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délit | 17 janvier 2006 02 xle www.delitfrancais.com

Nouvelles

Étudiante et écolo Rencontre avec Julie Sabourin, candidate du Parti vert dans Westmount–VilleMarie. national Louis-Philippe Pontbriand Le Délit

J

eudi dernier, les électeurs de Westmount– Ville-Marie ont eu l’occasion de rencontrer Julie Sabourin, leur candidate du Parti vert aux élections fédérales du 23 janvier prochain. Ils étaient invités à s’entretenir, dans une atmosphère détendue et conviviale, avec les représentants locaux du Parti vert. Petit local, biscuits maisons, tisanes biologiques: tous les éléments y étaient pour mettre les invités bien à leur aise. L’assistance comptait tout au plus une

trentaine de personnes, principalement des sympathisants du parti. Le Délit a donc été en mesure de faire assez bonne connaissance de Mme Sabourin et de son entourage. C’est la première fois que cette étudiante en Sciences de l’environnement à l’UQÀM présente sa candidature. Membre bénévole d’Équiterre, elle dit s’intéresser surtout à l’agriculture biologique, au commerce équitable et au transport écologique. Elle collabore aussi avec le Centre québécois d’action sur les changements climatiques et Vélo Québec. Selon elle, c’est une façon d’encourager des gestes concrets pour réduire les émissions de gaz à effets de serre. Quelles raisons l’ont incitée à présenter aujourd’hui sa candidature sous la bannière du Parti vert? «J’ai toujours été politisée et insurgée contre le mode de vie non durable de notre société. C’est au référendum de 1995 sur l’indépendance du Québec que j’ai eu un réel éveil de conscience politique: j’ai alors réalisé que l’implication politique est l’affaire de tout le monde. Cette élection est une opportunité de promouvoir, au niveau

politique, une société plus écologique.» Elle succède à Brian Sarwer-Foner, instructeur à l’École d’environnement de l’Université McGill et candidat aux trois dernières élections fédérales. La plate-forme électorale de Mme Sabourin est semblable à celle que défend le Parti vert à l’échelle nationale. Parmi ses objectifs sociaux, on compte

«Les gens expriment de plus en plus leur volonté écologique.» un investissement plus significatif dans l’éducation post-secondaire, l’intégration plus facile des immigrants dans la société canadienne et une approche en matière de santé favorisant la prévention des maladies plutôt que le traitement des symptômes. «Par exemple, les problèmes d’asthme sont dus en grande partie à la pollution atmosphérique. Il faudrait davantage cibler les causes; pas juste les effets», dit-elle. À l’échelle locale,

elle envisage un système de collecte et de recyclage plus performant desservant les logements et les commerces. Elle demande aussi la réfection du délabré Cinéma V pour en faire un centre culturel communautaire. Madame Sabourin ne pense évidemment pas être élue dans Westmount–Ville-Marie cette année. Elle rappelle cependant que cette circonscription a recensé le plus grand pourcentage de votes verts au Québec lors de l’élection fédérale de juin 2004, soit 6,25 p. cent des suffrages exprimés. La candidate croit que ce taux grimpera cette année: «Depuis quelques années, particulièrement [après] la toute récente conférence [à Montréal] de l’ONU sur les changements climatiques, on assiste à une prise de conscience collective d’une ampleur inégalée auparavant. Les gens expriment de plus en plus leur volonté écologique. Puisque chaque vote pour le Parti vert est un impératif à la considération environnementale, on espère de bien meilleurs résultats cette élection non seulement à Montréal mais dans l’ensemble du Canada». x

Le Délit est toujours à la recherche de collaborateurs. Journalistes, photographes, illustrateurs, mise-enpagistes. Participez! Aucune expérience requise. Passez nous voir en réunion les mardis dès 16h30. Ou envoyeznous un courriel. Nos coordonnées sont à droite.


Éditorial

xle délit | 17 janvier 2006 www.delitfrancais.com

Une campagne? Quelle campagne?

LE SEUL JOURNAL FRANCOPHONE DE L’UNIVERSITÉ MCGILL RÉDACTION 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 (514) 398-6784 Télécopieur : +1 (514) 398-8318 redaction@delitfrancais.com

Les vrais enjeux ont été absents tout au long de la campagne électorale fédérale. national Alexandre de Lorimier Le Délit

A

près une des campagnes les plus longues de l’histoire, les Canadiens se rendront sans enthousiasme aux urnes lundi prochain. Nos politiciens ont une fois de plus réussi à faire d’un des actes les plus importants de la vie démocratique un concours de charme sans intérêt. Les insultes ont volé de toutes parts et les scandales, aussi insignifiants soient-ils, sont devenus monnaie courante dans la tradition électorale canadienne. Certains diront que notre campagne n’est pas différente de celles des autres pays. Mais le Canada gagne la palme avec le déclenchement d’une enquête sur les agissements d’un des ministres les plus influents du gouvernement en plein processus électoral. Entre délit d’initié et déclarations «nazistes», difficile de discuter politique sociale, environnement et relations internationales. Être élu en 2006 ne requiert apparemment pas de vision novatrice pour le pays. Les promesses libérales ne sont jamais tenues, celles des conservateurs ne devraient jamais l’être et les néo-démocrates n’emporteront pas les sièges nécessaires pour tenir les leurs. Quant au Bloc –fautil le rappeler– il ne formera jamais de gouvernement et ne pourra que s’aligner sur les conservateurs une fois la chambre en session. Les quatre grands partis ont perdu le peu de convictions qu’ils avaient; ils ne s’en tiennent qu’à des déclarations populistes sur l’unité nationale, la bière et le pop-corn. Les immigrants qui atterrissent dans la métropole n’ont pas tendance à être souverainistes. Malgré cela, le Bloc a fait le pari d’accueillir un plus grand nombre de minorités en ses rangs. Les bloquistes visent le résultat magique de 50 p. cent de votes. Et pourtant, Gilles Duceppe répète encore et encore que la souveraineté ne se fera pas à Ottawa. Que va-t-il donc y faire? Voter pour le Bloc ne tient pas la route. Les partisans bloquistes, qui se déclarent de la

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mouvance social-démocrate, divisent le vote de la gauche. Comment peut-on défendre les intérêts des Québécois sans avoir la capacité de voter les lois qui sont importantes pour le Québec? Ceux qui vivent à Montréal depuis peu auront remarqué que l’essoufflement des libéraux tend à l’hégémonie du Bloc dans notre coin de pays. L’île n’est pourtant pas représentative de la province. Montréal se dit à gauche tandis que Québec se délecte des discours de Stephen Harper. Quant aux libéraux de Paul Martin, ils ont mené une campagne lamentable, et ce, malgré la situation précaire dans laquelle se retrouvent au moins deux de leurs ministres québécois. Le parti prendra en conséquence un coup dur le 23 janvier. De son côté, le Nouveau Parti démocratique a jeté l’éponge dans la province. On peut facilement évaluer l’importance du Québec aux yeux de Jack Layton à la qualité de son français, qui ne s’est pas amélioré depuis 2004. Bien qu’il soit né à Montréal, le chef néo-démocrate ne parvient pas à convaincre les Québécois qu’un vote pour son parti devrait apporter les changements

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nécessaires pour contrer la déferlante néolibérale au pays et ailleurs. Pendant qu’il fait campagne au fin fond de l’île de Vancouver, ses militants québécois sont sans chef et perdus dans la masse bloquiste, tandis que les conservateurs mettent les bouchées doubles dans la Belle Province. Si Paul Martin a mené une campagne lamentable, celle de Jack Layton aura été d’autant plus pitoyable que le chef du seul parti de gauche au pays n’a pas montré une seule once de leadership. En lisant les journaux ces temps-çi, on croirait que le chef conservateur est devenu le sauveur du Canada, le deus ex machina qui balayera du revers de la main le clientélisme libéral endémique à Ottawa depuis treize ans. Stephen Harper, qui a même réussi à amadouer le très libéral Globe and Mail, sortira-t-il ses cornes réformistes une fois élu premier ministre? On le verra bien assez tôt. D’ici là, oubliez le protocole de Kyoto et préparez votre bouclier antimissiles. Le Canada, comme tant d’autres pays, entre à son tour dans la danse conservatrice, fière de ses politiques réactionnaires et de son lynchage des acquis sociaux du passé. x

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Un squeegee candidat Réveillez l’esprit grec Théâtre expérimental Des jeunes cinéastes à Outremont en vous à l’Espace Libre récompensés

Nous serons en réunion cet après-midi, comme tous les mardis, dès seize heures trente au Shatner B•24.

Rédacteur en chef david.drouinle@delitfrancais.com David Drouin-Lê Chefs de pupitre–nouvelles nouvelles@delitfrancais.com Laurence Bich-Carrière Jean-Philippe Dallaire Chef de pupitre–arts&culture artsculture@delitfrancais.com Agnès Beaudry Rédacteurs-reporters Maysa Pharès Marc-André Séguin Coordonateur de la production production@delitfrancais.com Alexandre de Lorimier Coordonateurs de la photographie Éric Demers Mathieu Ménard Coordonateur de la correction Pierre-Olivier Brodeur Chef-illustrateur Pierre Mégarbane Collaboration Émilie Beauchamp, Christopher Campbell-Duruflé, Lucille Hagège, Karin Lang, Hugo Lavallée, Flora Lê, Christina Lemyre McCraw, LouisPhilippe Pontbriand, Ynès Wu, Giacomo Zucchi Couverture Éric Demers Mathieu Ménard BUREAU PUBLICITAIRE 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 (514) 398-6790 Télécopieur : +1 (514) 398-8318 daily@ssmu.mcgill.ca Publicité et direction générale Boris Shedov Gérance Pierre Bouillon Photocomposition Nathalie Fortune The McGill Daily • www.mcgilldaily.com coordinating@mcgilldaily.com Joshua Ginsberg Conseil d’administration de la Société de publication du Daily (SPD) David Drouin-Lê, Joshua Ginsberg, Rebecca Haber, Rishi Hargovan, Mimi Luse, Rachel Marcuse, Joël Thibert, Jefferey Wachsmuth L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société de publication du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP), du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF) et de la Presse universitaire indépendante du Québec (PUIQ). Imprimé sur du papier recyclé par Imprimeries Quebecor, Saint-Jean-sur-leRichelieu (Québec).

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délit | 17 janvier 2006 04 xle www.delitfrancais.com

Controverses Étrange...

sans commentaire

Un tout petit castor

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n 1980, Jean Chrétien se moquait des «séparatisses qui voulaient planter le flag du Québec sur le hood du char». Après 1995, il a entrepris de planter des flags du Canada dans les arénas municipaux. Cela n’a, à l’évidence, pas mieux marché pour lui que pour eux.» C’est la conclusion à laquelle en arrive Benoît Aubin, journaliste à L’Actualité, après avoir examiné un sondage CROP constatant la chute de «l’indice de canadianité» sur la période 1985-2005. Si les baisses sont particulièrement marquées au Québec, le reste du Canada est loin d’y échapper: de 70 p. cent qu’ils étaient à accorder une importance symbolique au premier ministre en 1985, ils ne sont plus que 44 p. cent aujourd’hui. Constat semblable pour le bilinguisme. Quant au drapeau, s’il s’en tire passablement bien dans l’ensemble du Canada en ne perdant que cinq points pour finir à 63 p. cent, il subit au Québec une dégringolade de 56 p. cent à 31 p. cent. Qu’est-ce à dire? L’unifolié serait-il irrémédiablement lié à la personne de Sheila Copps? N’y a-t-il plus que Bernard Landry pour alimenter les querelles de chiffonnier sur la question? À force de l’exhiber sur tous les toits, en a-t-on fait un rectangle de tissu banal, moins poignant pour votre petit voisin que le linge à vaisselle hissé comme étendard à son château de neige? Sans doute ce qu’on perçoit comme le cynisme d’avoir pensé pouvoir gérer le Canada comme on gère un bar n’est-il pas étranger à ces baisses. Mais pourquoi le castor, pourtant adoré lorsqu’il était «le plus petit et le plus fort», devrait-il écoper (malgré les tentatives publicitaires et anthropomorphiques de Bell) des fredaines de l’establishement politique? Certains, dont les auteurs de l’étude, suggèrent plus simplement qu’il existe désormais un décalage important entre une population, qui a évolué, s’est complexifiée, s’est fragmentée, s’est mâtinée, et des symboles qu’on a oublié de renouveler, dont on a tenu la pérennité pour acquis. Autrement dit, y a-t-il plus ringard qu’une chemise à carreau en grosse laine rêche? Le déménagement des Rocheuses au Québec est une blague surannée, même pour le forum de Loco Locass. Le meilleur de l’humour musical ontarien, les Arrogant Worms, se sont allègrement moqués de la GRC, devenue un symbole pour touristes au même titre que les attrape-rêves authentiques made in Taiwan. Au mieux, certains poussent la velléité patriotique à rêver «d’un portrait d’un caribou et d’une tête de reine empaillée». Dans ce contexte, comment interpréter ce courriel de l’organe indépendantiste Le Québécois (qui s’affilie ostentatoirement au Bloc québécois), qui m’offre, pour la modique somme de 40$, de me procurer «la sacoche du patriote écolo». Et quelle sacoche! D’abord, on donne la définition correcte du terme (par opposition à l’impropriété pour «sac à main»), ensuite, on indique qu’elle est «entièrement faite de fibres du pays recyclées», ce qui donnera indubitablement «un coup de pouce à l’environnement qui en a bien besoin par les temps qui courent, surtout si l’on se retrouve avec un gouvernement conservateur majoritaire dont le chef rejette la philosophie inhérente à l’Accord de Kyoto!» Authentique autant qu’irrésistible. Presque aussi beau que les vidéoclips des jingles du Bloc (qui sont eux-mêmes d’un calibre équivalent à ceux de Jonathan Bleue). Certes, l’engouement pour l’accessoire-message, médiatiquement payant, est incontestable. À preuve ces bracelets-pour-la-bonne-cause qui se déclinent dans des palettes à faire rougir Benjamin Moore (précisément couleur «fusain ailé»). Il serait évidemment trop facile de dire que la régénérescence de l’iconographie politique passe par la mode (comprise au sens vulgaire). Estil besoin de rappeler, sans qu’il soit question de ceux et celles qui agencent les bracelets à leurs tenues (on me permettra de douter de l’existence d’une humeur «envie de soutenir l’alphabétisation»), que déjà l’incontournable jaune LiveStrong, celui qui a lancé la tendance, doit se battre contre la récupération du concept pour le profit pur et, même, la contrefaçon (ce qui, entre vous et moi soit dit, risque assez peu d’arriver à la sacoche patriote)? La cause balayée sous les fleurs du tapis, ce qu’il reste au symbole, c’est surtout deux barres sur le S. Et comme le disait la bloquiste sans visage du truculent message radiophonique Je me souviens à propos du scandale des commandites, «kaching!». x

Laurence Bich-Carrière

Équitation urbaine illégale Un Brésilien de 15 ans faisant de l’équitation urbaine a surgi dans la cour d’un hôpital de Rio en arborant un fusil en plastique. Il a ainsi forcé un homme à lui donne son cellulaire. Le jeune homme a avoué lors de son arrestation que les membres d’un gang de rue lui avaient promis 20 dollars s’il parvenait à obtenir un cellulaire muni d’un appareil photo. «J’ai été dévalisé quatre fois dans ce quartier, mais, cette fois, j’ai été sidéré de voir un garçon à cheval m’ordonner de lui donner mon téléphone. J’ai vu des voleurs à vélo et à pied mais là, c’est fou!», a affirmé la pauvre victime au journal Extra. (Yahoo!/ Reuters) J’ai une araignée dans l’oreille Une araignée qui avait élu domicile dans l’oreille d’une Suédoise en a été délogée au bout de vingt-sept jours, a rapporté le quotidien populaire Expressen. L’araignée noire de la taille d’un ongle aurait profité du sommeil de son hôtesse pour prendre place. La durée de la visite a pu être déterminée parce que la femme se souvient avoir vu et repoussé une araignée sur son lit, un soir de novembre, vingtsept jours avant la découverte de l’intruse. D’abord, la Suédoise a constaté «une baisse de son ouïe» et a pensé qu’il s’agissait d’un bouchon de cire, écrit le quotidien. Mais ensuite, après avoir entendu un bruit de friction dans son oreille, elle s’est procuré un produit nettoyant liquide. Pour la petite histoire, l’araignée est ressortie vivante. (Yahoo!/AFP) Pas de rappel Démarré en l’an 2000 et devant s’achever en 2640, le concert d’orgue le plus lent et le plus long de l’histoire compte un nouvel accord depuis le 5 décembre. Ainsi, le sol dièse et le si joués depuis 2003 (les touches sont enfoncées par des sac de sable) ont fait place à un la, un do et un fa dièse. Les deux mi (l’un grave, l’autre aigu) entonnés en 2004 se feront entendre jusqu’au 5 mai. Organ2 /ASLSP doit être jouée As SLow aS Possible. Pour environ 700 dollars canadiens, vous pouvez commanditer la restauration de l’orgue de l’église Saint-Buchardi, à Halberstadt, Allemagne, en réservant vos places pour les prochains changements d’accords. Mais faites vite: quarante-huit années ont déjà trouvé preneur. (Courrier international) Nous n’inventons rien La publicité électorale libérale négative n’a pas fini de faire jaser... ni de faire rire! Le spot publicitaire le plus controversé, qui a été retiré des ondes après avoir été diffusé une seule fois, a fait l’objet de nombreuses parodies. Avec en toile de fond une musique militaire, on pouvait voir le visage de Stephen Harper, puis les mots: «Stephen Harper a affirmé vouloir augmenter la présence militaire dans nos villes. Des villes canadiennes. Des soldats armés de fusils. Dans nos villes. Au Canada. Nous n’avons rien inventé. Choisissez votre Canada.» Parmi les parodies les plus drôles: «Stephen Harper a un chien. Savez-vous qui d’autre avait un chien. Adolf Hitler, voilà. Est-ce que Stephen Harper a entraîné son chien pour lui faire attaquer les minorités raciales sur commande? Nous ne le savons pas. Il ne le dit pas. Choisissez votre Canada.» Aussi: «Stephen Harper porte des lunettes. Pour lire. Savez-vous ce qu’il lit? La Bible. Savez-vous qui d’autre lit la Bible? George Bush. Est-ce que Stephen Harper va transformer le Canada en théocratie chrétienne? Nous ne le savons pas. Il ne le dit pas. Choisissez votre Canada.» Ou, encore: «Stephen Harper aime porter du noir. Qui d’autre aimait le noir? Darth Vader. Nous n’inventons rien.» (CNEWS/PC)

En trois vitesses En hausse

Le désaveu de candidats Comme quoi quand on doit choisir vite qui présenter dans un comté, on fait parfois des petites erreurs de calcul. La déclaration à la mode ces temps-ci, c’est d’exclure d’avance un candidat qui a fait quelque chose de répréhensible. Stephen Harper a ainsi mis au ban son candidat Derek Zeisman qui fait présentement face à des accusations de contrebande, Paul Martin a fait de même avec David Oliver qui avait tenté de soudoyer son adversaire néo-démocrate pour qu’il se retire de la course, et Jack Layton a menacé Léo-Paul Lauzon d’exclusion s’il ne s’achetait pas un dentier. Bon d’accord, le dernier, c’est pas sérieux. (LaPresse/RC)

Au neutre Le procès de Saddam Rizgar Mohammed Amin, juge en chef au procès de Saddam Hussein et de sept autres baasistes pour les représailles exercées en 1982 contre 140 chiites de Dujail, vient de démissionner de son poste. Cela ne signifie pas pour autant qu’il se retire complètement du procès. Il a en effet simplement demandé à être ramené au rang de simple juge. Rappelons qu’en novembre, un juge avait dû être remplacé parce que son frère comptait parmi les victimes.(Yahoo!/AP)

En baisse Le machisme chilien Dans la deuxième élection démocratique de son histoire, le Chili a élu la socialiste Michelle Bachelet à la présidence. Les commentateurs radio d’ici n’ont eu cesse de nous rappeler qu’il s’agissait de la première femme élue à la plus haute fonction du pays de Salvador Allende et d’Augusto Pinochet. Comme quoi y’en a qui ne sont pas trop nostalgiques des plus beaux mois politiques de Kim Campbell... (AP/RRC)

La citation de la semaine

«C

’est Goldirak le Grand/ Le Grand Goldirak/ C’est Goldirak le Grand/ Le Grand Goldirak/ Il traverse tout Bagdad/ Et c’est la débandade/ Qui est-il? D’où vient-il?/ Héros musulman/ Des nouveaux temps» Hilarante parodie du refrain de Goldorak, l’émission pour enfant devenue émission-culte, gracieuseté des concepteurs de la capsule satirique «Le coin des tout-p’tits», bien connue des fidèles de Et Dieu créa... Laflaque, présentée le dimanche soir à la télévision de Radio-Canada.


Controverses

xle délit | 17 janvier 2006 www.delitfrancais.com

Dieu et mon droit Le Christian Heritage Party entend défendre la morale judéochrétienne dans la sphère politique. national Pierre-Olivier Brodeur Le Délit

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e Canada est un pays où fleurissent de nombreux partis politiques, dont certains sont méconnus. C’est le cas du Christian Heritage Party of Canada

(CHP). Se fondant sur le préambule de la Charte des droits et libertés de la Constitution canadienne, qui énonce que «le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit», ce parti est le seul qui présente une vision résolument judéo-chrétienne de la société. Dans sa plate-forme électorale, le CHP indique qu’il entend supporter la définition traditionnelle du mariage, protéger la vie humaine, promouvoir l’abstinence et défendre d’autres «principes bibliques prouvés». À cela s’ajoute la «restitution des libertés que Dieu nous a données» ainsi que plusieurs mesures de droite: «défendre la liberté des citoyens [par l’armée]», réduire la taille du gouvernement, «faire de la sécurité publique une priorité» et réduire le niveau de taxation des contribuables.

Nonobstant l’accent mis sur Dieu, en quoi le Christian Heritage Party se distinguet-il du Parti conservateur? D’abord, par une plus grande radicalité. Leslie Bartley, directrice de campagne du CHP, affirme en entrevue téléphonique accordée au Délit que «le scénario socialiste du NPD est en train de devenir celui des conservateurs et des libéraux». Si la plate-forme électorale du CHP ressemble à celle du PC, c’est parce que «plusieurs de ces politiques [proches du PC] n’ont jamais été dans la plate-forme conservatrice, et nous pensons que nous avons eu une influence sur leurs politiques», notamment l’idée d’une subvention directe aux familles. Mais pour Leslie Bartley, la priorité est de «restreindre l’activisme judiciaire», qui cause un «déclin de la morale au Canada». Selon

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le programme de son parti, «les cours n’ont aucune autorité légitime pour écrire des lois. Aucune.» Ce qui est tout à fait cohérent avec la vision du gouvernement de ce parti : «nous croyons en un petit gouvernement.» Malgré l’accent mis sur la religion chrétienne et la ferme résolution d’empêcher le gouvernement d’agir en «ennemi de la culture judéo-chrétienne», le CHP se veut un parti inclusif respectant la liberté de culte, «principe fondateur du Canada.» Pour Mme Bartley, «le vrai problème [religieux au Canada] aujourd’hui, c’est le matérialisme, [qui est] le culte le plus bigot et le plus militant actuellement, qui vise à bannir toute foi du domaine public.» Avec le CHP au pouvoir, pourrions-nous voir apparaître la théorie du dessein intelligent dans nos écoles? «Oui, absolument!» x

Pour ou contre les élections? Chaque semaine, Le Délit choisit un sujet controversé. Les journalistes devant défendre respectivement le pour et le contre sont tirés aux hasard.

Cette semaine, Christopher Campbell-Duruflé et David Drouin-Lê s’affrontent dans le ring. Il est à noter que les positions exprimées ne sont pas nécessairement partagées par leur auteur.

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idel Castro, alors jeune dirigeant de la résistance à Cuba avait promis des élections en cas d’effondrement de la dictature. Arrivé au pouvoir par les armes en 1959, il était revenu sur son engagement en soulignant l’inutilité de la chose: «Des élections, pour quoi faire?» Fidel Castro avait profondément tort. Fidel Castro a toujours tort. Ce n’est pas moi qui le dit, mais bien l’Histoire qui, contrairement à ce qu’il avait crié lorsqu’il était en prison, ne l’absoudra pas. Elle n’absoudra pas non plus d’autres sombres dictateurs tels Saddam Hussein et Kim Jong-Il, qui n’ont pas compris les bienfaits de donner au peuple un moyen, même illusoire, de faire entendre sa voix. En effet, comme l’ont remarquablement démontré les émissions de téléréalité comme Star Académie, les élections ont une utilité sociale magistrale. Voici comment. Les gens qui voient leur apprenti chanteur perdre, même déçus, écoutent quand même l’émission jusqu’à sa fin et attendent la prochaine saison de leur émission pour exercer leur droit de vote une autre fois. Les gens aiment Star Académie, en particulier les choix qui en découlent, et en redemandent. Les gens sont heureux de voter et ne se révoltent pas puisqu’ils assument leur choix. Le peuple est responsable et attend la prochaine saison de Star Académie. Sachant qu’il pourra à nouveau voter, le peuple ne va pas manifester dans la rue et faire une futile révolution afin que son chanteur préféré gagne. Élire un apprenti-chanteur ou un politicien revient à la même chose. Le citoyen responsable vote et s’il n’est pas content du gouvernement, il attend gentiment la prochaine élection, généralement quatre ans après, en prenant son mal en patience. x

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CONTRE

e suis contre les élections. Le 23 janvier prochain, je ne voterai pas, car cela ne sert à rien. En quoi ma vie changera-t-elle si c’est l’un ou l’autre des quatre candidats principaux qui est élu dans ma circonscription? Cette figure 2D m’empêchera-t-elle vraiment de dormir, me laver, me nourrir et me recoucher chaque jour comme le précédent? Nous sommes de plus en plus nombreux à voir les choses en face et à ne pas nous prononcer dans un processus qui ne nous touche pas. En 2004, selon Élections Canada, 39,1% des Canadiens étaient d’accord avec moi, record inégalé depuis 1896. Les élections sont un leurre, voilà pourquoi il faudrait les abolir. A-t-on vraiment le choix? J’ai mentionné quatre partis principaux par circonscription, omettant donc le Parti vert comme candidat à la majorité en Chambre, mais pourrais aussi faire de même avec le NPD et le Bloc québécois. La question «libéral ou conservateur?» est-elle donc vraiment celle que nous voulons nous poser? Permetelle de renouveler nos débats internes, tels ceux entourant les services publics et le fédéralisme, d’une manière profitable aux citoyens? J’ai l’impression que les décisions administratives seront encore prises de la même façon pour quatre ans –au mieux!– et que le violet mat (bleu foncé, rouge et un peu de bleu pâle) commence à nous coller à la peau. Ne trouvez-vous pas cela mensonger et insultant de vous faire inviter à voter lorsqu’on n’a que la possibilité de regarder les nouveaux noms à l’intérieur des mêmes partis? Si celui qui me représentait au pouvoir ne s’est pas penché sur la révision d’un système que l’on sait tous inefficace et désuet, je dis: soit, qu’ils continuent à en profiter, mais que l’on ne fasse pas semblant d’être d’accord. Assumons-nous plutôt et abolissons les élections. x


délit | 17 janvier 2006 06 xle www.delitfrancais.com

Nouvelles

Un squeegee député d’Outremont? Eric Roach Denis espère montrer un côté oublié de la circonscription. national Christina L. McCraw Le Délit

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es cheveux d’un bleu vif, une casquette délavée et un t-shirt anarchiste. C’est ainsi que Roach, de son vrai nom Eric Roach Denis, se présente. On est loin des complets et des cravates qui caractérisent habituellement la classe politique. Pourtant, la foule qui est rassemblée autour de ce candidat hors du commun l’écoute avec un intérêt qu’on voit rarement chez les auditeurs des autres politiciens. Ses sympathisants pourraient dire de Roach qu’« il dégage quelque chose de vrai, de brut, difficile à décrire et qui apporte un vent de fraîcheur dans un monde politique qu’on croyait terne et pourri... »

On m’a offert de passer de la coke, de devenir un criminel. Ils détruisent des vies parce qu’un jeune a fait du squeegee». Le «prof Lauzon» et la charité L’autre sujet qui l’intéresse, c’est la représentation proportionnelle, sujet sur lequel il rejoint la position du NPD. Ce qui ne signifie pas qu’il endosse les propos de son adversaire néodémocrate, Léo-Paul Lauzon, mieux connu comme «prof Lauzon». On se rappellera que ce professeur de Sciences comptables de l’UQÀM avait fait une sortie musclée lors de l’émission Tout le monde en parle sur la question de la charité. Il déclarait vouloir l’abolir, car elle était d’après lui humiliante pour ses bénéficiaires. Cet avis, Roach est loin de le partager: «La charité a sauvé la vie de certains de mes amis. Si le prof Lauzon peut se permettre de dire des choses comme ça, c’est qu’il n’a jamais été dans le besoin. Il peut s’appeler socialiste s’il veut, mais il n’y a rien de socialiste dans le fait d’avoir un chalet dans les Laurentides!»

Squeegee et cinéaste Jeune de la rue, ex-squeegee et sans-abri, Roach dit avoir beaucoup de reconnaissance pour celui qui l’a aidé à se sortir de la rue. «C’est un professeur de l’Université Concordia qui m’a donné une caméra. J’ai commencé à faire mes films et il m’a montré comment faire». C’est donc grâce à cette rencontre inespérée que Roach est devenu cinéaste et s’est acharné à montrer, par ses films, la vie des jeunes de la rue. Un parcours plutôt inhabituel pour un candidat électoral, mais qui est plutôt «très logique» selon Roach, qui veut «faire de quoi pour apporter un vrai changement». Un système qui forme des criminels Parmi les sujets qui passionnent Roach au cours de cette campagne, deux se distinguent fortement. Le premier, c’est la criminalité qu’on enseigne aux jeunes de la rue. Roach a lui-même fait un court séjour en prison et depuis critique sévèrement le système carcéral qui «crée des criminels». Il compare les prisons à des écoles du crime où des jeunes de la rue, qui y sont envoyés faute d’avoir payé des amendes, se font offrir un «laisserpasser simple vers le crime». «En envoyant des jeunes de la rue en prison, on leur apprend le crime.

Le futur député d’Outremont? gracieuseté d’Eye Steel Film

Pourquoi Outremont? Roach aime les défis. C’est qu’en plus de n’avoir aucun parti pour le soutenir, il a choisi de poser sa candidature dans la circonscription d’Outremont, théâtre d’une lutte entre «candidats-vedettes» pour ravir ce château-fort libéral. Pourquoi choisir délibérément de se mesurer à Jean Lapierre, Jacques Léonard, Léo-Paul Lauzon et Daniel Fournier? La première raison qu’il invoque, c’est que le règne de Jean Lapierre a assez duré. Toutefois, on se rend bien vite compte que la stratégie va beaucoup plus loin qu’une attitude réfractaire face à son adversaire libéral. Roach parle du «vrai Outremont», de celui qu’on ne montre pas à la télévision. «Les attitudes sont très arrogantes des fois. Il y a de la pauvreté dans Outremont aussi!». Pense-t-il gagner? «Je ne planifie pas d’être élu. Je n’ai même pas de parti pour me soutenir. Mais je vais me battre pour donner une voix aux exclus. Et je vais me battre sans arrêt pour eux». x


Nouvelles

xle délit | 17 janvier 2006 www.delitfrancais.com

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Santé, défense et éducation, qu’en disent-t-ils? Le Parti conservateur et le Nouveau Parti démocratique espèrent effectuer une percée au Québec. Notre journaliste a rencontré Louise O’Sullivan, candidate du PC au centre-ville, et Nicolas Thibodeau, aspirant néodémocrate dans Mont-Royal. national Giacomo Zucchi Le Délit

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e Parti libéral du Canada et le Bloc québécois aurontils encore le monopole de la députation québécoise au lendemain des prochaines élections? Si on en croit des candidats montréalais de deux autres partis pancanadiens, il n’en sera rien. Bien connue de ceux qui suivent la politique municipale montréalaise, Louise O’Sullivan, candidate conservatrice dans la circonscription Westmount—VilleMarie, en est à sa première tentative au niveau fédéral. Habituée du milieu des affaires, Mme O’Sullivan a également laissé sa marque à l’Hôtel de Ville. En effet, afin de se consacrer à la campagne électorale fédérale, elle a pris la décision de

démissionner de son poste de conseillère municipale. Nicolas Thibodeau en est lui aussi à sa première expérience dans une élection fédérale. Candidat du NPD dans le comté de MontRoyal, il termine présentement un baccalauréat en Sciences politiques à l’Université du Québec à Montréal. Ce qui ne l’empêche pas de travailler, afin de pouvoir payer ses études. La santé Plusieurs hôpitaux importants se trouvent dans le comté de Westmount—Ville-Marie, c’est pourquoi Louise O’Sullivan se sent directement concernée par la question des files d’attentes. «Pouvez-vous imaginer de devoir attendre deux, trois, ou six mois pour une intervention à votre tumeur, [quand] vous êtes conscient que ce cancer est en train de croître?» Sa réponse est catégorique: si les files d’attentes

sont trop longues, les gens doivent pouvoir aller ailleurs pour se faire soigner. Mme O’Sullivan ajoute qu’un gouvernement conservateur verserait de plus 260 millions $ pour la prévention et la recherche oncologique. Cependant, la candidate conservatrice reconnaît que la santé relève de la responsabilité du gouvernement provincial. Le partenariat avec les provinces doit donc être le premier pas pour résoudre les problèmes de santé au Canada. Nicolas Thibodeau reconnaît également que les provinces ont un rôle à jouer. Il estime que la plus grande responsabilité du gouvernement fédéral en santé, c’est le transfert des fonds aux provinces, ce qui devrait être fait de façon équitable. Là s’arrêtent cependant les ressemblances avec les positions de ses adversaires. Selon lui, «le NPD a bloqué un budget proposé par Paul Martin qui favorisait ses amis. C’est le NPD

qui a apporté le milliard au Québec, pas le Bloc, pas les libéraux.» À son avis, tout le travail que le NPD aurait fait à Ottawa serait «mis aux vidanges» advenant l’élection d’un gouvernement conservateur. La défense Monsieur Thibodeau rappelle aussi que les conservateurs sont favorables à la construction d’un bouclier antimissiles sur le continent nord-américain. Il explique que le NPD veut préserver la souveraineté du Canada. Or selon lui, les Américains représentent une vraie menace pour cette souveraineté. «Ils sont en train d’épuiser nos ressources! Le pétrole, l’eau, le bois… D’autres pays comme la Chine et l’Inde ont aussi des fortes demandes en ressources naturelles. Pourquoi est-ce qu’il faut continuer à vendre nos ressources à un voisin qui ne respecte pas les règles?» Le candidat néo-démocrate s’oppose fortement à la collaboration canadienne au bouclier antimissiles, contestant le caractère judicieux d’un tel choix budgétaire. Pour O’Sullivan, au contraire, on ne peut rien risquer quant à la défense du pays. «On doit défendre nos citoyens. On n’a pas le choix, il faut pouvoir mettre de l’argent pour la défense de notre

Les élections comme une partie de poker. En lice: Louise O’Sullivan, candidate conservatrice dans Westmount—Ville-Marie et Nicolas Thibodeau, candidat néo-démocrate dans Mont-Royal. montage, Mathieu Ménard; photo de Nicolas Thibodeau, gracieuseté du McGill Daily; photo de Louise O’Sullivan, gracieuseté du bureau de campagne de la candidate

pays, que ce soit pour acheter des nouveaux hélicoptères, sousmarins… La force militaire, c’est ce qui nous préserve.» Ainsi, un gouvernement conservateur serait prêt à augmenter les dépenses militaires canadiennes, ce que le gouvernement libéral avait déjà commencé à faire en 2004 en remplaçant les vieux hélicoptères Sea Kings des forces armées. L’éducation Paul Martin a récemment promis de mettre en place un nouveau programme d’aide financière aux étudiants universitaires de 1er cycle. Pour M. Thibodeau, «si les conservateurs sont élus, on peut oublier cette promesse-là.» Surtout, il critique l’efficacité de la bureaucratie fédérale, qui réduit les sommes dont la population bénéficie vraiment. À son avis, l’argent devrait se rapprocher le plus possible des gens. Les institutions locales devraient donc pouvoir prendre les décisions par rapport à l’éducation. Selon Mme O’Sullivan, la première priorité en éducation, c’est de permettre à l’enseignement dans le secteur public d’arriver au niveau de celui du privé: «Plusieurs familles ne peuvent pas permettre à leurs enfants une éducation à l’école privée.» Comme pour la santé, la collaboration entre le fédéral et les provinces dans ce domaine lui semble une nécessité. Les conservateurs voudraient aussi voir une plus grande collaboration avec les employeurs et les entreprises. Des stages pourraient ainsi être organisés afin de donner à l’étudiant de l’expérience sur le marché du travail. Pas encore convaincu? Madame O’Sullivan défend les qualités du chef conservateur Stephen Harper: sa formation académique en économie, son jeune âge, sa nette amélioration en français… Mais surtout, elle a confiance en sa capacité de faire du Canada un acteur-clé de la scène internationale et d’être un leader qui unisse le pays. Nicolas Thibodeau, lui, a partagé sa perspective par rapport au système électoral. Selon lui, les gens ne doivent pas hésiter à voter pour le parti qui reflète leurs valeurs: «Chaque vote compte, c’est ça que les gens n’ont pas compris. Peu importe qui gagne, plus un parti reçoit de votes, plus il aura la capacité de faire passer ses intérêts.» x


délit | 17 janvier 2006 08 xle www.delitfrancais.com

FRATERNITÉS

DEUX PAGES DE DOSSIER NON ÉLECTORAL

Y a-t-il des fraternités à McGill? L’AÉUM refuse de connaître l’existence des fraternités, dont elle juge les pratiques discriminatoires, mais une nouvelle venue pourrait changer les choses… Marc-André Séguin Le Délit

L Les «lettrés» en chiffres Un portrait des fraternités en Amérique du Nord. Maysa Pharès Le Délit

U

n halo de mystère, de clichés, et d’histoires sordides enveloppe le monde des fraternités. Autrefois la voie royale du succès (presque tous les présidents des ÉtatsUnis en auraient fait partie), les institutions dites «grecques», à cause des lettres qui les désignent, perdent de leur prestige. Ponctuée de scandales, dépeinte par les médias comme foyer de débauche, la «Greek Life» évoque rites d’initiation barbares et soirées qui s’achèvent dans la bière et la luxure. Accusés de racisme, d’élitisme, faisant même l’objet de recherches sur des pathologies comme l’alcoolisme et le jeu, il n’est pas étonnant que ces clubs aient fort à faire pour se maintenir en vie. Il semblerait pourtant qu’ils y parviennent. S’il est difficile de mettre un doigt sur les chiffres exacts du recrutement en Amérique du Nord, certaines données indiquent que les étudiants sont encore nombreux à rejoindre des fraternités aux États-Unis, bastion du système «grec», et, dans une moindre mesure, au Canada. Certaines données proviennent toutefois d’associations «interfraternitaires» et font peut-être partie d’un effort promotionnel. C’est pourquoi elles sont à prendre avec précaution.

Vraiment moins de membres? Depuis la fondation de Phi Bêta Kappa en 1776, cent vingt-trois institutions ont vu le jour en Amérique du Nord. Elles comptent aujourd’hui neuf millions de membres initiés. Leurs douze mille «chapitres» (branches d’une même fraternité) sont répartis sur plus de huit cents campus à travers les États-Unis et le Canada, et regroupent à l’heure actuelle sept cent cinquante mille étudiants de premier cycle. Les fraternités masculines des États-Unis et du Canada sont rassemblées dans la North-

American Interfraternity Conference (NIC), laquelle déclarait en 2004 abriter cinq mille cinq cent chapitres de soixante-six fraternités, rassemblant au total environ trois cents cinquante mille étudiants de premier cycle (1). Les sororités (équivalent féminin des fraternités) se regroupent quant à elles sous l’enseigne de la National Panhellenic Conference (NPC). Le groupement compte vingt-six institutions et leurs 2908 chapitres. Les statistiques du NPC montrent qu’en vingt ans (1985-2005), le nombre de membres est passé de 2 400 000 à 3 800 000. Si une telle augmentation s’applique à l’ensemble du monde «grec», il se pourrait que les fraternités ne soient pas si délaissées que l’on imagine. L’exception canadienne Quoi qu’il en soit, le Canada accroche moins. Seuls vingt-six campus nationaux ont une vie « grecque », dont l’essor date de l’inauguration, en 1879, du chapitre Zêta Psi à l’Université de Toronto (qui demeure le campus le plus «grec» du pays). Au total, le Canada abrite quarante et une fraternités et vingt-six sororités. Tandis qu’un campus américain comme Stanford évalue à 13 p. cent la proportion d’étudiants «grecs» au premier cycle (2), elle ne dépasse pas 3 p. cent à McGill. De plus, les universités du pays ne reconnaissent pas les fraternités. À McGill, par exemple, l’AÉUM n’accorde pas de statut aux frats, qui demeurent donc indépendantes de l’association étudiante. On est loin du dispositif sophistiqué des ÉtatsUnis. Montréal n’attire que peu de fraternités et sororités (quinze à McGill, six à Concordia). Cet engouement modéré est souvent attribué au dynamisme de la ville qui offre une vie nocturne et sociale qui rend désuète l’action des frats. Cela dit, les campus du Canada anglais affichent une plus grande activité «grecque». L’Université de Toronto abrite vingt-six fraternités, celle de Western Ontario vingt et une, et l’Université de Colombie-Britannique dix-sept. x Sources: (1) Chiffres du NIC (www.nicindy.org), (2) Stanford University Common Data Set 2005-2006.

’AÉUM ne reconnaît pas officiellement l’existence des fraternités à McGill. L’association étudiante estime que ces organisations, traditionnellement, non mixtes, sont discriminatoires par leurs pratiques et ne répondent donc pas aux critères de reconnaissance des clubs affiliés à l’AÉUM. Avec la seule exception de la Inter-Greek Letter Council (IGLC), qui chapeaute l’ensemble des fraternités et sororités de McGill, aucun de ces groupes n’a donc reçu de reconnaissance officielle de la part de l’association étudiante. Leon Mwotia, vice-président des Clubs et Services à l’AÉUM, pousse l’idée plus loin en affirmant qu’il doute de la décision

«Les fraternités ne sont pas plus discriminatoires envers les femmes que l’équipe de football de McGill.» prise par ses prédécesseurs d’avoir approuvé l’IGLC. «Si la décision de les approuver ou non m’était venue pendant mon mandat, je me serais posé de sérieuses questions. Mais la décision a déjà été prise par mes prédécesseurs. […] Je ne comprends pas comment on peut dire qu’on va rejeter tout groupe qui exclut une portion de la population étudiante et qu’ensuite, on les approuve s’ils nous soumettent une demande sous le nom de l’IGLC. Je crois que la IGLC est une façade pour avoir des fraternités et des sororités sur le campus.» Il maintient «qu’à ce jour», les fraternités n’ont pas causé de problèmes pour l’association étudiante: «Il y a peut-être encore des inquiétudes quant aux initiations, il faudrait peut-être s’y pencher. Mais il n’y a pas d’inquiétudes précises en ce qui les concerne. […] Ils font aussi beaucoup de bénévolat.» L’administration de l’Université McGill reste neutre dans ce dossier. Jennifer Robinson, vice-principale

associée aux communications, affirme qu’il revient ultimement à l’AÉUM de traiter avec les divers clubs sur le campus. «L’Université a une entente avec l’AÉUM. Et c’est l’AÉUM qui reconnaît ou ne reconnaît pas les groupes d’étudiants.» Cette position ne va pas sans susciter des réactions auprès de certaines fraternités et sororités de McGill. Julie Brzezinski, présidente de la sororité Kappa Alpha Theta, s’oppose à cette position. «Je n’ai jamais su que nous n’étions pas reconnus. […] Je ne sais pas pourquoi ils ne nous reconnaîtraient pas. Nous existons depuis plus de 200 ans et c’est tellement une belle opportunité. S’ils reconnaissent des équipes sportives masculines et féminines, ils devraient reconnaître nos associations.» La même comparaison fut aussi reprise par Alec Humes, président de la fraternité Zeta Psi: «Les fraternités ne sont pas plus discriminatoires envers les femmes que l’équipe de football de McGill.» Il n’a toutefois pas paru surpris de la position de l’AÉUM. «Ils ont leurs règles et je respecte ça. La reconnaissance de l’IGLC me suffit.», a-t-il soutenu. Il existe désormais toutefois une fraternité dont la position pourrait créer de nouveaux débats. En effet, la nouvelle venue à McGill Alpha Kappa Psi n’adopte pas les positions traditionnelles quant à son membership. Il reste cependant difficile de déterminer si (ou quand) cette organisation sera effectivement évaluée. Elle justifie sa décision de ne pas se joindre à l’IGLC par son désir de se démarquer des fraternités traditionnelles. Elle ne fait pas non plus partie du bottin de l’AÉUM, car bien qu’elles ne soient pas reconnues par l’Association, certaines sont parvenues à faire inscrire leurs coordonnées dans les livres de l’association étudiante. Il reste que l’évaluation du dossier d’Alpha Kappa Psi consistera peutêtre –vu son caractère particulier– en un pas de plus en faveur de la reconnaissance officielle de ce genre d’organisation à McGill. x

En couverture

xle délit | 17 janvier 2006 www.delitfrancais.com

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Les lettres grecques se refont une image Les fraternités de McGill en évolution. Marc-André Séguin Le Délit

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ouvent méconnues, ces institutions propres aux universités anglo-saxonnes nord-américaines sont vues comme des lieux de débauche pour initiés. Pourtant, à McGill, l’époque des fraternités à la Skulls&Bones est bien révolue. Finie l’ère des beuveries, des fêtes décadentes et des rivalités de clans. Bien que ce genre de stéréotype existe encore chez nos voisins du Sud, c’est exactement ce que tentent aujourd’hui de combattre les diverses fraternités sur le campus de l’Université. C’est aussi pourquoi Alec Humes, président du chapitre Alpha Psi de McGill/Concordia, membre de la fraternité internationale Zeta Psi, a d’abord hésité à accorder une entrevue au Délit, de peur de prolonger une réputation qu’il juge dépassée. «Nous n’avons pas généralement une très bonne image dans les médias», a-t-il expliqué. Aujourd’hui, ce sur quoi insistent les divers représentants de ces organisations à McGill, c’est que les temps ont bel et bien changé. Les fraternités –ainsi que leur équivalent féminin, les sororités– s’orientent davantage vers l’entraide, la rigueur académique, le bénévolat et le succès professionnel. C’est ce que soutient Julie Brzezinski, présidente de la sororité Kappa Alpha Theta: «Notre sororité n’organise pas de beuveries. Ce que nous faisons le plus, c’est organiser des soirées d’étude, des levées de fond. Nous faisons aussi du bénévolat à l’hôpital. […] Ce n’est pas du tout ce que les gens pensent. J’espère que ça change et je crois que les stéréotypes sont en train de disparaître. Cette année, le recrutement a d’ailleurs été beaucoup plus important que l’an dernier.» Alec Humes insiste lui aussi sur le caractère académique de son organisation: «Pour notre fraternité, il y a notamment des heures obligatoires d’étude». La réputation qu’ont les fraternités d’être des organisation élitiste est aussi une image que tous les représentants joints par Le

Délit cherchent à se défaire. «Nous sommes ouverts à chaque étudiant de McGill. […] Nous ne rejetons pas de personnes. Nous voulons qu’elles choisissent la fraternité ou la sororité avec laquelle elles sont le plus à l’aise», insiste Julie Brzezinski. Du côté de Humes, bien qu’il admette que ce genre de milieu «n’est pas nécessairement pour tout le monde», il affirme que ce n’est certainement pas une question d’élitisme. «Je crois simplement que certaines

de créer un environnement qui peut stimuler l’apprentissage de plusieurs sujets dans les sphères de la comptabilité, de la finance et du commerce. […] On se crée des réseaux.» Cette fraternité conserve des rites d’initiation, mais Alexandra Mouracade insiste sur le fait que ces derniers sont davantage maintenus pour assurer une meilleure dynamique de groupe entre les membres. «Nous voulons nous assurer que les gens

nous maintenons néanmoins tous les rituels qui nous unissent en tant que sororité.» Un mystère qui persiste Cela n’enlève cependant rien au mystère qui entoure traditionnellement ce genre d’institution. La plupart maintiennent des rites d’initiation fermés au public et –plus particulièrement à McGill– sont relativement difficiles à rejoindre. Les coordonnées de la majorité

bouder les registres: «Nous ne sommes pas inscrits à l’AÉUM pour des raisons administratives seulement. On ne cherche pas à être occultes», affirme-t-elle. Sur cet aspect, les personnes contactées affirment pourtant faire des efforts pour être reconnues sur le campus et chercher à maintenir une certaine visibilité. «Nous ne sommes pas exclusifs. Nous voulons que le plus de gens possible se joignent, parce que c’est tellement une belle expérience», explique Julie Brzezinski. Joindre une fraternité Ce qui peut pousser les gens à se joindre à une fraternité de nos jours? Tout d’abord, la possibilité de rencontrer des gens nouveaux, si on se fie à Julie Brzezinski. Les réseaux de personnes-ressources semblent aussi justifier l’adhésion de plusieurs. Pour Alec Humes, la multitude de services offerts par les fraternités est déterminante pour les personnes qui souhaitent y adhérer. «Avant, c’était vraiment plutôt un club privé de garçons, et il n’y avait pas vraiment de règles. Aujourd’hui, tout est beaucoup plus strict [...]. Nous n’appuyons certainement pas le bizutage. Il y a plus d’ouverture sur ce que nous tentons d’offrir aux étudiants, comme des banques d’emplois, des formations de leadership, etc. L’accent est mis sur la philanthropie plutôt que sur la fête. La mentalité à la Animal House disparaît avec les temps modernes, parce que les personnes ne cherchent plus ça. Nous sommes davantage orientés sur la vie académique», conclut-il. x

personnes ne souhaitent pas nécessairement faire partie de ce genre de groupe, et c’est un choix qui, ultimement, leur revient.» Des distinctions de plus en plus apparentes Certains vont même plus loin, en tranchant radicalement avec les caractères traditionnels des fraternités. Alpha Kappa Psi est une fraternité présente sur le campus depuis 2001. Contrairement à l’habitude, elle est mixte et compte aussi parmi ses membres des professeurs de l’Université. Alexandra Mouracade, directrice des relations publiques d’Alpha Kappa Psi,explique cette différence. «Nous, on a une mission un peu différente des autres fraternités, si je ne m’abuse. […] Notre but est

qui viennent nous voir sont là pour les bonnes raisons, vu notre spécificité. C’est aussi pour aider les gens à mieux se connaître et pour créer un esprit fraternel.» D’ailleurs, les pratiques d’initiation sont en évolution, en ce qui concerne McGill. Le bizutage semble être une pratique en voie de disparition. Julie Brzezinski, d’Alpha Kappa Theta, affirme que sa sororité est munie d’un numéro 1-800 spécifiquement désigné pour recevoir des plaintes de bizutage au sein de son organisation. «Nous sommes contre le bizutage à 100%. En ce sens, nous avons définitivement évolué pour le mieux. Mais tout ce qui a trait aux rituels n’a pas changé. Et c’est ce qui est si bien. Malgré que nous ayons évolué,

de ces fraternités et sororités ne sont plus à jour dans les registres de l’AÉUM, et certaines adresses courriel des personnes-contact inscrites sur le site Web de la IGLC –qui regroupe la majorité des fraternités de McGill [voir cicontre]– ne sont plus valides. De plus, il existe au moins une fraternité Alpha Kappa Psi, qui n’est inscrite à aucun registre et qui n’est pas membre de la IGLC. Pour Alexandra Mouracade, «Nous n’avons pas les mêmes objectifs qu’eux [les autres fraternités à McGill]. […] On ne s’identifie absolument pas aux autres fraternités de McGill. On ne voit pas pourquoi on s’identifierait aux autres fraternités plutôt qu’à toute autre organisation». Cependant, elle défend son organisation de

Contacter les fraternités grecques • IGLC : www.geocities.com/ mcgill_iglc • Kappa Alpha Theta : www. theta-mcgill.com • Alpha Kappa Psi : www. akpsi.com Certaines fraternités et sororités seront présentes à la prochaine Activities Night, le 18 janvier prochain. D’autres, comme Kappa Alpha Theta et Alpha Kappa Psi, sont actuellement en période de recrutement et ont annoncé qu’elles organiseraient prochainement diverses activités de promotion sur le campus.


délit | 17 janvier 2006 10 xle www.delitfrancais.com

Nouvelles

Une lutte à finir dans Jeanne-Le Ber

L’équipe du Bloc confiante, Liza Frulla en danger. national Hugo Lavallée Le Délit

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ous sommes vendredi matin. Il est 8h. À l’entrée de la station de métro Georges-Vanier, dans le SudOuest de Montréal, Thierry St-Cyr salue les gens qui défilent devant lui et leur distribue des feuillets sur lesquels apparaît sa photo. Pour la deuxième fois, l’ingénieur de 28 ans se présente comme candidat dans la circonscription de JeanneLe Ber sous la bannière du Bloc québécois. Si certains semblent peu enthousiastes à l’idée de serrer la main du jeune homme, d’autres s’arrêtent spontanément pour lui souhaiter bonne chance et l’assurer de leur appui. Ce genre de rencontre avec les citoyens, Thierry St-Cyr en est devenu un habitué au cours des derniers mois. Depuis le début de janvier, le candidat a même pris l’habitude de commencer ses journées à 6h30 avec la visite de stations de métro. C’est qu’il faut se lever de bonne heure pour espérer ravir cet ancien château fort libéral à la ministre du Patrimoine, Liza Frulla. En 2004, le Bloc y est presque arrivé, faisant passer la majorité du Parti libéral de 6465 voix à… 72! «Plusieurs électeurs ont été surpris [du résultat]. Certains nous ont dit, après l’élection, qu’ils auraient voté différemment s’ils avaient su que nous avions des chances de l’emporter», souligne M. St-Cyr. Anticipant déjà la prochaine occasion qu’il aurait d’en découdre avec les libéraux, l’exécutif local du parti n’est pas resté longtemps à s’apitoyer sur son sort. Au cours des derniers mois, des partisans du Bloc ont organisé de nombreuses activités de visibilité et ont multiplié les occasions de rencontrer les citoyens, alors que la ministre Frulla, retenue à Ottawa par ses fonctions, était la plupart du temps absente de la circonscription. Thierry St-Cyr n’hésite d’ailleurs pas à souligner ce manque de présence auprès des électeurs et déplore la «culture du secret» qui règne chez les libéraux. Dans plusieurs dossiers importants, indique l’ingénieur, les citoyens n’ont pas été consultés. Il cite en exemple l’avenir d’un

immense terrain autrefois occupé par un centre de tri postal que les promoteurs privés ont dans leur mire et l’implantation potentielle d’un nouveau casino. «On a besoin d’un député qui n’est fidèle qu’à ses commettants. […] Chaque fois qu’elle en a eu l’occasion, la ministre a fait passer les intérêts de son gouvernement avant ceux de ses électeurs.» Vision divergente Au téléphone, la ministre du Patrimoine et députée sortante de Jeanne-Le Ber, Liza Frulla, voit les choses d’un tout autre œil. Si elle admet que le résultat de l’élection de 2004 a surpris nombre d’électeurs, elle attribue d’abord et avant tout ce vote serré

«C’est de la grosse merde» - Liza Frulla à ses fortes majorités antérieures. «Plusieurs électeurs tenaient ma réélection pour acquise», dit-elle, en soulignant que cette quasidéfaite avait «fouetté l’ardeur» de ses partisans. L’ancienne députée provinciale souligne également avoir été très présente dans sa circonscription ces derniers mois. La ministre se dit très fière de ce qu’elle a accompli à titre de ministre du Patrimoine au cours de son dernier mandat: investissement de 950 millions $ pour le programme Un avenir en art, doublement du budget du Conseil des arts, nomination de plus d’artisans du milieu télévisuel au conseil d’administration de la Société Radio-Canada. Elle soutient quand même n’avoir pas pour autant négligé les électeurs de sa circonscription. Bien au contraire. Dans le dossier du terrain de l’ancien centre de tri postal comme dans bien d’autres, elle dit être intervenue en hauts lieux à plusieurs reprises, ce qu’un simple député de l’opposition n’aurait selon elle pas pu faire. Mme Frulla compte d’ailleurs se servir de son bilan pour convaincre ses électeurs de lui accorder à nouveau leur confiance. Exemptée par le parti de faire campagne à l’échelle nationale, elle a participé à de nombreuses activités partisanes au cours des dernières semaines. «La campagne est difficile, admetelle, mais on travaille très fort.» Le vent tourne Les libéraux avaient pourtant toujours pu compter sur l’appui

indéfectible des électeurs de Jeanne-Le Ber par le passé. C’était à une époque, pas si lointaine, où la circonscription était encore connue sous le nom très commode de Verdun–Saint-Henri–SaintPaul–Pointe Saint-Charles. Or, les choses ont changé. Les citoyens issus des communautés anglophone et allophones, qui appuyaient traditionnellement le Parti libéral, ne votent aujourd’hui plus en bloc pour un seul parti. «Nous faisons des percées dans plusieurs groupes», commente Thierry St-Cyr, en donnant comme exemples les communautés arabes et asiatiques qui apprécient, semble-t-il, les positions prises par le Bloc en matière d’immigration. Selon une organisatrice de la campagne bloquiste, la force du Bloc est d’ailleurs sa capacité à susciter l’intérêt auprès d’une foule de groupes, des étudiants aux jeunes familles, en passant par les chômeurs et les travailleurs à faible revenu. Le Parti libéral, quant à lui, mise maintenant essentiellement sur les personnes âgées, dit-elle. Perception contraire Les percées du Bloc au sein des communautés culturelles, Liza Frulla, elle, n’y croit pas. «C’est de la grosse merde», s’exclame-t-elle spontanément lorsqu’on aborde le sujet avec elle, avec une vulgarité

qu’on ne lui connaissait pas. La ministre semble même voir dans les manifestations d’appui de certains groupes issus de l’immigration au Bloc québécois un complot des souverainistes visant à manipuler les médias. Questionnée à ce sujet, elle décrit la stratégie du Bloc en ces termes: «Tu prends une trentaine de personnes [issues de l’immigration], tu fomentes, t’exacerbes les tensions, tu montes des manifestations. Les médias sont là et ils disent: “Voilà, les communautés culturelles sont avec le Bloc.” […] Je trouve ça insultant, je trouve ça révoltant.» Selon Liza Frulla, il est difficile de croire que des immigrants puissent appuyer un mouvement souverainiste: «On ne quitte pas son pays, avec tout ce que ça veut dire en termes de déchirures […] pour accepter l’insécurité [une fois arrivé dans un autre pays].» Si elle concède que plusieurs jeunes sont tentés par le projet des souverainistes, «dans la foulée de vouloir faire partie d’un mouvement», elle estime toutefois que nombre d’entre eux, «quand [ils] commencent à avoir des acquis», changent d’idée. Parce que, dit-elle, avec la souveraineté, «on offre une supposition. […] Supposons que ça aille bien. Supposons qu’on s’entende bien avec les autres provinces.

Supposons que les autres pays nous reconnaissent». Montée des conservateurs Si la possibilité que le Parti conservateur forme le prochain gouvernement n’émeut guère Thierry St-Cyr, elle inquiète au plus au point Liza Frulla. «On ne le voit pas, le vrai visage des conservateurs en ce moment», dit-elle, en rappelant qu’une fois au pouvoir, Stephen Harper ne pourra pas faire fi de la volonté de sa base militante. Or, poursuit la ministre, les idées de cette base–qu’elle qualifie de «conservatrice, dans ce qu’elle a de plus à droite, de plus américain»– entreront inévitablement en conflit avec celles des Québécois, ce qui pourrait mener tout droit à la tenue d’un autre référendum. Cela la préoccupe d’autant plus qu’on «n’est plus à l’époque de René Lévesque. […] Le cocktail est plus explosif [aujourd’hui]», affirme-telle, soulignant «l’agressivité sans limite de Gilles Duceppe». Résultats serrés Il y a donc peu de choses sur lesquelles s’entendent bloquistes et libéraux dans Jeanne-Le Ber, si ce n’est que la lutte sera serrée jusqu’à la fin. Le résultat dépendra donc en bonne partie de la capacité de chacun des partis à faire sortir le vote le 23 janvier. x


Nouvelles

xle délit | 17 janvier 2006 www.delitfrancais.com

La soirée des élections sera longue Des luttes serrées s’annoncent partout au Québec. national Hugo Lavallée Le Délit

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a lutte serrée dans Jeanne-Le Ber (voir ci-contre) n’aura rien d’exceptionnel cette année à Montréal. En effet, nombre de circonscriptions qui étaient naguère acquises aux libéraux pourraient maintenant leur glisser entre les doigts. C’est notamment le cas dans Papineau, où la candidate Vivian Barbot tentera de défaire le ministre libéral Pierre Pettigrew; dans Bourassa, où une coalition contre la réélection de Denis Coderre a vu le jour début janvier; et dans Outremont, où l’ancien ministre péquiste Jacques Léonard et le coloré professeur d’université Léo-Paul Lauzon tenteront de défaire le libéral Jean Lapierre. Les circonscriptions libérales de Ahunstic et Honoré-Mercier seront également à surveiller, car elles pourraient aussi passer aux mains du Bloc québécois. Quant à celle de LaSalle–Émard, qui est représentée par Paul Martin luimême depuis maintenant plus d’une décennie, les bloquistes nourrissent un peu d’espoir, bien que les libéraux affirment qu’il est impossible qu’elle leur échappe. Ailleurs dans l’île de Montréal, les libéraux devraient conserver, selon toute vraisemblance, leurs châteaux-forts de l’Ouest (Notre-Dame-de-Grâce–Lachine, Pierrefonds–Dollard, Mont-Royal, Saint-Laurent–Cartierville et LacSaint-Louis), de même que la circonscription de Westmount– Ville-Marie, qui englobe le campus principal de l’Université McGill. Le verdict est semblable pour SaintLéonard–Saint-Michel, où le Parti libéral jouit habituellement du fort appui de la communauté italienne. Le Bloc québécois, quant à lui, devrait pouvoir conserver sans problème les circonscriptions de Laurier – Sainte-Marie, Hochelaga, Rosemont–La Petite Patrie et La Pointe-de-l’Île, qu’il a toutes remportées avec des majorités d’au moins 20 000 voix lors de la dernière élection. En banlieue de Montréal, il faudra surveiller les deux seules circonscriptions qui n’avaient pas voté majoritairement pour le Bloc québécois en 2004, soit celles de Brossard–La Prairie et Laval– Les Îles, car elles pourraient elles aussi échapper aux libéraux le 23 janvier. Dans le reste du Québec, on prévoit des luttes serrées en

Outaouais, en Beauce et à Québec, toutes des régions où le Parti conservateur espère faire des gains. En effet, dans la circonscription de Gatineau, Hull–Aylmer et surtout dans celle de Pontiac, le parti de Stephen Harper pourrait faire des percées, ou à tout le moins gruger des votes aux autres partis. Personne ne peut toutefois prévoir si les conservateurs seront capables de faire élire des candidats et, sinon, quel autre parti bénéficiera de la division des votes entraînée par la remontée –même modeste– des conservateurs. En effet, si certains prétendent que les conservateurs diviseront le vote de protestation envers les libéraux en favorisant, ironiquement, ces derniers, d’autres estiment que la remontée des conservateurs favorisera surtout le Bloc en divisant le vote fédéraliste. Dans l’Est du Québec, où la même analyse s’applique, il faudra voir si la déclaration de Mario Dumont fera mouche et si les conservateurs réussiront à s’imposer dans les circonscriptions de la Beauce, Lotbinière–Chutes-

de-la-Chaudière et Louis-SaintLaurent. Finalement, notons que les conservateurs les plus enthousiastes voudront sans

Si la tendance se maintient, la Rédaction prédit que nous ne parlerons pas des élections la semaine prochaine. Alléluia!

doute jeter un coup d’œil aux résultats dans Montmagny–L’Islet– Kamouraska–Rivière-du-Loup, Rimouski–Neigette–Témiscouata–

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Les Basques, et Beauharnois– Salaberry où ils espèrent marquer des points malgré des résultats peu encourageants en 2004. x

Hugo Lavallée


Arts&Culture Histoire d’une ville des préjugés sociaux délit | 17 janvier 2006 12 xle www.delitfrancais.com

Beaver nous raconte l’histoire de son enfance poignante au Théâtre La Licorne. théâtre Émilie Beauchamp Le Délit

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erdu? Déprimé? Réconfortez-vous, au moins vous n’êtes pas à Timmins! Car dans cette ville minière du Nord de l’Ontario, là où il peut neiger même en juillet, il est difficile de s’en sortir. C’est au Théâtre La Licorne, jusqu’au 4 février, que Béatrice, qui deviendra Beaver, nous raconte l’histoire de son enfance poignante au creux de cette ville glacée. Béatrice n’a que douze ans lorsque sa mère se suicide. Entourée d’un père alcoolique, de ses deux tantes névrosées, l’une prostituée et l’autre vieille fille, d’une amie pyromane et d’un froid de plus de quarante degrés Celsius sous zéro, elle devra faire son deuil seule. C’est pourquoi, peu à peu, elle devient Beaver, sobriquet qu’elle se dédit elle-même, mais aussi symbole de la carapace qu’elle crée autour d’elle en grandissant dans cet univers qui ne veut que l’étouffer. Certains crieront à la tragédie, mais les didascalies de la pièce nous font plutôt pleurer de rire que de tristesse. Car Claudia Dey, auteure originale, a mis l’accent sur

l’ironie et le sarcasme pour faire passer son message. Message qui, d’ailleurs, n’en est pas un de désespoir, comme on aurait pu le croire, mais plutôt d’espoir, comme quoi la fatalité n’a pas toujours le dessus sur la vie. Simple complexité, voilà ce qui définit la pièce sous toutes ses coutures. Adaptée de l’anglais, puis mise en scène par Philippe Lambert, cette tragi-comédie ne fut point aisé à monter. Les expressions, qui souvent n’avaient aucun sens en français, doublées du jargon typique du Nord de l’Ontario, se sont avérées un vrai casse-tête à mettre en scène. Voilà pourquoi, derrière les rideaux, on parle de vrai travail de génie de la part de Lambert. Vient s’ajouter aux difficultés une équipe de huit comédiens, relativement jeunes sur les planches, mais ô combien compétents, à diriger. Sur ce, il est approprié de mentionner les étonnantes performances de Brigitte Lafleur en Béatrice/Beaver traumatisée puis guérie, et d’Alexandrine Agostini en tante conservatrice, frustrée et résolument délirante! À travers ces personnages singuliers, on découvre lentement ce qu’est la vie dans l’oppression de la petitesse d’une ville comme Timmins, surtout lorsque notre parenté est plutôt dérangée (et dérangeante). Bien que de nos jours, Timmins soit bien moins écorchée, ce fut une ville centrée sur les mines et isolée

Béatrice se transformera sous vos yeux en Beaver dans la pièce éponyme présentée au Théâtre La Licorne. gracieuseté d’Urbi et Orbi

par le froid et la distance pendant les années 70. Souvent, les gens faisaient ce qu’ils pouvaient et non ce qu’ils voulaient et rares étaient ceux qui s’échappaient de la cité. C’est là où réside la fatalité de Béatrice et de sa famille. Fatalité qui est moindre de nos jours alors que plusieurs délaissent Timmins pour aller chercher la gloire en ville, Shania Twain étant première parmi eux! La pièce nous amène des dialogues crus,

mais vrais, voilà ce à quoi l’on est exposé. De l’humour, oui, du sarcasme, encore plus! Alors que l’on pense que ce pourrait être plus dérangeant qu’inspirant, la pièce se métamorphose et il en ressort une certaine poésie. Littéralement, les figures de styles s’empilent dans le texte, surtout les jeux de mots et les rimes, ce qui rend l’écoute bien plus intéressante et qui fait que les blasphèmes écorchent moins l’oreille. Bref, une pièce agréable et divertissante, mais manquant un tantinet de centralité. En effet, ce serait plutôt l’histoire d’une ville et non d’une fille qui y est racontée et, malgré tout le froufrou autour du personnage principal de Beaver, on se rend compte que le rôle n’est pas si indispensable. Dans ce sens, les rôles secondaires ne tournent pas autour du personnage central, mais plutôt le contraire! Donc, on en apprend autant sinon plus sur les motivations de ses tantes ou de son père que sur celles de Béatrice, ce qui a la fâcheuse conséquence que certains de ses gestes restent peu compris et que certaines scènes semblent plutôt vaines. Malgré tout, Beaver est une pièce intéressante et comique, alors si vous traînez par hasard sur le Plateau avec quelques sous en poche, Beaver est la meilleure opportunité qui se présente à vous! x Beaver est présentée au Théâtre La Licorne (4559 av. Papineau, du 10 janvier au 4 février. Pour plus d’information : (514) 523-2246 ou

La Seine «pausée» sur scène Trois secondes où la Seine n’a pas coulé interprétée par Geneviève Martin se joue maintenant au Théâtre d’Aujourd’hui. théâtre Lucille Hagège Le Délit

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ans que personne ne le remarque, la Seine, fleuve parisien jusqu’alors intarissable, s’arrête soudainement de couler pendant exactement trois secondes… pour faire un rêve. C’est ce bref voyage imaginaire que nous conte l’auteur Larry Tremblay dans cette jolie pièce où l’on navigue dans les eaux confondues de la poésie et du théâtre. Une seule actrice, la belle Geneviève Martin, incarne le fleuve lui-même ainsi que tous les autres personnages de la pièce. Son récit est rythmé par la musique des mots mais aussi par le langage du corps, des couleurs et des formes. Le résultat est un concentré de beauté, la narration

stylisée d’un poème où chaque mot éclate de simplicité. Larry Tremblay, dramaturge, poète, comédien et metteur en scène, est l’auteur de plus d’une vingtaine d’oeuvres, dont The Dragonfly of Chicoutimi et Le Ventriloque. Lors d’un congé à Paris, il s’installe dans un appartement d’où il voit couler la Seine. C’est là qu’une lettre à une amie se transforme soudain en un dialogue entre ce fleuve, la Vérité et un jeune couple qui se découvre tapis derrière un framboisier. En écrivant Trois secondes où la Seine n’a pas coulé, Larry Tremblay dit que «le texte m’est venu doucement, sans effort. Je me suis laissé aller à la musicalité des mots.» Dans un style en effet inimitable, l’esthétique de l’écriture semble prendre précédence sur la narration elle-même. Mais comme Larry Tremblay est également un maître de la gestuelle (il a étudié la danse katakhali en Inde), le poème, qui aurait pu devenir difficile à suivre, prend vie sur la scène grâce à la chorégraphie qui raconte elle aussi une histoire. Avec un visage en tranche de lune et une interprétation aussi sensible que sensuelle, l’actrice Geneviève Martin gagne le pari ambitieux de la toute jeune compagnie Microclimat Théâtre, celui de «déstabiliser» les voies théâtrales.

Geneviève Martin porte seule le fardeau de la scène dans Trois secondes où la Seine n’a pas coulé. Mathieu Rivard

En effet, la compagnie sollicite le poème de Larry Tremblay en 2005 dans l’effort d’explorer un théâtre poétique et ludique en se basant sur «les paysages des corps et des mots.» Ce duo né de la complicité de Marie-France Goulet (mise en scène) et Geneviève Martin aimerait «faire l’éloge du petit, du précis, de la poésie, de la vie; insuffler à l’énergie des imagespaysages pour créer des tableaux du monde.» Les deux femmes ont

longtemps exploré la frontière entre le théâtre et la danse (l’une inspirée par l’Inde et l’autre par le Japon) et elles s’unissent maintenant pour répondre à la déroutante question: comment mettre en scène et interpréter la poésie? Car attention! Elles ne voudraient surtout pas se cantonner à la simple illustration des poèmes par le mouvement et la musique, une approche qui, selon elles, est redondante. Elles cherchent plutôt à mettre en scène

un corps poétique qui garde sa propre résonance. Trois secondes où la Seine n’a pas coulé est leur premier spectacle, un début remarquable pour cette compagnie qui n’a pas peur de se mouiller les pieds. x Trois secondes où la Seine n’a pas coulé sera présentée jusqu’au 28 janvier au Théâtre d’Aujourd’hui (3900, rue Saint-Denis). Pour plus d’information et réservations: (514) 282-3900.


Arts&Culture

xle délit | 17 janvier 2006 www.delitfrancais.com

Fous d’un soir Encore une fois, un théâtre expérimental exceptionnel à l’Espace Libre… théâtre Émilie Beauchamp Le Délit

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’Espace Libre nous présente encore une fois un théâtre expérimental exceptionnel, affichant pour l’occasion du début de l’année 2006 le programme Pleins feux sur…, un méli-mélo de soirées ethniques pour lesquelles le thème varie autant que les comédiens! L’Espace Libre s’est offert tout un programme pour ce début d’année! Mais avant d’en rajouter, il faut d’abord expliquer ce concept un peu nébuleux que le Nouveau Théâtre Expérimental (NTE) (Daniel Brière et Alexis Martin) a décidé d’explorer. Partant du fait que la télévision est devenu un média monopolisé, les deux codirecteurs artistiques ont voulu revisiter le concept de la télé communautaire. Donc, on transforme la scène en un simili plateau de tournage où caméras (fausses, malheureusement) côtoient directeurs de plateau et

acteurs (tous des comédiens, bien entendu). Et pour finaliser le tout, la Nouvelle télé communautaire de Montréal, ainsi que fut baptisée la pièce, se fixe le but de redécouvrir les communautés ethniques de Montréal, encore bien trop discrètes pour certains. Ce mélange inusité d’idées et de concepts peut avoir l’air un peu désorganisé, mais ces soirées de télé sont divisées en trois sections claires, deux séances chacune, qui donnent la parole à de différentes communautés. Premiers soirs: la communauté haïtienne, la soirée à laquelle j’ai assisté. Dès le départ, la elle promet… Avec une distribution aussi époustouflante que Didier Lucien en intellectuel renommé mais plutôt lent, Angelo Cadet en danseur de «compas» stylé et vaniteux, Frédéric Pierre en joueur de clavier maladroit et Joujou Turenne en linguiste surexcitée, beaucoup était à espérer. Et, en effet, ils ne nous ont pas déçus! Notons que l’idée de Pleins feux sur… s’inspire des feues émissions du Canal 10 Les Soirées canadiennes, durant lesquelles les

Didier Lucien s’est éclaté à l’Espace Libre ces vendredis et samedis derniers en tant que représentant de la communauté haïtienne montréalaise. Gilbert Duclos

producteurs allaient dans les villages du monde rencontrer les gens et les autres cultures. Pour les deux prochaines sections, la communauté vietnamienne, dont Huy Phong Doan et Katherine Granger, vient nous expliquer ce qu’est la vie à Montréal pour eux le 17 et 18 janvier. Ensuite, nous

ferrons place aux Bulgares, Peter Batakliev premier en liste, pour le 20 et 21 janvier. Dans chaque cas sont explorés les thèmes de la nostalgie du pays, de l’intégration au peuple canadien, de la mémoire collective et de la solidarité qu’un exil amène. Must de la soirée: la chronique culinaire! Dès que l’émission

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se termine, les spectateurs sont cordialement invités à goûter et partager cette cuisine avec les comédiens. Vous vivrez à chaque soir les discussions enflammées des différents groupes ethniques et accompagnerez les acteurs dans leurs oublis de texte, maladresses musicales et n’oublions pas les pauses publicitaires. Bien sûr, on pourrait croire à une certaine part d’improvisation parfois… ce qui ne serait pas surprenant compte tenu du bagage expérimental des comédiens. Malgré quelques longueurs dans le cas de la soirée haïtienne, le tout est une réussite phénoménale. Le NTE reviendra faire des siennes au mois de mai, présentant Grid, une exploration du thème des réseaux: que sont les réseaux? À quoi servent-ils? Dans tous les cas, le NTE explore constamment de nouvelles facettes du théâtre expérimental. À voir, si l’on tient à ne rien manquer de la saison d’hiver, autant pour les débutants que les connaisseurs de l’expérimental, le NTE étant un incontournable. x La Nouvelle télé communautaire de Montréal est à l’affiche à l’Espace Libre jusqu’au 21 janvier. Pour plus d’information: (514) 521-4191 ou www.nte.qc.ca.

l’aventure du vin

Bordeaux et ses mille visages si on sait attendre. Il est difficile de faire un simple survol de la région bordelaise sans faire outrage à la diversité de cette région prolifique. Cinquantequatre appellations tapissent l’ensemble de Bordeaux, qui sont autant de terroirs distincts et de vins différents.

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ordeaux, c’est des kilomètres de vignobles splendides qui jouissent d’un climat presque parfait sur la côte sudouest de la France. Sa réputation n’est plus à faire, avec dans le vent les noms de ses illustres châteaux à faire rêver: Pétrus, Haut-Brion, Margaux, Lafite… C’est la région par excellence de la France qui a fait son nom depuis des centenaires dans le monde entier. Elle nous offre une magnifique carte des vins, très diversifiée et toute en profondeur, mais qui ne réjouira pas l’impatient. Car la majorité de ses vins, comme la rose du Petit Prince, gagnent à se faire attendre. Dix ans, parfois vingt, séparent la vendange du point de maturité. Il y a loin de la coupe aux lèvres, mais Bordeaux ne laisse jamais insatisfait

Le mythe des châteaux En regardant une carte détaillée de Bordeaux, on serait de prime abord surpris d’y découvrir des centaines de châteaux, qui donnent tous leur nom à un vin. Bordeaux recèle il est vrai une histoire très riche avec ses châteaux, qui présentent notamment un intérêt architectural qui s’étend sur sept siècles. Mais en réalité, l’organisation de type féodale des vignobles en «châteaux» ne s’est pas développée avant le 17e siècle, alors que les preux chevaliers et les barbares avaient depuis belle lurette plié bagages… De ces châteaux, bien qu’ils tiennent leur origine du système féodal, on n’a retenu que l’habitude de les désigner par leur cru (venant du verbe croître, ce mot signifie qu’un vin est issu d’un terroir spécifique, qu’il a «crû» sur les terres de St-Émilion, par exemple). Les châteaux de Bordeaux sont donc les premières assises de la conception géographique ou territoriale du vin en France. Le classement en «cru» En lisant quelques étiquettes de vin de Bordeaux, vous avez peut-être eu l’occasion de

voir des appellations comme «grand cru classé» ou «premier cru». C’est qu’il existe en Bordeaux un classement des vins, en cinq catégories, dont on s’était servi pour présenter dans l’ordre qualitatif les vins bordelais à l’Exposition universelle de Paris de 1855. Ce classement a depuis été conservé et l’on retrouve encore sur les bouteilles la mention de ce classement pourtant archaïque. Unique à Bordeaux, ce classement n’est pas sans susciter de vives oppositions puisque, nul besoin de l’expliquer, beaucoup de choses ont changé depuis. Ce classement place en ordre décroissant les principaux châteaux de Bordeaux en cinq catégories, ou crus. On reconnaîtra dans les «premiers crus» les châteaux Lafite, Margaux, Latour, Haut-Brion, et, depuis peu, Mouton-Rothschild, faisant d’eux les bordeaux les plus prestigieux. Leurs noms ne vous sont peut-être pas étrangers, puisqu’ils sont dans l’air, mais rarement sur les tables vu leur rareté. Puis se décline la nomenclature des 54 autres châteaux dans les seconds crus, troisièmes crus et suivants. Les Français n’étant pas chiches de hiérarchie, ce classement laisse ensuite sa place aux «crus bourgeois», puis, de gamme inférieure, aux «crus artisans». Nul besoin de connaître plus en profondeur ce classement. Il n’importe que de retenir que ces classements datent d’une autre époque où l’on croyait que toute chose devait s’insérer dans une hiérarchie. L’encépagement S’il ne devait y avoir qu’une chose que

vous puissiez retenir de Bordeaux, que ce soit sont encépagement qui est typique, symbole de succès, et copié à travers le monde. En général, tous les vins de Bordeaux rouges sont issus d’un assemblage de plusieurs cépages. Ce qui plaira à ceux qui ont une petite mémoire, c’est que c’est le même assemblage dans toute la région (sauf à St-Émilion et en Pomerol, mais nous y reviendrons), soit du cabernet sauvignon, cabernet franc et merlot. Comme si on y avait trouvé la recette magique, tout Bordeaux se décline sur cette racine. Cela veut-il dire que tous les vins de Bordeaux goûtent la même chose? Hélas non! Vous oubliez que c’est le terroir qui fait le vin en France, et en Bordeaux plus que partout ailleurs! Chacune des sept régions bordelaises jouit d’un climat particulier grâce, notamment, aux trois fleuves qui y coulent : la Gironde, la Garonne et la Dordogne. Il s’y dévoile un nouveau visage à chaque détour de colline et sur chaque versant d’une vallée. Heureusement pour le buveur et malheureusement pour l’élève, aucune région n’a son pareil. La semaine prochaine : la rive gauche bordelaise. x

Flora Lê Questions et commentaires? flora.le@mail. mcgill.ca


délit | 17 janvier 2006 14 xle www.delitfrancais.com

Arts&Culture

Kaléidoscope anatomique

Art en bref Trois expositions, trois artistes et trois démarches différentes… arts visuels Ynès Wu Le Délit

À

sept degrés Celsius, 14h35 le 14 janvier, la pluie se métamorphose en grêle sur les rues montréalaises. En cherchant refuge, je me retrouve de nouveau au 372 rue St-Catherine, 4ième étage, dans le simple confort d’être entourée d’œuvres d’art. Voici quelques expositions qui valent bien une petite visite malgré ce temps de chien.

L’artiste crée un style unique, par les formes et textures, grâce à une technique personnalisée qui fait appel à l’utilisation de divers médiums, notamment l’aluminium, le papier et le plexiglas. Au lieu d’adopter le pinceau traditionnel, il opte pour des outils différents qui incluent spatules et clous. Dans Exorcisme, «le noir trace la trame de fond» des œuvres avec des soupçons de rouge vif. Selon Matéo, «le noir appliqué sur fond blanc apporte des contrastes qui soutiennent une dualité en participant à la rencontre entre l’abstrait et le figuratif». Des multiples couches de peinture, de gribouillage et de grattage confèrent aux œuvres un esthétisme sérigraphique et leur donnent le caractère cru et franc qui domine l’art d’aujourd’hui. Jusqu’au 20 janvier.

Galerie I Centre d’exposition CIRCA : Les Circuits lapidaires de Claude Mongrain Les Circuits lapidaires est une installation de l’artiste Claude Mongrain, dont les œuvres font entre autres parties des collections du Musée d’art contemporain de Montréal et du Musée des Beaux-arts de Montréal. Sculpteur actif depuis le début des années 70, Mongrain crée pour Les Circuits lapidaires des œuvres qui tentent de donner forme et structure à des pierres qui auraient été autrement simplement amorphes. Bien que Les Circuits est loin d’être une des installations les plus intéressantes ou originales, Mongrain parvient néanmoins à prouver que même les éléments les plus banals peuvent être reconstitués et retransformés en quelque chose qui sort de l’ordinaire.

La projection La Marche illustre une multiplication de personnages humains avançant malgré des contorsions impossibles. Mathieu Ménard

Entre les mains de Philippe Girard, le dessin prend vie en une série de mutations humaines curieusement élégantes. arts visuels Mathieu Ménard Le Délit

L

’animation est une forme d’expression artistique offrant des défis particuliers. Jonction du dessin, du mouvement et du temps, cette technique peut tout autant être narrative que purement visuelle. Dans le cas de l’exposition D’un appétit sans fin, les deux projections explorent la représentation humaine sous une optique contradictoire. La première animation, intitulée La Torsade, a la forme d’un petit ovale. Au coup d’œil initial, on reconnaît à peine une forme humaine. Pourtant, au fur et à mesure que l’on réussit à décoder les mouvements, c’est sans difficulté que l’on voit apparaître des articulations. Les gestes, par la superposition de lignes et par la symétrie, font penser à un jeu de kaléidoscope. De temps en temps, le «pantin» demeure fixe, laissant au spectateur l’occasion d’admirer les monstrueuses contorsions. La seconde animation, intitulée La Marche, est comparativement gigantesque: elle occupe un mur entier de la petite salle d’exposition de la galerie. Le personnage déformé marche tranquillement d’un coin à l’autre de l’écran. Au fur et à mesure que la projection continue, il est rejoint par une infinité de doubles, comme un troupeau de mutants traversant l’écran. Ainsi que le fait remarquer l’historien Jean-Émile Verdier,

il y a une contradiction amusante du fait que le personnage, tout en «avançant» (c’est-à-dire qu’il progresse dans l’ordre de lecture habituel, de gauche à droite), regarde constamment derrière lui en raison de la position inusitée dans laquelle il se trouve. L’apport sonore est aussi à noter pour La Marche: deux haut-parleurs diffusent une sorte de battement sourd, ralenti, un écho accompagnant le défilé de personnages. Cette touche quasi-hypnotique contribue à renforcer la qualité étrange des pantins, le côté méthodique de la marche. Autant les déformations de La Torsade ont l’aspect d’une danse délicate, autant La Marche a quelque chose de laborieux. En bref, la double projection D’un appétit sans fin vaut le détour pour les amateurs d’animation et pour ceux qui s’intéressent aux possibilités de la figuration humaine. Dans la même galerie est aussi présenté Le Bruit du planeur de Clément de Gaulejac, installation multidisciplinaire inspirée par l’explosion de la navette Challenger. Sculptures par moulage, éléments graphiques (flèches géantes sur roulettes), projection vidéo, éléments sonores, masque utilisé dans une performance: le projet est ambitieux, tout comme la réflexion sur le statut de l’artiste. x

Galerie [sas] : Exorcisme de Matéo M.

L’exposition D’un appétit sans fin de Philippe Girard est présentée à la galerie B-312 (372 Sainte-Catherine Ouest, #403) jusqu’au 11 février, du mardi au samedi, de 12h à 17h.

Le centre d’exposition CIRCA et la galerie [sas] se trouvent au 372 rue St-Catherine, espace 444 et 416 respectivement. Pour plus d’information: www.circa-art.com et www.galeriesas.com.

Jusqu’au 11 février.

Galerie II Centre d’exposition CIRCA : Pot-pourri de Mathieu Latulippe

À travers ses œuvres, Matéo, artiste d’origine marseillaise, essaye de peindre sa version d’un exorcisme… Et quelle création fougueuse et passionnée réussit-il à réaliser! L’exorcisme sous-entend démons et, ces démons de Matéo, c’est la fuite des moments vécus, le déroulement inévitable du temps. C’est aussi la métamorphose du corps et de l’âme en de fins contours qui se perdent petit à petit dans l’arrière-plan d’un chaos quotidien. Les œuvres de Matéo fascinent leurs spectateurs par le mélange d’angoisse, de malaise et de rage qui s’en dégage.

Avec le Pot-pourri de Mathieu Latulippe, étudiant en arts visuels et médiatiques à l’UQAM, il s’agit d’un sabotage des codes auxquels nos cinq sens sont habitués. Avec humour et ironie, l’artiste réussit, selon le Centre d’exposition CIRCA, à nous surprendre dans notre «manie de vouloir tout comprendre instantanément». Pot-pourri est une installation qui donne l’impression d’être une exposition conventionnelle, avec «des tableaux accrochés aux murs, des sculptures posées sur des socles et un téléviseur diffusant une vidéo d’art». Cependant, tout s’avère plutôt trompeur et il faut s’attendre à voir ou sentir une autre dimension même dans les éléments les plus évidents. Pot-pourri est un petit jeu de magie bien mignon qui garantit un sourire à la sortie. x Jusqu’au 11 février.

Photos de l’exposition Exorcisme, Mathieu Ménard


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xle délit | 17 janvier 2006 www.delitfrancais.com

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Le regard des jeunes: des surprises et du talent! Le festival YoungCuts présenté au Cinéma du Parc détonne par son originalité et son esprit décalé. cinéma Karin Lang Le Délit

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e festival YoungCuts, c’est avant tout l’occasion pour les jeunes talents d’aujourd’hui de s’exprimer et de produire des œuvres visuelles étonnantes par leur message et leur contenu. Si, comme le dit Louise Kierans, présidente du festival, plus d’un millier de jeunes producteurs se sont mis à l’ouvrage, tous ne peuvent malheureusement pas être finalistes. L’objectif reste pourtant le même: aider les participants à aller jusqu’au bout de leur rêve et avoir la chance de présenter leur œuvre devant un public large et varié. Ce que nous propose le Cinéma du Parc ce mardi 17 janvier, c’est une sélection de quelques courts métrages présentés au festival YoungCuts 2005. Rien n’égale la diversité et la profusion d’inspiration des jeunes

d’aujourd’hui. Autant en profiter pour combiner dans une seule et même projection des thèmes comme l’euthanasie, la sciencefiction, la dépression adolescente ou la diversité culturelle. Les images perturbantes, les messages déconcertants ou le défilé de scènes étranges font intrinsèquement parties de cet assortiment visuel. Pour vous donner brièvement une idée de ce qui vous attend, il y aura entre autre 7.6.2.3, cette histoire de tremblements de terre qui semblent arrêter le temps et l’âge d’une jeune fille qui joue à la corde à sauter devant chez elle. Suite à ces catastrophes naturelles, toute une population bizarroïde prend vie et se déclare les «choisis par Dieu». Le parallèle entre les illuminés d’aujourd’hui et ces individus fantomatiques n’est que très légèrement caché par le genre «science-fiction» que le court métrage décide de prendre. Un autre court métrage dans un style très différent est celui de Calendar Leaves. Il est ici question

L’équipe de production du film Calendar Leaves a reçu le prix du meilleur film chez les 19 ans et moins. gracieuseté de YoungCuts 2005

d’un jeune garçon que l’on rencontre dans un cimetière en train de regarder la tombe de sa petite amie récemment décédée. Grâce à un travail cinématographique remarquable, un malaise s’installe immédiatement chez le spectateur lorsqu’il prend conscience que personne ne semble se rappeler de l’existence de la jeune femme. Le doute et la tension nerveuse finissent par dominer et il est tout à coup pratiquement impossible de distinguer le vrai de l’imaginaire. Outre cela, In A Perfect World

calendrier culturel

Du 17 au 24 janvier Bénévolat • La foire aux bénévoles – rencontre avec plus de 40 organismes de bénévolat locaux – organisé par L’AEUM – jeudi 12 janvier – 10h à 14h – Salle de bal du pavillon Shatner

Revues • Canvas – Revue d’histoire de l’art de McGill – Recherche articles (critiques d’expositions, d’art, essais personnels) et créations originales (photos, peintures, etc.) pour leur prochain numéro – envoyer toutes soumissions à ahsajournal@gmail. com avant le 31 janvier • Expressions – Revue de l’association nationale des étudiants de sciences politiques – Recherche des travaux d’étudiants ayant reçu une note d’au moins A- – Envoyer toutes soumissions à cpssajournal@gmail. com • Revue de sciences politiques de McGill – Recherche des travaux d’étudiants ayant été écrit dans le cadre d’un cours undergraduate pendant l’année 2005 – travaux de 10 à 20 pages d’une note d’au moins A– Envoyer à mjps2006@gmail.com et déposer une copie papier au LEA 523 avant le 1er février

Cinéma • À bout de souffle (1960) – Jean Luc Godard – sous-titres anglais – présenté par le Réseau des francophiles – mercredi 18 janvier – 16h30 – pavillon Shatner, salle B-30 Lectures publiques • Invented Pieties: The Revival of Shi’ite Shrines in Contemporary Syria – Yasser Tabbaa (Oberlin College) – présenté par L’Institut d’études islamiques – mardi 17 janvier – 15h – Morrice Hall, salle 23 • The Rise and Fall of Moshe Sharett: Israel’s Diplomatic and Military Neil Caplan Options, 1953-57 – (Université Concordia) – présenté par le département des Études du MoyenOrient – vendredi 20 janvier – 15h30 à 17h – www.mcgill.ca/icames Musique • Botzini Quartet – présenté par la Société de musique contemporaine du Québec – Mardi 17 janvier – 20h – Redpath Hall – (514) 398-4547 • Allegra – Série Musique de chambre – jeudi 19 janvier à 20h – Redpath Hall – (514) 935-3933

vous emmènera dans le monde superficiel de la mode et des défilés. Banana Bread est un documentaire percutant sur le fait d’être «catapulté» dans une nouvelle culture. Gray Christmas, quant à lui, est une satire moderne de la sérénité du temps des Fêtes. Incontestablement, les courts métrages ne sont pas accessibles et compréhensibles à tous. La tournure d’esprit des producteurs et l’originalité parfois poussée à l’extrême peuvent dérouter le spectateur peu habitué. YoungCuts

semble toutefois vouloir rendre ce domaine du cinéma, bien qu’encore très réservé aux initiés, beaucoup plus abordable. Il faut certes être prêt à s’étonner, à se laisser aller, et l’imagination fera le reste. Le spectacle en vaut la peine tant il est possible de sentir le travail artistique transparaître derrière la plupart des courts métrages présentés. x Pour plus d’information: www. cinemaduparc.com.

les rêveries du lecteur solitaire

«Ceci tuera cela»

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es lecteurs de Victor Hugo auront reconnu dans ce titre une citation tirée de Notre-Dame de Paris, qui ouvre le chapitre dans lequel l’auteur professe la disparition prochaine de l’architecture monumentale. Les monuments ont pour fonction de glorifier Dieu et son image, l’homme. Or, ce but est partagé avec la littérature et, comme celle-ci se répand à toute vitesse à travers une France où l’éducation publique fleurit, elle supplantera bientôt l’architecture. Cette supplantation a, du moins dans une certaine mesure, eut lieu, pour le bonheur de tous: il est en effet ardu de se balader avec la cathédrale de Reims ou la tour de Pise en poche. Si j’actualise les paroles du grand Hugo, c’est que la lecture de La Littérature par elle-même (que j’abordais dans ma dernière chronique sous forme de compte-rendu) m’a fait comprendre qu’aujourd’hui c’est au tour de la littérature de se faire supplanter, mais cette fois par le livre lui-même. Le livre est marchandise; normal, il l’a toujours été. Mais jadis (jusqu’à il y a à peine trente ans), le livre était vendu comme contenant littéraire, on l’achetait donc pour son contenu. Aujourd’hui, le livre est vendu comme produit dérivé, bien souvent d’un auteur ou d’une personnalité dont nous rêvons de nous approprier le vécu. Dès lors, seul le nom sur la page

couverture compte, même lorsque ce n’est pas celui de l’auteur. Car à côté des phénomènes d’écrivains stars, comme par exemple Amélie Nothomb ou Marie Laberge (dont le nom seul ferait vendre le catalogue Ikea hiver 2006, si elle le signait), il y a celui des non-écrivains: Nathalie Simard, Jacques Demers, les filles Hilton… Et même lorsqu’on sait pertinemment que c’est Michel Vastel qui a écrit la biographie de la «p’tite Simard», c’est tout de même à elle que l’on demande la dédicace. Après tout, c’est d’elle dont le produit dérive. Précipité d’une vie qui le précède, le livre est également victime de la force de l’institution littéraire au Québec. D’un côté les subventions, festivals et bourses multiples favorisent le foisonnement d’une littérature qui n’ose plus se questionner sur sa qualité; de l’autre la monopolisation croissante des moyens de production et de diffusion dans les mains d’une oligarchie du livre restreint d’une poigne de fer la pluralité du flux littéraire. Réunis sous la bannière euphorique de l’ignorance, livres de cuisine, de psycho pop, romans ratés et biographies mièvres imposent leur tyrannie. Tyrannie du non-littéraire, car que ce soit le marketing ou la notoriété publique qui décident de la vente d’un livre, ces facteurs ont ceci en commun qu’ils préexistent au contenu du livre et lui sont extérieurs. Derrière les comptoirs de l’abattoir Québecor, la littérature est charcutée, débitée en petits morceaux et ficelée, pour consommation rapide. «Mettez à broil deux heures pour une charogne bien tendre, facile à digérer.» x Pierre-Olivier Brodeur


délit | 17 janvier 2006 16 xle www.delitfrancais.com

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critique de bédé JUAN DÍAZ CANALES • JUANJO GUARNIDO Blacksad n°3 Âme rouge

A

près le succès d’Arctic Nation, Díaz Canales et Guarnido reviennent avec Âme rouge, où John Blacksad, qui s’ennuie comme garde du corps d’un communiste de salon, se retrouvera bientôt dans la tourmente de la chasse aux sorcières maccarthyste et le passé trouble de certains scientifiques nucléaires qui l’ont pris sous leur aile dans sa jeunesse. L’histoire n’est pas aussi étoffée qu’elle pourrait l’être. Classique et sans surprise, elle ne déroge à aucun des codes du genre noir des années 50, de la fausse carte FBI à la nuit d’amour avec celle qui nous avait d’abord parut être une pimbêche revêche. Cependant, scénario et dessin se conjuguent pour rendre le film de détective privé tourmenté à la perfection: ouverture où une voix off narre les aléas de Blacksad qui a une fâcheuse tendance à se retrouver le museau fourré dans des combines. Le museau? Car oui, Blacksad est un chat noir musculeux et bien léché qui côtoie les chouettes effarées, les dalmatiens arrogants et les ouistitis roublards. Jean de La Fontaine en polar, quoi. Et c’est ce bestiaire extraordinaire qui constitue la première force graphique de la série. La seconde, c’est l’aspect cinématographique très étudié des planches. Les deux auteurs ont longtemps travaillé dans l’animation et ce passé n’est pas renié dans le découpage des vignettes. Les cadrages, très cinéma noir, le dessin précis sans être dur, et les jeux de lumière contribuent fortement à créer une ambiance lourde et sombre, ce qui est renforcé par un choix de couleur un peu plus étudié. Un livre d’aquarelle est d’ailleurs disponible pour ceux qui voudraient étudier les nuits noires, un peu vertes, et somme toute assez peu rouges… En dix mots, Blacksad, c’est Canardo, en moins alcoolique et avec plus d’aquarelles. (Dargaud)

Laurence Bich-Carrière

La meilleure façon de perdre son temps lundi prochain: Aller en cours? Lire Le Délit? Manger des pommes? Faire la queue pour voter? redaction@delitfrancais.com


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