenté sur le futur de la place des internationaux au sein de l’université à la suite de l’annonce ministérielle dans un email. « Le nombre d'étudiants étrangers inscrits à McGill est resté stable au cours de la dernière décennie, soit environ 12 000 étudiants, ce qui représente 30% de l'ensemble de la population étudiante de l'Université. », écrit Mazerolle. « Nous ne nous attendons pas à ce que les nouvelles mesures entraînent un changement significatif. » L’Université McGill estime donc que la nouvelle réglementation ne devrait pas bouleverser le fonctionnement de l’université, en contraste avec la récente législation provinciale mandatant la hausse des frais de scolarité pour les étudiants non-québécois, annoncée en octobre dernier. x Oscar macquet Contributeur

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montréal

« Arrêtez l’esclavage ouïghour! » Manifestation contre le génocide des Ouïghours devant le consulat chinois.

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e dimanche 4 février, environ 50 personnes se sont retrouvées à 13 heures devant le Consulat général de la république populaire de Chine pour commémorer les victimes du massacre de Ghulja (ville aujourd’hui nommée Yining Xian par les autorités chinoises), survenu le 5 février 1997 et ayant fait 167 morts et plusieurs centaines de blessés. Plus généralement, la manifestation avait pour but de protester contre le génocide du peuple ouïghour, qui prend place depuis 2015 dans la province du Turkestan oriental [officiellement appelé Xinjiang, ndlr], fief historique de la culture ouïghoure en Chine.

pancartes et dépliants, ils ont scandé des slogans et dénoncé les actions du régime chinois pendant plus d’une heure. Plusieurs personnes ont pu prendre la parole pour exprimer l’importance de se mobiliser afin de sensibiliser les gens aux actions perpétrées par le gouvernement chinois. Pendant cette période de discussion, Le Délit s’est

Une action limitée Aujourd’hui, l’action internationale pour mettre un terme au génocide des Ouïghours est souvent perçue comme trop limitée. Michel Tessier suppose que ce manque de prise de position radicale s’explique par la place prépondérante de la Chine dans l’économie mondiale.

mesures prises par le Canada depuis 2015 : « En 2022, le Parlement canadien a fait du Canada le premier pays au monde à reconnaître officiellement le génocide des Ouïghours en Chine, et l'année dernière, on [le Canada, ndlr] a adopté la résolution de rapatrier les réfugiés ouïghours, ce qui est vraiment très positif. » En effet, en janvier

Cibler l’ensemble de ces produits et ne plus les acheter reviendrait à faire halte au processus génocidaire de production. Une telle mesure a d’ailleurs déjà été mise en place par l’Union Européenne et les États-Unis. Kayum Masimov souligne que « depuis l'introduction de la Force Labor Prevention Act il y 25 mois, elles [les autorités américaines, ndlr] ont interdit [la vente de produits issus de l'esclavage ouïghour, ndlr] et saisi des marchandises totalisant une valeur d’environ cinq milliards de dollars. »

Afin d’approfondir notre analyse de la situation, Le Délit s’est entretenu avec Michel Tessier, sinologue retraité ayant enseigné à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et dans le secteur public. Le génocide Dans un pays d’un milliard et quatre cent millions d’habitants, la population ouïghoure est une minorité musulmane de près de 25 millions d’individus, dont 12 millions vivant dans le Turkestan oriental. Comme le montre le massacre de Ghulja, durant lequel plusieurs Ouïghours ont été tués par les forces chinoises après avoir manifesté pour l’indépendance du Turkestan oriental, la répression du peuple ouïghour date de plusieurs décennies. Néanmoins, cette dernière s’est accélérée et aggravée depuis 2015. Au début des années 2010, le gouvernement chinois a annoncé se lancer dans une campagne de « lutte contre le terrorisme (tdlr) » dans cette région. Selon plusieurs organismes défenseurs des droits humains dont Human Rights Watch, cette « lutte contre le terrorisme » s’est surtout exprimée à travers une oppression croissante du peuple ouïghour, qui représente 45% de la population de la région. De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) comme Human Rights Watch ou Amnistie internationale accusent la Chine de crimes contre l’humanité à l’encontre du peuple ouïghour. Elles dénoncent notamment les arrestations et détentions arbitraires, ainsi que les tortures et la surveillance de masse perpétrées par la Chine contre cette minorité depuis 2010. Aujourd’hui, plus d’un million de Ouïghours sont emprisonnés dans plusieurs camps dans la région du Turkestan oriental. La manifestation Devant le consulat, les manifestants – majoritairement des membres de la communauté ouïghoure – ont affronté le froid. Accompagnés de leurs bannières,

il faut être réaliste. Dressons la liste des produits faits par les esclaves ouïghours ; ce sont ceux-là qu'il faut boycotter ». En effet, s’il est difficile de boycotter l’ensemble des produits qui proviennent de Chine, Michel Teissier et Kayum Masimov appuient tous deux la possibilité de boycotter les produits directement liés au génocide, qui sont le fruit de l’exploitation de la minorité ouïghoure.

Et à McGill?

vincent maraval | Le Délit entretenu avec Kayum Masimov, chef de projet au sein du Projet de défense des droits des Ouïghours. Au cours de notre discussion, Kayum nous a interpellé et nous a posé une question simple mais pertinente relative au message général de la manifestation : « Chaque fois que vous entrez au centre

En 2023 par exemple, la Chine comptait pour 30% de la production manufacturière mondiale. Malgré la volonté de boycotter la Chine et les biens qui y sont fabriqués – comme les slogans l’ont d’ailleurs mentionné pendant la manifestation –, agir concrètement contre la Chine et l’exploitation des Ouïghours n’est

2023, la Chambre des communes du Canada a pris la décision de recevoir 10 000 réfugiés ouïghours par année à compter de 2024. Michel Tessier souligne aussi que « quand on rencontre une motion comme celle votée au Parlement, c'est qu’une bureaucratie se met en place pour les accueillir [les

« Chaque fois que vous entrez au centre d'achat Costco ou Walmart ; vous achetez du café ou des chandails qui proviennent de Chine, ce n’est pas cher, n’est ce pas? Il est temps de se poser la question : Pourquoi ça ne coûte pas cher? » d'achat Costco ou Walmart ; Vous achetez du café ou des chandails qui proviennent de Chine. Ce n’est pas cher n’est ce pas? Il est temps de se poser la question : Pourquoi ça ne coûte pas cher? » Le groupe de manifestants a par la suite entrepris une marche sur la rue St-Catherine, vers l'arrêt de métro Guy-Concordia, en scandant divers slogans tels que : « Liberté pour le Turkestan oriental! » ; « Fermez les camps de concentration! » ; « Arrêtez l’esclavage ouïghour! » ; « Boycottez la Chine » ; ou encore, « Canada, agis maintenant! Défends les Ouïghours! ». Pour conclure l'événement, le groupe est revenu devant le consulat général. À nouveau, certains ont pu prendre la parole pour s’exprimer.

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pas une mince affaire. « La Chine est une des premières économies mondiales, très importante, et aujourd’hui indispensable. Ne plus acheter de produits chinois semble donc difficilement réalisable. » Le sinologue ajoute néanmoins que si la Chine est aujourd’hui devenue intouchable, c’est en partie parce que les puissances mondiales comme les États-Unis, le RoyaumeUni et d’autres puissances européennes ont délocalisé leurs chaines de production dans les années 19902000. Selon lui, en délocalisant leurs chaînes de production, « les pays ont limité leurs possibilités d'action [à l’égard de la Chine, ndlr]. » À l’échelle canadienne, la mobilisation contre le génocide est aussi limitée selon Kayum Masimov. Ce dernier note néanmoins de réelles

réfugiés, ndlr], pour leur donner un logement, une éducation pour les enfants, un accès à la santé, etc. C'est une vraie avancée ». Le sinologue nuance néanmoins son propos : « En dehors de ça, qu'est ce que vous voulez que le Canada fasse? Le Canada est un pays de seconde catégorie. Ce n'est pas un pays important sur la scène internationale. Il ne faut pas se faire d’ illusions. Une fois qu'on a dénoncé la situation au Turkestan oriental et le génocide qui s'y passe, il n'y a plus rien. Et ce, parce qu'on ne peut pas faire grand chose. » Une solution : le boycott ciblé Pour Michel Teissier, « il faut que nous revoyons nos tactiques parce que c'est bien beau de vouloir boycotter les produits chinois, mais

Le 19 janvier 2023, L’AÉUM a adopté une motion qui demande à l’Université McGill de désinvestir des entreprises ayant des activités ou des liens directs et indirects avec l’exploitation du peuple ouïghour en Chine. Depuis, l'Université n’a pas entrepris d’action concrète pour répondre à la requête des étudiants. Afin de sensibiliser à la répression que subit le peuple ouïghour, Sabiha Tursun, étudiante ouïghoure de deuxième année à McGill, a fondé le tout nouveau club étudiant Mcgill Students for Uyghur Solidarity (Étudiants de McGill pour la solidarité avec les Ouïghours, tdlr). Dans une entrevue pour Le Délit, Sabiha explique plus précisément son initiative : « L'un de nos objectifs est de faire pression sur McGill pour que l’Université prenne des mesures de désinvestissement, car certaines des entreprises auxquelles notre fond de dotation est destiné sont complices de l'utilisation de produits issus du travail forcé, de la fourniture et du soutien d'infrastructures de camps d'internement et de camps de travail forcé (tdlr). » Si l’Université est pour le moment restée muette, la création de cette nouvelle association montre que les étudiants ne sont pas insensibles au sort de la population ouïghoure. Sabiha conclut : « Il est de la responsabilité de McGill d'offrir un environnement éthique à ses étudiants et c'est le moindre qu'elle puisse faire pour le bien de l'humanité. » x

vincent maraval Éditeur Actualités

actualités

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CaMPUS

L’activisme étudiant pour les réfugié·e·s à McGill Portrait du programme d’Entraide Universitaire Mondiale du Canada (EUMC).

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e Canada est le huitième pays au monde avec le plus grand ratio d’immigrant·e·s au sein de sa population. Plus d’un quart des personnes résidant au Canada actuellement ont eu par le passé un statut d’immigrant·e ou de résident·e permanent. L’Université McGill n’est pas exemptée de ce phénomène puisqu’elle compte plus de 12 000 étudiant·e·s internationaux, soit 30% de sa population étudiante. Au sein de cette population, certains sont des réfugié·e·s ayant eu l’opportunité de venir étudier à McGill à travers le programme de l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC). L’EUMC est une association canadienne à but non lucratif qui a pour mission d’améliorer les opportunités éducatives, économiques et professionnelles offertes aux jeunes dans plus de 15 pays d’Asie, d’Afrique et des Amériques. Concrètement, son mandat consiste à améliorer l’accès à l’éducation, aux opportunités de travail et aux formations professionnelles pour les jeunes issus de pays en conflit, en leur offrant des opportunités d’étudier au Canada. L’association a aussi pour mandat de solliciter les jeunes résidant au Canada à s’impliquer dans leur communauté. L’EUMC est composée de plus de 86 comités locaux présents dans différentes universités et cégeps, dont un à l’Université McGill. Ces comités locaux organisent des ateliers de sensibilisation aux problèmes d’éducation des réfugié·e·s et d’autres événements destinés à l’intégration des étudiant·e·s à McGill. Programme d’étudiant·e·s réfugié·e·s L’une des initiatives principales de l’association est son programme d’étudiants réfugiés (PÉR). Ce programme a été établi en 1978 en partenariat avec le

me voir et m’ont tenu compagnie.» Ce groupe de support a été un élément marquant de son expérience et son intégration à McGill. Intégration à McGill

FLEUR BURNHAMHAM au Canada afin de leur permettre d’y étudier et d’accéder à des opportunités professionnelles. Annuellement, le programme accueille plus de 150 étudiant·e·s réfugié·e·s réparti·e·s dans plus de 100 universités et cégeps canadiens. L’initiative de PÉR est de « combiner la réinstallation avec des possibilités d’enseignement supérieur ». Ainsi, les étudiant·e·s ayant un statut de réfugié·e·s sont choisi·e·s par l’intermédiaire d’un long processus de sélection et sont ensuite accueilli·e·s dans une université canadienne équipé·e·s d’une bourse couvrant la majorité de leurs frais de scolarité et de logement pendant cinq ans. L’EUMC à McGill Le comité local de McGill s’occupe de mettre en place le programme PÉR à l’université, c’est-à -dire tout ce qui a trait à la sélection des candidat·e·s,

sont administrés afin d’offrir des services des bourses et de l’aide

« Grâce à leur portée impressionnante sur le campus mcgillois et dans le reste du pays, le comité local de McGill s’est vu décerner le prix du comité de l’année le samedi 10 février dernier, au congrès annuel de l’EUMC » financière aux étudiant·e·s ». Actuellement, le comité local de l’EUMC à McGill peut soutenir financièrement sept nouveaux·elles étudiant·e·s réfugié·e·s grâce aux fonds alloués chaque semestre par les étudiant·e·s de l’Université. Portrait d’un étudiant boursier Afin d’en connaître plus sur leur impact réel de l’association

« Actuellement, le comité local de WUSC à McGill peut soutenir financièrement sept nouveaux·elles étudiant·e·s réfugié·e·s grâce aux fonds alloués chaque semestre par les étudiant·e·s de l’Université » Haut Commissariat des Nations Unies pour réfugiés (UNHCR), le ministère de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté du Canada (IRCC) et l’Organisation Internationale pour la Migration (IOM). Jusqu’à aujourd’hui, le projet a permis la venue de plus de 2200 étudiant·e·s réfugié·e·s

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leur arrivée au Canada et leur intégration jusqu’à l’obtention de leur diplôme. Le programme PÉR est entièrement financé « par un prélèvement de 4 $ auprès de tou·te·s les étudiant·e·s de McGill chaque semestre, sur la base d’un référendum étudiant, et les fonds accumulés

jeunes réfugiés issus de l’Afghanistan qui ont candidaté dans la

Behnam raconte que ses débuts à l’université ont été très difficiles, dû au changement de système éducatif, au choc culturel et la rigueur des cours. Malgré cet ajustement massif, l’étudiant renchérit que l’EUMC McGill l’a équipé de tout ce dont il avait besoin pour réussir : un support moral et éducatif. Se caractérisant comme une personne de nature introvertie, Behnam fait part de sa grande difficulté à s’ouvrir aux autres et à partager ses défis, mais il explique que la communauté de l’EUMC lui a réellement permis de s’exprimer ouvertement et sans jugement : « Encore aujourd’hui, il sont comme une famille pour moi, une famille sur laquelle je peux compter. Ils ne me jugent pas et me supportent constamment. » Après plus d’un an et demi à Montréal, Behnam est maintenant un membre impli-

EUMC et de son programme PÉR, Le Délit s’est entretenu avec Behnam Yosufi, étudiant boursier de deuxième année en génie logiciel à McGill. Behnam, d’origine afghane, nous explique que le processus d’admission au programme est extrêmement compétitif : « Il y avait 4500

même année que moi et à la fin, nous étions deux à être sélectionnés pour aller étudier à McGill. (tdlr) » L’étudiant explique qu’il était souvent incertain quant à l’état d’avancement de sa candidature en raison de ses conditions de vie, plus ou moins optimales : « On devait effectuer des examens de compréhension d’anglais en ligne, mais nos maisons ne sont pas insonorisées, le Wi-Fi s’éteint, les gens font beaucoup de bruit. Ça m’est arrivé d’être accusé de plagiat, car ils ont entendu quelqu’un parler dans une autre chambre, et ont supposé que je trichais ». À la suite de ce laborieux processus de huit mois, Behnam, comme 50 autres étudiant·e·s boursier·ère·s afghan·e·s, s’est envolé pour le Canada afin d’y commencer ses études en génie logiciel à McGill. Il nous explique que dès son arrivée à l’aéroport, il y avait quatre jeunes qui l’attendaient avec des pancartes et des chandails bleus, une image à l’effigie de l’EUMC et sa nature accueillante. « Dès que je suis sorti de l’aéroport je les ai vus, ils m’ont emmené manger et m’ont ensuite déposé à ma résidence étudiante. Le lendemain matin, ils sont revenus

qué du comité local de l’EUMC dans lequel il occupe le poste de vice-président des événements. Il nous explique son intérêt pour ce nouveau rôle : « La mission du comité est d’intégrer les étudiant·e·s boursiers et j’ai adoré cette initiative et les événements organisés, donc je me suis poussé à entreprendre ce rôle. » Futures ambitions Lorsqu’on l’interroge sur ses aspirations futures, Behnam se dit très heureux d’avoir eu la chance d’être boursier au sein du programme, mais considère aussi la chance qu’il a d’être résident permanent au Canada, une opportunité offerte à tous·tes les boursier·ère·s. Il compte s’épanouir à McGill, finir ses études en ingénierie logicielle et entreprendre une carrière professionnelle au Canada. Grâce à sa portée impressionnante sur le campus mcgillois et dans le reste du pays, le comité local de McGill s’est vu décerner le prix du comité de l’année le samedi 10 février dernier, au congrès annuel de l’EUMC.x LAYLA LAMRANI Éditrice Actualités

le délit · mercredi 14 février 2024 · delitfrancais.com


société societe@delitfrancais.com

OPINION

Mettre la Saint-Valentin à la poubelle Pourquoi s’agit-il d’une fête dépassée? JEANNE MARENGèRE Éditrice Opinion

importe sa forme. Il ne devrait pas y avoir de pression à célébrer cette journée avec quiconque en particulier, considérant que préférer être entre ami·e·s, en famille ou seul·e, est tout aussi légitime que passer la journée avec un·e partenaire romantique. Devoir s’entendre sur cette date, le 14 février, pour démontrer tous en cœur notre amour perpétue une vision étroite de l’affection, où l’expression des sentiments est dictée par les conventions sociales plutôt que par le désir organique de montrer notre amour. C’est triste de constater que nous avons besoin d’une célébration ponctuelle commune pour accorder du temps à l’amour, alors que chaque jour devrait être une opportunité de cultiver et de nourrir nos relations de manière spontanée et sincère.

C

e matin, en entrant à la pharmacie, j’ai été témoin de l’annuelle prise d’assaut des tablettes par les cœurs rouges et roses, les chocolats aux emballages thématiques, ainsi que les peluches tout aussi insignifiantes les unes que les autres. Dans l’esprit de cette effervescence éphémère et rituelle, j’ai constaté que cette année encore, la SaintValentin se trouvait à nos portes. Une journée teintée par le rouge de la passion pour certain·e·s, pour d’autres par l’horreur d’être encore seul·e·s cette année, la SaintValentin n’a plus de raison d’être en 2024. Certain·e·s diront que la fête de l’amour a encore un rôle important aujourd’hui, qu’elle nous permet de consacrer une journée à l’amour, mais il me semble plus que clair que sa période glorieuse est depuis longtemps révolue. Cette frénésie annuelle n’est en réalité que le fruit d’un travail méticuleusement orchestré par les doigts agiles du capitalisme et des normes sociales rigides : la Saint-Valentin n’est aujourd’hui rien de plus qu’un prétexte pour se dire « je t’aime ». Dans cet océan d’hétéronormativité et de consumérisme, il est grand temps de remettre en question la superficialité de cette célébration ponctuelle de l’amour, et de se questionner sur la nécessité d’une telle journée. Célébration de l’hétéronormativité

Cupidon par ci, « veux-tu être mon·ma valentin·e » par là, la SaintValentin est une fête qui trouve sa pérennité dans le confort que représente le couple hétérosexuel. Cette fête est en réalité profondément enracinée dans des normes sociales étroites et rigides, limitant l’inclusivité d’une fête qui, au contraire, devrait être ancrée dans l’amour, peu importe qui cela unit. Cette célébration perpétue un récit romantique qui ne correspond plus toujours à la réalité des couples d’aujourd’hui : nombreux·euses sont ceux·celles qui disent ne plus s’identifier avec la célébration traditionnelle de cette fête. En se focalisant principalement sur les partenariats hétérosexuels et les expressions d’affection conformes aux normes sociétales, la SaintValentin exclut implicitement de nombreuses autres formes d’amour et de relations. De plus, pour ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’image hétérogenrée du couple,

Vers un futur plus amoureux ROSE CHEDID | le dÉlit

cette journée devient souvent un rappel malheureux de leur manque d’inclusion au sein de la société. Bien que plusieurs tentent de se réapproprier la Saint-Valentin afin d’en faire une fête à leur image, les couples non conventionnels, ceux qui sortent des normes de genre peuvent se sentir exclu·e·s ou invisibilisé·e·s par cette fête centrée sur des idéaux romantiques stéréotypés. En réalité, la Saint-Valentin, loin d’être une célébration universellement accueillante de l’amour, reflète plutôt les limites et les préjugés de nos normes sociales établies. Consumérisme capitaliste Un aspect déjà longuement dénoncé de cette fête est son incitation à la consommation matérielle excessive. Escapade au spa, bouquets de fleurs qui finiront à la poubelle d’ici la semaine prochaine, cartes personnalisées ou encore bijoux aux prix exorbitants : la Saint-Valentin est une invitation à dépenser sans réfléchir aux potentiels impacts de notre consommation. La fête est reconnue par tous·tes les amoureux·euses comme l’occasion de faire plaisir à son·sa partenaire en lui offrant du chocolat, des fleurs ou encore toute sorte de cadeaux hors de prix. Effectivement, peu se questionnent sur le besoin réel d’offrir quelque chose de matériel au-delà de sa présence pour l’être aimé : plusieurs se contenteraient

le délit · mercredi 14 février 2024 · delitfrancais.com

de passer une belle journée en compagnie de leurs êtres chers, sans pour autant céder à la pression commerciale inhérente à cette fête. En effet, l’industrie capitaliste profite largement de la Saint-Valentin en bombardant les consommateur·rice·s avec une multitude de produits soi-disant

fices matérialistes imposés par la société de consommation. Pour une vision plus authentique de l’amour À mes yeux, la Saint-Valentin s’est développée à travers les années comme une fête vide de sens,

Dans un article satirique publié au Délit en 2018, l’autrice suggérait à McGill de faire de la Saint-Valentin un congé férié. Bien que cela puisse sembler loufoque, ce serait véritablement la manière de permettre une célébration de la fête de l’amour en bonne et due forme : on pourrait ainsi s’accorder une journée complète de célébration qualitative avec les gens qu’on aime. Bien qu’il y ait une part de bon à assigner une journée internationale

« C’est triste de constater que nous avons besoin d’une célébration ponctuelle commune pour accorder du temps à l’amour, alors que chaque jour devrait être une opportunité de cultiver et de nourrir nos relations de manière spontanée et sincère » essentiels à l’expression de leur amour. L’industrie crée ainsi un climat de compétition sociale où l’expression de l’affection est mesurée en fonction de la valeur monétaire des cadeaux offerts. Pourtant, l’amour véritable est loin de se mesurer à une valeur monétaire, et devrait plutôt l’être en gestes sincères et en moments partagés. Cette commercialisation de la Saint-Valentin perpétue une culture de la consommation où l’amour est souvent réduit à une transaction financière. La véritable essence de l’amour réside dans les petites attentions quotidiennes, la présence attentive et le soutien mutuel, bien loin des arti-

j’irais même jusqu’à dire fake. Les œillères que la société s’est imposées quant à la célébration de la Saint-Valentin limitent l’infinité de formes que peut prendre l’amour. En effet, l’amour ne peut être canalisé en une unique journée : il s’agit d’un concept plus grand qui devrait transcender l’ensemble de nos actions et pensées. Qu’on ait envie de passer notre Saint-Valentin avec nos ami·e·s, avec notre famille, ou encore avec notre partenaire, on devrait mettre au placard le stigma qui existe autour de l’amour atypique. L’amour, platonique comme romantique, devrait avoir sa place au sein de la société et se doit de recevoir la même reconnaissance, peu

à l’amour, je plaiderais en faveur d’une reconsidération de sa valeur, et proposerais de faire de nos vies une célébration continue de l’amour, incitant tous·tes à chérir les gens qui les entourent au quotidien. Ça peut paraître cynique, mais j’irais même jusqu’à dire qu’on devrait abolir la Saint-Valentin. Sachant que ce n’est pas près d’arriver, je suggère qu’en tant que communauté, nous nous contentions d’un effort conscient visant à faire de nos vies une célébration perpétuelle des gens qu’on aime, tout en accordant une attention particulière à la déconstruction des normes sociales qui sous-tendent la célébration de cette fête.x

société

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enquête

L’extrême droite s’impose en Europe Comment le populisme entretient des relations ambiguës avec l’Europe. Camille tavitian Contributrice

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es 6 et 9 juin prochains se dérouleront les futures élections de l’Union Européenne. Elles se font au suffrage universel direct et ont lieu tous les cinq ans. À l’issue de ces élections, 720 députés seront nommés dans les vingt-sept pays membres pour prendre des décisions et voter les textes au parlement européen. Mais parallèlement à l’approche de ces élections, une tendance politique s’impose de plus en plus et prend de la place dans les médias : la montée en puissance de l’extrême droite en Europe. Entre la victoire électorale italienne en 2022 de Georgia Meloni du parti politique post-fasciste ou, plus récemment, la montée en puissance de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite, l’Europe fait face à la montée d’un mouvement nationaliste qui influencera certainement les résultats des élections européennes. Tandis que le paysage politique se transforme en Europe, des questions se posent : d’où vient cette popularité de l’extrême droite en Europe et comment s’est elle imposée au fil des décennies? Les extrêmes droites en Europe Officiellement, deux pays de l’Union Européenne sont gouvernés par l’extrême droite : l’Italie et la Hongrie. La Finlande et la Slovaquie ont chacun un gouvernement composé de membres aux idéologies nationalistes proches de l’extrême droite, et la Suède reçoit le soutien idéologique du parti populiste. Néanmoins, comprendre quels sont les pays gouvernés ou influencés par l’extrême droite se révèle être plus complexe. Certains gouvernements de la droite classique décident de faire une coalition avec l’extrême droite, comme l’Autriche avec l’association entre le Parti de la liberté (ÖFP) et le Parti populaire (ÖVP). Aux PaysBas, une collaboration est en cours entre l’extrême droite de Geert Wilders (PVV) qui a remporté les législatives du pays et le président du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) de Mark Rutte. D’autres pays comme la France voient la droite centriste au pouvoir prendre des décisions propres aux idées politiques de l’extrême droite. L’académicienne et spécialiste des politiques européennes et migratoires à McGill, Terri E. Givens, explique que ce

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rapprochement entre la droite classique et l’extrême droite n’est pas un phénomène récent : dès les années 2000, l’ancien président de la république française Nicolas Sarkozy adoptait déjà des discours d’extrême droite et « ce phénomène s’expliquait par le fait que Nicolas Sarkozy redoutait la popularité croissante de l’extrême droite en vu des futures élections présidentielles (tldr) ». Plus récemment, le président français Emmanuel Macron et son projet de loi sur l’immigration confirmait une influence claire de l’extrême droite. Ces idées nationalistes deviennent un outil politique pour le gouvernement en place afin de rester au pouvoir tout en empêchant le parti extrémiste de gagner du terrain. Mais selon professeure Givens, il ne s’agit pas d’un phénomène propre à l’Europe : Bill Clinton, ancien président des États-Unis, adoptait cette même tactique politique en limitant aux migrants l’accès aux allocations. Or, cette approche peut se révéler contradictoire : l’académicienne de McGill

clÉment veysset | le dÉlit

« Afin de mobiliser tout un groupe de manière homogène, l’extrême droite utilise la crise migratoire afin d’instrumentaliser la peur de la population. Le migrant devient alors le bouc émissaire qu’il faut expulser pour retrouver contrôle et prospérité dans le pays » explique que si un gouvernement centriste met en place des politiques extrémistes pour garder ses électeurs, cela ne garantit pas que ces derniers soutiendront le gouvernement. En effet, si le ministère actuel suggère des propositions de lois extrémistes, pourquoi ne pas directement voter pour le parti qui affirmait depuis le début ces idéologies? L’importance du discours Selon Michael Minkenberg, professeur de science politique à l’université européenne de Viadrina, les partis populistes de chaque pays partagent un socle idéologique commun basé sur le nationalisme et le désir utopique d’une société homogène. En parallèle, les pays européens connaissent simultanément les crises économiques, migratoires et sociales que chacun cherche

à contrôler en fonction de sa politique nationale. L’accumulation de ces crises est propice à l’inquiétude partagée par la population qui se sent alors ignorée par le gouvernement en place. Les différences de salaire entre le travailleur et le PDG, et l’émergence et croissance d’une classe sociale ultra-riche creuse le fossé des inégalités sociales et contribue à la frustration de la population. Entre l’inflation et le déclin du secteur industriel, le chômage accroît et la peur s’installe. Si le gouvernement n’écoute pas les demandes du peuple, il apparaîtra déconnecté de la réalité et la population cherchera confort autre part. C’est dans ce contexte que l’extrême droite gagne en crédibilité. Elle s’impose comme la solution à ces crises à travers des discours populistes et elle crée un lien entre crise

économique et migration. Ces discours sont pleins de promesses et de solutions faciles face à des difficultés économiques et sociales. Le mot d’ordre des extrémistes est le « contrôle », que le gouvernement est incapable de mettre en place face aux écarts de salaires et la crise migratoire. La population est alors prête à accepter ces discours souvent discriminants qui promettent un renouveau économique, car les électeurs sont désespérés par la crise qui pèse sur leur quotidien. Si nous prenons l’exemple des PaysBas, ces derniers ont connu en juillet 2023 un taux d’inflation de 5,3% selon un sondage mené par Eurostat. Dans son discours après sa victoire aux élections législatives de novembre 2023, Geert Wilders promet que « les gens auront de nouveau de l’argent dans leur

porte monnaie » en combattant « le tsunami de l’asile et de l’immigration ». Le message est clair : le migrant est la cible première pour combattre les inégalités sociales. Une politique basée sur l’exclusion L’extrême droite cherche souvent cherche aussi à exclure l’Union Européenne à travers ses politiques. Par exemple, le candidat français du Rassemblement National (RN) aux européennes Jordan Bardella décrivait l’agence européenne de garde-frontières Frontex comme « une hôtesse d’accueil pour migrants ». En effet, les partis nationalistes refusent de déléguer leur souveraineté à l’Union Européenne en termesène, l’extrême droite utilise la crise migratoire afin d’instrumentaliser la peur de la population. Le migrant devient alors le bouc émissaire qu’il faut expulser pour retrouver contrôle et prospérité dans le pays. « Tout le monde est pour le contrôle de l’immigration, que ce soit la gauche ou la droite précise professeur Givens, cependant, il y a une différence avec la gauche qui cherchera a être pro-intégration et contre la discrimination ».

le délit · mercredi 14 février 2024 · delitfrancais.com


enquête D’où vient cette « logique » discriminatoire?

termes « d’ingérence » de la part de l’Union Européenne.

Le fait de percevoir la crise migratoire comme la cause de la crise économique n’est pas un phénomène récent, et encore moins le fait d’exclure une minorité pour affirmer un nationalisme. Dans le livre La Politique du Voile, Joan Scott explique la manière dont la défaite coloniale de la France en Algérie en 1962 a contribué aux politiques racistes envers la communauté musulmane

Les responsables de la montée populiste Selon professeure Givens, « Il s’agit de la faute de tout le monde », surtout les gouvernements actuels qui n’accordent pas assez d’importance aux inquiétudes sociales et économiques de la population. L’Union Européenne peut aussi être pointée du doigt : en 2015, l’Italie, mais aussi la Grèce, sont les pays qui ont accueilli le plus de

sous différents groupes politiques de l’Union. Par exemple, le parti post-fasciste d’Italie et le parti extrémiste polonais PiS sont membres du groupe Conservateurs et Réformistes Européens (CRE) avec les élus du parti Finlandais tandis que le RN en France se retrouve sous la même branche politique que les eurodéputés néerlandais au sein du groupe Identité et Démocratie (ID). Le Parti Populaire (PPE) est majoritaire au parlement européen avec 177 eurodéputés des 27 pays membres et est composé clÉment veysset | le dÉlit

« L’Union Européenne est lâche, beaucoup d’académiciens, moi comprise, sommes frustrés face à la manière dont l’Europe reste passive quant aux transgressions récurrentes de la Hongrie » Terri E. Givens, professeure de science politique spécialiste de l’immigration

immigrant en France les décennies suivantes. La création du parti Front National en 1972 fait écho à cette problématique mais s’inscrit aussi dans la récession économique de cette époque. En 1978, le parti adopte le slogan « Trois millions de chômeurs, ce sont trois millions d’immigrés de trop! - La France et les Français d’abord! », faisant un lien direct entre crise économique et migratoire. Par la suite, la crise migratoire de 2015 accentue l’hostilité envers les migrants et certains pays comme l’Allemagne, pourtant en capacité d’accueillir, se voient rejeter les demandes d’asile car aucun des autres pays de l’Union Européenne n’accepte de coopérer. Ce manque de solidarité entre pays va renforcer le sentiment nationaliste et eurosceptique, car il donne raison à l’extrême droite en

migrants car géographiquement situés sur des points stratégiques entre l’île de Lampedusa et l’île de Lesvos respectivement. Selon les données de Frontex, l’Italie a accueilli 157 220 migrants de janvier à novembre 2015 et selon l’Agence des Nation Unies pour les réfugiés (HCR), la Grèce en a accueilli 50 000 au cours du mois de juillet seulement. Pourtant, les autres pays membres de l’Union fermaient leurs frontières au même moment, laissant la Grèce et l’Italie isolées durant cette crise. Cela laisse alors la place au développement de l’euroscepticisme et l’extrême droite gagne en crédibilité en pleine crise. L’extrême droite dans l’Union Européenne L’extrême droite apparaît comme hétérogène et s’affiche

le délit · mercredi 14 février 2024 · delitfrancais.com

de partis de la droite centriste comme de la droite extrémiste. Par exemple, le président de la Hongrie illibérale Viktor Órban en faisait partie jusqu’en 2021. La Hongrie est la représentation même de la contradiction

grade dans ce pays. « L’Union Européenne est lâche », confie Givens, « beaucoup d’académiciens, moi comprise, sommes frustrés face à la manière dont l’Europe reste passive quant aux transgressions récurrentes de la Hongrie ». En effet, malgré quelques sanctions de la part de la commission européenne, les vétos constants posés par le régime autoritaire contre les aides en Ukraine posent problème et empêchent l’Union Européenne d’agir. Toutefois, ce manque de pénalités est justifié par la peur partagée de voir la Hongrie partir de l’Union pour se retrouver sous influence russe selon professeure Givens. Parallèlement, la Commission européenne doit aussi faire face à la montée en puissance de partis pro-russes d’extrême droite en Autriche avec le FPÖ et en Slovaquie avec le parti Smer au pouvoir. De plus, l’extrême droite empêche le parlement européen d’adopter certains textes en imposant sa politique climatosceptique : l’Union Européenne recule sur la question environnementale, notamment avec le rejet du texte sur l’arrêt de l’usage des pesticides. Patrick Martin-Genier, politologue spécialiste dans la politique en Europe, parle d’un « arrêt de la construction européenne » impacté par l’hétérogénéité des groupes politiques et des penchants extrémistes. Cette appellation est justifiée par le fait que le dernier traité à être entré en vigueur au sein de l’Union est le traité de Lisbonne, en 2009. Cependant, professeure Givens perçoit de manière positive le mélange hétérogène des partis au sein des groupes politiques: « c’est aussi une bonne nouvelle car cela permet de faire des compromis et de trouver des accords avec d’autres partis qui ne sont pas extrémistes ». Elle souligne que la droite centriste peut influencer l’extrême droite sur des décisions moins radicales mais souvent, c’est la droite classique qui se laisse influencer par les nationalistes au sein de ces groupes. La « vague » européenne d’extrême droite Pour professeure Givens, plutôt que d’appeler le phénomène actuel une « vague », nous fe-

au pouvoir depuis 2015 fait face à une opposition majoritaire pro-centriste. Au Danemark, le nouveau gouvernement de Mette Frederiksen est partagé entre libéraux et sociaux-démocrates alors que l’extrême droite était longtemps en position de force. Pour ce qui concerne les actuelles craintes d’une montée du parti de l’AfD en Allemagne, les médias parlent de plus en plus d’une opposition de la part des citoyens allemands qui protestent contre les politiques extrémistes du parti. Ces échecs nationalistes peuvent se justifier par le fait qu’au pouvoir, les partis d’extrême droite ne répondent pas aux promesses formées dans leurs discours et les problèmes économiques ne sont pas réglés. En Italie par exemple, l’une des premières mesures de Giorgia Meloni était la suppression du revenu sur la citoyenneté, l’équivalent de l’aide sociale, pour une partie de la population. Cela illustre le fait que ces partis ne proposent finalement pas une politique sociale et la population finit par s’en rendre compte. Certains diront aussi que la montée de l‘extrême droite n’est pas significative et qu’il s’agit seulement d’un vote contestataire contre le gouvernement actuel. Cependant, le sociologue Wilhelm Heitmeyer souligne que cet argument n’est plus valable puisque d’année en année, les partis nationalistes gagnent un électorat de plus en plus fidèle et croissant. Les prochaines élections européennes Cet article a aussi pour but de comprendre l’enjeu existant à l’approche des élections européennes. Professeure Givens explique que «l’extrême droite va certainement s’imposer aux européennes, surtout parce que les voteurs ne portent pas assez d’attention aux élections parlementaires et ne sont pas renseignés sur son mode de fonctionnement». Ce phénomène peut s’expliquer par le fait que les élections européennes ne seront jamais autant médiatisées que des élections présidentielles par exemple. Pourtant, elles sont toutes aussi importantes et les résultats des prochaines élections changera forcément les tendances politiques d’une

« La droite centriste peut influencer l’extrême droite sur des décisions moins radicales mais souvent, c’est la droite classique qui se laisse influencer par les nationalistes au sein de ces groupes » européenne entre les institutions libérales et le régime autoritaire illibéral hongrois ; les Reporters sans Frontières sont alarmés face à la manière dont la liberté d’expression se dé-

rions mieux de parler de « hauts et bas ». Finalement, certains pays anciennement extrémistes connaissent actuellement une politique plus centriste. En Pologne, le parti d’extrême droite du PiS,

manière ou d’une autre. Mettre en lumière l’enjeu de ces élections est alors primordial tant à l’échelle européenne qu’internationale, dans un contexte complexe de tensions et de guerres. x

société

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environnement environnement@delitfrancais.com

au quotidien

Rose rouge ou tulipe?

L’industrie des fleurs : une menace pour l’environnement. adèle doat Éditrice Environnement

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vec le retour du soleil et des températures positives, l’amour est dans l’air. Alors que la Saint-Valentin approche à grands pas, il faudrait vraiment avoir la tête ailleurs pour ne pas le constater. Il suffit d’aller faire ses courses au supermarché pour être assailli·e par la profusion de bouquets de fleurs colorés, éparpillés au milieu des denrées alimentaires du quotidien. À l’épicerie Metro, les magnifiques bouquets de roses rouges, jaunes et blanches sont signés Savoir Fleur. Ces fleurs semblent être le cadeau idéal pour célébrer la fête de l’amour. Néanmoins, leur histoire n’est pas toujours aussi rose qu’il n’y paraît et l’on se demande quelles sont leurs origines. Discours discordants Il est tout à fait légitime de se poser des questions et de douter de l’aspect écologique des fleurs que l’on trouve en grande distribution à l’avènement d’une nouvelle fête commerciale, dont l’enjeu

L’exemple de Savoir Fleur n’est pas un cas isolé : 2/3 des fleurs vendues au Québec proviennent de l’étranger. Les roses importées majoritairement d’Équateur et de Colombie sont transportées en avions-cargos réfrigérés, ce qui émet de grandes quantités de gaz à effet de serre. De plus, pour conserver leur éclat d’ici la vente, les roses sont aspergées de substances toxiques. Souvent, les roses sont cultivées en monoculture et les horticulteurs·trices des pays

« 2/3 des fleurs vendues au Québec proviennent de l’étranger. Les roses importées majoritairement d’Équateur et de Colombie sont transportées en avions-cargos réfrigérés, ce qui émet de grandes quantités de gaz à effet de serre » principal est, il faut le rappeler, de faire un maximum de profit. Savoir Fleur est une entreprise de fleuristerie grossiste au Québec et en Ontario. Elle approvisionne les épiceries des deux provinces en bouquets depuis 1987. Sur son site, l’entreprise déclare : « Nous nous approvisionnons en fleurs fraîches auprès de 80 fermes dans plus de dix pays à travers le monde. [...] Nos bouquets peuvent contenir des tiges de wax d’Australie, des gerberas de Hollande, des tournesols du Canada, des roses de l’Équateur, des chrysanthèmes de Colombie, du limonium du Pérou et des feuillages des États-Unis. » De telles affirmations peuvent sembler contradictoires avec un autre message délivré plus loin : « Nous nous associons avec des fermes qui offrent une garantie de qualité et qui

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observer un changement de tendance : « Il y a quand même un petit virement qui se fait. Les gens achètent de moins en moins de roses rouges. Notre clientèle veut un peu déroger de ce look classique. L’esthétique change beaucoup. Il y a un côté plus naturel qui revient en vogue avec le mouvement slowflower d’auto-cueillette : moins de production de masse, plus de fleurs sauvages. »

pratiquent une culture saine pour l’environnement et responsable pour les gens qui y travaillent. » Nous pouvons relever une certaine incohérence dans ce discours. D’une part, il souligne l’importance d’une production écologiquement responsable, mais de l’autre, il ne prend pas en compte la pollution que le transport des fleurs entraîne. Le·a consommateur·trice peut facilement se retrouver dérouté·e dans sa quête d’adopter un comportement plus vertueux vis-à-vis de l’environnement, en se demandant s’il·elle devrait ou non acheter ces fleurs qui ont parcouru le monde entier.

tropicaux ont recours à l’usage de pesticides, ce qui contribue à appauvrir considérablement les sols et à polluer les eaux, dont la culture est également très gourmande. D’ailleurs, ces bouquets que nous retrouvons en grande surface sont généralement emballés dans du plastique : une double peine pour l’environnement. Un exemple typique d’écoblanchiment Savoir Fleur fait partie d’une société plus large. L’entreprise est membre du Groupe de Compagnies Westbrook. Il s’agit d’un grand groupe réunissant plusieurs entreprises « produisant des fleurs en pot, des fleurs coupées, et gérant la conception et la construction de structures de serres commer-

Quelles alternatives?

adèle doat | Le dÉlit ciales et de production dans toute l’Amérique du Nord (tdlr) ». Sous le volet « Notre mission », ; le groupe affirme se « soucier des communautés que nous partageons, de la durabilité de nos produits et de l’avenir à long terme de la planète. » Et d’ajouter : « Grâce à la gouvernance, à l’intégrité et à l’accent mis sur la qualité, l’innovation et le développement durable, nous développons des entreprises et des personnes en vue d’une réussite à long terme. » Le terme de « croissance durable » pullule à travers ce discours aux sonorités vertueuses. C’est pourtant ce même groupe qui soutient les actions des entreprises comme Savoir Fleur. On peut parler d’écoblanchiment, dans la mesure où le discours véhiculé par le groupe lui donne une image écoresponsable, derrière laquelle sont dissimulées les actions polluantes des entreprises. Les bouquets de fleurs que l’on retrouve en grande surface affichent des prix bien plus attirants pour le·la consommateur·trice que ceux que l’on peut retrouver chez les fleuristes. Les entreprises, parce qu’elles vendent en masse, peuvent fixer un prix réduit. Chez Metro, le « bouquet de luxe douze roses » de Savoir Fleur est vendu à 29,99$. À titre de comparaison, un bouquet du même genre coûte 120$ chez le fleuriste Marché Aux Fleurs MTL. Cette différence de prix, aussi dûe au contraste en termes de qualité,

explique pourquoi le·la consommateur·trice sera plus enclin à acheter un bouquet au supermarché plutôt que chez le fleuriste, qui pourrait lui proposer des fleurs plus locales. Le stéréotype de la Saint-Valentin Cette différence de prix influence les fleuristes locaux, créant une forte compétition, qui les oblige eux aussi à passer outre certaines considérations écologiques. Ainsi, face à la concurrence des grandes entreprises, les fleuristes perpétuent, comme leurs rivaux, les stéréotypes de la Saint-Valentin, néfastes à l’environnement. « Nous entrons dans la période de la Saint-Valentin qui est encore stéréotypée par la rose rouge », admet une vendeuse. Les slogans chez les fleuristes, tels que « la rose est au centre de l’amour » sont nombreux. Il s’agit d’un problème plus largement ancré dans nos sociétés, qui se complaisent dans la consommation de produits de masse, négligeant ainsi l’aspect environnemental. Interrogé par Le Délit, *Martin, étudiant à McGill, a avoué que bien que son premier instinct fut d’offrir des roses à sa copine, il a désormais changé d’avis : « Je trouve important que le cadeau soit personnel et pas seulement une tradition obligatoire. » Ce genre de choix reflète les propos d’une fleuriste, qui nous a confié

Le mouvement slowflower remet en question notre mode de consommation et revendique une production de fleurs au rythme de la nature et des saisons, d’une manière plus respectueuse envers l’environnement et la biodiversité. En effet, comme les fruits et les légumes, les fleurs dépendent du rythme des saisons, et il est important d’en prendre compte. Il vaut mieux se rendre chez le fleuriste pour demander conseils plutôt que d’acheter un bouquet au supermarché, comme nous achetons nos pâtes et notre riz. À partir du mois de janvier, on retrouve dans les serres canadiennes lisianthus, mufliers, renoncules, rosettes, tulipes, etc. Cette nouvelle tendance se manifeste également par l’achat de fleurs plus locales. Toutefois, il faut faire attention, car même cultivées dans des serres au Québec, en plein hiver, les roses nécessitent beaucoup d’énergie.En effet, elles ont besoin de beaucoup de chaleur et de lumière pour s’épanouir. Si vous souhaitez à tout prix offrir des fleurs à votre amant·e, privilégiez les fleurs en pot. Gabrielle, étudiante à McGill, raconte que son copain l’année dernière lui avait dessiné une rose sur la main le jour de la Saint-Valentin : « C’est devenu notre tradition, dessiner une fleur, plutôt que d’en acheter. » Sinon, les cadeaux immatériels comme une soirée au restaurant entre amoureux·ses restent le choix le plus écologique, et tout aussi romantique. « Nous n’avons pas de plan précis pour la Saint-Valentin, mais nous nous sommes dit que l’on se réserverait du temps pour être ensemble », nous partage Gabrielle. Rien n’est plus précieux que du temps partagé avec ceux·celles que nous aimons. *Nom fictif x

le délit · mercredi 14 février 2024 · delitfrancais.com


au quotidien

Partager, plutôt qu’acheter pour jeter Rencontre avec Fauve Doucet, fondatrice du Partage Club.

juliette elie Éditrice Environnement

U

ne table en bois en état presque parfait se trouve miraculeusement abandonnée sur le trottoir. Il suffirait simplement de revisser les pattes pour en faire le bureau idéal. Il faudrait alors se procurer un tournevis, mais ce n’est ni économique, ni écologique d’en acheter un si ce n’est pour l’utiliser qu’une seule fois. Alors pourquoi ne pas l’emprunter? Le Délit s’est entretenu avec Fauve Doucet, entrepreneure en innovation environnementale et sociale, fondatrice de Partage Club, une application mobile visant à faciliter et encourager le prêt et l’emprunt plutôt que l’achat. Le Délit (LD) : Pour commencer, peux-tu m’expliquer ce qu’est Partage Club? Fauve Doucet (FD) : C’est une application mobile sur iOS et Android de partage d’objets de la vie courante, entre voisins mais aussi entre communautés de confiance. Il s’agit, par exemple, de résidents d’un immeuble, de gens dans un quartier, de collègues dans un bureau ou d’étudiants dans une université.

LD : Peux-tu me parler de toi et de ton parcours? FD : J’ai un baccalauréat en communication marketing de l’UQAM, et, bien vite, je suis tombée dans le monde des agences de publicité. J’ai adoré le côté innovant et créatif. Dans le milieu des médias et de la publicité, il faut trouver comment atteindre le public. J’ai parfois travaillé sur des campagnes de sensibilisa-

« Il y a beaucoup de jeunes étudiants qui viennent vivre en résidence ou en appartement, et qui ont de la difficulté à s’approvisionner. Le fait de pouvoir emprunter leur apporte vraiment un soutien économique. » Fauve Doucet

LD : Partage Club semble s’inscrire parfaitement dans le principe du développement durable, en touchant autant à l’aspect environnemental qu’économique et social. FD : En effet. Sur le plan économique, on sait qu’avec la récession et le taux d’inflation qui augmente, on ne peut plus se procurer les biens de la même

semblent être au rendez-vous pour faire en sorte que le Partage Club prenne son sens.

façon. Tout coûte cher. Partage Club permet d’économiser en mutualisant et en partageant. Sur le plan environnemental, on fait de la réduction à la source [en réduisant la consommation, ndlr]. On est vraiment dans une des interventions de l’économie circulaire [un modèle économique priorisant la récupération, la réduction de la consommation et le partage des ressources, ndlr]. Puis, sur le plan social, on crée des liens de confiance, on crée de la cohésion entre différents maillages de classes sociales de différentes réalités familiales dans un quartier. Cela mène ainsi à l’ouverture et à la tolérance.

tion [pour des causes, ndlr] très nobles, mais j’étais quand même l’un des moteurs de la consommation. Je me suis rendue compte que beaucoup de gens en communication marketing ont ce conflit de valeurs. Puis, j’ai constaté que j’avais développé un pouvoir vraiment extraordinaire : j’étais capable de changer le comportement des gens à grande échelle.

le délit · mercredi 14 février 2024 · delitfrancais.com

LD : Tu m’as dit que Partage Club faisait affaire avec l’Université Laval. Comment est-ce que l’application peut répondre aux besoins des étudiants?

partage club Je voulais l’utiliser pour faire quelque chose de bien. En étant maman, à un moment, on se demande ce qu’on laisse à nos enfants et dans quel monde ils vont vivre. J’ai pris mon courage à deux mains, et j’ai fait le grand saut pour faire naître Partage Club. C’est un privilège pour moi, chaque jour, de faire mon métier. Je contribue à régler un réel problème de notre société. LD : Comment l’idée est-elle venue de mettre ce projet sur pied? FD : Au début, j’étais une maman qui avait un petit garçon de trois ans, dans un condo à Montréal. Je trouvais ça complètement fou le nombre de jouets qui rentrait chez moi. Ça coûtait cher, et je trouvais que ce n’était pas bon pour l’environnement. Au même moment, il est arrivé quelque chose de très contradictoire. J’ai voulu acheter un tricycle usagé à mon garçon, mais je n’ai pas pu parce qu’il n’y avait pas assez de place. Je voulais tellement tout lui offrir, mais en même temps, je ne voulais pas surconsommer. Puis, je me suis dit qu’il devait y avoir une manière de mutualiser les jouets entre parents. J’ai suivi un cours comme étudiante libre en décroissance soutenable à HEC, donné par Yves-Marie Abraham, et c’est là que je suis entrée en contact avec les grands

principes de la décroissance, dont la mutualisation comme l’une des solutions. Je me suis dit que pour qu’il y ait une mise en commun des biens, il faut qu’il y ait de la confiance et un lieu physique de rencontre. Puis, je me suis rendue compte que dans les quartiers, il n’y a pas que des familles. Il y a plein de types de gens, donc plein de choses qu’on peut mutualiser. En fait, quasiment tout ce qu’on utilise peut être partagé. LD : Dès son lancement, il y a eu un engouement pour le projet. T’y attendais-tu? FD : Je ne m’attendais pas à ce que les gens comprennent aussi rapidement ce que c’était. Je reçois au moins une fois par semaine un message de quelqu’un qui dit avoir rêvé de cette application-là, ou qui demande « Pourquoi ça n’existait pas avant? » Ça a tellement de sens dans le contexte actuel. On sort d’une pandémie, on a encore des blessures. Ce que je ressens, c’est que la société est en besoin de communauté, plus que jamais, parce qu’on a perdu le lien social. Il y a aussi une prise de conscience environnementale de plus en plus importante. Puis sur le plan économique, ça commence à être serré. Toutes les conditions macroéconomiques

FD : Ce qu’on a vu avec l’Université Laval, c’est qu’il y a beaucoup de jeunes étudiants qui viennent vivre en résidence ou en appartement, et qui ont de la difficulté à s’approvisionner, que les objets soient neufs ou usagés. Ce qui est arrivé avec la COVID-19, c’est une rupture de la chaîne d’approvisionnement. Aussi, ce qui arrive c’est que les étudiants n’ont pas beaucoup d’argent. Ils vont souvent acheter des choses qui vont durer très peu longtemps, juste le temps de leurs études, ou qui vont se briser facilement. Le fait de pouvoir emprunter leur apporte vraiment un soutien économique. Cela peut aussi permettre d’essayer de nouvelles activités, par exemple en louant des skis alpins pour une fin de semaine. Ça crée des liens avec les employés et les professeurs, et entre les étudiants, tout en favorisant la cohésion interuniversitaire et dans le quartier. C’est dans une démarche de développement durable que l’Université Laval a entamé le pas. LD : Est-ce qu’il y a des limites à ce qu’on peut prêter et emprunter sur l’application? Par exemple, qu’en est-il des véhicules? FD : Il y a des choses qu’on ne peut pas prêter, comme tout ce qui est lié à l’hygiène. Pour ce qui est des véhicules, il y a des gens qui ont commencé à se prêter des camping-cars, entre autres de la marque Westfalia. Il n’y a pas encore d’assurances, donc c’est vraiment le prêteur qui prend la responsabilité. On est en train de réfléchir à intégrer une assurance à l’application. Il y a beaucoup de villes en région qui nous demandent de mettre en place un volet de partage d’automobiles, qui va venir avec une preuve de permis de conduire. Les gens commencent à s’approprier Partage Club!

environnement

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au quotidien LD : Le partage nécessite beaucoup de confiance. Existe-t-il des politiques pour éviter le vol ou les retards interminables d’objets empruntés? FD : Oui, on a un code d’honneur que les gens doivent accepter lorsqu’ils s’inscrivent. En bref, l’emprunteur doit ramener l’objet dans le même état. Des bris peuvent arriver, même si c’est rare, parce que les objets sont souvent sous-utilisés [donc presque neufs au moment du prêt, ndlr]. Dans ce cas-là, l’emprunteur peut soit réparer l’objet ou en acheter un nouveau. S’il y a un problème ou une question, ils peuvent contacter le Partage Club. On va aider à faire en sorte que la relation entre les membres soit conservée. On est un peu comme les bodyguards du partage. Vu qu’il n’y a pas d’échange d’argent, les gens font vraiment attention. Ce n’est pas comme dans une relation transactionnelle. Pour ce qui est

rÉflexions

des retards, dans l’application, on te talonne quand tu manques la date de retour. Souvent, les gens oublient tout simplement, alors on leur rappelle. Ils font attention, ils se parlent : « Estce que je peux te le ramener une semaine plus tard finalement? », « Oui sans problème! ».

LD : On n’a pas l’habitude, je pense, de donner sans recevoir ou de recevoir sans devoir quelque chose. Comment peut-on apprendre à sortir des relations transactionnelles? FD : On se rend compte que, surprenamment, le prêt est beaupartage club

« C’est contre-intuitif, mais les gens sont très à l’aise de prêter, beaucoup plus que d’emprunter, souvent parce qu’ils sont gênés ou qu’ils sentent qu’ils doivent donner quelque chose en retour » Fauve Doucet

coup plus facile que l’emprunt. C’est contre-intuitif, mais les gens sont très à l’aise de prêter, beaucoup plus que d’emprunter, souvent parce qu’ils sont gênés ou qu’ils sentent qu’ils doivent donner quelque chose en retour. Les gens m’amènent des biscuits, des muffins, mais un merci suffit! Dans notre société, on a un rapport très fort avec la propriété. Quand on a besoin de quelque chose, notre premier réflexe est de la possé-

der. Pour apprendre à partager, il faut seulement un petit peu de confiance. Rapidement, si tu as une expérience positive, ça crée de la confiance. Ça crée même des amitiés parfois! Si Partage Club vous intéresse, n’hésitez pas à visiter son site web et son application mobile. Pour exprimer votre intérêt pour un partenariat potentiel entre Partage Club et McGill, écrivez à info@partage.club! x

Montrer l’inacceptable

Découverte de We The Free, association pour la protection des animaux. vincent maraval Éditeur Actualités

L’association We The Free

conditions horribles, ne sont pas libres et ne peuvent pas s’exprimer. Nous, on peut utiliser notre voix pour les sortir de ces conditions-là et leur offrir une meilleure vie. » Nathe ajoute par la suite que WTF est une association mondiale et que la branche de Montréal a été ouverte en 2022. Depuis, quelques dizaines de personnes ont rejoint le mouvement et agissent en été comme en hiver pour sensibiliser la société à la maltraitance animale dans nos industries (agro-alimentaire, textile, pharmaceutique, etc.)

En arrivant sur les lieux, nous apercevons rapidement une dizaine d’individus dispersés sur l’ensemble de l’espace de circulation à l’intérieur du métro. Deux d’entre eux portent des masques de cochons et tiennent des télévisions, d’autres sont prêt·e·s à discuter avec les passant·e·s qui le souhaitent. Le Délit a interrogé Nathe Perrone, un·e des organisateur·ice·s du groupe. Nathe nous apprend que ses collègues et

Sur le site Internet de l’association, les valeurs portées sont simples et claires : les animaux sont des « individus sensibles » [sentient individuals en anglais, ndlr] et méritent par conséquent d’être défendus. Par ailleurs, l’association souhaite cultiver et promouvoir le véganisme. Nathe nous explique que WTF appelle au boycott des industries exploitant les animaux, et à l’arrêt de la consommation de

S

i vous prenez le métro à la station McGill les vendredis aux alentours de 17h, vous avez peut-être déjà eu l’occasion de croiser ces activistes masqué·e·s, portant des télévisions qui diffusent des images d’animaux maltraités et abattus. Le Délit est allé à la rencontre de ces militant·e·s pour en apprendre plus sur leurs objectifs et motivations.

Provoquer l’indignation Les actions de We The Free consistent essentiellement à exposer des images d’animaux maltraités dans les abattoirs, les laboratoires, les fermes intensives, etc. Nathe nous explique que les images diffusées ne sont pas produites par les activistes de WTF, mais par des personnes extérieures au mouvement. « Ce sont des lanceur·euse·s d’alerte qui ont risqué des casiers judiciaires pour nous montrer la vérité, et ce qui se passe derrière l’achat des produits d’origine animale. » En effet, les images sont filmées par des personnes qui s’infiltrent ou entrent par effraction dans les propriétés des industries. Les vidéos montrent des poules se faisant égorger, ou des poussins se

faisant broyer, et peuvent apparaître comme choquantes pour certain·e·s. C’est justement le but de l’association : marquer les esprits et faire réfléchir les passant·e·s à propos de leur consommation de viande et de produits d’origine animale. Nathe précise : « La grande majorité des gens qui voient ces images-là vont se dire que c’est inacceptable. Mais si c’est inacceptable, alors pourquoi payer pour ces produits-là? » Nathe nous fait savoir que WTF mène d’autres sortes d’actions : « On fait aussi le Three Minutes Movie Challenge : on propose aux gens de gagner une surprise s’ils regardent une vidéo pendant trois minutes. On invite les gens à s’asseoir, à mettre des écouteurs et à regarder ce qui se passe dans les industries [qui

exploitent les animaux, ndlr]. Et à la fin, on leur pose des questions sur ce qu’ils en pensent. » Dans la monotonie du métro montréalais, cette manière de sensibiliser à la protection des animaux sort du lot, et atteint ainsi efficacement son objectif : choquer. Au-delà de son aspect radical, WTF nous invite à nous questionner sur l’éthique de notre consommation en nous révélant l’envers des rayons de nos supermarchés. Alors que notre société d’hyperconsommation valorise la surproduction et la surconsommation, We The Free est là pour nous rappeler nos abus indirects en nous faisant finalement voir, ressentir, et presque toucher le sang qui marque dans nos emballages de supermarchés. x

« Dans la monotonie du métro montréalais, cette manière de sensibiliser à la protection des animaux sort du lot, et atteint ainsi efficacement son objectif : choquer » iel font partie de l’association We The Free (WTF) : « We The Free, c’est un morceau de la phrase “We the free speak for those who aren’t”. Nous vivons en liberté, ici, dans ce monde, mais les animaux, qui sont dans des cages, vivent dans des

12 environnement

« tous les produits d’origine animale ; parce qu’on est capable de vivre sans viande, sans produits laitiers et aucun autre produit d’origine animale ». Cette opinion est néanmoins source de débat dans les milieux scientifiques.

clÉment veysset | Le dÉlit

le délit · mercredi 14 février 2024 · delitfrancais.com


culture

artsculture@delitfrancais.com

théâtre

Ulster American : identité et célébrité

Critique de la pièce Ulster American présentée au théâtre La Licorne. hugo vitrac Éditeur Culture

L

e 6 février dernier, Le Délit a assisté à la pièce Ulster American, écrite par le dramaturge anglais David Ireland et présentée au théâtre La Licorne. Cette comédie noire interprétée par Frédéric Blanchette, Lauren Hartley et Vincent Leclerc, met en scène Ruth, une dramaturge d’Irlande du Nord, Jay, acteur hollywoodien oscarisé, et Leigh, metteur en scène londonien, dans le salon de ce dernier. À la veille de la première répétition, Leigh introduit Ruth et Jay qui ne se sont encore jamais rencontrés. Un conflit identitaire Ulster American se présente au premier abord comme un conflit identitaire entre les trois protagonistes. Leurs identités se cristallisent et s’opposent autour du thème de la pièce. L’autrice, Ruth, originaire d’Irlande du Nord, s’identifie comme British, exaspérant le metteur en scène londonien, qui lui explique que tout son succès tient du caractère irlandais de la pièce, et que sans cela, sa pièce et elle-même

théâtre

ne seraient rien. De son côté, Jay, l’américain d’origine irlandaise est perdu dans des subtilités qu’il ne saisit pas : pourquoi Ruth, née en Irlande du Nord, serait British? Est-elle protestante? La tension monte, le ton hausse, et soudain, les masques tombent, et chacun se campe dans son identité respective. Jay, qui vantait les louanges de la pièce à Ruth comme la meilleure qu’il ait lue depuis dix ans, révèle sa profonde ignorance des dynamiques historiques du conflit. Son personnage, qu’il imaginait fervent catholique et pro-indépendance est en réalité un protestant schizophrène pro-Union, qui parcourt les rues de Belfast à la recherche de catholiques à tuer. Impossible pour lui de jouer

suzane o’neill

nages. Interrogée sur la signification de la violence de sa pièce, la jeune autrice ne cache plus ses idées. Oui, la violence des protestants est re-

« Bien que la pièce traite officiellement de l’identité, la réelle histoire qui se déroule en filigrane est celle de la célébrité » ce rôle en opposition avec le sang irlandais de ses ancêtres qui coule dans ses veines, alors même qu’il n’y a jamais mis les pieds… Ruth se révèle elle aussi être bien différente des attentes du spectateur et des person-

grettable, mais pas injustifiable selon elle. Que faire face à l’armée surentrainée, et sur-équipée de l’IRA [Irish Revolutionary Army, ndlr] ? Malgré tous ses efforts, Leigh ne parvient pas à les réconcilier et sombre lui aussi

dans le conflit lorsqu’il apprend que son amie est une Torie [électrice des conservateurs, ndlr], et par-dessus tout, pro-Brexit. Avancer sans se renier Bien que la pièce traite officiellement de l’identité, la réelle histoire qui se déroule en filigrane est celle de la célébrité. Comment accéder à la célébrité sans se renier soi-même? Chacun des personnages incarne une caricature de sa propre personne ; Jay, l’acteur oscarisé tente sans succès de se donner de la substance mais finit par se ranger

derrière sa célébrité mondiale, dernier rempart face aux critiques de Ruth. Leigh tente coûte que coûte de sauver sa pièce qui bat de l’aile, n’hésitant pas à trahir ou à mentir, pour arriver à ses fins. Derrière sa façade lisse de bien-pensance, la colère laisse entrevoir sa vraie nature, sa misogynie latente. Ruth quant à elle est la jeune carriériste qui ne reculera devant rien pour parvenir au succès, prête à faire du chantage, et même à laisser sa propre mère seule à l’hôpital après un accident de voiture. Une fin qui déçoit Si le spectateur est conquis dès les premières minutes par les dialogues décomplexés, aux contresens aussi drôles que flagrants sur le féminisme ainsi que le racisme systémique, il peine à voir une porte de sortie se dessiner alors que les protagonistes s’enferment dans un conflit identitaire. Comment finir la pièce alors qu’à chaque réplique la réconciliation semble s’éloigner un peu plus? Finalement, et de manière abrupte, la fin s’impose au spectateur, violente, et déplacée, presque trop facile. x

Les mathématiciens sont des êtres sensibles

juliette elie Éditrice Environnement

Retour sur La Machine de Turing présentée au Rideau Vert.

O

n n’en a jamais assez de se faire raconter l’histoire fascinante du mathématicien et cryptologue britannique Alan Turing. Ce héros de l’ombre de la Seconde Guerre mondiale continue de vivre à travers la pièce La Machine de Turing, présentée du 24 janvier au 24 février 2024 au Théâtre du Rideau Vert. Dans la pièce, Turing raconte son travail et ses épreuves traversées pendant et après la guerre, à travers un interrogatoire dans le cadre d’une enquête sur son cas. La Machine de Turing, a été écrite par Benoit Solès, adaptée par Maryse Warda et mise en scène par Sébastien David. Alan Turing (Benoît McGinnis) dialogue avec trois personnages clés de son entourage durant la Seconde Guerre mondiale : son amant Arnold Murray (Gabriel Cloutier Tremblay), le sergent Ross (Étienne Pilon) et le cryptanalyste et champion d’échecs Hugh Alexander (Jean-Moïse Martin). Une histoire de solitude Chargé de résoudre Enigma, un dispositif nazi de cryptage de messages, Turing s’acharne

à bâtir une machine qui pourra rivaliser efficacement avec les cerveaux humains. Il appelle sa machine Christopher, en l’honneur de son ami d’enfance décédé. La vie de Turing n’a pas toujours été joyeuse. Préférant être mal accompagné que seul, le mathématicien entretient une relation avec Arnold Murray, un jeune homme séduisant et manipulateur. D’autant plus, les relations homosexuelles sont illégales à l’époque, ce qui le force au secret. Pour ajouter à la liste de difficultés dans sa vie, Turing se fait rudoyer par son collègue Hugh Alexander, qui ne croit pas en l’efficacité de sa machine supposée déchiffrer Enigma. Ceci n’est pas une imitation Ceux et celles qui ont vu le film Le Jeu de l’Imitation, mettant en vedette Benedict Cumberbatch dans le rôle de Turing, trouveront peut-être des ressemblances dans les scènes et même les répliques de La Machine de Turing. C’est sûrement parce que le film et la pièce sont tous deux basés sur la biographie intitulée Alan Turing : The Enigma écrite par Andrew Hodges. Pourtant, la pièce explore

le délit · mercredi 14 février 2024 · delitfrancais.com

clément veysset | Le dÉlit

la voix, chaque essoufflement et chaque larme épate par sa justesse, amplifiant la crédibilité du personnage de Turing. On se fait transporter du rire à la compassion, d’un lip sync à la manière de Blanche-Neige à un aveu courageux de son homosexualité lors d’un procès.

des détails moins connus de la vie de Turing qui ne sont pas abordés dans le film, comme son amour pour l’histoire de Blanche-Neige et l’influence du conte sur son suicide. La pièce met davantage en lumière les épreuves humaines auxquelles fait face Turing, plutôt que les défis mathématiques et techniques de son travail. On rencontre le cœur avant le cerveau.

sergent Ross, sont ponctués d’un humour léger, qui vise à soulager le public. Pourtant, les spectateurs n’ont pas besoin d’être distraits lors des moments de tristesse et de douleur. L’histoire de Turing est une série de moments difficiles, qu’on s’est engagés à vivre jusqu’au bout en venant assister à la pièce. Les blagues faciles affaiblissent l’ambiance dramatique montée par le texte et les comédiens.

L’humour est de trop

La machine McGinnis

Les personnages interprétés par Gabriel Cloutier Tremblay, Étienne Pilon et Jean-Moïse Martin sont plus difficilement accessibles sur le plan émotionnel, mais les comédiens réussissent tout de même à les rendre un peu haïssables et attachants à la fois. Ensemble, les quatre comédiens et le texte tissent une pièce accessible à un grand public et propice à la réflexion. La Machine de Turing rappelle que les questions comme « Les machines peuvent-elles penser? » attendent une réponse depuis bien avant l’ère de l’intelligence artificielle comme on la connaît aujourd’hui. Pourtant, la pièce dévie ellemême ces questions pour amener le public à s’intéresser plutôt à l’humain derrière la machine.

Les moments chargés de la pièce, comme les scènes de ménage entre les amants, ou les aveux de Turing au

On ne s’habitue jamais à voir Benoît McGinnis se démener sur scène. Chaque tremblement dans

La Machine de Turing sera présentée au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 24 février 2024.x

culture

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exposition

Art et technologie pour raconter l’Histoire

Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin et À la recherche du beat répétitif au Centre PHI.

L

e Centre PHI, centre d’art qui propose des expériences immersives, présente actuellement deux nouvelles installations : À la recherche du beat répétitif de Daaren Emerson, et Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin réalisée par Stéphane Foenkinos

raves. Aussi excitantes que dangereuses, ces soirées illégales qui émergent au Royaume-Uni dans les années 80 attirent une population diverse cherchant à se libérer l’esprit lors d’une nuit et à vivre quelque chose d’unique. Grâce aux nouvelles technologies, nous prenons en-

elizabeth martineau - montreal campus et Pierre-Alain Giraud. La première est une aventure en réalité virtuelle qui nous transporte au Royaume-Uni, à l’apogée de la scène illégale de musique Acid house en 1980. La seconde est une expérience immersive qui retrace la vie de Claudette Colvin dans l’Alabama des années 50, au moment de la lutte pour les droits civils des personnes noires. Les deux documentaires sont très différents dans les thématiques qu’ils abordent, mais sont intimement liés dans leur désir commun de rébellion. Ce sont des expériences uniques, immersives et grandement humaines qui nous invitent à regarder l’Histoire sous un nouvel angle. Rave culture Tout d’abord, nous avons À la recherche du beat répétitif. Comme l’indique le titre de l’exposition, dès le casque de réalité virtuelle (RV) devant nos yeux, nous partons à la recherche du beat répétitif. Nous incarnons alors pendant 50 minutes un membre d’un groupe d’amis cherchant désespérément un de ces entrepôts abandonnés

tièrement part à l’aventure, tout en apprenant plus sur le milieu Acid house. En effet, le but de l’installation est non seulement de provoquer un sentiment d’euphorie, mais aussi d’éduquer le public sur une scène musicale qui a bouleversé notre façon de consommer de la musique, en nous invitant à danser davantage. Il est important de souligner que, bien que nous soyons transportés au Royaume-Uni, l’aventure dans laquelle nous prenons part et que nos quatre amis vivent, résonne dans beaucoup de pays. L’installation a, en effet, été exposée à Amsterdam, Tokyo, et même au Texas depuis sa création en 2022. Maintenant à Montréal, son histoire fait grandement échos au développement des raves au Québec. Au cours des années 90, la scène des raves a pris son essor dans la métropole québécoise, offrant aux passionnés une expérience collective de la musique électronique et laissant une empreinte indélébile sur la culture musicale et sociale de Montréal, contribuant ainsi à façonner une ville connue pour sa diversité, sa créativité et son esprit festif.

« Nous revivons l’histoire alors que des hologrammes, tels des fantômes du passé, évoluent sous nos yeux » où se déroulent les fameuses raves. En effet, le beat fait référence à l’Acid house, un genre de musique électronique dérivé de la house populaire dans les

14 culture

Partout autour du monde, ces soirées étaient bien plus que des soirées de danse ; elles offraient moyen de se rassembler, de s’exprimer librement et de créer une

communauté basée sur la musique, le partage et l’ouverture d’esprit. Comme il est indiqué dans le documentaire, « peu importe si tu es riche ou pauvre, tu te retrouves au même endroit, dans les mêmes conditions, à suer et à danser. (tdlr)» Des prospectus qui parlent La particularité de À la recherche du beat répétitif se trouve dans l’utilisation de prospectus. En effet, c’est à travers ces derniers que nous sommes à la fois guidés tout au long de l’expérience et que nous recevons les informations essentielles pour comprendre cette scène illégale. En entrevue avec Daaren Emerson, différentes personnes, notamment des organisateurs de raves de l’époque, nous racontent le processus d’organisations. Leurs visages apparaissent sur les différents prospectus que nous collectionnons au sein de l’aventure. À une époque sans Internet, trouver une rave était une véritable quête en plusieurs parties : de l’attente interminable dans des stationnements vides, jusqu’aux chemins sombres et sinueux en passant par des numéros anonymes à appeler, tout cela se déroulait grâce aux prospectus. Ces objets matériels permettent également au public de créer un lien physique avec les événements qui se déroulent sous leurs yeux. Nous évoluons alors dans ce qui semble être une science fiction, suivant ces voix qui nous guident dans notre quête. Comme le souligne Emerson durant son entrevue, cette partie de la conception est particulièrement développée. À l’époque, les organisateurs des soirées devaient se rendre dans des bibliothèques afin de trouver des images pour illustrer leurs prospectus. Ils les copiaient et les distribuaient donc dans divers endroits. C’est ce qu’a fait le concepteur en recherchant des archives officielles afin de créer les différents décors et s’assurer du réalisme de l’expérience. Réalité virtuelle L’immersion complète, à l’aide des nouvelles technologies, était selon moi entièrement nécessaire à la réalisation d’une telle œuvre. Comme nous le précise dans l’entrevue Emerson, « les documentaires, c’est déjà fait. J’avais envie de revivre mes expériences du passée de façon immersive et réaliste. Être au cœur de l’action permet cela. Ceux qui l’ont vécu me

partagent souvent leur nostalgie car ils se sentent réellement transportés. » Cela demande notamment un travail de motion capture afin de recréer des mouvements qui semblent fluides et non robotiques. Pour lui, la création de la rave en réalité virtuelle constitue en elle-même le plus gros défi. « On attend ce moment, on construit un suspense avant l’arrivée à l’entrepôt, et je ne voulais pas que le public soit déçu. Je me suis donc assuré que chaque danseur ait sa propre façon de danser. Surtout, il ne fallait pas que tout le monde soit synchronisé , dans quel cas le réalisme disparaît. » Cette expérience, particulièrement excitante, fait renaître les histoires des organisateurs, DJ, policiers et festivaliers. C’est une aventure dans une révolution culturelle qui célèbre la diversité et l’esprit de communauté qu’il faut réellement vivre pour comprendre. De la danse aux pleurs Encore une fois, les technologies sont utilisées pour réveiller l’histoire oubliée. Noire, réalisée par Stéphane Foenkinos

Une toute autre experience Le 2 mars 1955, Claudette Colvin, 15 ans, refuse de céder sa place à un passager blanc, 9 mois avant Rosa Parks . Elle est menacée et insultée, mais malgré cela, elle reste assise et fixe la dame blanche, en signe de rébellion contre une société ségrégationniste. Elle est emprisonnée, mais plaide non coupable face aux juges l’accusant de troubles à l’ordre public, de violation de lois discriminatoires et d’agression des forces de l’ordre. Les deux premières seront abandonnées et elle ne sera jugée et condamnée que pour le motif d’avoir agressé un officier de police. Colvin est encore en vie aujourd’hui, et pourtant, son nom est oublié de tous. Grâce à la réalité augmentée, nous ne sommes plus seulement spectateurs d’un documentaire, mais témoins de cet acte héroïque. Contrairement à la RV, nous sommes libres de nous déplacer dans le décor et d’observer sous les angles de notre choix les évènements qui se déroulent devant nos yeux. Plus qu’un simple souvenir, c’est une rencontre avec le passé et des scènes emblématiques de la

pierre alain-giraud

et Pierre-Alain Giraud d’après l’ouvrage de Tania de Montaigne, est un récit puissant sur la vie de Claudette Colvin, femme noire que l’Histoire a oubliée, qui a pourtant participé en grande partie au mouvement des droits civils aux États-Unis. Cette foisci, nous ne parlons plus de réalité virtuelle, mais de réalité augmentée. Contrairement à la RV, où le casque nous plonge complètement dans un monde numérique, la réalité augmentée superpose des éléments virtuels sur le monde réel que l’utilisateur voit à travers des lunettes HoloLens2. Nous revivons l’histoire alors que des hologrammes, tels des fantômes du passé, évoluent sous nos yeux et que la voix de Tania de Montaigne, nous narre certains passages de son récit sur un Alabama ségrégationniste.

lutte pour les droits civils. Nous portons également un casque audio pour une immersion plus complète. Nous entendons l’environnement autour de nous et créons un lien intime avec la narration de Tania de Montaigne, au plus proche de nos oreilles. Pendant une demi-heure, nous vivons une expérience profondément touchante et personnelle qui nous force à nous éduquer sur le sujet et nous rappelle que l’histoire ne se trouve pas seulement dans les livres scolaires. Les deux expositions sont disponibles au Centre Phi jusqu’au 28 avril 2024. Attention, les places sont limitées. x jade lê Éditrice Culture

le délit · mercredi 14 février 2024 · delitfrancais.com


créations littéraires

Spleen hivernal hélix Nue, elle serait, de la manière la plus complète frottant son dos et hanches sur mes draps blancs en lin tandis qu’elle les imprègne de ses vers rimés

clément veysset | Le dÉlit

Zieutant amoureusement un pot de fleur sur le chevet où les jasmins fleurissent pour libérer dans l’hélix percé de ses oreilles des mouvements et un fourmillement de sous-entendus une poésie sans but, parfois même creuse tente de dépeindre les désirs persistants, emplis d’excitation et d’anxiété à la fois, le sang coule sans cesse en moi

soif d’ambroisie mon visage plongé entre deux moelleux oreillers, mon être respire ta présence

et remplit massivement mon cerveau droit alors que son goût visuel entre dans mes veines une muse, vivifiante à elle seule, dont les images adoucissent mon ton et je me vois la caresser, les doigts autour du lobe de ses oreilles Ilias Lahlou Contributeur

des nuits agitées accompagnées de brouillards déprimants, l’eau à qui j’envie d’avoir eu ton corps

pensées et schémas fatals, mon style d’écriture me paraît méconnaissable, tandis que j’observe naturellement tes pétales De loin, les gouttes de nectar les colorent plante tentante, je suis une abeille tournant autour de ton champ, volant avec hésitation de haut en bas Craignant de sucer tes larmes d’ambroisie et de me retrouver incapable de supporter un pollen immortel, un papillon étouffant dans le ventre, une superficialité Et éventuellement, la chaleur diminue je pleure l’océan simple d’esprit, aux saisons qui passent et aux fleurs les plus proches, Empreintes des fragrances que tu déposes

Pas après pas, jour après jour Impossible d’oublier cette divine nuit d’amour. Comment empêcher, dans le brouillard de janvier, Que s’échappe la promesse d’une idylle partagée? Seule une année-lumière nous sépare de la foule en liesse Mais à quand la prochaine caresse? Et voilà que les douze coups de minuit ont sonné ; Oh, que j’aurais aimé posséder le don d’ubiquité! Comme un cadeau céleste, je te laisse m’enlacer À présent, c’est certain : j’ai tout inventé. Et voilà que le carrosse s’est transformé, Une telle félicité, longtemps je l’ai espérée. Entre tes doigts, mes cheveux se délectent avec délice Depuis le pays de l’orignal, des frissons parcourent encore mon clitoris Il me tarde de recevoir ce baiser Et si tout n’était qu’un songe d’une nuit d’été? Oh, impitoyable tempête des souvenirs Qui sans le génie de Klapisch aura su me faire périr Toi, qui chaque nuit attise mes insomnies Dans cet hiver rude où nous consume la nostalgie. Oui, attendre il me le faut Car à l’aube du printemps nouveau, Résonnera le timbre de ta voix Et à l’oreille nue me chuchotera : non, tu ne rêves pas!

Profondeur, douceur rafraîchissante

Complètement enfoui dans sa matière

De toute part assiégée par le blizzard, Je cherche mon chemin au hasard. En proie aux flèches de l’obscurité meurtrière, Oh, qu’elle semble lointaine la Ville Lumière!

elle

adèle doat Éditrice Environnement

Sur les pavés du vieux quartier, humides et luisants, ce mardi matin d’automne. Te voici te voila revenant de loin, que tu te faufiles entre les colombages. Accompagnée de ton parfum, de ta brise jouant avec les odeurs des commerces voisins Emmitouflée dans ton épais manteau de douceur et de ce sentiment d’insouciance : tu danses. À la torpeur d’un rayon de soleil, à l’aube d’une vie innocente, s’élançant à la tombée de l’asphalte : tournoyante, vacillante, d’une chaleur lente, tu te tords. Voici qu’un halo de lumière se perd dans le fond de tes mèches que le soleil réverbère.

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Jade lê Éditrice Culture

Ilias Lahlou Contributeur

le délit · mercredi 14 février 2024 · delitfrancais.com

culture

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rencontrez l’équipe! Nouveau semestre, nouvelle équipe! Essayez de deviner la question à laquelle on répond...

Marie Prince

Camille Matuszyk

Jeanne Marengère

Titouan Paux

Ysandre Beaulieu

Elle est accro au travail

Elle adore les pâtes au ketchup

Elle est acheteuse compulsive

Il rit à ses propres blagues

Elle n’a pas de playlist

Vincent Maraval

Layla Lamrani

Jade Lê

Hugo Vitrac

Il parle sans réfléchir

Elle habite à Laval

Elle a quatre calendriers

Il a le plus gros accent français

Elle ne répond pas à ses messages

Adèle Doat

Dominika Grand’Maison

Rose Chedid

Clément Veysset

Camélia Bakouri

Elle est superstitieuse

Elle est germaphobe

Elle est accro aux jeux d’argent

Il mouille sa brosse à dents avant le dentifrice

Elle a une playlist de 5000 titres

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Malo Salmon

Béatrice Poirier-Pouliot

Elle marche très lentement

Il a un outil à shotgun

Le Subway est son restaurant préféré

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le délit · mercredi 14 février 2024 · delitfrancais.com


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