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La sélection d’actus du Délit
QUÉBEC ÉLARGIT L’ÉVENTAIL DES DÉCHETS RECYCLABLES
Dès le 1er janvier, presque tous les contenants, emballages et imprimés sont recyclables, conformément aux nouvelles réglementations du Québec qui concernent tous les types de plastique, le carton, et le papier. Ce nouveau système concerne l’entièreté de la province, à l’exception de certains villages isolés dans le Nord.
Plusieurs sortes de déchets traditionnellement relégués à la poubelle, tels que les sachets de croustilles, peuvent désormais être recyclés. Par ailleurs, le verre est actuellement recyclé avec ces autres matériaux. Cependant, comme les boîtes dédiées seulement au verre sont de plus en plus disponibles, il pourrait arriver que leur utilisation soit requise à l’avenir. Il n’y a que trois exceptions aux nouvelles consignes : les canettes aérosols, les emballages en polystyrène et les plastiques biodégradables. Ce sont surtout ces derniers qui posent problème, puisqu’ils ne sont ni vraiment plastiques, ni vraiment compostables.
Éco Entreprises Québec (ÉEQ), une organisation québécoise à but non lucratif qui représente les producteurs de contenants, emballages et imprimés, dirige désormais seule le recyclage. Un processus plus centralisé vise à rendre la récupération plus efficace. L’ÉEQ a également dépensé des millions de dollars pour développer le réseau de centres de tri du Québec.
D’après Maryse Vermette, présidente d’ÉEQ, même si à ses débuts le nouveau système n’arrivera pas à recycler tout ce qu’il reçoit, avec une croissance de matière recyclable déposée, il vaudra la peine de construire plus d’infrastructures spécialisées. Ainsi, transformer davantage de variétés de déchets en matière qui peut ensuite être vendue deviendra rentable.
FACE AUX TARIFS DOUANIERS IMMINENTS, DOUG FORD PROPOSE UN NOUVEAU PARTENARIAT ÉNERGÉTIQUE
Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a présenté le 8 janvier un nouveau plan énergétique pour tisser des liens entre les économies du Canada et des États-Unis. Le projet prévoit la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, ainsi que des lignes électriques et des oléoducs. Avec une possible augmentation des frais de douane de 25% lors de l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche le 20 janvier prochain, le projet est la tentative la plus récente de Ford de dissuader le président élu d’imposer un tel fardeau économique sur le Canada. Trump prétend que ces nouveaux droits de douane sur tous les produits canadiens et mexicains sont nécessaires pour empêcher « les drogues, le fentanyl en particulier, et tous les étrangers illégaux (tdlr) » d’entrer aux États-Unis.
Ford a pourtant affirmé que « ces droits de douane seraient dévastateurs pour les deux économies. » Avec son projet, qu’il appelle « Forteresse Am-Can », il espère plutôt stimuler économiquement les deux pays voisins. « [Les droits de douane, ndlr] mettraient en danger des emplois innombrables des deux côtés de la frontière. » a-t-il dit. D’après Ford, un partenariat plus proche aiderait aussi à rivaliser la puissance économique de la Chine.
Depuis décembre 2024, Ford a riposté aux menaces de Trump en suggérant d’abord de cesser d’approvisionner les États-Unis avec de l’énergie ontarienne si de nouveaux droits de douane étaient imposés, ce qui affecterait 1,5 millions de foyers américains. Ford a affirmé que le Canada répondrait aussi avec ses propres droits de douane. Plus tôt, le 7 janvier, Ford a annoncé le renforcement de la frontière avec environ 200 agents de la Police provinciale de l’Ontario ; une tentative supplémentaire d’inciter Trump à reconsidérer les tarifs de douane.
UN DISCOURS D’EMMANUEL MACRON DÉCLENCHE DES CRITIQUES SÉVÈRES AU SÉNÉGAL ET AU TCHAD
Emmanuel Macron, président de la France, a suggéré dans une adresse du 6 janvier dernier que les pays africains dans lesquels la puissance militaire française était déployée dans le cadre de l’opération Barkhane depuis 2013 avaient « oublié de dire merci » pour leur présence, affirmant avoir contribué à la protection de leur souveraineté à la lutte anti-terroriste.
Les troupes françaises ont récemment quitté sept des neuf pays concernés, coïncidant avec une polémique entre Macron et quelques dirigeants de la région du Sahel, qui prétendent avoir ordonné le départ de l’armée française. Pourtant, selon Macron, la France a ellemême décidé de se retirer : « On est parti, parce qu’il y a [eu] des coups d’État, parce qu’on était là, à la demande d’États souverains. » Le Sénégal et le Tchad ont répondu à Macron en dénonçant ses allégations d’« ingratitude » et son explication du départ des militaires. Les deux pays sont sceptiques quant à la réelle contribution de la France dans la stabilisation de leurs pays.
À Dakar, les propos de Macron ont été mal reçus. « La France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté », a déclaré Ousmane Sonko, le pre mier ministre du Sénégal. D’après le ministre des Affaires étrangères tchadien, Abderaman Koulamallah, les propos de Macron « reflètent une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains ». Il a mentionné à l’appui la participation des troupes tchadiennes dans les deux Guerres Mondiales, qu’il perçoit comme « jamais véritablement reconnue ».
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Les JDSP: une expérience étudiante marquante
Portrait d’une compétition autant vivante qu’innovante.
Clément levrat
Contributeur
Du 9 au 13 janvier 2025, l’Université de Montréal a accueilli les Jeux de la Science Politique (JDSP), une compétition francophone regroupant neuf universités canadiennes et qui célèbre déjà sa 14e édition. Composée des huit épreuves académiques suivantes : Quiz , Journalisme politique, Relations gouvernementales, Cas académique, Politique active, Négociations, Coopération internationale, Gestion de crise, ainsi qu’une épreuve sportive Volleyball cette année (image 4) – la compétition se démarque par sa – modernité et son format unique, mêlant de beaux moments de cohésion entre les participants à une expérience professionnalisante et réaliste. Les épreuves, toutes en collaboration avec des partenaires qui aident à la formation des participants, touchent autant à des enjeux québécois qu’internationaux, offrant aux délégués l'opportunité de travailler sur des sujets concrets.
L’expérience JDSP
La délégation de McGill était cette année composée de 30 mem-
bres, et si certains ont pris part à leur première édition, d’autres n’en sont plus à leur coup d’essai. C’est le cas de Gaia Veozzi, qui
prendre durant son parcours à McGill, elle nous a confié que les Jeux se démarquent aussi par leur application dans le milieu acadé-
« C’est aussi une aventure humaine, qui s'étend sur plusieurs mois, il n’y a pas que la fin de semaine »
Gaia Veozzi, déléguée Cas académique
a participé cette fin de semaine pour la deuxième fois consécutive aux JDSP dans la rigoureuse épreuve Cas Académique. Elle m'a m’expliqué ce qui fait des JDSP une expérience unique : « En rétrospective, je pense que les Jeux ont été l’engagement que j’ai préféré à McGill. Au-delà du fait qu’on puisse explorer des sujets et des formats qu’on ne fait pas en cours, c’est aussi une aventure humaine, qui s'étend sur plusieurs mois, il n’y a pas que la fin de semaine. J’ai pu m'y faire des amis proches, ou rencontrer d’autres personnes très intéressantes, que ce soit dans notre délégation ou dans les autres ». Si elle a apprécié tous les engagements qu’elle a pu
mique québécois : « L’expérience de l’université québécoise, je ne l’ai eue qu’aux Jeux en pratique ».
Une compétition à la hauteur de son temps
Révisé de fond en comble il y a quelques années, le format des Jeux inclut aujourd’hui plusieurs enjeux modernes. Deux des épreuves – Journalisme politique et Politique active – requièrent la création d’un compte Instagram en amont des Jeux. Patrick Nelson (image 2), délégué de Politique active, qui cette année, a simulé une élection du Parlement européen, confie en entretien : « Certaines épreuves
sont très multimédias, il n’y a pas seulement le travail de recherche pour créer une plateforme politique et ensuite participer au débat, mais aussi la création d’un personnage, d’une page Instagram, et d’une vidéo de campagne ».
Lui aussi reconnaît aux Jeux un format unique et particulièrement en phase avec ce que des étudiants en science politique rencontreront plus tard dans leur
travaillé depuis septembre et sortent tout juste de cette période intense aux horaires intenses, où les délégués ont alterné entre soirées à thème et plans de relations gouvernementales sur l'épineux dossier de la revitalisation économique du port de Matane.
Dimanche, les Jeux ont rendu leur verdict, et pour la troisième fois en trois ans, l’Université de Sherbrooke s’est imposée au
« Ça donne aussi une idée du travail et des avenues professionnelles qui existent après les études »
Patrick Nelson, délégué Politique active 1 2 3 4
parcours : « C’est très intéressant et stimulant pour quelqu’un qui fait des études en science politique puisque ça donne aussi une idée du travail et des avenues professionnelles qui existent après les études. »
Il serait aussi réducteur de résumer les Jeux à ces trois jours seulement. Les délégations ont
classement général. Loin d’être ridicule, la délégation de McGill, arrivée 6 e au classement général, s’est distinguée par une première place en Négociations et une troisième en Politique active. L’équipe Sport s’est aussi vu remettre le prix de l’Esprit sportif et la chefferie a été nommée Chefferie coup de cœur par le comité organisateur. x
eugénie st-pierre
Contributrice
CLe rideau tombe pour Justin Trudeau
Près d’une décennie à la tête du Canada.
eileen davidson | Le Délit
e lundi 6 janvier, Justin Trudeau a annoncé qu’il quitterait ses fonctions de premier ministre du Canada suite à près de 10 ans à la tête du pays. Toutefois, il continuera d’assumer son rôle de premier ministre et de chef du Parti libéral jusqu’à ce que son successeur soit désigné, à l’issue d’une course à la chefferie qui se conclura le 9 mars. Entre-temps, Trudeau a réussi à obtenir de la gouverneure générale Mary Simon une prorogation de la session parlementaire jusqu’au 24 mars. Cette décision met un terme à la session parlementaire en cours, suspendant les travaux de la Chambre et du Sénat jusqu’au mois de mars. Selon Trudeau, cette pause permettra au Parti libéral de se réorganiser et de recentrer ses priorités.
Dans son discours de démission, il a exprimé son regret de devoir quitter ses fonctions, mais a aussi souligné l’importance d’offrir
«
2008, en remportant un siège de député dans la circonscription de Papineau, à Montréal. Rapidement, il a gravi les échelons au sein du Parti libéral du
Cependant, sa popularité s’est progressivement érodée au fil des années. Selon l’Institut Angus Reid, alors que son taux d’approbation s’élevait à 63% en
Dès la fin de son premier mandat, on a senti un essoufflement. L’esprit de changement qu’il incarnait
s’est vite dissipé »
Éric Bélanger, professeur de science politique à McGill
un « choix clair et réel » aux Canadiens lors des prochaines élections. « Depuis 2015, je me suis battu pour ce pays, pour vous. Pour renforcer la classe moyenne. Pour faire progresser la réconciliation. Pour défendre le libre-échange. Pour notre soutien inébranlable à l’Ukraine. Pour lutter contre les changements climatiques », a-t-il déclaré.
Liberal McGill , l’association officielle du Parti libéral du Canada à McGill, a salué le premier ministre pour son engagement et les actions menées en faveur de la jeunesse. Quinn Porter, président de l’association, a qualifié l’élection d’un nouveau chef du parti de « formidable opportunité pour les membres de Liberal McGill (tdlr) ». Une réunion ouverte a d’ailleurs été organisée pour permettre aux membres de débattre des enjeux de cette course à la chefferie.
Un bilan mitigé
Justin Trudeau, fils de l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau, a fait ses débuts en politique en octobre
Canada (PLC). En 2011, dans un contexte où le parti venait de vivre une défaite historique, Trudeau s’est lancé dans la course à la chefferie. Il a remporté celle-ci en 2013 avec une majorité écrasante. Deux ans plus tard, en 2015, il accédait au poste de 23e premier ministre du Canada, amorçant ainsi un premier mandat marqué par de grandes promesses de changement.
Au début de sa carrière, Justin Trudeau jouit d’une grande popularité, particulièrement auprès des jeunes générations. Les magazines Vogue et Rolling Stone lui consacrent des couvertures, et son style décontracté allié à son ouverture d’esprit séduisent la population canadienne. « Il a su tirer parti des réseaux sociaux dès 2015, un outil que ses adversaires n’avaient pas pleinement intégré dans leurs stratégies », souligne Éric Bélanger, professeur de science politique et spécialiste du Canada à l’Université McGill. Cette maîtrise des nouveaux moyens de communication renforce son image de leader moderne et accessible.
décembre 2015, celui-ci a chuté à 41% en avril 2021 et à 22% fin 2024. Bien que son premier mandat ait été marqué par des réussites notables, telles que la légalisation du cannabis ou encore une approche progressiste sur la scène internationale, le désenchantement a commencé à s’installer. « Dès la fin de son premier mandat, on a senti un essoufflement. L’esprit de changement qu’il incarnait s’est vite dissipé », explique Bélanger. Plusieurs promesses électorales clés, comme la réforme du mode de scrutin, sont restées lettre morte, affectant la crédibilité de Trudeau auprès de nombreux Canadiens. Cette promesse a d’ailleurs été relevée dans le discours de démission du premier ministre comme étant son plus grand regret. Réélu en 2019 et en 2021, il a néanmoins dû composer avec des gouvernements minoritaires, une situation qui limitait sa marge de manœuvre. Son bilan, après trois mandats, demeure mitigé. S’il est souvent crédité de réussites marquantes, telles que la renégociation de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) ou sa gestion de la pan -
démie, son héritage divise toujours l’opinion publique.
Un dirigeant usé?
La démission de Justin Trudeau intervient après plusieurs mois de tensions politiques à Ottawa. La situation a pris un tournant décisif le 16 décembre 2024, lorsque la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a annoncé son départ, une décision perçue comme un point de non-retour pour le gouvernement. « J’ai l’impression qu’il se croyait encore capable de renverser la vapeur lors des prochaines élections », note Bélanger. « Il l’avait déjà fait en 2015 : il était troisième dans les sondages au début de la campagne, mais il
ne fonctionne plus depuis plusieurs mois. Il y a des motions d’obstruction constantes, et on a pu accomplir très peu pendant les derniers mois. Le Parlement a besoin d’un reset , a besoin de se calmer un peu les pompons [...] », a-t-il déclaré.
Par ailleurs, Trudeau se heurte à un phénomène plus large : l’usure du pouvoir. Après plus de neuf ans à la tête du Canada, une part importante de la population est désireuse de changement. « La population constate que le gouvernement qui a été élu il y a une dizaine d’années a accompli certaines choses, mais pas tout. On veut donner la chance à l’opposition d’essayer de faire mieux », explique Éric Bélanger.
Un avenir politique incertain
Alors que le Parti libéral s’apprête à lancer un processus d’élection pour choisir son prochain chef, la tâche s’annonce ardue pour celui ou celle qui héritera de la direction du parti. Selon Éric Bélanger, le défi est de taille : « Cela ne laisse pas beaucoup de temps à son successeur pour se définir vis-à-vis de la population canadienne et se positionner comme une véritable alternative à Pierre Poilievre. »
Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a su imposer sa présence sur la scène politique ces derniers mois, galvanisant son électorat tout en attirant une partie des Canadiens désenchantés par le gouvernement libéral. Face à une telle opposition, le futur chef libéral devra non seulement restaurer la confiance des
« Alors que le Parti libéral s’apprête à lancer un processus d’élection pour choisir son prochain chef, la tâche s’annonce ardue pour celui ou celle qui héritera de la direction du parti »
avait réussi à décrocher un gouvernement majoritaire. » Cependant, la situation politique actuelle est bien différente de celle de 2015. Depuis plusieurs mois, les signes d’une crise profonde sont visibles, notamment au sein d’un Parlement paralysé par les affrontements partisans. Dans son discours de démission, Trudeau a pointé du doigt l’impasse institutionnelle dans laquelle se trouvait son gouvernement. « Le Parlement
électeurs traditionnels du parti, mais aussi séduire les indécis et contrer l’élan des conservateurs.
Alors que le Parti libéral amorce cette transition, une question demeure : son prochain dirigeant parviendra-t-il à rétablir l’élan du parti en cette période charnière ou sera-t-il confronté à une opposition trop forte pour inverser la tendance? Les prochains mois seront déterminants pour l’avenir politique du Parti libéral. x
À
quel jeu joue Elon Musk en Europe?
Retour sur les récentes déclarations d’Elon Musk et sur ses objectifs.
Après s’être assuré un pouvoir sans précédent aux ÉtatsUnis à la suite de sa nomination par Trump à la tête du département de l’Efficacité gouvernementale, Elon Musk s’attaque désormais à la scène politique européenne en ciblant différentes personnalités et partis politiques. Pour cela, Musk utilise son réseau social X comme caisse de résonance à son soutien à l’extrême droite, suscitant des accusations d’ingérence politique. Quels objectifs vise l’homme le plus riche du monde? Pourquoi s’en prendre à l'Europe ? Et quelles pourraient être les conséquences pour les relations américano-européennes? Pour répondre à ces questions, Jean-Yves Camus, journaliste, politologue et directeur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès, livre au Délit son analyse sur ces prises de position controversées.
L’Allemagne et le Royaume-Uni en ligne de mire
À six semaines des législatives allemandes, Musk multiplie les attaques contre le chancelier Olaf Scholz, le qualifiant « d’imbécile incompétent (tdlr) », tout en affichant un soutien explicite à l’extrême droite en assurant que seul le parti d’extrême droite l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) est en mesure de « sauver l’Allemagne ». Dans une tribune pour Die Welt, il a salué la politique de l’AfD en matière d’immigration, de réduction d’impôts et de dérégulation du marché.
Le jeudi 9 janvier, Musk a amplifié la controverse en participant et en organisant une diffusion en direct sur X avec Alice Weidel, la candidate de l’AfD aux élections législatives anticipées, provoquant l’indignation des dirigeants européens. Plusieurs parlementaires, dont Raphaël Glucksmann, la tête de liste française de PS-Place publique pour les élections européennes de 2024, ont appelé la Commission européenne à enquêter sur X et Tiktok et leur rôle potentiel dans la déstabilisation politique, exigeant des sanctions en cas de non-conformité aux règles européennes.
De manière semblable, depuis l’arrivée au pouvoir de Keir Starmer au Royaume-Uni en juillet 2024, Elon Musk a qualifié le premier ministre travailliste de dirigeant « maléfique » à la tête d’un « État policier tyrannique ». Il l’accuse notamment de ne pas avoir poursuivi des criminels impliqués dans des affaires de violences sexuelles dans le nord de l’Angleterre lorsqu’il était directeur des poursuites publiques entre 2008 et 2013, des accusations
que Starmer réfute, dénonçant mensonges et désinformation.
Par ailleurs, Musk a proposé un soutien financier de 100 millions de dollars à Nigel Farage, chef du parti conservateur et eurosceptique Reform UK, pour renforcer l’opposition conservatrice, une offre déclinée par Farage. Le désaccord s’est creusé après le soutien affiché par Musk à Tommy Robinson, militant d’extrême droite et adepte des théories du complot, anti-immigration et anti-musulmans condamné en 2024 pour diffamation envers une jeune réfugiée d’origine syrienne.
Quels objectifs?
Selon Jean-Yves Camus, « toute la question est de savoir si Musk agit avec l’approbation de Donald Trump
cela pourrait indiquer, selon JeanYves Camus, un projet politique bien plus ambitieux et préoccupant : celui de constituer un réseau populiste européen qui aurait pour but de propager la vision trumpiste, remettant potentiellement en cause les fondements démocratiques et institutionnels de l’Europe.
Le politologue met en garde contre le risque de donner une importance excessive à Elon Musk dans les affaires européennes. Il souligne également que ce type de rapprochement entre l’Europe et les soutiens de Donald Trump n’est pas une nouveauté. Jean-Yves Camus évoque notamment la Conservative Political Action Conference (CPAC), un rassemblement politique annuel des conservateurs américains. En 2019, Steve Bannon, ancien stratège de Donald
core le Fidesz n’ont pas attendu des figures extérieures pour s’imposer sur la scène politique.
Jean-Yves Camus évoque une autre hypothèse pour expliquer les agissements d’Elon Musk : « miser sur sa force financière et médiatique pour entraîner dans son sillage des partis européens ». Selon lui, cela pourrait passer par des subventions et la promotion de contenus en période électorale, une stratégie qui n’est pas sans rappeler les objectifs politiques de l’ingérence russe, permettant de saturer un réseau social qui lui appartient pour l’alimenter, récupérer des données et faire parler de soi. Toutefois, il rappelle que les pays européens disposent de règles strictes encadrant le financement politique par des donateurs étrangers, tandis que le Parlement européen et la
« L’implication de Musk dans les affaires européennes, mais aussi dans les enjeux internationaux, dépasse largement le cadre des fonctions confiées par Trump »
ou s’il continue, poussé par sa mégalomanie, à vouloir saturer l’espace d’un réseau social qui lui appartient ». Cette interrogation survient à quelques jours de l’investiture de Donald Trump, dans un contexte où les Européens s’inquiètent des conséquences de l’arrivée au pouvoir de ce dernier, notamment sur la défense du Vieux Continent dans l’éventualité d’une agression russe. Si l’hypothèse que Musk agit avec l’approbation de Trump se confirme,
Trump, avait tenté d’étendre cette initiative en Europe en s’immisçant dans les politiques nationales, à l’approche des élections européennes. Son objectif : « créer une fondation européenne destinée à fédérer les partis d’extrême droite », rappelle Camus. L’échec de Steve Bannon à fédérer l’extrême droite européenne rappelle que, tout comme Elon Musk qui se base davantage sur sa fortune et son influence, des partis comme le RN, Fratelli d’Italia, le FPÖ ou en-
Commission veillent à empêcher toute transformation des élus en agents d’influence étrangère.
Elon Musk peut-il changer la donne en Europe?
En réalité, tout dépend de la réponse de l’Union Européenne (UE) et du degré de liberté que Trump laissera à Elon Musk à la suite de son investiture. « Tout dépend jusqu’où l’UE est prête à aller vis-à-vis de la
puissance économique de Musk, qui est nettement supérieure à celle de nombre d’États », soutient Jean-Yves Camus. Le nouveau Parlement et la nouvelle Commission issus des élections de 2024, plus conservateurs, montrent peu d’appétit pour des actions fortes. Des figures comme la première ministre italienne Meloni négocient avec Von der Leyen, présidente de la Commission européenne tandis qu’Orbán, premier ministre hongrois ignore les sanctions européennes. Le politologue rappelle que « l’UE est malheureusement une non-puissance politique, freinée par une diplomatie commune faible et l’absence d’une armée propre », ce qui laisse l’avantage à Musk.
La relation entre Elon Musk et Donald Trump est un autre élément clé à surveiller. Pour l’instant, « Trump et lui ne sont pas encore en fonction et peuvent lancer les idées les plus extrêmes pour remercier les électeurs les plus radicaux », analyse Jean-Yves Camus. Toutefois, il nuance : « Ce sera plus compliqué quand la diplomatie, on peut l’espérer, reprendra ses droits. »
L’implication de Musk dans les affaires européennes, mais aussi dans les enjeux internationaux, dépasse largement le cadre des fonctions confiées par Trump. Cette omniprésence a conduit l’ancien président à déclarer lors d’un discours à Phoenix, en Arizona, le 23 décembre : « Non, il ne va pas devenir président. » Une remarque qui laisse entrevoir que l’orgueil de Trump pourrait être la seule véritable limite à l’influence croissante de Musk.x
Tarifs douaniers : Donald Trump à l’offensive
Quand l’ambiguïté devient un levier politique.
eileen davidson | le dÉlit
Depuis sa victoire aux élections présidentielles américaines du 5 novembre 2024, Donald Trump a été l’un des sujets principaux de l’actualité mondiale, et non sans raison. Le futur président n’a cessé de choquer la communauté internationale avec ses projets de politique étrangère. Entre les menaces d’une augmentation radicale des droits de douanes et une rhétorique expansionniste agressive vis-à-vis d’autres États souverains (Canada, Panama, Groenland, Danemark), Donald Trump semble imposer son rythme, face à des partenaires incertains, vulnérables, et dépendants des décisions américaines. Parmi les nombreuses annonces de Trump, lesquelles devraient-on réellement prendre au sérieux?
Fin novembre, Le Délit s’est entretenu avec Mark Brawley, professeur de science politique à McGill et spécialiste en économie politique, afin de mieux comprendre les futures décisions en matière de politique étrangère que Trump insufflera après son arrivée au pouvoir, le 20 janvier prochain.
Des menaces économiques
Sur le plan économique, Donald Trump a présenté des ambitions très agressives à l’encontre des pays étrangers. Il considère que les accords commerciaux actuels ne sont pas « justes » vis-à-vis des États-Unis, et souhaite donc rétablir un équilibre plus favorable pour le
pays. Donald Trump a mentionné l’idée d’augmenter de 10% les tarifs douaniers pour tout produit importé aux États-Unis. Il a aussi menacé plus sévèrement le Canada et le Mexique de mettre en place des tarifs douaniers de 25% sur les produits provenant de ces pays, si ces derniers ne réajustent pas, entre autres, leurs politiques migratoires et anti-drogues.
Selon le professeur Brawley, il est difficile de savoir précisément quels droits de douane seront mis en place par Trump. Il estime qu’il y aura certainement des exceptions pour les pays que Trump considère comme « amis ». Une deuxième chose à prendre en compte sera l’agenda individuel des personnalités entourant le président. Ces derniers risquent de réaliser des accords parallèles les avantageant. Prenant l’exemple du milliardaire Elon Musk, nommé à la tête d’un futur « ministère de l’efficacité gouvernementale », Brawley considère qu’ « il est probable que des droits de douane soient appliqués sur des pièces provenant de pays étrangers, à l’exception des pièces dont Tesla a besoin , ( tdlr )». Ce type d’accord a déjà eu lieu entre les deux hommes, notamment lorsque Donald Trump, connu pour ses positions anti-véhicules électriques, avait radicalement changé sa position vis-à-vis de ces derniers pour obtenir le soutien du milliardaire, propriétaire de Tesla, lors des élections présidentielles.
Quelles conséquences?
Donald Trump veut donc utiliser la puissance économique américaine pour favoriser les États-Unis, quel qu’en soit le prix pour les partenaires économiques du pays. Brawley assure néanmoins que si les États-Unis sont depuis plusieurs décennies dans une position hégémonique à l’échelle internationale, c’est en partie grâce à la libéralisation du commerce international ainsi qu’à la réduction des droits de douane : « Les États-Unis sont dans une très bonne position parce qu’ils ont été au centre de ce nouvel ordre économique libéral. »Brawley ajoute qu’en voulant utiliser la position dominante américaine pour faire pression sur le reste du monde, Trump risque de compromettre l’équilibre qui a lui-même permis l’hégémonie américaine en utilisant la menace économique, Brawley considère que Trump « se tire une balle dans le pied ».
En effet, selon Brawley, « l’économie américaine reste très intégrée au reste du monde, elle a besoin des marchés étrangers. Dans le passé, à chaque fois qu’un pays a décidé d’ignorer le reste du monde au niveau commercial en mettant en place des droits de douane de manière unilatérale, les autres pays ont répondu ». Si la simple imposition de droits de douane crée déjà une inflation et ne bénéficie pas aux consommateurs américains, les réponses des pays étrangers risquent
de diminuer la capacité des entreprises américaines à faire concurrence sur les marchés étrangers. Ce sera donc à la fois les processus de production qui seront impactés et la demande internationale elle-même.
Le 9 janvier 2025, le premier ministre Justin Trudeau a soutenu dans une entrevue pour CNN que le partenariat commercial entre le Canada et les États-Unis (encadré par l’Accord Canada-États-UnisMexique de 2020) est « gagnantgagnant », mais a ajouté que si Washington imposait des tarifs douaniers de 25%, le Canada répondrait en conséquence.
Une administration imprévisible
Brawley considère que les institutions donneront elles aussi plus de liberté à Trump. En plus de diriger l’exécutif, Trump dispose d’une nouvelle majorité républicaine au congrès, ce qui lui facilitera la mise en place de son programme. Brawley ajoute que son pouvoir au sein du parti républicain s’est aussi renforcé depuis son premier mandat : « si vous regardez les personnes à la tête du Parti républicain au Congrès en 2017, ils n’étaient pas des Trumpistes, tandis qu’aujourd’hui, ils le sont. » Il y a moins de chances que le Congrès s’oppose à ses projets. Finalement, en raison de la décision de la Cour suprême sur l’immunité présidentielle, il pense également qu’il a le feu vert des tribunaux, même s’il est peu probable que ce soit le cas.
A la suite de notre entrevue avec le professeur Brawley, Donald Trump a multiplié les annonces expansionnistes, mentionnant l’idée d’annexer le canal de Panama, le Groenland, et même de faire du Canada le 51e état américain. Recontacté depuis, Brawley considère que ces annonces sont principalement des moyens de pression, tout comme les tarifs douaniers, pour pousser ces pays à ajuster leur politique aux ambitions de la nouvelle administration américaine. L’imprévisibilité et l’ambiguïté des intentions du personnage font partie intégrante de sa stratégie, visant à obtenir des concessions par la menace de répercussions économiques : le 20 janvier prochain marquera donc le début d’un second mandat pour Donald Trump, ainsi qu’un retour à la diplomatie du rapport de force. x vincent maraval Rédacteur en chef
Selon le Professeur, « Donald Trump n’est pas particulièrement lié à des principes ou à une idéologie, ce qui rend ses objectifs et décisions difficiles à prédire ». Si la personnalité de Donald Trump est par nature impulsive et imprévisible, le professeur Brawley souligne que la situation politique entre le premier mandat de Donald Trump et son second mandat est complètement différente. Trump dispose désormais d’une plus grande capacité d’action. « Lorsqu’il est entré en fonction en 2017, il avait de nombreux conseillers très expérimentés autour de lui, en particulier sur l’aspect sécuritaire de la politique étrangère. Plusieurs d’entre eux étaient des anciens militaires, qui avaient prêté serment de défendre la Constitution. Ainsi, lorsque Trump leur demandait de faire quelque chose qui allait à l’encontre des normes ou de la Constitution, ils devaient lui répondre : “Non, vous ne pouvez pas faire ça”. »Désormais, la situation est différente: d’après Brawley, ce ne sera « certainement pas des officiers militaires. Trump va s’entourer principalement par des “yes-men”, afin d’éviter les contraintes auxquelles il a dû faire face lors de son premier mandat ». Quelques jours après notre entrevue avec le professeur Brawley, Donald Trump a par exemple nommé Pete Hegseth, un animateur de Fox News, comme secrétaire à la Défense. Ce dernier passera donc des plateaux télévisés au Pentagone, pour diriger l’armée la plus puissante du monde.
société
OPINION
C’est lundi matin que ça s’est finalement fait. À Ottawa, devant la porte de Rideau Cottage, la résidence temporaire qu’occupe Justin Trudeau depuis que le 24 Sussex Drive est en construction, Trudeau a annoncé aux 41 millions de Canadiens qu’il quittait ses fonctions de premier ministre et de chef du Parti libéral du Canada. C’est après une lente agonie que le chef du gouvernement s’est finalement résigné à faire l’annonce de son départ. Pourtant, Justin Trudeau n’est pas le premier ni le dernier à prendre cette décision. Avant lui, son père avait aussi démissionné en 1982 et choisit de prendre le chemin de la retraite. Jean Chrétien a quitté les communes après que des tensions internes sont devenues trop importantes pour préserver l’intégrité de son leadership. Dans le cas de Trudeau, c’est la démission fracassante de sa ministre des finances, Chrystia Freeland, qui a été la goutte ayant fait déborder le vase. C’était le dernier coup de couteau que Brutus portait à César, celui qui fut fatal.
À la suite du départ de Freeland, plusieurs choses se sont bousculées sur le calendrier des communes. Premièrement, Trudeau a annoncé son choix de proroger le Parlement. En d’autres mots, le Parlement ne siégerait pas. Les comités, les périodes de questions, tout ça a été mis en pause jusqu’au 24 mars. Ne vous inquiétez pas, le pays ne cessera pas d’opérer durant cette période. Le cabinet des ministres continue de se rencontrer, Trudeau demeure notre premier ministre. Donc, pour ceux et celles, de bonne ou de mauvaise foi, qui craignaient que le Canada prenne une dérive dramatique au cours des prochains mois, il reste un capitaine à la barre du navire.
Deuxièmement, dans sa conférence de presse, le premier ministre a aussi fait l’annonce qu’une course à la chefferie sera tenue afin d’élire un nouveau chef du Parti libéral. Autrement dit, après que l’exécutif national du parti ait déterminé les règles et conditions, nous, les libéraux,
societe@delitfrancais.com
Notre Trudeau
Un jeune libéral nous parle du futur de son parti.
nous trouverons un nouveau chef d’ici mars. Il s’agit d’un moment des plus cruciaux, puisqu’il marque la première course à la chefferie libérale depuis 2013. Ce sera donc un moment parfait pour nous rassembler en tant qu’entité politique, panser nos blessures et nous retrouver en famille pour discuter du futur du parti. Ce sera aussi l’occasion de choisir ce qui est favorable pour le futur de notre formation politique, forte de 158 ans d’histoire, et que l’on espère voir évoluer aussi gracieusement qu’auparavant.
Troisièmement, l’heure des réactions a sonné : elles ont été nombreuses. D’une part, il y a eu les antagonistes. La coutume veut qu’on salue nos opposants lorsqu’ils quittent leurs fonctions publiques, une manière de reconnaître les sacrifices familiaux et personnels auxquels un politicien s’est soustrait pour le bien du pays. C’est une simple formalité, une preuve de civisme dans une arène politique trop souvent sanguinaire.
Pourtant, certains – comme Paul St-Pierre Plamondon, Pierre Poilievre et Jagmeet Singh, à l’image de Trump – ont fait fi des traditions politiques qui maintiennent le bon entendement.
Ils ont opté pour des critiques gratuites et polarisantes envers le premier ministre sortant afin de faire de vulgaires points politiques. Ce faisant, ils nous ont
exception, les mutins comme les fidèles. À leur manière, beaucoup ont salué le travail du premier ministre dans ses fonctions de chef de gouvernement, chef
« Monsieur Trudeau, vous avez inspiré une génération entière à la politique, nous nous sommes sentis vus, entendus et représentés »
prouvé une chose : que leur bassesse n’a d’égal que leur manque de savoir-vivre et de respect envers les institutions démocratiques. Dans ce genre de moment, je tente de me souvenir d’une phrase de Michelle Obama ; « q uand ils s’abaissent au plus bas, nous nous élevons . ( tdlr ) » C’est ce que je choisis de faire aujourd’hui. Dans le futur, je les remercierai de leur service rendu le jour où ces trois charmants messieurs nous feront le plaisir de quitter la vie politique.
D’autre part, les membres du caucus libéral lui ont tous rendu hommage. Tous, sans aucune
de parti et finalement comme député de la circonscription de Papineau depuis 2008. En politique, de nos jours, la décence est rare, mais il est bon de voir qu’il y en a toujours.
Pour conclure sur une note plus personnelle, chers lecteurs, permettez-moi de m’adresser à celui qui m’aura tant inspiré. À cet idole qui, alors que j’avais tout juste 11 ans, m’a poussé à prendre part à la vie politique : Monsieur Trudeau, Justin, c’est avec le cœur lourd, mais le sentiment du devoir accompli que je vous dis merci. Merci d’avoir fait du Canada une place où il
fait bon vivre. Avec le premier cabinet paritaire dans l’histoire du pays, vous avez commencé en force, démontrant que votre gouvernement refléterait la réalité des gens qu’il sert. C’est à vous, monsieur Trudeau, que l’on doit les avancements dans la réconciliation avec les peuples autochtones – les horreurs commises depuis la colonisation entachant toujours notre histoire nationale. On vous doit aussi la baisse de nos émissions de carbone, un enjeu de plus en plus important. On doit saluer votre travail qui a permis de sortir un million d’enfants de la pauvreté depuis 2015. Mais surtout, on a une dette envers vous, puisque vous avez su montrer à notre jeunesse que la différence n’est pas une faiblesse, mais bien la force du Canada. J’en suis la preuve. Je me souviendrai toujours de vous comme cet homme qui, avec joie, a hissé pour la première fois sur la colline parlementaire le drapeau arc-en-ciel, envoyant un message de tolérance et d’espoir à ceux qui, comme moi à l’époque, n'osaient pas parler de fierté.
Monsieur Trudeau, vous avez inspiré une génération entière à la politique, nous nous sommes sentis vus, entendus et représentés. Vous êtes la preuve que la promesse du Canada n’est pas brisée comme certains voudraient le faire croire. Au contraire, elle est vivante et pleine d’espoir. Merci pour ce que vous nous avez donné. Vous qui avez fait offrande de toutes ces années de vie en famille troquées pour des réceptions pas toujours si palpitantes ou encore cette jeunesse fougueuse par laquelle on vous reconnaît, contre quelques rides et des cheveux blancs. La vie politique est ingrate, personne n’en doute plus aujourd’hui, mais dans un monde rempli de cynisme, vous avez été pour plusieurs notre voie ensoleillée. À mon premier ministre, à mon chef, à mon Justin, je ne peux que vous serrer la main et vous dire un énorme merci. x
ELLIOTT GEORGE GRONDIN
Contributeur
Ma vieille amie, la dépression saisonnière
Doit-on réellement craindre les mois hivernaux?
JEANNE MARENGèRE
Éditrice Opinion
La dépression saisonnière, ce mal insidieux qui s’immisce avec les premières bourrasques de novembre, avec le changement d’heure, ne m’est plus étrangère. Pendant des années, j’ai redouté cette période. Je redoutais les journées qui raccourcissent, le froid qui s’épaissit et les nuits qui semblent s’allonger infiniment. Mais cette année, quelque chose a changé. Cette année, j’ai décidé de l’apprivoiser, d’y voir le beau qu’elle a à offrir.
Cette année, je me soumets à la dépression saisonnière, je choisis d’y trouver du réconfort. Je sors de la bibliothèque et il fait un noir dense. Il me neige gentiment dans les yeux. Je marche vers le métro. Par les années précédentes, la simple pensée du froid montréalais et de la tristesse caractéristique du campus à ce temps-ci de l’année m’aurait donné envie de me mettre en petite boule et d’hiberner jusqu’en mars. Mais cette année, je vois les choses différemment. Cette année, je trouve un charme à la mélancolie hivernale, au froid et à sa solitude.
Cette évolution dans ma perception me surprend et me réjouit à la fois. L’an dernier, à cette même période, j’avais confié au Délit que ma résolution pour l’année 2024 était de « vaincre la dépression saisonnière ». Ironique, me direz-vous, que je choisisse de l’accueillir pleinement cette année. Mais peut-être est-ce justement cela, l’astuce : ne pas chercher à la combattre, mais à la comprendre, à l’accepter, voire à en tirer parti.
Profiter de l’hiver
Il se trouve que dans la dépression saisonnière, cette année tout particulièrement, je trouve un appel à ralentir, à contempler. Les journées qui s’allongent lentement offrent maintenant une promesse presque imperceptible, celle du retour de la lumière. Mais, en attendant, la noirceur m’impose un rythme plus doux, plus intime. Le silence de l’hiver et l’immobilité de la neige encouragent une introspection profonde. Dans l’éloignement et la réflexion, il y a l’occasion de grandir, de regarder en soi, loin de la superficialité souvent associée à l’été. Cette année, je lis plus – pas pour l’école, mais pour
mon plaisir personnel. J’écris plus aussi. Je dirais même que je pense plus, plus à moi, plus à ce qui se passe dans ma tête.
avis, le même type de réflexion que l’hiver. En hiver, c’est qu’il n’y a nulle part où fuir, nulle part où se cacher. On se retrouve seul
chaotique, cela fait du bien de se concentrer sur soi. Ce sont des gestes simples, mais qui font toute la différence. Peut-être que
JADE lê i LE DéLIT
mêmes conditions que l’été, pourquoi ne pas se réjouir de ce que l’hiver a à nous offrir? Pourquoi ne pas tenter de maximiser son potentiel trop souvent sous-estimé, en prenant le temps de se recentrer sur ce qui est important?
L’hiver impose une lenteur qui peut paraître oppressante, mais qui peut aussi être libératrice. On apprend à apprécier les petits plaisirs : mon café matinal, les rayons du soleil qui réchauffent le fond de mon cuir chevelu, les flocons qui se posent sur mes cils. L’an dernier, je vous aurais dit que comme je ne suis pas particulièrement adepte des sports d’hiver, cette saison n’avait rien de bien à m’offrir. Malgré tout, cette année, ce sont ces moments, si insignifiants soient-ils, qui prennent une ampleur nouvelle, puisque j’ai choisi de les remarquer, de les célébrer.
S’adapter à elle
En soit, c’est beau de se dire que c’est l’inertie de l’hiver qui me force à me plonger au plus profond de ma tête et à contempler mon esprit. En réalité, il est
«
avec ses pensées. Et c’est là que réside peut-être la beauté cachée de cette saison : elle nous force à affronter nos démons, à explorer des parties de nous-mêmes que
Mais peut-être est-ce justement cela, l’astuce : ne pas chercher à la combattre, mais à la comprendre, à l’accepter, voire à en tirer parti »
quelque peu regrettable que je n’en sois pas venue à cette conclusion plus tôt : le calme de l’hiver se doit d’être porteur de changement intérieur, doit me servir à grandir et devenir meilleure.
Pendant l’été, l’insouciance nous porte. Les jours longs et les nuits courtes, les terrasses animées, les amis réunis – tout cela est distrayant et ne permet pas, à mon
nous n’avions pas osé regarder en face – ou que nous avions ignorées, réprimées, jusque là.
Des résolutions productives
Cette année, je profite de la dépression saisonnière. Je m’alimente mieux, j’ai un horaire stable de sommeil, je prends du temps pour moi. Après des mois de sorties et de sommeil
cette possibilité de me détacher de l’anxiété hivernale provient d’une forme de privilège, un privilège me permettant de ne pas réellement craindre la noirceur de l’hiver. Après tout, j’ai un toit, de quoi manger, et des gens qui m’aiment. Mais je crois aussi qu’il y a quelque chose d’universel dans cette capacité à rééquilibrer ses attentes face à l’hiver québécois. Il y a aussi peut-être une forme de responsabilité qui réside en chacun de nous de s’assurer qu’on ne se laisse pas engloutir par le noir de l’hiver. Alors, plutôt que d’espérer vivre dans les
Pour moi, le secret réside dans l’adaptation. Il ne s’agit pas de nier la rudesse de l’hiver ou de prétendre qu’il est facile d’y survivre. Mais on peut – et on devrait – apprendre à danser avec cette réalité, à régler son mode de vie sur le tempo imposé par cette saison. Cela passe par des ajustements concrets : des sorties planifiées pour contrer l’isolement, des activités qui nourrissent l’esprit, et un soin particulier accordé à sa santé mentale et physique. Avec toutes ses stratégies réunies, je crois fermement que l’hiver saura nous révéler toute sa splendeur, et nous permettra de grandir durant ces mois de froid.
Ce processus demande de l’humilité. Accepter que l’hiver ne soit pas parfait, qu’il soit dur, et que la mélancolie qu’il apporte ne puisse être entièrement évitée. Mais dans cette acceptation réside une forme de paix. L’hiver, avec sa solitude, son froid et sa lenteur, devient alors une période de gestation, une pause nécessaire avant le renouveau du printemps. C’est pourquoi cette année, je choisis de ne pas lutter. Je choisis de me laisser porter par la saison, de trouver la beauté dans ses ombres et la chaleur dans ses silences. Et qui sait, peut-être que cette dépression saisonnière, loin d’être une ennemie, pourrait devenir une guide, une muse, une opportunité de grandir, et ma plus grande alliée en cet hiver. x
environnement
rÉflexions
adÈle doat
juliette elie
Éditrices Environnement
2024 a signé un record historique de chaleur, mais elle a surtout franchi une barrière symbolique avec une température moyenne supérieure de 1,6°C à la norme préindustrielle. Ainsi, l’objectif de 1,5°C fixé par l’Accord de Paris est désormais un rêve lointain.
Même si une partie de l’augmentation des températures peut être attribuée au phénomène El Niño (un réchauffement anormal des eaux de surface de l'océan Pacifique équatorial, qui perturbe les régimes climatiques mondiaux), il ne faut pas se leurrer : l’urgence climatique est réelle et la nouvelle année ne va pas effacer tous les bouleversements qu’elle entraîne dans l’équilibre de nos sociétés, des écosystèmes et de la biodiversité. Les premiers jours de 2025, marqués par les immenses feux à Los Angeles, qui ravagent même les maisons des plus riches figures hollywoodiennes, rappellent que nous sommes tous vulnérables aux conséquences du réchauffement climatique, qui ignore les frontières terrestres et remet en cause l'ordre naturel des saisons.
À l’aube de cette nouvelle année, qui célèbre le premier anniversaire de la section Environnement au Délit , les menaces qui pèsent sur la planète sont toujours aussi inquiétantes. La perspective d’un nouveau mandat Trump, aux aspirations profondément anti-climatiques, a de quoi alarmer. Toutefois, il ne faut surtout pas baisser les bras, et au contraire redoubler d’effort. L’année 2024 a également été ponctuée par des bonnes
environnement@delitfrancais.com
À
vous de jouer
Environnement n’a pas dit son dernier mot.
d’une mobilisation citoyenne regroupant 2 500 Suissesses sous la bannière « Aînées pour la protection du climat », préoccupées par l'impact du réchauffement sur leur santé. Au Canada, le projet de loi C-59, déposé à la Chambre des Communes le 1 er février 2024, a renforcé les restrictions autour de la publicité mensongère et de l’écoblanchiment en étendant son application à un spectre d’entreprises plus large.
Il y a maintenant un an, nous avons débuté en force en nous
environnemental et de plastique. Nous avons eu l’occasion d’échanger avec des activistes impliqué·e·s sur le campus, une entrepreneure misant sur le partage, la fondatrice d’une organisation à but non lucratif mettant de l’avant des pratiques durables en communication, le directeur
mour dans la crise climatique. Nous avons aussi passé une journée enrichissante au campus MacDonald à découvrir ses initiatives environnementales. Mais surtout, nous avons partagé nos réflexions personnelles sur notre quotidien, confié nos peurs et notre espoir, notre rage et notre bonheur à nous engager
couragées à nous dépasser. Nous voulons aussi remercier tous les contributeurs et contributrices qui ont fait vivre Environnement par leur engagement. C’est grâce à votre implication que la section et le journal au complet sont si uniques, et nous souhaitons encore vous lire! Ce n’est pas
« Nous souhaitons léguer au Délit un sens du devoir qui amènera chaque section à s’intéresser à la manière dont l’environnement peut y être abordé »
demandant comment rendre le temps des Fêtes plus écologique. 2024 a aussi commencé sur une note encourageante, avec les
exécutif du Bureau du développement durable de McGill, la première femme a avoir terminé le Vendée Globe et plusieurs
« Après un an de vulgarisation scientifique, sujets de réflexions et remises en question de nos modes de vie du quotidien, il est temps pour la section Environnement de laisser sa place à une autre voix »
nouvelles environnementales, et chaque jour de nouvelles personnes rejoignent les rangs du combat pour la planète. Au printemps dernier, la Suisse a été condamnée pour inaction climatique par la Cour européenne des droits de l’homme à la suite
bonnes nouvelles environnementales de l’année 2023. Depuis, nous avons discuté de l’intérêt de calculer son empreinte carbone, de véganisme, de la différence entre les changements et le réchauffement climatiques, de modèles à suivre, de racisme
professeur·e·s, professionel·le·s et artistes engagé·e·s pour l’environnement. Nous nous sommes interrogées sur le vandalisme d'œuvres d’art comme manière de militer, le rôle du sport dans la transition écologique, la fatigue décisionnelle et la place de l’hu -
pour lutter contre la crise climatique. « Les archives de journaux gardent en eux les pensées, les intentions et les problématiques d’un temps. Ils révèlent toute l’essence d’une époque, d’une communauté, d’un environnement », a dit Marie, fondatrice d’Au Féminin, la section prédécesseure d’Environnement, dans son ultime publication.
Après un an de vulgarisation scientifique, sujets de réflexions et remises en question de nos modes de vie du quotidien, il est temps pour la section Environnement de laisser sa place à une autre voix. Alors que cette étape prend fin, nous tenons à remercier toute l’équipe qui nous a fait confiance, qui nous a inspirées et qui nous a en -
parce que l’environnement n’aura plus de section dédiée qu’il faudra arrêter d’en parler. Bien au contraire, nous souhaitons léguer au Délit un sens du devoir qui amènera chaque section à s’intéresser à la manière dont l’environnement peut y être abordé.
Même si l’action individuelle est limitée et qu’il faut changer les structures de notre société pour pouvoir véritablement adopter des comportements éco-responsables, cela ne nous empêche en rien d’agir dans le cadre des contraintes qui nous sont imposées. Les efforts de chaque individu additionnés ont souvent bien plus d’incidence que l’on ne peut le penser et se traduisent souvent à une échelle plus large. En créant la section Environnement, nous avons cherché à provoquer du changement à une échelle locale et communautaire en nous adressant aux étudiants mcgillois. Notre objectif était de les sensibiliser, les informer, afin de les influencer vers des pratiques plus durables, tout en les motivant à réfléchir et à s'engager eux-mêmes dans leur communauté. La vie militante du campus est vibrante et les initiatives environnementales continuent de s’y multiplier. Se rendre aux évènements organisés par le Bureau de durabilité de McGill, rejoindre un club environnemental, sont des occasions de rencontrer de nouvelles personnes, d’échanger des idées et de réduire son éco-anxiété. L’environnement n’a pas dit son dernier mot, car c’est à votre tour de prendre la parole et de vous impliquer dans sa défense.
À vous de jouer!
Vous pourrez toujours retrouver tous les articles de la section Environnement dans les archives sur le site web du Délit! delitfrancais.com x
culture
artsculture@delitfrancais.com cinéma
À toutes ces femmes que l’on ne nommait pas
Une exposition rendant hommage aux femmes noires de Montréal à deux pas de McGill.
HARANTXA JEAN
Éditrice Culture
En cette rentrée de semestre hivernal, une question revient souvent dans les cercles des étudiants : que faire entre deux cours ou pendant une pause bien méritée? Pour les McGillois, le centre-ville regorge d’options, mais peu savent que juste en face du campus, un trésor d’histoire et d’archives les attend. Le Musée McCord Stewart, situé sur la rue Sherbrooke, propose actuellement une exposition qui interpelle et émeut : À toutes ces femmes que l’on ne nommait pas, de Michaëlle Sergile.
Dans le cadre du programme « Artiste en résidence » du Musée McCord Stewart, cette première exposition muséale de l’artiste multidisciplinaire se concentre sur la vie des femmes noires résidant à Montréal entre 1870 et 1910. Que ce soit en retracant les origines du Club des femmes de couleur de Montréal (fondé en 1902) – le premier collectif fondé par des femmes noires au Québec – ou en illustrant le vécu de femmes noires reléguées aux archives montréalaises, le titre de l’exposition porte adéquatement son nom en évoquant une absence de reconnaissance. En effet, sur l’enseigne précédant l’exposition, l’artiste souligne que « les photographies provenant des collections de grands studios [...] étaient identifiées par les noms de famille de la clientèle. Cette procédure limite aujourd’hui nos possibilités d’identifier les femmes noires figurant sur les photographies présentées dans l’exposition parce qu’elles n’étaient généralement pas des clientes, et que leurs noms n’ont en grande partie pas été consignés (tdlr)». Donc bien qu’intégrées au tissage socio-histo-
rique de Montréal, ces femmes sont invisibilisées dans les rares traces qui attestent de leur présence. Le terme « tissage » s’avère ici pertinent, puisqu’il s’agit également
nommait pas, Sergile ne cherche pas uniquement à rendre visibles des pionnières oubliées ; elle explore ce que cette invisibilité implique, les dynamiques de
l’artiste s’appuie sur le concept de « fabulation critique » théorisé par Dr Saidiya Hartman, une pratique méthodologique qui mélange archives et imagination pour combler
« L’exposition ne se contente pas de restituer l’Histoire, mais nous fait ressentir le poids de son ambiguïté. On s’interroge, on devine, et on tente de reconstituer des réalités fragmentées à travers les vides que l’artiste met en lumière »
du médium central de la pratique artistique de Sergile.
Exposées au Musée national des beaux-arts du Québec ou encore au Musée d’art de Joliette, les œuvres de l’artiste d’origine haïtienne témoignent d’un effort pour « recoudre » des fragments d’histoires afro-descendantes perdues, tout en « défaisant » les structures qui ont permis leur effacement. Avec À toutes ces femmes que l’on ne
pouvoir qui l’ont instaurée, et les conséquences qu’elle a eue sur les générations suivantes.
Une expérience immersive
Dès que je franchis les portes du musée, le tumulte extérieur s’efface pour laisser place à un silence chargé de sens. La salle, baignée d’une lumière tamisée, murmure les récits oubliés que Sergile tente de ramener à la surface. Pour ce faire,
les silences historiques. « Face aux limitations des archives, la création devient un moyen d’imaginer et de reconnaître pleinement le vécu de celles dont nous ne possédons que quelques traces », explique l’artiste à travers ses écrits sur l’un des murs du musée. Cette méthode transparaît dans les choix conceptuels de l’exposition, où des photographies réinterprétées sous multiples formes enrichissent une narration en quête de justice.
Les premières installations qui m’accueillent sont des télévisions antiques diffusant des vidéos d’archives. Les écrans anachroniques projettent des images vacillantes et parfois floues, qui plongent les spectateurs dans un brouillard à la fois familier et insaisissable – un clin d’œil au vertige que l’artiste ressent en explorant des archives inachevées. En effet, Sergile confie sur une paroi muséale qu’elle a « tenu à laisser une trace publique de ses nombreuses réflexions puisqu’elles reflètent la réalité des archives. Une réalité fluctuante, complexe et pleine d’angles morts ». Et c’est là que réside la force de cette exposition : elle ne se contente pas de restituer l’Histoire, mais nous fait
ressentir le poids de son ambiguïté. On s’interroge, on devine, et on tente de reconstituer des réalités fragmentées à travers les vides que l’artiste met en lumière.
C’est ce que je découvre dans les portraits que Sergile tisse de trois femmes, des œuvres qui, paradoxalement, incarnent l’antithèse même du portrait : l’anonymat. Leurs visages et membres, absents, paraissent fantomatiques, surplombant leurs corps tissés en blanc. Cette dualité visuelle, entre absence et présence, entre noir et blanc, souligne les tensions dans la représentation des femmes noires. Elle illustre comment l’Histoire peut à la fois effacer et révéler, cacher et illuminer, selon les perspectives adoptées.
Mon regard est ensuite attiré par une ligne du temps monumentale, jalonnée de dates et d’images retraçant le contexte dans lequel les femmes noires ont évolué à Montréal. La première date, 1834, marque l’abolition de l’esclavage dans les colonies britanniques, un événement fondamental pour comprendre la mobilité des populations noires vers le territoire qui deviendra par la suite le Québec. Au fil de cette ligne, je découvre des photographies historiques datant de la fin du 19e siècle jusqu’au début du 20e siècle : une travailleuse domestique en 1868, ou encore un couple de nobles afro-canadien capturé en 1871 par le célèbre photographe William Notman. La dernière date de la ligne du temps, quant à elle, évoque les personnes noires originaires des Antilles ayant immigré à Montréal pour étudier la médecine ou l’agriculture à l’Université McGill, mais qui ont quitté la métropole « en raison de l’importante discrimination dont elles [étaient] victimes » entre 1911 et 1930. En tant qu’étudiante d’origine haïtienne à McGill, je me sens directement interpellée par cette réalité, mais je ne dois sûrement pas être la seule. Pour les étudiants McGillois, cette dernière offre une occasion unique de découvrir un pan méconnu de l’histoire de Montréal, tout en proposant une réflexion sur la place et la responsabilité de chacun dans les expériences d’autrui. Ainsi, À toutes ces femmes que l’on ne nommait pas ne se limite pas au constat : elle engage un dialogue nécessaire avec le présent.
À toutes ces femmes que l’on ne nommait pas de Michaëlle Sergile est exposée jusqu’au dimanche 26 janvier 2025 au Musée McCord Stewart. x
Une errance sensuelle signée Guadagnino
Critique du film Queer.
Avec Queer, le réalisateur
Luca Guadagnino poursuit son exploration du désir et de l’aliénation. Adapté du roman éponyme de William S. Burroughs, ce récit nous plonge dans le Mexique des années 1950, à travers les yeux de William Lee, interprété par un Daniel Craig à la fois vulnérable et magnétique. En quête de sens à son isolement, Lee s’éprend d’Eugene Allerton (Drew Starkey), un jeune expatrié dont le charme distant devient une obsession. Guadagnino peint une toile intime et tourmentée, mais son audace formelle peine parfois à masquer les lacunes émotionnelles du film.
Le Mexique : un théâtre de désir
Dès ses premiers instants, Queer nous subjugue par la richesse de sa direction artistique, qui parvient à saisir un Mexique sensuel et oppressant, où chaque détail participe à la création d’une ambiance chargée de tension. Guadagnino, fidèle à son style distinctif, capture avec une maîtrise inégalée la sensualité des corps. Les jambes enchevêtrées, les caresses furtives sur une poitrine, tout cela est rendu avec une intensité palpable, plongeant le spectateur dans une atmosphère de désir pr-
esque tangible. Le réalisateur italien excelle à créer une tension physique électrique qui enivre les sens. Pourtant, ce cadre enchanteur sert aussi de décor à une histoire qui, très vite, semble vaciller sous le poids de son propre symbolisme.
Une promesse inaboutie
Le premier acte du film captive par son intensité émotionnelle. Daniel Craig déploie un jeu nuancé, qui oscille entre fragilité et désespoir, donnant vie à un personnage en quête de rédemption. Face à lui, Drew Starkey, avec son charme insaisissable, incarne un Allerton dont la distance attire autant qu’elle rebute. Guadagnino parvient ici à créer un équilibre précaire entre attraction et rejet, offrant une exploration riche du désir comme moteur existentiel.
« Queer nous subjugue par la richesse de sa direction artistique »
Alors que le spectateur s’attend à une évolution dramatique, le récit s’égare. La narration se fragmente en une série de scènes où l’atmosphère l’emporte sur l’intrigue. Cette abstraction, si elle est cohérente avec l’œuvre originale et le style cinématographique de Guadagnino, risque de dérouter. Là où Daniel Craig porte le film avec une intensité admirable, les personnages secondaires restent étrangement flous. Allerton, en particulier, n’émerge jamais au-delà de son statut d’objet de fascination. Ce déséquilibre prive le film de la profondeur émotionnelle nécessaire pour pleinement engager le spectateur.
Une esthétique hypnotique
L’un des points forts indéniables de Queer réside dans sa puissance visuelle. Les compositions de Sayombhu Mukdeeprom – collaborateur régulier de Guadagnino – sont riches, granuleuses, presque palpables, et transportent le spectateur dans un rêve éveillé. La musique, subtile et étrangement anachronique, participe à cet univers flottant, dans la veine du réalisme magique. Mais cette surabondance sensorielle finit par cloisonner le récit, transformant ce qui aurait
stu dorÉ | le dÉlit
pu être une épopée intime en une suite de tableaux impressionnistes. Guadagnino semble si absorbé par l’idée de capturer la beauté fugace qu’il en oublie de nourrir les arcs narratifs de ses personnages.
Une conclusion en demi-teinte
Le film culmine dans une séquence surréaliste et psychédélique, où les corps et les esprits se mêlent dans un dernier acte de désintégration totale. Cette rupture narrative, bien que visuellement saisissante, accentue la déconnexion émotionnelle du film. Si Guadagnino démontre une fois de plus sa maîtrise de l’univers cinématographique, cette ambition formelle ne suffit pas
à combler les lacunes d’une histoire qui s’effiloche.
Luca Guadagnino livre une œuvre qui fascine tout autant qu’elle frustre. Si le film réussit à capturer l’essence fugace du désir, il peine à en explorer toutes les implications humaines. L’audace visuelle et l’intensité émotionnelle de certaines scènes rappellent le talent exceptionnel du réalisateur, mais l’absence d’un ancrage narratif solide empêche Queer de résonner pleinement. Un film qui, à l’image de ses protagonistes, semble constamment à la recherche de quelque chose qui lui échappe. x
Béatrice poirier-pouliot Éditrice Culture
Une symphonie gothique qui s’essouffle
Critique du Nosferatu de Robert Eggers.
En s’attaquant à Nosferatu, Robert Eggers relève l’épineux défi de réinventer un chef-d’œuvre mythique de l’expressionnisme allemand. Près de 100 ans après la sortie de l’original de Friedrich Murnau, cette adaptation de 2024 promettait une relecture moderne de l’oeuvre, tout en rendant hommage aux racines gothiques du genre. Mais si le film impressionne
par sa maîtrise technique et ses images somptueuses, il laisse planer un sentiment d’inachevé, à mi-chemin entre hommage révérencieux et exercice de style dépourvu de souffle.
Une âme tourmentée
Ellen Hutter (interprétée avec une intensité désarmante par LilyRose Depp) est une jeune femme hantée par des visions cauchemardesques et un profond sentiment de mélancolie. Récemment unie à Thomas (Nicholas Hoult), elle le voit contraint de partir pour une mission en Transylvanie : finaliser la vente d’une propriété au riche et sinistre comte Orlok. Mais ce dernier, plus qu’un simple acquéreur, nourrit une obsession troublante pour Ellen. Lorsqu’Orlok quitte son château lugubre pour s’installer dans le village où réside le jeune couple, il y apporte une peste dévastatrice aux conséquences funestes.
Des performances captivantes
Lily-Rose Depp livre ici une interprétation bouleversante, incarnant une Ellen à la fois fragile et sinistre, déchirée entre la honte et la rédemption, que la caméra d’Eggers capte avec une précision presque clinique. Bill Skarsgård, quant à lui, est méconnaissable en comte Orlok. Son jeu subtil et glaçant, soutenu par un maquillage impressionnant, le consacre comme l’une des incarnations les plus terrifiantes du personnage. Mention honorifique à sa moustache fournie, qui bien qu’elle soit sans doute un hommage à Vlad l’Empaleur – le personnage historique ayant inspiré le célèbre Dracula –, n’inspire pas exactement la terreur. Et pourtant, il manque à ces performances une étincelle, un fil narratif capable de transcender leur isolement dans une succession de scènes visuellement saisissantes, mais souvent dépourvues d’un fil narratif concluant.
Une terreur à contre-courant
Avec Nosferatu, Eggers pousse à son paroxysme sa tendance à la
composition picturale. Les plans symétriques, les jeux d’ombres et de lumières, et la photographie de Jarin Blaschke composent un tableau d’une beauté envoûtante. Cette recherche obsessionnelle de la perfection visuelle finit toutefois par étouffer le récit. Les scènes au château d’Orlock, bien que magistralement mises en scène, semblent dépourvues d’urgence dramatique. L’histoire avance sans élan, prisonnière d’une précision formelle qui frôle parfois la stérilité.
« Eggers semble pris entre deux aspirations [...] sans
réussir à unifier les deux »
Eggers s’éloigne ici des codes du cinéma d’horreur contemporain pour s’inscrire dans une tradition plus atmosphérique, en hommage aux premiers films de vampires, dont le Nosferatu de Murnau fait
partie. Loin des jumpscares et du gore démesuré, Nosferatu mise sur une lenteur calculée, une esthétique soigneusement composée, et une bande-son oppressante pour façonner une ambiance lugubre et hypnotique. Si cette démarche séduit par son authenticité, elle risque de dérouter une audience habituée à un rythme plus effréné.
Une œuvre imparfaite
Avec Nosferatu, Robert Eggers livre un exercice de style aussi ambitieux qu’inefficace. Si le film impressionne par sa beauté visuelle et la qualité de ses interprétations, il lui manque cette étincelle narrative capable de résonner pleinement. Eggers semble pris entre deux aspirations – rendre hommage au passé et imposer sa propre vision – sans réussir à unifier les deux. Ce qui en résulte est une symphonie gothique fascinante, mais trop révérencieuse pour être totalement vibrante, un film qui hésite entre l’éclat du chef-d’œuvre et la retenue du pastiche. x
Béatrice poirier-pouliot Éditrice Culture
Sans l’avoir encore saisie, on nous légua une vie. Profond dans l’évolution, des lustres aux éons. Que l’on étudie jour et nuit.
Notre extinction coupera court à notre compréhension, Ce, pré-atteinte de quelconque conclusion.
Demeurons en suspension, conscient·e·s de la constance de cette condition.
Sans l’éprouver, ni en souffrir, mais en l’appréciant, Jouissons d’un vide omniprésent.
Oublions la simple cohabitation, profitons du néant.
Consentant·e·s aux instants surstimulants, Lors desquels toute confusion transparaît.
Douce carence telle qu’en génère l’excès.
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