LES
DIX ANS DU RÉFÉRENDUM DOSSIER PAGES
Le seul journal francophone de l’Université McGill.
Volume 95, numéro 6
Le mardi 25 octobre 2005
www.delitfrancais.com
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Le Canada perd des feuilles depuis 1977.
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Europe et États-Unis : deux solitudes ?
nouvellesinternational
Alain Juppé devant le Conseil des relations internationales de Montréal. JEAN-MICHEL MARTIN
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e Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) donnait, le 20 octobre dernier, la parole à l’ancien premier ministre français Alain Juppé. L’événement se déroulait au prestigieux hôtel Ritz Carlton dans le non moins prestigieux Salon ovale. Salade de jeunes épinards, filet de saumon sauté et carré aux pommes croustillant étaient au menu: l’allocution allait se faire dans une atmosphère de déjeunercauserie. Rassasié, M. Juppé entama sa conférence avec sa vision du partenariat Amérique-Europe. Il débuta en soulignant qu’une comparaison Amérique-Europe était a priori illusoire: «Washington est un acteur souverain, fonctionnant unilatéralement dans un contexte classique de relations interétatiques. L’Union européenne n’est pas un État, ni national, ni supranational; elle est diverse et traverse aujourd’hui une période de grande incertitude.» Il n’en fallait pas plus pour comprendre quel poste occuperait chaque partie au cours de l’entretien… D’ailleurs, M. Juppé ne cache pas que son propre mot d’ordre –«ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise»– perd aujourd’hui de son sens: divergences sur la manière de traiter les biens culturels (l’Europe est soutenue par le Canada sur le projet de convention relative à la diversité culturelle dans l’enceinte de l’UNESCO), dans la gestion des crises (nous ne reviendrons pas sur le cas de l’Irak), sur le projet américain d’initiative de défense stratégique (la Guerre des Étoiles)… Toutefois, le vrai terrain de conflit est monétaire:
Qui est Alain Juppé?
l’euro fait bien mal paraître le dollar (M. Juppé reconnaît cependant que le concurrent le plus sérieux des États-Unis en terme d’accès aux marchés des biens manufacturés demeure de loin la Chine). Selon l’ancien homme d’État, les attentats du onze septembre et la deuxième guerre en Irak y faisant suite ont fait état de ruptures entre les deux continents. Des sondages illustrent que, depuis
2001, les populations américaines et européennes ne se considèrent plus comme des alliés respectifs. D’autres évidences sociales, comme le libéralisme des mœurs européennes vis-à-vis du conservatisme américain, ont également été soulevées. L’écart se creuse et ce, sous plusieurs formes. Pourtant, M. Juppé croit que resserrer les liens entre les deux parties est une chose possible et
souhaitable. Il effleure en passant les nombreux points de convergence tels la lutte contre le terrorisme, contre la prolifération d’armes nucléaires, ainsi que la mise en œuvre de certaines opérations de maintien de la paix, et bien sûr, la démocratie, l’État de droit, la défense des droits de l’Homme… Mais, ajoute-t-il, «il faut évidemment être deux pour réussir un partenariat!» x
Détenteur d’un baccalauréat à 17 ans, Alain Juppé fait ses classes à l’École normale supérieure, à l’Institut d’études politiques de Paris, puis à l’École nationale d’administration d’où il sort à 27 ans. Les postes gouvernementaux se succèdent alors. D’inspecteur des finances à ministre des Affaires étrangères en passant par conseiller au Rassemblement pour la République (RPR) et député de Paris, Alain Juppé est finalement nommé premier ministre en 1995 après l’élection de Jacques Chirac. Son curriculum est impressionnant, mais une affaire de financement illégal, entre 1983 et 1995, entache sa réputation. Du personnel oeuvrant pour le RPR, son ancien parti politique, aurait ainsi été rémunéré à même les fonds de la Ville de Paris. Les tribunaux français l’ont reconnu coupable d’abus de confiance, de recel de biens sociaux, de prise illégale d’intérêts et d’acte criminel grave dans l’exercice de ses fonctions. Condamné à 14 mois de prison avec sursis, on l’exclut de la vie publique française pour un an. Il décide donc de purger sa sentence outre-atlantique. Après avoir essuyé un refus de la part de deux universités américaines, puis avoir été repoussé par l’UQÀM, il aboutira à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP) de Montréal en qualité de professeur invité. x
Ah! Les beaux p’tits points... Participez au Délit et mettez un point final à l’ignorance. Passez nous voir au Shatner B•24 ou envoyez-nous un courriel à redaction@delitfrancais.com. Aucune expérience requise.
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Le rendez-vous manqué
éditorial
Dix ans après le référendum de 1995, la question nationale garde toute sa pertinence. DAVID DROUIN-LÊ
Le seul journal francophone de l’université McGill
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’allez pas tout de suite croire que l’auteur de ces lignes, parce qu’il utilise l’expression «rendez-vous manqué», est nécessairement un méchant séparatiste. Le référendum de 1995 aurait dû être le point tournant de l’histoire québécoise et résoudre définitivement la fameuse question nationale, autant d’un point de vue fédéraliste que souverainiste. Du côté des indépendantistes, le référendum de 1995 était cette deuxième chance, inespérée après le troublant échec de 1980. À cette occasion, les Québécois ont refusé d’accéder au concert des nations et par conséquent de prendre en main tous les leviers politiques et économiques devant leur assurer le contrôle de leur destinée collective. Pour les fédéralistes québécois, la consultation devait clore le débat sur la souveraineté et ouvrir une ère nouvelle pour le Québec en tant que province canadienne pleinement épanouie. What Does Québec Want? Une décennie plus tard, la moitié des Québécois aspirent toujours à l’indépendance. Cela signifie-t-il pour autant que les autres souhaitent simplement le statu quo? Sans entrer dans les dédales constitutionnels, les enquêtes d’opinion menées depuis un quart de siècle montrent que l’écrasante majorité des Québécois désire à tout le moins une simple reconnaissance officielle par le reste du Canada de leur caractère distinct. Le ministre libéral québécois Benoît Pelletier précisait la semaine dernière que «si les Québécois veulent être Canadiens, ils veulent néanmoins l’être à leur façon. Ils demandent que le fédéralisme soit appliqué d’une façon souple, de façon flexible, et font appel à un plus grand respect de la spécificité du Québec à l’intérieur du Canada». Cette reconnaissance minimale, le Québec l’attend toujours et il n’est pas près de l’obtenir d’un gouvernement dirigé par le Parti libéral du Canada, à en juger par les récentes déclarations de Paul Martin et de son ministre Jean Lapierre. Son prédécesseur, Jean Chrétien, a éludé la question en la balayant sous le tapis pendant huit ans. Comment? D’une part, en adoptant la Loi sur la clarté pour rendre plus difficile l’accession du Québec à l’indépendance. D’autre part, en élaborant une brillante stratégie de valorisation à l’intérieur
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Recyclage de bouteilles...
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rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : (514) 398-6784 Télécopieur: (514) 398-8318 redaction@delitfrancais.com bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone: (514) 398-6790 Télécopieur: (514) 398-8318 daily@ssmu.mcgill.ca rédacteur en chef david.drouinle@delitfrancais.com David Drouin-Lê chefs de pupitre-nouvelles nouvelles@delitfrancais.com Laurence Bich-Carrière Jean-Philippe Dallaire chef de pupitre-culture artsculture@delitfrancais.com Agnès Beaudry rédacteur-reporter Marc-André Séguin coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Alexandre de Lorimier coordonnateur de la photographie Philippe G. Lopez
du Québec de la marque de commerce «Canada», placardée à coups de centaines de millions avec tous les abus que nous connaissons aujourd’hui. Cet élégant et subtil plan d’action du gouvernement Chrétien a eu l’effet d’un traitement de psychologie inverse sur la nationalisme Québécois. Deux tentatives échouées de compromis. Le Parti conservateur souhaite dans son programme politique octroyer à nouveau plus de pouvoirs aux provinces. Mais cela ne passe pas par la reconnaissance formelle et constitutionnelle du caractère distinct du Québec. Dans la réalité canadienne actuelle, cela est tout à fait compréhensible. Lors de leur dernier exercice du pouvoir entre 1984 et 1993, les conservateurs ont tenté, d’abord par les accords du Lac Meech et ensuite par ceux de Charlottetown, de satisfaire aux demandes historiques du Québec. À chaque fois, ils se sont buté à une opposition farouche de la part de la majorité de l’opinion publique hors-Québec. Sommairement, le Québec a
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Nouvelles pistes La patience ardente dans le ghetto
jugé que ces accords représentaient un strict minimum alors que le reste du Canada anglais les considérait excessivement généreux à l’égard du Québec. Ces tentatives orchestrées de bonne foi afin d’unir les deux solitudes n’auront fait que les éloigner davantage. Au final, le Parti conservateur s’est cassé souverainement les dents, comme en a témoigné sa magistrale déconfiture aux élections de 1993 où ce parti précedemment majoritaire en chambre a été reduit au rang de tiers parti. Il en a retenu la leçon et, tout comme le Parti libéral, n’a rien proposé depuis dix ans pour résoudre la question nationale québécoise. Plusieurs en sont venus à penser que cette reconnaissance de la spécificité québécoise ne viendrait jamais et qu’ils n’auraient d’autres choix que de l’obtenir eux-même lors du prochain référendum. Pour que les Québécois s’assument finalement en tant que nation, ils ne peuvent plus compter sur le reste du Canada, mais bien que sur leur propre décision souveraine. x
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Le jazz en vedette
Les réunions de collabos, le mardi dès 16h30 au Shatner B•24, c’est encore mieux qu’un bol de soupe en hiver.
coordonnateur de la correction Pierre-Olivier Brodeur chef illustrateur Pierre Mégarbane collaboration Laurence Allaire-Jean, Mathieu Amoureux, MarieNoëlle Bélanger-Lévesque, Nicholas Bellerose, Arnaud Decroix, Éric Demers, Franco Fiori, Karin Lang, Olivia Lazare, Flora Lê, Élodie Le Cadre, Jean-Michel Martin, David Pufahl, Mathieu Renaud, Clémence Repoux, Léonid Sirota, Samuel St-Pierre Thériault, Anaïs Suchail, Sacha Tessier-Stall couverture Philippe G. Lopez gérance Pierre Bouillon publicité Boris Shedov photocomposition et publicité Nathalie Fortune the mcgill daily editors@mcgilldaily.com Joshua Ginsberg conseil d’administration de la société de publication du daily Julia Barnes, David Drouin-Lê, Joshua Ginsberg, Rebecca Haber, Mimi Luse, Rachel Marcuse, Joël Thibert, Jeffrey Wachsmuth L’usage du masculin dans les pages du Délit français vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit est publié la plupart des mardis par la Société de publications du Daily. Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et illustrations dont les droits avaient été auparavant réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé par Imprimerie Quebecor, St-Jean-sur-Richelieu, Québec. Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et de la Presse universitaire indépendante du Québec (PUIQ). Imprimé sur du papier recyclé. ISSN 1192-4608
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Insolite, étrange, bizarre et compagnie
La voix de la raison
Les douze apôtres
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JEAN-PHILIPPE DALLAIRE
e suis un progressiste, un social-démocrate, mais j’ai horreur de la pensée unique. Alors si quelqu’un de droite vient me présenter ses thèses qui confrontent les miennes, je dis «je te remercie, ça va me servir à mettre de l’avant mes propres idées». Ce manifeste, encore une fois, contient des idées un peu plus à droite, d’autres un peu plus à gauche, mais c’est un manifeste ni de droite ni de gauche. C’est de lancer un débat québécois, et ça c’est toujours très bon.» C’est l’essence des commentaires que M. Landry avait à donner aux médias au sujet du manifeste Pour un Québec lucide, rendu public par Lucien Bouchard et ses onze comparses le 19 octobre dernier. À la lecture du document de dix pages, on voit difficilement comment M. Landry peut se réjouir du «débat québécois» lancé par son ancien chef. Sauf si, bien entendu, il pense pouvoir éprouver un certain plaisir à découvrir comment son remplaçant à la tête du Parti québécois pourra se démener avec ce nouveau pavé dans la marre. Il ne faut pas se leurrer: le «constat» posé par les douze «simples citoyens» signataires du manifeste constitue au minimum une charge en règle contre l’orientation prise par le PQ depuis sa défaite d’avril 2003. Divergences patentes quant aux moyens D’abord, le virage à gauche du parti, consacré par l’adoption d’un nouveau programme à tendance sociale-démocrate en juin dernier, est remis en question par plusieurs des «solutions» préconisées par le groupe: dégel des frais de scolarité, réforme des règles d’organisation du travail, hausse des tarifs d’électricité et des taxes à la consommation, baisse de l’impôt sur le revenu, plus grande ouverture au privé, etc. Si le PQ pouvait, en faisant fi de neuf années passées au pouvoir, se retrouver à quelques endroits dans le texte, ce ne serait que dans des «solutions» faisant déjà l’objet d’un large consensus. Mais ce n’est pas tout. Selon les membres du groupe, le règlement du déséquilibre fiscal et la souveraineté sont des «solutions faciles», mais incomplètes. «Penser autrement, c’est rêver en couleur ou ne pas savoir compter». Or, il s’agit précisément des deux idées maîtresses du programme économique du Parti québécois. Du moins, à ce qu’on peut deviner de ce qui perce de ce programme depuis l’arrivée du PQ dans l’opposition. Le budget de l’an un présenté par François Legault ne prévoit-il pas des lendemains qui chantent pour les finances publiques d’un Québec souverain?
Dissensions sur la place de la souveraineté Ce que le manifeste laisse clairement transparaître, c’est que ses signataires se sont mis d’accord sur le fait que la souveraineté du Québec était un choix qui n’était pas déterminant pour régler ce qu’ils jugent être des problèmes de fond de la société québécoise. Qu’en pense Bernard Landry? «La souveraineté, c’est déterminant, mais ce n’est pas la souveraineté qui va régler en soi notre problème démographique. Il faut avoir des stratégies pour le régler et moi je pense que la souveraineté nous permettra de mettre de l’avant ces stratégies. Mais, les gens du rapport ne sont pas allés jusque-là.» S’il croit vraiment au modèle de société qu’il propose, le PQ devra montrer comment ses projets peuvent régler ces «problèmes», ou pourquoi ils n’existent pas. Devant un manifeste soutenu par le très populaire Lucien Bouchard, il lui faudra tenter de justifier auprès de l’électorat, et non de ses seuls militants, en quoi ses propres idées se fondent sur la «lucidité, la responsabilité et la liberté». Car les douze apôtres se cherchent, eux aussi, un messie.
Corruption indigeste. Que faire lorsqu’on vous surprend la main dans le sac, ou plus exactement, la main dans les poches d’un policier où vous venez de déposer un pot-de-vin? Très simple: vous mangez les billets. C’est du moins ce qu’a essayé de faire un Sibérien, arrêté par la police pour ses cultures de chanvre et son implication supposée dans plusieurs petits réseaux de distribution de drogue. Malheureusement pour lui, les cent mille roubles n’ont pas suffit et il devra digérer le billet qu’il a mangé en prison. (Yahoo!/ FARK.ru) Un seul mot: dé-gueu-lasse. Un confiseur ukrainien vient de lancer sur le marché ce qu’il considère comme le plus engraissant de tous les bonbons chocolatés. En effet, celui qui consommera une barre «Gras chocolaté» (traduction très libre) ingurgitera environ 10 cm3 de gras de porc pur, enrobés de chocolat noir 88%. À faire passer avec beaucoup de vodka. (USA Today) Poignardée pour une soupe? Une employée de la chaîne de pharmacie Walgreens aurait poignardé une de ses collègues lors d’une violente dispute pour savoir qui allait fair réchauffer sa soupe au micro-ondes en premier! Le shérif a déclaré: «Pendant leur querelle dans la cuisine des employées, Mellesia Grant a empoigné un grand couteau de cuisine et a poignardé Merloze Tilme dans l’abdomen. Quand leur gérant est arrivé, elles avaient toutes les deux les mains lacérées.» (AP/Tacoma NewsTribune) Une arme à feu avec ça? Lorsqu’elle a acheté une casserole de porc dans son supermarché, Diane Johnson n’aurait jamais cru y retrouver une balle de fusil. Consternés, le gérant du supermarché s’explique mal comment les détecteurs de métal n’ont pas repéré le projectile et le distributeur, comment il a pu se retrouver dans son produit. Mme Johnson n’a aucunement l’intention d’intenter des poursuites puisque tout le monde est en bonne santé et s’est dite contente du certificat-remboursement de dix dollars que lui a offert le supermarché. (Canoe/AP) Quel spectacle! C’est devant un bien morne public que les équipes de football de MountVernon et de New Rochelle (New York) se sont affrontées. En effet, il n’y avait dans les gradins que deux douzaines d’agents de police! Craignant une flambée de violence (après tout, un résident de Mount Vernon qui n’avait rien à voir avec l’équipe de football a été assassiné à New Rochelle l’année précédente), les autorités scolaires ont décidé de faire jouer les équipes durant les heures de cours... (AP/Cnews)
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En trois vitesses En hausse Zygmunt Gorazdowski (1845-1920). Surnommé le père des gueux à cause des soupes populaires qu’il a ouvertes en Pologne, il disait vouloir «être tout pour tous afin d’en sauver au moins un». Et bien le voilà canonisé! Le fondateur de la Congrégation des soeurs de Saint Joseph, un ordre charitable voué à la protection des malades et des pauvres, a en effet été le premier saint à être canonisé du règne du pape Benoît XVI. Lors d’une messe solennelle pour la clôture du synode des évêques, lequel s’était déroulé sous le thème de l’Eucharistie, le successeur de JeanPaul II a également canonisé le jésuite chilien Alberto Hurtado Cruchaga, Josef Bilczewski, l’archevêque de Lvov (Ukraine) pendant la Première guerre mondiale, le moine Gaetano Cantanoso, fondateur de l’ordre de sainte Véronique, et Felice da Nicosia, un frère lai analphabète du 18e siècle. (PC/Matinternet)
Au neutre Les négociations à l’Université de Montréal. Mercredi dernier, soit peu de temps après avoir voté en faveur de six jours de grève, les professeurs de l’Université de Montréal débrayaient. Congé forcé donc pour les étudiants (à moins que leur cours ne soit dispensé par un chargé de cours). Le lendemain, tous les étudiants étaient informés par courriel que «en conformité avec ses objectifs de maintien de saines relations avec ses professeurs et tous ses personnels», l’Université avait demandé au ministre du Travail de désigner un conciliateur. Affaire à suivre. (Radio-Canada/UdeM).
En baisse Saddam Hussein. Les mauvais rêves commencent à devenir réalité pour l’ancien dictateur irakien, dont le procès s’ouvrait mercredi dernier. Après s’être vanté à l’hiver 2003 de pouvoir repousser les envahisseurs américains (prédiction fausse) et s’être terré plusieurs mois dans un trou profond dans l’espoir d’échapper à ses poursuivants (autre prédiction fausse), l’homme entend tout de même se débattre comme un diable dans l’eau bénite afin de voir les chefs d’accusation pesant sur lui être rejetés (dernière prédiction fausse?).Vaut mieux pour lui, puisqu’il risque la peine de mort. De quoi réjouir ses anciens alliés américains.
La citation de la semaine
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i vous voulez réduire la criminalité, vous pourriez faire avorter toutes les mères d’enfants noirs et le taux de criminalité baisserait.»
Cette solution novatrice pour résoudre le problème important de la criminalité aux États-Unis nous vient de William Bennet, ministre de l’Éducation sous Ronald Reagan. Il faut souligner que M. Bennet a pris de soin de préciser qu’il n’était pas raciste. Il est quand même assez paradoxal pour un républicain de se prononcer en faveur de l’avortement circonstanciel... (The Daily Telegraph).
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Lendemains de veille écologiques
nouvellescampus
Un nouveau groupe d’étudiants propose de ramasser gratuitement les bouteilles de bière vides après les partys. ANAÏS SUCHAIL onne nouvelle pour les fêtards: il leur est désormais possible de faire un party sans avoir à nettoyer le lendemain. Un groupe d’étudiants nouvellement formé vient ramasser les bouteilles de bière vides pour eux, et ce gratuitement. L’idée vient de Mandy Kuo et de Sapna Nahajan, deux étudiantes de la Faculté de gestion de McGill. «Notre projet est parti d’un cours sur le contexte social des affaires», affirme Mme Kuo. «Pendant ce cours, on discute de l’impact du monde des affaires sur la société, et on est tout particulièrement sensibilisés au respect de l’environnement. On examine comment les entreprises peuvent choisir entre puiser les ressources naturelles de la terre jusqu’à épuiser notre planète, et recycler, réutiliser et réduire pour préserver notre environnement. Ce cours m’a beaucoup appris, je ne me serais pas investie autant dans un projet pour le respect de l’environnement sans en avoir compris les enjeux», renchérit-elle.
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Il n’y a pas d’heure pour la conscientisation. Pour ceux qui ont recours au service, c’est l’occasion d’en apprendre plus sur l’environnement et de prendre de bonnes habitudes de recyclage. Le message des étudiants impliqués dans ce projet est clair: il ne s’agit évidemment pas d’encourager les gens à les appeler pour nettoyer leurs partys, mais plutôt de chercher à les éduquer en leur expliquant qu’il n’est pas difficile d’être écoresponsable en leur montrant concrètement comment recycler des bouteilles de bière. Le message est plus ou moins bien accueilli: «Certains étudiants ne veulent même pas entendre parler de recyclage, ils veulent juste qu’on les débarrasse de leurs bouteilles vides. Je me bats contre une telle attitude, alors je livre mon message et j’essaie de convaincre de mon point de vue avant de ramasser les bouteilles», commente Mme Kuo. L’environnement d’abord «Notre but, explique Mme Nahajan, est
de promouvoir le recyclage en proposant de ramasser gratuitement les bouteilles de bière vides. Nous opérons dans le ghetto de McGill, dans un périmètre délimité, de la rue University à la rue Parc, et de la rue Sherbrooke à l’avenue des Pins. Quand les étudiants nous appellent, on prend rendezvous. Puis on va ramasser les bouteilles et on les apporte au Provigo. Là, on les échange contre de l’argent que l’on reverse ensuite à [l’organisme] Greening McGill». Très actif sur le campus et dans la région de Montréal, ce dernier groupe cherche à responsabiliser les gens à la cause environnementale par la recherche, l’éducation et l’action. Un projet qui va durer Le projet recyclage a commencé au début du mois de septembre. Depuis, la demande ne cesse d’augmenter, ce qui permet à Mmes Kuo et Nahajan ainsi qu’à leurs collègues d’espérer continuer et sensibiliser de nombreux d’étudiants. x
Calendrier • Dans l’esprit du CulturalFest, le Réseau des Francos et le Club de débats de McGill vous invitent à une ronde de débats étudiants portant sur les 10 ans du référendum de 1995: «QSRQ, dans un contexte de mondialisation, la souveraineté du Québec devienne nécessaire.» Des discours du public complèteront le débat! Quand: Le jeudi 3 novembre à 4h30 Où: au Clubs Lounge (4e étage du Shatner). • Conférence: Chimpanzee survival through community centered conservation Où: à la salle du tribunal-école (Moot Court) de la Faculté de droit (3644, rue Peel). Quand: le mardi, 1er novembre 2005 17h30 Qui: l’Institut Jane Goodall Institute du Canada et le Student Animal Legal Defense Fund Pour plus d’information, visitez le www.janegoodall. ca ou contactez Gail Grolimond, coordinatrice exécutice de l’Institut au (514) 369-3384 ou au gail@janegoodall.ca.
Lave plus blanc
Sans commentaire
LAURENCE BICH-CARRIÈRE
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’en déplaise à Yves Montand, les feuilles mortes se ramassent dans le caniveau. Et avec elles, des emballages d’Aero qui ont perdu de leur éclat métallique, de vieux paquets de gommes, des canettes de Guru écrasées (c’est la mi-session après tout) et, parfois, l’infinie tristesse d’une chaussure d’enfant. Montréal est sale. Que le lecteur me pardonne cette banalité. D’abord, il l’aura certainement remarqué lui-même. Peut-être en remontant la rue Peel, qui remporte la palme incontestée de la déjection canine pour avoir réussi à imiter les trottoirs de Paris, peut-être en se débattant contre un de ces sacs en plastique sournois qui se plaisent à vous zigner la jambe, peut-être encore en passant par une ruelle au sortir de l’hiver quand s’amoncellent les ordures dans la neige noircie. Et sinon, il en aura eu les oreilles rebattues, avec à l’appui une enfilade de communiqués de presse dont les candidats à la mairie ont l’amabilité de nous abreuver. Le coup d’envoi, c’était la proposition, faite dans la plateforme électorale de l’Union des
citoyennes et citoyens de l’île de Montréal, de former des «Brigades de la propreté». Brigades de la propreté. Venant de Gérald Tremblay, le choix du nom est probablement bon enfant (certes, le maire sortant a su pousser sa maigre vacherie électorale jusqu’à dire de Pierre Bourque qu’il «n’a de vision que dans le nom de son parti» et à semoncer ainsi Projet Montréal: «Beaucoup de naïveté [mais], non, l’argent ne pousse pas dans les arbres», mais il demeure le candidat bonace expliquant à la télé comment passer l’aspirateur dans les fauteuils). Cependant, si je puis me permettre un aparté à vocation internationale, c’est également le nom des sinistres commandos brésiliens dont la mission était de «nettoyer les rues» (c’est-à-dire de s’assurer qu’on n’y trouve ni chats de gouttière poisseux, ni enfants faméliques et errants). Et ça rappelle étrangement Robert Mugabe, président du Zimbabwe, qui vient de lancer une opération ô combien poétiquement baptisée «Murambatsvina/Élimination des déchets»: elle consiste en la déportation massive des vendeurs de rues –dont les commerces informels sont souvent le seul moyen de subsistance– vers les campagnes –où la disette menace. Fin de l’aparté, mais disons que ça remet en perspective la chasse aux sacs de chips écrapoutis. Même lorsque Michel Bédard, candidat-maire du Parti Éléphant blanc de Monrial, cingle que de telles brigades feraient mieux de s’occuper des caisses noires des partis et des «mafias de la construction». Mais retour à la ville: quel sera leur uniforme, à ces brigades? Vêtues de blanc comme l’agent Glad®? Inspiré de ces burlesques gardes suisses enharlequinés (qui aurait cru que ces clowns en costume de héraut médiéval protégeraient 500 ans de
papauté!)? En hommes-sandwichs (je suis sûre qu’on pourrait injecter l’argent de la pub en travaux de réfection)? En tulipes géantes (seulement si Géranium 1er est réélu)? En jeunes-hommes-urbains-et-branchés (c’està-dire, si j’en crois le Elle-Québec –lecture de salle de bain oblige–, pinch bohême et cheveux de longueur Beatles savamment en bataille: les «hommes de la relève» sont des joueurs de hockey en plus proprets)? De toutes façons, il y aura quelqu’un pour s’en plaindre. Alors, qu’est-ce qu’on fait avec ces ordures? Bah, il faut bien trouver une occupation aux délinquants mineurs
condamnés à soixante heures de travail communautaire, n’est-ce pas? Et comment voulez-vous apprendre aux enfants des écoles primaires que «pas trop loin de la poubelle pleine» ne correspond pas exactement à «dans la poubelle», même ramené à la grandeur de l’univers, sans corvée de déchets? Sinon, il restera toujours ces doux dingues d’écologistes qu’on tolère parce que c’est une valeur fondamentale, hein, la tolérance. Et de toutes façons, les feuilles d’automne qui s’amoncellent dans les caniveaux feront bientôt le travail. Et après eux la neige. Et ensuite? Bah, ensuite, ça sera le printemps.
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À vos vélos
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Trois politiciens municipaux visitent le ghetto pour inaugurer des nouvelles bandes cyclables. ALEXANDRE DE LORIMIER Alexandre de Lorimier
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es cyclistes qui se rendent à leurs cours en vélo ont maintenant accès à de nouvelles bandes cyclables dans le ghetto de McGill. Les bandes ont été installées sur les rues Prince-Arthur, Milton, Aylmer, Sainte-Famille et Clark. Bien que la majorité des pistes suive la direction de la circulation automobile, une courte section à contre-sens a été installée sur la rue Milton. Les cyclistes peuvent rejoindre le boulevard Saint-Laurent depuis la rue University grâce à la piste de la rue Prince-Arthur. En direction est-ouest, la rue Milton permet maintenant de rallier le campus directement. Les nouveaux équipements comprennent une signalisation aérienne et un marquage à même la chaussée. Le ghetto (délimité sommairement par les rues Sherbrooke, University et les avenues du Parc et des Pins) fait partie de l’arrondissement PlateauMont-Royal. Le campus, lui, est situé dans Ville-Marie, la rue University marquant la frontière entre les deux arrondissements. Le ghetto a reçu son surnom à cause du nombre important d’étudiants de McGill qui vivent dans ce secteur d’à peine quelques kilomètres
Un marquage spécial sur la rue Aylmer permet aux cyclistes de rejoindre la rue Prince-Arthur.
carrés, un nombre encore augmenté par la présence des résidences de l’Université. «Le prolongement des voies cyclables aura un impact pour nos résidents qui utilisent le vélo pour se rendre au travail», explique
la mairesse de l’arrondissement Plateau-Mont-Royal, Helen Fotopulos. Ces voies désignées constituent la première phase d’un projet qui en comporte trois. Lors d’une conférence de presse tenue en pleine rue, Mme Fotopulos a
Le maire, sa femme et ses petits princes
également mentionné l’impact de la réfection de l’échangeur Du Parc/ Des Pins sur les déplacements dans l’arrondissement. De son côté, Michel Prescott, le responsable du dossier sports et loisirs au Conseil exécutif de la Ville, souligne la sécurité apportée aux cyclistes. «Des gens n’utilisent pas leurs vélos parce qu’il craignent la proximité des véhicules automobiles. Avec des pistes cyclables, beaucoup d’entre eux seront rassurés.» Lors de la visite du Délit dans le ghetto, la majorité des cyclistes respectaient la nouvelle signalisation et les voitures n’empiétaient pas sur les nouvelles bandes désignées. Cependant, plusieurs cyclistes nous ont fait part de leurs doutes quant au civisme des automobilistes, notamment en hiver lorsque la visibilité du marquage sur la chaussée sera réduite. De plus, contrairement à la formule adoptée pour la piste de la rue Rachel, les voitures peuvent toujours stationner le long du trottoir et il n’y a pas de terreplein entre la bande et la chaussée où circulent les automobiles. Claude Dauphin, responsable des transports au Comité exécutif, a confirmé que les nouvelles bandes cyclables correspondent à
une philosophie de réduction de dépendance à l’automobile. Cette vision sera énoncée dans le plan de transport de la Ville, en cours d’élaboration. Vélo-Québec, qui a participé aux études concernant la création des bandes désignées sur le territoire de la Ville, a également déposé un rapport au comité du plan directeur d’aménagement de l’Université. Le comité a pour tâche de déterminer les équipements et constructions à prévoir sur le campus pour les vingt prochaines années. À ce jour, l’administration a été réticente à l’idée d’installer des pistes cyclables publiques sur le terrain même de l’Université. La piste de la rue Milton crée un lien direct avec le campus par les portes du même nom, situées au nord des édifices de la Faculté de génie. L’installation des nouvelles bandes cyclables, annoncée en avril dernier, coïncide avec la campagne électorale municipale qui prendra fin le 6 novembre prochain. MM. Prescott et Dauphin, ainsi que Mme Fotopulos briguent la réélection au sein de la formation du maire actuel de Montréal, Gérald Tremblay, en poste depuis 2001. x
nouvelleslocal
Une centaine de gens fêtent le comité des jeunes du maire Tremblay au Central Station. LAURENCE ALLAIRE JEAN votes exprimés. Dans une épopée de quelques paragraphes, voici l’information recueillie à travers la musique du Central. Réunion de parents? Dans un discours bilingue, discutant de politique comme d’autres parlent d’histoires de famille, le maire Tremblay a notamment insisté sur le développement des transports en commun et des pistes cyclables, l’inclusion des étudiants étrangers et la participation nécessaire des jeunes. Sur ce dernier sujet, toutefois, on semblait par moment assister à un conseil de parents qui parlent de leurs jeunes. Ainsi, grosso modo, les «parents» veulent que les jeunes s’impliquent davantage et ce, pour savoir comment faire participer les jeunes. Le maire a conclu en présentant ses candidats les moins âgés aux élections. Les chiens de garde du parti Également en entrevue,
Mathieu Breault, président de la CÉJT depuis deux ans, a lui aussi précisé sa vision en trois principaux points qui devraient, affirme-t-il, toucher de plus près les lecteurs du Délit. En tant que participant à l’élaboration du programme du parti, M. Breault veut faire en sorte qu’un rabais –financé par la taxe sur l’essence– soit appliqué sur la carte d’abonnement mensuel de la STM et qu’une piste cyclable soit développée sur le boulevard Maisonneuve. Il souhaite également que l’achat d’une maison soit facilité par un rabais de 10 000$ accessible aux moins de trente ans. Il se sent cependant investi d’une mission qui dépasse la plateforme électorale. En effet, il souhaite que son regroupement soit le chien de garde du parti, qu’il s’assure que son maître remplira ses engagements envers les jeunes. x Vous pouvez visiter le site de la CJÉT au www.tremblayalamairie.com/fr/ jeunes.
Laurence Allaire-Jean
M
ême si la moyenne d’âge était d’au moins trente ans, le rassemblement de la Commission des jeunes de l’équipe Tremblay (CJÉT) a été pour les organisateurs un franc succès. Le mardi soir est une soirée plutôt calme au club Central Station, qui vibre habituellement davantage la fin de semaine. Pourtant, l’événement a attiré une centaine de personnes incluant le président de la Commission, Mathieu Breault, et le chef de l’Union des citoyens et des citoyennes de l’île de Montréal (UCIM), le maire Gérald «Go Montréal» Tremblay. Les discours de ces derniers ont su révéler la problématique essentielle concernant les jeunes et la politique municipale: le manque évident de participation. Fêtant par le fait même le quatrième anniversaire du regroupement, les participants ont réitéré la nécessité de l’engagement des jeunes, qui constitueraient 25% de la population de l’île mais qui ne représenteraient que 10% des
Allocution du maire de Montréal Gérald Tremblay, qui souhaite bien obtenir un second mandat aux prochaines élections...
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DOSSIER RÉFÉRENDUM En guise d’introduction, deux collaborateurs du Délit ont bien voulu étalé leur talent en conception graphique en proposant des affiches électorales pour une prochaine campagne référendaire.
Mathieu Renaud
Éric Demers
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Il était une fois dans Le Délit... Le mardi 5 septembre 1990
Mesures d’urgence en cas d’indépendance NDLR: Après le passage d’une poignée de fédéralistes hargneux dans nos bureaux, le seul exemplaire de ce texte controversé était en si mauvais état que nous avons dû le déchiffrer afin de le recopier ici. Bande de chanceux! *** Depuis le célèbre 23 juin dernier, l’indépendance a repris du poil de la bête. Effectivement, le McGill Daily français, fidèle à sa réputation, a mis la main sur des plans ultra-secrets dévoilant les dessous de l’aprèsindépendance. N’oubliez pas votre grain de sel. PLAN 1 (de base) Jour i (indépendance): Jour férié, pas la peine de venir à McGill (fête pour les uns, deuil pour les autres...) Concours: compter les voitures qui empruntent la 401 direction ouest. PREMIER PRIX: Drapeau à l’effigie de la grenouille du Daily. DEUXIÈME PRIX: Guide Michelin renouvelé au Canada. TROISIÈME PRIX: Une photo de Pierre-Elliot Trudeau. Jour i+1: Revenir à McGill avec un casque sur la tête et un gilet pare-balles. Éviter le pavillon de littérature française et québécoise (Peterson Hall) déclaré zone sinistrée. Jour i+2: Enlever le casque mais garder le gilet pare-balles. Jour i+3: Les Anglos se sont aperçus de la méchante blague qu’on leur a faite... remettre le casque. Jour i+4: Second jour férié, faut bien en profiter! PROGRAMME DE LA JOURNÉE: 10h00: Brunch chez Boubou à Outremont, tous sont invités. 12h00: Party dans les bureaux d’Alliance-Québec. Reconstitution des feux de la Saint-Jean. Invité d’honneur: Royal Orr. 14h30: Pose de la première pierre du mur qui sera érigé autour de West Island. But: protèger leur culture. 16h30:Tours de pédalo au lac des Castors. Pique-nique en famille. Spécialité: cuisses de grenouilles B.B.Q. 21h00: Vigile solennelle devant les bureaux du parti Égalité (visages déconfits de rigueur). 22h00: Orgie de bière Place Jacques-Cartier aux frais de Labatt... bleue. Jour i+5: Jour férié, c’est le lendemain de la veille après tout! Jour i+6: Retour à McGill. Conseil confidentiel: rester en groupe, on ne sait jamais, il pourrait encore y avoir des Anglos dans la place. PLAN 2 (extrême urgence): En cas de guerre civile, des locaux spéciaux ont été aménagés au Daily français pour accueillir les étudiants victimes des royalistes McGillois. Barricades, vivres en abondance et Port-neuvoise en fût ont été prévus pour assurer la survie des réfugiés jusqu’à l’arrivée des troupes québécoises. N.B. L’équipe du McGill Daily français a appris de source autorisée qu’un coup d’État a été organisé afin de proclamer l’indépendance le mardi 11 septembre. L’action devant avoir lieu vers la fin de l’après-midi, nous prions tous les Francos-McGillois et sympatisants de la cause de se rendre au local B-03 du Union Building pour 18h00. Bienvenue à tous et à toutes et bonne chance!
xLe Délit • 25 octobre 2005
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xLe Délit • 25 octobre 2005
Deux lecteurs du Délit s’expriment
spécialréférendum
Résultat du concours lancé par Le Délit au sujet du dixième anniversaire du référendum de 1995. Nous publions ici les textes de lecteurs s’étant prêtés au jeu en prétendant être à la veille de ce vote marquant.
«La fin d’un malentendu historique» (Fernand Dumont) SACHA TESSIER-STALL
«I
l est des moments où le courage et l’audace tranquilles deviennent pour un peuple la seule forme de prudence convenable. » (René Lévesque).Pour le nôtre, ce moment, c’est aujourd’hui. Nous nous trouvons devant le carrefour déterminant de notre existence nationale, devant le choix de naître ou de ne pas naître collectivement. Il nous appartient de décider si nous voulons que notre avenir ne soit que le fade reflet de notre passé, ou si c’est aujourd’hui que nous nous prouverons dignes de l’héritage de nos Papineau, Lafontaine, Laurendeau et Lévesque en construisant sur les vestiges de leur gloire. Aujourd’hui, nous jouons le tout pour le tout: nous décidons de la naissance ou de l’avortement d’un pays. Ce choix n’est pas le résultat d’une soudaine prise de conscience, mais l’aboutissement naturel d’une réflexion entamée par notre élite intellectuelle du XIXe siècle et conduite depuis la Révolution tranquille par les éléments les plus progressistes de notre société. C’est aujourd’hui, 30 octobre 1995, que culmineront ou s’effondreront les efforts de nos ancêtres. Le Canada est un très beau pays, mais il n’est plus le nôtre. Ce pays, fondé sur la base d’un pacte solennel entre deux nations fondatrices, a subi au cours du dernier siècle une corruption des deux principes fondamentaux devant éclairer son évolution: l’égalité des nations et le fédéralisme, manifestation concrète de cette égalité. Qui dirait que le Canada actuel reflète les valeurs nobles qui ont conduit la nation canadienne-française à y adhérer? «L’indépendance de la nation canadienne-française» dont George-Étienne Cartier promettait en 1867 que la Confédération serait garante a subi depuis lors l’assaut constant d’un gouvernement fédéral gourmand de compétences et d’argent. Non pas que cette centralisation soit uniquement due à de l’opportunisme politique: simplement, le gouvernement fédéral tente de se comporter en gouvernement national de la nation canadienne-anglaise. Mais le Canada français a, comme le lui promettaient les Pères de la Confédération, sa propre capitale nationale, où siège son Assemblée nationale: le nation-building pancanadien, initié par Trudeau, est incompatible avec la conception binationale du Canada qui, seule, a rendu acceptable l’acte confédératif fondateur du Canada. Depuis, cette entente a été flouée à répétition par les Trudeau, Chrétien et Dion qui en sont allés jusqu’à compromettre l’aspect le plus fondamental d’une fédération: le droit inaliénable des provinces d’avoir leur mot à dire sur la Constitution. Depuis sa modification unilatérale en 1982, le Québec n’en est plus signataire: il est régi par des lois fondamentales que même les plus fédéralistes de nos hommes politiques considèrent violentes et injustes. Aucune nation qui se respecte ne peut accepter de se faire si nettement dominer. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de dire: «ça suffit!». Le noble experiment d’un Canada binational a été tué par l’humiliation à répétition du Québec avec le viol de 1982 et les échecs de Meech et de l’accord de Charlottetown, par lesquels le Canada nous signifiait que nos demandes minimales dépassent le maximum qu’ils sont prêts à nous accorder. Il est l’heure que, sans rancune, le Québec prenne sa place au concert des nations dans l’honneur et l’enthousiasme. Il n’en tient plus qu’à nous: camarades, aux urnes! x
«Je suis simplement un Canadien...» LÉONID SIROTA
C
hers concitoyens! Je m’adresse à vous à la veille du jour où nous prendrons, collectivement, une décision dont je ne saurais décrire l’importance. Aujourd’hui, les séparatistes essaient de déchiqueter notre pays, redoublant d’ardeur dès qu’ils voient une faute commise par les fédéralistes, bien qu’on leur ait déjà fait savoir qu’ils n’avaient pas besoin de leur «protection». Cette énergie pourrait sans doute être louable si elle était fournie pour la création au lieu de la destruction. Je suis convaincu que la société canadienne actuelle, malgré ses imperfections, ne mérite certainement pas d’être détruite. Il y a bien des choses que nous partageons «d’un océan à l’autre», qu’il s’agisse de notre attachement au compromis et au multilatéralisme, de notre relation complexe à notre système de santé public ou même de notre passion pour le hockey, si vous voulez des arguments carrément émotionnels. Loin de moi l’idée de nier qu’il existe, entre des provinces canadiennes, des différences sérieuses. Ces différences sont inévitables dans un pays aussi grand que le Canada. Dès sa création, on en a tenu compte. S’il n’était pas composé de plusieurs sociétés distinctes (quatre au début, dix maintenant), nous vivrions dans un État unitaire et non dans une fédération. Quant à savoir laquelle de ces sociétés est la plus distincte –le Québec parce qu’il est le plus «à gauche », l’Alberta parce qu’elle est le plus «à droite» ou l’Île-du-Prince-Édouard parce qu’il y a le plus de patates– je ne pense pas qu’il s’agisse d’une question assez importante pour qu’on inscrive sa réponse dans la constitution, encore moins pour justifier le démembrement du pays. Les différences entre les différentes parties de notre pays doivent être vues comme une de ses forces plutôt que comme une faiblesse mortelle. Si nous avons assez de courage et d’énergie, nous pourrons relever les défis qu’ils représentent pour notre avenir et en tirer un grand profit. En apprenant à vivre ensemble, malgré nos différences, au sein de notre propre pays, nous apprenons aussi à le faire avec les autres. Les retombées positives du succès pourraient être extraordinaires. Vous cherchez un projet de société à construire? En voilà un à la hauteur de nos ambitions! Il y a près d’un siècle, Wilfrid Laurier a prévu que «le Canada sera[it] l’étoile vers laquelle viendront tous les hommes qui aiment le progrès et la liberté.» Il ne s’était pas trompé. Pourtant, pour ceux qui y sont arrivés de tous les continents, et même pour beaucoup de ceux qui y sont nés, le Canada n’est pas une idée qui va de soi, mais un choix qu’il faut faire. Tant mieux, car on aime toujours plus ce qu’on a élu en toute conscience que ce qui s’est imposé à nous par la force des circonstances. Demain, choisissez le Canada. Pour vous enjoindre, une dernière fois, de le faire, je citerai encore une fois Laurier, tout en joignant humblement ma voix à la sienne: «Je suis simplement un Canadien comme vous-mêmes […], essayant autant que je peux d’unir notre peuple commun. Je […] vous demande simplement de rejeter pour toujours les bas différends qui vous ont divisés dans le passé et de vous unir à nous, et de prendre votre part du grand avenir qui est devant nous. x
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De vieux adversaires se réunissent pour débattre Un symposium à l’UQÀM commémore le dixième anniversaire du référendum de 1995. MARC-ANDRÉ SÉGUIN
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’est dans une ambiance relativement bon enfant que d’anciens représentants des camps opposés lors du référendum de 1995 se sont retrouvés à l’UQÀM pour débattre et partager leur expérience lors de cette campagne. Des personnalités telles que Bernard Landry,Thomas Mulcair, Benoît Pelletier et Gilles Duceppe ont participé au symposium organisé notamment par les journaux Le Devoir et The Gazette pour commémorer le dixième anniversaire du référendum. En plus des experts, journalistes et méthodologues, des vieux rivaux ainsi que des acteurs d’importance dans le déroulement de la campagne de 1995 ont participé à des panels portant sur divers aspects du référendum, notamment les stratégies référendaires, les règles de la campagne et les perspectives.
Le camp du NON Du côté des acteurs du NON, on a pu entendre notamment Edward Goldenberg, ancien conseiller politique spécial de Jean Chrétien qui a provoqué un tollé dans la salle en se disant «mécontent en pensant à l’agenda de ce colloque». Il lui semblait futile de se pencher sur des ruptures du passé, estimant qu’on devrait se tourner plutôt vers l’avenir. «On va parler de temps de déchirements, des émotions» qui selon lui n’ont plus leur raison d’être. Un autre panéliste, John Parisella –président actuel de BCP et BCP consultants et ancien membre stratège du NON– a cependant cherché à convaincre les fédéralistes d’apprendre de leurs erreurs, parce que selon lui, son camp a frôlé la défaite. Il note toutefois quatre éléments décisifs dans la victoire de son camp: la prise de position de Bill Clinton –président américain jouissant d’une grande popularité auprès des Québécois– en faveur d’un Canada uni, le ralliement à Verdun de 10 000 fédéralistes vers la fin de la campagne, le discours à la nation de Jean Chrétien et le fameux «love-in» qui eut lieu à Montréal dans la dernière semaine de la campagne référendaire. Pour les deux personnages, la leçon à retenir de l’expérience de 1995 est cependant claire: «Si on a fait une erreur, c’est qu’on n’a pas assez parlé du Canada», dit M. Goldenberg. «Il faut que les fédéralistes parlent des bienfaits d’être dans le Canada», de renchérir M. Parisella. «On n’est pas des récipiendaires du Canada, on l’a créé». Selon lui, il sera donc nécessaire à l’avenir de moderniser le Canada et de parler aux jeunes pour obtenir leur appui. Il rappelle à quel point le résultat fut serré: «S’il y avait eu le vote le lundi avant celui du référendum, je suis convaincu que le NON aurait perdu». Le camp du OUI Du côté des souverainistes, à travers les allocutions d’invités comme Bernard Landry et l’ancien ministre péquiste Joseph Facal, on a pu sentir une certaine amertume à travers les rappels des tactiques «déshonorantes» du camp fédéraliste à l’automne 1995. M. Facal a dénoncé les conséquences du référendum, notamment l’adoption de la loi C-20 sur la clarté. «C-20 travestit grossièrement l’arrêt de la Cour suprême [sur la sécession du Québec]». Il note que, contrairement aux critiques de l’époque, la question soumise lors du scrutin était simple et conforme à ce qu’on a trouvé lors de référendums ailleurs dans le monde. Il a aussi critiqué la loi C-20 et son critère d’une majorité claire, en se basant sur le fait qu’en droit international, un résultat de 50% plus un est suffisant pour constituer une majorité légitime. M. Landry, en prenant comme exemple le scandale des commandites et le fait que lors de la campagne de 1995 dix millions de dollars du gouvernement fédéral «se sont perdus en subventions on ne sait trop pourquoi», a tenu à dénoncer l’attitude du Canada «dont l’avenir était en question [et qui] aurait pu mettre un peu plus de noblesse dans ses agissements». Il a souligné que M. Parizeau, lors du «discours le plus tragique qu’il [ait] prononcé de sa vie», en parlant de «l’argent et des votes ethniques», a eu raison en ce qui concerne l’argent. Comme ses adversaires fédéralistes, il a enfin tenu à conseiller à ses collègues d’aujourd’hui de ne pas commettre les erreurs du passé, notamment en employant des observateurs étrangers pour vérifier le processus lors d’un éventuel troisième référendum : «le Québec doit préciser et resserrer tout ce qui touche le droit de vote», prévient-il. x
xLe Délit
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Dans les coulisses du référendum de 1995
spécialréférendum
Acteur-clé du référendum de 1995, l’ancien chef de cabinet de Jacques Parizeau se confie au Délit. MARC-ANDRÉ SÉGUIN ean Royer se rappelle bien les événements entourant la campagne du référendum de 1995. En tant que chef de cabinet et conseiller de Jacques Parizeau à l’époque, il a joué un rôle important dans le développement de stratégies pour le camp du OUI. C’est dans le contexte du dixième anniversaire du référendum que Le Délit a rencontré M. Royer, devenu maintenant premier vice-président à la direction commerciale chez Loto-Québec. L’ancien chef de cabinet –qui a fait carrière en politique pendant vingt ans avant de prendre sa retraite après le référendum– est toujours impressionné par ce moment marquant de l’histoire du Québec. «La leçon que je tire du référendum de 1995, c’est que ce fut un moment où, au-delà des partis, il y a eu un événement politique au Québec, un débat extrêmement émotif, où les gens [ont été] confrontés à un choix […]. Ça a culminé par un jour où les gens ont voté à 93,5% sans aucun geste de violence, sans aucun débordement. Il y a alors eu un exercice démocratique sur notre territoire dont on devrait être fier». Cependant, derrière cet exercice démocratique, il faut rappeler que des efforts considérables furent mis de l’avant pour convaincre la population du Québec de voter pour le OUI. M. Royer nous présente une genèse des événements ayant mené au jour décisif du 30 octobre 1995.
J
Les semaines menant à la campagne «Quand [M. Parizeau] se présente à l’élection de 1994, tout le monde avait compris qu’advenant une élection du Parti québécois, il se tiendrait un référendum dans les douze mois qui suivraient». M. Royer explique que l’été 1995 fut «un été de travail» où on s’affaira à finaliser l’essentiel de l’organisation nécessaire à la tenue du référendum. Il rappelle également les débats entre MM. Parizeau et Bouchard, alors chef du Bloc québécois, notamment au sujet de la question référendaire et de la possibilité d’un second vote qui viendrait approuver les accords conclus à la suite des négociations avec Ottawa advenant une victoire du OUI. Ce ne serait toutefois pas la dernière fois qu’un compromis devrait être conclu entre ces deux acteurs majeurs. La montée progressive de l’appui en faveur du OUI Le 1er octobre 1995, la campagne référendaire fut déclenchée. Après des débuts difficiles, un événement vient faire tourner le vent, comme le rappelle M. Royer: «Dans les premiers jours de la campagne, on sentait qu’on n’avait pas l’enthousiasme nécessaire. […] Mais alors que nous sommes dans une situation où c’est plus difficile, arrive la déclaration d’un gars [Claude Garcia de la Standard Life] qui dit que «non seulement il faut gagner, mais
qu’il faut écraser». À ce moment, je suis dans les locaux du comité et je ne crois pas à la déclaration […]. Et là on me sort l’extrait et on voit donc M. Garcia qui dit “il faut écraser”. Alors on a bâti une campagne de publicité dans la nuit qu’on a retrouvée dans les médias le lendemain et le surlendemain à l’effet qu’on ne se fera pas écraser. Et à partir de cela, on a senti dans les sondages que ça virait». À cette campagne de publicité, s’est ajoutée l’entrée en jeu du très populaire Lucien Bouchard, que M. Royer explique ainsi: «M. Bouchard avait un degré de popularité extrêmement élevé. Alors, JeanFrançois Lisée, qui travaillait avec moi, eut l’idée de tester quel rôle on pouvait [lui] faire jouer». Après discussions, il explique qu’on décida de pousser l’analyse dans un contexte où ce dernier deviendrait le négociateur en chef pour le Québec au lendemain d’un référendum gagnant. Dans les heures suivantes, cette hypothèse fut testée lors de sondages et focus groups auprès du public. «Et là apparaît l’idée que si M. Bouchard était nommé négociateur, il y avait un potentiel qui avait comme conséquence d’accélérer la tendance qu’on voyait depuis la sortie de Garcia. Parce que depuis cette sortie, on avait cessé de baisser et on avait commencé à monter, mais pas assez vite pour gagner. Et on avait l’impression qu’avec la nomination de M. Bouchard, c’est comme si on mettait de l’oxygène dans un feu». Selon M. Royer, la réaction de M. Parizeau à ce constat fut sereine. « M. Parizeau est quelqu’un d’extrêmement rationnel. […] Et il se rendait compte que par la nomination de M. Bouchard, on se donnait une chance additionnelle de gagner. Je sais que pour lui, ce n’est pas quelque chose qui était nécessairement facile. […] Mais quand je lui ai présenté les résultats, la discussion a duré vingt minutes. Et il m’a dit qu’il était d’accord [pour mettre M. Bouchard à l’avant-plan de la campagne]». Le OUI continua à monter dans les sondages, à un tel point que M. Royer avait l’assurance que son camp allait remporter le référendum. La soirée fatidique M. Royer, qui avoue avoir une certaine expérience avec les sondages, affirme que la veille du référendum, il avait prédit que le OUI allait gagner à 52%. Le jour du scrutin, les choses s’annonçaient encore meilleures pour le camp des souverainistes. «Durant la journée, je m’aperçois que le taux de participation est exceptionnel. Le taux de participation sera d’ailleurs de 93,5%. C’est le plus haut taux de participation d’une élection ou d’un référendum non seulement au Québec, mais au Canada. […] C’est même plus élevé que dans des pays où le droit de vote est obligatoire. […] Et on se disait: «plus ça vote, plus ça devrait nous être favorable». Donc, quand
on arrive le soir au palais des congrès, on n’est pas plus excités qu’il faut, mais on est assez confiants». Au départ, la soirée s’annonçait bien: «Les premiers résultats qui sortent sont plus élevés qu’on s’[y] attendait». La première heure semble favorable au OUI. Mais vers neuf heures, le vent semble tourner, notamment dans la région de Québec, qui ne donnait pas les résultats escomptés. « Je me suis rendu compte qu’on allait perdre. Je l’ai indiqué à M. Parizeau. Je lui ai dit: «M. Parizeau, il va nous manquer des votes». Je me rendais compte que j’avais prédit que nous allions gagner et que maintenant je leur annonçais qu’on allait perdre. M. Parizeau m’a alors dit : «Vous en êtes sûr?» Et je lui ai répondu que oui. Je pense qu’il a espéré encore un peu. Mais au bout de dix minutes, il s’est rendu compte que ce que je lui ai dit qui arriverait était en train de se produire ». Plus tard cette soirée, les résultats finaux furent dévoilés : 49,4% pour le OUI contre 50,6% pour le NON. Lors de son discours le soir du référendum, M. Parizeau pointera du doigt «l’argent et des votes ethniques» comme étant responsables de la défaite du OUI. M. Royer refuse de commenter ces propos: «J’ai travaillé pendant vingt ans à conseiller Jacques Parizeau. Alors, le soir du référendum, le lendemain du référendum, dix ans après le référendum, vous n’êtes pas le premier à me poser la question de commenter les propos de M. Parizeau. Mon rôle a été de le conseiller. Ça n’a jamais été de le juger». Le lendemain du référendum, M. Parizeau, qui par ses propos s’attirera les critiques de ses adversaires ainsi que de personnalités de son propre camp, remettra sa démission et quittera la vie politique. M. Royer estime cependant que la décision de M. Parizeau de démissionner fut la bonne. «La politique est un monde terriblement exigeant. La motivation de M. Parizeau pour faire ce métier était de faire la souveraineté du Québec. Je cherche ce qu’aurait pu être sa motivation au lendemain d’un NON à continuer son travail, et je ne le vois pas. ». Enfin, l’ancien conseiller maintient qu’il ne conserve qu’un regret quant à son implication dans le référendum de 1995. «Il était clair que je prenais ma retraite […] après le référendum. Quand les bureaux de scrutin ont fermé, j’avais la satisfaction d’avoir donné le maximum que je pouvais donner. […] Je n’aurais pas pu faire plus. En cela, j’ai connu une satisfaction. Ma déception, c’est qu’on a perdu. Tu ne peux pas travailler pendant vingt ans et ne pas avoir la déception de ne pas avoir réussi à faire triompher le point de vue que tu pensais être le bon. Mais, la vie continue. Je me dis qu’après cette expérience, il y en aura d’autres plus jeunes, meilleurs qui vont prendre la relève. Et s’ils travaillent aussi fort que tu as travaillé, peut-être qu’ils vont réussir », conclut-il. x
Jean Royer, ancien chef de cabinet de Jacques Parizeau, se remémorant la campagne de 1995.
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xLe Délit • 25 octobre 2005
Amour et politique
culturethéâtre
Le Théâtre de Quat’Sous présente Une ardente patience qui se passe dans le Chili des années 70. CLÉMENCE REPOUX
Pablo Neruda, Canto General
S
i vous avez vu le film Il Postino (Le Facteur) de Antonio Skarmeta (avec Philippe Noiret et Massimo Troisi) , vous savez de quoi parle Une ardente patience, pièce jouant au Théâtre de Quat’Sous en ce moment. Si vous ne l’avez pas vu, laissez-moi vous raconter. Ça se passe dans les années 70 au Chili. Mario est un jeune facteur passionné de littérature. Pablo Neruda, le grand poète chilien, est son seul client. Une ardente patience est l’histoire de l’amitié improbable, d’autant plus intime, qui se développe entre ces deux hommes. Chacun d’eux est absorbé par une conquête. Le jeune Mario veut conquérir le cœur de la belle Beatriz. Le grand Pablo est
impliqué malgré lui dans la politique de son pays quand le Parti socialiste le désigne comme candidat à la présidence du Chili. La pièce est un mélange improbable, mais cependant délicieux, de poésie et de politique, d’amour et de discours sur la justice et l’égalité. La poésie de Pablo Neruda, ainsi qu’un peu de musique chilienne, ajoute une note artistique et plus légère au contenu hautement politique et engagé. Une fois de plus, le Théâtre de Quat’Sous se montre à la hauteur de nos attentes avec une production à la fois engagée et poétique. La distribution comporte de nombreux talents du théâtre québécois. Vincent-Guillaume Otis émeut dans le rôle de Mario, tandis que Jack Robitaille interprète un Pablo Neruda magistral. Éveline Gélinas surprend et donne de la substance au personnage de Beatriz. Chapeau aussi au metteur en scène Éric Jean qui mêle avec brio musique et poésie, discours politiques et romantiques, récit historique et fiction. Si vous ne connaissez pas le Théâtre de Quat’Sous, cette production est une belle occasion de le découvrir. Il s’agit d’un tout
petit théâtre bien caché au cœur du Plateau, avec une salle de spectacle aux dimensions modestes. Mais ne vous fiez pas aux apparences, les amateurs de théâtre seront sûrement d’accord avec moi pour dire que les meilleures perles se trouvent sur les petites scènes de quartier et que les pièces qui émeuvent le plus sont celles que l’on voit dans une toute petite salle, où l’on a vraiment la sensation d’assister à quelque chose de spécial. Pour renforcer encore le sentiment d’appartenir à une petite communauté de passionnés, allez voir la pièce le 2 novembre. Le théâtre reprend la tradition des «Noctambules»: pour chaque pièce est organisée une soirée spéciale où, après la représentation, tous les spectateurs sont invités à rester dans la salle pour participer à une discussion où ils peuvent donner à la troupe leur opinion sur le spectacle. Pour une fois qu’on a l’occasion de leur dire ce qu’on pense… x Une ardente patience est présentée jusqu’au 12 novembre au Théâtre de Quat’Sous (100 av. des Pins Est). Pour plus d’information appelez au (514) 845-7277 ou visitez le www.quatsous.com
Yanick MacDonald
« Je prends congé, je rentre Chez moi, dans mes rêves, Je retourne en Patagonie Où le vent frappe les étables Où l’océan disperse la glace. Je ne suis qu’un poète Et je vous aime tous, Je vais errant par le monde que j’aime »
Une ardente patience est un mélange de poésie, de politique et d’amour.
Se faire avaler par la mer
culturethéâtre
Le Théâtre de la Licorne met en scène une histoire d’amitié entre deux femmes à la quarantaine contrastée... PIERRE-OLIVIER BRODEUR valer la mer et les poissons est d’abord une histoire d’amitié entre Ariel (Isabelle Vincent en femme énergique plongée dans la politique municipale) et Kiki (Sylvie Drapeau en artiste timide et passionnée), deux femmes dans la quarantaine décidées à vivre pleinement leurs ambitions amoureuses, artistiques et professionnelles. À travers elles et ceux qui les entourent (Denis
A
Bernard dans le rôle de Georges, amant tour à tour d’Ariel et de Kiki, et Daniel Gadouas dans le rôle de Jérôme, mari d’Ariel) les auteures (Isabelle Vincent et Sylvie Drapeau) nous font part de leurs réflexions sur la mort, l’amour et la vie. Vous voyez le genre: on revisite des thèmes déjà abordés des centaines de fois. Pas tellement original. Original, non, mais très bien réussi. La grande force de cette
pièce en est sa cohérence. Elle est en effet construite autour d’un principe, le jeu entre les différents niveaux émotifs et thématiques, qui parcourt tous les aspects de cette pièce. Le texte fonctionne en jouant sur des contrastes, ce qui permet de désamorcer certaines situations trop mélodramatiques par l’humour. La scène où Georges, la face couverte de crème fouettée, se met à sermonner Ariel constitue certainement le Rolline Laporte
L’histoire des deux femmes est savamment construite comme un jeu de contrastes qui désamorce le mélodrame par l’humour.
moment où ce procédé est le mieux réussi, le spectateur se trouvant déchiré entre la solennité poignante et tragique du moment et l’humour, complètement grotesque, du bon vieux gag de la tarte dans la figure. On en vient à être presque gêné de rire, sans pour autant pouvoir s’en empêcher. À d’autres moments, les jeux thématiques ne sont pas tant contrastants qu’unificateurs, nous montrant des liens entre différents niveaux de l’existence, comme l’art et l’amour. La mise en scène de Martine Beaulne contribue grandement à l’efficacité de ces procédés. La scène est en effet divisée en trois plans, séparés ou unis selon les besoins du texte, par de grands panneaux grillagés glissant d’un bout à l’autre de la salle. Le tout est monté sur un plancher, également grillagé, qui contribue lui aussi à toute cette ambiance de superposition. Mais Avaler la mer et les poissons ne serait pas une pièce aussi réussie sans la complicité des acteurs qui font preuve d’une remarquable capacité d’adaptation et de changements brusques. En effet, pour que le jeu entre les niveaux fonctionne, il faut que les acteurs puissent passer brusquement d’un niveau à l’autre, sans la moindre
transition, ce qu’ils réussissent tous très bien, particulièrement Isabelle Vincent qui sait faire ressortir toute la brusquerie de son personnage au détour d’une phrase. Malgré cela, son jeu n’égale pas celui, tout en finesse, de Sylvie Drapeau qui, dans son rôle de peintre quadragénaire légèrement hippie, frôle souvent la caricature sans jamais la toucher et nous offre un personnage authentique et crédible sans pour autant tomber dans le stéréotype. Avaler la mer et les poissons est une pièce comique qui, sans pour autant susciter de profondes réflexions, est également fort intelligente et habilement construite et ne manquera pas de vous avaler dans son univers, le temps d’une représentation. Elle vaut décidemment le détour, surtout si vous n’avez jamais expérimenté l’ambiance particulièrement intime de la Licorne. x Avaler la mer et les poissons est présentée jusqu’au 26 novembre au Théâtre la Licorne (4559 rue Papineau). Pour plus d’information et réservations: (514) 523-2246 ou www.theatrelalicorne.com
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Recherche artistique impénétrable
culturethéâtre
Fairy Queen explore les frontières de la poésie et du théâtre. ARNAUD DECROIX pour franchir des étapes et bénéficier, au final, du privilège suprême d’être introduit dans le «saint des saints», auprès de l’élite créative et inspiratrice de ce temps, défilent des personnages surprenants. Au royaume de l’absurde se rencontrent Picasso, Cocteau, Satie, Hemingway et Sherwood Anderson. Une même volonté les anime: dépasser les clivages, reconstruire le monde, s’inscrire dans une modernité en constant devenir. L’absolue vérité de l’expérience esthétique leur tient lieu de mot d’ordre et permet à chacun d’éprouver les idées, sensations, impressions et perceptions des changements en cours. Les conventions de la langue volent en éclats tandis que la distinction des genres n’a plus lieu d’être. À cet égard, il convient de relever que tant le personnage de Gertrude Stein que celui de sa secrétaire sont joués par deux hommes, respectivement Philippe Duquesne et Laurent Poitrenaux. Ce
Robert Etcheverry
À
l’automne 2000, l’Espace Go nous avait déjà laissé voir Le Colonel des Zouaves, créé par deux Français: Olivier Cadiot à l’écriture et Ludovic Lagarde à la mise en scène. Les deux compatriotes sont de retour avec leur cinquième collaboration intitulée Fairy Queen, qui se présente comme une pièce exubérante. Dans le Paris de la Belle Époque, l’Américaine Gertrude Stein tient salon. Chez elle se retrouvent tous les artistes avantgardistes de ce début du vingtième siècle. À un siècle de distance, une sorte de fée espiègle, femme libérée d’aujourd’hui, décide de partir à la rencontre de cet univers loufoque. Invitée à déjeuner dans un quartier branché de la capitale française, elle est tout d’abord confrontée à la troublante Alice B. Toklas. Celle-ci semble être à la fois la secrétaire, le cerbère, la cuisinière, la femme de chambre et l’amante de Gertrude Stein. Dans un univers ritualisé, où il s’agit de subir des tests délirants
Fairy Queen est un doux mélange de théâtre et de poésie sur un fond d’interrogations artistiques.
mélange des genres renforce encore le sentiment d’étrangeté tandis que les avancées du mouvement moderniste, relayé par le cubisme, semblent inéluctables. La pièce est également merveilleusement mise en lumière
par le talent de Sébastien Michaud qui parvient, par un subtil jeu d’éclairages, à relever la juste intensité des mots. À travers des réflexions très contemporaines, le personnage de la fée (magnifiquement interprété
Amerikasse l’ambiance
par Valérie Dashwood) se trouve, en définitive, être le prétexte à une exploration des changements de siècle et à une interrogation à propos de la post-modernité. Après avoir suivi tous les courants du vingtième siècle, la création artistique, à bien des égards, semble arriver à un questionnement ultime: comment être toujours plus «moderne» ? Si la plupart des pièces récentes jouent encore sur le thème de la provocation et de l’absurde, ces voies paraissent de plus en plus éculées. La vulgarité et la nudité, exposées jusqu’à l’écoeurement, ne font désormais plus recette. Les limites de l’exploration sans cesse repoussées, les tabous toujours plus transgressés, la création artistique se présente de plus en plus souvent comme en panne d’idées. x Fairy Queen est présenté à l’Espace Go (4890 boul. St-Laurent) jusqu’au 29 octobre. Pour plus d’information: (514) 845-4890 ou www.espacego. com.
culturethéâtre
Amerika, suite de Biljana Srbljanovic déçoit le public du Théâtre Prospero. MATHIEU AMOUROUX Carmen Jolin
N
ew York, Noël 2001. C’est sur fond de tours jumelles écroulées que se déroule l’action d’Amerika, suite. Tout semble réussir à Karl Rossman, homme d’affaires confortablement installé dans un luxueux appartement où il vient d’emménager. Seulement voilà, Karl est seul, et lorsqu’il apprend qu’il est licencié, son existence rangée lui échappe brusquement. Karl n’est plus sous contrôle et ce n’est pas son meilleur ami Daniel qui l’aidera à sortir de cette mauvaise passe. Ce dernier fait la cour à Irène, mannequin russe cocaïnomane, pour tenter d’oublier qu’il a épousé une mégère, Maffi. Karl, honteux de sa situation, ne sera désormais plus que l’ombre de lui-même, errant dans la ville anonyme et les couloirs du métro, où la misère ordinaire prend les traits d’un clochard. Le sentiment de malaise est amplifié par le vacarme strident des roues du métro. C’est dans ce post-onze septembre que les personnages évoluent. Ceux-ci ont été marqués par les évènements et se sentent dorénavant en situation de danger.
La performance des comédiens de Amerika, suite dont François Trudel et Sonia Auger-Guimont, s’avère décevante.
Karl a tout perdu, Daniel ne veut pas perdre sa femme (et l’argent qui va avec). C’est la raison pour laquelle il tait l’existence de sa maîtresse, Irène, qui elle-même, ne possédant
pas de permis de séjour aux ÉtatsUnis, n’hésitera pas à laisser tomber son amant lorsque les problèmes surviendront… Hypocrisie, mensonge, bassesse, vénalité sont autant de thèmes
abordés dans cette comédie de mœurs acerbe envers la bourgeoisie de New York, ville mythique du capitalisme triomphant. Tout n’est que superficialité dans ce bas monde où l’argent et la drogue constituent les leviers essentiels pour baiser et se faire respecter. Le cocktail (à priori) aguichant de la drogue, du sexe et des dollars n’a pas semblé tenir en haleine les spectateurs (les applaudissements polis de la fin de la représentation en disaient long.) Une fois la trame mise en place, la pièce s’essouffle malgré la bonne volonté de certains acteurs. Gabriel Arcand, conseiller artistique du Théâtre Prospero, présent dans la salle, devait faire la tronche. En effet, le jeu est trop souvent inégal et manque de tonus malgré la prestation de Marie Charlebois en bourgeoise frustrée qui vient donner un peu de fraîcheur à l’ensemble. Les autres comédiens ont tendance à en faire des caisses, en particulier François Trudel qui, de manière regrettable, s’est vu confier le rôle principal (peut-être car il est le seul à avoir accepté de
montrer son derrière pendant la pièce, de même que sur l’affiche). Dommage, donc, car l’intention et l’atmosphère que dégageait la pièce étaient prometteuses, mais c’est bien connu: les promesses n’engagent que ceux qui y croient. En terminant, les fans de messages subliminaux s’amuseront à relever les deux clins d’œil que fait l’auteure aux œuvres de Kafka (le Karl Rossman de la pièce estil le même que Kafka fait accoster aux É.-U. dans L’Amérique?) et de Tennessee Williams (le clochard s’appelle Stanley Kowalski, nom du personnage d’Un Tramway nommé Désir). On peut comprendre la référence directe à L’Amérique de Kafka: on comprend moins que le clochard porte le nom du personnage campé par Brando dans le film d’Élia Kazan. Encore quelque chose qui a dû m’échapper. x Amerika, suite sera présenté au Théâtre Prospero (1371 rue Ontario Est) jusqu’au 12 novembre. Pour plus d’information: www.laveillee.qc.ca.
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jazz
Upstairs: un jazz club pour les étudiants
culture
Un bar qui se donne comme priorité le respect de la musique… KARIN LANG
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L’enseigne du jazz club reflète son emplacement au sous-sol.
mise. On se laisse très vite enchanter par la musique avec un bon verre de vin. S’il y a une chose qui reste la priorité du Upstairs, c’est avant tout le respect de la musique. Un jazz club n’est pas un café où les gens parlent à tue-tête. Pour cette raison, le silence est essentiel si l’on veut pouvoir apprécier les artistes à leur juste valeur. Une autre information est également importante à préciser et risque d’intéresser ceux d’entre vous qui craignent les dépenses liées au prix d’entrée des soirées du vendredi, samedi et dimanche: chacun de ces soirs propose, à chaque fois, trois concerts ou set différents. Sachez que le dernier est toujours gratuit. C’est fait pour nous, étudiants, donc profitons-en! Dans les semaines qui viennent, plusieurs concerts sont à ne pas manquer, notamment celui de Jerry Brown le 28 et 29 octobre, ainsi que celui de Dorothée Berryman. Le jazz n’est pas une musique fermée et il n’y a pas un public plus apte à l’apprécier. Laissez-vous tenter une fois, si ce n’est pas déjà fait, et vous comprendrez ce que c’est que d’être dans un endroit où la musique est à ce point célébrée. x
arrivez, rue Mackay, vous avez devant vous une entrée très «tendance» qui vous mène à une salle, certes pas très grande, mais qui possède
Le Upstairs est situé au 1254 rue Mackay. Pour le programme, appelez le (514) 931-6808 ou visitez son site web au www.upstairsjazz.com.
Shanti Selk
arler du jazz à Montréal, c’est bien sûr parler du festival du mois du juin. Mais se limiter à cela ne serait pas rendre justice à ce genre musical si apprécié par la ville et sa population. Si, comme moi, et je vais rajouter «malheureusement», vous partez à la fin du semestre d’hiver pour ne revenir qu’au semestre d’automne, vous manquez à chaque fois l’occasion de vivre l’expérience du festival. Il existe pourtant quelques endroits réputés qui offrent du jazz toute l’année. L’un d’entre eux, celui dont je désire vous parler, se nomme Upstairs. Pourquoi écrire sur ce club plus que sur un autre ? Plusieurs raisons peuvent être données. Tout d’abord cet endroit, en plein centreville, à côté de l’Université Concordia, est un club particulier par son ouverture sur le monde estudiantin. Trop souvent le jazz est perçu comme un genre musical pour un public dit «cultivé». C’est très exactement pour faire oublier cette connotation trop sélective que le Upstairs n’a jamais cessé, depuis son ouverture, de promouvoir et d’aider les étudiants désireux de se produire en soirée. Ainsi, chaque lundi et mardi, vous pouvez vous rendre au club afin de voir les futurs musiciens de la scène canadienne et internationale. Que dire de l’ambiance ? Lorsque vous
un certain charme. La lumière est tamisée comme il se doit dans un jazz club. L’amabilité et la bonne nourriture sont également de
Dans la chaleur du jazz Une soirée à la Maison du Jazz est un remède efficace contre les froides nuits d’automne.
jazz
culture
FLORA LÊ
rébarbative à la facilité, mais toujours prête à s’éclater. Paradoxalement, c’est une musique enfantée dans la douleur, née du génie des Noirs dépossédés de la Lousianne, et aujourd’hui immigrée sur nos terres. Mais elle a fait exploser le monde de la musique pop et décoincer la bienséance bourgeoise, qui a toujours eu le pied dansant... C’est une musique aussi tragique que géniale, aussi lourde de son histoire que légère de mœurs, et aujourd’hui déclinante comme une étoile filante à la fin de sa course. C’est dans la chaleur de la voix de Victoria Doyon que je me suis réfugiée mardi soir passé à la Maison du Jazz, dans les souvenirs de ses chansons et la mémoire des années folles. Et puis, c’est entre les mains de ses musiciens que j’ai voyagé, ceux qui se sont malheureusement passionnés de musique et qui triment durs, de bars en cabarets, pour offrir les miettes en chansons de ces années révolues. J’ai fermé les yeux et tout oublié. La musique m’a atteinte droit au cœur et enveloppée de tous ses accords. C’est avec nostalgie que j’ai quitté la Maison du Jazz, vers minuit, alors que les musiciens claquaient leurs valises et la barmaid ses verres tout chauds sortis du lave-vaisselle. Un rêve venait de se terminer, et j’émergeais d’un monde de souvenirs et de sonorités. Comme tout droit revenue des enfers, ou peut-être redescendue des cieux… Je ne sais
www.houseofjazz.ca
M
algré ses belles couleurs, l’automne, quand il arrive, nous rappelle trop bien ce qui nous attend. Pour six longs mois. La grisaille des derniers jours n’est que nos fiançailles à une longue vie commune de compromis avec les rigueurs de l’hiver. C’est un retour à la vie d’ermite, un peu plus isolée, et beaucoup moins vagabonde. C’est à une petite adresse de la rue Aylmer que j’ai trouvé refuge pour échapper à l’automne grisonnant. C’était chaleureux, invitant, aux lumières tamisées et parfumé de cigare. J’allais bientôt tout oublier, et me laisser prendre au jeu… du jazz. Autrefois très connu sous le nom de Biddle’s, la Maison du Jazz est aujourd’hui une adresse incontournable pour les connaisseurs de jazz. Dans une ambiance qui en rappelle les années de gloire, la Maison du Jazz accueille les meilleurs musiciens et les mélomanes qui n’en démordent pas. C’est en 1968 que le visionnaire George Durnst ouvre son établissement, qui sera dès ses tous débuts considéré comme la «Mecque du Jazz» au Canada. Aujourd’hui, les grands noms qui s’y sont produits ne sont plus un secret, mais ceux qui s’y réfugient pendant le monstrueux Festival estival, pour jouer et jammer à l’abri des foules et des commandites, le font encore en catimini… Le jazz, même dans ses années d’or, aura toujours été une musique en marge,
Le jazz, musique pop par excellence des années30 et 40, renaît tous les soirs dans le chaleureux salon de la Maison du Jazz.
plus. Mais encore sur ma faim, et l’appétit venu en mangeant, j’ai complété mon petit voyage au Centre d’histoire de Montréal qui offre une exposition bien sympathique sur l’histoire du jazz à Montréal. Car notre ville a été autrefois le noyau de cette musique flamboyante, accueillant les musiciens venus de loin pour s’y installer. Pourquoi Montréal? Parce que dans le sud des États-Unis, dès les années vingt, on parlait d’un endroit comme
d’un secret, bien au nord, où la ségrégation n’existait pas et où on pouvait jouer du jazz… x Vous trouverez tous les soirs des groupes à la Maison du Jazz (2060 rue Aylmer). Pour consulter l’horaire, visitez le www.houseofjazz.ca. L’exposition Jazz : les folles nuits de Montréal est présentée jusqu’en mars au Centre d’histoire de Montréal (355 place d’Youville). Pour plus d’information: www2.ville.montreal.qc.ca/chm.
xLe Délit • 25 octobre 2005
Un peintre, un artiste, à l’état pur
15 culturecinéma
Un documentaire biographique sur Serge Lemoyne à la hauteur de cet artiste survolté. ÉLODIE LE CADRE roduit par le Collectif oblique, ce film propose une plongée au cœur du bouillonnement culturel montréalais des années 60 en compagnie de l’initiateur du happening au Québec, le peintre Serge Lemoyne. Iconoclaste pour qui l’art et la vie n’avaient pas de frontière, Serge Lemoyne, peintre et performeur, fut une figure déterminante du milieu des arts visuels des années soixante. Fruit de trois années de travail et de plus de cent trente heures de matériel filmique, Lemoyne est un documentaire coloré, comme le sont les œuvres et la personnalité du peintre: des vidéos maisons s’apparentant au journal intime, des archives radios et télévisuelles, sans musique, sans narration. Juste une vie, un regard à l’état brut sur un artiste... Avec la participation de plusieurs artistes qui l’ont côtoyé (dont Claude Péloquin, Serge Tousignant), d’historiens de l’art (dont Marcel Saint-Pierre) et de journalistes (dont l’écrivain Claude Jasmin et Paul Toutant) qui ont
Vidéographe
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Serge Lemoyne est un prophète de l’art nouveau au Québec.
accompagné son parcours, le film s’impose par sa mise en perspective de la démarche de l’artiste comme chef de file de la scène des arts visuels au Québec dans les années soixante. Leader des groupe L’Horloge et Zirmate et avant-gardiste du spectacle Happening mixant
peintres, orateurs et musiciens sur une même scène, Lemoyne est un prophète de l’art nouveau issu tout droit d’un mouvement artistique occidental. Lemoyne est le premier long métrage de trois jeunes cinéastes de vingt-cinq ans. Simon Beaulieu,
Benjamin Hogue et Christian Laramée ont développé une complicité en 1997 alors qu’ils rencontraient Serge Lemoyne pour un projet collégial. Leur association s’est poursuivie à l’Université de Montréal où ils signèrent la réalisation de deux courts métrages
Est-ce que j’ai le choix?
de fiction. Ce documentaire vous inonde de l’esprit novateur de ce peintre, artiste prolifique, survolté, exalté pour ainsi dire. Vous découvrirez les secrets de la confection de ses chefs-d’œuvre et l’inspiration qui l’a conduit à toujours faire de l’art accessible à tous, telle sa collection qui rend hommage aux héros de son pays, les hockeyeurs. Un défenseur de l’art collectif, mais aussi un personnage tourmenté. Bien qu’il veuille toujours attirer les projecteurs sur lui et déranger la collectivité, Lemoyne reste inquiet et non convaincu de son talent. Lemoyne: un documentaire pertinent qui vous fera découvrir un homme d’une verve incomparable et un artiste qui a marqué son époque. x Leymone est présentement à l’affiche au Cinéma Beaubien (2396 rue Beaubien Est). Pour plus d’information, appelez le (514) 721-6060 ou visitez le www. cinemabeaubien.com
Festival du nouveau cinéma
Le film de clôture du FNC, De battre mon cœur s’est arrêté, est maintenant à l’affiche. DAVID PUFAHL le drame psychologique intimiste, à un point tel qu’on ne sait plus où l’un s’arrête et où l’autre commence. Je ne peux pas faire de comparaison avec l’œuvre originale puisque je ne l’ai pas vue, mais je dois admettre que je suis curieux. Les thèmes évoqués dans ce film m’ont vraiment fasciné. Le personnage principal, après qu’il ait redécouvert le piano, essaie de concilier sa nouvelle passion avec ses activités professionnelles un peu louches. Il a évolué dans l’immobilier véreux depuis suffisamment longtemps pour y être enfoncé jusqu’au cou. Il désire visiblement se dégager de ce milieu, mais il en est ultimement incapable. Sur ce point de vue, ce film est complètement ancré dans la réalité. N’importe qui ayant eu une passion quelconque contrecarrée par des obligations professionnelles ou autres comprendra ses réactions. Comme vous l’aurez deviné, la musique occupe une place primordiale dans ce film. En plus de la musique classique jouée par Thomas, il y a de la musique électronique que Thomas écoute avant de se remettre au piano et aussi une excellente trame sonore. Il est évident que le réalisateur porte une attention toute spéciale au son dans ses œuvres. On n’a qu’à écouter son film précédent Sur mes lèvres, à propos d’une malentendante, pour s’en convaincre. D’ailleurs, la vedette de ce film, Emmanuelle Devos, joue un petit rôle dans De battre… On pourrait avoir des doutes sur Romain
gracieuseté du Festival du nouveau cinéma
M
aintenant que le Festival du nouveau cinéma est terminé, l’heure est au bilan. Au total, j’y ai vu neuf films et j’ai été désappointé, indifférent, enthousiaste et simplement émerveillé, mais pas nécessairement dans cet ordre. Lorsque ces films sortiront en salles, vous aurez de mes nouvelles dans ces pages. En attendant, vu que le film de clôture est à l’affiche depuis hier, je peux vous en parler. De battre mon cœur s’est arrêté, de Jacques Audiard, fait partie de la crème du festival. Thomas (Romain Duris) travaille dans l’immobilier. Il n’hésite pas à avoir recours à des petites magouilles pour se faciliter la vie. On pourrait dire qu’il suit les traces de son père (Niels Arestrup), une vieille fripouille qui lui demande de se servir de ses talents d’intimidation pour ses propres affaires louches une fois de temps en temps. Après une rencontre fortuite avec le gérant de sa mère décédée, qui était pianiste, ses talents de joueur de piano commencent à remonter à la surface. En se préparant pour une audition, sa vie professionnelle va être chamboulée. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce film est le «remake» d’un film américain obscur des années 70 appelé Fingers. Bien que, par principe, je sois contre l’idée de reprendre un scénario, de le traduire et possiblement de le dénaturer (d’autant plus que les Hollywoodiens n’ont tellement pas d’imagination…), ce remake fonctionne. Il met efficacement en conflit le pôle violent et
Thomas (Romain Duris) se pratique, mine de rien.
Duris, plutôt connu pour ses rôles comiques dans L’Auberge espagnole et Les Poupées russes. Heureusement, il livre ici une performance magistrale qui va sûrement lui donner d’autres rôles dramatiques dans le futur. Il donne à son personnage des tics nerveux qui trahissent ses états d’âme tout en restant crédibles. Les autres acteurs sont aussi très bons, mais servent surtout de faire-valoir à Duris, qui est pratiquement toujours à la caméra.
Ce film est passé très près d’être le meilleur film que j’ai vu au FNC cette année. Cet insigne honneur revient à L’Enfant, des frères Dardenne, que je vais probablement critiquer très bientôt. En attendant qu’il soit à l’affiche, vous devrez vous contenter (il s’agit d’un euphémisme, bien entendu!) de De battre…, un des meilleurs films français que j’aie vus depuis longtemps. x
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La suite d’une rencontre
culturemusique
La conscience de Yann Perreau sur la politique, la musique et la relève. NICHOLAS BELLEROSE à Montréal. Il parcourra évidemment tout le Québec, mais ira aussi en France en janvier. On peut espérer une carrière internationale pour cet artiste de chez nous. Justement, en parlant des artistes locaux, on réalise que Yann Perreau a vraiment à cœur la relève musicale. Il dit aller souvent dans les petits bars de la ville pour découvrir de nouvelles influences, s’inspirer et se renouveler. De ce fait, il n’hésite pas à participer à des évènements tels le Festival de la musique émergente (FME) ou à être porteparole du New Jazz Festival. «Je m’oublie dans ces engagements, je le fais par amour, pour les autres, et tant mieux si mon nom peut aider des nouvelles figures à émerger», ajoute-t-il avec sincérité. Yann est bien conscient d’être privilégié de vivre de sa musique et, comme il s’est inspiré des autres l’ayant précédé, il espère pouvoir faire la même chose avec la génération montante. À travers notre conversation, on en vient à la politique, car Yann Perreau n’a jamais caché son penchant pour l’option souverainiste. D’ailleurs, il a le courage de ses idées, même si les artistes ne font pas l’unanimité en tant que porte-parole de la souveraineté. Par contre, Yann défend les artistes avec raison lorsqu’il
mentionne: «un citoyen doit assumer ses droits, tout le monde a le droit de parole et un droit de vote.» Cependant, il est aussi d’accord «que la romance, la poésie et les chansons ne font pas un peuple viable. Il faut des gens de tous les milieux, sciences, droit, défense, etc.» Montréal est le vrai Canada pour lui: il n’y a pas de barrière naturelle dans les langues ou les cultures et on y vit tous ensemble. Mais il n’y a pas juste la politique nationale méritant l’attention de Yann Perreau, car il est aussi parrain de la rivière l’Assomption pour l’organisme Fondation rivières. On constate que l’environnement est aussi important dans ses préoccupations. Finalement, je me rends compte combien cet auteur-compositeur-interprète est plaisant. En fait, Yann Perreau est intéressant à connaître pour sa musique, mais aussi pour sa généreuse personnalité. Ainsi, la soirée s’est terminée dans un spectacle et le party d’après show… Souhaitons lui un long parcours de carrière, car il manque de ces gens humains et conscients de la vie sous toute ses facettes. x Pour plus d’information visitez le www. yannperreau.com ou le www.fondation-rivieres.org
Broken Social Scene sur scène
Guy Hamelin
N
otre dernière rencontre était au mois de février dernier, juste avant la sortie de son album Nucléaire. Nous avions parlé de ses inspirations, de la création de son disque et de sa vision artistique. Aujourd’hui, tout va pour le mieux: des critiques élogieuses pour son disque, son spectacle, un évènement à ne pas rater, et une tournée le tenant occupé jusqu’à l’année prochaine. Mais comment Yann Perreau gèret-il tous ces évènements ? Il était bien préparé à faire face à ce cirque. De plus, il n’hésite pas à s’impliquer à d’autres niveaux sociaux. «Le truc est de ne pas trop lire les critiques à son sujet» mentionne-t-il. Yann fait le plus souvent possible abstraction de celles-ci, car il sait combien cela peut blesser. Ainsi, il décide plutôt de se consacrer sur l’essentiel avec les gens qui l’entourent. Cela fait douze ans qu’il joue avec le même guitariste et il maintient le même band depuis deux ans et demi. Il n’hésite pas à les décrire comme sa famille et lui a même trouvé le nom du «Bataillon d’Anges Heureux». Ainsi, depuis cet été il a fait des festivals: la St-Jean sur les Plaines, les premières parties de Dumas, Desjardins et autres apparitions spéciales. Par contre, son vrai show a officiellement débuté en octobre
Yann Perreau se consacre à son nouvel album Nucléaire, déjà remarqué par la critique, sans délaisser son engagement politique.
culturemusique
Le nouvel album éponyme de Broken Social Scene arrive avec éclat à Montréal. SAMUEL ST-PIERRE THÉRIAULT
C
mémorable, s’arrêtant souvent pour parler à la foule de fervents amateurs, créant ainsi une atmosphère intime, chose assez difficile à faire dans la grande salle du Metropolis. Le spectacle s’est même arrêté à un moment donné afin de téléphoner à un des membres du groupe qui ne pouvait être sur place pour le spectacle, sa femme étant en train d’accoucher. Le groupe jouant sa musique rock atmosphérique a très bien commencé la soirée et a lentement bâti son momemtum. Après environ une heure de musique bien remplie, le groupe s’est retiré pour la première fois, mais seulement afin de revenir aussitôt accompagné de K-os, rappeur torontois qui est par ailleurs l’un des Mc’s les plus intéressant de la scène musicale canadienne actuelle. Le groupe s’est ensuite présenté pour un second rappel comblant ainsi les fans rassemblés devant la scène. C’est donc avec éclat que Broken Social Scene nous a présenté son dernier album qui, bien que solide, ne peut s’élever à la
hauteur du magnifique You Forgot it in People. Le groupe a perdu la fluidité qui avait rendu ce dernier opus mémorable. Certains membres du groupe ont d’ailleurs parlé aux journalistes de leur déception à ce sujet, laissant penser que le groupe en est peut-être à ses dernières heures. C’est tout de même un album solide que nous livre le groupe de
Toronto. Quelques titres tel que l’énergétique «Superconnected», et l’émouvant «Major Label Debut», ne peuvent être critiqués. Aussi à remarquer: le groupe Islands, composé des anciens membres de The Unicorns, a ouvert pour le groupe torontois. S’éloignant de leurs racines plus disco-punks, le groupe a livré une
performance médiocre.Les chansons à l’air un peu world beat ont laissé la foule plutôt indifférente. C’est cependant un groupe à surveiller, ils sont encore en train d’enregistrer leur premier album et bien que ce spectacle n’était pas de premier ordre, plusieurs des chansons avaient du potentiel. x Samuel St-Pierre Thériault
’est avec impatience que et ma colocataire et moi attendions la sortie du nouvel album de Broken Social Scene. Le «super groupe» de Toronto qui a plus d’une douzaine de membres à son actif avait charmé le public et la critique avec la sortie de son second album You Forgot it in People en 2003. Après avoir gagné le Juno du meilleur groupe alternatif de l’année de 2003, il nous a présenté un album de remix et de b-sides, Bee Hives. Le groupe revient cette fois avec l’album éponyme Broken Social Scene. Le groupe était en ville cette fin de semaine dans le cadre du Festival MEG et a donné un spectacle à tout casser devant la salle remplie du Metropolis. Mélangeant les vieux succès de You Forget it in People avec les nouvelles chansons moins connues du nouveau Broken Social Scene, le groupe a donné un spectacle rempli d’énergie qui n’a pas déçu les fans s’étant déplacés pour l’occasion. Le chanteur, guitariste et organiste Kevin Drew nous a donné une performance
Le groupe torontois de rock atmosphérique a donné, cette fin de semaine, un spectacle mémorable.
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Parole de corps
culturedanse
À la recherche d’un langage perdu, José Navas nous rappelle à nous-mêmes avec sa pièce Portable Dances. OLIVIA LAZARD comme la peste et Navas se retrouve à courir en essayant de se souvenir comment fonctionne la mécanique de son corps pour le garder debout. Le son de la voix est recouvert par un rythme prononcé, lourd, auquel la danse doit se conformer et dans lequel le corps manque de souffle. Navas fait un tableau avec sa danse, un tableau qui nous correspond. Par la représentation de sa danse il nous rappelle que nous avons perdu le sens du corps, que nous ne nous souvenons plus de lui que comme un instrument qui nous mène du bout d’une pièce à une autre. Mais, après tout, c’est en oubliant d’apprendre à connaître son corps qu’on oublie d’apprendre à être bien. Dans la danse contemporaine, le corps est présenté tel qu’il est, tel qu’il peut être, dans sa forme la plus simple et la plus incroyablement belle. Il ne raconte pas d’histoire réelle, il suggère, il guide l’imagination. Et pourtant, dans cette abstraction suggestive, aucun geste ne manque de précision, l’air est une extension du corps, la lumière est un fusain,
le mouvement est une direction à suivre. Cette danse lie toutes les disciplines pour révéler toutes les facettes possibles du corps. Lorsqu’un geste peut peser toute la force de la violence et pourtant se terminer dans une infime douceur, alors on peut pointer d’un seul doigt toute la complexité de la dimension humaine. De plomb à plume, Navas se rend compte qu’il n’y a pas de limite, le corps dansé est tout à la fois, ce n’est plus une chair muette, c’est une parole de corps. La promesse que nous ne sommes pas seulement des apparences mais des êtres bien vivants. La danse est le seul art qui puisse nous faire ressentir notre propre condition dans sa forme la plus intime. A fortiori, la danse contemporaine apporte cette immense liberté dont le corps a besoin pour s’exprimer pleinement. C’est une danse iconoclaste et fusionnelle, elle provoque, elle berce, elle emporte. Nulle part ailleurs ne prouvera-t-on autant l’importance du corps, cette simple
Michael Slobodian
D
e rigueur en souplesse, du fusionnel à l’iconoclaste, c’est par une danse épurée que Navas nous donne à ressentir une palette d’émotions riche en couleurs. Il cherche à rendre au corps toute l’attention qu’il mérite, sans mièvreries artificielles, dans la plus grande nudité artistique. Dans la danse contemporaine, le mouvement est une poésie, il va s’inscrire dans l’air comme on coule un mot sur du papier. Il faut laisser une trace. Mais Navas, lui, ne la laisse pas: il l’accompagne, il la prend par la main et nous la met dans la figure. Son but ici n’est pas de faire de l’art un ravissement des sens dont on va se délecter pour quelques heures, sa danse est un message donné à qui veut bien l’entendre. Un message qui commence par le son continu d’une voix monotone et qui se prolonge par des mouvements interrompus. Navas cherche à comprendre le corps en le décomposant, il prend le temps d’examiner et de ressentir. Mais le temps, c’est bien connu, nous fuit
Legende à mettre
nécessité de bouger pour savoir que l’on est en vie et que quelque chose de merveilleux peut naître d’une simple flexion. Un mouvement qui nous rapprochera un peu plus des autres que nous cherchons tant, ou peut-être qui nous en éloignera. Mais quoi qu’il arrive, il nous restera toujours cette capacité de bouger, de faire un pas, qui nous
Si près du but: étrange étranger étranglant
mènera immanquablement vers un autre. C’est cette succession de pas, cette vie là, que peut nous faire voir la danse. x Portable Dances est présenté à l’Agora de la danse (840 rue Cherrier). Pour plus d’information www.agoradeladanse.com.
culturedanse
Un étranger se pointera au Théâtre La Chapelle jusqu’au 29 octobre. MARIE-NOËLLE BÉLANGER-LÉVESQUE Rolline Laporte
L
a nouvelle chorégraphie de Guylaine Savoie Un étranger, présentée du 19 au 29 octobre au Théâtre La Chapelle, n’a pas su combler mes attentes. Je déteste ne pas aimer une pièce, une chorégraphie. J’ai un naturel enclin à l’appréciation, et la critique plutôt rare face au talent des artistes ou au travail de tout professionnel, peu importe sa profession. Avant la présentation, j’avais lu au sujet du travail en danse contemporaine de Guylaine Savoie et attendais avec une certaine impatience la première de sa dernière œuvre: la critique parlait de «son style poétique et sensible», «sombre et attirant». De plus, j’apprécie généralement tout ce que présente la compagnie Danse-Cité. Le récit met en scène une femme (interprétée par Guylaine Savoie) dont l’univers bascule lorsqu’elle pressent la présence d’un inconnu (Peter James) dans sa demeure. Elle nous est offerte dans un mélange de danse, de vidéo et de jeux d’ombres que l’on promettait comme une expérience émotive et
Guylaine Savoie, dans Un étranger, n’a pas su combler mes attentes.
visuelle de deux corps transfigurés par la rencontre de la peur et de la fascination. La magie ne s’est pas réalisée. Ce qui devait m’émouvoir m’a
laissée froide. Je suis restée assise durant une heure à me demander si je finirais par me sentir touchée, je me répétais: «Regarde MarieNoëlle, tout le travail qui a été fait,
ces deux corps qui s’entremêlent c’est sûr que c’est bon…» En vain: l’heure est passée et j’ai soupiré, me désolant en pensant que je devrais écrire une critique si négative pour une chorégraphie à laquelle on avait mis tant d’efforts. Pourtant, on était si près de l’objectif visé. Tous les éléments étaient en place pour faire vibrer, effrayer, questionner l’audience. La scénographie de Éric Belley était particulièrement réussie avec ses trois tableaux au décor mobile et son éclairage électrisant. La vidéo, ce mélange d’images réalisé par la chorégraphe et George Léonard, projetée sur différents pans du décor, était captivante. La musique, imposante dans cette pièce sans parole, ne laissait personne froid. Enfin, les jeux d’ombres étaient astucieux, obligeant notre regard à se porter de tous les côtés. Ce qui manquait, c’était la magie: celle qui transforme un bon concept, qui rassemble d’excellents éléments en une expérience transformante. Pas de magie, le message ne passe pas,
l’émotion non plus: l’audience assiste, imperturbable, à un faux drame, un drame qui sonne faux. La musique, qui aurait été parfaite si la magie avait été de la partie, devint désagréable; l’interprétation, qui se voulait si touchante, inspirait un peu de pitié. Je n’ai donc rien à critiquer en particulier, car je ne comprends tout simplement pas ce qui manquait à la composition de cette œuvre pour qu’elle devienne vivante. Je me contente de dire: la magie n’était pas au rendez-vous. Si vous êtes vraiment curieux ou si vos goûts sont à des kilomètres des miens, vous pouvez tenter l’expérience. C’est un moindre risque considérant que le prix du billet peut être aussi bas que 13$ avec la carte les Audacieux. Saiton jamais: le premier soir n’était peut-être pas tant représentatif du spectacle. x Un étranger est présenté jusqu’au 29 octobre au Théâtre La Chapelle. Pour plus d’information, visitez le www. lachapelle.org.
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Pour ou contre l’acharnement thérapeutique?
culturebd
Où l’on dépasse les bornes en détruisant les classiques de mon enfance. LAURENCE BICH-CARRIÈRE naguère au manteau du personnage, c’est aujourd’hui plutôt l’opinion du lecteur de plus de six ans). Cependant, il est manifeste que sans complicité, le filon s’épuise. On aura pu fermer les yeux sur La Galère d’Obélix et La Traviata comme on l’avait fait pour Les Faiseurs de silence et QRN sur Bretzelburg chez Spirou (vous ne vous en souvenez pas? C’est normal). Mais avec Le Ciel lui tombe sur la tête, on a dépassé les bornes en présumant qu’on pouvait offrir n’importe quel résidu putréfié de rat d’égout mort-né à un lectorat qu’on croyait béatement conquis. Et bien non! Goldorak, des clones de Superman, des hot-dogs et des extraterrestres sont plus qu’une fidèle lectrice n’en peut supporter sans hennir et se rebiffer, même lorsqu’on lui a glissé les œillères de la satisfaction avec des bijoux comme Le Tour de Gaule ou Le Domaine des dieux.
Les limites de la balourdise Je veux bien que, du duo AlbertRené, le scénariste soit mort et que le dessinateur ait dû prendre le flambeau. J’admets également que la continuité n’emporte pas nécessairement la continuation de l’excellence: la succession Morris l’a fait avec brio, ça n’a pas été le cas du Docteur poche (renvoyant
Mickeyesques dessins, et le reste à l’avenant La dédicace posthume (car ce n’est rien de moins qu’un assassinat moral), dédicace qui, soit dit en passant, me vole ma 48e page, mais dans les circonstances, c’est peut-être aussi bien, explique que c’est à Walt Disney (dont l’anagramme non subtile vient vire-
Pelican The Fire in our Throats Will Beckon the Thaw (Hydra Head)
T
he Fire in our Throats Will Beckon the Thaw est le deuxième album de Pelican. Le groupe de Chicago crée une musique intégralement instrumentale que l’on pourrait classer dans le métal atmosphérique. Le groupe a changé de direction depuis Australasia, sorti en 2003. Les influences du métal se sont dissipées pour laisser la place au post-rock. D’une certaine façon, la musique de Pelican ressemble à celle de Godspeed You! Black Emperor. Chaque pièce est exécutée avec la minutie d’un horloger suisse. Pendant près d’une heure, on ne peut s’empêcher de remarquer à quel point l’ambiance est lourde. Contrairement à Australasia, qui était très brutal, Beckon the Thaw vogue entre les différentes mélodies. «Last Day of Winter» est
languer le récit) qu’Uderzo devait son inspiration. Et bien justement, j’avais l’impression de lire un Super Picsou géant ou un pastiche de Mickey Parade version Fluide glacial. La dédicace au dieu congelé des plaisirs d’enfance sains puis aseptisés (heureusement qu’on permet dorénavant le port de la moustache aux employés de Disney World, qu’aurait été nos Gaulois dépouillés de leurs attributs sub-nasaux?) explique tout, mais elle n’excuse rien. À travers les gags éculés qui sentent la plogue obligée et le pré-mâché à plein nez, on voit un gros signe d’euro. Papa Uderzo, que je ne peux imaginer autrement que contrit et humilié d’avoir été obligé par son promoteur de continuer à faire tourner un engrenage qui déraille (ça ou il est devenu complètement gâteux), essaie-t-il de faire son mea-culpa en écrivant vers la fin qu’«afin de faire oublier cette aventure grotesque, je vais faire en sorte que les Gaulois n’en gardent aucun souvenir». Les lecteurs aussi, espérons-le. Sinon, cet album pourrait bien être la vignette finale de la crédibilité d’Astérix le Gaulois. Si Uderzo est ici un barde, c’est un Assurancetourix qu’il aurait fallu bâillonner. x
l’ouverture parfaite pour cet album. La ligne de guitare est particulièrement entraînante. Ensuite, «Autumn Into Summer» vous fait flotter entre les nuages avant de décoller tout en douceur. La méthode de Pelican est plutôt simple: des riffs répétitifs qui montent tranquillement vers le paroxysme. «March to the Sea» est extrait d’un EP de vingt minutes qui est paru quelques mois avant Beckon the Thaw. Comme sur Australasia, un intermède coupe l’album en deux. La chanson, qui ne porte pas de titre, met un peu de couleur dans la masse grise. L’exécution est excellente, oui, et l’album l’est aussi. Cependant, après quelques écoutes l’ambiance morose devient pénible et on anticipe les montées en cadences et autres détours qui nous tenaient en haleine la première fois. L’album perd ses surprises et on a bien moins envie de le réécouter. La nouvelle direction musicale semble avoir tué le peu de sensualité que gardaient ces musiciens perfectionnistes. Mais après tout, n’est-ce pas là le but du post-rock ? ALEXANDRE DE LORIMIER
www.asterix.tm.fr
C
’est mon charmant frangin qui sort de sa chambre, l’air absolument dégoûté: «Non, non, non! Il est hors de question que je dépasse la scène avec Superman!». Ameutée, je cherche à saisir l’objet de son désarroi. Qui manque de me revoler par la tête. C’est de justesse que j’évite Astérix – Le Ciel lui tombe sur la tête, lancé dans ma direction avec colère. Après lecture, je n’ai qu’un constat: c’est ce qui s’appelle la destruction d’une franchise. Pour défaire 1536 pages de bonheur historico-gondolant, dix pages d’inepties infantilisantes suffisent. Il ne reste plus qu’à sortir son mouchoir et son canif pour lacérer le volume sacrilège. En un mot comme en cent, cet album était un infect succédané de cette série culte à qui je dois d’avoir passé mes cours d’histoire de l’Antiquité haut la main.
Certains lecteurs avaient été déçus par le nouveau genre - plus enfantin mais sans fraîcheur supplémentaire - des derniers albums. Celui-ci sonne le glas de toutes leurs attentes. Un mot: horrible!
Le Mohammed Délit fera son grand retour la semaine prochaine. Au programme: l’annulation de la saison des Redmen. Chaque semaine, Le Délit choisit un sujet controversé et envoie deux collaborateurs s’affronter dans le ring. Envoyez-nous vos réactions de 300 mots à redaction@delitfrancais.com.
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xLe Délit • 25 octobre 2005
new york à l’impromptu photos de philippe g. lopez
«Je suis là»
Les rêveries du lecteur solitaire PIERRE-OLIVIER BRODEUR i je dois en juger par les réactions à une de mes chroniques précédentes («Perchaude pourrissante»), il semble qu’il y ait beaucoup plus de fervents surréalistes à McGill que de fanatiques chrétiens (aucune levée de bouclier n’a suivi la parution de mon texte portant sur la Bible). Les défenseurs de Breton m’ont surtout reproché de ne pas tenir compte de l’héritage de Poisson soluble, sans même penser qu’un projet visant la fin de l’esthétisme en littérature (eh oui! c’est, entre autres, ça le surréalisme) ne pouvait qu’être pourfendu par un chroniqueur littéraire. Ce qui ne veut aucunement dire qu’il n’a pas contribué au développement de la littérature. On retrouve cette influence dans le dernier recueil de poésie d’Élise Turcotte, La Terre est ici. Élise Turcotte est une poète (je n’aime pas utiliser le terme poétesse, il me rappelle immanquablement Sapho et sa lubricité) québécoise fort en vue et, à ce titre, complètement inconnue du grand public. Pourtant, sa poésie est belle, d’une beauté mystérieuse et
S
ésotérique. Ces courts textes, oscillant entre poésie pure et prose poétique, sont souvent imprégnés d’une ambiance onirique, tout en symboles, sans pour autant sombrer dans l’absurde. Mais l’univers de La Terre est ici n’est pas, contrairement à celui de Breton ou celui, plus près de nous, d’Anne Hébert, lourd d’hermétisme. Point n’est besoin pour Élise Turcotte d’avoir recours à des dindons parlant pour construire son monde. Il se laisse connaître sans difficulté à travers les mots simples mais précautionneusement choisis de la poète. On y retrouve l’âme québécoise, débarrassée du carcan nationaliste dans lequel elle est trop souvent enfermée. On la retrouve dans ce paysage limité à «deux carrés de neige», mais surtout dans ce perpétuel questionnement, dans cette hésitation sans fin et presque paranoïaque qui caractérise les Québécois: «Est-ce une vie? Est-ce la vie proche comme une ville? Est-ce nous, attentifs, le monde collé à chacun de nos déplacements?» Le titre même de l’œuvre est une annonce du projet d’Élise Turcotte qui cherche un moyen pour s’approprier un environnement, un réel, qui trop souvent nous échappe. Elle mène ce projet à bien sans lui sacrifier l’esthétisme de son œuvre. En effet, La Terre est ici est empreint d’une poésie douce et bouleversante à la fois, qui porte à réfléchir par sa simplicité. Elle est multiforme, toujours changeante, fortement moderne sans être lourde, un magnifique exemple de ce qu’est la poésie contemporaine, trop souvent oubliée au profit de classiques empoussiérés. L’univers de la poésie québécoise est souvent limité à celui de la Révolution tranquille et de ses monuments : Miron, Giguère, Lalonde, Lapointe. On en vient à oublier qu’il y a, dans le fond du RenaudBray, bien caché derrière la section palmarès, tout un univers de jeunes poètes qui, comme Élise Turcotte, nous lancent ce cri du cœur : «Je suis là.»
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Calendrier SEMAINE DU 25 AU 31 OCTOBRE Théâtre Recherche désespérée – acteur mâle pour rôle principal – Inès Pérée et Inat Tendu de Réjean Ducharme – présenté par le Théâtre de la Grenouille – contactez theatr edelag renouille@hotmail.com immédiatement pour en savoir plus. Cinéma Festival de films internationaux et Bazar – mardi le 1er novembre – 11h à 17h30 – Pavillon Shatner, salle de bal (bazar) et salle de conférence Lev Buckman (projections de films internationaux) – ce@ssmu.mcgill. ca. Spectacles Soirée de comédie pas comme les autres – présentée par le journal Red Herring – avec Aziz Ansari et Derick Lengwenus – jeudi 27 octobre – 15$/10$ – billets vendus à la tabagie AUS SNAX et à Sadies dans le Pavillon Shatner – daniel. oettl@gmail.com. Lectures publiques «How Dawson and Redpath Built Their Museum» – présenté par Peter McNally (directeur du
History of McGill Project) – Let’s Talk Collections – organisé par le Redpath Museum Student Club – jeudi 27 septembre – Musée Redpath, auditorium – 16h – (514) 398-4086 ext. 4094 – tania.aldred@videotron.ca. Musique Orchestre symphonique de McGill – Alexis Hauser (chef d’orchestre),YanivAttar (chef invité), Amelia Jakobsson (violoncelle) – œuvres de Elgar et Dvorak – vendredi 28 et samedi 29 octobre – 20h – pavillon de Musique, Salle Pollack – 10$ – (514) 398-4547. Récital de maîtrise (interprétation de jazz) – Min Jung Suh-Rager (piano), Kevin Dean (trompette), Donny Kennedy (saxophone alto), Alec Walkington (basse) et André White (batterie) – 31 octobre – 20h – pavillon de Musique, Salle Pollack – entrée libre – (514) 398-4547. Ensemble de musique ancienne de McGill – organisé par Valerie Kinslow et Betsy Macmillan – lundi 31 octobre – 20h – Salle Redpath – entrée libre – (514) 398-4547.
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new york à l’impromptu photos de philippe g. lopez
«Je suis là»
Les rêveries du lecteur solitaire PIERRE-OLIVIER BRODEUR i je dois en juger par les réactions à une de mes chroniques précédentes («Perchaude pourrissante»), il semble qu’il y ait beaucoup plus de fervents surréalistes à McGill que de fanatiques chrétiens (aucune levée de bouclier n’a suivi la parution de mon texte portant sur la Bible). Les défenseurs de Breton m’ont surtout reproché de ne pas tenir compte de l’héritage de Poisson soluble, sans même penser qu’un projet visant la fin de l’esthétisme en littérature (eh oui! c’est, entre autres, ça le surréalisme) ne pouvait qu’être pourfendu par un chroniqueur littéraire. Ce qui ne veut aucunement dire qu’il n’a pas contribué au développement de la littérature. On retrouve cette influence dans le dernier recueil de poésie d’Élise Turcotte, La Terre est ici. Élise Turcotte est une poète (je n’aime pas utiliser le terme poétesse, il me rappelle immanquablement Sapho et sa lubricité) québécoise fort en vue et, à ce titre, complètement inconnue du grand public. Pourtant, sa poésie est belle, d’une beauté mystérieuse et
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ésotérique. Ces courts textes, oscillant entre poésie pure et prose poétique, sont souvent imprégnés d’une ambiance onirique, tout en symboles, sans pour autant sombrer dans l’absurde. Mais l’univers de La Terre est ici n’est pas, contrairement à celui de Breton ou celui, plus près de nous, d’Anne Hébert, lourd d’hermétisme. Point n’est besoin pour Élise Turcotte d’avoir recours à des dindons parlant pour construire son monde. Il se laisse connaître sans difficulté à travers les mots simples mais précautionneusement choisis de la poète. On y retrouve l’âme québécoise, débarrassée du carcan nationaliste dans lequel elle est trop souvent enfermée. On la retrouve dans ce paysage limité à «deux carrés de neige», mais surtout dans ce perpétuel questionnement, dans cette hésitation sans fin et presque paranoïaque qui caractérise les Québécois: «Est-ce une vie? Est-ce la vie proche comme une ville? Est-ce nous, attentifs, le monde collé à chacun de nos déplacements?» Le titre même de l’œuvre est une annonce du projet d’Élise Turcotte qui cherche un moyen pour s’approprier un environnement, un réel, qui trop souvent nous échappe. Elle mène ce projet à bien sans lui sacrifier l’esthétisme de son œuvre. En effet, La Terre est ici est empreint d’une poésie douce et bouleversante à la fois, qui porte à réfléchir par sa simplicité. Elle est multiforme, toujours changeante, fortement moderne sans être lourde, un magnifique exemple de ce qu’est la poésie contemporaine, trop souvent oubliée au profit de classiques empoussiérés. L’univers de la poésie québécoise est souvent limité à celui de la Révolution tranquille et de ses monuments : Miron, Giguère, Lalonde, Lapointe. On en vient à oublier qu’il y a, dans le fond du RenaudBray, bien caché derrière la section palmarès, tout un univers de jeunes poètes qui, comme Élise Turcotte, nous lancent ce cri du cœur : «Je suis là.»
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Calendrier SEMAINE DU 25 AU 31 OCTOBRE Théâtre Recherche désespérée – acteur mâle pour rôle principal – Inès Pérée et Inat Tendu de Réjean Ducharme – présenté par le Théâtre de la Grenouille – contactez theatr edelag renouille@hotmail.com immédiatement pour en savoir plus. Cinéma Festival de films internationaux et Bazar – mardi le 1er novembre – 11h à 17h30 – Pavillon Shatner, salle de bal (bazar) et salle de conférence Lev Buckman (projections de films internationaux) – ce@ssmu.mcgill. ca. Spectacles Soirée de comédie pas comme les autres – présentée par le journal Red Herring – avec Aziz Ansari et Derick Lengwenus – jeudi 27 octobre – 15$/10$ – billets vendus à la tabagie AUS SNAX et à Sadies dans le Pavillon Shatner – daniel. oettl@gmail.com. Lectures publiques «How Dawson and Redpath Built Their Museum» – présenté par Peter McNally (directeur du
History of McGill Project) – Let’s Talk Collections – organisé par le Redpath Museum Student Club – jeudi 27 septembre – Musée Redpath, auditorium – 16h – (514) 398-4086 ext. 4094 – tania.aldred@videotron.ca. Musique Orchestre symphonique de McGill – Alexis Hauser (chef d’orchestre),YanivAttar (chef invité), Amelia Jakobsson (violoncelle) – œuvres de Elgar et Dvorak – vendredi 28 et samedi 29 octobre – 20h – pavillon de Musique, Salle Pollack – 10$ – (514) 398-4547. Récital de maîtrise (interprétation de jazz) – Min Jung Suh-Rager (piano), Kevin Dean (trompette), Donny Kennedy (saxophone alto), Alec Walkington (basse) et André White (batterie) – 31 octobre – 20h – pavillon de Musique, Salle Pollack – entrée libre – (514) 398-4547. Ensemble de musique ancienne de McGill – organisé par Valerie Kinslow et Betsy Macmillan – lundi 31 octobre – 20h – Salle Redpath – entrée libre – (514) 398-4547.
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