ledelit_20050913

Page 1

en pages centrales Le seul journal francophone de l’université McGill.

Volume 95, numéro 1

Le mardi 13 septembre 2005

www.delitfrancais.com

Bon jusqu’à la dernière noix depuis 1977.



03

xLe Délit • 13 septembre 2005

Servez-vous en!

éditorial

Tout ce que vous avez toujours voulu ignorer sur Le Délit et oublierez bientôt…

Le seul journal francophone de l’université McGill

DAVID DROUIN-LÊ

«

Yé,c’est gratuit!»,vous êtes-vous exclamés intérieurement en vous penchant pour ramasser cet exemplaire. En effet, vous n’avez pas eu à débourser la faramineuse somme de 3 cents comme ont dû le faire les lecteurs en 1977. Malgré cela, sachez que rien n’étant gratuit en ce bas monde, vous payez quand même indirectement pour ce (im)pertinent hebdomadaire francophone. Et pas seulement en achetant les merveilleux produits en publicité dans cette édition du Délit. Alors comment? Regardez simplement votre facture de McGill. Quelque part au milieu de l’interminable liste de frais afférents qui au total doublent pratiquement la note, le Délit et notre publication sœur anglophone, The Daily, y figurent. Vous êtes, malgré vous, contraints de financer le Délit. Mieux vaut donc le lire, à moins que vous ne décidiez de le considérer d’un point de vue purement utilitariste comme un approvisionnement illimité en papier de toilette. Dans cet esprit, voici quelques informations supplémentaires sur votre nouvel hebdomadaire favori. De la propagande? Évidemment non. Le Délit, tout comme le Daily, est un journal totalement indépendant ne relevant aucunement de l’administration de McGill ou d’une quelconque association étudiante de l’université. Nous ne sommes pas par conséquent des mercenaires-journalistes à la solde d’intérêts particuliers. Ce qui n’est pas le cas de d’autres journaux comme le Tribune, organe de propagande politique publié par l’Association des étudiants de l’Université McGill (AÉUM, plus connue sous son acronyme anglophone de SSMU) ou du Reporter, feuillet publicitaire produit par la direction de l’université et vantant ses grandes et perpétuelles réalisations. Nous confessons cependant que notre imprimeur est Québécor.Veuillez noter que ce fait anodin n’aura aucune incidence sur la couverture objective et exhaustive que nous ferons de la troisième saison de Star Académie. La création du Délit Ce fut à l’automne 1977, après la Révolution tranquille, que le Délit naquit, au terme d’une longue période de gestation, sous le nom de Daily français. Auparavant les francophones qui désiraient s’exprimer dans

Volume 95 Numéro 1

rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : (514) 398-6784 Télécopieur: (514) 398-8318 redaction@delitfrancais.com bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone: (514) 398-6790 Télécopieur: (514) 398-8318 daily@ssmu.mcgill.ca rédacteur en chef david.drouin-le@delitfrancais.com David Drouin-Lê chefs de pupitre-nouvelles nouvelles@delitfrancais.com Laurence Bich-Carrière Jean-Philippe Dallaire chef de pupitre-culture artsculture@delitfrancais.com Agnès Beaudry rédacteur-reporter Marc-André Séguin coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Alexandre de Lorimier

la langue de Miron devaient le faire dans le Daily, noyés dans une mer d’articles en anglais. La crédibilité des rares articles publiés souffrait en raison du grand nombre de fautes d’orthographe, imputable à une typographie réalisée par une équipe anglophone maniant mal le français. Au cours de l’été 1977, la nouvelle équipe du Daily eut l’idée de créer une édition entièrement francophone, au grand dam de l’AÉUM qui pouvait à l’époque s’ingérer dans les affaires du journal. L’association étudiante d’alors, quelque peu anti-francophone faut-il l’admettre, fit tout en son pouvoir en utilisant les technicalités administratives à sa disposition pour empêcher la naissance de la première parution uniquement en langue française en cent cinquante ans d’histoire mcgilloise. Le Délit, une menace pour les anglophones? Une dizaine de jour après la publication du premier numéro du Délit, celui-ci se retrouva au cœur d’un mini-scandale national. Le 1er octobre 1977, la radio anglaise de Radio-Canada diffusa un reportage d’un océan à l’autre sur l’existence nouvelle d’un hebdomadaire francophone dans cette chasse gardée de l’establishment anglophone

6

La FEUQ mise à nu

xLe Délit

de Montréal qu’était McGill. Dans le cadre de l’émission Sunday Morning, un journaliste sérieux de la CBC prophétisait sur un ton des plus alarmistes que la création du Délit annonçait la fin, dans un avenir pas si lointain, de l’éducation universitaire en langue anglaise au Québec. Le reportage était intitulé «French Daily Today, McGill français demain». Nous constatons aujourd’hui à quel point ces savantes prédictions se sont matérialisées. Les francophones forment toujours, comme en 1977, 20% de la population estudiantine et il est toujours aussi difficile de passer une journée sans s’exprimer en anglais sur le campus. *** En terminant, chers lecteurs, l’équipe du Délit voudrait cordialement vous inviter à collaborer à la réalisation du journal. Nous sommes à la recherche de journalistes autant en nouvelles qu’en culture, de photographes, d’illustrateurs et d’artistes graphiques. Nous fournissons des cartes de presse, tout le matériel nécessaire et une formation au besoin. Si le prestige de l’uniforme vous intéresse, écrivez-nous à redaction@delitfrancais. com ou venez nous voir en personne au local B-24 du Shatner. x

De l’art de l’initiation

14

11

8-9

Les Revenants

Anik Jean

Le Délit vous appelle. Cette année, les réunions auront lieu tous les mardis dès 16h au Shatner B•24.

coordonnateur de la photographie Philippe G. Lopez coordonnateur de la correction Pierre-Olivier Brodeur chef illustrateur Pierre Mégarbane collaboration Nicholas Bellerose Virginie Forestier Charles Mostoller David Pufahl Clémence Recoux Samuel Saint-Pierre Thériault Alexandre Vincent Ynès Wu couverture Éric Demers Phillipe G. Lopez Pierre Mégarbane gérance Pierre Bouillon publicité Boris Shedov photocomposition et publicité Nathalie Fortune the mcgill daily editors@mcgilldaily.com Joshua Ginsberg conseil d’administration de la société de publication du daily Julia Barnes, David Drouin-Lê, Joshua Ginsberg, Rebecca Haber, Mimi Luse, Rachel Marcuse, Jeffrey Wachsmuth

L’usage du masculin dans les pages du Délit français vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit français est publié la plupart des mardis par la Société de publications du Daily. Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et illustrations dont les droits avaient été auparavant réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé par Imprimerie Quebecor, St-Jean-sur-Richelieu, Québec. Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et de la Presse universitaire indépendante du Québec (PUIQ). Imprimé sur du papier recyclé. ISSN 1192-4608

Faites-nous part de vos commentaires

redaction@delitfrancais.com Visitez notre site web (fraîchement rénové)

www.delitfrancais.com


04

xLe Délit • 13 septembre 2005

nouvellesinsolite Du côté de l’étrange et de la bêtise humaine Un bon choix d’institution

Sans commentaire

Le feu et le sang LAURENCE BICH CARRIÈRE t voilà l’été, douce saison des festivals, qui s’en va pour faire place à septembre et à son cortège d’automne. Que les fêtards sèchent leurs larmes: il y a aura des foules aux portes, des pancartes colorées, des grands cris de ralliement, de la musique, des rues bloquées. Mais pas de profits mirobolants, pas de maire Tremblay radieux, rien que des grévistes. Il suffit d’une promenade au centre-ville pour s’en convaincre. Devant l’hôtel Omni (sur Sherbrooke, là où il y un encombrement bariolé et un ghetto blaster où Gloria Gaynor s’époumone très probablement qu’elle va survivre), j’esquive une pancarte Only Money No Individuals brandie avec toute la vigueur et la rage de travailleurs en grève depuis le 15 juillet. L’aventure ne venait que de commencer: un peu plus loin, on m’a sournoisement mis un papier dans la paume (et moi qui croyais naïvement que cet inconnu au regard noir comme l’œil de Carmen et aux cheveux rebelles comme ceux de la planète Tatooine voulait me serrer la main). Dessus, trois mots, «Le combat continue», accompagnés d’un logo de la CSN. De qui sont-ce les revendications exactement, je l’ignore, mais j’ai l’embarras du choix pour les mauvaises annonces de Mastercard. Garderies: 7 800 travailleuses, 25 000 enfants, salaire maximal à 22$/heure, une place dans un CPE du centre-ville, ça n’a pas de prix (effectivement, dans la mesure où certains parents sont prêts à payer une place «vide» un an d’avance pour s’assurer que leur bambin puisse être près d’eux le moment venu). Mais les variations sont infinies: professeurs (une faute sur une affiche de prof aussi, ça n’a pas de prix) et personnel de soutien, FIIQ (jouer au docteur avec son voisin…), SQ, SAAQ, Revenu Québec, ministère de la Justice, Transport-Québec, quelques étudiants, peut-être, aussi (103 millions, ça change pas le monde, sauf que…). On m’a même invitée à faire la grève de l’essence (le 1er

E

septembre et l’exploit sera à réitérer le 14, si les prix n’ont pas baissé): «Les compagnies pétrolières pourront s’étouffer sur leurs barils», lis-je dans un courriel (une bonne âme se fera certainement le plaisir de rapporter qu’il s’agit d’un canular dans l’heure). Dans mon petit fond très égoïste à moi, qui n’ai pas d’auto, qui ne suis pas vraiment malade, qui ne cherche pas à concilier harmonieusement famille et travail, qui couche rarement à l’hôtel dans ma propre ville, je n’ai pas besoin d’y porter une attention particulière (si ce n’est pour éviter des coups de pancartes devant l’hôtel Omni). Mais c’est l’air du temps. Entre la poésie de graffitis d’inspiration soixante-huitarde que je pressens et les déclarations à l’emporte-pièce de Michel Sawyer de la SFPQ («[I]l faut prendre acte que l’automne 2005 sera un moment incontournable de la négociation du secteur public. […], une période de grande turbulence, voire même de confrontation»), on sent un soupçon de tension sociale dans l’air, une larme de barricades, un grain de pavé (ou, plus probablement, un chunk d’asphalte prélevé dans une quelconque ornière, c’est plus crédible et plus facile, aussi). Cela dit, de tout ce lyrisme pré-grève, ma préférée demeure celle que m’a rapportée mon bon ami Ephrène, de passage à Saint-Creux: «En solidarité avec les travailleurs du textile de Huntingdon, les danseuses du Studio 69 font la grève du vêtement».

x

Le parlement iranien a refusé d’octroyer le poste de ministre du Pétrole à Ali Saidloo, pourtant détenteur d’un doctorat en gestion stratégique qui lui avait été décerné en 2003 par la «très prestigieuse Hartford University». En effet, une semaine avant ce qui semblait être une formalité démocratique, un député a révélé qu’il était impossible que Saidloo ait fréquenté une université américaine en 2003 puisqu’il résidait en Iran à ce moment. Le «docteur» a admis que l’université en question était un institut en ligne basés au Vanuatu, comme ceux desquels il détenait sa maîtrise en géologie et son bac en ressources souterraines. (Time Magazine) La vache qui ne rit pas La France profonde est présentement en proie à une série de crimes crapuleux. En effet, il sévit dans le Morban un violeur de chèvre qui, après avoir sodomisé la pauvre bête, lui coupe une mamelle. On rapportait même récemment que, sans doute lassé du bêlement de ses compagnes, le zoophile avait attaqué une génisse. La police est sur les dents. (Marianne). Mickey Mouse voit rouge Dans l’espoir de pénétrer le potentiellement très lucratif marché chinois et de «participer au développement futur du pays» (Robert Iger, président de Walt Disney Co.), Disney vient d’ouvrir un onzième parc d’amusement thématique, à Hong-Kong cette fois. Le «carnaval éternel» avec ses châteaux rose bonbon et ses animateurs souriants, devrait attirer des millions de touristes dans les prochains mois. (Canoë/AP).

Les fleurs et le pot Haro sur le réseau CTVnews. Lucien Bouchard est mort le jeudi 9 septembre dernier. C’est du moins ce qu’a annoncé CTV Newsnet. Il va sans dire que le réseau s’est rapidement rétracté pour ensuite offrir ses plus plates excuses à l’ancien Premier ministre du Québec et à sa famille. Il y aura sans doute eu confusion avec les images de la maladie de Bouchard, présentée dans le reportage Point de rupture, et un bulletin de nouvelles. Bravo, vraiment. Un hourra pour Dalton McGuinty. En réaction à la controverse qui fait rage sur les tribunaux islamiques en matière familiale, le Premier ministre de l’Ontario a annoncé que son gouvernement s’empresserait de passer une loi interdisant les tribunaux religieux quels qu’ils soient: «Le débat a assez duré […] Il n’y aura pas de charia en Ontario. […] Il y aura une loi pour tous les Ontariens.» Une excellente décision.

La citation conne de la semaine

Une candidature de courte durée Déception. Gilbert Paquette devenait lundi matin candidat official dans la course à la direction du PQ. C’est ce que déclarait Lyne Marcoux, présidente d’élection, après examen du bulletin de candidature déposé jeudi. Or, on apprenait hier que Paquette avait été arrêté pour conduite avec facultés affaiblies le 20 juin dernier. Sa porte-parole a indiqué qu’il fera le point sur sa candidature au courant de la journée. (CWN Telbec/Matinternet). Dans la beauté du botox L’Hôpital de Montréal pour enfants vient de sauver la vie d’un enfant grâce au Botox. En effet, le nouveau-né, âgé de moins de cinq semaines souffrait d’une salivation excessive et manquait de s’étouffer à chaque fois qu’il inspirait. L’équipe du docteur Samuel Daniels a tenté le tout pour le tout en lui injectant dans les glandes salivaires un peu de Botox, produit mieux connu des starlettes pour ses vertus rajeunissantes. Or, il semblerait que l’effet paralysant puisse également être utilisé pour contrôler certains muscles et viscères. L’opération a permis de sauver l’enfant qui respire plus normalement depuis trois mois (Radio-Canada).

B

arbara Bush, mère du subtil George W. Bush, sur les réfugiés de l’ouragan Katrina hébergés à l’Astrodome de Houston: «Presque tous ceux avec qui j’ai parlé disent qu’ils veulent déménager à Houston». «Ce que j’entends, et qui est un peu effrayant, c’est qu’ils veulent tous rester au Texas». Et de poursuivre: «Beaucoup de gens dans le stade ici étaient vraiment des défavorisés de toutes manières, alors tout cela n’est pas si mal pour eux!» (Le Nouvel Observateur)


05

xLe Délit • 13 septembre 2005

Une pluie de courrier en ce début d’année Cher Délit, Je réponds à l’opinion exprimée par votre éditorialiste à propos de… Ok, ok, je vous avoue en réalité je n’ai pas encore vu une seule copie du Délit cette année. J’ai fait une recherche Google pour être certaine qu’il existait réellement et qu’il ne s’agissait pas uniquement d’une invention de mon imagination. Dois-je prendre le «seul journal francophone de l’Université McGill» littéralement et conclure qu’il n’existe qu’un exemplaire protégé et mis sous clef dans l’obscurité d’un sous-sol du Leacock? Où est le Délit? Jennifer Wu Étudiante en droit Chère Jennifer, La rédaction tient d’abord à souligner qu’elle apprécie ton intérêt pour Le Délit. Si tu n’as pas encore eu la chance de lire Le Délit cet automne, c’est principalement parce que tu n’as pas gardé tes vieux numéros afin de les relire et accessoirement parce que tu as entre tes mains le premier numéro de la session. Nous te conseillons donc de faire quelques réserves, puisque le Délit ne paraît pas les semaines dont le lundi est un jour férié. Bonne session!

Cher Délit, Je voulais être la première à vous écrire, car je vous lis depuis toujours (je dis «toujours» car ma vie était dépourvue de sens avant que j’arrive dans cette université hostile où Le Délit est mon havre de paix) et je vous aime. Je vous aime! Je vous aime! Je vous aime follement! Anonyme.

scolaire?! J’en ai parlé à d’autres étudiants qui m’ont assuré que c’était un mensuel: et pourtant, je lis bien «hebdomadaire». Comment cela se fait-il? Simon Laplante-Bédard U2 Science Cher Simon, Tu nous trouveras dans les mêmes présentoirs que le McGill Daily et ce, presque tous les mardis de l’année scolaire!

Chère anonyme, Bonjour, Quel charmant courriel qui commence l’année du bon pied. Sans doute le trouble d’annoncer à pleines pages ton amour immodéré pour tes journaleux de campus t’a-t-il causé un moment d’égarement, car comment veuxtu que nous te prodiguions en retour les largesses de nos amours délicieuses sans te connaître mieux (ce qui pourrait également se faire si tu passais au Shatner B•24)? À défaut, c’est au campus entier que nous annonçons notre amour. Bonjour, Voilà déjà un an que je fréquente McGill. Ce n’est cependant que cet été que j’ai découvert (grâce à ma blonde qui était en retard) le Délit. Où est ce journal pendant l’année

La

voi de l x a raiso n

L

courrierdeslecteurs

JEAN-PHILIPPE DALLAIRE

ors du Sommet socio-économique de 1996, les étudiants québécois ont pris conscience d’une dure réalité : le gel des frais de scolarité, décrété quelques temps auparavant, n’avait par sa nature rien de permanent. À l’issue de trois semaines de mobilisation, le mouvement étudiant a tout de même réussi à obtenir ce qu’il voulait du gouvernement du Parti québécois : une déclaration à l’effet que le gel des frais serait maintenu. Depuis, tout véritable débat sur les frais de scolarité a été mis de côté par les différents partis qui se sont succédé à la tête du gouvernement québécois. Lors des élections de 2003, les trois partis s’étaient d’ailleurs engagés, sous une formulation ou une autre, à maintenir ce gel pour une

Je tenais simplement à exprimer mon dégoût face à la couverture du dernier numéro de l’an dernier, qui a traîné beaucoup trop longtemps dans les présentoirs. Je trouve qu’il est aberrant qu’on puisse encore se moquer du traitement très cruel réservé aux bébés poques. Ce sont des blanchons innocents qui sont sacrifiés aux impératifs de la mode! Il y a des cœurs qui battent sous ces peaux! Les campagnes de la PETA auront raison du cynisme de ceux qui refusent la souffrance de ces pauvres bêtes. «Il y a des cœurs qui battent sous ces peaux!», lisons-nous. La Rédaction, qui a fait ses recherches, rappelle que la

citation exacte de Brigitte Bardot est «ce sont des petits cœurs qui battent, avec du poil autour». Il ne nous semble pas nécessaire de commenter plus avant, à moins qu’on ne se décide à ouvrir le débat. Vous pouvez déposer une carotte cuite dans le courrier du Délit mais ça va avoir moins d’effet qu’un rat mort, je vous le garantis. Vous vous sentez soudainement épris d’une forte envie de nous écrire? N’hésitez pas! Envoyez-nous vos lettres, missives et autres coups de gueule à redaction@delitfrancais.com.

Vous n’avez pas assez de textes à lire en ce début d’année? Qu’à cela ne tienne. Visitez les archives du Délit au

delitfrancais.com

Se préparer au vrai débat période d’au moins quatre ans. Plus de 10 ans après le gel, la récente campagne sur les coupures de 103M$ dans l’aide financière aux études et la capacité des fédérations étudiantes de ne livrer combat que sur le seul terrain des prêts et bourses ne doivent leurrer personne : le vrai débat, celui sur les frais de scolarité, approche. Lors du mouvement de grève du printemps dernier, la Coalition de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante élargie (CASSÉÉ) avait reproché aux deux principales fédérations étudiantes (FEUQ – FECQ) de limiter leurs revendications à la seule récupération des 103M$ coupés dans l’aide financière aux études. Pour la CASSÉÉ, il fallait profiter du rapport de force établi face au gouvernement pour demander plus : gratuité scolaire, opposition à la privatisation du réseau d’éducation, réforme de l’aide financière aux études, etc., et ce, même si le gouvernement se refusait lui-même à remettre en question le gel des frais de scolarité au cours de son premier mandat. Quelques mois après la fin de la campagne contre les coupures de 103M$, il apparaît que la FEUQ et la FECQ voyaient plus loin lorsqu’elles ont pris la décision de maintenir leurs revendications sur un seul front faisant largement consensus. Lorsque le Délit l’a rencontré, le président de la FEUQ avait un argumentaire approfondi

sur les frais de scolarité. Grâce aux efforts déployés par les fédérations étudiantes, deux des trois principaux partis politiques québécois (PQ et ADQ) ont d’ailleurs déjà intégré ces arguments en inscrivant dans leur programme une certaine forme de gel des frais de scolarité. Puisqu’elle sait que le débat ne peut maintenant plus être évité, il reste à la FEUQ à convaincre le parti au pouvoir du bienfondé de sa position sur les frais. Alors que certains voyaient dans les coupures de 103M$ une stratégie du gouvernement libéral de présenter le dégel comme la solution du moindre mal aux problèmes de financement

des universités, force est de constater que les principales fédérations étudiantes ont réussi à bien se positionner en retardant un peu la bataille à livrer. En tirant au maximum profit du mécontentement généré par une mesure que plusieurs ont qualifié d’indéfendable, les fédérations étudiantes ont pu démontrer leur plein potentiel de mobilisation et se donner une crédibilité jamais égalée auprès des acteurs politiques. Lorsque le gouvernement en viendra à remettre en question le gel des frais, on ne peut plus douter qu’il aura des adversaires préparés à l’affronter.

x


06

xLe Délit • 13 septembre 2005

La FEUQ s’attaque au fédéral

nouvelleslocal

Selon la FEUQ, la solution au problème du sous-financement des universités se trouve au niveau fédéral. JEAN-PHILIPPE DALLAIRE à ce que les étudiants fassent de plus en plus entendre leur voix sur ce dossier. En effet, selon François Vincent, «comme dans n’importe quel dossier, tu commences par faire des représentations, ensuite de ça tu demandes d’avoir des engagements et puis tu y vas avec des actions plus musclées». Après avoir envoyé des lettres ouvertes aux journaux au cours de l’été, la FEUQ a réuni ce samedi plus de 60 manifestants pour accueillir le Premier ministre Martin à Trois-Rivières, où il se rendait pour le congrès des jeunes libéraux fédéraux. Des rencontres avec les députés et chefs de partis fédéraux sont aussi aux programmes, puisque la FEUQ compte tirer profit du statut minoritaire du gouvernement et de l’approche des élections fédérales pour faire avancer le dossier. Messieurs Harper et Layton auraient déjà été rencontrés par la FEUQ afin de «faire vivre le dossier à la Chambre des communes». Alors que certains critiquent la démarche de la FEUQ et l’accusent de demander au fédéral de s’ingérer dans un champ de compétence provincial, François

Vincent remet en question cette interprétation : «On va toujours être très fermes quant au fait que le gouvernement fédéral n’a pas à investir directement dans les universités et quant au fait qu’il doit remettre l’argent aux provinces». Selon lui, «cette négociation, c’est le Premier ministre du Québec qui va la faire. C’est lui qui est le mieux placé et qui est le représentant pour le Québec et il a dit qu’il en ferait son premier dossier, suite à une demande officielle et médiatique de la part des fédérations étudiantes […]. On va laisser la chance au coureur à M. Charest. En même temps, on va s’assurer de faire de la pression et d’être entendus». De bonnes nouvelles pour les étudiants étrangers Dans le dossier des étudiants étrangers, François Vincent a de bonnes nouvelles. En effet, après deux années de travail auprès du gouvernement, la FEUQ indique que les étudiants étrangers verront bientôt leur autorisation de travailler hors des campus universitaires s’étendre à l’ensemble du Québec.

Charles Mostoller

E

n entrevue de début d’année scolaire au Délit, le président de la FEUQ, François Vincent, a indiqué que la solution aux problèmes actuels de financement des universités se trouvait du côté du gouvernement fédéral. Alors que plusieurs voient dans une hausse des frais de scolarité la solution à ce problème, la FEUQ pense plutôt que c’est au fédéral de puiser dans ses coffres : «Les coupures de M. Martin lorsqu’il était ministre des Finances dans les transferts en éducation ont un impact direct sur les coupures dans les universités, donc on va travailler pour faire en sorte qu’il y ait un réinvestissement par les transferts fédéraux aux différentes provinces». La FEUQ entend s’allier avec les deux autres fédérations étudiantes canadiennes, soit la Fédération canadienne des étudiants et la CASA, afin de faire valoir son point de vue auprès du gouvernement Martin. D’après le président de la FEUQ, «on a des bonnes relations avec l’ensemble du mouvement étudiant canadien». La population peut donc s’attendre

François Vincent, président de la FEUQ

Cette autorisation avait d’abord été donnée aux étudiants hors de Montréal et Québec. Une annonce officielle de cette mesure devrait être faite en septembre. Quant aux autres revendications des étudiants internationaux, la première étape cette année sera

de «sensibiliser la population du Québec à la présence des étudiants internationaux et les impacts positifs de cette présence tant au niveau culturel qu’au niveau des bénéfices dans les universités par l’internationalisation». Il s’agit selon François Vincent d’abord de «valoriser la présence et les impacts positifs de ces étudiants pour, à terme, avoir des revendications plus musclées dans le sens du gel des frais différentiels ou l’amélioration du processus de citoyenneté». Fonds jeunesse Québec La FEUQ entend enfin s’attaquer à un autre dossier cette année, soit la pérennisation du Fonds jeunesse Québec. Mis en place après le Sommet du Québec et de la jeunesse, la première mouture de ce fonds avait pour objectif de financer des projets mis en place pour la jeunesse à même une enveloppe budgétaire fixe. Selon François Vincent, «le Fonds jeunesse Québec, c’est 30 000 stages et emplois créés en trois ans, donc il y a eu des impacts positifs sur l’économie du Québec». Les fonds alloués à ce projet étant maintenant épuisés, la FEUQ et son pendant collégial, la FECQ, demandent au gouvernement Charest de lui redonner vie et de le rendre permanent. La FEUQ revendique la mise en place d’un «Fonds jeunesse Québec amélioré, soit un Fonds jeunesse capitalisé». La capitalisation de ce fonds s’effectuerait sur une période de trois ans par une contribution gouvernementale et une taxe sur les profits des entreprises québécoises. Après en avoir discuté avec M. Charest, la FEUQ est en mesure d’affirmer qu’«il y a une ouverture [de sa part] sur ce dossier». x


Le Délit fait peau neuve depuis 1977. Journalistes, photographes, mise-en-pagistes et illustrateurs, passez nous voir. Aucune expérience n’est requise. Aujourd’hui dès 16h au Shatner B•24 et jeudi à Activities Night.

Il ne manque que vous.


08

Rescapés de Katrina à McGill L’Université tend la main aux étudiants de l’Université Tulane en Louisiane. MARC-ANDRÉ SÉGUIN

D

ans un geste de sympathie à la suite du désastre provoqué par l’ouragan Katrina, l’administration de l’Université McGill a offert d’accueillir des étudiants de l’Université Tulane, située à La Nouvelle-Orléans. Cette initiative, annoncée le 2 septembre dernier, se fait de concert avec d’autres universités membres de l’Association américaine des universités –dont McGill et Tulane sont membres– dans le but de venir en aide aux étudiants qui ont dû être évacués de la ville au cours des dernières semaines. Kim Bartlett, directrice des admissions du premier cycle à McGill, soutient que cette initiative se justifie par la nature des événements. «Lorsque l’Association américaine des universités […] a réalisé qu’un de ses membres avait souffert si durement après l’ouragan et qu’il ne pourra pas même ouvrir ses portes pour l’automne, elle a cherché à voir ce qu’elle pouvait faire pour aider et a conclu que la meilleure façon de venir en aide à une université partenaire serait d’accommoder des étudiants, pour une plus ou moins longue période de temps». Jusqu’à présent, le bureau des admissions a reçu environ cent trente appels de gens intéressés par l’offre. À ce jour, l’Université a admis treize étudiants et a reçu huit confirmations, mais d’autres étudiants pourraient encore arriver, étant donné que la date butoir pour les inscriptions a été étirée jusqu’au 13 septembre. «Ce qui est exceptionnel, rappelle Mme Bartlett, c’est que le timing est plutôt étrange. L’année scolaire a commencé, c’est un moment très chargé pour nous. Normalement, nous n’accepterions pas d’étudiants à une date si tardive. […] Nous accélérons donc tout le processus, ce qui implique l’envoi de lettres d’admission aussi tôt que possible». Mme Bartlett considère que le nombre de demandes restera toutefois très gérable. «Je ne prédis pas que nous aurons plus de trente [étudiants]. Et ceux-ci seront répartis dans diverses facultés, ce qui ne créera donc pas de surcharge pour aucun programme». Enfin, les étudiants de Tulane qui choisiront de venir à McGill auront droit à certaines mesures spéciales visant à faciliter leur installation à Montréal. Bien que les résidences de l’université affichent complet, des services d’aide au logement seront fournis afin d’aider les étudiants à se trouver un logement près du campus. Le service d’aide aux étudiants étrangers a de plus offert d’accélérer les démarches d’obtention de permis et documents nécessaires pour étudier au Québec en communiquant avec les autorités gouvernementales. Enfin, de façon exceptionnelle, l’Université McGill chargera aux étudiants de Tulane les mêmes frais de scolarité que ceux que paient actuellement les résidents du Québec. Sans prétendre qu’elle ait été la première à offrir quelque chose du genre au Québec, Mme Bartlett croit que l’initiative de McGill a inspiré d’autres universités du Québec à se lancer dans des démarches similaires. «Dès que nous avons annoncé [notre offre], d’autres universités à Montréal et au Canada ont fait des annonces semblables». Certains étudiants de Tulane sont déjà arrivés sur le campus et étaient en classe dès la semaine dernière. x

xLe Délit

09

13 septembre 2005

Les initiations dans les universités : une pratique qui évolue

nouvellescampus

Beuveries: une époque révolue MARC-ANDRÉ SÉGUIN

F

inie l’époque où les initiations étaient un moyen pour les plus vieux de s’amuser aux dépens des plus jeunes, en leur faisant subir une panoplie d’épreuves humiliantes. De nos jours, les initiations dans les universités québécoises s’orientent davantage vers la tenue d’activités qui permettront aux nouveaux venus de mieux connaître leurs collègues tout en s’amusant. Bref, chercher à briser la glace avec les autres, tisser des liens, commencer l’année scolaire du bon pied, le tout arrosé de quelques verres de bière. Good, clean fun, comme on dit en anglais. La nature des activités reste relativement semblable peu importe l’institution d’enseignement. On y retrouve une tournée guidée de bars ponctuée de quelques jeux, des repas en groupe, des jeux permettant aux gens de se familiariser avec l’entourage de leur nouvelle faculté ainsi que, parfois, certaines activités ayant lieu en plein air. Peu importe l’endroit, le fameux entonnoir ou beer bong semble être un instrument du passé. Du moins, c’est la tendance qui semble s’installer dans la plupart des universités et facultés au Québec. À quelques exceptions près, les pratiques

gagnent en encadrement et les jeux portant atteinte à l’intégrité physique des participants sont un phénomène en voie d’extinction. À ce niveau, l’Université McGill semble la plus appliquée. Les formations préparatoires des frosh leaders – d’une durée de quelques heures – incluent activités aussi variées que des ateliers de sensibilisation au harcèlement sexuel et au sexisme, des ateliers de sensibilisation contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, des formations de base en premiers soins, des ateliers de prévention afin d’éviter des problèmes d’intoxication liés à l’alcool, ainsi que la distribution de formulaires cherchant à sensibiliser les gens sur le fait français au Québec. Une nouvelle approche nécessaire Roz Freeman, vice-présidente de l’AÉUM en charge des communications et des événements, soutient que ces mesures étaient à la fois nécessaires et bénéfiques pour McGill. «Il y a trois ou quatre ans, [McGill] avait une grosse réputation pour les abus de boisson et c’est devenu un problème. La Régie [des alcools et des jeux] s’est penchée sur la situation et a commencé à restreindre

notre nombre de permis d’alcool et c’est à cause de ces restrictions que nous avons apporté des modifications». Selon elle, ces modifications semblent d’ailleurs avoir porté fruit. «Une étude récente sur la consommation d’alcool faite auprès des universités américaines et à McGill […] nous a donné une très bonne cote concernant la consommation responsable d’alcool. Je ne connais pas les critères sur lesquels l’étude est basée, mais nous sommes perçus comme étant très responsables». Cependant, certaines personnes impliquées dans les initiations au sein des facultés sur le campus de McGill jugent que l’acharnement de l’Université va quelque peu trop loin. À la faculté de droit, par exemple, un frosh leader ayant demandé l’anonymat considère que certaines formations étaient mal adaptées au public cible. «Personnellement, je n’ai pas appris grand-chose. […] Ça fait déjà dix ans que je sors dans les bars et je n’avais pas besoin qu’on me dise les effets de l’alcool. […] Il y a une différence fondamentale entre les gens qui viennent en première année à l’école de droit et les undergraduates. Même les plus jeunes en droit ont déjà fait deux ans de cégep, donc ce n’est pas la première

Position conne de la semaine : cet homme n’a pas suivi les conseils du comité d’initiation.

fois qu’ils sortent dans un bar». Tout en considérant la formation comme un outil utile de sensibilisation, il soutient que le contenu doit néanmoins être repensé pour l’avenir. «Ce n’est pas une mauvaise chose d’avoir une formation, mais ce serait bien qu’elle soit un peu plus adaptée aux besoins et à l’expérience des gens qui sont là». Il rappelle que cette formation était néanmoins nécessaire dans le cas des étudiants de premier cycle, principalement à cause du caractère particulier de McGill et de sa clientèle. En effet, plusieurs des étudiants d’ici proviennent de l’extérieur du Québec et en sont souvent à leurs premiers contacts avec l’alcool étant donné que l’âge légal pour consommer de la boisson ici est moins élevé qu’ailleurs au Canada et aux États-Unis. Dans ces circonstances, les chances de tomber dans l’excès sont plus grandes, et peuvent alors avoir des conséquences dangereuses que personne ne souhaite. Ailleurs au Québec Bonne ou mauvaise, la pratique à McGill semble être la seule à aller aussi loin. Dans d’autres universités québécoises, l’encadrement est moins ressenti. Mais d’après François-Philippe Lessard, président des initiations 2004 pour le département d’actuariat à l’Université Laval, cela n’est pas quelque chose d’inquiétant. «Les gens sont conscients qu’ils sont responsables si quelque chose de mauvais se produit. […] Si quelqu’un n’est plus capable de marcher, on ne lui donnera plus de bière. C’est juste le bon sens. On veut que tout le monde se fasse du fun mais avant tout il faut que ça se passe dans la sécurité et le respect». Il affirme que les personnes en charge des initiations ne reçoivent pas de formation particulière concernant la santé et la sécurité sinon une mise en garde contre toute activité qui puisse menacer l’intégrité physique des gens. Un rappel des règles de l’université est aussi de mise pour les activités se déroulant sur le campus. Il ajoute que les activités ont d’abord pour objectif de favoriser la création de nouveaux liens entre les étudiants du programme et ne cherchent pas à encourager la seule consommation d’alcool. À la faculté de science politique et juridique de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), les initiations ont une saveur plus liée au programme des étudiants. Les jeux à caractère politique sont à l’avant-scène et la tournée des bars se résume à deux lieux choisis. Bruno Godin, l’un des organisateurs et coordonnateurs des événements qui auront lieu cette semaine, insiste sur le fait que ces initiations sont tout sauf une excuse pour consommer de l’alcool à l’excès. «C’est en plein le genre de chose

Pièces à conviction

que nous cherchons à éviter». Oh scandale? Ce nouveau courant n’a pas empêché que certaines activités soient encore l’objet de controverse ces dernières années. Par exemple, cet automne le département d’information et de communication à l’Université Laval a fait les manchettes au bulletin de nouvelles régional de TVA à cause d’une activité bien particulière qui y avait été organisée. Il s’agissait d’un concours de fellation dans lequel les participantes devaient sucer l’enrobage en chocolat d’une barre de friandise O’Henry suspendue aux pantalons d’un étudiant. La mère d’une des participantes, après avoir pris connaissance de l’activité, a porté plainte et le dévoilement de cette pratique a fait scandale. Les étudiants ont soutenu que ce concours, comme toute autre activité ayant lieu pendant la semaine d’initiation, se faisait sur une base volontaire. Simon Baillargeon, qui collabore depuis deux ans à la tenue des événements de ce département, insiste

sur le caractère volontaire des activités et sur le fait que l’ensemble de la semaine d’initiation se tient dans une ambiance bon enfant. «L’initiation du département d’information et de communication est l’une des plus grosses à Laval. Nous avons plusieurs jeux et certains ont un caractère sexuel. Mais quand on est jeune, il n’y a personne qui n’a pas fait de niaiseries». Il affirme aussi que certaines activités encouragent la consommation d’alcool, mais que des changements ont été apportés aux cours des dernières années. «L’an passé, une mère s’est plainte des concours de «callage» qui se sont produits chez les étudiants du département de biologie. Depuis, nous n’en faisons plus sur le campus et on avertit les gens lorsque des activités du genre auront lieu ailleurs. […] Aucune activité n’est là pour pousser les gens à bout. C’est là pour que les gens puissent se connaître. […] Je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un qui n’avait pas aimé ça». Malgré tout, il reconnaît qu’à des fins préventives, il serait bon de revoir la logistique de la semaine d’initiation et d’y mettre un peu plus d’encadrement.

«À mon avis, il devrait y avoir plus de sécurité. Mais encore là, les gens doivent pouvoir se contrôler eux-mêmes». Le Délit n’a pu rejoindre un agent socio-communautaire du Service de police de la Ville de Montréal pour commenter cette nouvelle tendance à la responsabilisation des organisateurs. Malgré tout, certains incidents graves sont survenus au cours des dernières années. On se rappellera notamment la mort d’un étudiant à Chicoutimi l’an dernier et celle d’un étudiant de la région de Québec quelques années auparavant pour cause d’intoxication trop élevée. À cet égard, Freeman se fait claire: «Nous faisons ce que nous pouvons, mais en même temps ces jeunes rentrent à l’université et doivent être responsables des conséquences de leurs gestes. S’ils ne peuvent contrôler leur degré d’intoxication, nous sommes là pour intervenir, mais nous ne pouvons être là partout et à tout moment. […] Nous ne souhaitons pas que ça [le décès d’une personne] arrive, et c’est pourquoi nous faisons notre possible pour nous conformer aux règlements». x



11

xLe Délit • 13 septembre 2005

Que la douceur soit…

cultureartsvisuels

La galerie [sas] présente Intra de Roger Proulx tandis qu’Audrey Kawasaki continue à faire un tabac dans les galeries de Los Angeles. YNÈS WU

D

euxième semaine d’école et retour au café, aux auditoriums et aux nuits sans fin. Et bien que le rougissement des feuilles et les cieux limpides annoncent un bel automne, on ressent un brin de mélancolie pour les douceurs d’été. Finies les grasses matinées, la lumière épurée et la chaleur épaisse qui ont données un élément de rêverie même aux journées les plus banales des quatre mois passés. Pourtant, en quelques images imprégnées de couleur café au lait, rose délavé et blanc fragile, tout l’été ressort de la mémoire et revient

à la vie : des cheveux rouges qui étincellent aux rayons de soleil, des lèvres qui suintent de sensualité, des draps froissés par de longues heures de sommeil. Comme s’il suffisait de quelques images pour prolonger les dernières lueurs de l’été, ne seraitce que pour de tous petits instants. Voici donc deux artistes à explorer. Dégustez des moments d’intimité, de fragilité, mais de douceur avant tout. Roger Proulx Des œuvres de Roger Proulx sont exposées jusqu’au samedi 24 septembre à la galerie [sas] dans

le cadre du Off Festival du Mois de la photo à Montréal. Cette nouvelle exposition, s’intitulant Intra, regroupe une quinzaine de photos prises pendant les mois d’été 2004 et 2005. Les prises de Proulx véhiculent une simplicité qui rend la vie privée et l’intimité du sujet photographié palpables aux spectateurs. La mise en scène est sobre et dépouillée, les couleurs sont pâles, la peau démaquillée : tout offre des moments de vie qui se déroulent en territoires familiers. L’ensemble de photos est un réel hommage au chez-soi. Une visite de la galerie ne prend que quelques minutes. On ne s’adonne pas à des réflexions profondes ou bouleversantes. C’est plutôt des sentiments pures et simples qui y sont générés. Quelques minutes de repos. Un soupçon d’être. Audrey Kawasaki Il est fort probable que peu d’entre nous auront l’occasion de voir en chair et en os les peintures à l’huile sur bois d’Audrey Kawasaki, puisqu’elles se trouvent à Los Angeles. L’artiste, originaire du Japon, a complété sa formation en peinture à l’Institut Pratt de Brooklyn (New York) et se forge maintenant une réputation au sein

Les prises de Proulx véhiculent une simplicité qui rend la vie privée et l’intimité du sujet photographié palpables aux spectateurs.

du monde des arts visuels à Los Angeles en vendant pratiquement toutes ses œuvres à chacun de ses vernissages. Son art se distingue par des couleurs opaques et onctueuses et des traits fins et assurés. La plupart de ses tableaux ont pour sujet des jeunes filles, peut-être un peu trop jeunes parfois, sexualisées, regorgeant de désir et de passion. Un peu conte de fée, un peu porno chic. Un mariage entre réalité et dessins animées : une fusion d’art nouveau et de Manga. Sa prochaine exposition collective, Enjoy by, aura lieu au Project Gallery, 5016

Les Revenants

boulevard Venice à Los Angeles, jusqu’au 2 octobre. Mais comme un ticket d’avion dépasse largement nos moyens d’étudiant, une visite sur son site web, www.audreykawasaki.com en vaut la peine. x Les œuvres de Roger Proulx se trouveront à la galerie [sas], au 372 rue Sainte-Catherine Ouest, Espace 416, jusqu’au 24 septembre. Audrey Kawasaki télécharge également beaucoup de ses œuvres sur son blog : My muse www.livejournal.com/users/i_seldom_ do.

cultureartsvisuels

Les Revenants : une exposition se tenant au centre MAI dans le cadre du festival du Mois de la Photo. CLÉMENCE REPOUX

J

’ai assisté au vernissage de l’exposition Les Revenants ce samedi 10 septembre au MAI (Montréal, Arts Interculturels) et certains des artistes participant au festival du Mois de la Photo à Montréal ont pris la parole pour présenter leurs œuvres.Celle qui les a introduits, Martha Langford, la commissaire générale du festival, a rappelé très justement dans son discours que la question à se poser quand on est devant une œuvre d’art n’est pas : « Pourquoi cette œuvre d’art est telle qu’elle est? », mais « Pourquoi suis-je ici? » Qu’est-ce qui m’amène? Qu’est-ce que je recherche? Cette question est celle qui amène à toutes les autres : qu’est-ce que je trouve dans cette œuvre, qu’est-ce qui me parle, qu’est-ce qui me gêne?... Il est bon de garder ce type de questions en tête quand on se promène parmi les revenants.

Parmi les collaborateurs de l’exposition Les Revenants, Barbara Astman s’intéresse au mouvement à l’intérieur de la photographie.

Cette exposition entre dans le cadre du festival du Mois de la Photo à Montréal dont le thème, cette année, est « Image et Imagination ». Ce festival a donc pour but d’explorer le rapport entre l’œil et le cerveau, entre l’œuvre et le spectateur. L’exposition Les Revenants cadre parfaitement dans cette dynamique puisqu’elle

explore le surnaturel, le non-réel et la possibilité de créer, dans le regard du spectateur, la vision de quelque chose qui n’existe pas.Ce postulat peut paraître incroyable, c’est pourquoi je vous invite à aller promener votre œil cartésien au MAI et en juger par vous-même. Quatre artistes participent à cette exposition, jouant

brillamment avec ces notions de perception,d’imagination, et sondant la dimension « spirituelle » de la photo. Barbara Astman, s’intéressant au mouvement à l’intérieur de la photographie, présente sa série de Dancing with Che. Ted Hiebert présent Chimeras dans lequel il s’intéresse à la perte d’identité due au bombardement médiatique sur le corps. Martyn Jolly a étudié l’œuvre d’une voyante, Ada Dene, qui prenait des photos truquées de ses clients et leur faisait croire que les ombres apparues sur les photos étaient le visage de la personne disparue qu’ils cherchaient à contacter. Il est venu au vernissage pour présenter son œuvre Faces of the Living Dead et a expliqué ce qui l’intéressait dans ces photographies. Le plus important pour l’artiste était le désir des gens de croire qu’ils voyaient l’être cher sur

ces photographies. Roberto Stephenson expose ses inquiétants Haitian Portraits. Il juxtapose les portraits qu’il a fait de différentes personnes haïtiennes. Il crée ainsi le visage de quelqu’un qui n’existe pas vraiment, mais pourrait exister. C’est ce qui rend cette image troublante. Cette exposition, bien que très brève, vaut vraiment le détour, si ce n’est que pour vous faire découvrir le MAI qui est à cinq minutes de McGill. Profitez-en pour prendre le programme du Mois de la photo, il y en a vraiment pour tous les goûts! Et n’oubliez pas de vous demander pourquoi vous êtes là! x Pour plus d’information, visitez le www.m-a-i.qc.ca et le www. moisdelaphoto.com.


12

xLe Délit • 13 septembre 2005

Exutoire

culturecinéma

Soyez les bienvenus dans 2046, un monde créé par Wong Kar-Wai. DAVID PUFAHL

L

’amour perdu est un filon qui a été exploité de toutes sortes de façons par beaucoup de réalisateurs. Le dernier opus de Wong Kar-Wai, l’enfant terrible de Hong Kong qui nous a donné Les Silences du désir il y a quelques années, va dans ce sens. En effet, 2046 est une suite de son précédent film qui en explore les mêmes thèmes, mais qui, malheureusement, ne nécessite pas le visionnement du premier film. C’est un peu comme les deux films célèbres de Denys Arcand (Le Déclin de l’empire américain et Les Invasions barbares) : c’est un avantage d’avoir vu le premier avant le deuxième, mais pas une nécessité. Cela étant, 2046 nous montre un homme qui affronte un chagrin d’amour d’une façon quelque peu inusitée. L’action se déroule à la fin des années 60. Le journaliste Chow Mo Wan (Tony Leung ChiuWai) quitte Singapour après avoir remboursé des dettes de jeu grâce à l’aide inespérée d’une mystérieuse femme au gant noir (Gong Li). Maintenant à Hong Kong, il redécouvre une chambre d’hôtel (le numéro 2046, bien évidemment) où il était tombé amoureux d’une femme mariée nommée Su Li Zhen (Maggie Cheung, dans une brève apparition). Il loue la chambre voisine et commence à écrire un roman de science-fiction

où tout le monde veut se rendre à 2046, une ville où tous les souvenirs redeviennent réalité. En plus de s’inspirer de son amour perdu, il y incorpore plusieurs autres femmes qui entourent sa vie en ce moment : la fille du propriétaire de l’hôtel (Faye Wong), amoureuse d’un japonais en exil dans son pays d’origine et l’occupante actuelle de la chambre 2046 (Zhang Ziyi), une femme avec laquelle il débutera une liaison. S’inspirer d’expériences passées et présentes pour écrire un roman n’est pas sans précédent. En fait, beaucoup d’auteurs font la même chose que le personnage. Dans ce cas-ci, par contre, l’histoire du roman n’a pas beaucoup d’importance en soi. Il est vrai que les quelques séquences se déroulant dans le futur sont impressionnantes, mais ce n’est rien en comparaison avec l’angoisse que le personnage principal subit dans la réalité. Il se sert de son écriture comme exutoire afin d’extérioriser son malaise. Certaine touches scénaristiques donnent au film un aspect plus léger. Par exemple, même si le film est en cantonais, japonais et mandarin, quelques chansons de la trame sonore sont en anglais. En effet, plusieurs scènes-clés du film se déroulent pendant le temps des fêtes et quelques chansons traditionnelles

Un petit aperçu de ce que le monde de 2046 nous offre…

de Noël en anglais viennent agrémenter l’atmosphère plutôt pessimiste de l’intrigue. En faisant cela, le réalisateur nous permet de respirer à quelques occasions. Tous les acteurs principaux s’acquittent de leur tâche respective avec honneur et conviction. En particulier, Tony Leung Chiu-Wai incarne la nostalgie et le désespoir dans son rôle. Même lorsqu’il a l’air d’être heureux avec ses multiples conquêtes féminines, il y a toujours

quelque chose dans son regard qui nous fait douter de son bonheur. Jouer deux émotions contradictoires au même moment est assez difficile, mais il réussit à s’en tirer. L’histoire mouvementée de la présentation de 2046 au festival de Cannes en 2004 mérite d’être soulignée. La pellicule du film était arrivée trois heures avant sa première au festival, ayant été retardée parce que le réalisateur n’avait pas fini de monter son film

Silence on court! Pour tous les âges ?

et que les effets spéciaux pour les séquences futuristes n’étaient pas encore au point. Je n’ai pas vu la première ébauche de ces effets spéciaux ni ce premier montage, mais je puis vous assurer que le produit fini mérite d’être vu. C’est un excellent drame sentimental qui tire avantage de belles images et d’une réalisation impeccable afin de nous raconter une histoire vieille comme le monde. x

culturecinéma

Admission générale pour petits et grands au Cinéma Beaubien du 9 au16 septembre. VIRGINIE FORESTIER ilence, on court! présente Admission générale, quinze courts métrages en provenance du Québec, de la France et de l’Italie, assurant au public qu’il s’agit d’un programme farfelu à voir en famille. L’affiche représentant des personnages sortis de bandes dessinées, une pieuvre et un extra-terrestre vert dessinés à la main, nous le confirme aussi. Puis, la série de films se déroule sous nos yeux et nos illusions disparaissent. Un vaisseau spatial atterrit au milieu d’un paysage de campagne. L’extra-terrestre représenté par un homme orange en sort et se gambade joyeusement à travers les champs juste avant que sa tête explose, atteinte par des chasseurs l’ayant pris pour du gibier. De son côté, la pieuvre géante et dégoulinante d’eau sale rampe dans la salle de bain d’un jeune homme qui essaye en vain de s’en débarrasser… elle le hante même dans ses rêves. Si l’on détourne son regard de l’écran, on remarque les effets surprenants du film en observant les visages ahuris des spectateurs. Les parents semblent inquiets du contenu de cette diffusion. Les enfants, eux, s’amusent. Malgré les scènes violentes, les idées exprimées s’adressent souvent aux plus jeunes.

S

L’Effet secondaire décrit l’univers particulier du secondaire, ainsi que les relations entre filles et garçons qui évoluent à partir de cet âge. Les leçons illustrées sont présentées à l’aide de super héros et d’amis imaginaires auxquels s’adressent les personnages. Ainsi, les plus jeunes s’identifient facilement au petit garçon caché sous son lit dans Le Personnage imaginaire. La Saisie soulève une question importante et récurrente en politique : pourquoi? Le Ministère des ressources naturelles vient couper la végétation dans le jardin d’un citoyen, ne lui laissant que 8 p. cent de celleci. On remarque aussi l’effet émotionnel des déboisements sur la population à travers une petite fille qui met un pansement sur son arbre qu’elle considère malade. Après deux bonnes heures passées en salle de cinéma, on en sort mieux instruit, perplexe et un peu apeuré. x Admission générale est présenté jusqu’au 16 septembre, au cinéma Beaubien, 2396 rue Beaubien Est. Pour plus d’information, visitez le www.silenceoncourt.com.

Admission générale fait passer ses messages par la bouche de super héros et d’amis imaginaires auxquels s’adressent les personnages.


13

xLe Délit • 13 septembre 2005

Un film juste et touchant

culturecinéma

Le film C.R.A.Z.Y., sélectionné pour le Festival Inernational du Film de Toronto, raconte l’histoire d’un Québecois cherchant à s’affirmer en dépit des conventions. NICHOLAS BELLEROSE

D

epuis déjà seize semaines, ce film québécois a pris l’affiche sur nos écrans et son succès ne cesse de grandir.En effet, le long métrage du réalisateur JeanMarc Vallée a jusqu’à maintenant récolté un impressionnant cinq

Portrait d’une famille québécoise sortant du joug des traditions.

millions de dollars au box-office du Québec. Étant aussi une œuvre artistique achevée, C.R.A.Z.Y. a été sélectionné au Festival International du Film de Toronto et au prestigieux Festival de Venise. Ainsi, ce film juste et touchant réussit à traiter des sujets universels tout en ayant comme tableau de fond un Québec en pleine transformation. Nous sommes le 25 décembre 1960. La famille Beaulieu voit naître Zachary, le quatrième membre de la famille. Voir le jour en cette journée de Noël est déjà unique et très spécial, surtout dans un Québec où la religion et les valeurs traditionnelles tiennent encore une place importante. Pendant cette première partie du film, Zachary nous est montré dans son environnement familial où le père représente le modèle de masculinité, sa mère est d’une grande sensibilité et le reste de ses frères sont tous bien différents. Dans cette famille typique, chacun essaie

de faire sa place, mais la nature de Zachary le place à part des autres. Dès cette période, il s’aperçoit de son homosexualité. C’est à partir du jour où il s’aperçoit que l’attitude de son père a changé qu’il essayera de refouler son homosexualité et regagner sa fierté. Par la suite, le film fait un saut dans le temps pour se consacrer à la période de turbulence des personnages. On se retrouve en 1975, Zachary devient de plus en plus conscient de son homosexualité et la combat plus férocement. C’est aussi une période de découverte. On essaie la drogue, les nouveaux looks, la musique.Tout ce déroulement se produit avec un approfondissement des personnages et avec un décor identique à celui des années 70. Le réalisateur nous fait ainsi connaître une à une les facettes des personnages, ce qui les rend très attachants. L’adolescence achevée, Zachary arrive à l’âge adulte en 1980 et le

spectateur peut comprendre qu’un moment de rupture s’annonce. On comprend qu’il y a un désir de liberté prononcé : la crise d’identité terminée, il est temps de s’assumer. Les relations familiales sont plus difficiles, mais cela amène à des affrontements nécessaires pour faire voir la vérité sur chaque membre de la famille. Le résultat est dramatique et cela nous rappelle une bonne leçon de vie. Finalement, le film de Vallée touchera une corde sensible pour plusieurs d’entre vous. Chacun a son histoire de famille, ses anecdotes, ses conflits, ses souvenirs et ses bonheurs dans lesquels le spectateur pourra se retrouver. Les dialogues, la façon de parler, de penser, sont typiquement québécois, mais le contenu dépasse ces frontières. Les images, les prises de vues et la musique rajoutent une profondeur. Les acteurs y sont aussi très efficaces et soutiennent parfaitement le film. Michel Côté en père de famille, souvent tiraillé

Love & the Machine

entre son amour pour ses fils, sa sévérité et ses principes masculins, nous livre une de ses meilleures prestations. La mère, interprétée par Danielle Proulx, est aussi d’une grande justesse. Elle nous démontre combien les mères ont souvent un amour inconditionnel envers leurs enfants et supportent beaucoup de responsabilités à l’intérieur d’une famille. Le personnage principal incarné par Marc-André Grondin est aussi très bon, mais manque peutêtre un peu de profondeur. Il faut mentionner aussi que les autres frères jouent tous un rôle clé dans cette famille. Il faut remarquer ici le jeu très crédible de Pierre-Luc Brillant en rebelle et autodestructeur. Enfin, C.R.A.Z.Y. est un film à voir, seul ou en famille, pour nous faire vivre des beaux moments, mais aussi pour nous faire nous questionner et trouver des réponses sur notre passé, notre présent et bien se positionner face à notre avenir. x

culturevariété

Love & the Machine, un évènement pluridisciplinaire, eu lieu samedi dernier à la Société des arts technologiques. CLÉMENCE REPOUX

A

rscenique Productions est un organisme visant à promouvoir des artistes prometteurs en organisant des évènements pluridisciplinaires sous un thème commun. Le thème «Love & the Machine» représente le « désir de réincorporer l’organique dans l’entourage rigide et structuré de la vie urbaine ». Un grand nombre d’artistes représentant différentes disciplines étaient présents et chacun exprimait à sa façon, dans son œuvre, le sentiment d’appartenir à une époque où l’électronique est étroitement liée à l’humain. L’espace se divisait en différentes sections. Une partie était réservée au vernissage des œuvres d’art visuel. Différents artistes présentaient leurs œuvres, toutes correspondant au thème de « Love & the Machine ». Scott MacLeod exposait dans une pièce sombre, fermée de rideaux et éclairée de bougies : une œuvre au caractère mystique intitulée Sacred Feminine and Masculine. Deux séries de photographies, d’un côté masculines, de l’autre féminines, représentaient des personnes à chaque âge de la vie: naissance, enfance, adolescence, maturité, vieillesse..., entourées de symboles

mystiques et artistiques. Scott MacLeod a reçu une bourse en recherche et création artistique du Conseil des Arts et des Lettres du Québec pour ce projet. Les œuvres d’autres artistes étaient exposées dans une salle d’exposition plus conventionnelle. Les artistes représentés étaient Joanna Rosciszewska, Dita Kubin, Shawna Burns, Chantale Leclerc, Gary Cowan et Dona Daher. Au milieu de l’espace d’exposition se trouvait un écran géant sur lequel étaient projetés les films de différents artistes dont Raymon Fong, Scoutabout Films, Allen McEachern, Stephen H Kawai et Melanie Garcia. Tout au long de la soirée, différents artistes musicaux ont fait entendre leurs rythmes qui accompagnaient harmonieusement la projection de ces films plus ou moins oniriques. Ces artistes étaient Deadbeat, Radarsat, Wayback Machine, Franky Fontaine, Mr.Goodvibes, Quadraceptor, Vitaminsforyou et SickPuppy, Vorpal. Le groupe NWAR accompagnait le défilé de mode qui s’est tenu plus tard dans la

soirée. Ce groupe est constitué d’un DJ et d’une chanteuse. Leur musique est une lutte entre le rythme de la musique électronique et la douceur de la voix féminine. Quelle meilleure façon d’exprimer la tension du thème « Love & the Machine »? Le défilé de mode était une collaboration entre les stylistes de Ritual Designs qui créent des vêtements à partir de corsets en vinyle, et de Lydia Lukidis, une grande bijoutière dont les créations ajoutaient une touche romantique à l’œuvre. La combinaison des deux styles a fait sensation, clôturant ainsi une soirée des plus inspirantes. Arscenique Productions organise une suite intitulée Moving Love à l’évènement Love & the Machine pour prolonger la visibilité des artistes visuels participants. L’événement va ainsi être présenté à différents endroits de Montréal et ses alentours pendant toute l’année. x Pour plus d’information visité les www. sat.qc.ca, www.arscenique.org et www. ritualdesigns.com.

Arscenique Productions vise à promouvoir des artistes prometteurs en regroupant art, photographie et mode.


14

xLe Délit • 13 septembre 2005

Anik Jean : portrait d’une artiste en devenir

culturemusique

Montréal assiste au lancement (suivi de l’envol de l’artiste) du premier disque d’Anik Jean, artiste en devenir. AGNÈS BEAUDRY

L

eTrashy saloon, une nouveauté un peu difficile à classer, point que l’on ait besoin de tout classifier. En conséquence, j’en tracerai le portrait suivant que je vous invite à retoucher à votre guise après avoir écouté vousmême le nouveau disque d’Anik Jean : une sonorité où se mêle la mélodie du chansonnier québécois (dont la version moderne a revêtu la toge du Grand loup) avec la poésie musicalisée toute française, « touchy puisqu’en français faut que la prononciation sonne bien avec la mélodie », rehaussée par une pincée de rock pour réveiller ceux qui se seraient endormis sans rêver. J’ai eu le plaisir d’assister au lancement du premier disque d’Anik Jean, Trashy saloon. Incitée par Jean Leloup à revenir de Californie où elle s’était évadée pour apprendre « la vie », elle suspend le lancement d’un disque qu’elle vient d’enregistrer dans les studios Paramount avec World’s End pour venir au Canada créer quelque chose qui sera d’elle, et non un produit conformiste qu’on lui aurait imposé. Lors d’une

Son regard séducteur et perçant est à l’image de sa personalité rebelle.

interview, elle me dit : « Le monde a trop de limites, ils ne sont pas assez rêveurs et ça me rend triste. Les gens acceptent le rationnel, la réalité, mais moi je vis dans mes rêves. » C’est ce qu’elle veut pouvoir partager avec son public et qu’elle n’aurait pu faire avec son premier label. Elle me dit avoir maintes fois donné des concerts sans y trouver ce

qu’elle cherche, où sans se trouver elle-même. « Quand je donne un show, je veux embarquer le public pendant quarante-cinq minutes, changer leur vie en quelque sorte. Quand j’allais voir Jean Leloup, je vivais une expérience. C’est ça que je veux faire au public. C’est cool quand un show peut changer quelqu’un. Je veux pas qu’on me

culturemusique

L’été à Montréal, c’est show! La scène musicale de Montréal en a vu de toutes les couleurs cet été, allant des symphonies urbaines du Festival de jazz au metal reggae du groupe Skindred. ALEXANDRE VINCENT

L

’été à Montréal, c’est l’occasion de voir plusieurs concerts pour une bouchée de pain. La dernière tournée estivale fut plus que garnie pour la métropole. Faisons un survol rapide. Prêt ? On part ! La St-Jean des Cowboys Fringants (avec Loco Locass, Dumas, Stephen Faulkner, les Zapartistes, Monon’c Serge) a gagné son pari, celui de faire une Saint-Jean politisée. Du côté des grands événements, le Festival de j azz a osé présenter Champion, un québécois, à la tête du grand événement, la tempête Vans Warped Tour a déferlé sur la métropole (je vous en parle plus loin), les Francofolies ont rapatrié le punk garage des années 80-90 en invitant Parabellum et en ressuscitant les Secrétaires Volantes. De plus, ils ont aussi présenté ce qui fut le dernier concert montréalais d’un des plus grands groupes rock du Québec, Groovy Aardvark. Groovy est mort, vive Groovy ! Essoufflé? Ce n’est pas fini! Les

Black Eye Peas ont enflammé le Stade Uniprix, les vieux Doors sont revenus une deuxième fois en deux ans et Cold Play est maintenant au sommet de sa gloire. La fin août fut, par contre, beaucoup plus lourde avec System of a Down et le Gigantour (Megadeath, Dream Theater et Fear Factory) dans la même semaine. SOAD est maintenant le groupe hard de l’heure et ils l’ont prouvé avec un spectacle percutant. L’alignement des chansons était solide et Daaron Malakian s’est avéré un guitariste de premier plan. Quant au GIGAN Tour, où le t-shirt noir et les cheveux longs étaient pratiquement obligatoires, il offrit plus de six heures de pure défonce. Revenons au mois de juillet. Cette année, le Vans a eu lieu à l’Hippodrome Blue Bonnets (dans le nord-ouest de la ville) au lieu du site traditionnel, soit l’île SteHélène, compétition FINA oblige. A-t-on vu une différence? Pas du tout. Les milliers de petits punks, skaters, fashion-punks, grunges et

autres se sont quand même amassés dans une arène remplie de scènes, de kiosques de linge et de vendeurs de démos à cinq dollars pour vingt groupes, le tout enrobé de fumée bleue. Malgré toute l’énergie déployée par les Thrice, My Chemical Romance, MXPX et les vieux routiers Offspring (groupes convoités par la masse), c’est un jeune groupe qui offrit la meilleure prestation de la journée, et de loin. Son nom ? Skindred. Skindred est une formation qui mélange le reggae et le métal. Oui, oui ! La musique lourde de Satan côtoie les textes d’amour et de paix chère au reggae. Encore plus heavy en concert que sur disque, Skindred offre un mélange très bien réussi. Difficile à croire, mais vrai ! Leur album se nomme Babylon : profitezen, il n’est pas dispendieux ces temps-ci. x Vous pouvez visiter leur site web au www.skindred.com.

mette dans une boîte et c’est ça que voulait faire la première maison de disque. » Dès ses débuts, elle se prouve donc capable de faire contrepoids aux pressions des demandes publicitaires et médiatiques. Une anecdote qui me plaît : juste avant le lancement de son disque, elle se transforme de noire en blonde. Fi à l’image, fi aux conventions, fi à la boîte et bonjour au ciel! Après lui avoir parlé et avoir senti le désir profond qu’elle a de simplement faire ce qu’elle aime, je n’ai aucun doute que l’assurance et l’intégrité de cette toute nouvelle artiste résistera au conformisme du main stream, cela surtout quand elle me dit : « Ce que j’aime de Leloup, c’est qu’il fait à sa tête. J’aime les gars rebelles. Il n’y a pas assez de filles rebelles. » Tant que la rebelle ne rendra pas ses armes, un nouvel intérêt fleurira. Voilà, en bref, la personne, et maintenant, la musique, qui je l’avoue aurait dû venir avant. Un disque où la moitié des chansons sont écrites en français et l’autre en anglais ne peut que plaire à une

acadienne qui a parlé un dialecte de cette forme toute sa jeunesse. C’est un disque tout à fait montréalais : si ce n’était du nom francophone de la fleur naissante, on ne saurait où en sont plantées les racines. (Justement, Anik Jean n’en a pas, elle les a coupées lorsqu’elle était pilote d’avion, avant de s’envoler en Californie pour faire de la musique.) De façon assez marquée, les chansons anglaises sont plus rocks, et les françaises, à la Carla Brunis parfois, d’autres à la Leloup, et d’autres à la Jean sans autres références. Bref, pour un premier disque, l’influence est encore assez marquée, mais l’on sent déjà que l’oiseau s’envole, que la jeune artiste dessine son portrait, portrait qui sera sans doute dynamique, portrait d’une artiste en devenir. x Le Trashy saloon est en magasin sur l’étiquette Tacca Musique. Pour plus d’information, visitez le www. anikjean.com.

Calendrier McGill Musique • Soirée jazz au Gert’s - Jake Drummond et son groupe suivi d’un jam - mercredi 14 septembre - 21h30 - Pavillon Shatner, Bar Gert’s - (514) 398-6799 ou ce@ssmu.mcgill.ca • Récital de maîtrise (orgue) - Garth MacPhee - vendredi 16 Septembre - 20h - Église de l’Immaculée Conception (Papineau, angle Rachel) - entrée libre - (514) 398-4547 ou www. mcgill.ca/music/events/concerts. • Récital de B.Mus. Mélisande McNabney (piano), Œuvres de Beethoven, Brahms et Prokofiev - Pavillon de musique Strathcona, Salle Pollack - entrée libre - (514) 398-5145, (514) 3984547 ou www.mcgill.ca/music/ events/concerts. Cinéma • Mr. Mergler’s Gift et Apointment with the Wise Old Dog (suivi d’une conférence de Johanne de Montigny) - McGill Programs in Whole Person Care - mardi 13 septembre - 19h - Pavillon des Arts, Moyse Hall - 10$, 5$ étudiants - (514) 3982298 ou wpc.oncology.mcgill.ca. • Goodbye Lenin! - McGill East European and Russian Film/Documentary - mardi 20 septembre - 18h - Pavillon des

arts, salle 265 - (514) 398-6843 ou (514) 398-6120 Lectures publiques • Food for Thought 2005: Nobody’s fuel - Douglas Lightfoot (McGill Global Environment and Climate Change Centre) - mardi 13 septembre - 19h - Pavillon Raymond, salle R2-045 - (514) 398-7707 • Borderlands, Feminist Ethnography and the Histories of Sara Baartman and the Hottentot Venus - séminaire de Pamela Scully (Women’s Studies and African Studies, Emory University) - jeudi 15 septembre - 16h à 17h30 Pavillon des Arts, salle 160 - (514) 398-3911 ext. 3 • Women and Leadership Program présenté par le McGill Centre for Research and Teaching on Women (MCRTW) - 3487 rue Peel - entrée gratuite avec inscription - lundi 19 septembre - 16h à 18h – contact : Cy-Thea Sand (514) 398-3911 ext. 5

x Pow Wow • Pow Wow annuel de la First People’s House - jeudi 15 septembre - 10h à 16h - campus principal, lower field - http:// www.mcgill.ca/fph/events.


15

xLe Délit • 13 septembre 2005

Opeth Ghost Reveries (Roadrunner)

A

près quelques secondes de calme, la tempête qu’est Ghost Reveries éclate. Dès les premiers titres, la promesse du chanteur Mikael Åkerfeldt de créer un opus inspiré du black metal est tenue. « Ghost of Perdition » et « The Baying of the Hounds » sont sombres bien que mélodiques, travaillées bien que directes. La voix maintenant légendaire d’Åkerfeldt, qui passe du hurlement guttural au chant d’un enfant de chœur avec une maîtrise parfaite, est une des forces du groupe. Encore sur Ghost Reveries, cette schizophrénie vocale s’opère dans la plus pure tradition « opethienne » et chaque acte est entrecoupé de séquences instrumentales mémorablement mélodiques. « Reverie/ Harlequin Forest » en est un bon exemple. Parmi les huit titres, « Beneath the Mire » ressort du lot. La cadence du batteur Martin Lopez et les solos de Peter Lindgren à la guitare sont impressionnants et particulièrement saccadés. La chanson introduit également le claviériste Per Wiberg (Spiritual Beggars) avec une ouverture digne des Mille et une nuits. À noter que la nouvelle recrue change considérablement Philippe B Philippe B (Proxenett)

C

’est tout en douceur que Philippe Bergeron, aka Philippe B, lance son premier album solo. Le leader du groupe Gwenwed et guitariste de Pierre Lapointe a profité d’un temps mort dans son horaire chargé pour enregistrer son premier disque éponyme. Avec une simplicité désarmante, ce jeune auteurcompositeur-interprète nous livre des textes à saveur folk-américaine, amenant avec lui un romantisme nouveau. Puisant autant dans sa propre vie, comme dans « Archipels », que dans l’imagination collective de son audience (« la Ballade de calamité et fil de fer » ou encore « Canyon »), Philippe B est autant conteur que chansonnier. Il puise dans l’Amérique moderne pour nous

la dynamique. Parfois, on en vient même à la saturation (« Atonement »). En quelque sorte, les synthétiseurs et le mellotron complémentent les mélodies de guitare acoustique auxquelles les chefs d’œuvres « Face Of Melinda » et « Harvest » nous avaient habitués. De son côté, la basse de Martin Mendez semble un peu terne et ne fait qu’accompagner les guitares. Ceux qui apprécient le côté aérien du groupe ne seront pas en reste avec « Hours of Wealth » et « Isolation Years ». Après avoir vacillé pendant quelques mois sans maison de disques, les maîtres du death metal progressif ont choisi de se joindre au label américain Roadrunner, une filiale du groupe Universal. Nombreux sont ceux qui voyaient là la fin de l’Opeth de qualité, libre des gurus de la musique commerciale. Leurs craintes étaient justifiées, mais ne se sont heureusement pas réalisées. Ghost Reveries est un excellent album. Les superlatifs manquent pour décrire la musique d’un groupe qui a révolutionné le métal dès ses débuts il y a maintenant dix ans. Si vous n’avez jamais écouté Opeth, commencez plutôt par Morningrise ou Orchid. x ALEXANDRE DE LORIMIER Opeth sera en concert le 29 octobre prochain au Medley.

amener en voyage à travers ses chansons, nous guidant sans jamais vraiment nous montrer le chemin. Enregistré aux deux tiers dans le salon montréalais du chanteur, l’album est dépourvu de grands arrangements musicaux, l’artiste préférant se montrer seul avec sa guitare. Philippe B fait tout de même preuve d’originalité, il utilise des échantillons de Debussy et de Fauré pour simuler un orchestre sur plusieurs de ses chansons, notamment sur la magnifique ballade « Philadelphie». L’album n’est cependant pas sans défaut et certaines des chansons pourraient être retravaillées, voire même laissées de côté. L’album est aussi un peu court, nous laissant quelque peu sur notre faim. C’est tout de même un album magnifique que Philippe B nous livre comme premier essai. Un artiste à surveiller et surtout à écouter. À recommander pour tous les amateurs de musique douce et de chansonniers. x SAMUEL ST-PIERRE THÉRIAULT

Choqué? Désabusé? Scandalisé? On attend vos commentaires. Une seule adresse: redaction@delitfrancais.com



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.