délit | 24 janvier 2006 02 xle www.delitfrancais.com
Nouvelles
L’Union européenne en crise d’identité Alain Juppé donne une conférence sur l’Union européenne à McGill à l’invitation de la Communauté des étudiants français. international Anaïs Suchail Le Délit
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e mercredi 18 janvier à 18h00, la salle 151 de la Faculté de gestion Desautels est pleine à craquer. Les derniers arrivants n’ont pas le choix, ils doivent se faufiler dans la salle et espérer au mieux s’asseoir sur les marches, ou bien rester debout. Des étudiants français, belges et québécois, mais aussi allemands et ukrainiens se sont rassemblés. En quelle occasion? C’est qu’un important personnage
des scènes française, européenne, internationale, et depuis peu de la scène montréalaise, a accordé quelques heures de son temps aux étudiants mcgillois. L’ex-politicien français Alain Juppé s’apprête à donner une conférence sur l’état de l’Europe au lendemain du référendum sur la Constitution européenne. Premier ministre français de 1995 à 1997, Alain Juppé est aujourd’hui retiré de la vie politique. Depuis, il réside à Montréal et enseigne à l’École nationale d’administration publique, affiliée au réseau de l’Université du Québec.
Un avenir pour la Constitution européenne? Le discours commence par un résumé de la situation européenne. Treize États ont ratifié la proposition de Constitution, dix sont en attente et deux ont dit non. C’est le «non» français voté par voie de référendum à 54,67 p. cent le 29 mai 2005, suivi du «nej» néerlandais du 1er juin 2005 voté à 61,6 p. cent, qui ont stoppé le processus de ratification de la Constitution européenne à court terme et freiné la construction politique de l’Europe à long terme. Il est alors légitime de se demander si le Traité constitutionnel a un avenir. «Je souhaite que oui, car je continue à penser que c’est un bon traité», affirme Alain Juppé. «Je crains que non!» continue-t-il. «L’Europe est en crise d’identité et doit se redéfinir.» La Constitution lui semblait pourtant pleine de qualités: elle promettait une plus grande efficacité grâce au vote à la majorité qualifiée, elle annonçait le recul de la technocratie en donnant des pouvoirs accrus au Parlement européen et donnait une âme à l’Europe à travers le texte d’une Charte des droits fondamentaux reprenant les valeurs qui réunissent les Européens. Au cours de la conférence, Alain Juppé explique pourquoi il aurait souhaité que la Constitution européenne soit ratifiée et expose les raisons de l’échec du printemps dernier. L’échec français expliqué D’après Alain Juppé, «Les Français n’ont pas répondu à la question posée qui était: «Approuvez-vous la Constitution pour l’Europe?» Ils ont répondu: «Nous sommes contre le gouvernement.»» En outre, la longueur du texte de la Constitution, envoyé à chaque citoyen, en aurait également découragé plus d’un et aurait propagé l’idée d’une constitution obscure. Par ailleurs, les élargissements successifs ont fait peur aux Européens, en particulier l’intégration des pays les plus pauvres ou musulmans comme la Turquie. Une vision précise de «où va l’Europe?» a manqué, croit Juppé. De plus, les opposants à la Constitution européenne ont fait campagne pour la présenter comme ultra-libérale. «Cet argument ne tient pas la route», commente Juppé, «l’Union Européenne a été fondée autour du principe de la concurrence non faussée lors du Traité de Rome de 1957, qui est déjà un principe libéral.» Le bourbier européen Sortir du «bourbier européen», pour reprendre les
L’ex-premier ministre français Alain Juppé en pleine action. gracieuseté The McGill Daily
termes d’Alain Juppé, prendra du temps. Si la population française était consultée aujourd’hui, le non ferait 57% et non 54%. Pour Juppé, il est clair que l’Europe est en crise. «Cependant, l’Europe n’est pas en crise juridique, précise–t-il. Elle a failli avoir une crise budgétaire, mais elle a su redresser la situation. La crise est politique: Qu’est ce que l’Union européenne? Que voulons nous faire de l’Europe?» L’Europe est tout d’abord divisée. La Grande-Bretagne souhaite une zone de libre-échange et ne fait pas de l’intégration politique une priorité, alors que les six pays fondateurs partagent une vision plus fédéraliste et politique. À cela s’ajoute la division de l’Europe sur le dossier irakien. Un changement profond est nécessaire. «Ce changement s’annonce difficile avec la France ayant voté non, la coalition en Allemagne et Tony Blair en porteà-faux en Angleterre» résume Alain Juppé. «Contrairement à ce qui a été dit, il n’y a pas de plan B, continue-t-il. Il est probable que l’on ne trouvera pas un consensus meilleur que celui de la Constitution européenne.» D’après Alain Juppé, l’Europe doit mettre au clair ses ambitions et délivrer un message cohérent et compréhensible à tous. «L’Europe doit revenir au concret, à ce qui intéresse les peuples, ce qui améliore la condition de vie des Européens et démontrer que l’Union européenne apporte une valeur ajoutée.» Un programme de recherche et d’innovation au niveau européen serait «la seule réponse à la délocalisation.» Aussi, une politique européenne d’immigration et de
santé pourrait être mise au point. Une question majeure persiste: «Est ce que l’Europe doit s’aligner sur les pays les plus lents ou laisser les pays les plus innovants faire des contrats entre eux?». Alain Juppé fait référence à un «groupe pionnier», bénéficiant de «solidarités renforcées», et trouve cette idée d’un noyau européen moteur «intéressante, mais compliquée à mettre en oeuvre». L’Europe: géant économique, nain politique Le processus de ratification continue, mais pour reprendre une expression bien connue, l’Europe reste un «géant économique, mais un nain politique». La conférence tire à sa fin, les questions fusent. Malgré la demande de ne pas parler de politique intérieure française, la majorité des questions tournent autour de ce sujet. À la question, «Qu’y avait-il dans la Constitution pour répondre au malaise social des immigrants de deuxième et de troisième génération?», Juppé répond: «La Constitution [européenne] n’apportait aucune solution. Ceci est une question nationale, l’Europe ne s’occupe pas de tout». Il a commenté également, entre autres, les problèmes du modèle d’intégration à la française et ajouta plus tard, interrogé au sujet de la souveraineté du Québec, et d’une façon très diplomatique: «Quel que soit votre choix, la France sera avec vous». Pour en revenir à l’Union européenne, l’Europe politique se construit, certes, mais il faudra une période de réflexion, d’explication et de débat plus intense et plus longue. x
Éditorial %?**&#(*_)%?*(?$?& de glace!
très très local Laurence Bich-Carrière & Jean-Philippe Dallaire Le Délit
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LE SEUL JOURNAL FRANCOPHONE DE L’UNIVERSITÉ MCGILL RÉDACTION 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 (514) 398-6784 Télécopieur : +1 (514) 398-8318 redaction@delitfrancais.com
Où votre Rédaction chérie se défoule sans conséquence et sur un ton aussi outré que léger sur les hauts et les bas du climat...
’est peut-être votre grand-mère snowbird, ou votre ami qui a décidé de faire son cégep en sept ans et d’allonger son mois de vacances, probablement sur le bord de la piscine, un petit parasol dans un gros verre de piña colada. On lui devine le sourire fendu jusqu’aux oreilles lorsqu’est poussée, d’un ton doucereux, la question qui tue: «Pis, la température, comment c’est à Montréal?» Vous explosez. Mardi: «Il pluviotait ce matin, mais là il fait un vent à décorner les cocus et au bruit des branches qui cinglent sur mes vitres, je devine qu’il verglace»; mercredi: «[litanie d’imprécations] Les rues sont une immense patinoire de banlieue, la salière des Cols de bleu de Montréal doit être en grève quelque part dans un chalet de parc de banlieue-pasdéfusionnée; jeudi: «Tu te souviens de la toune de Charlebois, là, Demain l’hiver? Ben, il reste «La petite glace qui vous fera tomber sur l’...»»; vendredi: «Attends, je vais aller mettre mes jeans dans le panier à salade pour les essorer et je te reviens»; samedi: «On gèle, bordel»; dimanche: «Il fait splendide». Que l’on ne se méprenne pas: même ceux qui se plaisent à contre-chiâler qu’on chiâle trop contre l’hiver, étaient à bout de souffle et hors d’eux: «Moi j’avais une grosse valise à traîner, une guitare pas de poignée et un sac d’ordinateur. On devrait tenir compte des gens comme moi, qui ont tout sauf l’habileté de patiner en traînant des dizaines de kilos répartis en trois contenants distincts», m’explique, fort indigné, un étudiant presque chauve et anonyme qui devait se rendre dans la Ville-Reine le jour même.
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Force était de constater (même s’il fallait le faire les quatre fers en l’air), que traverser la ville prenait l’ampleur d’un des douze travaux d’Hercule. Tuer les oiseaux du lac Stymphale? De la petite bière à côté de l’escalade de la rue Peel (préférablement derrière un hockeyeur imbécile et vacillant qui porte ses patins sans protège-lame sur le dos et qui tangue dangereusement)! Faut-il rappeler que les pompiers ont été appelés à la rescousse à 8h le matin afin de tendre une corde entre les deux trottoirs pour que les pauvres potaches de droit ou de biologie puisse traverser Est-Ouest sans se ramasser les quatre fers en l’air ou dégringoler toute la côte. C’est dans des moments comme ça qu’on regrette sa CrazyCarpet. Reste que, si les médias n’en avaient que pour les chefs de partis fédéraux la semaine dernière, c’est qu’ils ne se préoccupaient pas des enjeux qui intéressent véritablement les Canadiens. La neige, la glace et le froid fontils partie de ces «valeurs canadiennes» dont chacun d’entre eux se réclame? Si c’est le cas, il est temps que ça change. Ou, du moins, qu’on combatte ce qui influence vraiment
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la vie des gens. Et sur cette question, les fiers nordiques seront unanimes: c’est la température qui est la priorité. Les plaques de glace, surtout. En bref, nous attendons de vraies promesses de la part de nos politiciens. Que ceux qui combattent les changements climatiques nous dévoilent en grande primeur comment ils comptent nous permettre de mieux passer au travers de pluies diluviennes en plein mois de janvier. Que ceux qui, au contraire, nous vantent les vertus d’un réchauffement planétaire (ou qui en nient l’existence) nous expliquent pourquoi nous devrions accepter de subir de telles pluies de façon de plus en plus fréquente. La météo, c’est important. On en a marre de voir les pompiers se déployer, cordes à l’appui, pour aider les pauvres piétons à monter la rue Peel au moindre signe de patinoire urbaine. Le problème des plaques de glace, c’est comme celui de la faim dans le monde: tout le monde veut que ça cesse, personne n’en parle jamais, et malgré tout on ne peut s’empêcher de se demander: à quand une solution à long terme? x
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Code de vie religieux Les enjeux du Forum Le TNM joue Le à l’université? social mondial malade imaginaire
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Le nouveau film de Michael Haneke
Vous voulez mettre la main à la pâte? Réunion le mardi dès 16h30 au local B•24 de l’édifice Shatner.
Rédacteur en chef david.drouinle@delitfrancais.com David Drouin-Lê Chefs de pupitre–nouvelles nouvelles@delitfrancais.com Laurence Bich-Carrière Jean-Philippe Dallaire Chef de pupitre–arts&culture artsculture@delitfrancais.com Agnès Beaudry Rédacteurs-reporters Maysa Pharès Marc-André Séguin Coordonateur de la production production@delitfrancais.com Alexandre de Lorimier Coordonateurs de la photographie Éric Demers Mathieu Ménard Coordonateur de la correction Pierre-Olivier Brodeur Chef-illustrateur Pierre Mégarbane Collaboration Christopher Campbell-Duruflé, Arnaud Decroix, Lucille Hagège, Karin Lang, Flora Lê, Sophie Lestage, David Pufahl, Anaïs Suchail, Giacomo Zucchi Couverture Mathieu Ménard BUREAU PUBLICITAIRE 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 (514) 398-6790 Télécopieur : +1 (514) 398-8318 daily@ssmu.mcgill.ca Publicité et direction générale Boris Shedov Gérance Pierre Bouillon Photocomposition Nathalie Fortune The McGill Daily • www.mcgilldaily.com coordinating@mcgilldaily.com Joshua Ginsberg Conseil d’administration de la Société de publication du Daily (SPD) David Drouin-Lê, Joshua Ginsberg, Rebecca Haber, Rishi Hargovan, Mimi Luse, Rachel Marcuse, Joël Thibert, Jefferey Wachsmuth L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société de publication du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP), du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF) et de la Presse universitaire indépendante du Québec (PUIQ). Imprimé sur du papier recyclé par Imprimeries Quebecor, Saint-Jean-sur-leRichelieu (Québec).
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délit | 24 janvier 2006 04 xle www.delitfrancais.com
bons baisers de mcgill
Controverses Brèves volantes nonidentifiées
Balade à Toronto
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oronto n’est pas Montréal. Lorsqu’on l’énonce, la chose semble évidente. Elle l’est encore plus lorsque ces propos s’accompagnent d’un visage appuyé avec force contre un capot de voiture de police, entouré d’une dizaine d’agents. Et on y croit fermement lorsque l’affirmation vient du portier à l’origine de la drôle de tournure que prend la soirée. Il y a un night life à Toronto. Celui-ci n’est pas très vivant le mercredi soir, mais c’est aussi un peu le cas à Montréal. La fin de semaine, il est cependant vrai que les rues sont moins vivantes qu’ici. Je dois avouer que nos comparses du Daily étaient bien seuls à essayer de mettre un peu d’ambiance sur King Street, ce qui a valu à ces Torontois d’origine le valeureux titre de Montréalais d’adoption… À Toronto, il n’y a pas que des tours à bureaux ou à condos. Il est vrai que celles-ci prennent une certaine place dans le paysage. Mais il est aussi exact que Toronto est plate, c’est-à-dire dépourvue de relief naturel. Et, une fois sortis d’un petit centre-ville dont les gratte-ciels sont évidemment plus élevés que leurs équivalents montréalais, on se croirait plutôt dans une ville de région. Bref, Toronto, c’est une grosse Sherbrooke, les gratte-ciels et le tramway en plus. On présente souvent Toronto comme étant un bastion libéral. Pour peu représentatifs que soient les quartiers que j’y ai visité, je n’y ai pas vu une seule affiche conservatrice. Les libéraux et néo-démocrates ne laissent cependant pas leur place. Différence culturelle? Il n’y avait aucune pancarte sur des poteaux, seulement sur des propriétés privées. Compter le nombre de demeures aux couleurs d’un parti est donc peut-être un moyen plus fiable d’évaluer la force de l’appui dont il dispose que ne le sont les sondages… Aussi, le Toronto Sun (propriété de Québécor) titrait ce dimanche en une «218 reasons not to vote liberal». Voilà une chose que le Journal de Montréal n’a pas encore fait, malgré le nombre probablement faible de supporteurs de Paul Martin parmi ses lecteurs. Aussi, Toronto se veut le centre du Canada. En fait, certains disent que Toronto, avec une population née à l’extérieur du pays à 40 p. cent, serait le Canada. Pourtant, hormis quelques employés, son centre-ville et ses complets-cravates sont en bonne partie blancs. Et hormis sur les emballages, on n’y constate que très peu l’existence de la deuxième langue officielle du pays. Dommage donc qu’il y ait eu un mouvement de population, humaine et corporative, de Montréal vers Toronto. Parce que Toronto, ça me semble être encore moins le Canada. Surtout qu’il n’y a même pas de neige. Mais les causes de tout cela sont, je crois, fondamentalement liées à un urbanisme déficient. Les rues torontoises sont trop larges et les immeubles, trop peu élevés. La ville en devient moins chaleureuse, puisqu’il y a trop d’espace pour y respirer. On y voit tout de trop loin. À Paris, on peut être à quelques immeubles de la Tour Eiffel sans la voir poindre. À Montréal, on peut très bien se balader dans Hochelaga-Maisonneuve sans avoir la moindre impression de se trouver à quelques minutes de la tour olympique. À Toronto, la Tour du CN est partout. Toronto est une ville grande en étendue et petite en densité, donc en intensité. Peut-être que la frénésie pour les condos règlera ce problème. Blame it on the CN Tower. Notons enfin qu’aucun membre de l’équipe du Délit n’a été arrêté, menotté ou emprisonné dans le cadre de cette visite dans la Ville-Reine. Compte tenu de l’expérience vécue par un collègue d’un autre journal à la suite du botté d’une boîte de vente de journaux, nous en sommes bien heureux. Ne vous en faites pas, chers lecteurs: nous vous avons dignement représentés en tant que deux seuls francophones de cette conférence des journaux étudiants canadiens. x Jean-Philippe Dallaire
Que c’est beau, c’est beau la vie. C’était l’heure de nourrir le serpent Aochan, comme tous les jours, pour Mutsugoro Okoku, gardien d’un zoo de Tokyo. Quelle n’a donc pas été sa surprise lorsqu’il s’est présenté à la cage du long animal pour se rendre compte que celui-ci n’avait pas dévoré le hamster qui lui avait été offert en pâture la veille. C’était en octobre dernier et depuis le serpent n’a toujours pas gobé son poilu compagnon (désormais nommé Gohan –ce qui signifie «repas»– car il a bien fallu lui trouver un nom), ce qui fait du couple une attraction monstre. Il paraît même que le hamster dort parfois sur la tête du reptile. (BBC/AP) On n’y voit goutte. Ça y est, c’est fait, si vous vous aveuglez, vous pourrez désormais tâter vos médicaments pour trouver celui qu’il vous faut. Enfin, si vous êtes Européen. En effet, la Commission européenne pour la santé vient d’émettre une directive obligeant les fabricants de produits pharmaceutiques à indiquer sur leurs emballages le nom du médicament, les dosages appropriés et le type de patient auquel il est destiné en braille! C’est une belle victoire de principe pour les 7 millions d’aveugles de l’Union européenne mais il reste que l’utilisation du braille est loin d’être uniforme à travers l’Europe. De belles folies syntaxiques en perspective. (Quartet/Protégez-vous) La photo qui vaut mille mots. Un Australien de 22 ans, Stuart Calvey, vient d’avoir une idée de génie «à même de changer quelque peu nos habitudes de touristes». Il a mis au point un appareil-photo ultra-mince qu’il est possible de mettre à la poste pour le prix d’une carte postale au bout de 22 poses. Pour 25$, il serait possible de se procurer ce moyen original de faire partager ses vacances sans tomber dans le cliché du coucher de soleil et des bimbos huileuses sur la plage. Il ne lui reste plus qu’à trouver du financement. (PCWorld/Clubic) À quand un message cellulaire prédéfini: «On divorce?» Enfin un sénateur qui fait les manchettes! Le tribunal de loi islamique de Kuala Lumpur a condamné Kamaruddin Ambok, 52 ans, sénateur musulman du parti au pouvoir en Malaisie à une amende de 550 ringgit (environ 170$). Pourquoi? Il avait divorcé de son épouse en lui envoyant sur son cellulaire un messagetexte à cet effet. Le galant politicien lui avait tout de même laissé un rappel sur sa boîte vocale. Ce n’est cependant pas la muflerie de la chose qu’a condamné le tribunal, simplement le fait que le divorce avait eu lieu sans l’autorisation du tribunal: «le shoriot réglemente les processus du mariage et celui du divorce. Il faut suivre les règles», a expliqué le juge Ainor Rashid Hassin. (AFP/Yahoo!)
En trois vitesses En hausse
Les folichonneries de Dame Nature. Il neige, il pleut, on se mouille, on dégouline, il verglace, on gèle, ça se réchauffe, on sort ses bermudas, il grêle, il mouille, hop, on passe sous zéro, on patine, on manque de se tuer, on s’agrippe de justesse, il floconne, on glisse, on sort nos piolets et crampons, on appelle les pompiers, on se demande où est la police et pourquoi McGill n’a pas annulé les cours, on pousse quelques jurons, on se plaint beaucoup et surtout, on se demande: c’est pas bientôt fini ces alertes météo? (Le Délit)
Au neutre Mehmet Ali Agca En 1981, il révolvérise le pape Jean-Paul II et écope de la prison à vie. Dix-neuf ans plus tard, il est gracié par le Saint Père mais la Turquie obtient son extradition pour le meurtre d’un journaliste survenu en 1979. Le 15 janvier 2006, considérant qu’il a passé 25 ans derrière les barreaux, on le relâche. Il déclare alors à la police stambouliote: «Je suis le Messie, je ne suis pas Dieu, je proclame l’apocalypse». Le 19, la Cour de cassation annule l’ordonnance: «Sa tentative d’assassinat sur le pape n’a rien à voir avec le meurtre de 1979 pour lequel il n’a pas purgé sa peine». Le 21, il était réincarcéré. (TF1/Xinhua)
En baisse Le ministère des Affaires indiennes de Bolivie. L’Indien aymara Evo Morales, qui est devenu dimanche le premier Président autochtone de l’histoire de Bolivie, a annoncé qu’il supprimerait le ministère des Affaires indiennes et le ministère de la Femme parce que de tels ministères ne sont qu’une forme de discrimination. Il désire également compter dans les rangs de son équipe plusieurs Indiens (qui forment 60 p. cent de la population) et femmes. (BBC/FP)
La citation de la semaine
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out terroriste qui sera pris au Minnesota pendant que j’en serai gouverneur découvrira ce que signifie vraiment mon surnom de «l’Empaleur». Juste devant la capitale nationale. Ensuite, les agents fédéraux pourront ôter les corps des pieux. Si le Département de la justice américaine veut me poursuivre pour le meurtre brutal d’un terroriste, il peut le faire. Je ne vois aucun jury américain pour me condamner.» Énoncé de candidature de Jonathon Sharkey, exlutteur, également membre d’une église satanique (mais respectant la liberté de religion garantie par le Premier Amendement) et candidat au poste de gouverneur dans l’État du Missouri. Pour lire la déclaration complète (car ce n’est qu’un extrait): http://www.jonathonforgovernor. us/home_page.html. Au moins, c’est direct.
Controverses
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Revue de la presse étudiante Nous inaugurons ici une section passant en revue la presse étudiante, qui nous révèle une population universitaire plutôt préoccupée par les causes environnementales et sociales. Quartier libre, Université de Montréal, 11 janvier Dans son article «Fair Trade à Hong Kong», Joanna Desseaux commente la dernière conférence ministérielle de l’OMC. De nombreux organismes sont venus y faire la promotion du commerce équitable et critiquer l’attitude des pays riches en matière d’agriculture. «Selon Oxfam, les «cotonculteurs» américains ont reçu l’an dernier plus de 4 milliards US$ en subventions, l’équivalent de la valeur totale de la récolte, ce qui plonge dans la misère les 20 millions d’Africains qui vivent de l’or blanc.» Pour limiter le dumping commercial et l’endettement des pays du Sud, les pays riches se sont engagés «à éliminer, d’ici 2013,
les subventions agricoles à l’exportation». Question: à quand l’élimination des subventions à l’interne, qui constituent plus de 90% de l’aide aux producteurs du Nord? Dans ce même numéro, Rachel Hyppolite ( «Covoiturage à l’UdeM» ) se demande pourquoi le Service de covoiturage de l’Université de Montréal, rattaché à l’université, est si peu utilisé. Elle conclut à un manque de publicité, le service, qui compte tout de même 700 membres, étant pourtant offert depuis quinze ans. Question: Y aurait-il un moyen plus formel d’entrer en contact pour les étudiants de McGill vivant au-delà des limites du réseau de la STM? Montréal Campus, UQÀM, 11 janvier Marjorie April dresse un portrait intéressant dans « Ateliers de textile à Montréal » de cette industrie sur le déclin. Les conditions de travail sont souvent respectées par les employeurs, mais demeurent
minimales pour beaucoup de travailleuses payées à la pièce. «C’est nous qui faisons notre salaire, alors on doit travailler très fort. Parfois, surtout lors des fins de journée d’été, la chaleur générée par les machines devient insoutenable. Certaines d’entre nous ont des malaises et sont obligées de sortir. Mais les boss ne nous empêchent pas de partir, alors on ne se plaint pas.» De plus, cette classe de travailleuses, souvent mal intégrées à la société québécoise, est difficile à rejoindre et à protéger pour des instances telles que la Commission des normes du travail. D’autres femmes choisissent d’exercer ce travail à domicile, option protégée par la CSST. «Le travail des employés à domicile décharge les patrons de leur responsabilité sociale, puisqu’ils ont l’impression qu’ils n’ont pas à rendre de comptes sur l’état des lieux de travail, sur la salubrité ou sur la qualité de l’air», prévient André Leclerc, responsable de la solidarité internationale à
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la Fédération des travailleurs du Québec. Finalement, Daphné Cameron nous fait découvrir, dans son article L’Artothèque de Montréal, une initiative visant à rendre l’art accessible et populaire depuis 1995. «L’idée de base, affirme la conservatrice de l’Artothèque Marie-Laure Pelletier, c’est de sortir les œuvres des ateliers et de les rendre accessibles au plus grand nombre. Une œuvre qui n’est pas vue est une œuvre morte. Le concept de location permet aux artistes de libérer leurs ateliers et de redonner un nouveau souffle à leurs créations en élargissant leurs cercles de clientèle.» À partir de 1,50$ vous pouvez donc, comme au Musée des Beaux-Arts, rapporter une œuvre chez vous pour un mois et peut-être faire découvrir le Riopelle de demain. Pourquoi pas? x Compilé par Christopher Campbell-Duruflé
À bas Toronto? Vive Toronto? Chaque semaine, Le Délit choisit un sujet controversé. Les journalistes devant défendre respectivement le pour et le contre sont tirés aux hasard.
Cette semaine, PierreOlivier Brodeur et Arnaud Decroix s’affrontent dans le ring. Il est à noter que les positions exprimées ne sont pas nécessairement partagées par leur auteur.
POUR
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oronto est sans aucun doute la ville multiculturelle par excellence. Près de la moitié de ses habitants sont nés à l’étranger tandis que ce pourcentage n’atteint que 20 p. cent pour l’ensemble du Canada. Cette multitude de nationalités rend évidemment unique l’atmosphère de la capitale ontarienne. Le dynamisme de cette ville n’est plus à démontrer et son attractivité croissante alimente la rivalité avec la métropole montréalaise. La qualité de vie dans la capitale ontarienne est également enviable et même si la criminalité a récemment relancé le débat électoral, les niveaux atteints feraient pâlir d’envie la plupart des autres villes nord-américaines. Grande place financière, Toronto se veut également une ville innovante, tournée vers l’avenir. À cet égard, ses ambitions sont au moins à la hauteur de la fameuse Tour du CN, symbole de modernisme et de puissance. Par temps clair, il est même possible d’apercevoir de son sommet les chutes Niagara. Bouillonnante, foisonnante, impétueuse et imprévisible à l’image de ces dernières, Toronto change, et vite. Il est fini le temps ou la ville était partagée entre ses différentes communautés culturelles établissant d’invisibles mais tangibles frontières à l’intérieur de son enceinte. Désormais, les nouvelles générations ont su créer un véritable ars vivendi, où le monde entier se donne rendez-vous. La création artistique, le monde sportif, le milieu intellectuel torontois est au coeur de la vie canadienne. Sa position géographique stratégique contribue également à conférer à la ville une place à part. Proche des grands lacs, elle a réussi le pari difficile de concilier l’urbanisme et la protection de l’environnement. Toujours imitée, mais jamais égalée, Toronto ne laisse en tout cas jamais indifférent. Et, en définitive, c’est tant mieux et il est grand temps de redécouvrir cette mal-aimée… x
CONTRE
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omme tout bon Montréalais qui se respecte un tant soit peu, je suis farouchement contre Toronto. D’abord, cette ville nuit au développement économique de Montréal en attirant à elle nombre de sièges sociaux précédemment établis dans la métropole québécoise. Mais, surtout, Toronto est une ville laide à l’architecture tellement moche et monotone que la tour du CN y passe pour un édifice intéressant. De plus, cette agglomération est fondamentalement, viscéralement, ontologiquement plate! Il n’y a rien à faire dans cette ville où l’ennui règne en maître absolu sur un univers de bars perpétuellement fermés. À preuve, les jeunes n’ont rien d’autre à y faire que se tirer dessus en plein centre-ville et abattre des passants innocents! Heureusement qu’il y a des fusillades afin de fournir un sujet de conversation aux citoyens de «Platopolis» et de ponctuer leur quotidien de quelques morts circonstancielles. Mais ce faisant Toronto fournit un sujet de débat des plus démagogiques aux politiciens de ce pays qui se trouvent, en pleine campagne électorale, à promettre de bannir des armes déjà bannies et d’envoyer des jeunes de quatorze ans en prison. Même Jackie «nice guy» Layton a été affecté par ce non-débat, ce qui l’a poussé à tourner à droite. Honte à Toronto, cette ville qui a transformé le joli sourire de Jackie en un abominable rictus de carnassier assoiffé de sang juvénile! x
délit | 24 janvier 2006 06 xle www.delitfrancais.com
Plume Latraverse au Gert’s?
Nouvelles
Votre journaliste noie sa peine au Gert’s lors d’une soirée-chanson après l’annulation du débat de la Francofête. campus Giacomo Zucchi Le Délit
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our sa soirée placée sous le thème de la chanson québécoise, le Réseau des francos avait invité jeudi dernier Francis Halin et son ami Sylvain à jouer en spectacle au bar universitaire Gert’s. Le duo a visiblement séduit le petit groupe venu se reposer après la journée de cours avec un répertoire recouvrant les plus grands noms de la chanson québécoise. Et si cela n’était pas une offre suffisamment alléchante pour certains, une tournée de bière était offerte gratuitement aux premiers arrivés par le Gert’s. Soirée au Gert’s Ces premiers venus ont également pu voir les deux guitaristes accorder leurs instruments et se détendre pour s’adapter à l’ambiance du bar. La musique d’ambiance cesse. On commence à distribuer les Boréales et le show commence. J’entends certains anglophones venus découvrir la musique québécoise
Il était une fois
dans Le
Délit... Le mardi 11 avril 1996
le McGill Daily français (Le Délit à l’époque) se rendait au cégep Maisonneuve pour connaître l’opinion des jeunes sur l’Université McGill.
qui trinquent en disant «cheers!» lorsqu’on leur donne une bière. Je me rends compte qu’il n’y a pas de microphone installé. Ce soir, c’est un spectacle acoustique. Les guitares se mettent à jouer, l’une en accompagnement, l’autre se laisse aller à la mélodie. De temps à autre, les yeux se croisent pour s’assurer de maintenir le tempo. Et soudain, Halin s’exclame: «On va vous jouer une chanson de Plume Latraverse». Les gens applaudissent. Je reconnais le refrain de Lit vert: «J’ai pas d’Skidoo, j’ai pas d’garage/ La slush partout, moi ça m’enrage». Et la chanson continue: «Plus y fait frette plus j’ai envie d’partir». Il n’y avait pas à dire: dehors, il faisait vraiment froid. Le duo a aussi inclus dans son répertoire des chansons de Gérald Godin, de Roland Giguère, du groupe Harmonium et, bien sûr, de l’incontournable Jean Leloup. Tout ça pour dire que c’était une petite soirée bien sympathique. La Francofête continue! Amorcées le 9 janvier, les activités de la Francofête organisée par le Réseau des francos se
poursuivent encore jusqu’au 1er février. Divers événements liés à la francophonie ont cours sur le campus de l’Université. Des films français classiques comme L’Argent de poche et La Traversée de Paris ont été projetés. Il y a eu aussi un concert de musique contemporaine au Redpath Hall. Le débat qui devait avoir lieu sous le thème «McGill devraitil mettre plus de ressources à la dispositions de ses étudiants francophones» juste avant la soirée-chanson a dû être annulé, faute de participants pour exprimer
leurs positions sur la question. Il y a d’autres événements de la Francofête à surveiller. Le 25 janvier à midi (au 4e étage du Shatner), le Réseau des francos a prévu la projection de La Haine, un film de Mathieu Kassovitz qui raconte l’histoire de trois amis qui essayent de se débrouiller comme ils peuvent dans une banlieue parisienne. Les organisateurs croient qu’avec les incidents récents des banlieues françaises, ce film a conservé sa pertinence. Ceux qui ont aimé le concept de la soirée-chanson québécoise
pourront se réjouir de la tenue d’une soirée Afrique et Caraïbes au Gert’s, prévue le 26 janvier à partir de 17h avec au programme de la danse, de la musique, sans un oublier un rythme de tam-tam. Pour les gourmands, on ne peut pas manquer l’événement de clôture de la Francofête dans la salle de bal de l’édifice Shatner. Pour trois dollars, les participants pourront déguster des vins, des fromages et d’autres produits provenant des pays de la francophonie. x
Nouvelles
Jésus à l’université Portrait d’une université canadienne assez particulière. national David Drouin-Lê Le Délit
L
e Délit a appris récemment l’existence d’une institution d’enseignement supérieur chrétienne évangélique en Colombie-Britannique, la Trinity Western University (TWU). Cette petite université fondée en 1962, située à 45 minutes de Vancouver et comptant 3500 étudiants, est particulière dans la mesure où, comme l’expose clairement son site Internet, l’enseignement y est dispensé «d’un point de vue biblique du monde». La mission de l’université Des documents officiels de l’Université soulignent que sa mission «en tant que bras de l’Église, est de former des leaders chrétiens divins […], disciples de Jésus-Christ qui glorifient Dieu à travers la propagation de la Bonne Nouvelle, en servant Dieu et les gens dans les différents aspects de la vie». La TWU est une université totalement privée financée principalement par les Églises évangéliques libres du Canada et de l’Amérique. Elle ne reçoit aucun subside de la part du gouvernement, mais est reconnue en tant qu’université accréditée par les autorités provinciales. Chaque étudiant doit débourser plus de 15 000 dollars par année en guise de droits de scolarité, faute de financement public. Afin de réaliser sa mission, l’université adopte une pédagogie basée sur la foi et «honorant Dieu tout comme l’excellence académique». En plus des quatre cours de religion obligatoires peu importe le programme suivi, il existe une «politique d’intégration des notions bibliques dans chaque cours», mentionne Matt, un étudiant de l’institution interviewé par Le Délit. Les enseignants, tous des chrétiens croyants, disposent pour la plupart d’un doctorat. D’après Matt, ils ajoutent tout de même une «coloration chrétienne aux matières abordées». Ce type d’institution est commun aux États-Unis, mais rare au Canada qui n’en compte que trois autres, deux en Ontario et une autre en Alberta. À cet effet, Matt indique «qu’il y a une très grande influence des chrétiens évangéliques américains à TWU». Ceux-ci forment le quart des effectifs de l’Université et constituent ses principaux bailleurs de fonds. De plus, douze des vingtcinq membres du conseil d’administration de l’institution sont américains. Un code de conduite controversé Dans la poursuite de sa mission, l’Université ne s’est pas limitée à user d’une pédagogie spéciale. TWU a effectivement adopté un code de conduite obligatoire détaillé à l’intention de ses étudiants. Celui-ci porte le nom de Responsabilities of Membership. Avant de définir les règles auxquelles les étudiants doivent se plier, le code se base
sur quatre grands principes: les étudiants doivent faire leur la mission de l’Université, se comporter en citoyens responsables, s’engager dans la voie biblique et limiter leur liberté chrétienne en fonction de la mission de l’Université. Les règles du code de conduite, basées sur la Bible, ont une portée générale, qui doit dépasser la vie sur le campus. Ainsi, il est strictement interdit «d’être saoul, de jurer, de voler et tricher, d’avorter, d’invoquer les forces occultes, de se livrer à des péchés sexuels (relations sexuelles avant le mariage, adultère, comportements homosexuels, consultation de pornographie)». Le code dit aussi qu’il faut «utiliser avec discernement sa liberté individuelle», c’est-à-dire «aller le plus souvent possible à ses cours et à la messe, ne pas posséder de l’alcool et du tabac sur le campus et ne pas s’adonner à des jeux de hasard». Jusqu’en janvier 2006, la danse sociale était aussi prohibée. En effet, on jugeait que la musique jouée était amorale et que la consommation d’alcool y était valorisée. Le code spécifie que les règles qu’il contient «ne sont pas une simple formalité» et que «ceux qui ne sont pas d’accord doivent aller ailleurs». Dans cette optique, il contient des mesures d’imputabilité. Ainsi, les membres de l’Université ont le devoir de se surveiller entre eux. Les premières offenses mineures sont pardonnées, mais après une offense majeure ou une succession d’offenses mineures, l’Université se réserve le droit de renvoyer l’étudiant fautif. «Beaucoup de gens sont surpris en train de violer certaines dispositions, environ cent par année, sur la base de dénonciations par d’autres étudiants. Il y a eu une culture de peur qui s’est développée avec les années», explique Matt. Dans les mêmes documents, TWU se targue d’encourager la diversité de point de vue. L’Université se prononce contre «l’endoctrinement arbitraire et les réponses simples qui sont incompatibles avec le respect chrétien pour la vérité». Cet engagement doit cependant être nuancé, puisque l’institution «affirme avec conviction la vérité totale et l’autorité de la Bible».
Des étudiants de TWU se confient Plusieurs étudiants de TWU sont majeurs. Comment perçoivent-ils le fait de devoir se conformer à un code de conduite aussi strict afin de rester inscrits à l’institution? Annie, originaire de Caroline du Sud, approuve le principe général d’avoir un code de conduite. Qu’en est-il des règles précises qu’il contient? «Le seul aspect que je n’aimais pas était l’interdiction de danser, mais elle a été levée,» indique-t-elle au Délit. Elle indique cependant ne pas penser que le seul fait de suivre ces règles fait de quelqu’un un bon chrétien: «fondamentalement, on doit aimer Dieu». Matt appuie Annie sur cette question. Selon lui, «ce contrat est basé sur une interprétation conservatrice de la Bible qui n’est pas représentative des enseignements de Jésus. Être chrétien, c’est plus que vivre selon un code précis de règle.» Même s’il est d’accord avec certains des principes du code, il s’oppose au fait «d’en faire un objet qui a force de loi et à certains articles prévus.» S’il
est encore vierge, indique-t-il, ce n’est pas parce qu’il y a un code, mais bien «en raison de l’éducation transmise par [ses] parents et du fait [qu’il a] grandi dans un milieu chrétien». Kristen partage en partie ce constat: «Ne rebattez pas les oreilles des étudiants avec des règles strictes. Les gens qui veulent aller à l’encontre vont le faire quand même.» Selon elle, puisque les gens partagent certaines valeurs et agissent en conséquence, «dans le cas de Trinity, si on enlevait le contrat, ça changerait très peu l’université». À la lecture d’un sondage publié récemment dans le journal étudiant de l’établissement, on peut croire qu’il en irait effectivement ainsi. Interrogés sur leur comportement et leurs opinions, les étudiants
xle délit | 24 janvier 2006 www.delitfrancais.com
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de l’institution semblent de façon générale faire état de valeurs plutôt conservatrices. Ainsi, 87 p. cent. d’entre eux se prononcent en faveur de la définition traditionnelle du mariage. La proportion d’étudiants qui affirment posséder un très bon sens moral s’élève à 92 p. cent. Les étudiants qui indiquent ne jamais avoir eu de rapports sexuels hors du mariage représentent 87 p. cent de l’effectif de l’institution. Deux notes discordantes, toutefois: près de 60 p. cent des étudiants reconnaissent avoir déjà possédé de l’alcool ou du tabac et 34 p. cent admettent avoir déjà visionné de la pornographie. Comme quoi personne n’est parfait… x En collaboration avec Jean-Philippe Dallaire.
délit | 17 janvier 2006 08 xle www.delitfrancais.com
Quand Laval a quitté la FEUQ… Ce «déficit démocratique» qui pousserait certaines associations à faire cavalier seul.
À
l’automne dernier, la Confédération des associations d’étudiants et étudiantes de l’Université Laval (CADEUL) tenait un référendum sur la désaffiliation de la FEUQ. À l’issue de cette consultation, les suffrages s’élevaient à 51.7 p.cent en faveur de la rupture, avec un taux de participation avoisinant les 15 p. cent. Fin novembre, la CADEUL claquait
la porte. Ce départ porte un coup au militantisme étudiant. Laval n’est pas seule à avoir quitté la Fédération, mais elle est la plus importante association d’étudiants du Québec. Rassemblant non moins de 28 000 membres de premier cycle, la CADEUL versait en cotisations un montant équivalent à 18 p. cent du budget annuel de la FEUQ.
Aaron Donny-Clark, vp externe de l’AÉUM, déplore de perdre celle qui «représentait une voix unique à la FEUQ». Atmosphère contestataire Toujours en ce mois de novembre, l’AÉSS-UQÀM (secteur des sciences de l’UQÀM) lançait sa propre campagne de désaffiliation dans la perspective d’un référendum qui fut annulé pour des raisons juridiques. Simultanément, des blogues florissaient, consacrant une anthologie plus ou moins documentée aux revendications, reproches et déceptions qui voyaient le jour à la FEUQ. Au nombre de ces sites, ceux des collectifs Sans-FEUQ et Anti-FEUQ affichaient un zèle particulier à rendre compte des déficiences feuquiennes. Faut-il voir là le début d’une profonde remise en cause de la Fédération, ou la simple manifestation de conflits inhérents à toute organisation de cette taille? François Vincent, président de la FEUQ, opte pour la deuxième explication et estime que les insatisfactions font partie du lot quotidien d’une fédération. «Toute organisation rencontre des problèmes, problèmes de perceptions, de personnalités», note-t-il. Monsieur Vincent tend à mettre le mécontentement ambiant sur le compte de l’émotivité suscitée par la grève du printemps dernier. L’accord de fin de grève avait été en décalage avec la vision que certaines associations avaient du dossier, d’où le surgissement de critiques. Antoine Houde, président de la CADEUL, rappelle cependant que les étudiants de Laval avaient souhaité remettre en cause
l’affiliation depuis déjà trois ans. La fin de la grève n’avait été que «la goutte d’eau qui a fait déborder le vase», lorsqu’il avait été jugé que «la FEUQ [prenait] en charge le destin des étudiants, qui n’avaient plus leur mot à dire». Arbitraire et ingérence de l’exécutif feuquien Si François Vincent affirme que toutes les propositions de la CADEUL concernant le Plan de développement de la FEUQ ont été suivies, il reste que la Fédération se voit toujours reprocher de manquer à son devoir d’écoute et de représentation du corps étudiant. Pour Antoine Houde, «la FEUQ [est] non pas un représentant mais un leader» qui prend les décisions sans consulter sa base. La circulation défectueuse de l’information au sein de la Fédération s’ajoute à ses pratiques directives. «La FEUQ ne divulgue pas toute l’information. Or, nous pensons que c’est une chose primordiale en politique que de donner aux étudiants les clés afin qu’ils puissent se faire une opinion en connaissance de cause». Loin de partager cette vision des choses, la Fédération se serait ingérée dans les affaires de la CADEUL et sur le campus même de l’Université Laval. Houde explique qu’il arrivait à la FEUQ de contacter les groupements étudiants du campus pour influencer leurs élections, leurs plans d’action pendant la grève, ainsi que leurs positions au moment du référendum sur la désaffiliation. Il en conclut que «la FEUQ a brimé [la] souveraineté locale
[de la CADEUL]» et ajoute qu’«elle a tenté de court-circuiter le processus démocratique pour que tout soit décidé d’avance». En réponse à cette accusation, François Vincent réplique qu’au moment du référendum, la FEUQ avait le droit de participer au comité du NON: «Donc oui, on était présents, mais parce qu’on tenait à ce que la CADEUL reste membre de la fédération». Absence de débat réel Les militants des désaffiliations soutiennent que le «court-circuitage» se manifeste par l’existence de «sphères d’influences» au sein de la Fédération. «Il y a des cercles privilégiés à la FEUQ, ce n’est un secret pour personne», déclare Houde. À ce sujet, l’AÉUM s’était montrée cinglante dans un mémoire remis cet été, écrivant que «l’information circule par voie de cercles concentriques à la FEUQ», partant des officiers de l’exécutif pour ne parvenir qu’aux associations jugées les plus «méritoires». Ces jeux d’alliances seraient la cause de «votes en bloc» qui étouffent les débats en instance et altèrent la prise de décision. Résultat de ces pratiques, les «politiques de corridors» sont dénoncées, tant par la CADEUL que par l’AÉUM, l’AÉLIÈS et l’AÉSS-UQÀM (voir cicontre). «Les décisions ne se prennent pas en instance, mais tout se fait à l’avance dans les couloirs», note Houde. Les petites associations se verraient obligées de faire du lobby auprès des officiers de la FEUQ comme au sein d’un parti politique, tandis que les grosses organisations (de la région de Montréal principalement), privilégiées par le vote proportionnel du congrès, feraient bloc. Pour Vincent, les politiques de corridors n’ont rien de négatif et font
partie intégrante du mandat d’un représentant étudiant. «Il est impossible que des représentants qui sont imprégnés d’un dossier n’en parlent pas avec d’autres lorsqu’ils se rencontrent». Il assure enfin que, quoi qu’il arrive, les décisions sont prises en congrès et insiste sur l’existence de «commissions», où sont traitées la majorité des dossiers, et où chaque association dispose d’une seule voix, de telle sorte que petites et grandes associations peuvent peser dans la balance. Qu’est-ce qui cloche? Nombreux sont ceux qui s’accordent pour dire que ces déficiences sont propres à la culture de la Fédération qui s’est forgée au cours de ses quinze ans d’existence. Selon Donny-Clark, «il est clair qu’il y avait une époque où ces problèmes n’existaient pas. Mais à mesure que l’organisation de la FEUQ a grandi, sa culture interne a changé. Si ça continue, elle ne sera plus la même FEUQ qu’avant». Le président feuquien affirme que «la culture organisationnelle est celle qu’on lui apporte. Chaque association a la sienne et on s’arrange pour faire un tout et pour avancer. Il ne faut pas se sentir brimé». L’objectif final demeure d’aboutir à un consensus. Malgré les insatisfaction, la polémique ne va guère jusqu’à remettre en cause la nécessité d’une représentation étudiante nationale. La désaffiliation, pour Houde, «c’est un geste de rupture pour bousculer les pratiques[…]. On n’est pas contre une représentation étudiante nationale, mais il faut qu’on soit représentés de façon convenable». Conclusion: si les associations vont et viennent, la FEUQ est là pour rester et pour évoluer. x
L’AÉUM boycotte le congrès de la Fédération étudiante McGill, exaspérée, attend des changements en profondeur.
La FEUQ: état d’un lobby étudiant Un dossier de Maysa Pharès
L
e siège mcgillois est resté vacant au congrès de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) qui se tenait les 21 et 22 janvier derniers. Lourd de sens, le refus de se présenter à l’instance décisionnelle de la Fédération découle d’un constat: les changements préconisés l’été passé et les décisions adoptées dans le cadre du Plan de développement 20052010 de la FEUQ n’ont pas été suivies. L’AÉUM ne se sent pas écoutée. Pour Aaron Donny-Clark, vice-président aux affaires externes de l’AÉUM, il n’est nullement question de déclarer la guerre au comité exécutif de la FEUQ, mais plutôt de signifier la volonté qu’a l’Association de
poursuivre une collaboration productive dans de meilleures conditions. «Nous avons décidé de ne pas aller au prochain congrès afin de dire: vous ne nous écoutez pas quand nous sommes à la table, mais nous voulons que vous nous écoutiez parce que la FEUQ a fait de bonnes choses par le passé et nous avons vraiment envie qu’elle s’améliore». En juillet dernier, la FEUQ recevait les travaux de ses membres dans le cadre de son Plan de développement. Le mémoire soumis par l’AÉUM faisait état de «critiques importantes» qu’il invitait la FEUQ à «prendre très au sérieux». Le titre, lapidaire, du premier chapitre annonçait d’emblée la couleur: «Un
déficit démocratique à combler, une communauté d’information déficiente, un professionnalisme à retravailler». «Nous sentions que ce qui était écrit dans ce mémoire avait été prouvé à plusieurs reprises», note Donny-Clark. L’AÉUM déplore que ses requêtes n’aient pas été perçues de manière constructive par la FEUQ: «Quoi que nous disions, l’exécutif le prenait personnellement». Au nombre des insatisfactions, le fait que les documents ne soient pas disponibles assez longtemps avant les congrès est perçu comme une atteinte à la transparence de l’information. Donny-Clark souligne que, malgré les règles qui obligent l’exécutif à remettre les documents deux semaines avant un congrès, «la dernière fois, ils les ont remis seulement trois jours à l’avance… y compris une recherche de cent pages, que l’auteur n’a certainement pas pu écrire la veille au soir». L’AÉUM reproche aussi
au comité exécutif de la FEUQ de «manipuler les procédures», s’arrogeant un droit de réponse après chaque intervenant sur la liste. Donny-Clark indique aussi que les membres de l’exécutif promettaient sans cesse de «réfléchir» aux projets qui leur étaient soumis, mais que ceux-ci restaient lettre morte. Au lendemain du congrès, le président de la FEUQ, François Vincent, rapporte que les associations ont décrété qu’il était très important que l’AÉUM amène ses idées au congrès. Par conséquent, il a été convenu qu’un effort serait fait pour être à l’écoute. «On va les appeler afin d’essayer de comprendre. On va travailler activement pour qu’ils [l’AÉUM] se sentent présents». Fidèle à ce qu’il appelle sa philosophie, M. Vincent considère qu’il ne faut pas laisser les problèmes s’accumuler et assure que l’énergie sera déployée pour remédier au malaise de l’association mcgilloise. x
xle délit | 24 janvier 2006 www.delitfrancais.com
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Où vont ceux qui se désaffilient? Le dynamisme du mouvement étudiant au Canada: les autres possibilités.
L
a FEUQ n’est pas seule à militer pour les intérêts étudiants. En effet, l’ensemble du Canada étudiant affiche un dynamisme que même nos voisins Américains n’égalent pas. Les associations, syndicats et fédérations sont nombreux et se répartissent le plus souvent selon les régions ou les secteurs d’enseignement. Cette diversité peut offrir une alternative aux déserteurs de la FEUQ. Car il y en a plus d’un. En 2004, la Graduate Students’ Association (GSA) de Concordia se désaffiliait par référendum. La même année, l’Association des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (AÉLIÉS) faisait de même. En avril 2005, l’Association des étudiantes et étudiants des sciences de l’éducation de l’UQÀM a envisagé une rupture qui fut rejetée à 70 p. cent. Plus récemment, avec la CADEUL, l’Association étudiante du secteur des sciences de l’UQÀM (AÉSS) a voulu lancer un référendum, mais s’est vue obligée de l’annuler pour causes légales. Cela dit, si certaines associations partent (pour des raisons diverses), quelquesunes reviennent. Ce fut le cas de l’AÉUM, qui se désaffilia en 1994 à cause de son désaccord avec la FEUQ sur la question
nationale pour mieux revenir en 2001. S’il est vrai que, pour citer le président de la FEUQ «une association seule ne peut pas avoir le même impact qu’une coalition d’associations», celles qui se désaffilient ne se retrouvent pas pour autant dans l’impuissance totale. À l’échelle nationale, la Fédération canadienne des étudiants et étudiantes regroupe à ce jour soixante associations étudiantes, soit 450 000 membres à travers le pays. Elle exerce son influence à travers ses sections provinciales. Au Québec même, la FEUQ côtoie l’Association pour une solidarité syndicale étudiante. Certaines associations dépassent les frontières provinciales, notamment celles, nombreuses, qui concernent un certain domaine d’éducation (par exemple, l’Association étudiante de science politique du Canada). À l’échelle interne des universités, les associations facultaires sont parfois nombreuses, comme à l’UQÀM, et peuvent s’unir pour défendre les intérêts des étudiants sur le campus. Enfin, une association peut tout simplement tenter d’agir seule où de collaborer occasionnellement avec d’autres associations sur certains projets. C’est ce qu’a fait la CADEUL en s’affichant dans le devoir pour la campagne électorale, avec d’autres groupes, notamment l’AÉUM. Se battre contre les gouvernements requiert une organisation dont la portée est considérable et l’autonomie peut donc impliquer de restreindre son champ d’action. x
Bilan du Congrès: objectifs 2006
P
rincipale instance décisionnelle de la FEUQ, le dernier congrès s’est tenu cette fin de semaine. Son plan d’action, voté à l’unanimité, affiche trois priorités de la Fédération dans les mois à venir. Dans l’immédiat, la FEUQ compte poursuivre son militantisme dans le cadre de la campagne des quatre milliards à réinvestir dans l’éducation postsecondaire. Cette perspective exigera de la FEUQ qu’elle s’implique énergiquement au prochain Sommet de l’éducation, qui se tiendra en février. Il s’agira de rassembler les partenaires syndicaux et les acteurs du monde étudiant dans le but de consolider la position étudiante par rapport au gouvernement fédéral. La Fédération aura aussi pour cible le gouvernement provincial, car selon François Vincent, les transferts fédéraux nécessitent aussi la bonne disposition des autorités québécoises. Par ailleurs, la FEUQ consacrera une partie de son temps au développement de la Stratégie d’action jeunesse. Ce programme, destiné à faciliter la réinsertion socio-économique des jeunes, entend promouvoir l’initiative et l’entreprenariat par le financement de projets individuels. «La meilleure façon de stimuler un jeune est de faire en sorte qu’il puisse réaliser ses projets», insiste Vincent. Preuve de sa réussite, la Stratégie a créé 30 000 stages et emplois en trois ans. La poursuite de cette politique jeunesse implique toutefois de rattraper le retard pris par le gouvernement en 2005. Le souci de la FEUQ sera surtout d’assurer le financement à long terme du projet, afin d’éviter qu’il ne faille renégocier un nouveau budget tous les trois ans. Autre initiative de l’exécutif feuquien, un bilan des élections fédérales sera publié après un remue-méninges de la part des associations étudiantes. Si Vincent atteste que la Fédération s’est améliorée par rapport à la dernière campagne électorale où les sorties publiques avaient été moins restreintes, il reste convaincu que la FEUQ pourra être plus efficace une prochaine fois. Ainsi, cette production permettrait au prochain comité exécutif d’évaluer le chemin parcouru et d’agir pour le mieux. x
délit | 24 janvier 2006 10 xle www.delitfrancais.com
Nouvelles
Le rendez-vous de Caracas
La Mission Québec se prépare pour l’édition 2006 du Forum social mondial. international Marc-André Séguin Envoyé spécial à Caracas
C
’est à Caracas que se déroulera, du 24 au 29 janvier, l’une des trois rencontres de l’édition 2006 du Forum social mondial (FSM), un rendezvous altermondialiste où, depuis 2001, des militants du monde entier se réunissent pour mettre à l’avant-plan différentes positions progressistes. Une multitude de Québécois s’apprêtent d’ailleurs à y participer, la plupart sous la bannière –plus ou moins formelle– de la «Mission Québec». Cette délégation se compose notamment de représentants du groupe Alternatives, d’ATTAC-Québec, de la CSN et de la CSQ et compte environ 300 membres dans ses rangs, selon Catherine Binette d’Alternatives. Robert Jasmin, président du groupe ATTAC-Québec et l’un des rares Québécois à avoir participé à chaque édition du FSM, estime qu’il s’agit de la plus grande délégation en provenance du Québec à ce jour. La majorité des représentants sont déjà sur le terrain et participent actuellement à des visites préliminaires auprès de groupes vénézuéliens dans l’espoir de tisser des liens. «[Ces visites sont faites] dans le but de mieux comprendre la dynamique de la révolution
bolivarienne [lancée par le président Hugo Chavez]», a commenté Mme Binette. Toutefois, c’est pendant le Forum que la Mission Québec sera la plus active. En plus d’assister à de multiples conférences offertes sur les lieux du Forum, chaque association est aussi appelée à préparer divers ateliers de sensibilisation à des causes pour lesquelles chacun travaille. Ces activités se tiendront dans l’espoir non seulement d’attirer l’attention de groupes venant d’ailleurs, mais aussi de rencontrer d’autres Québécois sur place et élargir leurs réseaux respectifs. «C’est l’occasion pour les groupes québécois de rencontrer d’autres groupes québécois. On se connaît, mais on n’a jamais le temps de se parler. Certains vont dire que nous prenons un long détour pour nous rencontrer, mais il reste que pendant une semaine, on est ensemble. […] Là, on a tout le temps qu’il faut pour discuter à fond», affirme M. Jasmin. Il soutient que cette technique n’est pas non plus propre aux altermondialistes. «Pour faire un parallèle, l’ordre économique mondial actuel s’est concocté pendant trente ans lors des réunions de Davos. […] C’est là qu’ils se parlent, qu’ils prennent un scotch ensemble et c’est là qu’ils se parlent vraiment pour savoir comment cet ordre va s’organiser. Ce qui se passe au FSM, c’est la naissance d’un contre-pouvoir mondial. » Selon divers représentants de la Mission Québec, on attend près de 150 000 personnes à Caracas pour l’événement. Un rendez-vous particulièrement symbolique en 2006 Depuis le premier rendez-vous de Porto Alegre en 2001, les participants du Forum
se sont attardés à des sujets aussi divers que les inégalités entre les pays du Sud et ceux du Nord, le travail des enfants, la malnutrition, les conditions de travail dans les pays du Tiers-monde et la consommation responsable. Le lieu de la rencontre donnera cependant une allure particulièrement symbolique à ce rendezvous 2006. Le Venezuela, pays dirigé par le président antiaméricain et gauchiste Hugo Chavez, est devenu ce que les altermondialistes, comme M. Jasmin, qualifient de «laboratoire d’une révolution démocratique axée sur les besoins d’une population, et qui déjoue les règles économiques dominantes». Mme Binette ajoute aussi que «la situation sociale et politique y est en mouvance, et elle est très pertinente. C’est un vent de gauche qui souffle sur les Amériques et Chavez est un des leaders principaux». Ce «vent de gauche» en est d’ailleurs un qui semblerait prendre de plus en plus d’ampleur, si on se fie aux divers membres de la délégation. Il pourrait aussi aider à mettre le vent dans les voiles à un mouvement grandissant. Après le triomphe de Chavez aux
Robert Jasmin d’ATTAC-Québec sera au Venezuela pour faire entendre sa voix au Forum social mondial. Marc-André Séguin
élections législatives de décembre dernier et avec l’élection récente d’Evo Morales en Bolivie, suivie de celle de Michelle Bachelet au Chili –tous deux étant des candidats de la gauche sud-américaine– l’édition 2006 du Forum ne pourrait tomber plus à point pour les militants en faveur d’un renouveau politique. Des problèmes de logistique à prévoir Un événement récent posera cependant certains problèmes pour la tenue de l’événement. L’effondrement du pont de la route principale reliant l’aéroport international Simon-Bolivar-de-Maiquetia à la ville de Caracas a causé sa fermeture le 5 janvier dernier. Les voyageurs allant au Forum devront ainsi être détournés vers une ancienne route qui, pour Affaires étrangères Canada, est «dans un piètre état et traverse certaines régions dangereuses». Ainsi, le voyage de l’aéroport vers Caracas –qui prendrait normalement environ vingt minutes selon les médias locaux– se voit prolongé de près de trois heures. «C’est sûr que ce n’est pas idéal, mais on devra faire avec», a indiqué M. Jasmin. Le logement sera un autre casse-tête pour les autorités locales. Catherine Binette avoue que des problèmes surviendront nécessairement. «On attend 150 000 personnes dans une ville où la capacité est de 20 000 personnes au niveau de l’hébergement. C’est sûr qu’il y aura des problèmes en termes de logistique.» Toutefois, il est à préciser que les autorités locales terminent actuellement l’érection de tentes qui serviront à héberger ceux qui ne trouveront pas d’hôtel et qui n’auront pas l’équipement nécessaire pour camper sur le site du Campement de la jeunesse. Enfin, une autre crainte au niveau politique persiste chez certains. Insistant sur le fait que le FSM est un événement autonome et non partisan, Mme Binette redoute une récupération de son contenu par le gouvernement Chavez. «Les partis politiques sont invités à ne pas participer. [Le FSM] est pour les membres de la société civile. Mais dans le cas du Venezuela, il y a des craintes que le gouvernement essaie de s’approprier la tribune publique pour faire passer son message politique. C’est sûr qu’il [Hugo Chavez] va venir parler.» Malgré les problèmes et les craintes, Catherine Binette souligne l’importance de ce genre d’événement. «C’est là où les forces sociales s’unissent pour faire avancer les luttes de façon conjointe. L’idée, c’est de créer un front commun. Le Forum social, en tant qu’espace, nous permet d’élaborer nos stratégies pour réussir à consolider ce front commun», conclut-elle. x La première réunion de ce Forum polycentrique, à Bamako au Mali, a pris fin le 23 janvier. La troisième et dernière réunion, à Karachi au Pakistan, est prévue pour le printemps prochain.
Nouvelles
Infusion équitable
xle délit | 24 janvier 2006 www.delitfrancais.com
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Le maire de Montréal Gérald Tremblay encourage les employés de la Ville à boire du café équitable: l’administration en entier suivra-t-elle? local Marie-Ève Blain-Juste Quartier libre (CIPUF)
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ans les bureaux du maire Tremblay on ne sert que du café équitable, alors qu’au sein de certains arrondissements on ne se formalise pas avec de tels choix de consommation. Pire, les conventions de gestion municipale exigent que les élus axent leur politique d’achat selon la soumission la plus basse. Un critère qui laisse un goût amer à ceux qui souhaitent l’émergence d’une conscience équitable au niveau municipal. Pour plusieurs, l’achat équitable commence par le choix du fournisseur de café. Or, le café ne fait pas partie des produits fournis par le service d’approvisionnement de la Ville de Montréal. «L’achat de café est géré par les politiques sectorielles de chacune des unités», souligne Amélie Régis, porte-parole de la ville de Montréal. «Toutefois, au bureau du maire et au Jardin botanique, on ne boit que du café équitable. Nous aimerions généraliser ce type de pratique», ajoute Mme Régis. Au sein des différentes unités de la Ville, peu semblent avoir emboîté le pas à la résolution prise par le bureau du maire. Interrogé sur les orientations d’achat de la municipalité en matière de café équitable, Lucien Jolicoeur, chef de section magasin au centre de distribution Louvain, note que «ce type de philosophie n’existe pas encore dans les politiques de la Ville, car ce sont souvent les fonctionnaires qui amènent leur café. Sinon, chaque unité traite avec une entreprise de distribution». À l’arrondissement d’Outremont, les politiques d’achat «responsables» visent surtout à se procurer du papier recyclé et des produits nettoyants biodégradables, autant que faire se peut. «Le café équitable? Je ne m’en suis jamais préoccupée», relate Suzanne Jeffrey, chef de division ressources financières, approvisionnement de l’arrondissement d’Outremont. «Nous, nous faisons toujours affaire avec la même compagnie: on regarde surtout les prix.» Il y a quelques années, l’organisme Équiterre a approché les paliers de gouvernements fédéral et provincial afin que ceux-ci offrent du café équitable dans leurs bureaux et dans leurs lieux de réunion respectifs. Cette démarche n’a toutefois pas été entreprise au municipal en raison «des difficultés administratives engendrées par les refontes des fusions à Montréal et dans les autres municipalités québécoises», dénote Carle Bernier-Genest, chargé de projet en commerce équitable à Équiterre. Or, dans les arrondissements, il existe
certaines initiatives, comme celle du maire de Rosemont- Petite-Patrie, André Lavallée, qui offre du café équitable dans les bureaux de son Conseil. «Cet exemple va nous inciter à agir de nouveau», croit Carle BernierGenest. «Cela fera peut-être boule de neige, car il sera plus facile après d’aller voir les autres municipalités et de leur dire : « si eux le font, pourquoi pas vous? »», espère-t-il. Les prix les plus bas... Lorsqu’elle fait des appels d’offre pour s’approvisionner en biens et services, la Ville est tenue par la Loi sur les cités et villes d’accorder le contrat à la personne «qui a fait, dans le délai fixé, la soumission la plus basse». Ainsi, le même règlement s’applique lors de l’achat de vêtements pour les employés municipaux. «Même si nous favorisons les fournisseurs locaux, avec la mouvance propre à la mondialisation ceux-ci, pour demeurer compétitifs, transigent de plus en plus avec des ateliers de confection en Asie et en Europe de l’Est, témoigne José G. Simon, chef de division de l’approvisionnement en biens et des services administratifs à la Ville de Montréal, et nous n’avons pas les moyens de faire l’audit des sous-traitants à l’étranger.»
En Chine, en Inde et au Pakistan, importants producteurs et exportateurs de vêtements, le taux horaire moyen d’un employé de l’industrie du textile et du vêtement oscillait entre 0,37 et 0,69 US$ en 2000. Conscient de cette réalité, le Conseil municipal de Québec a adopté une résolution en 2004 visant à s’assurer que les vêtements portant la marque de commerce de la Ville soient fabriqués dans le respect des normes nationales et internationales du travail. «Il s’agit d’une première: ce type de politique n’existe pas encore à Montréal», déplore Catherine Vaillancourt-Laflamme de la Coalition québécoise contre les ateliers de misère. «Un acteur collectif public comme la Ville de Montréal doit se doter d’une politique d’achat éthique réelle et opératoire qui demande au fournisseur de respecter certains critères et qui vérifie s’ils sont respectés», renchérit-elle. «Présentement, la question des droits des travailleurs est en pleine émergence, au même titre que celle de l’environnement il y a 10 ou 15 ans», soutient Catherine Vaillancourt-Laflamme. Projet de développement durable pour Montréal La Ville de Montréal s’est dotée d’un
premier plan stratégique de développement durable en avril 2005. Ce plan, divisé en une série de 24 actions concrètes à accomplir, énonce que la municipalité souhaite «intégrer des critères de développement durable dans les processus décisionnels et l’achat de biens et de services». Par cet engagement, l’Action 1.23, on vise à outrepasser les simples considérations économiques dans le choix d’un projet ou d’un bien pour aussi tenir compte des impacts sociaux et environnementaux de celui-ci. En principe, l’Action 1.23 étend la notion de développement durable au-delà du cadre environnemental auquel elle est rattachée d’habitude et crée des obligations éthiques pour les entreprises, les institutions et les commerces partenaires de la Ville. L’échéancier qui accompagne cette action prévoyait que vers le mois de décembre 2005, la municipalité ait «adopté et implanté les critères de développement durable dans les processus décisionnels». Or, à la fin du mois de décembre, la Ville a commencé «à adopter des critères de développement durable, mais ce n’est pas encore déterminé», révèle Amélie Régis. x
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délit | 24 janvier 2006 12 xle www.delitfrancais.com
Gombrowicz au Prospero L’adaptation du roman Ferdydurke, de Witold Grombowicz, nous amène de nombreux questionnements sur la nature humaine. théâtre Pierre-Olivier Brodeur Le Délit
U
n homme se fait catapulter sur scène et nous livre ses réflexions sur sa personne, sur le statut que les autres lui donnent. C’est Joseph, Jojo, que nous suivrons tout au long de la représentation dans sa quête d’identité. Car Ferydurke, c’est avant tout un «questionnement philosophique sur l’homme, sur la place des institutions dans notre vie, sur la gueule qu’on se fait imposer par les autres», nous explique Carmen Jolin, que le Délit a rencontrée. Auteure de l’adaptation du roman de Witold Gombrowicz, Carmen Jolin est aussi responsable de la mise en scène de la pièce. «Il était important que je fasse les deux, que je mette en scène le texte que j’avais moimême adapté». Elle n’en est pas à sa première adaptation, et connaît donc les difficultés
particulières de ce genre d’entreprise: couper au bon endroit, garder le rythme. Si tous les textes ne se prêtent pas à l’exercice, elle a été séduite par la perspective d’adapter Ferdydurke, un roman qu’elle connaît depuis longtemps. «Gombrowicz est un grand auteur, qui propose des phrases et des réflexions de haute voltige, c’est une grande source d’action et de dialogues. Pour moi, adapter ce texte c’était la possibilité d’offrir au public une nouvelle œuvre dramatique.» Le texte de Gombrowicz a également posé quelques problèmes particuliers. «C’est une œuvre irréaliste, loufoque, aux personnages et aux actions multiples», nous dit-elle, ce qui a demandé beaucoup de souplesse aux comédiens, dont la plupart tiennent plusieurs rôles. Carmen Jolin se dit très contente de l’équipe de comédiens avec laquelle elle a travaillé: «ce sont des gens très ouverts, prêts à faire une recherche afin de créer des images et des corps pour ces personnages. Je crois que les acteurs ont aimé l’expérience.» Malgré cet enthousiasme, on ne peut dire que cette pièce soit une réussite complète. François Trudel, qui tient le rôle principal, se montre quelque fois faible et peu convaincant. Seule la performance de Jean Turcotte (le double de Jojo, le Cousin et Hopek) vaut la peine d’être soulignée tant l’acteur est juste dans chacun de ses rôles, à tel point qu’on peine parfois à le reconnaître.
L’action et la réflexion se mêlent dans la pièce Ferdydurke. gracieuseté Groupe de la Veillée
N’ayant pas lu l’œuvre originale, il m’est difficile de juger de l’adaptation. Le propos du texte est complexe, parfois difficile à saisir, et il n’est pas toujours aisé de faire le lien entre les différentes scènes. De plus, si l’humour de certaines d’entre elles arrive à toucher le public (notamment la leçon de littérature: «Pourquoi aimonsnous Lamartine? Parce que c’était un grand poète, plein de grandeur!»), à de nombreuses
reprises la pièce s’enlise dans un grotesque de commedia dell’arte un peu dépassé. Ferdydurke n’en porte pas moins à réflexion sur l’identité et l’immaturité et saura sans doute contenter les amateurs d’univers absurdes et loufoques. x Ferdydurke est présentée au Théâtre Prospero jusqu’au 4 février. Pour plus d’information et réservations : (514) 526-5872.
Le Malade imaginaire ou le dernier Molière Une occasion unique de redécouvrir une œuvre fondatrice… théâtre Arnaud Decroix Le Délit
L
e Théâtre du Nouveau Monde est passé maître dans l’art de présenter des pièces classiques dans des mises en scène contemporaines et audacieuses. Ainsi, il nous propose, en ce début d’année, le sommet du théâtre français: Le Malade imaginaire. D’entrée de jeu, les premiers pas de danse, au commencement de la première scène, surprennent le spectateur. Il faut dire que le metteur en scène, Carl Béchard, a choisi de présenter la pièce dans son intégralité, c’est-à-dire en y incluant ses intermèdes musicaux originels, tant appréciés de Louis XIV. Ainsi, la pièce se trouve agréablement ponctuée de menuets et de ritournelles, qui font la joie des spectateurs et nous plongent dans une atmosphère similaire à celle de la cour du Roi Soleil. Le Malade imaginaire raconte l’histoire d’Argan, un hypocondriaque dont les angoisses renforcent la bonne santé financière
des médecins, qui n’hésitent pas à abuser de la crédulité de leur malheureux patient. Mais, bien que riche, Argan n’en est pas moins avare et réfléchit aux moyens de réduire sa facture médicale. Il imagine alors de marier sa fille à un jeune médecin, dont la famille suit les traces d’Hyppocrate depuis plusieurs générations. Molière en profite ici pour faire une satire de la société de son temps et se gausse du jargon des professionnels de la santé, qui ne semble pas avoir totalement disparu aujourd’hui. D’ailleurs, pour ceux que cela intéresse, Marquis Fortin prononcera une conférence sur la médecine au temps de Molière le lundi 30 janvier (Université de Montréal, 3200 Jean-Brillant, de 19h30 à 21h30). La décision d’Argan est évidemment contrariée par la volonté de sa fille, Angélique (Bénédicte Décary), amoureuse de Cléante (Guillaume Champoux). En réalité, ledit Argan, magnifiquement interprété par Alain Zouvi, qui a déjà remporté deux prix Gémeau, est avant tout en quête d’amour, habité par un profond mal de vivre. À l’initiative de Toinette
la soubrette, il entreprend alors de se faire passer pour mort afin d’éprouver les sentiments de son entourage. Sa nouvelle épouse (la sublime Monique Spaziani) révèle ainsi ses véritables sentiments évidemment fort intéressés tandis que l’amour de sa fille ne peut le laisser indifférent. À cet égard, Pascale Montpetit, dans le rôle de Toinette, est vraiment prodigieuse et donne à son personnage un ton badin, jovial, coloré, qui insuffle la
vie dans cette ambiance mortifère. Pour les amateurs, signalons que celle qui a rejoint l’équipe d’Histoires de filles, l’an passé à TVA, incarnera prochainement Nykol dans une nouvelle télésérie intitulée Pure laine, dont le premier épisode est diffusé le 25 janvier à Télé-Québec. Le caractère ubuesque de la pièce est encore renforcé par la qualité des rôles secondaires tels celui de Louison (Marie-Ève Beaulieu) ou de Thomas Diafoirus (Patrice
Encore une fois et depuis 333 ans, Argan monte sur scène, cette fois-ci au Théâtre du Nouveau Monde. Yves Renaud
Coquereau). En conclusion, les intermèdes chantés et dansés sont une vraie réussite et permettent une redécouverte de cette pièce formidablement servie par le beau jeu des acteurs. Leurs innombrables mimiques et petits gestes constituent autant de pépites qui ravissent le public. Des applaudissements ont même eu lieu en cours de spectacle – chose ô combien rare! – témoignant de ce bon mariage entre le texte classique de Molière et une mise en scène inspirée d’Alfred Jarry. Ainsi, Carl Béchard, sacré révélation de l’année par l’Académie du théâtre en 1998 et enseignant depuis plusieurs années au Conservatoire, parvient à redonner toute sa dimension de comédie-ballet au dernier opus de Molière. Rappelons que celuici est précisément mort au cours de la quatrième représentation du Malade imaginaire, il y a près de 333 ans, un certain 17 février 1673. Le pari incroyable de rendre cette pièce classique extrêmement drôle est donc largement remporté. x Le Malade imaginaire est présentée au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 11 février. Pour réservations: (514) 866-8668.
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xle délit | 24 janvier 2006 www.delitfrancais.com
Moi, ma mère…
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L’Usine C présente la pièce Tout comme elle, un spectacle poétique qui rend un vibrant hommage à la femme. théâtre Sophie Lestage Le Délit
L
e cordon ombilical n’est jamais totalement coupé entre une mère et sa fille. Il est donc plus qu’intéressant de s’interroger sur la nature de ce phénomène universel, sujet qui est, dans cette pièce de théâtre, dûment exploité. Exit les sempiternelles relations nocives mélodramatiques: l’univers mère-fille décrit par l’auteure, Louise Dupré, se veut honnête et conforme à la réalité. Car qu’on se le dise, la mère idéale n’existe pas. Dans la pièce Tout comme elle, la parole individuelle n’existe pas, c’est plutôt une voix collective qui se fait entendre, cri du cœur lancé par cinquante femmes. Oui, cinquante! Cinquante actrices qui jouent sur la même scène, en même temps, durant toute la représentation. L’effet est stupéfiant! Certaines sont connues, d’autres moins. Or, ici, quantité rime avec qualité. Elles ont été minutieusement choisies, représentant toutes les générations et les styles de femmes. À chacune son histoire, ses illusions. Le plateau immense de l’Usine C est vide,
seule la femme est mise de l’avant. Sur scène, les mouvements des actrices sont si bien chorégraphiés qu’on dirait qu’elles dansent. De plus, à l’instar de la marionnette ou du pantin, elles s’immobilisent, prenant ainsi une pose pour le public. L’époustouflante mise en scène de Brigitte Haentjens arrive à traduire de façon subtile, et avec beaucoup de doigté, la force tranquille qui se dégage d’elles. Parées de lingerie et de talons, ces cinquante actrices transpirent la vulnérabilité. Cette fragilité est celle de l’enfant devant ses parents car, dès la naissance, s’impose un concept d’obéissance. «Je dis oui», dirontelles en chœur. Phénomène que dénonce d’ailleurs l’auteure, déplorant ainsi au passage l’éducation qui conditionne les femmes à se soumettre à des pressions sociales. À devenir parfaites ou… parfaitement comme leurs mères. Le texte est rarissime. À peine quelques phrases sont prononcées, chantées. Les générations s’emboîtent, se ressemblent: le texte, lui, recommence, se répète. Telle mère, telle fille! Ce n’est que par le mouvement, et par lui seul, que les désirs féminins sont exprimés. Ainsi, chaque femme est en quête de reconnaissance, d’approbation ou d’amour inconditionnel, c’est selon. Dans
Cinquante femmes sur scène... Lydia Pawelak
Tout comme elle, on questionne la fille qui se terre au fond de ces femmes, qui implore une identité propre, lui permettant de se différencier de celle qui l’a mise au monde et, par conséquent, de se définir. Toutefois, et heureusement, les mères ne deviennent jamais bourreaux. La sensibilité du travail de Dupré et Haentjens nous pousse plutôt à nous questionner sur l’identité des mères qui oublient un jour qu’elles ont été femmes, celles-là mêmes qui se cachent derrière leurs «masques de mère». Émouvant.
Moi, ma mère… est mère d’une autre. Fille d’une. Femme d’un. Mes pas empruntent souvent les siens. Sa présence m’habite: une ombre plaquée contre une autre. Je suis elle, moi, et peut-être même les deux à la fois. Fille d’une. Mère d’aucune. Je suis… Tout comme elle. x Tout comme elle est présentée jusqu’au 28 janvier à l’Usine C (1345 av. Lalonde). Pour réservations et plus d’information: (514) 5214493 et www.usine-c.com.
l’aventure du vin
Sur les côtes de la rive gauche bordelaise
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lus ça change, plus c’est pareil, dit-on. Un peu comme le fait la mode, qui revient sans cesse à ses classiques ou qui ressuscite des époques révolues. Le monde du vin ne fait pas exception à cette loi de la nature, et pour en comprendre toutes les nouveautés et les variantes, il faut bien sûr connaître ses classiques. Bordeaux représente bien sûr la terre sacrée des classiques, et il est d’autant plus important d’être au fait de ses produits, puisque nul autre région n’est plus copiée de par le monde. La Californie et l’Australie s’en sont d’ailleurs faits les principaux copistes, et aujourd’hui, on peut dire que l’élève surpasse le maître, pour ne pas dire qu’il l’éclipse souvent. Les caractéristiques générales de l’ensemble de la région de Bordeaux sont assez simples. Tous les vins rouges sont issus du même assemblage,
celui de cabernet sauvignon-merlot-cabernet franc. De manière générale, sur la rive gauche bordelaise, c’est le cabernet sauvignon qui sera en prédominance, formant 50% à 80% du vin, et sur la rive droite, c’est le merlot qui s’impose dans des proportions semblables. Enfin, partout le cabernet franc est minoritaire, mais son rôle n’en est pas moins négligeable puisqu’il affine et adoucit son cousin sauvignon. Ainsi, le cabernet sauvignon et le merlot, assemblés, ont un caractère très reconnaissable. Outre des tonalités de cassis, de cèdre, de crayon (vous vous souvenez de l’odeur particulière des crayons jaunes de la petite école?) et un goût de chêne qui lui vient des barriques dans lesquelles il a séjourné, les vins bordelais ont souvent des arômes de poivre vert, de chocolat noir, de tabac, de menthe, et dans les vins plus âgés, de fruits secs ou confiturés. Il convient maintenant de regarder de plus près cette région morcelée d’appellations, puisque la table, je crois, a été mise. Certains sont peut-être impatients d’aller plus en détail, mais il sera bien sûr impossible de faire un survol complet de Bordeaux. Mais puisqu’il y a tant à dire sur cette prolifique région qu’est Bordeaux, parce que son histoire est si riche et ses vins aussi nombreux que différents, nous découperons la région en deux rives. Nous descendrons la Gironde, pour en examiner la rive gauche. Le Médoc Le Médoc tire son nom du latin medio aquae, qui signifie entre les eaux. C’est en effet
la région qui est située entre l’océan Atlantique et la Gironde. Le vignoble médocain s’étend aujourd’hui en une longue bande sur toute la rive gauche, de Bordeaux à la pointe de Grave. Le Médoc jouit donc du climat le plus doux de tout le Bordelais, tempéré par ces deux grandes masses d’eau. Ce qu’il faut avant tout connaître du Médoc, ce sont ses quatre communes célèbres: Margaux, St-Julien, Pauillac et St-Estèphe. Peut-être ces noms ne vous sont pas totalement inconnus, et avec raison, puisqu’ils ont donné naissance à plusieurs grands crus.
Margaux, tout d’abord, avec son premier cru éponyme, est la plus célèbre des régions du Médoc. En général, ses vins sont souples, veloutés et pleins de charme. Ils n’en sont pas moins des vins de garde, c’est-à-dire des vins qui doivent être conservés plusieurs années avant d’atteindre la maturité. Ils sont malheureusement assez dispendieux à se procurer chez nous, les moins chers coûtant dans les 35$. Et pour un vieux Château Margaux premier cru classé, ayez plusieurs milliers de dollars en banque. À mesure que l’on descend la Gironde, les vins deviennent de plus en plus costauds. Déjà, à St-Julien, on obtient des vins qui possèdent la même élégance qu’à Margaux, mais plus corpulents. Pauillac et St-Estèphe donnent quant à eux des vins puissants et épicés, aussi robustes que riches. C’est donc dans ces trois dernières régions que l’on retrouve la majorité des grands crus, et des vins de très longue garde. Ce qui permet à un vin de vieillir, ce sont les tannins, cette substance astringente, râpeuse que l’on retrouve dans les vins, qui est issue de la peau, des rafles (tiges) et des pépins du raisin, tous pressés quand on fait le moût, ou le jus. Les tannins donnent au vin sa charpente et sa robustesse, et s’adoucissent avec le temps. C’est grâce à eux que les vins connaissent une longue maturation, le plus souvent de dix à vingt ans, mais pouvant donner des vins centenaires. x
Flora Lê
délit | 24 janvier 2006 14 xle www.delitfrancais.com
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Plan fixe sur une crise familiale Caché, le nouveau casse-tête de Michael Haneke, vous fera frémir et réfléchir. cinéma Alexandre de Lorimier Le Délit
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nne et Georges Laurent mènent la belle vie dans un quartier bourgeois de Paris. Il est animateur d’une émission littéraire à la télévision, elle travaille pour une maison d’édition. Leur fils Pierrot a douze ans. Du jour au lendemain, les Laurent commencent à recevoir des enregistrements vidéos accompagnés de dessins étranges. La première cassette fixe pendant deux heures leur maison et détaille les allées et venues de la famille un matin de semaine. Le couple se questionne sur les intentions du vidéaste mais n’en vient à aucune conclusion. L’indécision, c’est un peu la trame de Caché, le nouveau film du cinéaste autrichien Michael Haneke. On sent dès le début du film
Même à Paris, les cyclistes n’ont pas leur place. gracieuseté Les Films du Losange et Sony Pictures Classics
une certaine tension dans le couple. Anne, jouée par Juliette Binoche, garde son rôle de bonne mère de famille qui veut à tout prix protéger son fils. De son côté, le personnage de Georges, interprété par Daniel Auteuil, reste inébranlable et se met à questionner son passé à la recherche d’indices sur les intentions de l’harceleur. Il se souvient d’un épisode tragique de son enfance et commence à avoir des cauchemars. Quarante ans auparavant, ses parents avaient
accueilli à la ferme familiale un couple algérien et leur fils, Majid. Confirmant ses doutes, une vidéo le dirige enfin vers l’appartement de son ami d’enfance. Caché évoque l’histoire de la France au Maghreb. Le film rappelle le racisme d’État qui régnait dans l’Hexagone alors que l’Algérie en faisait partie intégrante dans les années cinquante. Georges essaie tant bien que mal de se remémorer les événements de son enfance qui provoquent le retour de Majid dans
sa vie. Il est atteint d’une amnésie sélective et doit tout d’un coup faire un examen de conscience en explorant sa propre responsabilité et sa nouvelle culpabilité. Haneke présente une œuvre sobre, à l’image de Georges, un homme qui peine à exprimer ses sentiments et qui ne comprend pas ceux des gens qui l’entoure. L’utilisation du plan fixe rend l’action lente et amène le spectateur à se questionner sur ce qu’il voit à l’écran. Le réalisateur
se sert sciemment de ce jeu entre les prises de vue du vidéaste et les scènes propres à la narration pour créer son intrigue. Chaque séquence contient d’infimes détails qui pourraient facilement passer inaperçus d’un public distrait. Malheureusement, le rythme du film a tendance à devenir frustrant et le réalisateur parvient mal à stimuler la galerie. De nombreuses questions restent en suspens et il faut se forcer pour ne pas s’en poser davantage. Les cinéphiles seront gâtés par l’interprétation magnifique du couple principal. Juliette Binoche crée en Anne un personnage crédible qui a du mal à contenir ses émotions face à un époux distant et maladroit. De son côté, Daniel Auteuil est au sommet de son art. Il impose en Georges un homme froid que l’on voudrait secouer pour obtenir ne serait-ce qu’un semblant de réaction. Malgré quelques longueurs et une intrigue déconcertante, Caché est une œuvre de cinéma originale qui demande au public une attention particulière. La cinématographie inhabituelle et l’interprétation magistrale en valent certainement la peine. À voir… plus d’une fois. x
La fortune sourit aux audacieux Woody Allen se renouvelle avec Match Point, un drame de mœurs à propos de la chance. cinéma David Pufahl Le Délit
J
e l’avoue d’entrée de jeu: j’adore les films de Woody Allen. Par contre, même avec ce préjugé favorable, j’admets que ses derniers films ne sont pas au niveau auquel il nous avait habitué il y a bien des années. Anything Else n’était qu’une pâle copie d’Annie Hall et Melinda and Melinda répétait avec beaucoup moins de subtilité l’expérience narrative de Crimes and Misdemeanors. Son tout dernier film, Match Point, est sûrement son meilleur film des années 2000 et une grande réalisation que n’importe qui, admirateur ou non, peut apprécier. En effet, Allen y a évacué la plupart des thèmes qu’il évoque normalement, de sorte que Match Point est méconnaissable. Chris Wilton (Jonathan Rhys-Myers) est un ancien joueur professionnel de tennis d’Irlande qui travaille maintenant en tant qu’instructeur dans un club de tennis prestigieux de Londres. Il se lie d’amitié avec Tom Hewett (Matthew Goode), un jeune homme riche qui l’accueille dans sa famille. Chris y rencontre la sœur de Tom, Chloe (Emily Mortimer), et entame une relation sérieuse avec elle. Il se fait
également proposer un emploi plus lucratif dans la compagnie du père de Tom (Brian Cox). Par contre, il est irrémédiablement séduit par la copine de Tom, Nola Rice (Scarlett Johansson), une actrice américaine désespérée de faire sa place à Londres. Il finit par se marier avec Chloe et Tom rompt avec Nola, que sa famille n’apprécie pas particulièrement. Quelques temps plus tard, Chris revoit Nola et ils s’envoient en l’air presque instantanément. Bientôt, l’une des deux femmes sera de trop… Le thème principal du film est la chance et son importance dans la vie des gens. Au début, Chris est la chance incarnée. En effet, il est dépeint comme un homme normal qui monte les échelons de la haute société presque par hasard. Ce n’est pas un profiteur, mais il n’est pas stupide. Il sait que sa situation est devenue privilégiée et qu’il doit la protéger. Ce personnage est sûrement le plus nuancé que Woody Allen ait créé depuis longtemps. Il ne s’agit pas d’un homme timide et névrosé qui agit comme si Allen s’était réincarné en lui. Will Ferrell, Jason Biggs et Kenneth Branagh l’ont déjà fait avec des résultats mitigés. Match Point est le premier film d’Allen tourné ailleurs qu’à New York depuis bien longtemps. Ce changement de décor est très profitable et est un des changements qu’il a apporté à ses manies routinières. Aussi, au
Le changement de décor, Londres plutôt que New York, renouvelle le style d’Allen. Clive Cloote
lieu de se servir de pièces de jazz, il instille ce drame de morceaux d’opéra. D’un autre côté, le son est toujours monophonique et le générique du début est toujours celui dont il se sert depuis des années. Même s’il fait des efforts pour se renouveler, Allen ne peut s’empêcher d’y avoir recours. En plus de la performance nuancée venant de Rhys-Myers que j’ai mentionné tout à l’heure, il y a la prestation sulfureuse de Scarlett Johansson qui joue magnifiquement la femme fatale. Elle inspire la luxure d’un simple regard. Les autres acteurs et actrices jouent avec sérieux et conviction. Finalement,
aucun acteur ne joue le rôle d’Allen alors si son simple comportement vous donne des boutons, n’ayez pas peur de lui dans ce casci. La plupart des films de Woody Allen sont des comédies aux répliques hilarantes et aux propos légers. Dans le passé, il a déjà fait quelques drames purs et durs qui, à cause de sa réputation de comique, n’ont pas été bien accueillis par le public. Cette fois-ci, après plusieurs comédies obscures adressées aux inconditionnels, il épate la galerie avec un drame qui interpelle tous les cinéphiles, névrosés ou pas. x
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xle délit | 24 janvier 2006 www.delitfrancais.com
Campement sculptural
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Adele Chong et Mareike Lee proposent, avec l’exposition Hut, une exploration de principes architecturaux comme un reflet de leurs pérégrinations. arts visuels Mathieu Ménard Le Délit
L
a hutte, habitation à laquelle fait référence le titre de l’exposition, est par nature temporaire et instable. Dans un même ordre d’idées, chaque exposition devient, pour Mareike Lee et Adele Chong, un lieu de campement, un moment de répit. Après les résidences d’artiste au Pays-Bas (Arnhem et Rotterdam), Montréal est un autre point sur la carte pour ces artistes avant de continuer les déplacements, sinon les déménagements. Occupant le périmètre de la salle d’exposition, Adele Chong explore l’architecture dans un contexte graphique. Mélangeant différents médiums (graphite, encre, etc.), elle dessine des compositions éclatées (explosives même) où l’espace se fragmente en une infinité de chemins. Le mélange organique et rectiligne emprunte
autant aux cartes topographiques qu’aux plans architecturaux. De fait, le résultat final est tout aussi fascinant à observer de loin (pour apprivoiser l’enchevêtrement de lignes) que de près (pour apprécier les variétés de textures et l’interaction du fil suspendu par-dessus le dessin). L’aspect monochrome soutient la force du dessin, tandis que la variété de fils crée un jeu d’ombres ajoutant une touche de complexité. Au centre de la pièce, Mareike Lee propose une installation de dimensions respectables, montée de façon à rappeler une habitation. Quatre murs et un toit en papier, où la lumière se glisse sans effort et où le visiteur peut aisément entrer. À partir de l’intérieur, on peut davantage apprécier la nature pêle-mêle de la construction. Papiers de toutes formes et de différentes origines, bobines de fil et objets en plastique se côtoient dans un esprit anecdotique. L’espace est aussi occupé par des dessins texturés sur différents papiers et quelques traces de figuration, sans oublier
calendrier culturel
Du 24 au 31 janvier Opéra • Candide de Leonard Bernstein – présenté par l’Opéra de McGill et l’Orchestre Symphonique de McGill – avec Dixie RossNeill (direction), Guillermo Silva-Marin (mise en scène) et Julian Wachner (chef d’orchestre) – du mercredi 25 au dimanche 29 janvier – 19h30 – Pavillon de Musique Strathcona (555 Sherbrooke O.), salle Pollack – $25/$20 – www.music.mcgill. ca – (514) 398-4547 Lectures publiques • «Resources for renewal: Insight and critical inquiry in Islamic thought» – James Morris (Université d’Exeter) – présenté par l’Institut d’études arabes et islamiques – mardi 24 janvier – 15h – Morrice Hall, salle 023 – www.mcgill. ca/islamicstudies • Soirée de lancement du «Sustainable McGill Project’s ecosystem assessment of McGill» – présentations, rencontres des professeurs/étudiants – rafraîchissements offerts par Midnight Kitchen – mardi 24 janvier – 16h30 à 18h30 – Douglas Hall (3851 rue Université), salle du Piano – (514) 398-4947 • «Supporting refugees in sanctuary: Learning from the past, possibilities for the future» – Rev. Darryl Gray (Imano Family Church), Rev. Rosemary Lambie-Bromby (United Church), Rev. Carole Martignacco (Unitarian Church) et
Rick Goldman (avocat pour les réfugiés) – présenté par le Refugee Research Project (RRP) – mercredi 25 janvier – 15h à 19h – Wilson Hall (3506 rue Université, salle Wendy Patrick) – (514) 962-8705 • «White queen: Colonizing feminisms» – Tracey Jean Boisseau (University of Akron, Ohio) – présenté par le McGill Centre for Research and Teaching on Women (MCRTW) – jeudi 26 janvier – 16h – Pavillon des Arts, salle 160 – (514) 398-3911 ext. 3 • «No wine, women, or song? The fate of music in Iran after the Islamic Revolution» – Houchang Chehabi (Boston University) – présenté par l’Institut d’études arabes et islamiques – jeudi 26 janvier – 16h – Morrice Hall, salle 328 – www.mcgill.ca/ islamicstudies Musique • Récital d’orgue – avec Erik Reinart (orgue) – présenté par l’École de Musique Schulich – vendredi 27 janvier – 12h15 – Salle Redpath – entrée gratuite – (514) 398-5145 ou (514) 398-4547 • «Une après-midi Mozart» – avec Les Vents classiques du Québec – Mathieu Lussier (directeur) et Tom Beghin (piano forte) – Célébration des 250 ans de Mozart – présenté par l’École de Musique Schulich (série CBC/McGill) – dimanche 29 janvier – 15h – Nouveau Pavillon de Musique (527 Sherbrooke O.), salle Tanna Schulich – $15/$10 –(514) 398-4547
L’ambiance oscille entre l’intimité et la précarité dans l’exposition Hut. Mathieu Chartrand
une projection de diapositives en constante rotation. Au final, l’ambiance oscille entre l’intimité et la précarité. Si les moyens de création — dessin et sculpture par installation — sont fort différents, l’inspiration des artistes émerge de la même source: l’architecture. On peut entrevoir une discussion sur l’interaction entre l’humain et son espace urbain, un
certain affrontement entre la précarité du vivant et les tranquilles titans de l’habitation. Il en résulte une exposition sympathique, à quelques minutes de marche du campus universitaire. x L’exposition Hut est présentée jusqu’au 1er avril au MAI (3680 rue Jeanne-Mance) du mardi au samedi, de 12h à 18h. L’entrée est gratuite.
spectateur
les rêveries du lecteur solitaire
Réflexions profanes
J
’ai été initié au théâtre assez tard, vers l’âge de quatorze ans. Je me souviens encore de cette première représentation, L’Avare de Molière, au Théâtre Denise Pelletier. C’était une sortie organisée par l’école, et je me rappelle surtout de l’ambiance chaotique qui régnait dans la salle, des téléphones cellulaires qui sonnaient. Pour ma part, j’étais bien tranquille sur mon siège, fasciné par le spectacle qui s’offrait à moi. Mais, pour être tout à fait honnête, je dois ajouter que cette fascination devait plus au joint fumé précédemment qu’aux délires d’un vieil homme cherchant son or et administrant de grotesques bastonnades à son serviteur. Pas de coup de foudre, donc, mais plutôt un sentiment d’incompréhension face à la scène. Pendant le secondaire et le cégep, mon indifférence envers le théâtre s’est confirmée, encouragée par la vétusté des pièces qu’on nous emmenait y voir: rien de plus contemporain que Don Juan ou Lorenzaccio. Ainsi, quand Agnès (ma charmante chef de pupitre, qui va encore pester de me voir me livrer à mes réflexions au lieu de discourir sur un objet plus concret) m’a proposé d’écrire des critiques théâtrales pour le Délit, j’ai hésité. Peu d’intérêt pour la chose, mais surtout peu de compétence. Car le théâtre apparaît souvent aux yeux du profane comme une cabale obscure ne dévoilant ses secrets qu’aux seuls
initiés. Je ne l’étais pas. Aujourd’hui, même après plusieurs critiques, je ne me considère toujours pas comme membre de ce cercle restreint, mais j’ai appris à apprécier les particularités du théâtre, en premier lieu la singularité de la représentation. C’est sans doute un lieu commun de dire qu’une pièce de théâtre n’est jamais présentée deux fois, c’est cependant ce qui en fait, pour moi, le plus grand charme. Nous sommes placés devant cette œuvre d’art éphémère, que nous ne pouvons ni arrêter, ni faire reculer; chaque moment est donc précieux, chaque parole réclame toute l’attention du spectateur, qui participe au spectacle en palliant de son imagination le dénuement des décors. L’oralité du médium théâtral est une autre de ces particularités, surtout dans un monde de plus en plus centré sur l’image instantanée (photographique, cinématographique ou télévisuelle) qui prend le pas sur le signe fuyant qu’est la parole. Et cette parole est importante car la pièce de théâtre est, en règle générale, porteuse de réflexion, critique de la société ou de l’homme. Elle est un des derniers médiums qu’on ne peut concevoir en pur divertissement, en simple passe-temps. Et tout cela est encadré dans un rituel particulier, étrange au profane et d’une désuétude charmante. Entre l’annonceur qui vient nous présenter la pièce et la révérence que nous offrent les comédiens, un silence presque religieux règne dans la salle: la moindre toux résonne comme si elle éclatait sous une nef sacrée. Et je sors de cette cérémonie comme je sors de la messe annuelle de minuit, charmé par ce monde étrange et hors du temps. Charmé, mais toujours aussi athée. x
Pierre-Olivier Brodeur
délit | 24 janvier 2006 16 xle www.delitfrancais.com
Arts&Culture
critique de bédé YANN • DIDIER CONRAD Tigresse blanche n°2 Peau de pêche et cravate de soie
L
es inconditionnels de la série Les Innommables, des mêmes auteurs, se délecteront du deuxième tome de la série Tigresse blanche, bédé dérivée et occasion rêvée de se moquer un peu du Hong-Kong filmographique de la Guerre froide. «J’avais envie de dessiner des jonques», explique Conrad. On y suit les aventures d’Alix Yin Fu au temps où elle était «mouche rouge», c’està-dire aspirante espionne au service secret du Grand Timonier. Le lecteur ne pourra pas échapper aux thèmes chers au duo (les moins indulgents pourront dire «leurs obsessions») et seront emballés par l’humour aiguisé («Mes amis m’appellent Francis, et toi? –Moi aussi je vous appellerai Francis»), où les quiproquos de bas étage se mêlent à des clins d’oeils fins –le bédéphile averti reconnaîtra ainsi des références à des ouvrages d’une facture plus vertueuse comme Blake et Mortimer, Bob Morane ou Tintin– et des jeux de mots irrévérencieux. Le scénario est rocambolesque, un peu léger parfois,
mais l’histoire trouve véritablement sa force dans le mélange des dialogues crus et corrosifs de Yann et des dessins légers, dynamiques et, ma foi, légèrement burlesques, de Conrad. Dessins qui sont d’ailleurs plus aérés et plus clairs que dans Les Innommables. À la fin du premier tome, Alix venait de retrouver Fat Girl, la troisième bombe atomique américaine, qui fait l’objet de glauques convoitises. Parviendra-t-elle à la conserver, sans pour autant perdre sa «porte en jade» aux assauts de quelque «diamant chauve»? Communistes comme Alix, gentlemen britanniques prudes et délicats comme sir Francis Flake, fiers-à-bras américains farouchement anti-rouges et anti-jaunes et la sanguinaire triade des Treize Invisibles s’entredéchireront dans un joyeux bordel (une critique en disait: «Ici tout le monde tue tout le monde, et personne n’échappe au ridicule»), un peu cousu de fil blanc, mais que voulez-vous, il faut bien qu’Alix s’en sorte si le lecteur veut pouvoir se délecter d’un troisième tome… (Dargaud)
Laurence Bich-Carrière
Vous rêvez de discuter longuement (et en profondeur) des dictateurs maléfiques de Tintin? Venez nous rejoindre, on a déjà commencé. xLe Délit