un dossier en pages centrales Le seul journal francophone de l’Université McGill.
Volume 95, numéro 11
Le mardi 29 novembre 2005
www.delitfrancais.com
Suceur de sang de souverainiste depuis 1977.
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xLe Délit • 29 novembre 2005
Le Canada doit s’impliquer en Irak, croit Bob Rae
nouvellesinternational
L’ancien premier ministre de l’Ontario donne une conférence à McGill sur son travail en Irak. MARC-ANDRÉ SÉGUIN ien que l’invasion de l’Irak par l’armée américaine ait été une erreur, il faudrait maintenant que le Canada se mette à l’œuvre pour la reconstruction du pays, affirme l’ancien premier ministre de l’Ontario Bob Rae. Lors d’une conférence organisée sur le campus mardi dernier par l’Institut d’études canadiennes de McGill, le conseiller auprès
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du comité de rédaction sur la Constitution irakienne a exprimé qu’il était temps pour le Canada de s’impliquer davantage en Irak. «Je crois que l’invasion n’était pas justifiée sous le droit international, mais maintenant le problème est que le Conseil de sécurité [de l’ONU] a reconnu la légalité de la présence des armées étrangères, si elles sont là avec l’invitation du gouvernement
de l’Irak. Il y a un gouvernement reconnu en Irak, alors la situation a changé» a confié M. Rae au Délit. M. Rae, aussi avocat et ancien président du Conseil de l’unité canadienne, était de passage à McGill afin de raconter son expérience en Irak et discuter des défis à envisager pour ce pays, toujours ravagé par une insurrection sanglante. L’Irak souhaitant former une fédération, il
admet que c’est notamment à cause de son intérêt et de ses compétences en matière de droit constitutionnel au Canada qu’il a été approché pour travailler dans cette affaire. À l’ordre du jour de ce projet de constitution, il faudra traiter de diverses questions de ce pays qu’il qualifie de «très tribal et très divisé». Les intérêts des différents groupes en Irak créent en effet plusieurs
redaction@delitfrancais.com
... la meilleure façon de ne pas prendre de poids pendant le temps des fêtes
rapports de force en ce moment. La population chiite, plus rurale et plus traditionnelle, se distingue beaucoup de la population sunnite, plus libérale et plus urbaine. À cela, il faut ajouter l’impact profond qu’a eu la dictature de Saddam Hussein sur le pays, ainsi que l’autonomie grandissante de la population kurde au nord du territoire depuis la fin de la guerre du Golfe. La question de la sécurité sera aussi prioritaire selon M. Rae: «La première règle de la souveraineté consiste à trouver qui a le monopole sur les moyens de violence. […] Si l’État ne peut pas contrôler la violence, ce n’est pas un État», affirme-t-il. Dans sa conférence, M. Rae a insisté sur les difficultés à mener à terme un projet d’une si grande envergure dans la situation actuelle. Ayant travaillé et vécu dans la «zone verte» de la capitale irakienne –une partie de la ville fortement militarisée–, il affirme que les conditions sur le terrain sont véritablement uniques. «Il y a une guerre qui continue à se dérouler à l’extérieur. Normalement, la rédaction d’une constitution est quelque chose que l’on fait après les combats. […] Parfois, les gens avec qui on parle se font tuer au cours de la nuit suivante, car les représentants [irakiens] vivent à l’extérieur de la zone verte. […] C’est donc un exercice très difficile». Toutefois, le fait d’être enfermé dans la zone verte, coupé du monde, à ne parler que du projet et d’ententes constitutionnelles ne lui était pas tout à fait inconnu. «Ça ressemble beaucoup à Charlottetown», a-t-il lancé à la blague. x
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Session mouvementée
éditorial
Analyse d’un trimestre de vie étudiante à McGill.
Le seul journal francophone de l’Université McGill
JEAN-PHILIPPE DALLAIRE ET DAVID DROUIN-LÊ
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uisque la session tire à sa fin, il convient de revenir sur quelques événements et dossiers couverts par l’hebdomadaire au cours de la dernière session. McGill, temple du vice? Dans sa première parution, Le Délit publiait un reportage faisant état de l’évolution des initiations au sein des universités québécoises. Nous faisions alors part d’une tendance à l’adoucissement des rituels par lesquels les anciens introduisaient leurs nouveaux comparses dans le cénacle restreint des universitaires. Alors que les universités francophones, traditionnellement perçues comme plus décadentes, se conformaient à la bonne morale publique, McGill la puritaine défrayait les manchettes d’un océan à l’autre. En effet, The Gazette informait ses lecteurs, en une s’il vous plaît, que des actes sodomites avaient eu lieu lors de l’initiation de l’équipe de football. La réaction de McGill a été impitoyable: mesures disciplinaires exemplaires et annulation de la saison des Redmen. L’affaire est toutefois tombée à plat lorsque la victime alléguée a avoué qu’il n’y avait pas eu de pénétration. Mais ce n’est pas tout. Parallèlement, McGill a reçu un honneur dont elle se serait bien passée. Inscrite au palmarès des universités les plus dévergondées d’Amérique du Nord par le magazine Playboy, l’institution a été visitée par des photographes désirant voir des étudiantes dans leur plus simple appareil. Heureusement, quelques dizaines de millions de dollars en dons privés et une première position au classement des universités dresssé par la revue Maclean’s auront probablement permis de faire diminuer la consommation d’anti-dépresseurs du département des relations publiques. L’AÉUM existe Noël approche, et le conseil exécutif de l’AÉUM est encore composé des mêmes membres qu’au printemps dernier. Ce fait est, en soit, un exploit étatn donné ce qui s’est produit dans les dernières années. Il est toutefois dommage qu’en une session, l’AÉUM n’ait pas réussi à mettre fin au contentieux qui l’oppose au Conseil d’administration quant à la représentation étudiante au sein de ce dernier. En effet, parce que ses tâches sont trop exigeantes pour lui
SEPTEMBRE
DÉCEMBRE
Volume 95 Numéro 11
rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : (514) 398-6784 Télécopieur: (514) 398-8318 redaction@delitfrancais.com bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone: (514) 398-6790 Télécopieur: (514) 398-8318 daily@ssmu.mcgill.ca rédacteur en chef david.drouinle@delitfrancais.com David Drouin-Lê chefs de pupitre-nouvelles nouvelles@delitfrancais.com Laurence Bich-Carrière Jean-Philippe Dallaire
permettre de prendre au moins neuf crédits de cours par session, le président de l’AÉUM n’est pas autorisé à y siéger. L’Association s’oppose à cette exigence et Le Délit soutient cette revendication. En effet, à nos yeux, il importe que les représentants légitimement élus et dévoués à temps plein à la compréhension des dossiers touchant les étudiants soient ceux qui les représentent auprès de la plus haute instance de l’Université. Campagne des 4 G$ Après quelques manifestations auxquelles l’AÉUM a participé, les étudiants ont finalement réussi à faire adopter par l’aile québécoise du Parti libéral du Canada une motion demandant un réinvestissement fédéral en éducation. À l’approche des élections fédérales, les leaders étudiants réussiront-ils à faire promettre à Paul Martin de respecter une promesse qu’il a déjà fait? Toujours pas de salle de prière pour les étudiants musulmans L’Université les a privés de salle de prière l’an dernier. Ils se sont donc réfugiés à l’extérieur, en signe de protestation. À l’été, ils priaient sur le gazon. À l’automne, sur les feuilles. Maintenant, sur la neige. Bientôt, dans la sloche. Alors que McGill se vante abondamment de son multiculturalisme, qu’est-ce qu’elle attend pour imiter plusieurs institutions francophones et prêter un local de prière multiconfessionnel conforme aux attentes des étudiants musulmans? C’est une
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Grève à l’UdeM
xLe Délit
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Étrangers au travail
chef de pupitre-culture artsculture@delitfrancais.com Agnès Beaudry
simple question de respect… Les étudiants internationaux paient toujours plus qu’ils ne le devraient Le Devoir révélait l’an dernier que McGill violait les plafonds de frais de scolarité imposés par le gouvernement du Québec en ce qui concerne les étudiants internationaux. McGill n’a pas réagi, remettant en question le bienfondé de ce plafond. Le Délit révélait cette année que l’institution pouvait être sujette à des poursuites à cet effet. L’Université prétend encore avoir moralement raison. Il y a quelque chose de malsain de la part d’une institution universitaire à imposer sa volonté en violation d’une politique gouvernementale. À moins que la direction de l’établissement ne mette carrément en doute la légitimité des élus québécois à prendre une décision raisonnée? Ce serait faire preuve d’une certaine condescendance à l’endroit de son principal bailleur de fonds… Reste que les étudiants internationaux pourront maintenant travailler hors du campus. Serait-ce pour paver la voie à une déréglementation de leurs frais de scolarité? Une opportunité à saisir? Au terme de ce premier trimestre, nous constatons que l’administration a encore du chemin à parcourir pour se rendre légitime aux yeux des étudiants. Un déficit de crédibilité que l’AÉUM pourrait saisir au vol pour faire avancer les revendications de ses commettants.x
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Les sommets de Antigone l’animation
Le Délit fait relâche jusqu’au 10 janvier prochain. Pour collaborer : redaction@delitfrancais.com. Bonnes fêtes!
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rédacteur-reporter Marc-André Séguin coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Alexandre de Lorimier coordonnateur de la photographie Henri Cartier-Bresson coordonnateur de la correction Pierre-Olivier Brodeur chef illustrateur Pierre Mégarbane collaboration Laurence Allaire Jean, Sarah Bélanger-Martel, Arnaud Decroix, Lucille Hagège, Karin Lang, Olivier Lazard, Flora Lê, Élodie Le Cadre, Sophie Lestage, Mathieu Ménard, Maysa Pharès, Mado Rancé, Fannie St-Pierre-Tanguay couverture Éric Demers
publicité et direction générale Boris Shedov gérance Pierre Bouillon photocomposition Nathalie Fortune the mcgill daily coordinating@mcgilldaily.com Joshua Ginsberg conseil d’administration de la société de publication du daily (SPD) Julia Barnes, David Drouin-Lê, Joshua Ginsberg, Rebecca Haber, Mimi Luse, Rachel Marcuse, Joël Thibert, Jeffrey Wachsmuth
L’usage du masculin dans les pages du Délit français vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit est publié la plupart des mardis par la Société de publication du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et illustrations dont les droits avaient été auparavant réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé par Imprimerie Quebecor, St-Jean-sur-Richelieu, Québec. Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et de la Presse universitaire indépendante du Québec (PUIQ). Imprimé sur du papier recyclé. ISSN 1192-4608
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Vert, le Québec?
lettreouverte
Le bilan du Québec à la veille de la Conférence de l’ONU sur les changements climatiques.
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orsque le gouvernement canadien a signé le protocole de Kyoto en 1997, il s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 6% en dessous des niveaux de 1990 pour la période 2008-2012. Selon les dernières estimations, ces émissions auraient plutôt augmenté de 24% entre 1990 et 2005. Le bilan du Québec Le Québec fait souvent figure d’élève modèle en matière d’environnement, mais les faits contredisent cette image bien léchée. Selon les derniers chiffres disponibles, les émissions de GES du Québec ont subi une augmentation d’environ 7,2% entre 1990 et 2003, principalement à cause du secteur du transport, qui compte pour 40% des émissions totales du Québec. Ces mêmes chiffres démontrent que ces augmentations sont en bonne partie le résultat des ventes accrues de véhicules utilitaires sport et de l’accroissement du transport des marchandises par camions. En fait, la stratégie gouvernementale dans le domaine est bien claire. Dans son budget d’avril 2005, le ministre des Finances Michel Audet annonçait des investissements de l’ordre de 4,9 milliards sur trois ans dans l’entretien du réseau routier et la construction de nouvelles infrastructures. Ceci incluait des projets de prolongement des autoroutes 25, 30, 35, 50, 55, 73 et d’autres encore... Le même budget réservait une enveloppe de 257 millions de dollars pour de nouveaux investissements en transport en commun. Le virage du développement durable En matière d’énergie, le gouvernement Charest n’a guère fait mieux. Dès son arrivée au pouvoir en avril 2003, il réactivait le fameux projet du Suroît, tabletté par les péquistes. Devant la vive controverse, il a été forcé de reculer, mais a annoncé du même souffle la construction de la centrale au gaz de Bécancour, qui produira un peu moins des deux tiers des émissions prévues pour le Suroît, soit 1,4 MT de GES par année. Forcé malgré tout de prendre le virage du «développement durable» par la mobilisation populaire, le gouvernement Charest a développé une stratégie énergétique qui comprend le développement de nouveaux barrages et réservoirs dans le Grand Nord québécois et le développement accru de l’énergie éolienne. L’hydroélectricité est présentée comme une source d’énergie propre, mais les grands réservoirs d’Hydro-Québec émettent une quantité substantielle de GES à cause de la décomposition des
matières organiques provenant des terres immergées. En effet, ces émissions sont estimées à 9,9 MT, soit plus de 10% du total des émissions québécoises, et ne sont pas comptabilisées dans les bilans gouvernementaux. Pour ce qui est de l’énergie éolienne, il faut noter que son développement se fait exclusivement par des partenariats public-privé. Les bénéfices liés à la production d’énergie sont privatisés, ce qui fait en sorte qu’Hydro-Québec n’acquiert pas d’expertise en matière de production d’énergie éolienne. Ainsi, les communautés locales et l’ensemble de la société québécoise ne profitent pas des retombées économiques du développement éolien. Les alternatives Afin d’empêcher des perturbations majeures du climat, il est nécessaire de stabiliser non pas les émissions mais les concentrations de GES dans l’atmosphère. Selon la plupart des experts, il faudrait réduire nos émissions de 60 à 80% d’ici 2050 pour atteindre cet objectif. La population québécoise a démontré à maintes reprises l’importance qu’elle accorde à l’environnement; elle se doit aujourd’hui d’agir. Le prolongement incessant des autoroutes est un incitatif direct à l’étalement urbain et à l’utilisation accrue de la voiture comme moyen de transport. Une politique cohérente en transport dans le cadre d’un plan de lutte aux changements climatiques passe donc nécessairement par le transport en commun. En terme de transport des marchandises, les alternatives maritimes et ferroviaires sont également à mettre de l’avant. Le développement de nouvelles sources d’énergie renouvelable a également un très grand potentiel au Québec, particulièrement au niveau éolien. En effet, des études récentes évaluent le potentiel éolien exploitable à moins de 25 km des lignes de distribution à environ 100 000 MW, soit plus de deux fois la puissance totale d’Hydro-Québec. Mieux, selon des experts états-uniens, les mesures d’efficacité énergétique auraient un potentiel encore plus grand et ce, à un prix incroyablement bas. Les exemples du Suroît et de la grève étudiante nous ont démontré que la meilleure stratégie pour faire reculer le gouvernement sur ses politiques anti-environnementales ou anti-sociales demeure celle de la contestation. Devant l’inertie de nos dirigeants, nous vous invitons donc à participer en grand nombre à la manifestation citoyenne du 3 décembre prochain. x Philôme La France Salomé Fontolliet
Étrange, étrange... Cheers! «Nous sommes un peuple reconnu pour lever le coude, nous buvons depuis 200 ans et en sommes fiers», explique Cherryl B. à la caméra. Qui n’a jamais entendu parler des terrifiantes bagarres anglaises à la fermeture des bars à trois heures? Tous les soirs de fête, les escouades policières patrouillent, arrêtent et coffrent. Et c’est toujours entre le last call et le moment où les établissements sont obligés de se vider qu’il y a du rififi. En conséquence, le gouvernement a décidé de donner à mille bars la permission d’être ouverts 24h/24 et a déplacé la fermeture à quatre ou cinq heures dans certains autres «afin de minimiser les chocs et les rixes en étendant l’heure de sortie» (Radio-Canada/BBC) Le moment pour écraser? Lors d’un voyage Hong-Kong/ Brisbane, une touriste française de 34 ans, Sadrine Hélène Selliès, a tenté d’ouvrir la porte de l’avion pour fumer une cigarette. Alors que mettre en danger un avion peut aller dans les sept ans de prison, Selliès s’en est tirée avec une amende de 1000 dollars parce que, d’après son avocate, elle était en pleine crise de somnambulisme, crise causée par sa peur de prendre l’avion et la quantité importante d’alcool et de somnifères qu’elle avait ingurgités avant de parti. Le procureur de la Couronne, qui a souligné que le contexte post-11 septembre change la donne, a également rassuré la salle: il est impossible d’ouvrir une porte d’avion en plein vol. (AFP/The Advertiser) Droit sans ses bottes. Humberto Reis, député brésilien, a été enterré en position verticale dans le caveau familial. «Il n’a jamais courbé l’échine devant personne et il a dit qu’il ne le ferait pas non plus une fois mort», a expliqué son fils, Luiz Humberto Araújo. «Il n’a jamais volé un centime à personne. Il a toujours été un homme honnête.» (Courrier international/Folha de São Paulo) Suicide équitable. Déprimé, suicidaire ? Prêt à vous jeter sous un train ? D’accord, mais sous celui des concurrents, si ça ne vous ennuie pas. «Beaucoup de gens qui se suicident en se jetant sous un train choisissent Japan Railways», a déclaré le leader syndical Masaaka Mori, employé de West Japan Railways. «Je sais que je ne devrais pas dire ça, mais j’ai parfois envie de leur demander de sauter sous un train de la compagnie Hankyu ou Kintetsu.» Les suicides provoquent des retards fâcheux, a-t-il expliqué au Mainichi Shimbun. (Courrier international/Far Eastern Economic Review)
nouvellesinsolite
En trois vitesses En hausse Le Slinky Cette année, le Slinky fête ses soixante ans. Les fabricants du petit ressort que tant d’enfants ont fait débouler des escaliers (et tant d’adolescents en état d’ébriété des marches de l’oratoire SaintJoseph) n’ont pourtant jamais laissé le moindre journaliste ou photographe pénétrer dans l’usine. Digne du secret de la Caramilk? (Time)
Au neutre On ne passe pas Les Suisses ont rejeté dimanche dernier l’utilisation des organismes génétiquement modifiés dans le cadre d’un référendum national. 55,7% des votants se sont prononcés en faveur de la mise en place du moratoire pour une période de cinq ans. Alors que ceux favorables à cette mesure ont invoqué l’incertitude scientifique quant aux dangers des OGM, ses opposants craignent quant à eux que la Suisse prenne du retard dans le domaine de la recherche agricole. (Radio-Canada)
En baisse CNN Qui a fait apparaître –et par deux fois!–un gros X sur la tête de Dick Cheney pendant qu’il lisait un discours à l’American Enterprise Institute jeudi dernier? Le réseau se défend: «Dès que nous avons vu, nous avons lancé une enquête interne: notre conclusion est formelle, c’est un bogue informatique». Le vice-président américain a dit que l’incident était derrière lui et qu’il ne croyait pas non plus à un complot humain. (TheDrudgeReport/AP)
La citation de la semaine
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e pense que je vais avoir besoin d’une pausepipi. Est-ce que c’est possible?»
Brillante note envoyée par nul autre que le président américain George W. Bush à la secrétaire d’État Condoleezza Rice pendant une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU. Il y a un page qui a dû être mort de rire. Mais que voulez-vous, quand il faut y aller, il faut y aller. Bon, d’accord, ça s’est passé le 14 septembre 2005, mais... (Time/PH)
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Bientôt sur le campus: caisses de 24
nouvellescampus
L’AÉUM explore la possibilité de remplacer la vente de cigarettes par la vente de bière chez Sadie’s. LAURENCE BICH-CARRIÈRE t si les Marlboro, les Camel et les Player’s étaient remplacées par de la Molson Dry, de la Labatt Bleue ou de la Belle gueule? Que les fumeurs se le tiennent pour dit, et que les buveurs soient aux aguets, car Sadie’s, la tabagie de l’AÉUM, pourrait bientôt remplacer la vente de produit du tabac par la vente de bière. À bas le tabac! À l’automne 2004, le Conseil de l’AÉUM s’est prononcé contre le renouvellement du contrat avec son distributeur de cigarettes, Imperial Tobacco. La proposition a cependant été mise de côté quand on a fait remarquer que les produits du tabac rapportaient annuellement 15 000$ à la tabagie, soit une bonne part de ses profits. Mais depuis que la boutique Sadie’s a été déménagée au premier étage, l’augmentation des ventes amenée par une meilleure visibilité ramène la motion sur le tapis. Pour Haissam
E
Dassan, initiateur de la motion, «l’AÉUM doit être responsable (éthiquement et moralement) de ce qu’elle vend à ses membres. […] [Au 21e siècle,] il n’y a pas de place pour une organisation étudiante qui répand des substances cancérigènes ou qui créent une dépendance. Certains pourraient dire que l’alcool tombe dans cette catégorie». Bière en résidence! L’alcool, c’est une référence directe au nouveau projet d’Eric van Eyken, le viceprésident aux finances de l’AÉUM. Afin de renflouer les coffres de la tabagie advenant qu’on ne puisse plus y vendre de cigarettes, celui-ci voudrait faire de Sadie’s un dépanneur où les étudiants pourraient acheter leur bière et même d’où les étudiants des résidences pourraient en commander. Il lui faudra évidemment pour cela obtenir un permis d’alcool, ce qui est loin d’être chose faite.
Des réactions partagées. Si Van Eyken est enthousiaste à l’idée, d’autres le sont un peu moins. Dassan se montre sceptique: «il sera beaucoup plus facile aux étudiants qui rentrent chez eux […] d’aller au dépanneur à côté de leur maison.» Han Yao, étudiant en microbiologie conteste ce dernier point:«[J]e serais plus enclin à encourager McGill qu’un supermarché». Quant à ses collègues en résidence, qui pourraient pourtant bénéficier du service de livraison de Sadie’s, ils sont plutôt neutres. «C’est sûr que s’il fait vraiment froid…», «Je vois mal en quoi ça pourrait changer quoi que ce soit» et «Ça dépend de ce qui est en spécial», semblent résumer leur position. Les employés de SNAX, le dépanneur universitaire de l’AUS, qui serait touché par la motion anti-tabac mais pas nécessairement par le contrat de distribution de bière, sont également inquiets. Eva Vanek, gérante du
Le réchauffement climatique
SNAX, dit n’avoir pas été consultée: «Les cigarettes constituent une bonne part de nos ventes, […] c’est sûr qu’il faudra chercher ailleurs [dès mai prochain]». Et d’ajouter: «[Et la bière,] ce n’est pas possible pour l’instant.» Plusieurs questions restent cependant sans réponse: qui pourra acheter de la bière chez Sadie’s? les caisses seront-elles vendues de 8h à 23h ou seulement après 18h? quelle concurrence sera faite à Gert’s? La gérante de Sadie’s a décliné tout commentaire. Déjà en 2004, Haissam Dassan avait suggéré que Sadie’s se mette à vendre des fournitures scolaires, des cartes d’appel et des fleurs. Il ajoute aujourd’hui: «J’aimerais que l’AÉUM fasse preuve de créativité, pour une fois, et trouve d’autres façons de faire de l’argent […]. Je suis sûr que si le VP Opérations faisait son TRAVAIL et enquêtait sur ce qui se fait dans le monde du dépanneur, il pourrait trouver quelque chose!» x
nouvellescontroverse
Chaque semaine, Le Délit choisit un sujet controversé. Les journalistes devant défendre respectivement le pour et le contre sont tirés aux hasard.
Cette Cettesemaine: semaine:Maysa Félix Pharès et Marc-André Meunier et Philippe G. Séguin Lopez s’affrontent s’affrontent dans dans lelering. ring.IlIlest estàànoter noter que queles lespositions positions exprimées expriméesnenesont sont pas nécessairement pas nécessairement partagées partagéespar parleur leur auteur. auteur.
POUR
L
e réchauffement climatique, quelle platitude. Les études montrent que la hausse moyenne de la température sur la planète au cours du siècle dernier n’aurait été que d’environ un seul degré sur l’ensemble de la planète… UN degré! Même les nouvelles publicités d’Hydro-Québec le disent: un seul degré, on le sent pas! Et même si on le sentait, vous trouvez pas que c’est un peu frisquet dehors de toute façon? Scusez-la, mais je vois pas de quoi en faire un plat. On me dit «mais voyons, pense à tes enfants! De quel genre de monde veux-tu qu’ils héritent?» Le jour où j’aurai des enfants, c’est bien certain que je ne leur souhaiterai que ce qu’il y a de mieux. Mais un degré de plus sur leur thermomètre sera bien la moindre de mes préoccupations. Et ensuite, y’a de ces fanatiques qui vont continuer en allant encore plus loin: «mais pense alors à tes petits-enfants et à tes arrières-petits-enfants et à tes arrière-arrière...». Bordel, je n’aurai qu’à leur dire qu’on a déménagé à Atlanta! De toute manière, permettez-moi de bien douter de la fiabilité des données météorologiques du siècle dernier. Ça chiait encore dans des bécosses au fond de la cour et moi je suis supposé croire aveuglément qu’ils étaient à la fine pointe de la technologie pour prendre la température sans erreur… Voyons. À tous les «éco-freaks»: si vous voulez pas le sentir, le réchauffement, allez donc fumer vos joints loin de nos oreilles que vous cassez. Gelés comme des balles, je vous garantis que vous sentirez plus rien de chaud… x
M
CONTRE
a foi, il fallait bien s’attendre à ce qu’une flopée d’égocentristes insensibles taxe les gens prévoyants d’éco-freaks, sans s’avouer qu’UN degré, c’est terrible!... Surtout quand on préfère fumer son joint au frais. Ils n’ont certainement pas pensé aux phoques. Ces phoques, dont l’avenir se résume désormais à contempler leur trépas prochain du haut d’une fichue banquise dégoulinante. Personne ne se soucie de la faune polaire et du fait qu’on n’aura plus de cartes postales toutes cutes avec des ours blancs et des paysages enneigés… Cela dit, c’est compréhensible, même moi je me fous des phoques et des ours. Mais pour le principe bon sang! Et les vacances alors? Qu’adviendra-t-il de toutes ces destinations idylliques dont le seul attrait était le soleil, et où l’Occidental moyen se plaisait à narguer le tiers-monde derrière les murs de son hôtel cinq étoiles? Qu’adviendra-t-il du tourisme à Cuba, perdant tout intérêt quand, fuyant la chaleur du mois de janvier, les montréalais se bousculeront pour aller grappiller les derniers glaçons restant au Groenland? Le réchauffement, y’a pas à dire, c’est la mondialisation de l’absurde. Tout sans exception sera chamboulé. L’industrie de la bonne grosse doudoune et celle de l’inesthétique botte fourrée n’auront qu’à fermer boutique, et plus jamais la balourde élégance hivernale ne viendra agrémenter nos silhouettes nordiques. Il fera chaud, il fera beau, mais trop… et nos petits enfants nous demanderont pourquoi y a pas de saisons, et pourquoi on n’a rien fait. Et nous on leur dira qu’on était trop occupés à fumer. x
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Grève idéologique à l’UdeM
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Tandis que le conflit perdure, les revendications des grèvistes se modifient. PIERRE-OLIVIER BRODEUR Thomas St-Aubin
D’
abord présenté comme une simple «guerre de chiffres» entre la direction de l’Université de Montréal (UdeM) et le Syndicat général des professeurs de l’Université de Montréal (SGPUM), le conflit perturbant le fonctionnement de l’Université de Montréal depuis plus de cinq semaines semble maintenant concerner des enjeux beaucoup plus importants. Comme l’expliquait au Délit Louis Dumont, président du SGPUM, rencontré mercredi dernier, «au fur et à mesure des rencontres [entre le SGPUM et la direction], l’augmentation de salaire est apparue comme un élément de reconnaissance [du travail des professeurs].» Ainsi, ce serait le refus de la direction de remplir sa promesse et de se conformer aux conclusions du rapport Larouche, produit d’un comité paritaire constitué de représentants syndicaux et de cadres de l’Université, qui aurait fait dégénérer le conflit. En effet, le syndicat réclame un rattrapage salarial de 7,6 p. cent (ses plus récentes offres l’étalaient sur quatre ans), tandis que l’Université n’offrait toujours, aux dernières nouvelles, que 2,3 p. cent sur quatre ans. Il est toutefois à noter que les négociations font l’objet d’un silence médiatique depuis le 20 novembre, ce qui fait que leur développement est tenu secret.
Manifestation des étudiants de l’Université de Montréal concernant la grève.
Mais selon Louis Dumont, le conflit concerne dorénavant «la place du professeur dans l’université, son rôle qui [selon nous] est de générer des nouvelles connaissances et de les transmettre». Il lui semble que le fait que
la masse salariale des professeurs ne représente qu’environ 1 p. cent du budget de l’UdeM est symptomatique. «On nous dit qu’il n’y a pas d’argent, et cette année seulement l’Université investit 70 M$ dans le béton. […] Il y a des
revenus à l’Université, nous on demande: «Où est l’argent? Quel genre d’université voulezvous?» Parce que tout va ensemble». Mais certains grévistes, dont celui qui s’est confié au Délit sous couvert de l’anonymat, réfutent cette interprétation idéologique du conflit: «c’est une affaire de salaire, un point c’est tout». La présence de dissension n’empêche toutefois pas Louis Dumont de considérer qu’il y a une «bonne cohésion» au sein des grévistes: «Il y a une belle mobilisation. L’assemblée générale du 19 octobre en est le plus bel exemple: il y avait 700 collègues présents». Quant aux conséquences possibles de la grève sur les étudiants à l’UdeM, Louis Dumont déclare: «Je n’y crois pas [à la possibilité d’annulation massive de cours]. Ça coûterait trop cher à l’Université.» Et à ceux qui lui reprochent de prendre les étudiants en otage, le président du SGPUM répond: «Moi, je me demande pourquoi la direction [de l’UdeM] laisse le conflit perdurer. Je trouve ça ridicule de perturber toute l’Université pour 3 M$ [le montant qui sépare les positions du syndicat et de la direction].» Au moment de mettre sous presse, les deux parties n’étaient pas arrivées à une entente, mais aucune nouvelle journée de grève n’était prévue. x
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Québécois avant tout!
nouvellesnational
Le colloque de l’Institut du Nouveau Monde sur la participation des immigrants à la vie politique québécoise. MAYSA PHARÈS e samedi 26 novembre se tenait un colloque sur la participation civique des Québécois d’origines diverses, en collaboration avec le Centre de recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la citoyenneté (CRIEC) et avec le soutien financier du Bloc québécois. Un panel de conférenciers, politiques, sociologues, juristes et chercheurs s’est attaché à identifier les obstacles actuels à la participation civique des Québécois issus de l’immigration et les solutions à apporter à ces problèmes. Selon Michel Venne, directeur général de l’INM, une réflexion est nécessaire puisque «bien que la participation civique des personnes issues de l’immigration [ait] connu des progrès évidents au Québec, il reste du chemin à faire».
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Caractère distinct et solution souverainiste? Le Québec partage la compétence sur l’immigration avec Ottawa en sélectionnant deux tiers de ses immigrants sur la base de leur
potentiel d’intégration au marché de l’emploi. Selon Micheline Labelle, directrice du CRIEC, «le Québec s’est doté d’un dispositif juridique, politique et consultatif parallèle au système fédéral, dans la perspective d’affirmer son caractère distinct, tout en tentant d’intégrer les populations diverses qui se sont installées sur son territoire». D’après Jacques Robert, sousministre adjoint à l’Intégration, à la Régionalisation et aux Relations interculturelles, le Québec se distingue du modèle français, qui conduit à la marginalisation, ainsi que du modèle communautariste. Les intervenants ont souligné l’importance de l’identité québécoise et de la culture francophone comme points de convergence des cultures. «Nous sommes passés d’une identité de Canadiens-français à celle de Québécois», déclarait Micheline Labelle, saluant le rôle du mouvement souverainiste. Gilles Duceppe, chef du Bloc québécois, affirmait quant à lui sa volonté d’intégrer les Québécois d’origines
diverses au projet du Bloc et se félicitait d’avoir accompli des «pas de géant» dans la représentation des minorités au sein de sa formation politique. Selon lui, «il n’y a pas d’obstacle formel à la participation civique des Québécois issus de l’immigration parce que le projet souverainiste est pour tous les Québécois». Diversité, mais pas multiculturalisme La reconnaissance de la diversité de la société québécoise n’implique pas pour autant le multiculturalisme, dont on craint qu’il favorise les communautarismes au détriment de la participation citoyenne. Selon Gilles Duceppe, «le multiculturalisme est devenu doctrine d’État au Canada. Or, il y a quelque chose d’insidieux dans cette vision qui encourage les communautés à demeurer dans leurs ghettos culturels et renvoie chacun à son origine». De plus, selon Mme Labelle, «en dépit de la célébration récurrente du multiculturalisme
Du boulot pour les internationaux
dans l’espace canadien, les inégalités et les discriminations persistent». Les chiffres du recensement de l’année 2001 témoignent de ces inégalités: 10 p. cent de la population du Québec est née à l’étranger et 16 p. cent revendique une origine autre que canadienne-française ou britannique. Les minorités dites «visibles» forment 7 p. cent de la population québécoise. Cependant, alors que 7 p. cent des Québécois sont touchés par le chômage, les immigrants sont 12 p. cent à être sans emploi. Parmi eux, les afrodescendants souffrent du chômage à 17,1 p. cent. De plus, sur l’ensemble des Québécois diplômés, 4,6 p. cent sont sans emploi. Mais les immigrants détenant un diplôme souffrent du chômage à 8,9 p. cent. La réalité de l’insertion L’immigration est souvent une désillusion pour des personnes qui nourrissent des attentes que Sébastien Arcand, professeur aux HEC Montréal, qualifie d’une sorte de «rêve américain». Ceux
qui sont au Québec depuis moins de cinq ans sont 20 p. cent à ne pas trouver de travail. D’autres ont des emplois bien en dessous des qualifications pour lesquelles ils ont été sélectionnés par le Québec. De plus, ils se logent souvent dans des quartiers pauvres et subissent du racisme. L’immigration, perçue par les politiques sous l’angle de la «gestion», aboutit à l’humiliation et au repli communautaire, et conséquemment au refus de la citoyenneté. Dans cette situation, la participation civique est loin d’être favorisée. Peter Leuprecht, directeur de l’Institut d’études internationales de Montréal, affirme toutefois qu’«on n’est pas impuissants». Les normes internationales et les organisations non gouvernementales du Québec «servent de mauvaise conscience au gouvernement». M. Leuprecht souligne la nécessité de s’engager dans les organisations citoyennes et que les sociétés civiques travaillent en réseau pour faire avancer les choses. x
nouvellescampus
Un nouveau programme du gouvernement permet désormais aux étudiants étrangers de travailler hors campus. SARAH BÉLANGER-MARTEL dans la lignée des nouvelles mesures prises par certaines provinces comme le Nouveau-Brunswick et le Manitoba afin d’aider leurs étudiants étrangers à joindre les deux bouts. Pour y être admissible, un étudiant international devait, en plus de détenir un permis d’études valide, avoir complété deux sessions consécutives d’études à temps plein dans un établissement participant et y avoir maintenu des résultats scolaires «acceptables», soit une moyenne d’environ 2,0 au premier cycle universitaire et 2,5 aux deuxième et troisième cycles. Au Québec, moins de 10 p. cent des étudiants étrangers pouvaient participer au programme puisque ceux des régions métropolitaines de Québec et Montréal en étaient exclus. Selon le ministère, cette exclusion se voulait à la fois «un incitatif afin d’accroître la présence d’étudiants internationaux en région» et une façon efficace de réduire le nombre d’étudiants admissibles à ce projet expérimental «pour en assurer un meilleur suivi». Un an et demi plus tard,le succès du projet permet au gouvernement de l’étendre de façon permanente à près d’une centaine d’établissements à travers la province. Le protocole d’implantation devrait d’ailleurs
David Drouin-Lê
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as toujours facile d’arrondir les fins de mois quand on est étudiant. Ce l’est encore moins quand on est étudiant étranger. Mais voici une nouvelle qui en aidera plusieurs à reprendre leur souffle, moyennant quelques gouttes de sueur… Le 22 novembre dernier, à HEC Montréal, la ministre québécoise de l’Immigration et des Communautés culturelles, Mme Lise Thériault, a annoncé qu’un protocole d’entente entre les gouvernements fédéral et provincial avait finalement été signé la veille, ouvrant les portes du marché du travail hors campus à tous les étudiants internationaux de la province… Cette nouvelle entente fait suite à un projet pilote qui, depuis le 21 mai 2004, permettait aux étudiants étrangers de trente-quatre établissements d’enseignement postsecondaire d’occuper un emploi hors campus quinze heures par semaine durant les sessions d’étude régulières et à temps plein durant les vacances scolaires. Ce programme travail-études, dont le but était de soutenir les étudiants internationaux aux prises avec des difficultés financières tout en leur permettant de poursuivre des études déjà entreprises, s’inscrivait
Il ne reste plus aux étudiants étranger qu’à ramasser leurs derniers sous et à aller s’acheter des journaux pour feuilleter les annonces classées et trouver des offres d’emploi.
être signé au cours des prochaines semaines. D’autres changements importants au programme incluent plus d’admissibilité pour les étudiants inscrits dans des formations collégiales préuniversitaires, un nombre limite d’heures de travail hors campus majoré à vingt et l’abaissement de la période préalable à l’accès au programme à six mois d’études à temps complet, contre deux sessions auparavant.
Selon la ministre Lise Thériault, cette entente permettra au Québec d’être «plus attractif sur la scène internationale et de demeurer concurrentiel par rapport aux autres provinces canadiennes qui prévoient implanter un tel programme et par rapport aux autres pays où le travail hors campus est permis». Si l’élargissement du programme rassure ceux qui trouvaient que le Québec avait accusé un certain
retard en la matière, les étudiants internationaux de McGill ne croient pas tous que ce changement leur ouvrira toutes les portes du marché du travail… Selon Indra, étudiante internationale en 3e année, c’est encore la langue qui demeure le plus grand obstacle. En effet, beaucoup d’étudiants étrangers ne maîtrisent encore assez le français pour faire compétition aux nombreux Montréalais bilingues. x
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«Parti» pris…
xLe Délit
En ce début de campagne électorale, Marc-André Séguin présente les sections mcgilloises des quatre partis fédéraux. Tout comme Noël, les élections fédérales arrivent à grands pas. Le premier ministre du Canada, M. Paul Martin, annonçait en effet la semaine dernière que le jour du scrutin aurait lieu à la mi-janvier. En attendant cette date, plusieurs commentateurs anticipent une campagne électorale qui sera dure, avec de vifs débats à l’horizon. C’est dans l’espoir de contribuer à vos discussions du temps des Fêtes que Le Délit propose une présentation des diverses associations de partis politiques fédéraux sur le campus de l’Université McGill. Les associations sont classées en ordre alphabétique. Bloc québécois McGill
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Conservative McGill
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euxième président de l’histoire de Conservative McGill, Daniel King affirme que son association en est une qui adhère d’abord et avant tout aux principes du Parti conservateur, notamment «la réduction du fardeau fiscal des Canadiens, le développement de l’armée, la protection de notre environnement et le ménage dans notre gouvernement de sorte que les contribuables aient confiance que leurs impôts ne seront pas volés». Il ajoute que son organisation cherche aussi à constituer un
nouvellesnational
organisation. «On va [aussi] s’impliquer dans WestmountVille Marie, mais on s’entend qu’ils ont moins besoin de notre aide que dans d’autres comtés». Lavoie reconnaît que le scandale des commandites sera un facteur d’importance dans la campagne. «C’est sûr que ça va jouer dans la campagne électorale. Ça nous fait déjà très mal. En tant que jeune libéral, je peux vous dire que ça m’insulte beaucoup de voir que quelqu’un que je n’ai jamais rencontré dans mon propre parti ait travaillé contre moi sur ce point. […] C’est démoralisant, mais ça n’enlève pas mes convictions libérales. Je n’arrêterai pas de croire au multiculturalisme à cause qu’il y en a qui ont empoché des sous». Enfin, concernant la campagne de publicité controversée des jeunes libéraux cet automne qui en a provoqué plus d’un sur la scène publique en liant le mouvement souverainiste québécois à du nationalisme ethnique, Olivier Jarvis Lavoie est catégorique. «Je suis bien désolé pour eux [les souverainistes], mais la réalité c’est la réalité. Dans le mouvement souverainiste, il va falloir trouver quelqu’un d’assez spécial pour me regarder dans les yeux et me dire que ça n’existe pas, le nationalisme ethnique». Le président de Liberal McGill souligne enfin l’importante place laissée aux jeunes au sein du PLC. «La place des jeunes est impressionnante. Je ne vois pas une
Liberal McGill
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livier Jarvis Lavoie, président de Liberal McGill, définit les valeurs de son association comme étant «des valeurs libérales, comme le fédéralisme, le multiculturalisme, la coopération internationale, l’environnementalisme –ce qui me tient particulièrement à cœur– la justice sociale, l’égalité, etc.». Son exécutif compte une dizaine de membres et le club, une cinquantaine. À
pareille place accordée aux jeunes dans les autres partis, surtout pas au Parti conservateur, ou même au NPD ou même dans le Bloc». Liberal McGill est située au local 435 de l’édifice Shatner.
NPD McGill
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embre d’un parti qui se distingue par ses valeurs profondément sociales-démocrates, NPD McGill se présente comme un groupe ouvert, qui n’a pas peur de s’exprimer. «Nous n’adhérons pas nécessairement toujours à la ligne de parti, mais nous soutenons des valeurs sociales-démocrates parce que c’est en premier lieu ce qui attire les gens vers le parti […]. NPD McGill est un moyen pour les personnes de la gauche de faire connaître leurs valeurs et idéaux politiques», affirment les deux co-présidents de l’association, Dustin Paterson et Mark Sandford. NPD McGill compte entre 300 et 400 membres ou sympathisants. Cependant, Mark Sandford précise qu’environ 15 personnes participent régulièrement aux réunions. Paterson soutient que son organisation a été très active au cours de la dernière année. «Nous faisons plusieurs activités, notamment entourant le «Buy Nothing Day». […] L’an dernier, nous avons fait venir le chef du NPD Jack Layton, ce qui fut un succès. Nous avons aussi eu un «Doobie Day», ce qui était une manifestation de notre politique pour la décriminalisation de la marijuana. […] Nous comptons le faire encore. Nous faisons tout ce qu’on peut faire afin de sensibiliser les gens sur ce en quoi nous croyons». Les deux présidents ont aussi confirmé en entrevue que Jack Layton sera de passage à McGill au cours de la campagne électorale. L’organisation sera elle aussi active au cours de la campagne électorale, principalement dans le comté de Westmount-Ville Marie, mais aussi à Notre-Dame-deGrâce et Lachine. Or, cela ne se fera pas sans difficulté. «Le problème avec l’élection, c’est qu’une grande part de la campagne aura lieu pendant le congé des Fêtes, et plusieurs étudiants ne seront pas ici. […] Plusieurs d’entre nous serons chez nous à travailler sur nos campagnes respectives». Paterson se montre toutefois exaspéré sur les performances de son parti au Québec, le Bloc québécois ayant tendance à recueillir la grande majorité des votes de la gauche. «C’est très difficile d’être un groupe du NPD au Québec, parce que nous n’avons pas de siège. Le Bloc a pratiquement un monopole». Il ajoute que c’est d’autant plus difficile d’attaquer ce parti, qui adopte généralement les mêmes orientations sociales. «Comme plusieurs peuvent constater, les plates-formes sociales sont très semblables, et on ne peut donc pas vraiment être contre eux sur ces questions. Ils disent pratiquement la même chose que nous. Mais nous essayons de présenter ces choses d’un point de vue fédéraliste». Un élément important dans la campagne selon Paterson sera enfin le budget que le NPD aura réussi à modifier en s’alliant aux libéraux le printemps dernier. «Le NPD a obtenu des milliards de dollars qui autrement auraient été perdus en baisses d’impôts et les a envoyés au Québec. Ce sont des milliards investis grâce à Jack Layton, qui est du Québec, il est né ici. Je crois que le NPD a fait davantage pour le Québec avec ce budget que ce que le Bloc a réussi à faire depuis qu’il est à Ottawa». x
Stéphane Dion en mode électoral Le ministre de l’Environnement vient parler à un groupe d’élèves invités à l’aube de la Conférence de Montréal sur les changements climatiques.
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’est avec en toile de fond le déclenchement imminent d’élections fédérales que le ministre fédéral de l’Environnement, M. Stéphane Dion, est venu s’adresser à un groupe d’étudiants de McGill vendredi dernier afin de leur parler du Projet vert, un plan d’action pour honorer les engagements du Canada découlant de l’accord de Kyoto. Notons entre autres le «Défi d’une tonne», qui encourage chaque citoyen à réduire sa production annuelle de gaz à effet de serre (GES) d’une tonne, la faisant ainsi passer de 5 à 4 millions. Dion a aussi parlé d’un projet qui devrait rendre l’Île-du-PrinceÉdouard entièrement dépendante à l’énergie éolienne plutôt qu’au pétrole au cours des années à venir. «S’il n’y avait pas d’élections, je serais en train d’annoncer plusieurs autres projets de la sorte. Il semble toutefois que nous devrons remettre ça au mois de février prochain», a-t-il ajouté. Le plus récent bilan de l’ONU n’est toutefois pas positif pour l’État canadien. De tous les pays signataires du protocole de Kyoto, c’est le Canada qui aura le plus de difficulté à atteindre ses objectifs. En entrevue avec Le Délit, M. Dion a cherché à atténuer cette interprétation. «On a accepté une cible très exigeante à l’époque parce qu’on croyait que les Américains allaient nous suivre. […] Là on est tout seul avec notre cible, ce qui a arrêté notre stratégie […]. L’autre chose, c’est que notre économie est basée sur les ressources naturelles, et que cette économie est en pleine croissance», tout comme l’industrie du pétrole, ce qui augmente les émissions de GES. Il a aussi affirmé au cours de la soirée qu’il serait difficile de mettre de l’avant des politiques encore plus rigoureuses pour contrer ces émissions. «Aucun politicien sur la planète ne se fera élire en disant qu’il va arrêter la croissance économique». M. Dion estime que le plus grand défi de la Conférence de Montréal sera «d’établir un rapprochement entre des pays qui conviennent qu’il y a un problème grave et qui ne s’entendent pas sur la façon dont il faut qu’on l’aborde». Lors de la conférence, le ministre de l’Environnement a affirmé que la Chine et l’Inde sont des acteurs-clés qui, pourtant, affirment qu’ils ne pourraient pas s’engager dans le protocole de Kyoto sans nuire gravement à leur croissance économique. À l’aube de la campagne électorale, M. Dion s’est montré tranchant envers les chefs de l’opposition. «Je suis très désolé [que les élections] aient lieu maintenant alors qu’on accueille le monde pour trouver des solutions aux changements climatiques. C’est irresponsable de M. Layton d’avoir accepté ce jeu là de la part de M. Harper –qui veut tuer Kyoto– et de M. Duceppe, qui veut briser le Canada», déplore-t-il. x M.-A.S. Marc-André Séguin
ennifer Drouin, anglophone et présidente de la cellule PQ McGill ainsi que du nouveau groupe Bloc québécois McGill. Les groupes PQ McGill, Bloc québécois McGill et le tout récent Comité souverainiste, qui compte onze membres et quelques sympathisants, travaillent conjointement. Tout comme PQ McGill a organisé la venue de Bernard Landry à l’Université l’an dernier, Bloc québécois McGill s’affairera cette année à préparer une éventuelle visite de Gilles Duceppe sur le campus. «Nous n’avons pas encore proposé de sujet, mais on suppose que M. Duceppe viendra traiter, dans sa conférence, du Canada anglais et des relations avec un Québec souverain. Il a déjà fait des discours semblables à Edmonton et à Toronto chez les anglophones et ça a très bien marché. Ça aurait donc du sens qu’il vienne [en parler ici]». Aucun plan n’a encore été organisé concernant la campagne électorale à venir. «Nous n’avons pas encore de plan spécifique en ce moment. Mais d’habitude, lorsqu’il y a une campagne électorale, les candidats locaux viennent ici [à McGill] faire un débat. […] Si les candidats viennent à McGill pour un débat, c’est sûr qu’on va s’impliquer». Jennifer Drouin constate que l’intérêt pour son groupe est en croissance. «Je pense que c’est de plus en plus favorable à chaque année. C’est la troisième année qu’on est ici. […] À chaque fois qu’on tient un kiosque, il y a de plus en plus de gens qui veulent venir aux réunions, qui sont intéressés et qui viennent nous parler». À long terme, les trois regroupements souverainistes commencent à organiser un événement intitulé «Sovereignty for Dummies», qui devrait avoir lieu en septembre prochain. Jennifer Drouin estime que ce projet –qui susciterait un grand intérêt au sein du comité– est d’une importance considérable pour son mouvement. «C’est un projet qui vise à expliquer l’argumentaire souverainiste à des anglophones qui n’ont jamais eu l’accès à cet argumentaire, justement parce que les médias anglophones ne le présentent pas. Je pense que c’est un projet assez important que de tendre la main aux communautés culturelles», conclut-elle.
forum de discussion pour les non-Canadiens intéressés par le conservatisme et que, d’ailleurs, il compte parmi ses rangs un bon nombre de membres non-Canadiens. Produit de la fusion encore récente entre les organisations du Parti progressiste-conservateur et de l’Alliance canadienne à McGill, le regroupement compte maintenant environ 120 membres. «Mais dans la réalité, si on considère seulement les personnes qui viennent régulièrement aux réunions, je dirais que nous sommes entre 30 et 35. Il y a donc eu une activité surprenante et je suis très satisfait de la manière dont les choses se sont déroulées jusqu’à présent». Il affirme aussi que les rangs continuent à grossir. «[L]es développements politiques à Ottawa ont mené des gens à s’intéresser au Parti conservateur. Je dirais que nous avons connu une montée significative de membres cette année. Nous étions un club assez petit l’an dernier». Le groupe Conservative McGill se prépare maintenant à participer activement à la prochaine campagne électorale. «Nous aiderons bon nombre de candidats locaux,soit dans le comté de Westmount-Ville Marie ou celui d’Outremont». King affirme que ses membres seront prêts à participer de diverses manières à la campagne, «en aidant des candidats à faire du porte-à-porte, en les aidant avec leur campagne, possiblement en menant aussi des sondages. Peu importe ce que le Parti a[it] besoin qu’on fasse, nous aimerions les aider». Rien n’a cependant été prévu en terme d’activités électorales sur le campus de l’Université. Même s’il a l’intime conviction que son parti sera le nouveau porte du flambeau pour le fédéralisme canadien, Daniel King reconnaît les difficultés auxquelles son groupe s’expose de manière générale. Il donne notamment l’exemple de la soirée d’activités en début de session cet automne. «Comme on peut s’y attendre, nous avons quelque peu causé la controverse, mais je crois que nous avons aussi attiré l’attention de plusieurs. […] Dans tout campus, il peut être difficile de fonder un club conservateur et de susciter assez d’intérêt pour le maintenir. Nous avons certainement été remarqués au fil des années». Il se montre cependant convaincu que la présence d’une telle association est enrichissante pour la vie étudiante. «Nous espérons que nous pourrons changer les choses et présenter une variété de perspectives politiques sur le campus», conclut-il.
cela il faut ajouter une liste d’envoi de 400 sympathisants et personnes inscrites. Lavoie soutient que l’adhésion à son association est en «immense croissance». Il ajoute qu’elle se joint toutefois assez régulièrement à d’autres groupes ayant des intérêts communs. «Si on participe à la journée internationale sans automobile –comme on l’a fait– on va s’allier avec des environnementalistes et des gens qui vont venir à nos événements pour poser des questions». Selon Lavoie, une personne qui cherche à travailler au sein de cette organisation peut s’attendre à une variété de possibilités, selon ses goûts. «Il y a plusieurs options pour ceux qui veulent s’impliquer. Mais dans le fond, Liberal McGill, c’est une égide pour ceux qui s’intéressent à la politique canadienne, qui sont fédéralistes et qui veulent contribuer». Au sujet de la campagne électorale, Liberal McGill travaillera tant au niveau du recrutement qu’au niveau de l’organisation des campagnes de certains députés. «On va envoyer des gens dans les comtés qui en ont besoin», précise-t-il, tout en ajoutant que certains comtés comme Papineau seront davantage visés par son
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29 novembre 2005
Contactez NPD McGill à http://ssmu.mcgill.ca/ndp/ Toutes ces associations peuvent être jointes par l’intermédiaire de l’AÉUM. Montage: Mathieu Ménard
À la couleur de ses yeux, Stéphane Dion passe-t-il ses soirées à éclaircir le sang de pauvres victimes souverainistes dans les rues de Montréal?
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xLe Délit • 29 novembre 2005
Renaud-Bray: incertitude à l’horizon
nouvelleslocal
Le lock-out de trois cent cinquante employés menace le commerce du temps des Fêtes.
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Une direction laconique Contactée par Le Délit, la direction de Renaud-Bray, a préféré se garder de tout commentaire. «Les parties sont présentement en période de conciliation», a tout de même
répondu M. Yvan Gaumond, directeur des services administratifs. Même réponse du côté de la porte-parole aux médias, Mme Denise Courteau. L’offre présentée par la direction prévoirait des conditions de travail acceptées par d’autres syndicats au mois d’avril 2005, soit près de cinq mois après la fin du contrat de travail des actuels piqueteurs. Après avoir refusé cette offre, les 350 employés ont présenté la leur en septembre, pour finalement recevoir une réponse négative au mois de novembre. La suite est bien connue. M. Gaumond a toutefois révélé aux médias que la compagnie avait un «plan d’urgence» pour s’assurer du fonctionnement de ses boutiques durant la période des achats de cadeaux. Un syndicat loquace Selon Patrick Rondeau, porte-parole du SEPB, le syndicat réclame un redressement de 1,50$/heure à l’embauche pour les commis, les caissiers et les libraires, ce qui se traduirait en moyenne par environ 30,29$/semaine. La direction offrirait quant à elle une hausse de 4,23$/semaine. Par contre, M. Rondeau affirme que «cette hausse est un acquis et suit une progression salariale normale». M. Rondeau indique enfin qu’un seul syndicat de la FTQ aurait dans les faits accepté les offres de l’employeur; il comprendrait environ 40 employés d’une même succursale. Un faible rapport de force serait à l’origine de cette acceptation. Le SEPB croit cependant que ce problème ne se pose pas de son côté, puisqu’il a le soutien de 350 employés sur un total de 1000. Combinée à une stratégie de piquetage devant les succursales plus achalandées juste au moment du temps des Fêtes, le syndicat pense que la force du nombre devrait lui permettre d’en venir à une entente avec la direction. x
Thomas St-Aubin
LAURENCE ALLAIRE JEAN rès de 70 p. cent des revenus annuels de la compagnie Renaud-Bray sont réalisés durant la période des Fêtes. Or, 350 de ses 1000 employés ont voté à 94 p. cent en faveur d’une grève générale illimitée, qui a donné lieu à deux jours de grève ponctuelle les 19 et 20 novembre derniers. Étant sans contrat de travail depuis près d’un an, ces employés, membres du Syndicat des employés professionnels et de bureau (SEPB), affilié à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), ont conséquemment tourné le dos à l’offre patronale déposée quelques jours plus tôt. Ce mouvement a poussé la direction à décréter un lock-out le lundi suivant, dans onze de ses vingt-six succursales. Cette mesure ferme temporairement les succursales en conflit, mais dans les faits, seulement la moitié ont véritablement été fermées et les autres boutiques ont été, cette semaine, opérées par des cadres. Parallèlement, l’entreprise est à la recherche de nouveaux employés pour cette période lucrative de l’année. Les employés en débrayage réclament un redressement salarial, une plus grande sécurité d’emploi et une meilleure gestion des horaires. Quant au salaire, c’est évidemment sur les chiffres qu’on ne s’entend pas. Que ce soit l’offre patronale ou la demande des employés, les deux partis s’accusent mutuellement de présenter des chiffres ridicules. Pour aider au règlement du conflit, un représentant du ministère du Travail est présent aux séances de conciliation. Il lui faudra donc une grande habileté mathématique pour en arriver à une entente.
Pancartes abandonnées devant la façade de la succursale Côte-des-Neiges.
Neutre la FTQ? Officiellement neutre dans le processus de résolution du conflit, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec est un acteur à surveiller si la mésentente persiste, car le Fonds de solidarité FTQ possède 20 p. cent des parts chez Renaud-Bray, ce qui en
Parlez-vous espéranto?
fait le deuxième actionnaire. Certains diront qu’il s’agit de deux organisations presque distinctes, mais M. Henri Massé préside à la fois Fonds et Fédération. Ainsi, la centrale syndicale est simultanément impliquée des deux côtés qui s’opposent.
nouvelleslocal
Le président de la Société québécoise d’espéranto donnera une conférence sur cette langue construite. FANNIE ST-PIERRE-TANGUAY
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e jeudi, McGill recevra Normand Fleury, président et fondateur de la Société québécoise d’espéranto pour une conférence ayant pour thème «L’espéranto est-il toujours vivant?». M. Fleury parlera des difficultés rencontrées par l’espéranto durant son histoire de presque 120 ans et des raisons pour lesquelles il a néanmoins survécu et s’est même répandu à travers le monde.
Qu’est-ce que l’espéranto? L’espéranto est une langue artificielle: elle fait partie de ces langues qui ont été créées pour favoriser la compréhension mutuelle sur un terrain neutre. Bien que plusieurs tentatives de ce genre existent, l’espéranto est en ce moment la langue artificielle la plus connue et la plus pratiquée. Plusieurs débats existent autour de l’espéranto dont la simplicité est
la principale caractéristique: seize règles de grammaire, un vocabulaire basé sur les langues indo-européennes, pas d’exception et une morphologie très productive. C’est d’ailleurs cette simplicité qui est à la base du débat qu’ont certains linguistes sur la question à savoir si l’espéranto est une véritable langue, au même titre que les langues naturelles. Un militant convaincu Normand Fleury a appris l’espéranto il y a vingt-cinq ans. Botaniste de profession, il a travaillé en Europe au début des années 80 où il a appris l’espéranto parce qu’il trouvait que le français, l’anglais et l’espagnol, les trois langues qu’il parlait à l’époque, ne lui suffisaient pas pour voyager. Il a depuis visité trente pays d’Europe, d’Asie et des Amériques, dont vingt-huit à travers l’espéranto.
C’est lors du congrès international des jeunesses espérantistes tenu en Finlande en 1980, que M. Fleury a rencontré Zdravka Metz, Croate qu’il a épousée: tous deux parlaient quatre autres langues,mais l’espéranto était la seule qu’ils avaient en commun. Après leur mariage, ils se sont installés au Canada, où, phénomène plutôt rare, ils ont élevé leurs deux enfants en espéranto. Le couple a fondé en 1982 la Société québécoise d’espéranto. Malgré les nombreuses difficultés rencontrées à ses débuts, la société compte aujourd’hui plusieurs centaines de membres. L’espéranto, langue d’avenir? Selon M. Fleury, les avantages principaux de l’espéranto sont la neutralité, la régularité, et donc, la facilité de l’apprentissage, ainsi
que les nombreuses opportunités offertes à ceux qui aiment voyager (par exemple l’hébergement gratuit chez des espérantistes). L’espéranto est également pour lui une façon de montrer son opposition à la discrimination linguistique. Certains croient en l’idée d’une langue universelle qui protège les langues minoritaires. D’autres n’y croient pas et préfèrent se convertir aux langues plus puissantes comme l’anglais pour leurs communications internationales. Bref, le débat suscité par l’espéranto est plus que simplement linguistique. x La conférence «L’espéranto est-il toujours vivant?» aura lieu le 1er décembre, de 17h30 à 19h au local 1024 de l’édifice Burnside. Pour plus de renseignements ontactez le club d’espéranto de McGill au mcgill@esperanto.qc.ca.
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xLe Délit • 29 novembre 2005
L’Internationale des dessins animés
culturecinéma
Les Sommets de l’animation: retour annuel de la beauté artistique de notre enfance. AGNÈS BEAUDRY ’art sur écran, les dessins prenant vie, animés pour charmer, faire rêver.Voilà ce que je me souviens des dessins animés et ce que je ne vois plus sur les écrans des enfants. L’industrie de consommation s’est emparée des téléviseurs, tant sur RadioCanada le samedi matin, sur TVA, et sur les nouvelles stations que je ne classerais autrement qu’horrifiantes, telle Télétoon. Peut-être ne reste-il que Ciné-Cadeaux, avec sa programmation fidèle d’année en année, qui n’ait point oublié la beauté des dessins animés (encore, n’ai-je point vérifié ce fait depuis deux ans). Non, les Sommets du cinéma d’animation, présentés par la Cinémathèque québécoise en collaboration avec Antitube n’ont point été atteints par l’épidémie de laideur qui infecte les téléviseurs: encore une fois cette année, en quatrième édition, Montréal pourra retrouver la beauté, cette fois les 2 et 3 décembre. En plus de 9, court métrage repris et transformé par Tim Burton, nombreuses sont les œuvres d’arts animées que présentera à son public les Sommets. The Moon and the Son: an Imagined Conversation (États-Unis), court métrage de John Canemaker, non seulement raconte une histoire triste et touchante, mais est aussi un merveilleux assemblage d’animation: dessins simples, enchaînements saccadés et variés, mélange de photographie,
gracieuseté des Sommets du cinéma d’animation
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Crocodile Journals: un exemple du potentiel de l’art d’animation malheureusement peu exploité sur les écrans des enfants.
effets amusants, le tout rappelle facilement les courts intermèdes séparant Les Cités d’or des Trois-Mousquetaires à l’époque lointaine de Vazimolo, le sujet étant pourtant plus profond. Die Toten Hosen: Walkamf (Allemagne), court métrage d’Andreas Hykade est artistiquement réussi. Entièrement composé de dessins sans profondeur (au sens dimensionnel du terme), et sans dégradé, mélangeant la simplicité de lignes noires sur
fond blanc aux motifs rappelant les fractales complexes, cette bref exposition musicale de quatre minutes est hilarante. Différentes techniques que le traditionnel dessin animé se doivent d’être représentées à un sommet sur l’animation. Par exemple, le stop motion dans Crocodile Journals (Singapour/ États-Unis) de Lee Nah Yeo. Ce dernier raconte la courte histoire d’un crocodile se sentant seul dans notre société, étant différent. Se déguisant en humain, il tente d’établir un
contact quelconque avec ses collègues dans son nouvel emploi de fonctionnaire. Critique de notre société anonyme, froide, blasée d’elle-même, en sept minutes. C’est suffisant pour tout dire au sujet d’un premier monde duquel l’esprit a séché. Learn Self Defense (États-Unis) de Chris Harding est incontournable: satyre explicite du président américain, pourtant élaborée avec goût, point grossièrement. Enfin, Novecento: pianiste (France), une adaptation d’un texte d’Alessandro Baricco par Sarah van den Boom: une chanson sans parole qui fait honneur aux écrits magnifiques de Baricco. Chaque année, les Sommets de l’animation font fureur à Montréal. Rassemblant les meilleurs films animés du monde, ils rendent honneur à ce genre qui, aujourd’hui, prend de plus en plus d’espace dans le monde du cinéma (hors de la scène enfantine où depuis belle lurette il a gagné sa crédibilité, on s’entend.) La programmation, cette année encore, promet de satisfaire les adeptes du genre ainsi que les nouveaux, anxieux de se faire initier. x Les Sommets du Cinéma d’animation se tiendront le 2 et 3 décembre à la Cinémathèque québécoise (355 boul. de Maisonneuve Est). Pour plus d’information: (514) 842-9763 ou www. cinematheque.qc.ca.
Une performance inoubliable: ça valait la peine d’attendre
culturedanse
La compagnie du Royal Winnipeg Ballet a présenté Dracula les 24, 25 et 26 novembre derniers. CLÉMENCE REPOUX guindé et répressif, c’est l’histoire d’un homme dont les désirs sexuels sont diabolisés parce qu’ils sont mal compris par son milieu». Il nous livre ainsi un Dracula incroyablement sensuel, voire même érotique. Dracula a beau incarner la séduction du mal, c’est bien de séduction qu’il s’agit. Séduction de Lucy et Mina, mais aussi de son public, enchanté par un spectacle de toute beauté. En plus d’être beau et troublant, ce grand classique du ballet canadien se permet aussi d’être drôle. Le comique surprend dans ce spectacle d’une facture par ailleurs relativement classique. L’irruption de gargouilles grotesques dans un grand moment de tension dramatique (l’agonie de Lucy) détend l’atmosphère. De même, juste après l’entracte, Godden nous offre une pantomime extrêmement divertissante qui nous décrit la véritable histoire de Dracula dans le plus pur style burlesque. Enfin, je m’en voudrais de ne pas mentionner la performance impeccable des danseurs.
Évidemment, leur technique est sans faille, mais ils parviennent aussi à transmettre les émotions à la perfection: le comique, le tragique, et l’érotique, sont communiqués à une audience fascinée. Tara Birtwhistle, qui interprète le rôle de la blonde Lucy depuis la naissance du spectacle il y a sept ans, est absolument époustouflante. La musique est aussi tout à fait superbe. La Symphonie no 2 de Mahler s’adapte si parfaitement au thème gothique, à l’atmosphère glauque et fantastique de l’oeuvre victorienne, qu’on aurait pu la croire composée exprès. La combinaison de ces différents éléments irréprochables forme un tout à couper le souffle. La salle, qui d’ailleurs était pleine, a offert une ovation bien méritée aux artisans du spectacle. Maintenant, il ne nous reste plus qu’un souhait: qu’ils nous reviennent vite!x Pour plus d’info: www.grandsballets. qc.ca.
Paul Martens
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epuis 1998, la compagnie de Winnipeg parcourt le monde avec son fameux Dracula qui rencontre un succès fou sur la scène internationale, de l’Asie à l’Amérique du Sud en passant par l’Europe. Arts Today de CBC le décrit comme: «un balletrécit original et complet, made in Canada, qui combine l’esprit, l’intelligence, la théâtralité et le raffinement de la danse en un spectacle très divertissant». Depuis 1998, Montréal attendait la venue de ce spectacle acclamé par la critique. La semaine dernière, enfin, le souhait des amateurs de danse s’est réalisé. Le Dracula de Godden n’a rien à voir avec celui que l’on connaît à travers les films d’Hollywood. En fait, il est plus proche du roman de Bram Stocker que les nombreux films qui s’en sont inspirés tout au long du XXe siècle. Le roman n’est pas simplement une histoire d’horreur, et Dracula n’est pas qu’un vampire. Comme le dit Godden: «Dans un contexte victorien
Le Dracula de Godden est sensuel, érotique... l’incarnation de la séduction.
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xLe Délit • 29 novembre 2005
L’amour, toujours l’amour!
culturethéâtre
La faute à l’auteur
Le Pont Bridge présente Les Bonobos: une pièce qui explore le couple contemporain sous tous ses angles et… dans toutes les positions. SOPHIE LESTAGE Janick Morissette
Le Professionnel de Dusan Kavecevic: une performance éclatante assombrie par un texte faible. PIERRE-OLIVIER BRODEUR
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L’humain est peut-être encore plus près du singe qu’on ne le croit si on se fie à la pièce Les Bonobos.
À
en raison de leur sexualité extravagante. Leurs agissements ont même fait changer la perception des primatologues sur les origines de l’humanité. En effet, ces primates nous ressemblent davantage que l’on voudrait le croire si on se fie à la pièce. C’est pourquoi les rapports existant entre les personnages du couple (Félixe Ross et Christophe Rapin) sont autant empreints d’animalité. C’est qu’ils représentent l’archétype du couple, c’est-àdire celui qui doit s’entredéchirer pour avoir l’impression d’exister, qui doit souffrir pour se sentir vivre. Toutefois, la pièce Les Bonobos relève davantage de Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander que de l’amour. C’est que le sexe sert ici de prétexte. Malheureusement, cela n’arrive pas à nous faire croire à la véracité du couple mis en scène, car on espère ardemment qu’au-delà de cette sexualité débridée s’élève l’amour. Le texte dramatique, réalisé à partir d’un collage des écrits de Müller, Pessoa,Allwright, Hogue et Wolinski, ne parle cependant que de ce sempiternel amour. Alors, pourquoi est-il davantage question d’échange de fluides que d’amour dans cette pièce de théâtre? Doiton comprendre qu’il est impossible de parler d’amour à notre époque sans en perdre le propos initial? La metteure en scène, Carole Nadeau, exploite d’ailleurs la scène au maximum, mais trop c’est comme pas assez. Le spectateur a l’impression d’être plongé dans l’arène, voire d’assister à un cirque. Le propos est immensément intéressant, la réflexion poignante, mais à défaut de vouloir être en plein épisode de Cornemuse, je préfère laisser mon costume de singe chez moi. x Les Bonobos est présentée jusqu’au 4 décembre au Théâtre La Chapelle (3700 rue Saint-Dominique). Pour réservations et pour plus d’information: (514) 843-7738 et www. lachapelle.org.
Mais voilà, le texte, qui devrait supporter les acteurs, n’arrive même pas à les suivre. Pourtant acclamée par la critique, l’œuvre de Kovacevic s’empêtre en tentant d’aborder trop de sujets à la fois (la littérature, la difficulté d’écrire, la place de l’écrivain en politique, les relations familiales, le rôle des «gens normaux» dans les régimes totalitaires, le passé), ce qui fait qu’elle se borne à les effleurer. De plus, l’auteur affaiblit et limite la portée de son propos en l’emprisonnant dans un univers trop défini (la Yougoslavie post-Tito). Si les acteurs principaux arrivent à dépasser le texte de façon magistrale, la mise en scène de Téo Spychalski ne fait que le suivre honnêtement, sans plus. Les acteurs évoluent de manière plutôt conventionnelle sur une scène elle aussi tout à fait traditionnelle. Quelques efforts pour souligner certains aspects du texte (comme l’idée de déshabiller les protagonistes au fur et à mesure qu’ils mettent leur vie à nu) tombent à l’eau par manque de subtilité, et on est en droit de s’interroger sur la pertinence d’une narration, parfois par la bouche de Gabriel Arcand, parfois par une mystérieuse voix off à l’origine inconnue, qui ne semble ancrée nulle part. Malgré ces faiblesses, cette pièce n’en vaut pas moins le détour, ne serait-ce que pour admirer la performance de Gabriel Arcand et d’Onil Melançon, d’une rare qualité. x Le Professionnel est présentée jusqu’au 10 décembre au Théâtre Prospero (1371 rue Ontario Est). Pour réservations et plus d’information: (514) 526-6652 ou www.laveillee.qc.ca. gracieuseté du Groupe de la Veillée
notre époque, les pièces de théâtre qui critiquent les relations existant entre les hommes et les femmes sont de plus en plus nombreuses, comme si l’amour, sujet universel, en fascinait plus d’un. Le couple devient ainsi l’éprouvette, le terrain d’expérimentation, d’une remise en question que je qualifierais de générationnelle. Depuis toujours, le théâtre déploie des grands thèmes qui nous touchent tous: l’amitié, l’amour, la vie, la mort. Les pièces de théâtre, originales ou non, ne se différencient que par le traitement qu’ils élaborent de ces idées vieilles comme le monde. Mais, qu’advient-il lorsqu’on questionne l’évolution des rapports amoureux? Inévitablement, on songe à notre propre évolution, puisqu’un couple se forme avant tout à partir de deux individus. Or, une question finit par nous brûler les lèvres… et si on n’avait pas tant évolué que ça? En fait, lorsqu’une pièce nous fait prendre conscience d’un fait, d’une vérité, que se passe-t-il? Le plus souvent, on reste surpris, comme pris dans les tentacules de la méduse. Pendant ce moment suspendu où l’on ne sait plus, il y a inévitablement un malaise, et le temps s’arrête. Comme si tout se dissociait du corps, mais que l’esprit naviguait en pleine tempête grâce à on ne sait quelle force métaphysique. On cherche. On se referme sur soi, se replie sur notre coquille humaine, l’histoire d’un moment. Le regard vide, le corps transis, notre esprit s’éveille à cette perception qui est encore trop diffuse, ou peut-être trop éclatante pour qu’on l’accepte. Et si c’était vrai, se dit-on? Et si l’Homme était véritablement aussi près du singe? Lorsque l’Homme, plus animal que moral, désire assouvir ses pulsions, on tend à se laisser convaincre. C’est exactement ce que la pièce de théâtre Les Bonobos tente de prouver en mettant en parallèle le comportement humain et le comportement animal. L’Homme, cet animal… Vraiment? Les bonobos sont des singes reconnus
e théâtre est un médium complexe dans lequel une foule d’éléments convergent afin de donner naissance à une œuvre d’art digne de ce nom. Mais si on peut pardonner, dans une pièce, le mauvais jeu d’un acteur, si une mise en scène boiteuse peut être compensée par un éclairage ou des décors particulièrement réussis, il est difficile de passer par-dessus un texte faible. C’est le cas de la pièce Le Professionnel, mise en scène par Téo Spychalski, dans laquelle le texte de Dusan Kovacevic n’est franchement pas à la hauteur du reste de la représentation. Décrite comme «une rencontre», cette pièce évolue autour de deux personnages, Luka Laban, ancien policier des services secrets serbes, et Teodor Teja Kraj, écrivain anti-communiste et directeur d’un service d’édition. Incarnés respectivement par Onil Melançon et Gabriel Arcand, ces deux hommes se mettent progressivement à nu devant le spectateur au fur et à mesure que Luka ramène, sous la forme de quatre livres tirés des heures passées à filer l’intellectuel, son passé à la face de Teja, qui revit ainsi toute une partie de sa vie qu’il avait oubliée. Onil Melançon et Gabriel Arcand portent à bout de bras cette rencontre entre deux êtres ayant mené des existences parallèles et donnent vie à cette entrevue improbable par la justesse de leur jeu. Ils réussissent à contrôler l’émotion, à l’intensifier tranquillement pour la faire culminer en d’intenses paroxysmes qui ne sauraient laisser le spectateur indifférent tant ils lui jettent à la figure une image poignante de l’humain.
Onil Melançon est magistral dans son rôle de professionnel à la retraite.
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xLe Délit • 29 novembre 2005
Une voix à la portée universelle
culturethéâtre
Antigone réactualise des questionnements inhérents à la nature humaine. ARNAUD DECROIX ept des trente-trois pièces grecques qui nous sont parvenues ont été écrites par Sophocle. Parmi ces dernières, Antigone est sans aucun doute la plus connue. Pourtant, elle constitue toujours une source inépuisable de création. Ainsi, en 1664, Jean Racine s’en inspire pour rédiger La Thébaïde tandis que, dans les années 1940, Jean Anouilh et Bertolt Brecht rédigent chacun une Antigone, véritable «réflexion-miroir» sur la sombre période nazie. En 2003, l’Irlandais Seamus Heaney, qui a obtenu le prix Nobel de littérature en 1995, décide à son tour de se réapproprier cette œuvre universelle née au Ve siècle avant JésusChrist. La traduction de The Burial at Thebes a été réalisée par Marie-Claire Blais, qui s’est récemment vue décerner le prestigieux prix Gilles-Corbeil récompensant une carrière entamée en 1959 et jalonnée notamment d’un Médicis en 1966 et d’un prix du gouverneur général trente ans plus tard. Au contexte de la guerre en Irak, qui avait inspiré Seamus Heaney, Lorraine Pintal, qui assure la mise en scène, a préféré celui de la Grèce des colonels des années 1960. Une fois encore, il convient de reconnaître que le Théâtre du Nouveau Monde est fidèle à sa haute réputation et la greffe est une totale réussite. Le texte puissant est servi par d’admirables acteurs. Si, dans les premiers
Yves Renaud
S
de la mythologie grecque, porteuse de tant de messages. Outre l’inestimable valeur artistique de l’ensemble, la pièce a également le rare mérite de revisiter en profondeur l’œuvre classique. À la classique opposition manichéenne entre le positivisme juridique, représenté par Créon, et le droit naturel, incarné par Antigone, succède une plus grande complexité. Ainsi, Créon (Vincent Bilodeau), représentant de l’autorité établie, est en proie au doute, tiraillé entre le poids de sa fonction et ses sentiments. L’idéaliste Antigone se montre, quant à elle, excessive et rebelle, réfractaire à tout compromis. Par cette recherche de sens et d’une norme supérieure et transcendante, Antigone fait partie de ces œuvres classiques à la portée tellement universelle. Elle continue d’interroger le fondement même de nos démocraties et nourrit utilement nos réflexions sur les rapports étroits entre politique et religion. Antigone de Sophocle, texte français de Marie-Claire Blais, d’après l’oeuvre de Seamus Heaney, mise en scène par Loraine Pintal, est un succès! x
Jacinthe Laguë offre une performance poignante dans le rôle de l’immortelle Antigone.
moments, Jacinthe Laguë (Antigone) paraît hésitante dans sa démarche, elle est rapidement emportée par son personnage. Son texte est excellemment dit et, si on ne le savait, il aurait été impossible de croire que cette jeune femme d’origine anglophone s’est mise au français assez tardivement. La présence de Jean-Louis Roux (un des membres du chœur des notables de Thèbes), cofondateur en 1951 du Théâtre du Nouveau Monde dont
il a aussi été le directeur artistique, accroît encore la charge émotionnelle. Chacun des autres acteurs remplit parfaitement chacun des rôles de cette famille «recomposée» dans laquelle Antigone, fille de Jocaste et d’Œdipe (qui est lui-même le fils de cette dernière suite à la fameuse malédiction…) affronte son oncle Créon, également père de son fiancé Hémon. La complexité de ces relations incestueuses mérite à cet égard une relecture
Antigone est présentée au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 17 décembre 2005. Pour réservations et plus d’information: (514) 866-
Le cépage dans tous ses états L’aventure du vin
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FLORA LÊ
’ai terminé ma dernière chronique en vous introduisant à la notion de cépage. Comme je le disais, c’est un très joli mot qu’on a inventé pour signifier «la sorte de raisin». Comme les pommes de terres qui sont grelot, douces ou bleues, les raisins que l’on utilise pour faire le vin sont en très grandes variétés. Il faut savoir que le cépage est l’une des composantes essentielles du vin. Au même titre que le terroir, le climat et l’homme, il entre au cœur même de la personnalité du vin, de sa couleur, de ses arômes. Si dans l’Ancien Monde (France, Italie, Espagne, Portugal et Allemagne), toute la théorie du vin est fondée sur la notion de terroir, ailleurs dans le monde on a délaissé cette classification pour lui préférer le cépage. Ainsi, en Californie, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Amérique du Sud et en Afrique, ce que l’on
appelle le Nouveau Monde, on pense le vin en fonction des cépages que l’on y a mis, le terroir y étant de seconde importance. Deux mondes, deux classifications. À partir de maintenant, quand vous prenez une bouteille de vin,vous devriez avant toute chose identifier son pays d’origine. S’il vient de l’Ancien Monde, il faut se mettre en mode «terroir» et faire une petite recherche sur les caractéristiques de la région. Si le vin est issu d’un pays du Nouveau Monde, vous n’avez qu’à identifier sur la bouteille le ou les cépages qu’elle contient, et faire cette fois votre petite recherche sur les caractéristiques de ces cépages. Vous arriverez dans l’un et l’autre cas au même résultat, mais par deux chemins différents. Deux mondes, deux mentalités. Mais attention, il ne faut pas se méprendre, ce n’est pas parce qu’il existe deux sortes de classifications que les notions de terroir et de cépage sont dissociées. Au contraire, tout comme l’homme est lié à ses origines géographiques et culturelles, le cépage croît toujours en équilibre avec son milieu. Aujourd’hui, l’étude des cépages constitue une science: l’ampélographie. Grâce à elle, on a pu répertorier plus de 5000 cépages à ce jour. Mais rassurez-vous, seulement une petite centaine d’entre eux présentent un intérêt pour le vin. Pour nous, buveurs de vin, ce qui est intéressant quant au cépage est d’abord sa
couleur, sa teneur en sucre, son acidité et son potentiel aromatique. Tous ces éléments, après la vinification, vont donner au vin son caractère. Les cépages possèdent tous des caractéristiques différentes, et c’est pourquoi ils sont très souvent «en assemblage», c’està-dire qu’on en utilise plusieurs pour composer un vin. Toutefois, il arrive qu’un vin soit élaboré à partir d’un seul cépage (on l’appelle alors «vin de cépage»); c’est le cas des vins de Bourgogne qui sont faits de pinot noir uniquement pour les rouges, et de chardonnay pour les blancs. Cependant, la majorité des vins assemblent de deux à cinq cépages, les uns combinés aux autres pour combler leurs lacunes et rassembler leurs forces. Dans le cas des Bordeaux, par exemple, on aurait trouvé la recette parfaite en assemblant toujours du cabernet sauvignon avec du cabernet franc et du merlot, dans des proportions bien définies. Un peu d’histoire Le raisin connaît une longue histoire et un développement ininterrompu depuis des milliers d’années. C´est dans la vaste région de l’Asie Mineure allant de la Georgie à la Turquie en passant par l’Arménie, qu’il faut rechercher la trace du premier vignoble du monde. Une légende raconte qu’un roi de Perse aurait stocké des raisins dans une jarre, sur laquelle était inscrit «poison», et qu’il les y aurait oubliés quelques jours, jusqu’à ce qu’une femme de son harem, qui voulait
mettre fin à ses jours, boive le breuvage… Il ne faut donc pas croire les Grecs quand ils vous racontent que c’est Dionysos lui-même qui leur a enseigné la culture de la vigne et l’élaboration du vin! Il n’en est pas moins vrai que le vin, chez les Grecs et les Romains, jouissait d’une grande renommée, mais la fabrication était très différente de ce que l’on fait aujourd’hui, puisque les vins étaient alors cuits au feu, puis additionnés de fruits, de fleurs et de miel ou mélangés à des épices pour une meilleure conservation. On ne peut enfin taire l’influence importante du christianisme sur le rayonnement du vin à travers le monde. Car les monastères ont toujours dû subvenir à leur besoin en vin, essentiel à l’Eucharistie, cultivant généralement eux-mêmes la vigne. C’est d’ailleurs un monastère franciscain d’origine espagnole, installé sur la côte ouest américaine, qui serait à l’origine du premier vignoble de Californie. Et l’on doit à ce chapitre un moment de silence au moine bénédictin Dom Perignon, père du champagne, qui nous a donné l’un des plus grands vins effervescents au monde…
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En janvier, nous ferons un petit tour chez nos cousins français. Questions et commentaires? flora.le@mail.mcgill.ca
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Persée
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près avoir donné la 400e représentation de son succès international Ubu sur la table, le Théâtre de la Pire Espèce revient chahuter les salles du Théâtre d’Aujourd’hui. Peut-être vous souvenez-vous, il y a quelques mois, d’un article écrit sur trois petits lutins de scène, bizarres, allumés, déjantés. Que ce soit le cas ou pas, il est temps pour moi de vous rafraichir la mémoire à tous. Olivier Ducas, Mathieu Gosselin et Francis Monthy sont trois artistes de la nouvelle vague théâtrale qui veut revenir aux sources. Leur travail et leurs créations montrent leur profond respect de la scène et du théâtre. Leur amour pour la scène a très clairement fait de ces trois garnements des amis et ça se voit sur scène. Persée, fable mythologique, étant la toute dernière pièce du Théâtre de la Pire Espèce, est l’accomplissement d’une philosophie de spectacle. Il ne s’agit en aucun cas de suivre le principe de catharsis d’Aristote, il
xLe Délit • 29 novembre 2005
culturebrève s’agit de créer le sourire, qu’il soit petit ou grand, juste un moment où tout le monde peut s’évader sans prétention. Sachant également que nous sommes dans une époque où le théâtre se crée dans la recherche en se perdant très souvent dans le vulgaire, les trois acteurs recréent le théâtre comme il était à l’origine: simple et magique. Avec des poteries, une mitaine et des costumes d’archéologues, la Pire Espèce nous emmène sur les traces de Persée et de la Gorgone. Leur décor reste identique tout au long de leur représentation et pourtant on passe d’une cave de recherche de Londres à un désert. Les personnages campés par les acteurs se transforment eux-mêmes en instruments à animer les figurines du mythe. Comme quoi même la Pire Espèce sait reconnaître le joli... x Pour plus d’information: www. theatredaujourdhui.qc.ca.
Avancée ludique dans l’improbable
cultureartsvisuels
Ces jours-ci, les sculpteurs semblent affectionner particulièrement les recoins. Du moins, c’est le trait d’union entre les installations Les bouches d’ombre de MarieFrance Brière et L’espace flexible de Francine Lalonde. MATHIEU MÉNARD
L
’occupation astucieuse de l’espace s’avère un défi constant pour les artistes qui œuvrent dans la troisième dimension. L’effet est d’autant plus étonnant si le lieu, malgré l’intervention de l’œuvre, paraît appartenir entièrement au visiteur qui l’investit. Telle est l’impression que l’on obtient en visitant Les bouches d’ombre de Marie-France Brière. Au fond de la pièce, contre deux murs, tiennent deux sculptures plutôt discrètes. Une inspection rapprochée révèle un empilage hasardeux de blocs de marbre. Malgré la coupe angulaire, irrégulière des plaques, la structure tient par elle-même, séparée par des langues de feutre et s’affirmant par la seule force de la gravité. À l’intérieur de ces structures, des ouvertures sont prévues afin de permettre l’intégration de feuilles de verre cristallines et de bois calciné d’un noir profond. Ces matériaux additionnels semblent accentuer la fragilité des œuvres. C’est par l’audio que Brière prend le contrôle sur son espace. Résonnent les voix de deux narrateurs, un homme et une femme, qui paraissent se répondre et se compléter. La «discussion» s’aventure du côté de la fragilité, du vertige. Pour reprendre les mots de JeanÉmile Verdier, ce «travail d’écriture [...] patiemment cisel[é]», bien équilibré, contribue à son tour à situer le sens de l’œuvre. La configuration spatiale est semblable dans l’installation L’espace flexible de Francine Lalonde, mais l’approche est complètement différente. Travaillant in situ, cette dernière s’approprie les caractéristiques de l’endroit d’exposition à ses propres fins. Dans la petite pièce du centre Circa, deux murs semblent se détacher de leur travail de support. Comme une page qui tourne,
comme une peau qui mue, l’espace se déforme en courbes dynamiques. En utilisant les mêmes matériaux, la même finition que l’endroit contient par lui-même, l’installation demeure en harmonie avec son environnement. La structure désactive gentiment le «pilote automatique» du visiteur et le force à considérer son espace: distances, dimensions et éléments d’architecture reprennent vie. L’artiste partage «une sensation d’enveloppement océanique» tout en invitant le spectateur à tirer ses propres conclusions. Ludique, sinon enchanteur, L’espace flexible ne peut faire autrement que de décrocher un sourire à ses visiteurs. Par une intervention simple mais efficace, l’artiste crée un lieu qu’on veut partager avec son entourage, comme un retrait secret et apaisant où l’on se réfugie quelques instants de la logique rectiligne et utilitaire de l’architecture. À noter: la Galerie B-312 présente aussi Paysages temporaires, des photos floues sur un support si mince qu’elles semblent encore bouger sur le papier. Le centre Circa héberge par ailleurs Manœuvres exquises, assemblage bigarré et perturbant, mais incontournable pour ses sculptures de carton et son travail de motif. x Les bouches d’ombre (jusqu’au 10 décembre) et L’espace flexible (jusqu’au 17 décembre) sont respectivement exposées à la Galerie B-312 (salle 403) et au centre d’exposition Circa (salle 444) de l’édifice Belgo (372 rue Sainte-Catherine Ouest). Pour plus d’information: www. galerieb-312.qc.ca et www.circa-art.com. Mathieu Ménard
L’espace flexible de Francine Lalonde réaménage une pièce du centre d’exposition Circa en insufflant la vie aux murs.
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xLe Délit • 29 novembre 2005
Sous le soleil de la Provence
cultureartsvisuels
Allez recharger votre imaginaire et faire fondre la glace du stress et de l’hiver au soleil de Provence. MADO RANCÉ Musée Kröller-Müller (Otterlo)
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oleil dites-vous? Le titre de cet article ne fait que reprendre (quelque peu modifié) celui d’un îlot de beauté maintenant à Montréal, amarré au Musée des beaux-arts. Cela faisait longtemps que je passais devant durant mes trajets hebdomadaires, et reluquais avec envie l’affiche alléchante. Mais je sus résister à la tentation, et chaque jour je lui lançais un regard complice, car j’attendais le moment propice… Ce moment que nous guettons tous ici, épée de Damoclès de novembre, coup d’œil matinal inquisiteur par la fenêtre, quand va-t-elle venir? Elle, cette couche adorée mais haïe, qui recouvre de sa beauté virginale notre paysage, nous mord les joues de baisés glacés, dame Neige…Voilà qui j’attendais pour aller Sous le soleil, exactement. Le temps venu, après avoir attendu quelques jours pour être sûre que l’hiver resterait, et que ce n’était pas encore un de ces coups de fourbe où il (oui, je le personnifie, mais c’est une histoire personnelle entre lui et moi) feint de s’installer pour une journée, puis se retire aussi vite, pour mieux nous faire le redouter… Donc, étant certaine, je me permis enfin d’aller
Un peu de soleil dans ce monde de neige: Van Gogh est au Musée des beaux-arts.
honorer ma promesse, et de faire un petit voyage en Provence. Tout cela explique pourquoi cet article n’est pas à la pointe de l’actualité, vu que l’exposition commença en septembre. Mais il est «de saison». Je vous recommande donc, comme moi, de profiter maintenant de ces rayons ardents, qui vous rappelleront que le soleil brille toujours quelque part, et vous permettront de
recharger votre imaginaire afin d’avoir quelques images à superposer sur vos alentours. L’exposition Le paysage de Provence présente une gamme impressionnante d’œuvres s’étalant du classicisme à la modernité. Tout d’abord, un mot pour souligner le travail accompli par les organisateurs (le Musée des beauxarts de Montréal en collaboration
La recherche des questions
Les rêveries du lecteur solitaire PIERRE-OLIVIER BRODEUR our ma dernière chronique de la session, j’ai décidé de m’offrir un petit cadeau en vous parlant d’une de mes œuvres préférées: À la recherche du Temps perdu, de Marcel Proust. Cette œuvre, qui a marqué la littérature au point tel qu’on la considère parfois comme le début du vingtième siècle littéraire, ne vous est certainement pas inconnue. Que ce soit à cause de son style ardu, de ses six volumineux tomes, de la masse de travaux critiques qu’elle a suscitée ou de la personnalité de son auteur, la Recherche est souvent dépeinte comme l’ouvrage élitiste par excellence. Or, rien n’est plus faux. En effet, si les interminables phrases qui caractérisent le style proustien sont souvent perçues comme un moyen de complexifier inutilement la lecture, c’est qu’on oublie leur
P
fonction: illustrer le propos de l’auteur en liant le fond et la forme. Le projet de Proust n’étant rien de moins que de dévoiler les méandres de l’existence humaine, son style mime notre pensée, qui ne se déroule pas linéairement mais avance par incises, parenthèses, détours et analepses. Il se déploie donc en de longues phrases tortueuses qui résisteront à toute tentative d’analyse «sujetverbe-complément», mais emporteront le lecteur coopératif aux tréfonds d’un univers complexe et mystérieux: l’humain. Car si Proust s’attarde sur des sujets comme l’art, l’amour, la mémoire, la jalousie et l’homosexualité ce n’est que parce qu’ils appartiennent tous au domaine de l’existence humaine, qui constitue le véritable objet de l’œuvre. La Recherche est donc une véritable quête initiatique en vue de dégager du sens de la vie, quête que nous poursuivons tous plus ou moins inconsciemment. Cette œuvre est d’autant plus pertinente que nous vivons dans une époque de fast-book, où la qualité principale d’un livre est sa simplicité (le fameux et horrible «ça se lit bien»). En effet, la lecture de À la recherche du Temps perdu est un projet de longue haleine, autant par la masse de l’œuvre que par sa densité. J’ai personnellement mis deux ans pour lire la Recherche, et jamais je ne me suis investi autant dans une lecture. Car pour aborder cet ouvrage, il faut être prêt à se questionner fondamentalement, dans notre manière d’être. Il ne faut pas pour autant voir Proust comme le messie, À la recherche du Temps perdu n’est pas un ouvrage mystique qui viendra vous apporter toutes les réponses sur un plateau d’argent. Mais il vous apportera bien des questions, ce qui est déjà beaucoup.
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avec les Musées de Marseille) de cette exposition qui réunirent des œuvres venant des quatre coins du monde.Tous les tableaux présentent une variation sur la Provence, et les mêmes paysages se retrouvent au fil des œuvres et des artistes. La Provence, c’est cette province française du soleil éternel, du Pagnol bon enfant ou de la passion brûlante de l’arlésienne, où le temps ralentit au rythme du pastis et de la pétanque, et des vendettas. Sauvage et inquiétante, mais sereine et élégiaque, la nature en Provence offre aux artistes un large répertoire de motifs dans lesquels s’expriment les grands courants de la peinture. Égérie des artistes, tous les grands noms de la peinture française semblent avoir repris le chant de cette muse. L’exposition retrace l’évolution de ce dialogue ininterrompu entre la Provence et des générations de peintres qui se succèdent. Au réalisme naïf des premiers temps succède le «barbarisme» des impressionnistes tel Monet ou Manet, ou les coups tourmentés, suintant de folie de Van Gogh. Ce dernier, qui écrit à son frère qu’ici la «transparence de l’air» donne une «idée d’espace et de vie»
y eut sa période la plus féconde, y peignant 200 tableaux. Les quatre tableaux de l’artiste présents à cette exposition ne sont pas des plus frappants, mais on y retrouve la danse folle caractéristique de ses coups de pinceaux, qui vous font sentir la pure folie du monde au bord du vertige. L’exposition présente de nombreuses œuvres de Cézanne, «le» peintre de la Provence, qui s’attacha à travers ses œuvres à tracer l’atmosphère de sa région natale. Un voyage au fil du temps des plus réchauffant. On se prend à cligner des yeux devant un tableau qui dépeint le pont d’Avignon à la lumière éblouissante du petit matin, ou avoir le mal de mer en regardant le va-et-vient mouillé des vagues d’un autre tableau. En ce début de la fin, quand la neige s’attache aux bottes, l’appréhension des examens au cœur, allez donc faire fondre tout cela au soleil de Provence. x Sous le soleil, exactement (17501920) est exposée jusqu’au 8 janvier au Musée des beaux-arts de Montréal (1380 rue Sherbrooke). Pour plus d’information: www.mbam.qc.ca.
Calendrier SEMAINE DU 29 NOVEMBRE AU 5 DÉCEMBRE Musique McGill Icon – 2e édition de la compétition annuelle de «talents» de l’AÉUM – inscription pour les candidats au bureau de l’AÉUM ou en ligne à www.peartreevideo.com/idol/ index.asp – icon@ssmu.mcgill.ca McGill Chamber Jazz Ensemble – concert coordonné par Joe Sullivan – mardi 29 novembre – 20h – salle Polack – entrée libre – 514-398-5145 ou 514-398-4547 Théâtre The Laramie Project – présentée par le Players’ Theatre – du 1er au 5 et du 8 au 10 décembre – Pavillon Shatner, 3e étage – 398-6813 McGill Drama Festival – coordonné par le Players’ Theatre – recherche soumissions de pièces en un acte écrites par des étudiants – soumettre dans la boîte aux lettres jaune 5 dans le Pavillon Shatner avant le 20 décembre – players@ssmu. mcgill.ca Cinéma Ni Cagando (2003) et Resistir es Vencer (2001) – documentaires équatoriens – version originale sans
sous-titre – projection organisée par le Comité anti-ZLEA/bilatéraux – jeudi 1er décembre – 17h – Pavillon des études culturelles (3475 Peel) – entrée libre The Un-Canadians – documentaire sur le McCarthisme et la RCMP au Canada entre 1940 et 1970 – suivi d’une discussion – présenté par le Refugee Research Project (RRP) – mercredi 30 novembre – 15h à 17h – Pavillon Wilson (3506 Université), salle Wendy Patrick – entrée libre – (514) 962-8705 Lectures Publiques «Princesses, poets and politicians: The daughters of Fath – ‘Ali Shah Qajar» – Dr Dominic Parviz Brookshaw – organisé par l’Institut des études islamiques – mardi 29 novembre – 12h – Morrice Hall, salle commune – entrée libre «What is Canadian slow food?» – Carl Witchel, (Collège John Abbott, membre exécutif de Slow Food Québec) – série MISC Lunch & Learn – mardi 29 novembre – 12h30 à 13h30 – MISC (3463 Peel), salle 201 – apportez votre dîner – (514) 3988346 ou www.misc-iecm.mcgill.ca
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xLe Délit • 29 novembre 2005
Trio Lorraine Desmarais Jazz pour Noël (Analekta)
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haque année, nous sommes assommés de musique de Noël, jouée, rejouée, même trop jouée au goût de certains. Qu’on le veuille ou non, il est pratiquement impossible d’échapper aux éternelles chansons de Noël. Faut-il toutefois être à ce point remonté contre nos Petit Papa Noël ou Vive le Vent? Ces musiques sont après tout le souvenir de notre enfance, des moments heureux en famille, des traditions célébrées années après années. Ce qu’il faudrait en réalité, c’est enfin un peu de fraîcheur dans ces chansons de Noël. Cela nous permettrait de les écouter pour les redécouvrir et les apprécier plus que
jamais. C’est le pari que Lorraine Desmarais a voulu prendre et qu’elle a gagné brillamment. Avec une inspiration exceptionnelle, l’artiste québécoise est parvenue à rendre les mélodies ultra connues en des compositions très jazzées et si agréablement originales. Ses talents de pianiste ainsi que ceux de ses musiciens (Frédéric Alarie à la contrebasse, Camil Béliste à la batterie et Jean-Pierre Zanella au saxophone) sont parfaitement mis en valeur pour le plaisir de chacun. Pendant presque une heure vous pourrez retrouver des chansons telles que «Ave Maria», «Santa Claus is Coming to Town» ou «Sainte nuit» complètement retravaillées afin de laisser le jazz dominer. Ce dernier se prête si bien au temps des fêtes que l’on oublie pratiquement l’origine des mélodies jusqu’à ce qu’un refrain subtilement joué vienne rappeler des paroles que l’on chante depuis des années. En quelques mots, ce disque est un vrai enchantement pour tous ceux qui aiment Noël, mais qui n’en peuvent plus des chansons traditionnelles. Si vous cherchez un cadeau de Noël, ce disque sera sans aucun doute un vrai succès ! x KARIN LANG
Stream Of Passion Embrace The Storm (InsideOut)
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herchez six degrés de séparation entre deux artistes de métal progressif et vous tomberez sans doute sur le nom d’Arjen Lucassen. Le musicien, compositeur et réalisateur néerlandais est à l’origine des projets les plus ambitieux du genre. C’est en 1995 qu’il a créé la franchise Ayreon, un rassemblement hétéroclite de la crème du prog. Pour la première fois depuis dix ans, Lucassen forme un groupe duquel il fait partie intégrante, Stream Of Passion. Il présente une trouvaille qu’il avait introduite sur le dernier opéra rock d’Ayreon: la voix de la chanteuse mexicaine Marcela Bovio (Elfonía) qui est – et je pèse mes mots – tout simplement magnifique. Embrace The Storm est à prendre graduellement. On ne remarque pas toutes les subtilités de l’album à la première écoute. Les guitares sont plus que présentes sur les premiers titres. «Passion» débute en force avec
un riff et une ligne de violon captivants et «Haunted» crée une atmosphère digne de son nom en alternant des passages lourds et des séquences calmes, presque parlées. L’antagonisme entre la musique lourde et la voix harmonieuse d’une vocaliste comme Bovio paraît insurmontable. Et pourtant, c’est cette dichotomie qui fait l’originalité du genre. On pensera d’ailleurs aux autres chanteuses du métal européen comme Anneke Van Giersbergen (The Gathering) ou Christina Scabbia (Lacuna Coil). Une ambiance plus sombre s’empare du reste de l’album. Sur «I’ll Keep On Dreaming», les guitares ont laissé leur place au piano tandis que «Nostalgia» en fera pleurer plus d’un avec ses paroles en espagnol. Tout n’est cependant pas rose dans le monde d’Embrace The Storm. L’album prend fin avec «Calliopeia», un titre excellent mais qui semble tout droit sorti de la discographie d’Ayreon. L’influence du maître-d’œuvre hollandais est trop imposante bien que plusieurs titres de l’album prouvent le talent des cinq autres membres à la composition. Mais la résistance est vaine. Marcela Bovio charmera quiconque entendra sa voix majestueuse. x ALEXANDRE DE LORIMIER