Le 7 octobre à McGill : entre commémorations et revendications
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OURAGAN HELENE AUX ÉTATS-UNIS : QUEL BILAN?
Du 24 au 29 septembre dernier, le sud-ouest des États-Unis a été frappé par un ouragan d’une violence rarement observée ces dernières années. Nommée Helene par les scientifiques, cette catastrophe naturelle a privé des dizaines de milliers d’Américains d’eau et d’électricité. Les inondations ont également été nombreuses et destructrices. À son apogée, l’ouragan a été classé catégorie 4 (sur 5) et ses vents ont atteint 225 km/h. Selon les chiffres de Radio-Canada, le bilan dénombre plus de 200 morts au total, dont la moitié en Caroline du Nord. Les autres états touchés incluent la Caroline du Sud, la Géorgie, la Floride, le Tennessee et la Virginie. Helene est le deuxième ouragan le plus meurtrier à avoir frappé les États-Unis au cours des 50 dernières années, après Katrina en 2005. Cette catastrophe nourrit l’hypothèse que les ouragans sont en train de devenir plus extrêmes et destructeurs à cause du changement climatique. Pr. John Gyakum, qui enseigne le cours ATOC 185 Natural Disasters (Désastres Naturels), l’avait expliqué dans notre enquête environnementale sur les ouragans. Malgré les terribles dommages et les morts causés par l’ouragan, Le Monde note que Kamala Harris et Donald Trump, candidats à la présidentielle américaine prévue pour début novembre prochain, n’ont pas hésité à profiter des contrecoups de l’ouragan à des fins politiques. En effet, Harris a rendu visite à un centre de secours en Géorgie, où elle a remercié les secouristes et a aidé à distribuer des repas aux sinistrés. De son côté, Trump a accusé le gouvernement Biden de ne pas prêter main forte aux régions historiquement républicaines, particulèrements touchées par l’ouragan Hélène. À l’heure où nous écrivons cet article, un autre ouragan, Milton, évolue dans le Golfe du Mexique. Classé catégorie 5, il devrait atteindre la Floride le 9 octobre.
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FIN DE LA GRÈVE DES PROFESSEURS DE DROIT
Le 1er octobre, McGill et l’Association McGillienne des Professeur·e·s de Droit (AMPD) ont trouvé un terrain d’entente, mettant ainsi fin à la grève à durée indéterminée du syndicat, en cours depuis le 26 août. Début septembre, le Délit avait interrogé Kirsten Anker, professeure associée de la faculté de droit et vice-présidente de l’AMPD. Elle avait indiqué que les professeurs de droit se battaient pour de meilleures conditions de travail, davantage d’autonomie au sein de la faculté, ou encore une plus juste rémunération, et à terme la signature d’une convention collective. Cependant, elle avait précisé que la raison première de la grève était la procédure légale amorcée par McGill afin d’annuler la certification syndicale de l’AMPD, menaçant l’existence même du syndicat.
Le 1 er octobre, l’AMPD a annoncé dans un communiqué de presse qu’ils étaient parvenus à un accord avec l’Université. En effet, le syndicat a indiqué que « McGill rejoindra toutes les autres universités québécoises et reconnaîtra les syndicats de professeurs qui sont régis par des conventions collectives. L’AMPD suspendra sa grève [...], ce qui permettra aux étudiant·e·s en droit de McGill de retourner en classe et de terminer leur semestre sans perte de crédits, ni retard ». Selon l’AMPD, McGill a également accepté d’abandonner son processus de décertification contre l’association. Un arbitre sera cependant sollicité pour la négociation de la convention collective. Evan Fox-Decent, professeur de droit et président de l’AMPD, a déclaré que « cette solution est une victoire pour tout le monde à McGill ». Kirsten Anker s’est également exprimée : « Nous sommes impatients de retourner en classe et de faire ce que nous aimons : enseigner. »
MONTRÉAL : LES SALLES DE SPECTACLE EN PÉRIL
Dans une décision rendue le 23 septembre 2024, la Cour d’appel du Québec a ordonné à La Tulipe, iconique salle de spectacle montréalaise, d’arrêter toute amplification sonore, menant à sa fermeture temporaire après plus de 100 ans d’activité. Le rendement de cette décision est le résultat de nombreuses plaintes de bruit, déposées depuis 2016 par un propriétaire voisin, PierreYves Beaudoin. En mai 2023, la Cour supérieure du Québec avait partiellement donné raison à Beaudoin, ordonnant à La Tulipe d’insonoriser ses salles et de lui verser 1 500$ de compensation. Cependant, le plaintif avait considéré le jugement insuffisant, et a ainsi présenté son cas en cour d’appel, qui a ultimement prohibé le théâtre de faire du bruit.
Depuis l’annonce de la fermeture de cette salle mythique, plusieurs artistes Québécois ainsi que des figures de la scène artistique montréalaise telles que Jon Weisz, directeur général des Scènes de Musique Alternatives du Québec, se sont exprimés sur la situation. Ils ont déploré la mise en péril des espaces culturels, notamment les espaces indépendants accueillant des artistes locaux.
Dans les jours suivant l’annonce de la fermeture temporaire de la salle, des manifestations ont été organisées, menant à l’amendement du règlement municipal invoqué par Beaudoin lors du procès. Le règlement en question permettra dorénavant aux salles de spectacles, bars et autres espaces culturels de faire du bruit, du moment que celui-ci n’est pas excessif. Cependant, le jugement initial reste effectif, menant à la fermeture définitive de la Tulipe. Luc Rabouin, maire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, a affirmé que cette modification aux règlements municipaux empêcherait toute future interprétation telle que celle rendue par le juge en cour d’appel.
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Le débat vice-présidentiel aux États-Unis pourrait-il changer la donne?
eugénie st-pierre
Contributrice
Ce mardi 1er octobre, les candidats à la vice-présidence des États-Unis, le gouverneur du Minnesota Tim Walz pour les démocrates et le sénateur James David (J.D.) Vance de l’Ohio pour les Républicains, se sont affrontés dans un débat télévisé dans l’ensemble cordial, au cours duquel ils ont abordé une variété de sujets clivants, incluant l’avortement, l’immigration, la violence armée et le système de santé. À seulement 35 jours des élections, il est difficile de déterminer l’impact concret du débat sur la course électorale aux États-Unis. Comme le souligne Julien Rivière, vice-président de l’association étudiante Democrats @McGill : « La plupart des électeurs se concentrent sur les candidats à la présidence [...] Le débat des vice-présidents a certainement joué un rôle dans l’éducation des électeurs sur les positions de chaque candidat, mais en fin de compte, il a rarement un impact réel (tdlr). » Cette année pourrait toutefois faire exception selon Leonard Moore, ancien professeur d’histoire à l’Université McGill et spécialiste de l’histoire politique des ÉtatsUnis : « Chaque étape de la campagne est cruciale dans le contexte actuel. Même si le débat ne change que 5 000 voix dans un État, celles-ci peuvent être déterminantes. »
L’immigration, l’avortement et l’élection de 2020
Tout au long du débat, J.D. Vance a pris pour cible Kamala Harris, mettant en doute sa capacité à déjà mettre en oeuvre ses objectifs actuels : « Si Kamala Harris a de si bons projets pour résoudre les problèmes de la classe moyenne, elle devrait les mettre en œuvre maintenant. Pas en demandant une promotion, mais dans le cadre du poste que le peuple américain lui a confié il y a trois ans et demi. » Vance a également tenu Harris responsable de nombreux problèmes sociétaux aux États-Unis, notamment en matière d’immigration, affirmant que le pays fait face « à une crise historique de l’immigration, parce que Kamala Harris a modifié les politiques frontalières de Donald Trump ».
De son côté, Tim Walz a défendu les politiques démocrates en matière d’accès à l’avortement et de droits des femmes. Lorsque Vance l’a accusé d’adopter une « position très radicale en faveur de l’avortement », Walz a répliqué : « Non, ce n’est pas le cas. Nous sommes pour les femmes. Nous sommes pour la liberté de faire son propre choix. » Il a également été intraitable sur la question de la violence armée aux États-Unis. En réponse à l’insinuation de J.D. Vance suggérant que la santé mentale serait à l’origine du problème, Tim Walz a
Retour sur l’échange Vance-Walz du 1er octobre.
déclaré que cette idée était infondée et dangereuse : « Ce n’est pas parce qu’on souffre d’un problème de santé mentale qu’on est forcément violent. [...] Le vrai problème, c’est les armes. C’est juste les armes. »
Selon Leonard Moore, le moment le plus marquant du débat pour Walz est survenu à la toute fin, lorsqu’il a confronté son adversaire sur la défaite électorale de Trump en 2020, posant la question : « Est-ce que [Trump] a perdu l’élection de 2020? » Vance a répondu : « Tim, je me concentre sur l’avenir », ce à quoi Walz a rétorqué : « C’est une non-réponse accablante. » En refusant de répondre, J.D. Vance aurait d’après Moore permis à Walz de reprendre in extremis le dessus dans le débat.
Vance tente de redorer son image
Avant de prendre place sur la scène du débat, J.D. Vance affichait un taux d’approbation inhabituellement bas pour un colistier à l’élection présidentielle. Au cours des semaines précédant l’événement, il avait attiré l’attention du public par ses remarques incendiaires. Une vidéo de lui remettant en question l’apport à la société des femmes sans enfants, les qualifiant de « dames aux chats (tdlr) » (childless cat ladies), a fait grand bruit sur les réseaux
sociaux, de même que son insinuation infondée selon laquelle les immigrants haïtiens à Springfield mangent les animaux de compagnie des habitants.
Selon un sondage réalisé par CBS auprès de 1 630 électeurs potentiels ayant regardé le débat, la popularité de J.D. Vance a grimpé de 9 points de pourcentage, passant de 40 % à 49 %. Leonard Moore souligne que Vance a su tempérer ses opinions pendant le débat. Il s’est présenté d’abord comme un père de famille, préoccupé par le bien-être des Américains de classe moyenne. Lorsqu’il a été interrogé sur la violence armée aux États-Unis, il a pris la parole en tant que parent : « On envoie nos enfants à l’école avec tellement de joie, d’espoir et de fierté. Et l’on sait, malheureusement, que beaucoup d’enfants vont être affectés par l’épidémie de la violence armée. »
Leonard Moore estime que cette façade calme et presque chaleureuse lui a permis de rendre « plus digestes » ses théories plus extrêmes, tout en réfutant de manière convaincante les critiques qu’on lui adressait. Il avance également que Vance semble envisager une candidature pour les élections de 2028 : « On a l’impression en voyant ce Vance moins radical, plus raisonnable, qu’il a l’objectif de
« De nombreux commentateurs ont noté que le ton du débat est resté très cordial, beaucoup plus que celui du débat présidentiel, et ce malgré la portée controversée des thèmes abordés »
se présenter aux élections de 2028. Il veut donner l’impression d’être l’héritier logique de l’empire que Trump a fondé. »
Une performance en demi-teinte pour Walz?
De son côté, Tim Walz se positionnait avant le débat comme un homme politique modéré, relativement peu connu du public. Avant d’être choisi comme colistier, il avait toutefois déjà attiré l’attention en qualifiant les Républicains de « bizarres » ( weird ), une critique ayant fait mouche dans le clan républicain. Celle-ci s’est d’abord propagée par des entrevues dans les journaux, et s’est ensuite répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux.
Cependant, son attitude lors du débat était largement moins conflictuelle. D’après Moore, « Walz n’était pas dans la confron-
tation. [...] Je ne sais pas s’il s’agissait seulement d’une question de caractère, d’inexpérience en débat ou encore d’une stratégie pour rejoindre les électeurs indécis ». Au final, il paraissait « un peu dépassé par les événements ». Malgré une performance moins convaincante, la popularité de Walz aura elle aussi augmenté lors du débat, passant de 52 % à 60 % selon les statistiques de CBS.
Dans un contexte politique toujours plus polarisé, de nombreux commentateurs ont noté que le ton du débat est resté très cordial, beaucoup plus que celui du débat présidentiel du 10 septembre 2024, et ce malgré la portée controversée des thèmes abordés. Les deux candidats ont échangé des poignées de main au début et à la fin de l’événement, ont évité les attaques personnelles et se sont concentrés sur leurs politiques respectives. x
Naviguer sur l’océan Indien depuis McGill
Redécouverte de la place de l’environnement dans l’Histoire.
ema sedillot-daniel
Contributrice
C’est en préparant le départ pour mon échange universitaire en Australie que j’ai découvert le cours Histoire du monde de l’Océan Indien à McGill (HIST206). Ce cours offre une autre façon d’étudier l’Histoire, en explorant les interactions entre les humains et le monde naturel au fil du temps, et en mettant en lumière les facteurs environnementaux qui ont façonné nos sociétés. Élaborée par Fernand Braudel, la théorie exposée dans le cours avance que les histoires et les cultures des régions sont largement déterminées par leurs environnements géographiques et climatiques. Braudel, né en 1902 en France, a enseigné en Algérie et noté que cette région, influencée par l’environnement méditerranéen, diffère profondément de la France. Cela l’a amené à élaborer une théorie, en collaboration avec l’École des Annales, soulignant l’importance des facteurs géographiques dans l’évolution des sociétés et des civilisations. Cette théorie admet comme prémisse que des événements significatifs pour l’humanité, tel que les famines et les migrations, peuvent avoir pour origine des facteurs environnementaux. Un autre exemple serait les changements climatiques comme des variations de températures causées par les éruptions volcaniques. Ainsi, il est véritablement surprenant de constater que ce concept, qui semble évident, est peu connu de la majorité des étudiants.
Histoire environnementale
La façon de naviguer à travers l’océan Indien dans ce cours remet au centre l’interconnexion indubitable entre notre histoire et environnement. Depuis les débuts de l’humanité, les écosystèmes ont connu des transformations qui ont influencé l’évolution des sociétés. Prendre en compte l’environnement est crucial pour obtenir une vue d’ensemble de notre histoire. Gwyn Campbell est un pionnier dans ce domaine, en tant qu’auteur de nombreuses études complètes et détaillées sur les droits humains, l’Histoire et l’économie en Asie et en Afrique. Né à Madagascar et élevé au pays de Galles, le professeur Campbell possède des diplômes en histoire économique des universités de Birmingham et du pays de Galles. Il a enseigné en Inde (avec le Service Volontaire Outre-mer) ainsi que dans des universités à Madagascar, en Grande-Bretagne, en Afrique du Sud, en Belgique et en France. De plus, il a été consultant académique pour le gouvernement sud-africain lors d’une série de réunions intergouvernementales qui ont conduit à la création d’une association régionale de l’océan Indien en 1997. Durant les premières années de sa
carrière universitaire, le professeur Campbell s’est spécialisé dans l’histoire de Madagascar, où la population parle le malgache, une langue austronésienne originaire de l’Indonésie. Les Malgaches présentent des gènes à la fois africains et austronésiens, ce qui suppose des échanges séculaires anciens à travers l’océan Indien. Cette découverte l’a incité à explorer l’histoire globale des riverains de l’océan Indien, en se concentrant sur l’histoire économique et environnementale de la région. Ce projet, initié lors de son séjour en Afrique du Sud et en France, s’est concrétisé grâce à la Chaire de recherche financée par l’Université McGill, où il enseigne aujourd’hui.
L’océan Indien à McGill
Le professeur Campbell est le directeur-fondateur de l’Indian Ocean World Centre (IOWC, Centre du monde de l’océan Indien, tdlr) à McGill. Fondé en 2007, le Centre a formé de nombreux étudiants devenus professeurs dans d’autres établissements. Il a pour mission de promouvoir l’étude de l’histoire, de l’économie et des cultures des terres et des peuples de l’océan Indien, qui s’étend entre le Moyen-Orient, l’Asie du sud-est et le sud de l’Afrique. Il a accueilli des chercheurs et professeurs invités du monde entier, et organisé des colloques sur des sujets tels que l’esclavage, les maladies, la monnaie et les échanges d’animaux dans cette région. « Dans trois ans,
« La facon de naviguer le monde de l’océan
Indien
dans ce cours remet au centre l’interconnexion entre notre histoire et notre environnement »
nous célébrerons le 20e anniversaire du Centre. Depuis sa création, il a su se distinguer comme le meilleur au monde pour les études sur l’océan Indien », affirme-t-il. Le Centre publie une revue universitaire : le Journal of Indian Ocean World Studies (JIOWS, Journal des études de l’Océan Indien), en collaboration avec la Presse universitaire Johns Hopkins. « [Le journal JIOWS, ndlr] publie des articles originaux évalués par des pairs et rédigés par des chercheurs établis et émergents dans les sciences sociales, les sciences humaines et les disciplines connexes qui contribuent à une compréhension du monde de l’océan Indien et de ses éléments constitutifs depuis les premiers temps. » Il ajoute que le journal a pour but de réexaminer les paradigmes spatiaux, temporels et thématiques eurocentrés qui ont dominé les perceptions académiques des régions et des sociétés non-européennes, que la plupart considèrent comme les principaux éléments déclencheurs de l’histoire. En effet, les travaux du journal contribuent à la compréhension du monde de l’océan Indien et de ses composantes, des temps anciens à aujourd’hui, selon les interactions humains-environnement.
EILEEN DAVIDSON | le dÉlit
Partager l’océan
En 2019, l’IOWF lance un balado éponyme intitulé « Indian Ocean World Podcast » (Le balado du monde de l’océan Indien, tdlr). Ce projet s’inscrit dans le partenariat actuel avec le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) nommé « Évaluation des risques », qui implique des partenaires et collaborateurs internationaux d’Amérique du Nord, d’Europe, d’Afrique, d’Asie et d’Australasie. Le Dr. Campbell affirme que la plupart des intervenants présente des exposés sur divers aspects de l’histoire environnementale de l’océan Indien, abordant des sujets tels que les relations entre l’homme et l’animal aujourd’hui, les maladies et les voyages océaniques, la science météorologique coloniale du 19e siècle, ainsi que le patrimoine environnemental actuel et les perceptions du passé. « Ils utilisent également les méthodes des Systèmes d’Information Géographique (SIG) dans la gestion des catastrophes », soutient le professeur Campbell. Le Centre a publié un total de 53 épisodes, la plupart
diffusés durant les semestres d’automne et d’hiver sur les plateformes de diffusions en ligne et sur le site Internet du centre.
L’influence et la reconnaissance internationale du Centre ont ainsi permis au professeur Campbell de proposer une nouvelle initiative : la Speaker Series. Cette série de conférences permet au centre de transmettre les connaissances de ses chercheurs. « Nous invitons des conférenciers de toutes disciplines et possédant un large éventail d’expériences : anglophones et francophones ; des universitaires et des étudiants établis ; et sur des sujets qui couvrent toutes les régions du monde de l’océan Indien, de l’Afrique de l’Est à la Chine, et sur des sujets divers », ajoute-t-il. Les intervenants de la Speaker Series présentent des versions préliminaires de leurs travaux afin d’obtenir des commentaires constructifs d’un public dynamique. Le professeur Campbell souligne: « Ce sont des discussions savantes, mais dans un environnement amical et solidaire ». Tel que l’indique le site Internet du IOWC, les conférences se tiennent généralement le mercredi après-midi à 15 heures dans le hall Peterson 116. Le programme complet est disponible sur le site du Centre pour tout le monde, dont les novices au sujet, curieux d’en apprendre sur l’océan Indien. x
environnement
au quotidien
Recettes végétariennes
SOUPE-REPAS AUX LÉGUMINEUSES ET AU CURCUMA
Un coup de cœur de grand-maman par Ricardo.
Ingrédients :
1 oignon, coupé en dés
2 carottes, tranchées
2 branches de céleri, coupées en dés
1 gousse d’ail, émincée
50 g (¼ tasse) d’orge perlé
2,5 mL (½ c. à thé) de poudre de cari
2,5 mL (½ c. à thé) de curcuma moulu
45 mL (3 c. à soupe) d’huile d’olive
1,5 L (6 tasses) de bouillon de légumes
1 boîte de 540 mL de légumineuses mélangées
1 boîte de 398 mL de tomates en dés, égouttées
1 petite patate douce, coupée en dés
Recette :
SOUPE RÉCONFORTANTE AU RIZ SAUVAGE
Un coup de cœur de Miya par Ali Martin (Gimme Some Oven).
Ingrédients :
1,5 L (6 tasses) de bouillon de légumes
200 g (1 tasse) de riz sauvage
200 g (1 tasse) de champignons de Paris, tranchés
4 gousses d’ail, émincées
2 carottes, coupées en dés
2 branches céleris, coupées en dés
1 grosse patate douce, coupée en dés
1 petit oignon blanc, coupé en dés
1 feuille de laurier
15 g (1 c. à soupe) de sel de céleri
7,5 g (½ c. à soupe) de paprika
400 mL (1 canne) de lait de coco non-sucré
1) Dans une grande casserole, attendrir l’oignon, les carottes, le céleri et l’ail avec l’orge et les épices dans l’huile. Saler et poivrer au goût.
2) Ajouter le bouillon. Faire bouillir le tout, puis couvrir et laisser mijoter 30 minutes.
3) Ajouter les légumineuses, les tomates et la patate. Couvrir et laisser mijoter 10 minutes ou jusqu’à ce que l’orge soit tendre. Assaisonner au goût.
4) Servir avec des tranches de pain.
SOUPE COURGE BUTTERNUT ET LAIT DE COCO
Un coup de cœur de Jade.
Ingrédients :
1 courge Butternut
1 oignon, coupé en dés
500 mL (2 tasses) de bouillon de légumes
400 mL (1 boîte de conserve) de lait de coco
15 mL (1 c. à soupe) d’huile d’olive
Sel et poivre au goût
Recette :
1) Couper la courge dans sa longueur et recouvrir de papier aluminium. Faire rôtir au four à 180° Celsius entre 40 et 50 minutes, jusqu’à ce que l’intérieur soit entièrement cuit. Si vous n’avez pas de four, vous pouvez aussi couper la courge en cubes et les attendrir dans une casserole avec un peu d’eau.
2) Faire sauter l’oignon dans un peu d’huile d’olive jusqu’à ce qu’il soit bien doré (7 à 9 minutes).
3) Ajouter la chair de la courge, le bouillon, et les épices. Couvrir pendant 5 minutes jusqu’à ébullition.
4) Mélanger le tout. Incorporer le lait de coco.
5) Épicer au choix : gingembre, noix de muscade, poudre de cari.
6) Si la soupe est trop épaisse, diluer avec un peu d’eau.
7) Servir généreusement et déguster avec une bonne tartine!
PS: Cette soupe se conserve très bien au congélateur!
2 poignées de chou frisé, haché grossièrement
Sel et poivre au goût
Recette :
1) Faire mijoter les légumes et le riz dans le bouillon (sans ajouter le lait de coco) jusqu’à ce que le riz soit parfaitement tendre.
2) Incorporer le lait de coco et le chou frisé, en mélangeant bien. Saler et poivrer au goût.
3) Servir avec des tranches de pain croûté.
PS : Il est possible que le riz sauvage décolore et que le bouillon prenne une teinte mauve-gris, mais ne vous inquiétez pas, la soupe restera délicieuse!
SOUPE À LA COURGE ET PATATES DOUCES
Un coup de cœur de Camélia par sa maman.
Ingrédients :
½ courge musquée (peut être remplacée par de la citrouille ou une autre courge de saison), coupée en dés
2 à 3 patates douces, coupées en dés
3 carottes, coupées en dés
1 oignon, haché
3 tomates, coupées en dés
3 branches de céleri, coupées en dés
15 g (1 c. à soupe) de beurre
1 pincée de noix de muscade
Sel et poivre au goût
Recette :
1) Dans une casserole, verser 500 mL d’eau et attendrir les légumes.
2) Passer les légumes au mélangeur à main en ajoutant de l’eau tiède.
3) Ajuster l’épaisseur au goût.
4) Ajouter les épices. Saler et poivrer au goût.
entrevue
Entrevue avec la maison d’édition Les coins du cercle
Étudiant
le jour, éditeur la nuit : une maison d’édition accessible.
Lundi 30 septembre dernier, j’ai retrouvé deux des fondateurs de la nouvelle maison d’édition Les coins du cercle . Ils m’ont accueillie autour d’un petit déjeuner pour discuter de leur bijou entrepreneurial, de leurs ambitions et de littérature. La maison d’édition est composée de trois éditeurs : Alice Leblanc, Kenza Zarrouki et Mattéo Kaiser. Animés par leur passion, ils reviennent dans cet entretien sur leur projet dont le but est de faire rayonner la communauté des écrivains et des lecteurs, en deux mots : créativité et accessibilité.
PHILIPPINE D’HALLEINE
Contributrice
Philippine d’Halleine (PH) : Qui êtes-vous et en quoi consiste votre projet d'édition?
Kenza Zarrouki (KZ) : Cela fait maintenant un an que nous avons officiellement créé notre entreprise, mais l'idée existait bien avant. À l'origine, nous voulions simplement créer un cercle de lecture, un espace où passionnés et débutants pouvaient échanger autour de différents ouvrages. Puis, nous avons conclu que nous voulions aller plus loin.
Mattéo Kaiser (MK) : Notre inspiration vient de notre désir de rendre accessible le monde de l'édition aux jeunes dans la vingtaine et aux adolescents en leur proposant des services de
Franco-marocaine, Kenza Zarrouki a déménagé à Montréal pour compléter ses études à l’UdeM. Aujourd’hui, elle poursuit sa scolarité à la maîtrise en études internationales, avec une spécialité en études européennes. Souvent contrainte de lire des revues académiques, elle reste passionnée de littérature, notamment les romans explorant la condition humaine. Kenza aime découvrir de nouveaux ouvrages pour analyser les différentes méthodes de pensée, qui lui permettent d’aborder le monde sous un nouvel angle. « L’un de mes processus de réflexion sur la vie en général, mais aussi sur mes propres émotions, passe par l’écriture et la lecture. [C’est] intime de publier un ouvrage, et il est important que l’auteur se sente à l’aise et en confiance : c’est mon rôle dans cette maison d’édition. »
conseils pour l'édition de leurs travaux francophones. Notre travail consiste en une relecture littéraire, toujours selon un même axe : garder l'essence du style de l’auteur pour que le travail de son texte demeure le sien.
PH : Votre projet a donc évolué d’un cercle de lecture à une maison d'édition. Comment cette transition s'est-elle effectuée?
MK : Tout a commencé lorsque Alice a souhaité publier son livre. C’est en février dernier que nous avons organisé une soirée de lancement, qui s’est avérée un vif succès. Nous avons ensuite entrepris les démarches pour lancer notre maison d'édition. Lors de cette soirée, j'ai vu quelque chose de beau ; l’image
Québécois de naissance, Mattéo Kaiser a grandi dans un système d’éducation francophone tout au long de son parcours académique. Il complète actuellement une maîtrise en littérature comparée, et rédige sa thèse sur la dépersonnalisation à l’UdeM. Ses études lui ont offert un tremplin dans le monde de la rédaction et de la correction. Il est guidé par la créativité et le désir de donner une chance à tous de publier. « J’aimerais justement pouvoir rendre [le monde de l’édition] un peu plus populaire pour faire en sorte que les gens aient envie de se faire publier, aient envie de partager leurs pensées globalement, puis de les proposer au marché intellectuel. »
du littéraire est bien trop souvent celle d’une personne recluse, qui lit seule dans son coin. Ce genre de soirée permet de constater le côté plus social de la lecture.
KZ : Au début, après avoir consulté des membres de notre entourage, nous nous sommes demandés si ce n’était pas un projet trop ambitieux. Finalement, seul le processus administratif aurait pu nous faire reculer. Je pense que c'est une très bonne manière pour nous, à titre individuel, d'en apprendre le monde de l'entrepreneuriat.
PH : Comment faite-vous pour gérer le financement?
KZ : Pour l’instant, nous ne correspondons pas aux critères pour obtenir les subventions du
Alice Leblanc, Montréalaise, fait partie du collectif « NOUS » qui étudie la santé mentale des jeunes au Québec, et travaille en tant qu’attachée politique pour le député de Jean-Talon, Pascal Paradis. En janvier 2024, elle publie et édite son premier recueil de poésie Jeune et Vivante chez Les coins du cercle Alice y décrit son ressenti de jeune femme dans la société québecoise. Sa collègue Kenza salue sa créativité : « C’est un cri du cœur sincère et sensible. C’est très apprécié d’avoir ce genre d’œuvres-là dans notre société », souligne-t-elle.
Québec parce qu’il faut détenir au moins deux ans d'existence ainsi que quatre publications à notre actif, en vue de prouver notre stabilité, notamment pour ce qui est de nos projections à long terme. Pour l'instant, toutes les dépenses sont à nos frais personnels. Nous avons un site internet qui sera disponible dès la semaine prochaine, sur lequel il sera possible de se procurer les livres, ce qui régulera nos dépenses.
PH : Quels sont vos objectifs d'ici les prochains mois, voire les prochaines années?
KZ : Sur le court à moyen terme, nous travaillons déjà sur trois ouvrages qui seront publiés cet automne, et un quatrième pour
l’hiver 2025. C’est une belle première lancée.
MK : La priorité est de recevoir suffisamment de manuscrits pour que l'on puisse commencer à fournir nos services. Pour une maison d'édition, l'objectif, c'est d'imprimer des livres, de voir, devant nous, le produit final. Il y a quelque chose de valorisant là-dedans. C'est du carburant.
PH : Comment se déroule le processus de l’envoi d’un manuscrit?
KZ : Il y a d’abord une prise de contact où nous rencontrons l’auteur, puis nous discutons de ses ambitions et de ce qu’il ou elle veut partager. Il y a évidemment un contrat écrit, qui protège nos intérêts et ceux de l’auteur.
La NBA débarque à Montréal
Entre Vince Carter et la Coupe NBA Emirates, la Maison NBA est un événement incontournable.
HARANTXA JEAN Éditrice Culture
Pour certains, la NBA n’est qu’une ligue de sport parmi tant d’autres, mais pour beaucoup, c’est une passion : une compétition unissant rêves d’enfance au summum de l’excellence sportive. Depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, mon grand frère Scottie, d’ailleurs nommé en hommage au légendaire Scottie Pippen, acolyte de Michael Jordan, me parlait du basket comme une école de dépassement. Bien que je ne partage pas son fanatisme, ce sont ses histoires et son admiration pour des icônes telles que Stephen Curry qui m’ont poussée à explorer la Maison NBA — et je n’ai pas été déçue.
Organisée au Crew Collective & Café, un lieu aussi gigantisme qu’élégant, la Maison NBA offrait trois jours d’immersion totale dans l’univers du basket-ball du 4 au 6 octobre 2024, en prélude du match des Raptors de Toronto contre les Wizards de Washington, tenu le 6 octobre dernier au Centre Bell. En franchissant l’entrée de cet ancien
bâtiment de la Banque Royale du Canada, réaménagé en café et salle d’exposition, j’ai aussitôt été plongée dans un univers où se rencontraient le prestige de l’architecture classique et l’énergie vibrante de la ligue de basket. Sur les murs, des œuvres signées par des artistes émergents tels que Kristina Pavao et Thibaut Désiront guidaient naturellement la foule vers l’attraction phare : la Coupe NBA Emirates. Ce trophée, emblème de l’Emirates NBA Cup,
« La NBA est une célébration de culture, d’histoire et de passion partagée : on se sent bel et bien à la maison »
incarne le tout nouveau tournoi lancé en 2023, offrant aux équipes une opportunité de triomphe supplémentaire en plus des NBA Finals, le championnat principal de la ligue. Ce qui rendait l’exposition davantage exclusive était le passage inédit de la coupe au Canada, et
stu dorÉ | le dÉlit
ce, pour la toute première fois depuis la création du tournoi en 2023, ici même dans la métropole. Les visiteurs se pressaient pour immortaliser l’instant à côté du trophée, tout en admirant des clichés de LeBron James le brandissant fièrement après la victoire des Lakers de Los Angeles l’année précédente. Cependant, la Maison NBA ne se limitait pas à une exposition d’objets précieux : elle offrait aussi, par sa chaleureuse hospitalité, l’opportunité de rencontrer des légendes du basket.
En effet, l’apparition de Vince Carter, récemment honoré au Hall of Fame en 2024, a suscité une vague d’acclamations dans la salle pleine à craquer. Toujours souriant, il a partagé des anecdotes sur ses jours de gloire, tout en répondant aux questions des fans avec l’humour et la sagesse qui caractérisent ces huit nominations All-Star (joueur étoile). Des talents de la nouvelle génération des Wizards de Washington ont suivi son arrivée ; notamment Kyshawn George, un joueur montréalais d’origine suisse, ainsi que deux joueurs
d’origine française, Bilal Coulibaly et Alex Sarr. Leur complicité avec le public et leur humilité étaient touchantes, partageant comment leurs coéquipiers américains les approchent pour apprendre des mots français, curieux envers la langue et la culture francophone.
Au-delà des rencontres, l’événement regorgeait d’activités immersives. Des kiosques d’arcade proposaient des parties de NBA Jam pour les nostalgiques, tandis que des paniers étaient installés pour des concours de tir. Pour couronner le tout, un bar réservé aux plus de 18 ans apportait une touche décontractée, et une expérience d’intelligence artificielle permettait aux visiteurs de se transformer en joueurs virtuels, réalisant des dunks spectaculaires en version numérique.
En quittant la Maison NBA, je me suis rendue compte de ce que mon frère admirait depuis toutes ces années. Bien plus que du basket-ball, la NBA est une célébration de culture, d’histoire et de passion partagée : on se sent bel et bien à la maison. x
Peau d’âne : une adaptation extravagante
Une aventure abracadabrante au cœur de la pièce
de théâtre.
Porteurs de magie et de morale, les contes de fées ont bercé notre enfance.
Pourtant, sous une lentille contemporaine, ils peuvent être controversés et véhiculer une image dégradante de la femme ou des relations amoureuses stéréotypées. En effet, n’est-ce pas dans Peau d’âne que le prince tombe éperdument amoureux de la princesse déguisée, car elle lui a cuisiné le meilleur gâteau qu’il n’ait jamais goûté? C’est donc dans l’optique de rétablir une image féminine, autrefois moulée dans les convictions patriarchales, et de porter un message féministe fort
que la pièce Peau d’âne a été mise en scène par Sophie Cadieux et Félix-Antoine Boutin.
Adaptée au théâtre DenisePelletier, la pièce prend vie avec deux comédiens : Eric Bernier, une bonne fée marraine des plus extravagantes et farfelues, aux convictions marquées et aux costumes des plus fantasques, et Sophie Cadieux, qui interprète une Peau d’âne aussi désopilante que naïve. Cadieux incarne une enfant seule et perdue qui devra apprendre à se battre pour ses droits, pour son futur, pour son indépendance.
Contrairement au conte classique, ici, pas de père tangible, pas de prince volant à la rescousse d’une demoiselle en détresse. En effet, le roi n’est nul autre qu’un tourne-disque immense, à l’aura menaçante sous les lumières et les sons lugubres. Ce choix, audacieux et perturbant, tend à déstabiliser le spectateur, mais permet surtout de mettre en lumière le côté inhumain de ce personnage.
Mais qu’en est-il du prince? De l’histoire originale? Soyez sans crainte, l’ânesse est toujours présente, la ruse pour échapper au mariage également. Or, l’unique évocation de l’amour entre le prince et la princesse surgit dans les paroles de la bonne fée, sous forme d’une leçon empreinte de dérision à l’égard du conte original, offerte comme un contreexemple à la jeune fille ; Peau d’âne devient sa propre héroïne, sa propre sauveuse. Figure de courage et de résilience, elle apprend à combattre ses démons, son passé, ou encore l’amour, que ce dernier soit en lien avec l’inceste - dont elle a été victime - ou en lien avec ce sentiment que la bonne fée qualifie de « mièvre ». De plus, ce dernier apparaît comme un antagoniste débilitant, mettant à mal
l’indépendance féminine. Le tabou de l’inceste, qui occupe une place insidieuse dans la version de Charles Perrault, est nommé clairement, distinctement dans la pièce. Si cela peut choquer l’auditoire, ce qui le touche davantage est l’ignorance de Peau d’âne, qui semble ne rien savoir de ce terme.
S’il est vrai que le rire est une forme de lutte, un moyen de combattre les injustices et les traumatismes, il vient ici freiner l’expression sincère de sentiments. En effet, la pièce fluctue constamment entre le comique et le ridicule, frôlant trop souvent l’absurde et le burlesque, au détriment d’une dimension plus réflective, qui aurait méritée sa place au sein de cette adaptation. À mon sens, c’est l’authenticité qui s’avère clé pour transmettre un message. Les couches de costumes, les voix criardes, les gestes surjoués, les lumières trop vives créent une atmosphère effervescente, moins propice à l’épanchement et au partage d’émotions.
Peau d’âne demeure toutefois une revisite intrigante et audacieuse aux choix artistiques percutants. Que ce soit par les changements de
costumes à même la scène, ou alors les « dialogues » entre l’ânesse et le personnage Peau d’âne (qui ne sont en vérité qu’un dialogue entre la princesse et une autre version d’elle-même), la pièce pousse notre imagination dans ses retranchements, en proposant une version tout à fait inédite d’un conte familier de tous. Une mise en garde cependant : cette interprétation du conte de Perrault n’est décidément pas adaptée à un jeune public, ni aux férus de contes plus traditionnels.
Ainsi, si vous rêvez d’une plongée dans l’absurde en l’espace d’une soirée, rendez-vous au théâtre Denise-Pelletier : une salle à l’allure féérique qui vous entraîne dans un autre monde. Prenez un instant pour regarder les dorures, les moulures, installez-vous confortablement dans les fauteuils capitonnés de rouge et laissez-vous porter par la magie du théâtre.
Peau d’âne est présentée au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 19 octobre 2024. x
TESS guillou Contributrice
Faire tomber le masque en chantant
Une critique de Joker : Folie à deux.
Adèle DOAT Éditrice Environnement
Sorti au Canada le 4 octobre au cinéma, le Joker fait son retour anticipé sur le grand écran dans le nouveau film de Todd Philipps intitulé Joker : Folie à deux
Le rire d’Arthur Fleck, personnage principal interprété par Joaquin Phoenix, est toujours aussi infatigable, même dans les conditions sommaires de sa cellule à l’hôpital psychiatrique Arkham de Gotham City. Deux ans après s’être révélé au public sous l’identité du Joker, Arthur Fleck attend d’être jugé au tribunal pour ses crimes (voir Joker , 2019). Mais était-il vraiment lui-même au moment de l’acte?
Souffre-t-il de schizophrénie ou n’est-il qu’un criminel qui joue le rôle de l’acteur clownesque?
Des airs de La La Land
Si l’on retrouve le personnage principal du premier film aux perspectives de bonheur toujours aussi maigres, la tonalité de ce deuxième volume n’est plus la même. La mélodie sombre et grinçante des violons qui sert de thème est éclipsée par des sonorités de jazz qui rappellent
La
Lla bande originale du film La La Land . Casting de Lady Gaga oblige, le drame psychologique prend une tournure de comédie musicale qui se prête à une mise en scène parfois dansante. La chanteuse-actrice américaine interprète le rôle de Lee Quinzel, une patiente avec qui Arthur peut partager sa folie. Ensemble, ils forment un couple extravagant et apportent une légèreté aux coulisses ténébreuses de l’intrigue. La scène de danse sur les toits offre un magnifique tableau romantique et semble être tout droit inspirée de celle de Mia et Sébastien sous les étoiles dans La La Land . Le réalisateur a pris de nombreux risques artistiques pour donner une nouvelle esthétique au long métrage : ombres chinoises, spectacle de claquettes, dessin animé… L’aspect musical ajoute une profondeur supplémentaire au film tout en apportant de la douceur à des images souvent empreintes de violence. Les scènes de performance musicale s’incorporent adéquatement à l’atmosphère de la ville insalubre, à l’inverse des dialogues chantés qui résonnent de manière discordante avec l’univers désenchanté.
Qui est le vrai coupable?
Dans un jeu de cartes, il y a toujours un Joker et il a le pouvoir de faire ce qu’il veut. En se cachant derrière l’identité du Joker, Arthur cherche à se protéger de la société, qui a fait de lui un marginal. Sous ce masque aux traits grossièrement maquillés, il peut être quelqu’un d’autre et s’affranchir du statut de victime qui lui colle à la peau. Lorsqu’il adopte son costume burlesque, il attire soudain l’attention et devient une source de divertissement. Ainsi, depuis son arrestation, un dessin animé le mettant en vedette est diffusé à la télévision. Le drame d’Arthur Fleck est ainsi transformé en un élément de culture populaire, à consommer à volonté. Les criminels sont mis en porte-à-faux, servent de bouc émissaires et doivent porter les blâmes moraux de la société qui a fait d’eux des meurtriers. Dans le premier volet du Joker, Arthur est à l’origine un innocent qui « ne ferait pas de mal à une mouche (tdlr) » mais qui, poussé à bout au terme d’une série de persécutions, se transforme en assassin. Si au début de ce nouveau film, il semble être redevenu lui-même, soit un personnage pour lequel on éprouve de
l’empathie, il finit par recouvrer l’identité terrifiante du clown meurtrier lors du procès, après des journées harassantes d’interrogatoire et de violences quotidiennes. Finalement, ne serait-ce pas la société qui l’a perverti?
Tout le monde s’en fiche
Le film dépeint des conditions carcérales déshumanisantes. Les internés de l’hôpital ne sont pas traités comme des patients mais comme des prisonniers aux corps faméliques. Ils subissent en permanence des violences psychologiques et physiques. L’avocate d’Arthur Fleck déplore le manque d’accompagnement des services
sociaux apporté aux personnes ayant vécu des traumatismes dans leur enfance, et dénonce les répercussions sur leur santé mentale en tant qu’adultes. Ce dont Arthur a vraiment besoin, c’est de voir un docteur pour pouvoir réintégrer la société. Le film finit comme il a commencé : Arthur est toujours dans sa cellule, où il est maltraité. La société ne lui a laissé aucune possibilité d’évolution, ni de seconde chance, si tant est qu’il ait jamais eu la première. Lee s’avère être en ce sens la métaphore de cette société qui abandonne ses marginaux ; une fois qu’Arthur a renoncé à l’identité du Joker, il n’a plus d’intérêt à ses yeux. x
lutte des Wet’suwet’en pour leurs terres ancestrales
Yintah : un documentaire percutant et nécessaire.
e documentaire Yintah, réalisé par Jennifer Wickham et Michael Toledano, est bien plus qu’un reportage : c’est une œuvre puissante qui plonge au cœur de la résistance autochtone des Wet’suwet’en en ColombieBritannique. Filmé sur une période de 10 ans, le documentaire retrace la lutte menée pour protéger leurs terres ancestrales contre l’intrusion brutale des oléoducs et des machines, face à l’indifférence d’un État motivé par le profit. Chez les Wet’suwet’en, le territoire n’est pas une carte à ratisser ni une surface à conquérir. La terre est vivante, vibrante. Elle est l’âme des ancêtres, la mémoire des générations passées, et la promesse des générations à venir. Yintah brille par sa capacité à capturer la beauté sauvage du territoire canadien. Les plans aériens offrent une vue à couper le souffle des paysages que la communauté lutte pour préserver. Ces images mettent en exergue l’absurdité du projet d’oléoduc de Trans Mountain, une intrusion brutale dans un espace d’une pureté rare.
Les réalisateurs montrent sans artifice ce que les Wet’suwet’en tentent de protéger : une terre dont ils ne sont pas les propriétaires, mais les gardiens.
Les images poignantes de cette lutte révèlent une vérité dérangeante : nous sommes les occupants permanents de terres qui ne nous appartiennent pas. Yintah est un assemblage minutieux de moments clés, captés dans une dé-
marche de cinéma direct. Chaque image est soigneusement choisie pour refléter la réalité brute de la réoccupation du territoire par les Wet’suwet’en, illustrant à la fois la résistance de la communauté et la violence de l’État. On ressent la colère, la tristesse, mais aussi la résilience qui brûle dans chaque regard, chaque geste.
La musique s’entrelace avec les images, jouant un rôle crucial dans
la construction émotionnelle du film. Des chants traditionnels rappellent l’histoire millénaire qui se déroule sous nos yeux. On voit les femmes Wet’suwet’en, gardiennes du territoire, debout face aux agents armés de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), tenant tête avec un calme et une dignité qui font honte à ceux qui se tiennent de l’autre côté. Elles chantent d’une voix brisée, dans un acte de résistance pacifique, et refusent de se taire, même lorsqu’on leur passe les menottes aux poignets.
Mais le véritable cœur du film réside dans son message : une dénonciation de l’injustice coloniale persistante au Canada. Ce qui rend Yintah particulièrement puissant, c’est son refus de sombrer dans le pathétique. La douleur est présente, mais elle est portée avec dignité. Le rire semble parfois être la seule réponse possible à l’ironie de la situation, qui culmine lorsqu’un policier scie un panneau de bois portant l’inscrip-
tion « Réconciliation ». Un geste aussi absurde que symbolique, qui résume toute la duplicité des politiques gouvernementales. Le gouvernement Trudeau parle de réconciliation, de respect des droits autochtones, mais ses actions révèlent un autre visage, celui de la force brute et de l’exploitation.
Et puis, il y a la fin. Un appel vibrant depuis l’écran, qui incite à agir, à se rallier à la cause. À ne pas oublier cette résistance des Wet’suwet’en, cette solidarité qui, bien que freinée par le confinement, continue de réclamer notre attention. Parce que Yintah n’est pas un film que l’on regarde passivement. Il vous interpelle, vous secoue, vous transforme en témoin, en acteur potentiel d’une lutte qui est loin d’être terminée.
Yintah sera disponible sur la plateforme de visionnement Netflix dès le 18 octobre. x
Béatrice Poirier-Pouliot Éditrice Culture