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Qui prendra la porte le 6 novembre ? page 9

Aussi : Mohammed page 5 Kent Nagano page 11

Le seul journal francophone de l’Université McGill.

Volume 95, numéro 7

Le mardi 1er novembre 2005

www.delitfrancais.com

*!?*?#*!* de vélos dans le chemin depuis 1977.


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L’insécurité n’est pas une fatalité Tandem fait de l’éducation sécuritaire à Ville-Marie Ouest. MAYSA PHARÈS e programme communautaire de sécurité urbaine Tandem, mis sur pied en 1982 à Montréal, agit depuis plus de vingt ans à l’échelon local pour la prévention de la criminalité. En réponse aux craintes grandissantes des Montréalais, les équipes Tandem sont aujourd’hui présentes dans une douzaine d’arrondissements. Leur but: fournir des services gratuits auprès des résidents pour les informer des risques qu’ils encourent et les conseiller sur les attitudes à prendre afin de les

L

minimiser. «Nous sommes là parce qu’il ne faut pas que le citoyen se sente victime», nous livre Helen Angelopoulos de Tandem VilleMarie Ouest. Particulièrement active, l’équipe Tandem Ville-Marie Ouest se veut un interlocuteur privilégié des résidents locaux, et plus particulièrement des étudiants, concordiens et mcgillois, nombreux à fréquenter et habiter l’arrondissement. «C’est de l’éducation que nous faisons», nous dit Mme Angelopoulos, «il faut faire

changer les habitudes». Une action concrète Loin de se limiter à de l’affichage et de la distribution de brochures, Tandem mène une action concrète, en partenariat avec, entre autres, le Service de police de la ville de Montréal. Le «diagnostic» est une de ses principales compétences. En effet, l’équipe effectue sur demande des évaluations domiciliaires. On vient chez vous pour examiner les faiblesses potentielles (portes, fenêtres) et vous donner des conseils personnalisés afin de diminuer les risques de vol. Tandem fait aussi le diagnostic des quartiers, en faisant des marches avec les résidents. Il s’agit alors de mesurer les risques à l’aide de facteurs comme le manque d’éclairage ou la présence de graffitis. Tandem effectue aussi des séances d’information sur des thèmes précis comme la prévention chez les aînés. Les étudiants particulièrement touchés Dans un centre-ville relativement sécuritaire, l’attention de Tandem Ville-Marie Ouest se porte principalement sur la communauté étudiante, qu’une

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Douze conseils Il tient à cœur à TandemVilleMarie Ouest de faire parvenir ces quelques conseils aux lecteurs du Délit pour être en sécurité au centre-ville: 1. MARCHEZ au centre du trottoir, sur des rues ÉCLAIRÉES et ACHALANDÉES. 2.APPRENEZ vos HORAIRES d’autobus pour éviter d’attendre trop longtemps. 3. TRANSPORTEZ un MINIMUM d’argent et de pièces d’identité avec vous. 4. GARDEZ toujours un CONTACT visuel avec votre sac à main ou votre sac à dos. 5. GARDER VOS CLÉS séparées de votre portefeuille. 6. Essayez d’utiliser les guichets automatiques pendant les heures de POINTE. 7. Si vous utilisez le guichet le soir, essayez de vous faire tendance au laisser-aller rend particulièrement vulnérable. Mme Angelopoulos explique que l’étudiant est souvent négligent à

ACCOMPAGNER. 8. Assurez-vous de CACHER les renseignements apparaissant à l’ÉCRAN du guichet. 9. Essayez de STATIONNER votre voiture sur des rues éclairées et achalandées. 10. Fermez TOUJOURS vos fenêtres et verrouillez vos portes à chaque fois. 11. Cachez les OBJETS que vous n’apportez pas avec vous dans le COFFRE arrière. 12. Ne laissez ni vos PIÈCES D’IDENTITÉ ni votre certificat d’immatriculation dans la voiture. Tandem Ville-Marie Ouest peut être joint au (514) 849-8393 du lundi au vendredi. Pour plus d’informations, se référer au site Internet de la Ville de Montréal, www.ville.montreal.qc.ca.

l’égard de ses propres biens parce qu’il n’est généralement que «de passage», d’où la problématique du vol. x


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Décisions éclairées

éditorial

De combien d’instances a-t-on vraiment besoin pour administrer nos services locaux?

Le seul journal francophone de l’université McGill

JEAN-PHILIPPE DALLAIRE

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’il était possible d’établir une relation directe entre la qualité des services locaux rendus à la population et la quantité d’instances qui sont impliquées dans la prise de décision, les Montréalais seraient probablement parmi les contribuables les plus choyés. À l’approche d’élections devant consacrer la réorganisation municipale entreprise par le Parti libéral, on peut se demander si les remèdes institutionnels envisagés par le gouvernement Charest pour les défusions sont vraiment de nature à améliorer la gestion des services municipaux. Quelques jours après les référendums sur le «démembrement» des nouvelles grandes villes, le ministre des Affaires Municipales de l’époque, Jean-Marc Fournier, en commentait le résultat: «Je pense que le Québec sort gagnant. Le maire [Gérald] Tremblay de Montréal l’a dit, il trouve que sa ville est plus forte qu’elle était avant. Alors, le Québec sort gagnant parce que la ville de Montréal obtient une légitimité. […] On a fait des structures, on a donné de la légitimité à tout cela, puis on va arrêter les structures.» S’il est une idée dont le gouvernement Charest peut se targuer d’avoir tenté à tout prix de tenir compte lors de la dernière réforme municipale, c’est bien la légitimité. Malheureusement, il ne s’agissait que d’une certaine conception de celle-ci, basée sur le maintien des communautés politiques locales de l’ère pré-fusions. D’où l’idée des référendums, d’une participation minimale nécessaire pour la signature des registres, de l’exigence d’une majorité qualifiée en faveur de la défusion, etc. La dernière étape de cette quête de «légitimité» se déroulera dans quelques jours

avec l’élection des nouveaux conseils municipaux. On peut se demander jusqu’à quel point les nouvelles structures mises en place par la réforme municipale font de Montréal une ville «plus forte qu’elle était avant», ou comment le «Québec sort gagnant» de l’exercice. Si les citoyens des villes ayant opté pour la défusion sentent maintenant qu’ils ont pu donner leur opinion, ceux des villes centres peuvent légitimement se demander dans quoi on les a entraînés. Ainsi, à Québec, la défusion de deux villes forcera la création d’un conseil d’agglomération. La décision des 30 000 citoyens des deux villes imposera alors à la ville centre, comptant environ 500 000 habitants, de se référer à la nouvelle instance pour plusieurs de ses décisions. L’exemple parfait de la lourdeur des structures imposées par la nouvelle organisation municipale reste Montréal. Ainsi, le 6 novembre prochain, certains Montréalais auront à voter pour un conseiller d’arrondissement, un maire d’arrondissement, un conseiller de ville et un maire de ville. La ville et l’arrondissement, ces deux premiers paliers de gouvernement local, ne sont cependant pas les seuls. En effet, au-dessus des conseils d’arrondissement et du conseil de ville, on retrouvera un nouveau conseil d’agglomération. Enfin, une dernière structure englobe l’ensemble de la région montréalaise, soit le Conseil du Montréal métropolitain. La nouvelle structure municipale métropolitaine aura donc quatre (!) niveaux, qui se sépareront la gestion des loisirs, la collecte des ordures, la voierie, les programmes culturels, la sécurité publique, l’urbanisme, les services d’aqueduc, le développement économique

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L’environnement Entrevue avec en vedette Robin Philpot

xLe Délit Volume 95 Numéro 7

rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : (514) 398-6784 Télécopieur: (514) 398-8318 redaction@delitfrancais.com bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone: (514) 398-6790 Télécopieur: (514) 398-8318 daily@ssmu.mcgill.ca rédacteur en chef david.drouinle@delitfrancais.com David Drouin-Lê chefs de pupitre-nouvelles nouvelles@delitfrancais.com Laurence Bich-Carrière Jean-Philippe Dallaire chef de pupitre-culture artsculture@delitfrancais.com Agnès Beaudry rédacteur-reporter Marc-André Séguin coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Alexandre de Lorimier coordonnateur de la photographie Philippe G. Lopez coordonnateur de la correction Pierre-Olivier Brodeur chef illustrateur Pierre Mégarbane

régional, le transport en commun, etc. Si on tient compte du droit d’appel des décisions du Conseil d’agglomération par les municipalités auprès du ministre des Affaires Municipales ainsi que des récentes tergiversations de Québec sur la composition définitive de ce Conseil, le portrait devient franchement complexe. La taille de la nouvelle ville de Montréal demande probablement l’adoption d’une structure basée sur les arrondissements. Cependant, lorsqu’on remarque que le Conseil d’agglomération administrera 70% des revenus des municipalités de l’île de Montréal,

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on peut se demander si le nouveau conseil de ville de Montréal ne sera pas une coquille vide. On peut aussi se questionner sur la nécessité d’élire des personnes différentes pour siéger sur les conseils d’arrondissement et le conseil de ville. Mais, surtout, on peut critiquer une réforme qui n’alourdit les structures municipales de Montréal que pour la seule raison d’apparence de «légitimité». Car, dans les faits, c’est le Conseil d’agglomération qui aura le dernier mot sur la plupart des questions importantes. Espérons que tout cela n’est que transitoire. x

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Mémoires et mystères

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Festival du monde Arabe

La réunion des collaborateurs du Délit a lieu les mardis dès 16h30 au Shatner B•24. Venez nombreux!

collaboration Laurence Allaire Jean, Franco Fiori, Karin Lang, Hugo Lavallée, Olivia Lazare, Elodie Le Cadre, Christina Lemyre McCraw, Mathieu Ménard, Maysa Pharès, Mado Rancé couverture Philippe G. Lopez gérance Pierre Bouillon publicité Boris Shedov photocomposition et publicité Nathalie Fortune the mcgill daily editors@mcgilldaily.com Joshua Ginsberg conseil d’administration de la société de publication du daily Julia Barnes, David Drouin-Lê, Joshua Ginsberg, Rebecca Haber, Mimi Luse, Rachel Marcuse, Jeffrey Wachsmuth

L’usage du masculin dans les pages du Délit français vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit est publié la plupart des mardis par la Société de publications du Daily. Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et illustrations dont les droits avaient été auparavant réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé par Imprimerie Quebecor, St-Jean-sur-Richelieu, Québec. Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et de la Presse universitaire indépendante du Québec (PUIQ). Imprimé sur du papier recyclé. ISSN 1192-4608

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Brèves mais ô combien insolites Affaire d’immigration Vendredi dernier, dans une tentative de régénération de la faune, un groupe écologiste britannique relâchait dans la nature six castors bavarois (les castors ayant disparu d’Angleterre au 12e siècle). Surprise cependant quand le ministère de l’Environnement et des Affaires Rurales les a qualifiés «d’immigrants illégaux»! La peine pourrait s’élever jusqu’à deux ans de prison et une amende illimitée pourrait être imposée au propriétaire des castors avant qu’ils ne s’évaporent dans la nature. (IOL/Cnews) De Lénine à Bouddha Le débat dure depuis la chute de l’URSS: faut-il retirer Lénine du mausolée de la Place rouge où ne vont plus que des touristes et encore, de moins en moins nombreux? Relancé à la fin septembre par un collaborateur de Vladimir Poutine, il aura suscité une réaction pour

le moins inattendue. En effet, le président de la seule république bouddhiste d’Europe, la Kalmoukie russe, a offert un million de dollars pour accueillir la dépouille. (AFP/ Kalm.ru) Astérix au tribunal européen Le Tribunal de Première instance de la Cour européenne de Justice est formel: le suffixe «ix» n’appartient pas exclusivement à Astérix, qui poursuivait la compagnie de téléphonie Mobilix, l’accusant de se faire du capital de popularité sur son dos. La Cour a estimé que la «similitude visuelle» était trop faible pour venir appuyer la thèse de confusion par «similitude auditive» des éditions Albert-René. Tant pis, il faudra trouver un autre moyen à Uderzo de s’assurer la pérennité de sa série, dont le dernier tome a déçu la critique et les fans. (AFP/LRR)

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En trois vitesses En hausse

Gérald Tremblay largement en avance Le maire sortant de Montréal et candidat à sa propre succession Gérard Tremblay jouit d’une large avance sur son principal opposant, l’exmaire Pierre Bourque. Selon un sondage LégerMarketing /Journal de Montréal, M. Tremblay recueillerait 47% des voix, contre 29% pour son adversaire. Il semble que le départ de plusieurs villes de banlieue ne sera pas aussi préjudiciable que prévu pour M. Tremblay, qui y avait recueilli beaucoup d’appuis lors des dernières élections. Du côté de M. Bourque, son bref passage à l’Action démocratique du Québec laisse peut-être encore des marques…

Au neutre Harriet Miers renonce à la Cour suprême Conseillère juridique du président des ÉtatsUnis, Harriet Miers annonçait récemment qu’elle renonçait à se conformer aux procédures entourant l’évaluation des candidats au poste de juge de la Cour suprême des États-Unis. Du même coup, elle retirait sa candidature, pourtant soutenue par le Président Bush. L’avocate, qui n’a jamais été juge,

nouvellesinsolite prétend qu’elle voulait ainsi éviter à la Maison-Blanche tous les tracas qu’aurait causés la traditionnelle enquête du Sénat sur les futurs juges à la Cour suprême. George W. Bush a réagi en mettant en nomination un candidat plus conservateur âgé de 55 ans: le juge Samuel Alito, de Philadelphie.

En baisse Les dix ans du love-in Dix ans après le référendum sur la souveraineté du Québec de 1995, l’amitié des Canadiens hors-Québec envers leurs concitoyens de la Belle province ne semble pas se porter au plus haut. C’est du moins ce qu’on doit déduire de l’échec monumental d’une manifestation d’amour commémorative qui avait lieu récemment au Square Dorchester afin de fêter les dix ans du love-in. Moins de dix personnes étaient présentes. Peut-être que les frais élevés du voyage vers Montréal y étaient pour quelque chose…


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On nous aime très fort... Chère équipe de rédaction, En tant que nouvel étudiant de deuxième cycle, et nouveau résident de Montréal et du Québec, je me suis mis à lire assidûment les trois publications étudiantes de McGill chaque semaine. Je souhaitais me familiariser avec la culture étudiante, et j’apprécie la lecture des idées et des opinions émises par mes collègues. Conclusion après deux mois de lecture: Le Délit est franchement le meilleur des trois journaux. C’est drôle, pertinent et intéressant à lire. J’ai trouvé fascinante l’édition de la semaine dernière sur les dix ans du référendum. Au Canada anglais, il est rare d’avoir la possibilité de comprendre ainsi le mouvement souverainiste. Les autres publications manquent de perspective et ont une couverture plutôt enfantine, même pour des journaux étudiants. Continuez votre bon travail au Délit, et

merci pour votre contribution au journalisme sur le campus. En passant, vous avez oublié d’inclure l’Île-du-Prince-Édouard sur votre carte du Canada dans l’affiche pour le camp fédéraliste. Moïse aurait-il réussi ce qu’il n’a pas pu faire dans le cas du Québec? -Daniel Simeone Cher Daniel, Nous te remercions pour ton message d’encouragement, qui a été dûment transféré à tous nos collaborateurs. Nous avons rosi de contentement à la lecture d’un courriel qui nous plaçait si haut dans le palmarès des publications étudiantes. Nous tenons cependant à dire à nos collègues du Daily (qui, ne l’oublions pas, possèdent la majorité des votes sur le conseil d’administration de la Daily Publication Society dont fait aussi partie le Délit) que cela n’enlève rien à l’estime que nous leur

courrierdeslecteurs

portons, et surtout à la façon absolument magique dont ils font le ménage dans le local. Pour ce qui est du Tribune, on peut se demander qui le lit vraiment pour les articles et non pour les photos... Quant à Moïse, à moins que le concepteur de l’affiche du NON soit capable de nous réciter l’Exode sans faute, il sera sévèrement puni, du châtiment de ton choix. Voyez, lecteurs, le pouvoir que procure l’envoi de lettres à votre journal favori… La Rédaction Nous acceptons toutes les roses que vous voulez bien nous envoyer... ainsi que les échardes. Cet espace vous est réservé. Utilisez-le pour tout sujet qui vous tient à cœur, dans la limite du raisonnable évidemment. Joignez à votre missive votre année et programme d’études. Notre adresse: redaction@delitfrancais.com.

L’annulation de la saison des Redmen

Calendrier • Le 1er novembre 2005 à 17h30 à la salle du tribunal école (3644, Peel), l’Institut Jane Goodall du Canada et le Student Animal Legal Defense Fund présentent Chimpanzee Survival Through Community Centered Conservation. Contactez Gail Grolimond au (514) 369-3384 ou visitez le le www.janegoodall.ca. • Engager la justice sociale: Dialogues et changements, la 5e conférence annuelle de l’Association des étudiants et étudiantes aux études supérieures en éducation de McGill se tiendra les 17 et 18 mars 2006. Date de tombée: 15 décembre. Les présentations peuvent être faites en français ou en anglais. Pour plus d’information, veuillez consulter le site: www. education.mcgill.ca/egss/conference/2006.

nouvellescontroverse

Chaque semaine, le Délit choisit un sujet controversé. Les journalistes devant défendre respectivement le pour et le contre sont tirés aux hazard.

Cette Cettesemaine: semaine:Pierre-Olivier Félix Brodeur MeunieretetLaurence Philippe G. Allaire s’affrontent LopezJean s’affrontent dans dans le ring. à le ring. Il estIlàest noter noter quepositions les positions que les exprimées expriméesne nesont sont pas nécessairement pas nécessairement partagées partagéespar parleur leur auteur. auteur.

POUR

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nfin une institution qui met ses culottes! Non mais, s’il ne fallait pas honorer le courage titanesque du dénonciateur, où irions-nous? Imaginez-vous les risques que ce brave a pris en parlant à The Gazette de ses agresseurs? Connaissant la nature de ceux-ci, il a risqué un second coup de balais ! Heureusement pour lui, McGill ne fait plus partie de sa vie, mais où qu’il soit, il va toujours être à risque puisque les autres réels ou potentiels agresseurs sont encore sans réprimande.Toutefois, grâce à l’administration de McGill, il y en a quelques-uns de moins qui feront du «ménage» sur nos campus. Non seulement les nouveaux joueurs doivent apprendre les règles de la compétition contre les autres équipes, si en plus ils doivent vivre avec une crainte de coups bas de la part de leur équipe, ils ne pourront que se retirer. De l’extérieur, McGill a quand même bonne réputation. Par contre, quand on viole des principes de convivialité élémentaires comme ça, il faut répondre en défaisant leur réputation à eux, ces prophètes de l’irrespect sphinctérien. Donc, qu’on se réjouisse de la fin d’une saison qui a trop longtemps duré, et qui a permis d’abominables interactions entre vétérans vicieux et recrues vissées. Merci à notre administration juste et lucide, et espérons qu’elle pourra influencer d’autres domaines afin que les étudiants voient le crépuscule de tels actes barbares à l’intérieur des autres disciplines sportives, et peut-être même des autres institutions scolaires un peu plus arriérées que la nôtre. x

C

CONTRE

haque jour, notre société s’amollit, victime d’une gauche à la langue de bois, pour laquelle les prétendus droits devraient primer sur les traditions les plus solides. L’annulation de la saison de football des Redmen en étant le plus récent exemple de cette réalité changeante. Non seulement cette décision prive la population de McGill de cette virile allégorie guerrière qu’est le football, mais en plus elle constitue un assaut en règle contre la liberté des étudiants de cette vénérable institution. En effet, les équipes sportives universitaires sont reconnues pour leurs initiations, et qui n’est pas prêt à les accepter est tout à fait libre de ne pas pratiquer de sport. Quand arrêtera-t-on de tenter de contrôler tout ce qui se passe dans notre société, sous prétexte d’une «morale» toute relative? Il est temps de reconnaître enfin aux étudiants la liberté de s’initier comme il leur plaît! S’ils désirent que leurs initiations incluent une activité de sodomie, ils sont tout à fait libres de le faire! En quoi cela vous regarde-t-il? Ne vous rendezvous pas compte que vous êtes en train de transformer toute une génération en enfants gâtés? C’est déjà une honte nationale que nos soldats soient les seuls sur la planète à ne pas devoir faire des pushups dans la boue, la bouche pleine de merde, en chantant l’hymne national tandis que d’autres soldats leur pissent dessus, tenez-vous vraiment à ce que nos jeunes soient les seuls du monde à ne jamais avoir été violés par leurs camarades? Protestons tous ensemble contre cette attaque institutionnelle à nos libertés! Citoyens, tous à vos bâtons! x


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Montréal au cœur des débats sur le changement climatique

nouvelleslocal

Le salon du développement durable 2005: une introduction à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques. ELODIE LE CADRE rganisé par le Centre québécois d’actions sur les changements climatiques en partenariat avec l’ensemble des groupes environnementaux québécois, le Salon du développement durable 2005 s’est tenu au complexe Desjardins du 25 au 28 octobre dernier. L’événement rassemblait une trentaine d’exposants et portait sur les pratiques, les technologies et les initiatives québécoises en lien avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et l’adaptation aux changements climatiques. On y retrouvait des partenaires des secteurs privé, institutionnel, municipal, gouvernemental et des représentants des milieux environnementaux. Des conférences variées portaient sur l’alerte climatique (présentée par des membres d’Équiterre et de Greenpeace), l’habitation et le transport écologique ainsi que sur le portrait électrique du Québec. À l’approche de Montréal 2005 (la conférence des Nations unies sur les changements climatiques), le rassemblement avait pour ambition d’inciter les citoyens à adopter des habitudes concrètes de nature à contribuer aux objectifs du Canada et du Québec dans le cadre de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Pour ce faire, le Salon entendait permettre à la population

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québécoise de mieux comprendre les enjeux liés aux changements climatiques et d’augmenter ses connaissances sur les moyens concrets pour réduire les émissions de GES. Par exemple, l’entreprise québécoise PolluStop proposait une solution concrète au problème de la pollution avec son optimisateur de combustion de carburant Action+. Ce dispositif réduit la pollution causée par les gaz d’échappement des véhicules. L’événement s’inscrivait dans un cadre bien particulier, puisque Montréal se retrouve au coeur des débats sur les changements climatiques. En effet, lors de l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto, il a été annoncé que Montréal serait l’hôte du tout premier rendez-vous des pays signataires du Protocole et de la 11e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Ces deux réunions, qui seront tenues simultanément au Palais des congrès du 28 novembre au 9 décembre 2005, marqueront un moment crucial en matière de négociations internationales en matière environnementale. En effet, elles constitueront le premier tour des discussions sur les suites à donner au Protocole de Kyoto. En plus d’obtenir un siège de première classe pour assister à ce moment

historique, les Québécois se voient ainsi offrir une occasion pour promouvoir l’importance d’une action soutenue et englobante pour lutter contre les changements climatiques en Amérique du Nord. Cependant, plusieurs groupes environnementaux québécois s’inquiètent, car le Québec est toujours sans plan d’action à la veille de la Conférence de l’ONU. Ils pressent donc le gouvernement d’agir. Le rôle du Québec sur la scène fédérale et internationale est en jeu: «Lorsque les maires et les gouverneurs américains débarqueront pour montrer au monde entier ce qui se fait chez eux pour réduire leurs émissions de GES (en dépit du fait que l’administration Bush n’ait même pas ratifié le Protocole de Kyoto) et qu’ils se tourneront vers leurs homologues québécois, qu’est-ce qu’on aura à dire?», déclare Steven Guilbeault, directeur de Greenpeace Québec. Les groupes environnementaux proposent donc au gouvernement québécois de mettre en œuvre des mesures concrètes de réduction de GES et de s’imposer ainsi comme un leader de la lutte aux changements climatiques sur la scène fédérale comme internationale. x

Sustainable McGill en croisade

nouvellescampus

Le groupe écologiste se manifeste à la conférence du ministre fédéral de l’environnement. LAURENCE ALLAIRE JEAN

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Le facteur éolien En effet, afin de faire pression en faveur de l’utilisation de l’énergie renouvelable éolienne, le Sustainable McGill Project avait invité les étudiants à se doter d’un moulin à vent en papier. Dès que le ministre Dion prononçait le mot «Canada», c’est en levant à bout de bras ce symbole que les participants pouvaient s’exprimer en faveur d’un futur plus vert. Le ministre l’a bien remarqué. Un défi de taille: Kyoto M. Dion a décrit l’implication canadienne envers le Protocole de Kyoto point par point. Premièrement, c’est en impliquant les citoyens avec le «Défi d’une tonne» que

Sarin Moddle

e passage jeudi soir au département de chimie de McGill, le ministre fédéral de l’environnement Stéphane Dion a attiré environ 200 auditeurs attentifs. Expliquant le lien qui unit son ministère au domaine de la chimie, M. Dion a aussi présenté ses accomplissements et ses engagements, notamment par rapport aux objectifs du Protocole de Kyoto. La présentation ne s’est cependant pas effectuée sans heurt.

Stéphane Dion, s’exprimait jeudi sur le sujet du développement durable et du Protocole de Kyoto.

le gouvernement fédéral entend réduire les émissions de gaz à effets de serre (GES) des particuliers. Le gouvernement participe aussi lui-même à ce défi; son objectif est de réduire

d’au moins une mégatonne par année les émissions causées par ses activités. La création d’un marché du carbone et le développement d’incitatifs fiscaux pour une technologie plus durable sont aussi au menu environnemental du gouvernement. Encore plus concrètement, le gouvernement a publié en avril dernier le «Projet vert», qui constitue «le» plan par lequel le gouvernement entend réduire de 270 mégatonnes (une baisse de 30%) les émissions canadiennes de GES dans l’atmosphère d’ici 2012. De plus, les récents développements politiques du fédéral ont permis au gouvernement, affirme M. Dion, de déposer «le budget le plus vert depuis la confédération». Par contre, même si le Canada parvenait à remplir pleinement ses objectifs d’ici 2012, il ne s’agirait que de 2% des émissions totales sur la planète. C’est pourquoi le ministre de l’environnement voudrait profiter de la prochaine conférence des Nations unies à Montréal pour amener de nouveaux objectifs encore plus ambitieux afin de donner suite à Kyoto.

Mettre de la pression sur les ÉtatsUnis Finalement, questionné au sujet du rejet du Protocole de Kyoto par l’administration américaine actuelle («mieux qu’à la chambre des communes», selon ses dires), M. Dion reconnaît le problème. Tout de même, il indique qu’«il ne faut pas attendre [la prochaine administration], il faut mettre de la pression tout de suite. Car dans l’expression réchauffement global, il y a le mot global.» Tout ne serait pas perdu selon M. Dion. En effet, les États-Unis possèdent plusieurs des meilleurs scientifiques au monde, et malgré le fait qu’ils n’aient pas ratifié le Protocole de Kyoto, le ministre remarque qu’ils investissent dans plusieurs domaines de technologies durables. x Pour obtenir plus d’informations sur le groupe Sustainable McGill, visitez le www.sustainable. mcgill.ca. Sur les changements climatiques en général, visitez aussi le site du gouvenrment du Canda au www. changementsclimatiques.gc.ca.


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L’alarme est sonnée

nouvelleslocal

Équiterre invite Hubert Reeves et David Suzuki à discourir au Palais des congrès. LAURENCE ALLAIRE JEAN

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Mais elle se double d’un problème de responsabilité: aujourd’hui, la communauté scientifique ne cesse de mentionner que l’humanité se trouve sur un sentier dangereux, mais personne n’y porte attention. «Notre responsabilité ne touche pas seulement comment on fait notre argent, mais aussi comment on le dépense.»

’un des plus grands débats de notre époque.» C’est ainsi que l’animatrice de la soirée, Laure Waridel, présidente et co-fondatrice d’Équiterre, a qualifié le thème de la conférence Alerte climatique réunissant deux des plus grands vulgarisateurs scientifiques connus au Québec: Hubert Reeves et David Suzuki. Organisée et présentée par Équiterre, cette soirée portant sur les changements climatiques avait comme tangente celle de l’alarme et des inquiétudes, tout en désirant du sérieux et de la préparation. Avant de laisser la tribune à MM. Reeves et Suzuki, l’animatrice a commenté avec enthousiasme la présence de 3400 personnes à l’événement: «Cette participation prouve l’évolution du Québec». «La vie va se poursuivre, mais y serons-nous?» Accueilli par une ovation debout, Hubert Reeves a débuté en parlant de l’évolution de la vision environnementale. «La nature était depuis des millénaires une femme, généreuse, aux dons inépuisables et quelquefois capricieuse. Maintenant, l’image est remplacée par celle de la planète Terre, limitée, aux ressources qui ne sont pas infinies. Prendre conscience de ce que ça veut dire est l’événement majeur de notre période.» Cette perspective présentée par Reeves, lorsque liée avec la vigoureuse consommation de ressources naturelles, amène l’humanité à un cul-de-sac. Pour M. Reeves, si les changements climatiques ont mené à cinq grandes extinctions, comme celles des dinosaures, qui vivaient sous une température de 10°C plus élevée que la nôtre,nous en sommes à la sixième extinction: «la vie s’adapte à tout, même aux pires catastrophes. [A]ujourd’hui, […] 30 à 50% des espèces vivantes disparaîtront. […] La vie va se poursuivre, mais y serons-nous?» Un scénario sans humain, a-t-il renchéri, peut sembler de minime importance pour l’univers mais tout de même, les humains

n’ont pas amené que du négatif. Il y a les sciences, les arts («qui garderait les tableaux de Van Gogh si l’humain disparaissait? c’est pas les fourmis!») et finalement la compassion, qui pousse les humains à aider les moins chanceux de l’espèce, trait qui lui semble exclusif à l’humanité. «How did we get into this mess?» Pour David Suzuki, l’évolution de la conscience environnementale joue un rôle primordial dans notre gestion de ce «soudain et difficile défi». Jadis, l’homme ne se préoccupait pas de ce que faisaient les autres

tribus. Or, c’est désormais le mammifère le plus populeux de la planète. «Comment [un] observateur [extraterrestre regardant les hommes de la vallée du Rift] aurait pu s’imaginer qu’un jour ce petit animal bipède, nu, sans fourrure, pourrait dominer la Terre? Mais si on observe plus longuement, on découvre que cet animal est doté d’un très grand potentiel. Son comportement reflète son intelligence. Mémoire, curiosité, créativité et, surtout, l’invention du futur. Le futur n’existe pas, mais l’esprit humain l’a inventé pour le prévoir.» C’est, pour Suzuki, le principal atout de survie de l’homme.

Le cas du Québec Au fur et à mesure que l’animatrice interrogeait les deux scientifiques, David Suzuki était de plus en plus véhément, indigné de l’inaction ou des mauvaises politiques des gouvernements. Ainsi, il a ridiculisé la crainte québécoise d’assimilation culturelle, «qui voit comme un désastre la dénatalité» dans un océan anglophone. Pour lui, payer pour faire plus d’enfants semble complètement absurde si on considère l’empreinte écologique de chaque individu. De plus, il avait peine à cacher sa frustration en imaginant de futurs humains regardant le passé et apprenant comment on utilisait le pétrole, un riche cadeau de la nature… «Vous le brûliez? Vous preniez vos voitures et brûliez du pétrole pour vous amuser?». Finalement, le développement des pays émergents est crucial, mais «nous sommes le problème et nous devrions donner la technologie non polluante à ces pays.» Hubert Reeves a réitéré de son côté son opposition au nucléaire et ne voit pas d’un bon oeil des projets comme ceux de l’Ontario ou de Gentilly au Québec. Un appel de Laure Waridel au bureau de Jean Charest a conclu la soirée. La téléphoniste a mis le public en attente pour finalement dire qu’il ne pourrait pas s’adresser à M. Charest. Un message a cependant été laissé: «Trois mille quatre cents personnes souhaitent un plan d’action pour les changements climatiques et c’est urgent!» x Pour plus d’informations: visitez www. hubertreeves.info, www.davidsuzuki.org et www. equiterre.qc.ca.

Conférence Alerte climatique: la réponse de Stéphane Dion LAURENCE ALLAIRE JEAN Joint par Le Délit, le ministre fédéral de l’environnement réagit aux observations et aux critiques des deux scientifiques. Prêt, pas prêt? Pas prêt Président de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques qui aura lieu à Montréal du 28 novembre au 9 décembre prochain, Stéphane Dion est critiqué par David Suzuki pour l’absence de plan véritable du Canada. Le Délit a donc demandé à M. Dion si le Canada avait un manque à combler afin de bien assurer son rôle d’hôte. Le ministre s’exprime en décrivant les objectifs canadiens comme étant très ambitieux «puisqu’on a de loin la cible la plus exigeante des pays de Kyoto». En d’autres mots, «le Canada n’est pas en bonne position [par rapport aux autres

pays] parce que nos émissions ont continué à croître.» Il donne ensuite l’exemple de la Suède qui a su conscientiser sa population: «[F]ondamentalement, la lutte aux conséquences de l’activité humaine repose justement sur l’activité humaine, c’est-à-dire sur les microdécisions que vous prenez tous les jours.» Il fait par le fait même allusion au «Défi d’une tonne» annoncé à la télévision. Le pouvoir vert En conférence, Hubert Reeves a mentionné qu’augmenter les pouvoirs des ministères de l’Environnement serait certainement une bonne mesure à prendre pour lutter contre les changements climatiques. Ces ministères ne sont-ils là que pour donner bonne conscience aux États? Du côté canadien, Stéphane Dion affirme

que son ministère prend de plus en plus de responsabilités: parcs nationaux, loi sur la protection de l’environnement et politique générale sur les changements climatiques. Il ajoute: «Les autres ministères et ministres doivent aussi être verts. Un ministère, seul, ne doit pas porter la responsabilité, même s’il doit avoir la direction générale. C’est pourquoi notre premier ministre a mis en place un nouveau comité du cabinet, le Comité [interministériel] du développement durable, qui est présidé par le ministre de l’Industrie et qui fait en sorte que l’environnement devient une préoccupation de tous les ministères.» Assez ou pas assez d’information? David Suzuki s’est indigné de l’inaction des gouvernements, alors que les

scientifiques présents aux conférences de Toronto (1988) et de Rio de Janeiro (1992) avaient regroupé assez d’information sur les changements climatiques pour alerter les politiciens et les pousser à agir. Pour M. Dion, ces informations n’étaient ni assez précises ni dans «l’ordre des priorités de la population et, même, des scientifiques. Vous n’auriez pas eu une assemblée de chimistes comme celle d’hier [jeudi] qui disait: ah oui c’est une priorité!» Il reconnaît que certaines contraintes politiques et d’opinion publique ont fait en sorte que le problème n’était «probablement pas assez ressenti pour mener à des politiques» dans les années 1990, alors qu’il l’est considérablement en 2005. x


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«Il y a eu du vol» en 1995

nouvellesnational

L’auteur de l’essai Le Référendum volé accorde une entrevue au Délit. MARC-ANDRÉ SÉGUIN

Une vérité qui choque L’originalité du Référendum volé, c’est d’abord la franchise à laquelle se livrent certaines des personnes citées, notamment des acteurs-clés au sein de la campagne du NON et de la mise en œuvre du fameux «Plan B» d’Ottawa pour empêcher toute nouvelle montée du mouvement souverainiste au Québec. Parmi ces acteurs, on retrouve Sheila Copps, John Rae de Power Corporation et l’ambassadeur américain de l’époque James Blanchard. L’ancien directeur du Toronto Star John Honderich y fait lui aussi preuve d’une grande candeur: «[Lors de l’organisation du love-in du 27 octobre 1995] je me sentais tellement impliqué que nous avons organisé le départ pour Montréal de beaucoup d’autobus à partir des bureaux du Toronto Star. Le journal les a payés.» Lorsque Philpot souligne en retour que le love-in fut perçu par bon nombre de Québécois comme «une démonstration de force de la majorité canadienne visant à intimider une minorité», M. Honderich le reconnaît aussi d’emblée: «Oui, c’est ça et je ne le nie pas. Mais je vous le redis, nous savions qu’il y avait une loi, mais nous nous

sommes dit: au diable, les conséquences!». Pour M. Philpot, un anglophone souverainiste, cette franchise serait attribuable au fait que ces personnes «ont une vision tellement ethnique du mouvement souverainiste qu’elles ne peuvent pas imaginer qu’un anglophone appuie la cause du Québec». L’ancien directeur des communications à la Société Saint-Jean-Baptiste de 1998 à 2003 se défend d’ailleurs de toute manœuvre malhonnête pour avoir recueilli des commentaires aussi directs: «Je n’ai rien caché. […] Ils auraient pu faire une petite recherche pour savoir [qui j’étais]. Ils n’ont pas pensé que c’était important. Il faut rappeler que c’était avant les histoires de la Commission Gomery. Les fédéralistes pavoisaient. […] Je suis convaincu que si j’avais été francophone, ils auraient été beaucoup plus méfiants». Des réactions à anticiper? Reste à voir si certaines révélations-chocs du livre viendront alimenter le débat public, surtout à la veille de la sortie du premier volet du rapport Gomery. L’une de ces révélations aborde le processus de naturalisation accélérée ayant eu lieu de 1994 à 1995, qui aurait eu l’effet de transformer le Canada en véritable «passoire». Cela aurait permis l’entrée au pays de personnages comme Al Rauf Al-Jiddi, identifié comme présumé terroriste par John Ashcroft en janvier 2002 (le gouvernement américain offre d’ailleurs 5 millions de dollars pour des informations pouvant mener à son arrestation), qui aurait obtenu la citoyenneté canadienne en octobre 1995. Ce qui a d’autant plus surpris M. Philpot, c’est qu’«[u]n ou deux journaux [canadiens] ont dit qu’il avait obtenu sa citoyenneté en 1995. Ils n’ont pas dit que c’était en octobre, à Montréal, en 1995. J’ai trouvé [cette information], mais pas au Canada». Une autre révélation qui ressort dans le livre de Philpot a trait à la participation de Power Corporation dans la disparition mystérieuse de certains documents sur les dépenses du camp du NON pendant la période référendaire. À cet effet, certains les estiment largement supérieures à la limite admise par la Loi québécoise sur les consultations populaires. Une source anonyme, qualifiée de «très sûre», citée dans le livre fait état du fait que M. John Rae, vice-président de Power Corporation et ancien organisateur de Jean Chrétien, aurait «fait déchiqueter, peu après le référendum, au moins trente boîtes de documents portant, entre autres, sur les dépenses effectuées pendant la période référendaire. Des pages et des pages de listes de personnes et d’entreprises partout qui ont donné de l’argent pour la campagne du NON, talons de chèque faits par le Parti libéral du Canada, Power et d’autres, dépenses de téléphone, chambres d’hôtel, tout y était bien détaillé pour la période du référendum de 1995». Au moment de mettre sous presse, Le Délit n’avait toujours pas réussi à entrer en contact avec M. Rae afin d’obtenir ses commentaires sur le livre. Me Casper Bloom, ancien président du Comité pour l’inscription des électeurs hors Québec et ancien vice-président du Parti libéral du Québec –une autre source

Marc-André Séguin

L

e livre de Robin Philpot, Le Référendum volé, fait beaucoup de vagues ces joursci. La semaine dernière, Raymond Lévesque, auteur de Quand les hommes vivront d’amour, annonçait qu’il refusait le prix du gouverneur général pour les arts de la scène, expliquant que la lecture du livre de Philpot lui avait enlevé l’envie de recevoir cette récompense, symbole du fédéralisme canadien. Peu avant, l’ancien premier ministre et ex-chef du Parti québécois Bernard Landry en appuyait la thèse, tout en applaudissant ce qu’il qualifiera d’«excellent ouvrage». Depuis, le livre connaît un succès monstre dans les rangs souverainistes. Publié tout juste avant le dixième anniversaire du référendum de 1995, Le Référendum volé nous mène dans les coulisses d’un monde politique où la fin justifie tous les moyens. «Si la campagne référendaire s’était déroulée en 1995 selon les lois du Québec, le droit international, et le droit des nations de disposer d’elles-mêmes, le OUI l’aurait emporté. […] Voler, c’est quelqu’un qui viole des lois, et les lois québécoises ont été violées sciemment, allégrement par l’État canadien, par des entreprises canadiennes, par des élus canadiens. […] Il y a eu du vol». C’est ainsi que Robin Philpot justifie le choix du titre de son livre, qui se veut une analyse des stratégies du camp du NON ainsi qu’une réponse aux thèses du fédéralisme canadien. Abordant l’accélération de la naturalisation d’immigrants au Québec en 1994 et 1995, l’utilisation de l’appareil étatique fédéral par le camp du NON, en passant par la mystérieuse disparition de documents portant sur les dépenses effectuées pendant la période référendaire, ce livre cherche à dénoncer des pratiques que le Canada, selon M. Philpot, serait le premier à dénoncer si elles devaient avoir lieu dans un autre pays. «Je voulais montrer que fondamentalement, pour changer les choses ici, il faut surmonter ce mépris qui existe au Canada par rapport au Québec».

Robin Philpot posant fièrement en compagnie de son ouvrage.

importante dans le livre de M. Philpot– a dit au Délit qu’il entendait bien s’assurer qu’il a été correctement cité dans Le Référendum volé. «Je n’ai pas lu son livre, mais je lui ai dit que j’espère qu’il m’a cité comme il faut. J’ai l’intention de regarder son livre, parce que je lui ai expliqué pendant deux heures ce que j’ai fait. Et c’est tout à fait légal. Absolument légal». Me Bloom affirme dans le livre que son cabinet d’avocats, Ogilvy Renault, a continué à payer son salaire pendant que ce dernier s’affairait à retracer des électeurs hors Québec, avec comme hypothèse que ces derniers voteraient majoritairement pour le NON. Il travaille actuellement à une poursuite contre l’ancien Directeur général des élections, Me

Pierre-F. Côté, pour des irrégularités qui auraient eu lieu lors du dépouillement des votes en 1995 et qui auraient alors favorisé le camp du OUI. Ce qui étonne enfin M. Philpot, c’est le peu de réactions que Le Référendum volé a provoqué chez les principaux intéressés. «Personne n’a contesté ces citations [dans le livre] et personne n’a contesté la thèse, ce qui est encore plus surprenant. Les adversaires de la souveraineté, [peut-être] pour des raisons stratégiques –par peur de faire vendre le livre davantage– [ne réagissent pas]. Ou bien ils ne savent pas comment s’y prendre, ou bien ils acceptent la thèse du vol», tranche-t-il. x


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xLe Délit • 1er novembre 2005

Il vous connaît par coeur

nouvelleslocal

Pierre Bourque reconnaît qu’il aura besoin d’un vote massif de la population pour l’emporter. CHRISTINA LEMYRE MCCRAW

B

Philippe G. Lopez

ien qu’il se targue de connaître Montréal par cœur et d’être le «maire du peuple», le chef de Vision Montréal, Pierre Bourque, doit commencer à prendre conscience que ce discours ne lui sera pas suffisant pour gagner les élections. Inquiet du faible taux de participation typique aux élections municipales, Pierre Bourque a déclaré: «Je sais très bien que si les gens ne votent pas massivement, ça va être plus difficile pour moi». C’est d’ailleurs pour faire connaître le programme du parti que l’équipe de M. Bourque lançait cette semaine une série de publicités télévisées dont les coûts se chiffrent à 1,1 million de dollars. Les graffitis suffiront-ils à inverser la tendance?

Bourque, l’émotif «Ça fait 40 ans que je me consacre à cette ville», déclarait Pierre Bourque dans un soupir, lors du débat télévisé l’opposant à Gérald Tremblay. Cette émotivité,

présente jusque dans le slogan du parti («Montréal, je te connais par cœur»), représente bien la proximité que Vision Montréal veut créer avec la population. M. Bourque poursuit

dans la même lignée en ajoutant: «Je suis présent. On m’a souvent reproché d’être un autocrate caché dans mon bureau, mais j’ai voyagé partout dans Montréal et j’ai parlé

aux gens». L’équipe Bourque souligne d’ailleurs avec vigueur que la richesse de Montréal se trouve dans le caractère multiethnique de la métropole et rappelle que le programme de Vision Montréal prévoit donner plus de visibilité et de réel pouvoir aux minorités de la ville. Le programme veut effectivement accorder 33% des postes permanents aux communautés culturelles. De plus, fidèle à son habitude, Pierre Bourque promet de verser la totalité de son salaire à «La Fondation du maire» dans le but d’aider les sansabris. Le développement durable et l’effet band-aid Si Vision Montréal entretient de louables intentions quant à l’aspect social de la ville, le parti se fait beaucoup plus discret en matière d’environnement. Lorsqu’il est question de développement

Projet Montréal est prêt à décrocher la lune Le développement durable est au cœur de la plate-forme du troisième parti municipal. CHRISTINA LEMYRE MCCRAW

«P

rojet Montréal vous promet la lune… la lune est possible». Voilà la réponse de Richard Bergeron, chef de Projet Montréal, à l’un de ses adversaires qui l’accusait de tenir des propos irréalistes.Toutefois, malgré ces propos confiants, l’entrée en politique est brutale pour le nouveau parti politique convoitant la mairie. Écarté du seul débat français télévisé de Radio-Canada et marginalisé par les médias de masse, Projet Montréal peut avoir des airs de parti rebelle ou «gau-gauche», plus idéaliste que réaliste. Pourtant, lorsqu’on entend son chef, M. Bergeron, on s’aperçoit que ses idées sont précises, calculées et équilibrées.

au profit de ceux utilisant plutôt l’énergie produite par hydroélectricité.

La priorité: le développement durable Selon M. Bergeron, «la différence entre Projet Montréal et les autres partis, c’est que le développement durable est une partie de leur programme. Pour Projet Montréal, le développement durable, c’est tout [le] programme». Le parti fait de l’environnement son cheval de bataille, en mettant par exemple de l’avant un projet de construction d’un réseau de tramway à l’échelle de l’île de Montréal. Selon le chef du parti, l’idée prend toute sa pertinence lorsqu’on considère l’état du métro, vieux de quarante ans, ainsi que l’urgence d’agir sur l’environnement en changeant le mode de vie des citoyens. L’un de ces changements se traduirait vraisemblablement par la quasi-disparition des transports fonctionnant à l’aide du pétrole

Et les étudiants? Au niveau des politiques concernant plus particulièrement les étudiants, M. Bergeron rappelle que ce champ de compétence appartient au gouvernement provincial et non au municipal. Toutefois, il ajoute qu’il fera sa part pour rendre la vie plus facile aux étudiants. Ainsi, il propose de réduire le coût de la carte de transport en communs à 20$ au lieu de 32,50$… le tout, sans augmenter les taxes. Cette proposition est vue avec scepticisme par les deux principaux partis municipaux, qui s’interrogent sur sa viabilité. Si Projet Montréal n’est pas, selon Radio-Canada, «un parti sujet à remporter les élections», il propose néanmoins un débat intéressant. Il entend pousser les gens à se questionner sur la place qu’ils veulent offrir à l’environnement et aux changements qu’ils sont prêts à accepter pour y arriver. x

Nouvelle vie urbaine De plus, Projet Montréal propose de réapprendre à vivre en ville pour faire face adéquatement aux défis actuels. Le parti suggère notamment de rehausser l’image de Montréal à l’international en en faisant un chef de file des transports verts, du respect de l’environnement et de ses concitoyens. Pour ce faire, l’équipe de M. Bergeron s’inspire du modèle de certaines autres grandes villes, dont Strasbourg, où un grand nombre de rues sont interdites aux voitures.

durable, on répond qu’on plantera des arbres. À propos des transports en commun, on dit que le budget est trop serré pour permettre des baisses de tarifs importantes, mais qu’on tentera d’utiliser de plus en plus de véhicules hybrides. Bref, les mesures proposées font l’effet d’un diachylon qu’on appose sur une blessure béante… elles calment la conscience mais sont largement insuffisantes pour régler le problème en profondeur. En résumé, le programme de Vision Montréal a suivi le même rythme que la campagne électorale… sans remous, sans vague et sans réel changement. Mis à part le caractère centralisateur de l’équipe Bourque, ses idées ressemblent beaucoup à celles de son principal adversaire, le maire Tremblay. Résultat: une campagne électorale ennuyante, où le principal débat concerne les nids de poules. x

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xLe Délit • 1er novembre 2005

Politique et économie: entre l’humanisme et le complot

nouvellesinternational

Portrait de l’aile jeunesse du parti de Lyndon LaRouche, huit fois candidat aux présidentielles américaines. LAURENCE BICH-CARRIÈRE

V

Qui est Lyndon LaRouche? Grand prêtre du mouvement, LaRouche, né en 1922, a connu un parcours politique assez mouvementé: il s’enrôle d’abord dans des brigades socio-marxo-trotskystes américaines, puis se retourne contre elles pour s’orienter plutôt vers une doctrine «humanoéconomiste» et mondiale. Sous divers noms, le parti compte des groupes dans une douzaine de pays, dont le PRC. Jean-Philippe Lebleu, membre depuis avril 2001 et responsable média à la permanence montréalaise du parti explique que, pour combattre «une question morale éclipsée», «le labour recycling» et «une certaine recrudescence de ce qu’on appelle le fascisme, […] LaRouche propose une réorganisation complète du système financier, semblable au New Deal ou aux accords de Bretton Woods». Cela dit, plus qu’une vision économique, c’est aussi «la bataille autour d’une certaine vision de l’être humain. […] Comme plusieurs penseurs de la Renaissance italienne, [de] la Révolution américaine, [Larouche veut] maximiser le développement humain». Le problème actuel résiderait dans ce que des gens comme Dick Cheney –copieusement attaqué dans les pamphlets Children of Satan– ont une définition faussée de l’économie, car elle ignore la science, la culture et l’environnement. Pour Lebleu, quand on dit «[i]l faut absolument payer la dette, peu importe les conséquences physiques, c’est un peu immoral.» LaRouche et l’électorat américain Détenteur du record de candidatures successives, LaRouche s’est présenté huit fois aux présidentielles américaines, d’abord comme indépendant (en 1976), et depuis comme candidat démocrate. En 1986, deux supporteurs de LaRouche sont élus aux postes de lieutenant-gouverneur et de secrétaire d’État en Illinois. Même si l’un des candidats regrettera ensuite son affiliation à ceux qu’il qualifiera de «néo-nazis sans conscience», c’est le début d’une ère de gloire pour LaRouche, qui multiplie les annonces télédiffusées. Une pause est cependant marquée en 1988: LaRouche est alors condamné à quinze ans de prison pour fraudes fiscales. En entrevue à RadioOhio en décembre 2004, il s’explique: «J’ai été une victime, une cible. Après ma proposition du Strategic Defense Initiative [faite à Reagan pour éviter la confrontation nucléaire qu’auraient préparée certains bonzes de l’administration],

www.larouchepac.org

ous les avez peut-être croisés aux stations Côte-des-Neiges ou Beaubien, mais ils sont à présent stationnés de temps à autre au coin de Sherbrooke et McGill College. Ils distribuent des pamphlets poétiquement intitulés «The Beast-Men» ou «The Sexual Congress for Cultural Fascism» et traitent David Suzuki de génocidaire («l’homme n’est pas un parasite!»). En grosses lettres: «Lyndon H. LaRouche» ou «Parti pour la république du Canada» (PRC).

Lyndon H. Larouche Jr, souriant, même s’il croit que l’économie est au bord du gouffre et risque d’emporter toute la société dans sa chute sans un effort concerté des nations pour rebâtir les institutions financières mondiales.

ils voulaient me tuer. Mais j’avais des amis au gouvernement […] alors ils m’ont foutu en prison à la place». Fait intéressant, même derrière les barreaux, il a pris part à la campagne de 1992. Le Worldwide LaRouche Youth Mouvement (WLYM) Quoi qu’il en soit, à sa sortie de prison, Lyndon LaRouche forme un «mouvement de jeunes», le WLYM, qui regroupe aujourd’hui deux cents militants purs et durs aux ÉtatsUnis, dont quatre-vingt travaillant presque exclusivement autour du parti démocrate ainsi que six à Montréal, sans compter de nombreux sympathisants à temps partiel. L’idée est double, d’après Lebleu. Il y a d’abord une mission de conscientisation générale qui passe par le recrutement d’une génération montante, c’est la raison pour laquelle la présence du regroupement se fait plus pressante aux portes de McGill: «[c’est] une institution qui a un certain poids sur ce qu’on pourrait appeler les prochaines élites de la nation, donc, c’est important d’avoir une présence.» Certes, «y’a personne en soi qui pourra remplacer LaRouche, mais une armée de gens [peut] essayer de remplacer le leadership actuel au niveau des nations, […] faire une différence, comme Gandhi l’a fait». Or, pour Lebleu, les jeunes qui militent et les associations étudiantes sont malheureusement affectés du syndrome de la «gau-gauche»: «ça crie beaucoup, ça geint,

mais ils n’ont pas une approche de solution.» Et de souligner que le WLYM propose quelques idées plus concrètes (quoi qu’assez évasives sur la question du financement): étendre le réseau de métro de Montréal ou mettre en place des systèmes de trains transnationaux (Afrique, Grand Nord). «Mais, vraiment, le gros challenge, c’est de ramener les gens vers la recherche de solutions et une bataille de principes, martèle Lebleu, le but [de LaRouche] c’est de recruter [afin] de sortir de la crise qu’on connaîtra d’ici deux générations». Lorsqu’on lui suggère que deux générations, pour un homme de 84 ans, c’est assez altruiste, Lebleu sourit: «les gens qui ont bâti des nations savent pertinemment que leur projet pou[v]ait prendre fin après leur mort, mais, c’est toute cette question de ce qu’on appelle l’immortalité.» De l’immortalité et des conspirations Tout n’est cependant pas rose pour le WLYM. Un rapport de l’organisme français Prévensecte y voyait un mouvement dangereux à cause de l’emploi de certains termes dans son discours: «golden souls» pour désigner les membres, «énergie libre» (un concept que Lebleu définit comme «l’accroissement de la production [par] […] la maîtrise et l’application de certains principes physiques»), culte de la personnalité, élitisme, théorie du complot, etc. «Ce n’est pas le cas [au Québec], d’abord parce qu’il n’y a pas de fichier», explique Mike Kropveld, directeur

d’Info-secte, avant d’ajouter: «Il faut voir comment les membres sont traités […] ils donnent beaucoup de temps et d’énergie au mouvement en croyant que LaRouche est un génie au niveau économique […]. [Si] c’est pas un mouvement ouvert à la critique, [si] c’est blanc ou noir, c’est une vision assez sectaire». Il ajoute qu’il y a beaucoup d’information sur Lyndon LaRouche, rappelle les fraudes qui l’ont conduit à la prison et souligne la quantité importante de publications produites par le groupe. «[Certains] le considèrent comme un mouvement d’extrême droite». Ainsi, Dennis Tourish et Tim Wohlforth, auteurs de Political Cults Right and Left, le qualifient de «fasciste drapé de patriotisme américain […] caricature sinistre, mégalomane, antisémite et rétrograde» et disent que son «système américain» n’est qu’un terme plus acceptable pour une corruption des idées de Marx mieux connue comme le national-socialisme... Moins hargneux que certains écrits de la revue larouchiste, Executive Intelligence Review, – qui n’hésite pas à faire de Lyndon LaRouche la victime de complots du FBI, des «slime-mold Synarchist International financiers» et de «l’establishment anglohollandais financo-oligarchique libéral» –, Jean-Philippe Lebleu explique ainsi les réactions controversées et les haines suscitées par le chef de son mouvement: «Beaucoup de gens, en voyant dans le fond ce qui est vrai en économique ou en politique, se rendent compte qu’eux-mêmes doivent changer et ça, ça ne fait pas plaisir à tout le monde.» x


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xLe Délit • 1er novembre 2005

Nagano décoré par l’Université

nouvellescampus

Le chef de l’OSM parle de Montréal avec admiration.

C

des dernières semaines, le doyen a dit entamer avec confiance un nouveau siècle de musique à McGill. Puis, l’Orchestre symphonique de McGill dirigé par Alexis Hauser a interprété avec une énergie exceptionnelle la très connue Chevauchée des Walkyries de Wagner. Le ton étant donné par cette interprétation magistrale, la cérémonie protocolaire pouvait enfin commencer. C’est derrière un joueur de cornemuse –en kilt, s’il vous plaît– que les dignitaires ont fait leur entrée dans la salle. Prenant place dans un fauteuil ridiculement gros –on aurait dit un trône–, le chancelier de l’Université, Richard W. Pound, a remis à M. Nagano un immense diplôme rouge, alors que le professeur Alexis Hauser le décorait d’une étoffe rouge. Après que le doyen de l’École de musique Schulich ait repris la parole pour rappeler brièvement la carrière de M. Nagano et l’inviter à venir partager ses connaissances avec les étudiants de son institution –«il n’y a que quatre pâtés de maison qui séparent la Place des Arts de l’Université McGill», a-t-il rappelé à au moins trois reprises alors que M. Nagano souriait devant l’insistance peu subtile du doyen–, on a finalement laissé le chef de renommée internationale s’adresser au public. Faisant rire la foule pour la première fois

de la cérémonie en évoquant ses difficultés à «jouer au ping-pong» entre le français et l’anglais, le maestro s’est dit touché par le geste de l’Université McGill. Le chef a ensuite souligné que c’était sa «croyance en l’humanité» qui l’avait incité à venir à Montréal, ville qu’il a qualifié de «remarquable» et dont il a salué l’esprit de «tolérance» –«contrairement à ce qui se passe ailleurs dans le monde, incluant dans mon pays», a-t-il ajouté. Insistant sur le fait que ce sont davantage les questions que l’on pose, plutôt que les réponses qu’on apporte, qui nous distinguent comme êtres humains, l’ancien directeur artistique de l’Opéra national de Lyon s’est interrogé sur le sens à donner à la musique classique dans nos sociétés contemporaines, avant de discourir sur les liens unissant la culture et l’éducation. Une fois l’allocution du récipiendaire et la cérémonie protocolaire officielle terminées, M. Nagano a consenti à répondre aux questions des médias et à rencontrer quelques élèves et membres du corps enseignant venus assister à l’événement. Espérons que le chef aime les cérémonies de collation des grades, car il devra à nouveau se prêter à l’exercice en avril, alors que l’Université de Montréal lui décernera elle aussi un diplôme honorifique. x

Alternative

Susesch Bayat

HUGO LAVALLÉE ’est avec toute la solennité dont sont capables les institutions de tradition anglo-saxonne que l’Université McGill a décerné, jeudi dernier, un doctorat honoris causa au nouveau directeur musical de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM), Kent Nagano. Vêtu, comme le veut la tradition, de mortiers et autres épitoges rouges de circonstance, le gratin de l’École de musique Schulich a souligné avec insistance les qualités exceptionnelles de son nouveau diplômé de marque, éloges que le principal intéressé a accueillies avec la plus grande humilité. Remerciant l’institution de cet honneur, M. Nagano a ensuite livré un discours à saveur humaniste, où il a vanté la diversité et la vitalité culturelle de Montréal. Une bonne centaine de personnes étaient réunies à la salle Pollack du pavillon de musique Stadacona pour assister à l’événement. Le doyen de ce qui s’appelait jadis la Faculté de musique de l’Université McGill, Don McLean, a tout d’abord pris la parole. S’adressant au public en français puis en anglais, M. McLean a rappelé l’inauguration récente d’un nouveau pavillon de musique et la création de bourses d’études financées grâce au don d’un ancien étudiant de l’université. Visiblement ravi des événements

Le chef de l’Orchestre symphonique de Montréal, Kent Nagano.

culturemusique

Un secret bien gardé par l’Orchestre symphonique de Montréal. MADO RANCÉ gracieuseté de l’Orchestre symphonique de Montréal

F

idèle à sa tradition, Le Délit vous propose le meilleur de l’alternatif, de la culture pas confiture en marge du gros des troupes… Et cette semaine, votre reporter sans frontière (culturelle) vous propose de redécouvrir un laissé pour compte de notre société (étudiante, on s’entend): l’Orchestre Symphonique de Montréal. Eh oui, la musique dite «classique» fait partie, de nos jours, au niveau étudiant, de la contre-culture. Voilà déjà un argument pour les marginaux anxieux de se marginaliser, vous pouvez être sûr que, alas! vous ne rencontrerez pas trop de personnes de votre âge dans la salle pourtant bondée… Pourtant, si ce genre de musique passe les âges sans prendre une ride, c’est bien parce qu’elle a quelque chose d’assez spécial, alors pourquoi attendre d’en avoir (des rides) pour la (re)découvrir? Vous devriez, mettant à part tous préjugés et à priori, vous ouvrir à l’expérience, l’écouter, tel un nouveau né, et pour ceci, l’OSM est parfait. Pourquoi? Car un concert de l’Orchestre symphonique vaut mieux qu’une thérapie, un tour en grand huit, une comédie tragique, un roman d’aventures... le tout combiné en deux heures qui vous font passer par la magie de quelques accords, par toute la palette d’émotions possibles, tout en restant installé confortablement dans la moiteur de votre fauteuil. Je vous l’avoue, c’est presque fatiguant. Voilà le secret de Polichinelle, que peu prennent la peine de briser: la musique dite «classique» n’aurait de classique que le nom.

L’orchestre: mille bras, symbiose d’une voix.

Ce dernier concert de l’Orchestre Symphonique de Montréal, qui vient juste de finir une longue grève, (c.f. The Daily de la semaine dernière), eût été l’occasion rêvée pour votre exploration. Je me considère comme une chanceuse bénie qui eu la chance (oui, je redonde) d’aller à l’OSM ce jeudi soir pour le deuxième et dernier soir du concert conduit par le nouveau directeur artistique et chef d’orchestre, Nagano, avec au programme les derniers morceaux que Strauss et Bruckner composèrent avant de mourir. Ce fut un beau voyage, par moments une oppressante catharsis avec le lyrisme de Strauss. Oppressante disje car si triste, bien que calme et sereine. La

frêle cantatrice, à la posture de danseuse de boîtes à musique, remplit de sa voix, qui se modula en sentiments purs, tout le silence de la salle. Pour Bruckner de même : une œuvre impressionnante, très joueuse, qui vous raconte et vous trompe. Entre envolées de violons soudainement coupées par des pizzicatis, roulement des grosses caisses que la flûte traversière contredit, il nous surprend et amuse, pieds de nez à l’angoisse de l’appréhension qui se sent par moments. Seul point bas…. bien que, comme d’habitude, je partis avec la musique dans un monde à part, un souffle bien trop humain me liait les chevilles à terre. Rigolez si vous voulez de la

remarque, mais oui, mon voisin respirait trop fort… Voila, ce ne sont que de pauvres mots qui ne peuvent rendre justice totalement à ces moments, car c’est là aussi la force de la musique classique: elle est son propre langage et peut exprimer en subtilité ce que nos mots ne peuvent. Alors essayez, témérairement, une fois juste une fois, pour vivre. x L’OSM propose des tarifs étudiants, 10$ à sa billetterie ou à la Place des Arts, selon les places disponibles. Pour la programmation et plus d’information: www.osm.ca ou (514) 840-7410.


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Quand on cherche la bête

culturedanse

Kader Belarbi se charge de ne pas nous faire oublier que chaque conte de fée possède un secret inavoué… OLIVIA LAZARD bestiales est le seul qui se révèle doux et prévenant, il se laisse apprivoiser, trop conscient de sa propre solitude et de son amour dévastateur pour cette femme qui le renie. Alors finalement, des deux on peut se demander qui est vraiment la bête. Celui qui protége l’amour des mensonges et des apparences ou celle qui confond illusion et amour? Belarbi n’a pas manqué d’étonner son public en mettant en scène un ballet sur ce thème de la sexualité et de l’amour. La danse se veut contemporaine pour appuyer les dissonances mises également en valeur par les choix de musiques. Puisque tout le ballet prend forme dans un rêve de la Belle qui se transforme en réalité, il y existe tout au long cette balance entre le magique et le dérangeant, l’inconnu oppressant. La musique dissonante de Ligeti est le principal support musical du ballet, permettant de mettre en scène principalement dans la première partie une cour d’animaux étranges qui ne sont pas sans faire un clin d’œil à La Fontaine et ses caricatures débilitantes. Les décors et costumes, créés par Valérie Berman, donnent au ballet le souci du détail qui en fait une œuvre complète. La cour de la Bête présentée

dans la première partie est construite de manière à représenter l’atmosphère onirique créée par la Belle et ses fantasmes. Les contrastes de couleur entre le rose et le rouge montrent également le passage à la féminité. La seconde partie, présentée dans un décor plus réaliste, visant à une critique des hommes par leur bestialité niée et la révélation de l’amour entre la Bête et la Belle se concentre davantage sur la danse en elle-même. L’ambiance épurée permet le duo de fin entre la Belle et la Bête, superbe, symbiotique, mis en valeur par les lumières avec lesquelles les corps jouent par des effets optiques. La Bête se retrouve ici associé au violon qui exprime sa solitude infinie et son désespoir tandis que le piano donne sa voix à la Belle pour représenter sa beauté. C’est ainsi que lors de leur duo, ce sont finalement deux voix de violon qui font corps, implémentées par un piano: deux solitudes pour une plénitude, il faut être deux pour ne faire qu’un. x La Bête et la Belle est présenté au Théâtre Maisonneuve. Pour plus d’information : www.grandsballets.qc.ca.

Pascale Simard

A

ncien danseur étoile de l’opéra de Paris, chorégraphe converti, Kader Belarbi monte aujourd’hui son ballet La Bête et la Belle, reprenant le conte de fée bien connu de Mme LePrince de Beaumont, à la seule différence que Belarbi ne cherche pas à nous faire croire au prince charmant. Combien de fois, étant petits, nous a-t-on seriné d’histoires de belles au bois dormant et de baisers magiques qui donnent suite aux «ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants»? Ici, il n’est pas question de roman à l’eau de rose mais d’une réalité dont Freud se serait sûrement régalé…Cette foisci, la rencontre entre la Belle et la Bête ne changera pas la Bête, bien au contraire… C’est elle qui poussera la Belle à se découvrir elle-même, entre répulsion et attirance: ses sens s’éveillent en présence d’une Bête qui l’habite en réalité de l’intérieur. De petite fille, elle deviendra femme, consciente de son propre corps et du cœur des autres. Ses premières découvertes de la sensualité la mèneront à rejeter la Bête par peur, à la fois de cet inconnu qui l’attire, de ce qu’elle ne comprend pas, mais également à cause de son apparence. Et pourtant… La Bête, sous ses apparences

Entre rêve et réalité, il n’y a qu’un pas, il suffit d’ouvrir les yeux pour le franchir.

Encadrer la générosité

cultureartsvisuels

Plaisirs visuels, élixirs vinicoles et habiles violonistes: un vernissage selon les règles de l’art pour soutenir les élans philanthropiques de Samir Sammoun. MATHIEU MÉNARD Mathieu Ménard

C

’était jeudi dernier, soit le 27 octobre, que le Musée des BeauxArts de Montréal, en association avec la Fondation de l’hôpital Sainte-Justine, présentait les récentes productions de Samir Sammoun. On remarque une vingtaine de toiles exhibées, exécutées dans la tradition du paysage. Tour à tour, le peintre se révèle ingénieur accompli et père de famille comblé. Comme une clef de voûte, une toile tirée de la collection personnelle de l’artiste accueille le visiteur à l’entrée: un portrait illustrant un moment de quiétude entre le père et le fils. De fait, c’est pour honorer son fils que Sammoun initie le projet de vernissage. Son enfant ayant eu besoin des soins de l’hôpital Sainte-Justine, il souhaite contribuer à sa façon à la cause de la maladie infantile. À l’occasion de cet événement, les profits engendrés par la mise aux enchères des tableaux seront entièrement remis à la fondation de l’hôpital. Cette initiative remonte à deux ans, tandis que le peintre contribuait à l’organisme en offrant une toile. Pour Sammoun, l’acte de création est influencé par sa carrière dans l’univers des télécommunications. Ainsi, sa formation l’amène à explorer les solutions picturales des impressionnistes dans une tout autre optique. Inspiré par les «processus aléatoires» ayant lieu dans le monde des communications, le peintre

Deux invités discutent des paysages d’influence postimpressionniste de Samir Sammoun.

cherche délibérément à organiser au hasard les touches de couleur afin de renforcer la qualité abstraite de l’observation rapprochée. De fait, l’ordre appréhendé, c’est-à-dire le sujet de l’œuvre, n’apparaît qu’avec une certaine distance. On peut songer à la série de Nymphéas de Monet, où les nénuphars n’apparaissent pas au premier coup d’œil. À la façon des impressionnistes, Sammoun

travaille sur le motif lorsque la clémence météorologique le lui permet. Autrement, il travaille en atelier à partir de croquis et de références. La nature demeure l’inspiration de base, mais parfois la thématique urbaine prend le contrôle. Par ailleurs, l’application de la matière s’inspire des œuvres de Van Gogh: par un empâtement généreux, le peintre donne un

caractère solide à ses toiles. En opposition aux volutes énergiques de l’artiste néerlandais, Sammoun dépose la matière en touches tranquilles, rondelettes. La dimension respectable des tableaux lui permet de varier les dimensions des touches. De plus, il laisse «respirer» l’image en faisant apparaître à l’occasion la couche initiale de couleur. Préférant peindre sur le lin plutôt que sur le coton, l’artiste utilise cette couche de couleur pour illustrer le grain plus brut de son support. La couleur y interagit en jeux de qualité et en contaminations, jusqu’à la création d’une harmonie complète. En somme, Samir Sammoun exhibe des tableaux dont la sensibilité postimpressionniste est en marge des productions éclatées propres aux artistes de la pensée contemporaine. Toutefois, la nature philanthropique du vernissage et l’investissement émotionnel du peintre traduisent un engagement concret de l’artiste, et n’est-ce pas là un aspect partagé par une grande partie de la communauté que le désir de changer la situation sociale? x Les tableaux de Samir Sammoun sont exposés au Musée des Beaux-Arts de Montréal (1380 rue Sherbrooke Ouest) jusqu’au 3 novembre. Pour plus d’information : (514) 285-1600.


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xLe Délit • 1er novembre 2005

Excentrique poétique

culturethéâtre

Un solo mi-ludique, mi-pédagogique éclaire les spectateurs au sujet de l’inventeur Richard Buckminster Fuller. MATHIEU MÉNARD série d’accessoires. Suivant la thématique pédagogique, les tableaux noirs, maquettes, blueprints, billes, tiges et... guimauves deviennent autant d’outils permettant à l’acteur de donner vie à ses démonstrations et à ses anecdotes. De plus, l’éclairage complète parfaitement le jeu de l’acteur: les solutions lumineuses sont nombreuses et toujours à propos. Un aspect sonore soutient aussi le personnage à l’occasion, mais peut devenir un tantinet distrayant. Prenant avantage de la qualité intime de la salle, le personnage est conscient de la présence du public et invite ce dernier à participer à son monologue. Boilard se promène entre les sièges, partage ses créations géométriques, interpelle les spectateurs à quelques reprises. Cette interaction, de pair avec l’attitude «bon enfant», contribue à améliorer la communion entre l’acteur et le public. Ainsi, il faut souligner que Mémoires (et mystères) de l’univers n’a pas uniquement une qualité autobiographique: elle introduit la rhétorique de Buckminster. Ce dernier favorise la pensée critique en interrogeant les préconceptions communiquées par les institutions d’enseignement, l’importance des

normes sociales, l’annihilation de la pensée dans une bureaucratie tentaculaire. Plus favorablement, le personnage de Buckminster met l’accent sur le rôle de la technologie («faire plus avec moins») et de l’initiative personnelle pour guider la planète. Sa vision de l’homme, oscillant entre l’humilité et la découverte des principes de base de l’univers, n’est pas sans rappeler la «religion scientifique» d’Albert Einstein. En somme, cette pièce est une bonne occasion de découvrir un individu dont les réflexions sont à l’avant-garde des inquiétudes écologistes propres aux débats actuels. S’inspirant des vingt-huit livres et des notes personnelles rédigés par «Bucky» Fuller, l’auteur D. W. Jacobs (traduit par Maryse Lavoie) offre une biographie vivante, captivante. x R. Buckminster Fuller: Mémoires (et mystères) de l’univers est présentée à la salle Fred-Barry du théâtre Denise-Pelletier (4353 rue Sainte-Catherine Est) jusqu’au 5 novembre. Pour plus d’information: denise-pelletier.qc.ca ou (514) 253-8974.

Jouer entre les pièces

Robert Geoffrion

S

i vous êtes déjà allés observer les manchots batifoler au Biodôme de Montréal, alors vous êtes familier avec l’une des créations célèbres de Richard Buckminster «Bucky» Fuller: le dôme géodésique. Dans le cadre d’une collaboration entre le théâtre Alambic et la salle FredBarry, la pièce R. Buckminster Fuller: Mémoires (et mystères) de l’univers vous permet de découvrir l’homme derrière cette structure architecturale particulière, qui a zigzagué parmi les domaines : philosophie, poésie, écologie, et quelques autres! Dans le rôle de «Bucky», Jean Boilard accroche le public par une présence physique accomplie.Son attirail d’inventeur excentrique, fidèle à l’apparence de Buckminster, le rend immédiatement sympathique. Variant entre les récits anecdotiques, les démonstrations scientifiques et la rhétorique pure, le comédien garde son public en haleine. Alliant le jeu physique (parfois rapproché du mime), à un rythme efficace, ponctué de silences éloquents, Boilard laisse à son public le temps d’assimiler ses propos. Au-delà de figures polyédriques suspendues, le décor se résume à une

R. Buckminster Fuller (Jean Boilard) manipule la géométrie, terrain de jeu par excellence des philosophes.

culturerevue

Jeu 116: critique ludique pour le lecteur des métiers scéniques. FRANCO FIORI ifficile de se familiariser avec la scène théâtrale pour la génération-télé, pour laquelle les références en termes de direction artistique, de jeu et de décors sont façonnées par un petit écran plat, qui offre une programmation souvent spécialisée dans le trivial. En raison de la richesse des textes (métaphores et figures stylistiques) et du jeu emphatique des acteurs (mouvements plus amples, articulation soutenue, débit rapide), le théâtre montre un spectacle défiant les conceptions artistiques véhiculées par le 7e art, surtout que la télévision ne mérite pas l’épithète «art», qui s’avère difficile à interpréter pour les néophytes. Choisir une pièce convenant à ses goûts quand on ne possède pas le bagage nécessaire peut constituer un obstacle majeur à la qualité d’une soirée au théâtre. Le magazine Jeu 116 vient justement répondre à ces interrogations en offrant une pluralité d’articles sur les diverses productions annuelles et en analysant le traitement des œuvres selon des thématiques précises (mise en scène, jeu, etc.). Plus qu’un simple périodique pour débutant, l’édition présente un rapport détaillé des métiers de la scène montréalaise et recourt à des spécialistes du théâtre pour rédiger ses articles, qui conviennent

D

à un large lectorat. L’initiation, ou l’approfondissement, au monde du théâtre que donne le magazine offre même une récapitulation des orientations qu’a prises cet art au cours des vingt dernières années. L’œil critique s’affute grâce à ce survol partiel et le spectateur peut y découvrir les motivations des nouveaux choix de production, comme l’expert peut revivre les grands mouvements de la scène d’ici. Ce qu’est le théâtre contemporain, sa vocation et son avenir constituent autant des sujets de discussion que des matières à réflexion profonde. En ce sens, le magazine prend même l’allure d’une tribune dans laquelle des experts délibèrent sur la place du théâtre dans le monde d’aujourd’hui. Au fait, pourquoi l’enseignons-nous toujours dans les écoles? Et pourquoi s’acharne-t-on à imposer du Molière à un étudiant de secondaire quatre? Le théâtre classique ne s’adresse pas davantage à un auditoire contemporain que Chaplin ne se retrouve dans nos salles de cinéma. Ce genre de débat montre l’efficacité du magazine à toucher de nombreux sujets et son aisance à apporter des vues non partisanes de la structure actuelle du domaine artistique. Le pragmatisme et l’intérêt du livret tiennent surtout à son

aptitude à couvrir autant de facettes du théâtre, sans jamais sombrer dans une technicité hermétique. Ce survol étudie en profondeur des aspects particuliers et demeure ludique, en ce que les sujets basculent drastiquement d’un article à l’autre. Le magazine informe aussi le lecteur quant à la situation précaire de la scène au Québec, tout en se gardant de sombrer dans le militantisme déplacé des ténors d’arts impopulaires mais didactiques. Au contraire, la force de Jeu est probablement son profond respect de la liberté des auteurs, qu’ils critiquent ou qu’ils encensent. Avec une publication semestrielle, les contributeurs disposent du temps requis à la rédaction d’un article au style riche et à la recherche idoine. La lecture du magazine constitue d’ailleurs une expérience artistique en soit. Jeu, c’est 200 pages consacrées uniquement au théâtre, avec photos, introductions, historiques et autres détails pratiques. Au lecteur impavide de savoir s’il a envie de jouer à l’esthète, se rendre jusqu’à cette ligne constitue probablement un pré-requis. Du moins, lire la fin de cet article permet de jauger en partie l’intérêt qu’on porterait au magazine. À déconseiller aux abonnés d’Échos vedettes. x

La culture ou la vie? Là est la question. artsculture@delitfrancais.com


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Des contes en carton

culturethéâtre

Le nouveau spectacle du conteur Michel Faubert déçoit plus qu’il n’innove. DAVID DROUIN-LÊ des Français, mais des conscrits canadiens-français. La faiblesse du conteur Guth Desprès a résidé principalement dans le choix de ses personnages. Le principal talent d’un conteur est en principe sa capacité de faire croire au spectateur en la véracité de son récit, même s’il est convenu que celui-ci est inventé. En l’espèce, expliquezmoi quelle crédibilité possède un conteur français, aussi excellent soit-il, racontant une anecdote en imitant l’accent québécois et en empruntant nos expressions? Posez la question, c’est y répondre, d’où la présence d’un certain malaise dans la salle chez plusieurs, d’autant plus que ce manège a duré environ une heure. En ce qui concerne maintenant la prestation de Michel Faubert, je dois admettre que je n’ai pas du tout été impressionné par son nouveau spectacle. Précédé d’une grande réputation de conteur et surtout considéré comme «le» conteur ayant ressuscité un genre que l’on croyait mort au Québec, les attentes étaient hautes. Sur scène, Faubert

était accompagné par un musicien, Daniel Roy, qui avec ses multiples instruments a contribué à créer une atmosphère d’inquiétante étrangeté. L’éclairage, savamment employé, ajoutait aussi à celle-ci. Cela dit, les jeux de lumières, la musique et les effets sonores auraient dû appuyer le conteur et non le faire mal paraître. En effet, ses contes et anecdotes tombaient souvent à plat. Ainsi, l’ambiance sonore et visuelle créait un environnement favorable au conteur qui n’a pas été en mesure d’en profiter lors du point culminant de la plupart de ses récits. À la sortie de la représentation, plusieurs spectateurs semblaient avoir été déçus de n’avoir pas assisté à une soirée de contes traditionnels. À la décharge de Faubert, ce n’était pas l’objet du spectacle et ces spectateurs, dont l’auteur de ces lignes, auraient dû mieux s’informer. Toutefois, si Faubert souhaite renouveler le genre, il devra retravailler ses récits. x

Festoyons!

Sylvain Dumais

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’est dans le cadre du 8e Festival interculturel du conte du Québec que le conteur professionnel québécois Michel Faubert a présenté son nouveau spectacle intitulé Bellechasse de contes. L’auteur du spectacle affirme que son objectif n’est, cette fois-ci, pas de raconter les classiques traditionnels du conte québécois comme la célébrissime Chasse galerie. Le but du conteur est de partager avec les spectateurs ses nouvelles histoires ou versions revisitées d’anciennes. Il y ajoute ses angoisses et certaines anecdotes troublantes, de façon à leur faire découvrir de nouveaux horizons. Mais avant que Michel Faubert n’amorce sa présentation, festival oblige, une première partie a été livrée par un conteur invité étranger, Guth Desprès, originaire de France. Parlons donc de cette première partie.Elle a consisté essentiellement en une longue anecdote à propos de la Première guerre mondiale en sol français. L’histoire avait comme protagonistes non pas

Michel Faubert, conteur professionnel, déçoit.

cultureresto

Dans les sous-sols de la Nouvelle-France, en 2005 encore... AGNÈS BEAUDRY

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rôle d’effet: marchant sur la rue St-Paul en cette fin de semaine d’Halloween, la mascarade allant bon train, les torches allumées et disposées un peu partout, c’est par hasard que ce soir-là je me rendais dans un restaurant sous-sol de la place Bonsecour. «Madame, nous avons des réservations pour quatre au nom d’Agnès Beaudry.» Et qu’elle me répondit : «J’ai pas ton nom moé, sé en bas avec Charlotte.» Et à tue-tête pardessus la rampe : «CHARLOTTE!!! ya Agnès Beaudry pour toé icitte. En bas!» C’est l’accueil que l’on réserve aux clients du restaurant Le Cabaret du Roy dans le vieux port de Montréal. Insultée, étais-je? Point du tout! Ce qu’il y a de particulier au Cabaret du Roy, c’est la mise en scène d’une auberge à Ville-Marie, nom d’antan de notre cher Montréal, au début du dix-huitième siècle. Nourriture et personnel se veulent d’époque et apportent au visiteur une soirée hilarante, intéressante, bruyante (sans la connotation négative du mot) et surtout, vivante! D’abord l’ambiance: en entrant, l’on se retrouve dans une salle bâtie sur deux étages, tonneaux en décoration,

personnages d’époques déambulant, musique jouée de tables en tables par ces derniers, fumée (qui ne sent pourtant pas la cigarette, bizarre...) en suspend dans l’air. Bref, tout pour plaire à ceux qui sont un peu blasés de la modernité et qui parfois voudraient retourner en arrière, sans pourtant souhaiter réellement les inconforts des époques antérieures. Charlotte nous assoie, devant une scène où gît le gibet et les trônes (parce que le Cabaret offre avec le soupé, certains soirs, le spectacle). «Y faut boire quelque chose!» Et c’est de l’hydromel que l’on commande (où d’autre peuton boire de l’hydromel, boisson «aux vertus aphrodisiaques» dit-on). Une idée du menu vous réclamez? D’une incroyable variété... de viandes surtout. Végétariens! N’attendez-vous pas à étudier le menu pendant plusieurs époques, victimes d’une hésitation cruelle. Mais ne désespérez pas, j’ai bien remarqué que dans le menu dit amérindien il ne vous ont pas oubliés. Il faut croire que les premières nations méritent aussi ce dernier adjectif en santé. Du cerf aux pommes, du canard confit, de la truite pochée, du potage de maïs et, mmmhh, de la tarte au sirop d’érable! C’est le rêve devenu réalité

des lecteurs de romans historiques qui trempent chaque fois leur bouquin de larmes en se rendant compte que le papier n’a pas le goût de ce qui y est décrit. Et, enfin! que dit-on de l’animation? La Noire en paysanne, le coureur des bois déguisé en marquis pour la fête des morts, le cultivateur de navets, notre serveuse qui sait à peine lire... et nous qui nous nous laissons prendre au jeu, tentant de le jouer avec eux. L’un nous explique comment faire des bottes en peaux et en cuir, l’autre tente de convaincre mon voisin que sa fille de treize ans est un «très bon parti»... suffit d’attendre quelques années, à seize ans elle sera tendre et sublime, (ailleurs qu’à la cuisine)! Le Cabaret du Roy, il faut le dire par contre, ne donne pas gratis ses soirées: je conseille aux intéressés d’apporter les parents, qui sont toujours si contents de passer du temps avec leurs petits rendus trop grands. x Le Cabaret du Roy est situé dans le Vieux-Montréal (363 rue de la Commune Est). Pour réservations et pour plus d’information : (514) 907 9000 et www.oyez.ca/Cabaret/accueil.html.

culturebrève

Arrière-scène recherche des apprentis réalisateurs

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e programme est une production de i Cinéma Télévision inc. et s’adresse aux étudiants en cinéma, théâtre ou télévision, finissants, diplômés, en début de carrière ou possédant une expérience pertinente et souhaitant poursuivre leur cheminement à travers une expérience concrète auprès d’un professionnel. La chaîne ARTV recherche trois apprentis réalisateurs pour les faire travailler avec trois maîtres sur trois œuvres représentant chaque genre de production. Pour l’opéra, René-Richard Cyr dirige The Turn of the Scribe de B.Britten produit par l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal. Pour le théâtre, Serge Denoncourt dirige Hosanna de Michel Tremblay, produit par le Théâtre du Nouveau Monde. Pour le cinéma, Jean-François Pouliot dirige Le Guide de la petite vengeance de Ken Scott, produit par Max Films. L’apprentissage sera filmé pour devenir une série document-feuilleton qui passera sur ARTV. De plus, les apprentis recevront une bourse d’apprentissage. Pour être admissible, il faut avoir entre 18 et 35 ans, être canadien francophone, détenir une formation et/ou une expérience pertinente, être finissant diplômé ou en début de carrière, avoir une grande disponibilité (environ 30 jours) entre novembre et juillet. De plus, il faut être bon communicateur et à l’aise devant une caméra et, enfin, accepter que l’on utilise des images du processus de sélection même si la candidature n’est pas retenue. Le dossier de candidature doit être reçu avant le 18 novembre. x Pour plus d’information: www.ictv.ca.


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Harem: aux frontières de l’interdit

culturefestival

Le harem et ses femmes à l’honneur...

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a été choisi et seule cette explication peut être donnée comme justification. Entre le 28 octobre et le 13 novembre, plus de 85 spectacles vont être présentés dans différentes salles de la ville pour le plaisir de chacun. Pour ne citer que quelques exemples, mais qui j’espère vous donneront le goût d’en voir et savoir plus, il y aura le splendide Hurrem Sultan. L’histoire est celle d’un homme qui s’empare du domaine normalement réservé aux femmes. Ainsi, au travers de danses où la magie domine, l’énergie masculine se déploie soudain comme un envoûtement au milieu des femmes. Cet homme, aux muscles parfaitement dessinés et au regard ensorcelant ne laisse plus aucun doute quant à la beauté des danses de baladi normalement réservées aux femmes. Vous pourrez également entendre une voix, celle de Lousniak, qui dans son spectacle Migrations vous fait plonger dans l’émotion et la douleur de l’histoire. D’origine libanoarménienne, sa musique est devenue son instrument pour faire résonner la voix de ses ancêtres. Une telle profondeur se dégage

de sa voix grave et sensuelle que vous êtes immédiatement transportés dans un monde où la souffrance et l’espoir sont intrinsèquement liés. Dans un tout autre genre, Nabila ben Youssef, avec son spectacle intitulé Arabes et Cochonnes, vous ouvre les portes à un monde plein d’humour. C’est pour enfin dépasser les préjugés et stéréotypes liés à l’Orient que, se basant sur son expérience passée, l’humoriste dresse un portrait mordant de la femme arabe dans la réalité québécoise. Ainsi, les communautés arabe et québécoise peuvent, grâce à l’humour et aux références partagées, être mieux réunies que jamais. Comme le dit Nabila ben Youssef elle-même, il faut se rendre compte que «la femme arabe est une cochonne comme toutes les autres femmes du monde»! Un spectacle qui promet donc beaucoup de surprises et de rires! Laissez-vous donc porter par ce monde de tant de beauté, envoûtements et étonnements. x Pour plus d’informations : www.festivalarabe.com.

Cadavre poétique?

Les rêveries du lecteur solitaire PIERRE-OLIVIER BRODEUR vant d’écrire ma dernière chronique («Je suis là»), je me suis longuement questionné sur la pertinence de prendre pour objet un recueil de poésie. Je suis en effet persuadé qu’elle est passée à plus d’un kilomètre au-dessus de vos têtes, chers et hypothétiques lecteurs assidus. Si j’avais décidé de parler d’un roman, le nouveau Dantec par exemple (qui est, soit dit en passant, emprunté dans toutes les bibliothèques de la ville, bel exemple de l’effet Tout le monde en parle), j’aurais pu espérer influencer les lectures de quelques personnes en les poussant à se procurer le livre en question. Mais mon cynisme réaliste ne me laisse aucun doute sur le fait que personne ne s’est précipité sur le livre d’Élise Turcotte, malgré ma critique dithyrambique (et Dieu, s’il existait, saurait que les critiques élogieuses ne me viennent pas facilement). Pourquoi? Parce que personne ne lit plus de poésie, tout simplement. En effet, de nos jours le roman s’est accaparé

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l’entièreté du champ littéraire, il n’y a qu’à regarder autour de nous pour le constater. Tandis que le théâtre s’autonomise de plus en plus (bien qu’il ait toujours sa place dans les départements littéraires, il fait souvent l’objet d’une «orientation» particulière, comme à l’Université de Montréal), la poésie n’est plus lue que par un cercle restreint, voire incestueux, de professeurs universitaires, de poètes (qui, soit dit en passant, cumulent souvent les titres de poètes et d’enseignants), et d’étudiants en littérature (j’exclus les petits morveux du secondaire ou du cégep qu’on force à lire Baudelaire et qui n’ont, pour toute réaction, qu’un geignard «c’est plate»). Ce phénomène est d’autant plus étrange lorsqu’on se rappelle qu’il y a à peine 150 ans que le roman a pleinement gagné ses lettres de noblesse. Avant cette époque, la poésie était au cœur de la vie littéraire et on se réunissait pour se réciter des sonnets, de la même manière qu’aujourd’hui on se réunit pour regarder un film. Mais où est donc passée la poésie ? Avonsnous perdu le besoin de jouer avec les images et les sentiments, de s’affranchir des contraintes pragmatiques de la langue? Avons-nous perdu la capacité de comprendre le langage poétique, avec ses particularités? Bien des intellectuels considèrent que oui, et se lamentent déjà sur la mort de la poésie. Ces grands cerveaux, du haut de leur tour d’ivoire, ne se rendent pas compte que la poésie est en excellente santé, même si elle a changé de forme, et est aujourd’hui véhiculée par des gens comme Richard Desjardins, Dumas, Vincent Vallières, Jean Leloup, Loco Locass, etc. Ces gens sont les nouveaux porte-étendards de la poésie qui, grâce à eux, est en fait plus populaire que jamais, libérée du carcan institutionnel qui l’a trop longtemps entravée. La poésie est morte, vive la poésie!

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gracieuseté du Festival du Monde Arabe

KARIN LANG endant quelques instants, imaginezvous dans un pays où les senteurs, les parfums, les fleurs vous entourent pour vous laisser dans un état hypnotique. Imaginez des voiles, des couleurs flamboyantes, des danses enflammées. Imaginez des voix où la profondeur de la douleur et de l’espoir vous fait vibrer de tout votre être. Vous êtes au Festival du Monde Arabe de Montréal. Alchimies, Créations et Cultures propose pour cette 6e édition de mettre à l’honneur le thème du harem. «Mettre le harem à l’honneur» reste cependant une expression particulièrement paradoxale tant ce mot, harem, est empreint de connotations dégradantes pour la femme et est le symbole de sa soumission imposée. Célébrer le harem serait absolument injustifiable. Toutefois, ce que cherche à montrer le Festival, c’est que le harem est aussi le lieu de la solidarité féminine et de l’exotisme. Dans cette optique, les femmes sont mises à l’honneur et peuvent montrer, grâce à leur art, le pouvoir et la beauté qu’elles possèdent. C’est pour cette raison que le thème de harem

Un homme établit la beauté des danses de baladis.

Calendrier SEMAINE DU 1ER AU 7 NOVEMBRE Théâtre • Twelfth Night de William Shakespeare – mise en scène de Sean Carney – présentée par le programme d’art dramatique du Département des études anglaises – du 9 au 12 novembre et du 16 au 19 novembre – 20h – Pavillon des Arts, salle Moyse – 10$, 5$ étudiants – spécial deux pour un le 16 novembre – (514) 3986070 (billets) ou (514) 398-6559. • Auditions – Inès Pérée et Inat Tendu de Réjean Ducharme – présenté par Le théâtre de la Grenouille – theatredelagrenouille@hotmail.com Club littéraire • The Underbrush – début d’un nouveau club d’écriture à McGill – présenté par le fanzine Stationæry – pour participer à des groupes de lecture, se faire éditer par des pairs, ou se faire publier dans un magazine – stationaery@gmail.com Cinéma • Sex Traffic – film Canadien – présenté par le McGill East European and Russian Film/Documentary Series – mardi 1er novembre – 18h – Pavillon des Arts, salle 265 – (514) 398-6120 Musique • McGill Early Music Ensemble

– œuvres de Dowland, Schutz, Monteverdi et Handel – mercredi 2 novembre – 20h – Hall Redpath – entrée libre – (514) 398-5145 • Concert de Jean-Willy Kunz (orgue) – McGill Noon-Hour Organ Recital Series – œuvres de Bruhns, Couperin et J.S. Bach – jeudi 3 novembre – 12h15 – Hall Redpath – entrée libre – (514) 398-4547 • L’Opéra défie le Cancer – concert de I Musici de Montréal – présenté par Danielle Charbonneau de CBC Radio Two – œuvres de Mozart, Tchaikovski, Glinka, Puccini, Rossini – jeudi 4 novembre – 20h – Pavillon de Musique Strathcona, salle Polack – 50$ (dons à l’Institut du Cancer) – (514) 398-6268 • Concert de Mark Simons (clarinette),Walter Delahunt (piano) et du groupe gitan Kaba Horo – œuvres de Brahms, Bartok et Alexandrov – lundi 7 novembre – 19h30 – Hall Redpath – 18$, 10$ étudiants – (514) 398-4547 Lectures publiques «Modality, individuation, and the ontology of art» – Ben Caplan, Université du Manitoba – colloque du Département de philosophie – vendredi 4 novembre – 14h30 – Leacock, salle 927 – (514) 398-6060


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xLe Délit • 1er novembre 2005 Capricorns Ruder Forms Survive (Rise Above)

Franz Ferdinand You Could Have It So Much Better (Domino)

S

i le premier album de Franz Ferdinand a été un franc succès, la formation le doit à son style unique mélangeant pop dansant et rock typiquement britannique. L’album éponyme, qui rassemblait une douzaine de chansons bien polies et raffinées, fut très bien accueilli par le public et après un an de tournée, le groupe écossais vient de sortir You Could Have it So Much Better. La formule est restée la même;

néanmoins, les mélodies ont perdu du panache alors que le groupe semble tenter désespérément de répéter ce qu’ils ont déjà accompli. Si le premier album a été subtilement dosé et ses chansons, subtilement sélectionnées, on a l’impression que leur second a été produit dans l’empressement de satisfaire une base de fans rapidement désintéressée. On y retrouve quelques tubes susceptibles de passer à la radio, mais rien de comparable à «Michael, Come on Home» ou «This Fire». Bref, You Could Have It So Much Better est un album moins puéril et taquin que le précédent, et peut-être même un plus prétentieux. PHILIPPE G. LOPEZ

C

apricorns est un groupe de métal britannique qui sème la panique dans les îles de notre très chère Majesté. Ruder Forms Survive est leur premier album. À première vue, leur musique pourrait être comparée à celle de Pelican mais ce serait faire abstraction des influences marquées de ces Anglais pour qui le riff est roi. Là où Pelican emprunte au post-rock, Capricorns tire du doom et de la pas si nouvelle vague d’heavy metal britannique. L’album débute avec «1977: Blood for Papa», un titre court mais efficace qui expose une ligne de guitare contagieuse. Sur «1440: Exit Wargasmatron», les guitares suivent, autant qu’elles le peuvent, le rythme imposé par le batteur. Mais le titre ne fait qu’introduire la pièce maîtresse de l’album. Un opus de douze minutes, «1066: Born

On The Bayeux» est son nom. Après une introduction bien douce, la cadence monte et vous coupe le souffle. Les transitions entre des guitares pesantes et des mélodies absolument limpides montrent l’habileté des musiciens. Ruder Forms Survive reste accessible même pour les mélomanes inexpérimentés en musiques extrêmes. Le groupe laisse de côté les vocals criantes et indiscernables du doom classique, sauf sur «The First Broken Promise», le titre le moins accessible (mais un des plus réussis) de l’album. La production, elle, est irréprochable. Provenant d’un tel label, c’est un exploit. Il est rassurant de découvrir une telle fraîcheur dans ce créneau du métal. Les musiciens réussissent à diversifier leur jeu en puisant dans des genres qui méritent d’être redécouverts par bon nombre de leurs contemporains. La scène métal anglaise produit depuis son avènement des artistes sans pareil qui repoussent les limites de leur art, tout en gardant les qualités de leurs prédécesseurs. Qui sait, Capricorns entame peut-être une nouvelle vague? ALEXANDRE DE LORIMIER


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