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Le mardi 20 octobre 2009 - Volume 99 Numéro 6

Bill Clinton diplômé à McGill p. 3 L’environnement comme enjeu électoral p. 4 Vonarburg signe Sang de pierre p. 11 Gros french avec Marie-Josée Croze p.13

le délit Le seul journal francophone de l’Université McGill Beso español desde 1977.

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CAMPUS

Quelles limites à la tolérance?

Suite à la polémique causée par les activités du groupe Choose life survenue il y a deux semaines, le professeur Morton J. Mendelson s’est joint à une table ronde pour discuter avec l’AÉUM sur la régulation des activités étudiantes sur le campus. Alexandre Ruiz de Porras Guédon

Le Délit

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e jeudi 8 octobre dernier, l’Association des étudiants de l’Université McGill (AÉUM) a tenu une table ronde pour discuter des critères déterminant si un événement peut avoir lieu ou non sur le campus, suite à une conférence controversée organisée par le club étudiant anti-avortement Choose Life. Le groupe avait suscité la polémique début octobre en annonçant une conférence donnée par José Ruba, co-fondateur du

Centre canadien pour la réforme bio-éthique, intitulée «Échos de l’Holocauste». Au cours de sa présentation, M. Ruba a comparé la pratique de l’avortement au génocide perpétré par les Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. La conférence devait avoir lieu dans les locaux de l’AÉUM, mais elle fut censurée lors de la réunion bimensuelle du Conseil législatif de celui-ci le 1er octobre dernier. La motion de censure a été votée en réaction à ce que l’AÉUM craignait être un événement qui violerait sa Constitution et sa politique d’éthique. Faisant fi de ladite motion, le club Choose Life a quand même

décidé d’organiser la conférence dans un local étant hors de la jurisdiction de l’AÉUM, dans le bâtiment Leacock, à la même date et heure et montrant le même contenu que prévus. En pleine conférence, l’AÉUM a sommé les organisateurs de clore l’événement et a fait appel à l’administration pour tenter d’y mettre fin. Cependant, l’administration a décidé de laisser libre-cours à la conférence. Le professeur Morton J. Mendelson, vice-principal exécutif adjoint à la vie étudiante et à l’apprentissage de l’Université McGill, a le dernier mot sur les événements qui se tiennent sur le campus. C’est pour cela qu’il a été invité à discuter avec les étudiants sur les «limites du tolérable». M. Mendelson a cependant dit ne «pas savoir où est la limite» raisonnable et acceptable pour un événement étudiant de ce genre, laissant aux étudiants le soin d’exprimer leurs points de vue sur la question. «Lorsque je n’ai pas la

réponse, je consulte les autres», a-t-il fait savoir. Il a également tenu à préciser que «les limites sont vagues» et que «l’Université est apolitique, séculaire et ne suit pas une ligne idéologique, mais [comprend] que certains étudiants veuillent s’exprimer sur [des] sujets» tels que l’avortement. Dans cette perspective d’expression des opinions divergentes, Mohammed Ashour, étudiant à la maîtrise en neuroscience, a lancé qu’«il ne devrait pas y avoir de place pour la propagande sur le campus, mais plutôt pour un dialogue». Il a ajouté que «la polémique peut parfois être une bonne chose, mais qu’il ne faut pas mélanger l’émotionnel au rationnel». Sarah Woolf, sénatrice de la faculté des arts et conseillère de l’AÉUM, a jugé qu’«il n’y avait pas de place pour le dialogue [lors de la conférence du club Choose Life]» et s’est dite «profondément déçue par la façon dont l’administration a géré l’affaire». M. Mendelson

a répondu qu’il n’y «avait pas de place pour le dialogue puisqu’il y avait des perturbateurs qui empêchaient le déroulement de l’événement». Il a déclaré partir du principe que la présence à la conférence était laissée à la discrétion de chacun. Corey Omer, conseiller de l’AÉUM pour les clubs et services, a dit souhaiter une «plus grande régulation» des activités et événements ayant lieu sur le campus. Il a noté que, bien que «la limite soit, au final, subjective, une limite devrait être fixée, tout en respectant la politique d’éthique» de l’AÉUM. À la fin de cette table ronde, l’AÉUM est revenue à son point de départ, n’ayant pas su prendre le toreau par les cornes et aborder directement la question qui faisait polémique. Le club Choose Life n’a pour l’instant subi aucune «sanction» depuis. Le débat sur la liberté d’expression et la liberté de rassemblement est relancé.x

POLITIQUE MUNICIPALE Ivan Neilson, Sarah Olle et Morton Mendelson parlent aux étudiants Alexandre Ruiz de Porras Guédon

Vous avez une opinion? Nous vous donnons une voix! Courrier des lecteurs: nouvelles@delitfrancais.com

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2 Nouvelles

De grands projets pour Montréal Comment vaincre les fantômes du passé? Vincent Allaire Le Délit

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’Expo 67, le métro de Montréal, l’île SainteHélène, le Stade olympique: tous sont des réalisations des années 1960 qui ont fortement contribué à former l’identité de Montréal. Mais le désastre financier du stade –un milliard et demi de dollars remboursés sur plus de trente ans– nous rappelle constamment les dérapages que peut occasionner un projet visionnaire teinté de mégalomanie. C’est d’ailleurs pourquoi Montréal n’a pas été le théâtre de ce genre de projets depuis au moins une quarantaine d’années. Par contre, cette campagne électorale municipale montre que les partis font preuve d’audace et recommencent à proposer des projets qui sortent du train-train quotidien. Pour commencer, les trois principaux partis que sont Projet Montréal, mené par Richard Bergeron, Vision Montréal, avec Louise Harel en chef de file, et Union Montréal, la formation du maire sortant Gérald Tremblay, se rejoignent sur certains points. Tous s’entendent sur la nécessité de démolir l’autoroute Bonaventure pour mieux l’intégrer au centre-ville. De plus, tous prévoient

des célébrations en 2017 pour le 375e anniversaire de fondation de Montréal. Voyons maintenant les propositions originales de chacun des partis. Vision Montréal propose de mettre en candidature Montréal pour l’obtention de l’Exposition universelle de 2020. Louise Harel argumente que ce projet permettrait à Montréal de se positionner en véritable métropole de calibre international et contribuerait à sa relance économique. Elle promet aussi de recouvrir l’autoroute Ville-Marie, entre le Palais des congrès et le pont Jacques-Cartier. Selon Louise Harel, c’est l’endroit rêvé pour recevoir les deux manifestations majeures que seraient le 375e anniversaire de Montréal et l’Exposition universelle de 2020. Union Montréal est moins grandiose dans ses promesses. L’équipe de Gérald Tremblay propose plutôt de continuer à investir dans le Quartier des spectacles. À terme en 2012, tout le quadrilatère qui entoure la Place des Arts sera réaménagé en parcs et en promenades pour rendre plus propice la tenue des nombreux festivals annuels qu’accueille ce secteur. Union Montréal prévoit également d’investir dans un projet nommé «Muséums nature». La pièce maîtresse de ce plan sera la construction d’un nouveau

Planétarium situé entre le Stade olympique, le Biodôme et le centre Jean-Pierre Charbonneau. Finalement, Projet Montréal innove avec son projet d’entrée maritime de Montréal. L’objectif est de redonner aux Montréalais l’accès aux berges du SaintLaurent. Le terrain visé est délimité à l’ouest par le bâtiment Molson, passe en dessous du pont JacquesCartier, et mesure 2,5 kilomètres de long. Richard Bergeron prévoit d’y aménager un ensemble immobilier composé d’habitations, de bureaux, de restaurants ainsi qu’une promenade qui longerait le fleuve. De plus, toujours pour le projet d’entrée maritime, M. Bergeron entend proposer la pointe nord de l’île Sainte-Hélène à un investissement privé majeur. L’urbaniste de formation considère l’endroit comme le plus beau site de Montréal et rêve d’y voir s’ériger une construction de l’envergure de l’Opéra de Sydney en Australie. Bref, tous les partis proposent des idées originales pour faire rayonner Montréal. Cela signifie donc que peu importe l’issue du scrutin, les Montréalais se retrouveront avec des dirigeants qui ne semblent plus être effrayés par les fantômes du passé. Une perspective réjouissante? À vous de décider le 1er novembre prochain.x

xle délit · le mardi 20 octobre 2009 · delitfrancais.com


CAMPUS

McGill décerne un doctorat honorifique à Bill Clinton

Vendredi dernier, le 42e président des États-Unis d’Amérique s’est vu remettre un doctorat honoris causa en droit de la part de l’Université McGill. Alexandre Ruiz de Porras Guédon

Le Délit Lors d’une cérémonie privée, le président Bill Clinton est venu rejoindre les rangs de récipiendaires d’un doctorat honorifique de l’Université McGill. C’est en l’honneur de ce «leader mondial et défenseur des droits de l’homme» que l’Université lui décerne le diplôme, a débuté la professeur Heather Munroe-Blum, principale et vice-chancelière de l’Université McGill. L’éloge au président américain a été marquée par la déclaration de Mme MunroeBlum indiquant que Bill Clinton est «un philanthrope qui s’est un jour retrouvé président». Aux côtés de Roosevelt Quarante-deuxième président des États-Unis et fondateur de la Fondation William J. Clinton, Bill Clinton est l’une des rares «personnalités qui incarnent aussi parfaitement [...] l’image du chef de file mondial», a déclaré Mme Heather Munroe-Blum. «Tout au long de sa présidence et des années qui l’ont suivie, le président Clinton a témoigné d’un engagement indéfectible en faveur de la justice sociale dans le monde. L’ascendant exemplaire qu’il exerce est pour nous une véritable source d’inspiration et une incitation à nous surpasser. C’est un honneur de pouvoir reconnaître officiellement ses immenses contributions», a poursuivi Mme Munroe-Blum. C’est la deuxième fois que l’Université McGill honore un président américain. En 1944, en plein conflit mondial, Franklin D. Roosevelt, trente-deuxième président des États-Unis, et Winston Churchill, premier ministre britannique, reçurent un doctorat honorifique en parallèle de la Conférence de Québec. Une amitié déclarée La cérémonie s’est déroulée dans la plus grande tradition mcgilloise. Le cortège d’honneur et la cornemuse à sa tête ont donné un ton solennel à cet événement historique pour l’Université alors que les hymnes nationaux canadiens et américains ont résonné dans la salle et dans les cœurs. Le professeur Anthony C. Masi, viceprincipal exécutif de l’Université, a confirmé la remise du diplôme au nom du Sénat de l’Université. C’est ensuite le chancelier H. Arnold Steinberg qui a invité le «Dr. Clinton» à adresser son discours, provoquant le rire et les applaudissements du public. L’ex-président démocrate a tout d’abord voulu ajouter à la longue

liste de ses faits et mérites énumérés par Mme Munroe-Blum qu’il a «été le président américain qui est venu le plus de fois en visite au Canada», lui valant les applaudissements de la salle. M. Clinton a déclaré son amitié envers le Canada. Il a ensuite dressé plusieurs parallèles entre les deux pays, parmi lesquels il a cité «les cowboys américains et canadiens, les vastes prairies et l’importance de l’individualisme». Mais il considère qu’il y a un communautarisme au Canada qu’il n’y a pas aux États-Unis. «Le communautarisme n’est pas une notion de gauche ou de droite, ça veut simplement dire que nous sommes tous interdépendants les uns les autres», a-t-il indiqué. Lutte contre la faim Parmi les nombreux sujets abordés dans son allocution, Bill Clinton a parlé de la crise alimentaire mondiale, véritable fléau pour plus d’un milliard d’êtres humains, selon le dernier rapport des Nations Unies. M. Clinton a saisi l’occasion pour discuter du problème de la faim, rappelant que c’était la Journée mondiale de l’alimentation. Le même jour, sa femme, la Secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, martelait que «la sécurité alimentaire est liée à la sécurité tout court. La faim chronique met en danger les individus, les gouvernements, les sociétés et les frontières nationales». Bill Clinton a partagé quelques unes de ses expériences sur le terrain, notamment en Indonésie après le tsunami de 2004, au Rwanda ou bien en Haïti en tant qu’envoyé spécial de l’ONU. Il a finalement appelé à une «conscience mondiale» afin de faire face aux défis du XXIe siècle. «Nous ne pouvons pas les surmonter à moins de les affronter ensemble», a-t-il plaidé. *

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NDLR: Une personne sur dix souffre de malnutrition dans le monde. D’après le dernier rapport de l’ONU, la planète a vu le nombre de mal-nourris augmenter de 200 millions en deux ans. Lors du sommet du G8 à l’Aquila, en Italie, les principaux pays industrialisés se sont engagés à débourser plus de 22 milliards de dollars au cours des trois prochaines années pour la promotion de la croissance économique fondée sur l’agriculture. Le Canada portera son aide au développement à hauteur de 0,70 % de son PNB cette année.x

xle délit · le mardi 20 septembre 2009 · delitfrancais.com

Le docteur William J. Clinton prononce son allocution Sara Traore / The McGill Daily

Appel aux nominations! Votre première année à McGill? Vous désirez représenter tous les étudiants en première année à McGill? Impliquez-vous!

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POLITIQUE MUNICIPALE

Comment verdir Montréal au prochain mandat?

Les trois candidats principaux à la mairie ont proposé leurs plans pour répondre aux multiples enjeux environnementaux qui affectent la ville dans le cadre d’un débat public. Julie Leroux Le Délit

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’environnement: voilà un mot qui est sur toutes les lèvres, mais qui trouve souvent peu d’écho en matière d’action concrète chez nos gouvernements. Le 6 octobre dernier, lors d’un débat public organisé par le Conseil régional de l’environnement de Montréal (CREMontréal) et tenu à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), les trois principaux candidats à la mairie –Gérald Tremblay, Louise Harel et Richard Bergeron– ont chacun présenté leur plan de match visant à verdir Montréal. Le Délit vous propose un compte-rendu des réponses apportées par les candidats aux questions du CRE-Montréal et du public. Moins d’autos en ville D’emblée, les trois partis se sont déclarés pour la réduction de la place de l’auto en ville et contre le projet de reconstruction de l’échangeur Turcot du Ministère des transports: «J’ai été instantanément contre le projet [...] sur des questions de principes. (...) Turcot ne vient pas seul; c’est le grand projet autoroutier de la fin des années 1950», a déclaré Bergeron, qui souhaite plutôt voir l’arrivée d’un réseau de tramways et un corridor de bus en ville. Louise Harel renchérit: selon la chef de Vision Montréal, les échangeurs, en plus de favoriser la circulation automobile, isolent les quartiers et enlaidissent la ville. «Nous pensons qu’il existe de réelles alternatives [en transport] qui seront capables de fidéliser les usagers», explique Mme Harel qui, comme son homologue Gérald Tremblay, approuve le projet de TRAMTRAIN. Réduire la place de l’auto en ville n’est pas seulement un geste vert, mais un geste de sécurité. Selon M. Bergeron, «40% de la population réside près des artères». Il est donc important de rendre Montréal plus sécuritaire pour les piétons et cyclistes qui renoncent déjà à l’auto et, du coup, inciter d’autres Montréalais à mettre de côté leurs voitures. Ce ne sont pas seulement les Montréalais qui méritent davantage de protection: bon nombre d’espaces naturels sont présentement menacés par des promoteurs immobiliers, notamment le Mont Royal. Sur ce point, Gérald Tremblay assure la population qu’il demeure en discussion avec des groupes militants comme les Amis de la Montagne et Héritage

4 Nouvelles

Montréal et qu’aucun nouveau projet n’est réellement sur la table en ce moment. Louise Harel et Richard Bergeron s’opposent radicalement à tout nouveau projet immobilier sur le Mont Royal. Selon Mme Harel, le Mont Royal constitue un «lieu identitaire» auquel il faut conférer un «caractère institutionnel»; M. Bergeron, quant à lui, défend le Mont dans son intégrité et s’engage «à décréter un moratoire sur toute transformation» du lieu. Si M. Tremblay défend la protection des espaces verts, cette protection ne peut se faire à tout prix, selon le maire sortant. En effet, le chef d’Union Montréal soutient qu’il doit travailler dans l’intérêt de la majorité des Montréalais; si de petits groupes défendent tous les espaces verts de Montréal, la mairie se voit mal céder à toutes les demandes de groupuscules militants: «Ce n’est pas une minorité [de citoyens] qui va empêcher l’investissement [dans des projets pouvant contribuer au] rayonnement international de Montréal», s’exclame Tremblay, qui soutient aussi que le financement des projets verts provient justement de ces investissements, faute d’aide du gouvernement. Décontaminer Montréal Le maire a la même attitude devant l’imposition de normes plus sévères aux industries pour améliorer la qualité de l’air: «Il ne faut pas se faire hara kiri non plus», soutient le chef de parti. Louise Harel soutient quant à elle qu’il est possible de rapatrier le pouvoir d’agir –et la responsabilité d’agir– qui se trouve présentement entre les mains du gouvernement du Québec. Selon Richard Bergeron, « un jour sur six, la qualité de l’air est mauvaise à Montréal», entre autres à cause des industries, mais aussi à cause de l’utilisation de poêles à bois en hiver, des émissions de la province de l’Ontario et du transport routier. En 8 ans, le candidat affirme qu’il s’est ajouté 10,000 camions lourds sur les routes montréalaises. «Il faut agir sur chacune des causes [qui affectent la qualité de l’air](...). Bien sûr, il faut faire pression sur les gouvernements, mais surtout, il faut faire quelque chose qu’on est capable de faire. Diminuer la circulation routière, par exemple. Quatre autos sur cinq qui circulent à Montréal sont des transitaires», nous explique M. Bergeron. Ce ne sont pas seulement les nouvelles constructions qui agacent le chef de Projet Montréal; selon M. Bergeron, les espaces verts seraient davantage protégés si la

ville entreprenait de «débétonniser, désasphalter, désartificialiser» la métropole. Cependant, il n’est pas assez de détruire ; il faut aussi décontaminer. M. Tremblay croit que «pour identifier des solutions [bien adaptées], il faut bien comprendre le problème»: c’est pourquoi, selon le maire, la ville a investi 550 millions de dollars en analyses et dépistages des sols et 150 millions de dollars en ozonation pour rétablir l’équilibre des cours d’eau. Le maire affirme également qu’il tente depuis longtemps d’obtenir de l’aide financière du gouvernement pour pouvoir réparer les bassins de rétention et aménager des parcs, stationnements et trottoirs verts. Sur la question de la gestion des matières résiduelles, Richard Bergeron croit que la population doit coopérer avec la ville pour réduire la quantité de déchets enfouis. S’il suggère que Montréal pourrait installer des fontaines publiques et augmenter le taux de matières recyclées, il croit aussi que les Montréalais doivent faire attention à leur consommation de produits emballés et embouteillés: «À mesure que l’on recycle un peu plus chaque année, on produit plus de matières résiduelles», regretteil. Gérald Tremblay attend quant à lui des ressources financières du gouvernement du Québec pour améliorer la gestion du recyclage. Il affirme aussi que les bouteilles d’eau sont maintenant interdites à l’Hôtel de Ville et que plusieurs projets pilotes sont en place. Enfin, il annonce un investissement de 128 millions de dollars dans les usines de compostage. Louise Harel critique le taux réel de recyclage atteint par la ville de Montréal (34% sur les 60% demandés par le gouvernement du Québec en 2008) et croit que les disparités financières existant entre les arrondissements pourraient être réduites si la gestion des matières résiduelles était centralisée. Financer le virage vert La question à cent mille dollars concerne bien sûr le financement du verdissement de Montréal. Pour atteindre les objectifs qu’il propose, Gérald Tremblay mise sur la taxe sur l’essence ainsi que sur les investissements en provenance de l’extérieur. Avec 5 milliards de déficit au gouvernement provincial et les mêmes difficultés financières au niveau fédéral, Louise Harel veut se tourner vers d’autres sources de financement, tels que des postes de péages qui satisferaient tous les Montréalais, c’est-à-dire qui financeraient les routes autant

Richard Bergeron, chef de Projet Montréal Julie Leroux / Le Délit

Louise Harel, chef de Vision Montréal Julie Leroux / Le Délit

Gérald Tremblay, chef d’Union Montréal Julie Leroux / Le Délit

que le transport en commun. Quand à Richard Bergeron, il ne semble pas croire qu’un virage vert pénaliserait financièrement la ville. L’urbaniste de formation revient à son point de départ: la qualité de vie des Montréalais dépend du démantèlement des autoroutes et de l’aménagement de plus d’espaces verts. Bref, si l’on résume les points saillants du débat, pour M. Tremblay, ce sont les investissements et le rayonnement international de Montréal qui sont mis au

premier plan; les projets verts ont le feu vert s’ils cadrent bien dans le portrait économique. Chez Mme Harel, il est temps de rencontrer les quotas et de mettre la qualité de vie au premier plan; ceci est réalisable, selon la candidate, via une saine gestion centralisée. Enfin, M. Bergeron veut complètement repenser Montréal et veut dépasser les quotas minimums qu’il juge insuffisants; cependant, le plus vert des candidats peine à nous informer sur le financement de ses projets.x

xle délit · le mardi 20 octobre 2009 · delitfrancais.com


LOCAL

Un autre Québec est en marche! Le Forum Social Québécois réunit pour une deuxième fois des milliers de jeunes et moins jeunes pour discuter d’enjeux sociaux et politiques. Adaée Lacoste Le Délit

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our sa deuxième édition, le Forum Social Québécois s’est déroulé cette année à Montréal du 8 au 12 octobre. Cet événement, qui se veut avant tout un espace collectif permettant de partager et de débattre d’enjeux sociaux, s’adresse, comme le décrit l’organisation sur son site Internet, à «toutes celles et ceux qui croient en une société plus juste, qui s’opposent aux avancées du capitalisme néolibéral et à toutes les formes d’oppressions, que ce soit au Québec ou dans le monde, et qui désirent construire ensemble le projet d’une société démocratique et solidaire». Avec ses 350 ateliers, soit trente-cinq de plus qu’en 2007, l’organisation a souhaité attirer au moins 5000 personnes. Bien qu’une estimation de la participation soit difficile à effectuer avec précision, le forum a été un succès selon Ariella Orbach, bénévole pour le Forum, dans la mesure où il a su attirer des gens qui ne venaient pas nécessairement du réseau activiste qui s’implique régulièrement dans ce type d’événement. Mme Orbach explique que «le mot s’est passé en dehors des grands médias», le mécanisme du bouche-à-oreille ayant bien fonctionné.

Même si des efforts ont été déployés pour encourager le rapprochement des experts et des organismes, notamment à travers des «soirées de convergences» où des panélistes de différents milieux étaient encouragés à débattre de solutions à divers enjeux –comme la crise du capitalisme–, il semble que ces activités conjointes n’aient pas été aussi populaires qu’espéré. Ariella Orbach explique qu’«il y a tellement de sujets que les gens sont éparpillés». À cela s’ajoute également le fait que le Forum ait dû être tenu dans deux sites différents, soit à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) et au Cégep du Vieux Montréal, à cause du manque de locaux. Malgré tout, «l’événement s’est bien déroulé», a affirmé Mme Orbach. Pour terminer le forum en beauté et attirer l’attention de la population sur les nombreuses problématiques sociales qui sont toujours d’actualité, une marche de manifestation a été organisée au centre-ville. Petits et grands étaient au rendez-vous. À voir les slogans sur les pancartes, les causes qui les unissaient étaient bien diverses: droits des autochtones, abolition du capitalisme, émancipation de la femme et même utilisation de produits hygiéniques réutilisables! Liliane Dufour, une manifestante, a affirmé que si rien ne change, «on va le re-

gretter: il n’y aura plus rien à faire». Bien qu’elle trouve que peu de changements politiques ont été réalisés depuis dix ans, elle demeure optimiste, car «nous sommes de plus en plus nombreux à nous soulever». D’autres comme Guy Desrosiers sont plutôt pessimistes face à nos chances de survie avec le capitalisme. Pourquoi s’impliquer dans les mouvements sociaux alors? «Parce qu’on retrouve une certaine béatitude à être en action», explique-t-il. Simon Mullen, un Innu de la CôteNord, s’est quant à lui retrouvé à la manifestation par pur hasard. Ce qu’il souhaite par-dessus tout pour la cause autochtone, c’est que ce peuple «soit égal à tout le monde», qu’il y ait moins de discrimination. Il encourage la tenue d’événements comme le FSQ parce que «ça peut réveiller le monde». Ana-Maria D’Urbano, une Argentine vivant au Québec depuis plus de vingt-cinq ans et impliquée dans la Fédération des femmes du Québec (FFQ), est une éternelle optimiste, bien qu’elle soit consciente que la tâche qui les attend est ardue. «Il faudra provoquer un effet de bascule pour faire une pression mondiale», estime-t-elle. Elle ne croit pas qu’un changement arrivera par la sphère politique, mais plutôt par la communauté et elle souhaite que les États endossent davantage leur rôle social.

L’avenir revendique. Adaée Lacoste

Finalement, bien que le FSQ en soit seulement à sa deuxième édition, il semble que l’idée d’un espace collectif de débat pour les causes sociales en séduise plus d’un. Même si peu de changements concrets sont amorcés après une fin de semaine, le Forum a au moins l’avantage de réunir les associations et citoyens engagés sous un même toit et de leur donner l’opportunité de penser à une stratégie d’action plus globale. x

INTERNATIONAL

Quand le marché va, tout va?

Le Délit a assisté pour vous à l’une des nombreuses présentations données lors de la deuxième Conférence de McGill sur la sécurité alimentaire mondiale qui avait lieu du 5 au 7 octobre 2009. Anabel Cossette-Civitella Le Délit

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lusieurs conférenciers chevronnés, un sujet d’ampleur internationale et peu de temps pour en discuter, voilà à quoi ressemblaient les conditions dans lesquelles baignait le public de la deuxième Conférence de l’Université McGill sur la sécurité alimentaire, du 5 au 7 octobre. Mercredi dernier, Douglas Hedley, directeur exécutif des Facultés canadiennes d’agriculture et de médecine vétérinaire, commençait son allocution en insistant sur un point: si les huit objectifs proposés par les Nations Unies dans le cadre du Programme du millénaire pour le développement sont liés, de près ou de loin, à la sécurité alimentaire, il ne faut pas être surpris. La crise alimentaire secoue présentement des milliards d’individus sur le globe et la planète entière est impliquée, dans la concertation sociétale qui cherche à y remédier. C’est tout l’intérêt de ces trois jours de conférence. Lors de la conférence du mercredi 7 octobre intitulée «Markets and Trade: How They Affect Food Security», cinq présentateurs de milieux variés étaient réunis. Neil Conklin, président de Farm Foundation; Hen JankBrinkman, conseiller senior en politiques économiques pour le Programme alimentaire mondial des Nations Unies; Douglas Hedley; Christian Lacasse, président général de l’Union des producteurs agricoles (UPA) et Maximo Torero, directeur à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) se sont partagé le micro. Ils étaient d’accord sur le fond: la crise alimentaire prend ses sour-

ces d’abord et avant tout dans le marché économique et les échanges commerciaux. À partir de ce constat, les cinq spécialistes ont donc cherché à mettre en lumière les causes, les conséquences et les solutions d’un problème complexe et international. Le cercle vicieux de la faim Les crises alimentaire, financière, pétrolière et environnementale des dernières années ont ébranlé le monde. D’après Maximo Torero, chacune de ces crises enlève un peu plus de pouvoir aux agriculteurs. Pourtant, la valorisation de l’agriculture reste la clé de voûte de la sécurité alimentaire. En donnant plus d’importance, donc plus de moyens aux producteurs, la stabilité pourrait être rétablie. «L’agriculture et l’alimentation ne peuvent être traitées comme des produits ordinaires», a lancé Christian Lacasse. Depuis 85 ans, grâce aux quotas, au contrôle des importations et à la détermination des prix, l’Union des producteurs agricoles parvenait à gérer l’offre des produits agricoles. M. Lacasse souligne toutefois que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) menace maintenant la gestion de l’offre en libéralisant le marché. Ainsi, l’ouverture des marchés apparaît comme la cause première des difficultés. Les prix maintenus artificiellement bas à l’étranger empêchent les petits agriculteurs locaux de vendre à bon prix. Si l’OMC insiste pour lutter contre le protectionnisme, Lacasse répond que «c’est le libéralisme, la spéculation débridée […] qui bouleversent le monde». De plus, la chute des prix après la spéculation sur des denrées tels le riz et le blé a aussi entraîné son lot de désagré-

xle délit · le mardi 20 octobre 2009 · delitfrancais.com

ments. En effet, les fermiers ne peuvent se permettre de jouer à la bourse avec leurs maigres avoirs. Ils sont ainsi dépendants de la conjoncture économique internationale, car ils ne sont pas armés pour y résister. D’après Henk Jan Brinkman, l’accès à un marché volatile n’est certainement pas aisé, mais en évitant les marchés risqués ou les mises trop élevées, du coup, les agriculteurs diminuent significativement leurs revenus. Ils subissent donc les lourdes conséquences financières de leur positionnement précaire sur le marché international. M. Brinkman pointe aussi du doigt les failles du système actuel. «Les affamés de ce monde le sont à cause des défaillances du marché», a-t-il dit. Le spécialiste veut mettre l’accent sur le cercle vicieux de la pauvreté: selon lui, la faim engendrée par la hausse des denrées alimentaires, mène à une santé déficiente, à une productivité diminuée, à de faibles revenus et donc à une éducation déficiente. Évidemment, sans éducation il n’y a pas d’emploi payant. Des solutions prometteuses Les interventions envisageables comportent, entre autres, une nouvelle gestion des subventions gouvernementales aux fermes, par exemple. En fait, tout est une question de revoir les façons de faire. Le gouvernement pourrait entre autre miser sur des investissements dans la recherche et le développement. Actuellement, les travaux de recherche au Canada se font à petite échelle et à court terme. Or, ce type recherches ne peut porter de fruits, précise Douglas Hedley. Suite à la crise de l’an dernier, les réformes du système économique deviennent

toutefois le pilier central de la solution. Selon le président de la Farm Foundation, les difficultés rencontrées actuellement de par le monde proviennent de la distribution inégale des ressources et des revenus. Quant à Neil Conklin, il croit fermement que seuls le marché et les échanges peuvent résoudre le problème. Pour modifier les politiques actuelles, toutefois, il faut passer des paroles aux actes: «Pour changer, il nous faut des impératifs et on les a. La prochaine étape c’est la créativité et le leadership. Et ça, on le retrouve dans cette salle», a expliqué Conklin. Les causes de la crise sont nombreuses et complexes mais ne doivent pas nous faire perdre de vue le but ultime, qui est de redonner notre confiance à l’agriculture en lui accordant plus d’importance. Ainsi, les solutions apparaissent d’elles-mêmes, soit des réformes rationnelles et une meilleure gérance des politiques économiques actuelles. Avec un brin d’humour, Douglas Hedley a rappelé à l’ordre le père de la théorie du libéralisme. «Lorsque Adam Smith parle de la main invisible, il oublie qu’elle doit être attachée au bras de la loi.» Christian Lacasse, pour sa part, souligne l’importance d’une «sérieuse remise en question de nos politiques», martelant que «l’occasion est unique, on doit en profiter pour changer le cours des choses». Le mot de la fin est revenu à Diane Vincent, la vice-présidente du Tribunal canadien du commerce extérieur, qui concluait une conférence dont les enjeux portaient loin. En mot de clôture, Mme Vincent a appelé les gens à se mobiliser. «Le monde est vôtre. Ne faites pas les mêmes erreurs que nous avons faites. Impliquez les femmes dans les solutions.» x

Nouvelles

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Controverses redaction@delitfrancais.com

Citation de En trois la semaine vitesses «Comme tout Américain stupide, j’avais supposé que les kangourous viendraient nous accueillir à l’aéroport et qu’ils voudraient échanger des câlins autant que nous le voulions.»

Claudine Benoit-Denault

CAMPUS

- Kristen Bell, vedette du film

Couples Retreat, en tournée en Australie.

Projet Montréal: le fruit est-il encore trop vert?

Mme Bell a au moins eu le loisir de voir les créatures bondissantes au zoo de Sydney. Elle a aussi profité de cette visite pour en savoir plus sur d’autres marsupiaux. «J’en ai appris plus sur les koalas et sur comment l’eucalyptus les rend paf et sur pourquoi ils dorment toute la journée. They’re little druggies», a-t-elle dit aux médias. AFP

Stéphanie Dufresne Rédactrice en chef

Insolite

Richard Bergeron, le chef de Projet Montréal, ne passe pas bien dans les médias grand public. Manque de charisme, opinions trop tranchées, propos trop complexes pour «faire le clip»… Les récriminations sont légion à son égard. L’éditorialiste de La Presse Nathalie Collard a même appelé à sa démission peu avant le début de la campagne électorale, sans quoi, croit-elle, Projet Montréal restera perpétuellement confiné à son statut de troisième parti. Il n’y a pourtant pas là de critiques sur le fond –bien au contraire, puisque les valeurs et les idées mises de l’avant par Projet Montréal résonnent positivement chez l’électorat: développement durable, transports collectifs, éthique et transparence… C’est plutôt le charisme du chef (ou son absence) qui est pointé du doigt. Son manque de concision cause aussi un problème: Nathalie Collard lui reproche de s’être entretenu pendant plus d’une heure avec des journalistes sur les dossiers environnementaux du moment. Je peux comprendre que les journalistes soient aux prises avec des contraintes de productivité de plus en plus pressantes et qu’ils n’aient pas le temps de retourner jusqu’à l’âge de pierre pour comprendre les racines des problèmes environnementaux. Mais en contrepartie, je ne peux m’empêcher de célébrer la présence d’un parti d’idées sur la scène électorale montréalaise. Depuis plus d’une décennie, le Québec (voire le Canada) est en pleine traversée du désert à cet égard –au point où l’on peut articuler une campagne politique complète autour de deux ou trois lignes de curriculum vitae supposément mensongères. Le manque de contenu politique et de profondeur de nos politiciens, aussi bons communicateurs qu’ils soient, a tout pour détourner les citoyens de la chose politique. Qu’on soit d’accord ou non avec les idées que Bergeron et son équipe mettent de l’avant, ils ont au moins le mérite de rehausser la qualité du débat en y apportant un tant soit peu de substance. La preuve que ça marche: les autres partis pigent à qui mieux-mieux des idées –Nouveau Tramway, vélos collectifs, échangeur Turcot– dans le programme de Projet Montréal. Aussi controversé soit son chef, Montréal a grandement besoin d’un parti comme Projet Montréal pour, justement, rebâtir l’avenir de la ville autour d’un projet collectif. Et pour brasser un tant soit peu la cage municipale. *

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Parlant de développement durable, si vous tentez de faire votre part dans la lutte contre les changements climatiques en vous déplaçant à vélo, vous avez probablement subi les affres et les regards réprobateurs des gardes de sécurité –payés à grands frais par une université qui se plaint du sous-financement sur toutes les tribunes– plantés ici et là sur le campus qui vous agitent un drapeau fluo devant le guidon dès que vous mettez la roue sur le campus. McGill justifie cette nouvelle règle de sécurité par le besoin de réguler la circulation pendant les travaux près du pavillon McConnell, qui restreint l’accès à une partie de la route. Parce qu’évidemment, c’est bien connu, la bicyclette prend beaucoup plus de place qu’une automobile: impossible, donc, de faire cohabiter cyclistes et piétons sur les rues du campus. CQFD. Sérieusement, à quand un campus sans voitures? Il est plus que temps que McGill adapte sa mentalité aux réalités du XXIe siècle.x

6 Controverses

en hausse LA VALEUR DU CACA CANIN En période de crise, il faut croire que toutes les mesures de stimulation économique se valent. Si certains États se lancent dans la construction d’infrastructures, le bureau de la protection environnementale de la ville de Taichung, à Taiwan, lance les citoyens à la chasse aux cacas de chiens. Pour chaque kilo de matière fécale canine amassée, la ville remet au collecteur un coupon-rabais de 100 dollars taïwanais (trois dollars américains) valide dans un grand magasin local. Il se trouve que Taichung se retrouve maintenant aux prises avec 180,000 chiens errants sur l’île où réside 23 millions de personnes. Les chiens auraient été abandonnés progressivement par les familles qui sont de plus en plus nombreuses à ne pas pouvoir joindre les deux bouts. Reuters.

au neutre SING A HIT OR GET HIT

Nouveau geste « vert » au Japon Vous recyclez, compostez, réutilisez et récupérez? Vous utilisez des produits biodégradables? C’est bien, mais si vous comptez voyager au Japon, sachez qu’on vous demandera un nouvel effort écologique. Dans le but de réduire sa consommation de carburant et ses émissions de CO2, la compagnie d’aviation japonaise All Nippon Airways demande maintenant aux passagers d’aller aux toilettes avant d’embarquer dans ses avions, du moins sur certains vols. Son porte-parole Megumi Tezuka estime que des passagers allégés permettraient à l’entreprise de couper ses émissions de dioxyde de carbone de 4.2 tonnes par mois. On envisage aussi d’installer des toilettes payantes à bord des avions pour dissuader les dissidents. AFP Un p’tit feu de camp le 31 octobre... Vous songez passer la soirée de l’Halloween à regarder l’Exorciste? Le pasteur américain Marc Grizzard vous devance d’un pas. L’homme religieux, qui ne jure que par la King James Bible, prévoit d’exorciser la littérature chrétienne en brûlant toutes les autres Bibles qui lui tomberont sous la main, des enregistrements de musique chrétienne et des écrits d’auteurs chrétiens contemporains, qu’il juge tous comme étant des ouvrages «sataniques» et des «perversions» de la parole de Dieu. Est-ce un bon moment pour dire à Grizzard et aux membres de son église que le fait d’allumer un feu de camp le soir du 31 octobre relève d’une vieille tradition païenne en lien avec le changement des saisons? Maybe not... The Associated Press.

Vous pensez que les bars à karaoké sont des endroits où l’on peut mal chanter en toute sécurité devant une audience indifférente à moitié terrassée par un coma éthylique? Une jeune femme qui a eu le malheur de chanter «A Dios le pido» de l’artiste colombien Juanes au Bobby Valentine’s Sports Gallery Cafe à Stamford, dans le Connecticut, s’est faite tabasser par six femmes sous le prétexte qu’elles n’aimaient pas sa performance. Les autorités rapportent des ecchymoses et une dent cassée. Le Délit a annulé sa sortie karaoké pour la semaine prochaine. The Associated Press.

en baisse PROMOTION DOUTEUSE... Si l’on vous confiait le mandat d’organiser un événement faisant la promotion du carnaval annuel de l’État de Victoria, en Australie, que feriez-vous? Hé bien, les gens à la tête de l’industrie des courses équines ont eu ce mandat et ont décidé d’organiser une compétition de course de nains qu’ils ont nommée «Midget Cup». Trois hommes de petite taille portés par des coureurs humains se sont mesurés les uns aux autres sur un circuit de 50 mètres. L’événement a évidemment fait polémique et a été condamné par plusieurs médias. La réplique des organisateurs? «Nous comprenons qu’on ne peut pas plaire à tout le monde et si quelqu’un a été offensé par les événements, on leur présente nos excuses», explique Stuart Laing de Racing Victoria, pour qui les courses devaient être du «harmless fun». Reuters

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CHRONIQUE

Volume 99 Numéro 6

le délit

Canada perdu Jurisimprudence

Daniel Mayer

Le Canada doit être le seul pays au monde qui se demande qui est son chef d’État: est-ce la gouverneure générale Michaëlle Jean, la Reine du RoyaumeUni ou bien le Premier ministre Stephen Harper? C’est le débat qui s’est tricoté sur la scène politique canadienne cette dernière semaine. D’un côté, Michaëlle Jean semble dire qu’elle est chef d’État, ou du moins qu’elle l’est de facto puisqu’elle représente la Reine au Canada. De l’autre côté, Stephen Harper soutient que c’est la Reine qui est le chef d’État, nonobstant le fait que la gouverneure générale est sa représentante canadienne. Le chef d’État est la personne qui occupe le poste le plus élevé dans la chaîne hiérarchique d’un pays; il peut être tout puissant. Nous n’avons qu’à souligner le

rôle marqué du Président des États-Unis dans la prise de décisions. En revanche, le chef d’État peut aussi revêtir un rôle uniquement symbolique. C’est le cas de la Reine du Royaume-Uni, par rapport au Parlement britannique. En l’espèce, on dira que c’est le chef du gouvernement qui détient le «vrai» pouvoir politique. Ne seraitce que sur papier, c’est toujours la Reine qui détient le pouvoir ultime au RoyaumeUni –quoiqu’elle ne l’exerce pratiquement jamais. Par contre, rien n’est sûr au Canada à ce niveau. Les monarchistes disent que c’est la Reine qui occupe le poste de chef d’État et que la gouverneure générale n’est que sa représentante au Canada. Les fédéralistes, si on peut se permettre l’expression, soutiennent que la gouverneure générale est le véritable chef d’État. Un véritable bordel discursif qui, à mon avis, ne change rien en pratique. Dans cette controverse, il reste que le Canada se laisse voir comme un pays qui a de la difficulté à se comprendre luimême. Heureusement, la solution est très simple: la réponse à ce débat, sans conteste d’ailleurs, se retrouve dans la Constitution. Qui l’eût su ? C’est bien simple. Monarchiste ou pas, la constitution dit de manière claire, précise et sans équivoque que la Reine occupe le rôle de chef d’État. La Constitution est même plus claire sur le rôle de la gouverneure générale: elle ne fait qu’administrer le gouvernement au nom de la Reine. Problème réglé. Alors pourquoi ce grand débat fait-il autant de bruit sur la scène po-

litique? Y a-t-il des motivations politiques derrière ces causeries? Ou bien les chefs de gouvernement canadiens sont-ils simplement incapables de lire la Constitution du Canada? Je suis convaincu que nos chefs sont capables de lire, et de comprendre, bien sûr, la Constitution du Canada. Il ne faut pas un doctorat en droit pour comprendre que c’est la Reine du Royaume-Uni qui occupe officiellement le poste de chef d’État du Canada. Il faut tout simplement savoir lire. Mais déterminer si le fait que la Reine soit le chef d’État et qu’elle détienne officiellement le pouvoir ultime au Canada est une chose positive ou négative, ça c’est débat tout autre. La gouverneure générale semble tout de même croire qu’elle est plus qu’une administratrice au nom de la Reine. Le lecteur se rappellera peut-être l’enthousiasme dont Michaëlle Jean a fait preuve lorsque son rôle a pris de l’importance devant la demande de prorogation du parlement de Harper l’hiver dernier. En réalité, l’autorisation de la gouverneure générale était plutôt une formalité pour le gouvernement. Bref, Mme Jean attend donc peut-être encore un peu d’«action» sur la scène politique pour pouvoir «pleinement exécuter son mandat». Il faudra se retourner vers Stephen Harper; une autre prorogation pourra peut-être calmer les esprits. x Et vous, qu’en pensez-vous des fonctions officielles et officieuses de la gouverneure générale? Écrivez à nouvelles@delitfrancais.com

CHRONIQUE

Un cliché vaut mille potins Politi.com

Jeremy Leopold-Metzger

J’adore les potins. Comme tout jeune homme, j’ai honte de l’admettre mais je ressens un malin plaisir voyeuriste à décrypter l’actu people. Ca me donne également un sujet de conversation assuré avec mes grands-mères qui sont tout aussi informées que moi sur le sujet. Bien qu’elles ne comprennent pas grand chose des nouvelles célébrités telles que Lady Gaga ou les Kardashian, une bonne petite discussion sur les infidélités du Prince Charles ou le nouveau look de Madonna reste parmi les incontournables du déjeuner du dimanche midi. Il y a deux semaines, je n’ai pas eu besoin de faire semblant de tomber par hasard sur perezhilton.com ou de me retrouver «forcé» à lire People Magazine chez le coiffeur afin de découvrir le nouveau «scandale» du moment. Il m’a suffit de lire la colonne politique des journaux. Alors que cette semaine là les dossiers «chauds» étaient en grand nombre avec l’Assemblée générale des Nations Unies,

le sujet qui a le plus fait parler les blogues n’est rien d’autre qu’un simple cliché. Non, cette photo ne présentait pas un chef d’État en train de manger un beignet chez Tim Horton’s pendant le discours du Président américain, mais bien un banal portrait du couple Obama avec le Premier ministre espagnol, José Luis Zapatero, sa femme et ses deux filles mineures. Premier ministre depuis 2004, Zapatero avait depuis réussi à protéger l’image de ses filles à l’abri de l’exposition médiatique, mais voilà: un petit moment d’inattention (l’image, mise en ligne sur le compte Flickr officiel de la Maison Blanche, a été retirée dans les heures qui ont suivi) et ça se paye cash le lendemain à la une des journaux. La polémique? Après avoir pris conscience de la bourde, l’administration espagnole a demandé à la Maison Blanche de retirer le cliché, et aurait prétendument demandé à l’agence de presse espagnole EFE de ne pas diffuser la photo de famille. Malgré ces efforts, la photo à terminé en couverture des quotidiens El Mundo et ABC, les visages des deux filles étant pixellisés. Cette image qui n’a quasiment aucun intérêt en termes d’information politique, n’a fait rien d’autre que d’engendrer un débat sur la tenue vestimentaire des filles, habillées dans un style pouvant être qualifié de «gothique sobre». Bien que je doive avouer que pour un dîner officiel de chef d’État, les filles du Premier ministre espagnol auraient pu choisir autre chose que des chaussures militaires, leurs tenues n’étaient pas du tout choquantes. Des analyses politiques pertinentes ont ensuite fleuri sur Internet: «Si ce type n’est pas capable de convaincre ses filles de s’habiller décemment pour une photo, comment va-t-il sortir le pays du

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pétrin actuel?», se demandaient certains. Durant une semaine bien chargée lors de laquelle on a vu Palestiniens et Israéliens reprendre les négociations et où on a appris la nucléarisation de l’Iran, il est intéressant de voir que c’est un sujet trivial d’ordre privé qui a fait la une de l’actualité. Mais d’où vient ce besoin de «potiner» sur nos personnalités politiques? Avant même Internet, il y a eu l’incident des reporters venus en nombre assister, tel un important événement médiatique, à la rentrée des classes de la fille du président américain Carter ou encore, l’an dernier, le scandale des poupées à l’effigie des enfants du couple Obama. De quelle protection jouissent donc les enfants mineurs de figures politiques? Il n’y a pas vraiment de loi sur le sujet et les attitudes des uns et des autres peuvent être très différentes à cet égard. À part pour ce cliché, Zapatero a en quelque sorte établi un accord tacite avec la presse espagnole afin de protéger ses enfants de l’exposition médiatique. Mais aux ÉtatsUnis, Obama ne manque pas une occasion de faire référence à ses deux filles dans ses discours. Il a même utilisé leur image pendant sa campagne présidentielle. La seule chose certaine c’est qu’avec Internet, ayant devenu un véritable gisement de potins, et avec la vedettisation du politique, il est difficile pour une figure politique de rester discret au sujet de sa vie privée. La semaine prochaine c’est promis, je vous trouverai une photo d’Obama en pyjama. x Vous êtes accros aux potins politiques ou, au contraire, ce genre de truc ne vous intéresse «potin» que ça? Parlezen à notre chroniqueur en écrivant au nouvelles@delitfrancais.com

Le seul journal francophone de l’Université McGill rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318

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Controverses

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Société Le nouvel A societe@delitfrancais.com

«M

ettre le pied dans la porte, forcer votre présence, poser des questions embarrassantes», ça vous ressemble? Bien que cela puisse sembler un peu excessif, c’est tout de même en ces termes -et quelques autres- que Pierre Jury, éditorialiste au Droit, définit le journalisme. Pour la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, le journalisme est un «rapport le plus fidèle des faits importants de la vie de notre société». Chien de garde ou quatrième pouvoir de la démocratie, la véritable définition du journalisme s’actualise constamment. Et c’est une des raisons pour lesquelles Le Délit se penche sur l’émergence des nouveaux outils médiatiques. Le dossier qui suit renferme aussi des conseils de pros, des harangues de militantisme politique étudiant, et des ressources pour les potentiels-reporters-à-l’état-latent d’entre vous.

L’étudiant-apprenti et le journaliste professionnel Selon Jean-Francois Nadeau, directeur des pages culturelles du Devoir, le journalisme étudiant se caractérise d’abord par ses sujets qui perdurent dans le temps. Il y a des «invariants, comme la santé du système scolaire et l’éducation en général.» Si ces thèmes sont récurrents, les luttes les concernant sont toutefois extrêmement changeantes. «On mène les combats de nos époques, les luttes de société changent, et c’est tout à fait normal que les idées soient différentes de temps à autre.» C’est notamment autour de ce sujet que Bernard Landry, ancien Premier Ministre du Québec, articulait ses propos lors de sa présentation au cocktail à l’honneur des quatre-vingt-dix ans de journalisme étudiant à l’Université de Montréal (UdeM) mardi dernier. En effet, M. Landry a exercé sa plume au Quartier Libre, l’actuel bimensuel étudiant de l’UdeM, et se remémorait pour l’occasion les luttes qu’il a mené du bout de sa mine. «Nous étions en pleine révolution tranquille», mais cette conjoncture politique n’explique pas à elle seule «la colère» et l’esprit revendicateur du Quartier Libre de l’époque. Il rappelle qu’alors, «il n’y avait toujours pas de régimes d’assurance-maladie pour les étudiants, pas plus, en fait, qu’il n’y avait de régime de prêts et bourses. Nos luttes étaient d’importance extrême.» La rédactrice en chef du Quartier Libre depuis août 2009, Constance Tabary, s’accorderait sûrement avec M. Nadeau sur le fait que les luttes changent, mais que les

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sujets demeurent: «Nous avons nos combats à mener.» S’ils peuvent parfois sembler «moins flamboyants», il n’en reste pas moins qu’ils sont tout aussi significatifs pour les étudiants. «Notre ton est plus neutre, car le journal suit la tendance mondiale du journalisme anglo-saxon et privilégie les faits plutôt que l’opinion, ce qui peut aussi donner l’impression que notre contenu est moins dérangeant.» L’éditorial du Quartier Libre de l’édition spéciale du 90e laissait présager un brin de nostalgie envers les grandes luttes sus-mentionnées du XXe siècle. «Les débats d’idées et l’esprit d’émancipation qui s’épanouissent à d’autres époques ont de quoi faire soupirer d’envie», y relève-t-on. Mais Constance Tabary n’en pense pas moins qu’il «ne faut pas se laisser intimider par les combats qui ont été couronnés de succès par le passé. Personne n’a encore le recul nécessaire pour juger de l’importance de ceux qu’on mène aujourd’hui.» Enfin, pour Jean-Francois Nadeau, le journalisme étudiant, c’est aussi «passer des dizaines d’heures à travailler par semaine, à coordonner ses efforts avec ceux de ses collègues. C’est la volonté d’être ensemble, de changer les choses». Questionné par Le Délit sur ce en quoi le journalisme étudiant se distingue du professionnel, M. Nadeau répond que le premier ne représente en rien «une école professionnelle -quoiqu’on y ait beaucoup à apprendre. En fait, ce n’est pas la place de ceux qui ont des perspectives exclusivement carriéris-

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tes.» Il s’explique: «ceux que j’ai fréquenté au Quartier Libre, ce sont des étudiants qui étaient intéressés par le contenu des articles, qu’ils étudient l’histoire, le droit ou la science politique. Ceux qui étudiaient en journalisme, ils n’écrivaient pas pour Quartier Libre. Ils n’étaient intéressés que par le contenant.» Le journalisme étudiant et professionnel sont pourtant une seule et même chose pour Pierre Jury, éditorialiste au Droit, quotidien de langue française établi à Ottawa. Il faut pourtant noter qu’il a bâti son expérience de journaliste étudiant au McGill Daily, au moment où la publication était effectivement quotidienne, comme l’indique son nom. Il se souvient: «Je vivais à cette époque la même pression pour les heures de remise, sensiblement le même stress que je subis maintenant. La longueur des articles était la même que celle de nos articles au Droit. J’avais exactement les mêmes soucis par rapport à la qualité du produit fini.» La vision de M. Nadeau diverge de celle de M. Jury, notamment en ce qui concerne la latitude qu’offre le journalisme étudiant. Si à l’époque «en tant que journaliste étudiant, tu p[ouvais] te foutre des annonceurs, parce qu’ils annon[çaient] de toute façon.» Tu ne peux pas te permettre de le faire en tant que professionnel, parce que la survie du journal en dépend. Il qualifie d’ailleurs l’industrie médiatique corporative de «milieu captif». À ce sujet, il mentionne que «le journalisme tend à être une entreprise,

l’art de remplir l’espace blanc autour des annonces publicitaires». Il achève le portrait en additionnant aux contraintes imposées par l’industrie celle de la vitesse: il faut avoir la «capacité de travailler très vite» et, ainsi, les journalistes perdent la latitude de regarder autour d’eux. «On n’a plus le temps d’être sensibles, de lire autre chose que ce que ton travail nécessite; ce qu’un journaliste père de quatre enfants n’a absolument pas le temps de faire.» Bien qu’il y en ait toute une diversité, certaines qualités de ces praticiens demeurent toujours les mêmes. Selon la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, plus que jamais, «la polyvalence chez un journaliste est un atout certain. En télévision, les tendances actuelles décloisonnent les divers métiers (recherchiste, journaliste, réalisateur, monteur, caméraman) et il n’est pas rare qu’un journaliste radio se retrouve à la télévision, qu’un journaliste de la presse écrite se retrouve en presse électronique ou vice-versa.» Non seulement faut-il jongler sur plusieurs plateformes, il faut également avoir des connaissances générales sur une foule de sujets. «Il faut être prêt à tout couvrir, spécialement en début de carrière», mentionnait cette fin de semaine à la Conférence régionale de la Presse Universitaire Canadienne, Philippe Orfali, jeune journaliste au Droit depuis mars 2009. «En ce moment, je couvre parfois les arts et les sports, alors que je déteste les arts, et... surtout le sport», concluait-il en souriant.


ABC du journaliste Par Éléna Choquette et Mai Anh Tran-Ho

D’autres délits En ce qui a trait aux différents journaux étudiants sur le territoire universitaire canadien, on en a pour tous les appétits. Chaque université a quasi-systématiquement son ou ses hebdomadaires étudiants, auxquels s’ajoute quelques publications périodiques, facultaires ou départementales, de même que des revues thématiques, certaines très académiques. Le tout, écrit par, pour, à travers et dans l’intérêt des étudiants. Les caractéristiques de la communauté étudiante d’une université modèlent forcément la nature des publications qu’elle pond. Et le statut de l’Université McGill est particulier au Canada: près d’un cinquième de son effectif étudiant est francophone parmi une majorité unilingue anglophone. Résultat: vous avez chaque semaine sur les présentoirs une publication de langue française, et deux de langue anglaise. À Concordia Quoique, selon l’administration de l’Université Concordia, «approximativement 17% des étudiants considèrent le français comme étant leur langue maternelle» (17.5 % à l’Université McGill), il n’y a aucune publication étudiante hebdomadaire dans la langue de Molière sur le campus de l’Université. On y trouve pourtant deux publications indépendantes de langue anglaise, soit The Link et The Concordian. Le chef de la section Nouvelles du premier, Justin Giovannetti, assure pourtant qu’il pourrait publier des articles en français. «Si les étudiants le souhaitent, ils peuvent nous soumettre des articles [en français].» Il indique en outre que The Link a d’ailleurs déjà eu un responsable aux publications francophones. «Pourtant, au cours des deux dernières années, je n’ai jamais eu de soumission.» Giovannetti ajoute qu’il s’était déjà personnellement demandé pourquoi il n’existait rien outre le magazine thématique L’Organe, publié mensuellement en français, mais que cette absence ne semblait pas susciter de débat dans la population étudiante. À York Les caractéristiques linguistiques des étudiants du campus bilingue de Glendon

de l’Université York, établi à Toronto, s’apparentent aussi à celles de McGill. Sur le campus, Pro Tem publie à toutes les trois semaines. Andrée Poulin, rédactrice adjointe française explique au Délit qu’à l’intérieur de chacune des sections, les éditeurs tentent de parvenir à parité entre les articles français et anglais, pour finalement publier un journal véritablement bilingue. «On doit affronter la difficulté de trouver autant de collaborateurs confortables dans une langue, ou dans l’autre. Ceux dont la langue maternelle est le français souhaitent d’abord améliorer leur deuxième langue, d’où la difficulté de les amener à écrire en français.» Tout de même, semble-t-il, le comité éditorial tient à garder son statut de publication bilingue. À Ottawa Les francophones représentent un tiers des étudiants sur le campus de l’Université d’Ottawa, pourcentage en régression depuis plusieurs années. Il s’agit essentiellement de Franco-ontariens et de Québécois. La Rotonde, journal indépendant de langue française du campus principal, est «une institution au cœur de leur vie communautaire, qui couvre les sujets qui concernent les francophones et qui défend leurs droits. C’est entre autres pour ça que plusieurs éditoriaux portent sur le bilinguisme ou les droits des francophones chaque année», explique Philippe Teisceira-Lessard, chef de pupitre web de la publication. Ce qui ne manque pas de nous rappeler notre cher Délit. Le parapluie des journalistes étudiants En arrière-scène se trouve la Presse Universitaire Canadienne (PUC) qui, selon son président, Rob Fishbook, «s’est développée depuis ces soixante-douze années d’existence pour offrir plusieurs services à ses membres. En ce moment, nous avons notamment un fil de presse national auquel tous nos membres ont accès, plusieurs conférences pour les journalistes étudiants, des services législatifs, des prix et concours, des guides de ressources, et ce, gratuitement pour les journaux étudiants de langue française.»

Presses, pressés Les médias sont en mutation. De plus en plus, les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, les blogues, les vidéos sur YouTube servent de sources d’information rapide. Lors de la conférence régionale de la PUC, la journaliste Malorie Beauchemin parle des changements qu’a connu son journal. «Si La Presse a rapidement pris le virage web, certains autres quotidiens accusent un retard», affirme-t-elle. Le journal a lancé son site Internet, cyberpresse.ca, en 2005. Deux ans plus tard, après de nombreuses demandes, des nouvelles sont mises en primeur sur le web. En 2008, le site se pourvoit de blogues et en 2009, d’insertions audio et vidéo. Toutes ces démarches, explique-t-elle, résultent «de la volonté de nos administrateurs que tout le monde ait cyberpresse.ca comme page d’accueil». Mais la compétition est féroce, la conférencière souligne la qualité audio-visuelle du site de Radio-Canada, et les nouveaux médias sont loin d’être domptés. Tout ce Web 2.0 fait appel à de nouvelles exigences et le journaliste est parfois à cours de mains. Malorie Beauchemin raconte à peine à la rigolade qu’il faut maintenant tenir simultanément le calepin, le micro, l’appareil photo et la caméra vidéo. La qualité du produit fini en subit inévitablement les contrecoups puisqu’il faut la résistance et la rapidité d’un super-héros pour accomplir toutes ces tâches dans des délais toujours plus courts. Le journaliste n’a souvent pas le temps de prendre de distance par rapport à son texte ni de se lancer dans une réflexion plus approfondie. «Ça c’est sans parler des erreurs de frappe parce qu’il faut une dextérité légendaire pour manipuler les accents sur un Blackberry!», ajoute-t-elle. Mme Beauchemin rappelle que la priorité d’un journal devrait être la qualité, mais l’ajout permanent de tâches supplémentaires, liées à l’arrivée des nouveaux médias rend la chose de plus en plus ardue. Il faut aussi s’adapter à de nouveaux outils comme les réseaux sociaux tels Twitter et Facebook. On peut créer un réseau de contacts infini, les sources d’information se multiplient, les recherches peuvent se faire plus aisément. Encore faut-il savoir

filtrer tout cet afflux d’informations. Il faudra aussi légiférer sur toutes ces transformations. Des questions épineuses en découlent: est-ce que les commentaires sur un blogue font partie de la ligne éditoriale du journal? Il faudrait alors créer un poste de modérateur explique Mme Beauchemin. «Le monde du web est hyper-partisan», insiste Daniel Leblanc, journaliste du Globe and Mail. Ce dernier renchérit sur la dégringolade de la qualité: «Parce qu’il n’y a pas de limite d’espace [sur le web], on se permet de publier des textes de qualité moindre.» L’écriture journalistique sur le web ne devrait pas se différencier de celle sur papier, souligne-t-il. S’ajoutant à ce mélange déjà prêt à exploser, les critères de crédibilité et de validité sont mis à mal. Est-ce que la signature seule engage la responsabilité de l’auteur? Mme Beauchemin affirme qu’«il va falloir que le droit s’adapte». On ne peut pas dire n’importe quoi parce que c’est sur Facebook ou Twitter. «Dès qu’on écrit quelque chose, on a un devoir public. On doit savoir assumer les responsabilités de ce que l’on écrit.» Elle ajoute que le New York Times, entre autres, a développé des directives claires en ce qui a trait à l’utilisation des réseaux sociaux par ses employés. Le journaliste doit tracer une ligne claire entre sa vie publique et sa vie privée. Sourire au coin, elle dit: «Je suis un être humain et j’ai des photos», mais elle explique qu’elle ne peut tout laisser paraître sur Facebook. Enfin, selon Mme Beauchemin, il y a nettement une possibilité de nivellement vers le bas. Ce n’est pas seulement la fin de la presse écrite dont il est question, mais la fin du journalisme. La presse écrite coûte de plus en plus cher et est de moins en moins rentable. On oublie souvent que derrière l’écriture, il y a aussi tous ceux qui plient les journaux, qui les distribuent. Maintenant, «Twitter est au web, ce que le journal gratuit est aux quotidiens payants.» Le journaliste n’a plus le statut qu’il avait. Et en voulant faire compétition à ces nouveaux médias, le risque de perdre en qualité se fait de plus en plus menaçant. «La vie n’attend pas» dit Malorie Beauchemin. Il faudra s’armer aux plus vite de ces bras bioniques!x

Société

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Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com

V.NUS parmi les étoiles Le Délit rencontre la star montante de la personnification V.NUS afin de parler de ce métier hors du commun. Samuel Dubois Le Délit

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e Délit (LD): V.NUS, quelle est l’origine et la signification de votre nom d’ar-

tiste? V.NUS (V): Au début de ma carrière, il y a neuf ans, je cherchais un nom d’artiste qui serait facile à prononcer dans le plus grand nombre de langues possible. J’avais fait des recherches sur la mythologie romaine et j’avais vraiment été attiré par la déesse Vénus, la déesse de la beauté et de l’amour. Un peu plus tard, ma sœur m’a conseillé de remplacer le É par un point pour rendre le mot plus androgyne. En plus, je trouve que V.NUS avec un point exprime un véritable nom d’artiste au lieu d’une déesse ou genre la planète! LD: Comment le projet V.NUS a-t-il vu le jour? V: Déjà quand j’étais au cégep, je brûlais littéralement d’envie d’exercer ce métier. Et je tiens à dire que ma famille et mes amis proches m’ont fortement encouragé, dès le début. Grâce à ma détermination et à différentes opportunités, je peux maintenant dire que j’ai pu m’établir en tant qu’artiste et présenter des centaines de spectacles. LD: À ce jour, quelle est l’ampleur du projet V.NUS? V: Je présente régulièrement des spectacles dans différents clubs et cabarets à Montréal. Mais ces dernières années, j’ai réussi à pousser encore plus en offrant des spectacles à Québec, Toronto, New York, Las Vegas, Hollywood, et j’en passe. J’ai présenté The Sticky and Sweet Tour dans plus de sept festivals majeurs. J’ai maintenant une réputation nord-américaine que très peu de gens qui exercent le même métier que moi ont. La seule contrainte tangible, et je vous assure que je la ressens à 100%, c’est le manque de fonds. Il me suffirait juste d’un producteur sérieux pour aller plus loin dans mon projet. LD: Vous avez fait de la personnification de Madonna votre marque de commerce. Pourquoi cette artiste plus qu’une autre? V: Madonna m’inspire énormément! Pour moi, elle est un véritable modèle d’acharnement et de réussite. Elle prouve que malgré l’âge, c’est possible de créer un engouement à l’échelle internationale. À toutes les fois que j’y pense, j’ai de la misère à réaliser à quel

10Arts & Culture

point elle a repoussé des limites et brisé des tabous dans l’industrie artistique. Mais je dirais aussi que durant les six premières années de ma carrière, Madonna avait vraiment la cote auprès du public. Sauf que maintenant que je personnifie de plus en plus d’artistes, comme Mariah Carey, Jennifer Lopez, Céline Dion et, très bientôt, Michael Jackson, le public en vient à avoir des préférences plus spécifiques, ce qui m’emballe au plus haut point. LD: Michael Jackson? Dans ce cas là, votre titre de «personnificateur» féminin perd de son sens, non? V: Non, c’est justement ça le problème! On m’a longtemps associé à tort à la personnification féminine, alors que je suis un vrai «personnificateur» professionnel. J’incarne des artistes que j’aime, peu importe qu’ils soient du sexe féminin ou masculin. C’est primordial pour moi… LD: Compte tenu de l’ignorance générale du grand public sur ces questions, pourriezvous établir la différence entre une drag queen, un travesti et vous, un «personnificateur» professionnel? V: Un travesti, c’est une personne qui s’habille en femme parce que ça lui plaît, tout simplement. Ils le font vraiment par pur plaisir. Un homme peut se travestir pour… genre aller faire l’épicerie. C’est une manière de vivre, pas du tout un métier ou un même un art. Pour les drag queens, je dis toujours qu’ils incarnent une exagération burlesque de la femme. Souvent ils portent des costumes exubérants et colorés et offrent des petites prestations. Mais vraiment pas un show de deux heures comme moi, par exemple. C’est habituellement des sketchs comiques qui servent à faire rire l’auditoire. Dans mon cas, j’exerce un métier d’acteur, duquel découle une interprétation recherchée d’un artiste populaire. Ça nécessite des efforts réels et… comme je pourrais dire… pointus pour reproduire une illusion quasi-parfaite de l’artiste que je personnifie. Je m’efforce vraiment pour mettre l’accent sur l’image. Tout ça pour me différencier des imitateurs comme Claudine Mercier, par exemple, qui s’attarde uniquement sur la voix. Le visuel de mes spectacles, c’est ce qui génère l’émoi de mon public. LD: En raison de cette confusion, croyez-vous que la profession de «personnifica-

teur» s’inscrit naturellement dans la culture homosexuelle? V: La masse en général a une image préconçue et plus souvent qu’autrement négative de mon métier, et ce, avant même de m’avoir vu sur scène. Je peux vous garantir qu’après avoir assisté à un de mes spectacles, ces mêmes personnes sont renversées. Littéralement! Sincèrement, je ne crois pas que l’homosexualité soit une partie intégrante de mon métier. Alors là, vraiment pas! Pleins d’autres artistes homosexuels au

Québec ont une carrière établie dans le milieu culturel hétérosexuel. On n’a qu’à penser à Alex Perron, Joël Legendre ou encore Dany Turcotte. LD: L’émancipation de V.NUS du milieu culturel gay est-elle une chose désirée pour vous? V: C’est certain. Mais je vais vous avouer que c’est durant le festival Divers/Cité l’année passée que j’ai eu ma foule record: 12 000 personnes. 12 000 personnes qui s’étaient déplacées pour

venir me voir. Ça prouve à quel point c’est vrai que le milieu gay est mon public le plus fidèle. Je ne pourrais pas les renier, un peu comme Céline avec les Québécois. Quoi qu’il arrive dans le futur, je vais toujours me souvenir de ceux qui ont cru en moi dès le début. LD: Cette émancipation est-elle donc plausible? V: Humblement, je crois que ça va arriver grâce à ma toute nouvelle personnification de Michael Jackson. Juste le fait que j’incarne un homme alors que je

Est-ce bien Madonna? Décidément, V.NUS a plus d’un tour dans son sac. Gracieuseté Alexandre Fillion

xle délit · le mardi 20 octobre 2009 · delitfrancais.com


LITTÉRATURE suis moi-même un homme, c’est largement plus accepté… tous les tabous s’écroulent. Quand je personnifie des artistes populaires féminines, ça c’est dérangeant, ça trouble monsieur et madame tout-le-monde! À partir de maintenant, avec Michael Jackson, un père de famille pourra amener son fils à mon spectacle et l’initier aux chansons du Roi de la Pop. Une telle chose serait absolument impensable si j’incarnais Lady Gaga, par exemple. Le point est que les préjugés et les tabous sont encore incrustés dans la collectivité. LD: De fait, les métiers non traditionnels et marginaux comme le vôtre sont malheureusement trop souvent la cible de préjugés populaires. En avez-vous déjà personnellement souffert? V: C o n s t a m m e n t ! Pratiquement à tous les jours je dois recommencer la même argumentation, défendre mon point de vue et ouvrir les yeux des gens quant à la diversité culturelle. On n’est pas obligés d’aimer uniquement Céline Dion au Québec, plein d’autres choses existent sur la scène artistique, pourquoi donc

ne pas les explorer? LD: D’après vous, qu’estce qui nourrit ces idées préconçues et fausses? V: Je dis souvent que je dois me battre contre la vague créée par d’autres personnes avant moi. Ceux-là sont passés avant moi dans les médias et ont contribué à renforcer l’image négative que les gens ont face à mon métier. Je ne vais pas nommer de noms ici, mais je pense bien qu’on a tous une petite idée de qui sont ces personnes… Malgré tout ça, mon âme entrepreneuse a permis à V.NUS de devenir une institution avérée dans la communauté homosexuelle montréalaise. LD: Qu’est-ce qui attend V.NUS à court et moyen terme? V: Je compte mettre sur pied une seconde partie de mon Sticky and Sweet Tour pour l’année 2010. Sérieusement, ce spectacle-là a suscité un engouement sans précédent. D’un autre côté, j’ai la ferme impression que ma nouvelle imitation de Michael Jackson va être le début d’un nouveau chapitre dans ma carrière. Tous les éléments sont là:

son regain de popularité suite à sa mort, ma ressemblance physique avec lui… c’est comme si ça m’attendait. Saisir l’opportunité n’était pas une option, mais bien une obligation. Tout le monde m’a encouragé à foncer à 100% dans ce projet. LD: En terminant, qu’estce que l’on peut souhaiter à V.NUS pour les années à venir? V: Mon plus grand rêve serait de performer un spectacle professionnel et grandiose et de le présenter dans un des plus grands casinos du monde, peu importe l’endroit sur la planète. J’aspire à ce que V.NUS n’ait plus de frontières. Vous savez, j’ai 29 ans et le travail ne me fait pas peur. Être sur scène, c’est ce qui me permet de rester en vie. Et j’ai bien l’intention de brûler les planches pour encore bien longtemps.x V.NUS présentera les 28 et 29 octobre prochains à 22h00 au Cabaret Mado son tout nouveau spectacle intitulé «V.NUS personnifie Michael Jackson». Visitez www.VNUS.ca pour de plus amples renseignements.

Imaginer l’humain... autrement

Avec son tout dernier recueil de nouvelles, Sang de pierre, Élizabeth Vonarburg explore le concept d’identité à travers des univers évocateurs et imaginatifs.

Julie Leroux Le Délit

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Le Roi de la Pop n’a pas ressuscité, mais V.NUS le fait revivre le temps d’une série de spectacles. Gracieuseté Alexandre Fillion

xle délit · le mardi 20 octobre 2009 · delitfrancais.com

ans l’introduction de son nouveau recueil de nouvelles intitulé Sang de pierre, Élizabeth Vonarburg avoue être avant tout une auteure guidée par les mots et non par les idées. Ceci ne surprendra pas ceux qui connaissent bien la prose de la Chicoutimienne d’adoption, une prose le plus souvent caractérisée par des phrases d’une longueur considérable et par un vocabulaire d’une grande richesse. Si Sang de pierre reflète en effet la grande passion qu’a l’auteure de sciencefiction (SF) pour les mots et pour l’écriture, le recueil semble aussi être l’expression d’un long questionnement sur l’identité humaine ­–une préoccupation qui, bien sûr, est inhérente au genre de la SF, qui s’applique à imaginer autrement l’humain et à le réinventer encore et encore. Sang de pierre regroupe cinq nouvelles de longueur variée publiées entre 1980 et 2004, ainsi qu’une nouveauté, «Terminus», qui, comme son nom l’indique, conclut le voyage littéraire du lecteur. Si c’est la nouvelle «Sang de pierre» qui donne son nom au recueil de Vonarburg, on ne doit pas nécessairement s’y précipiter ni s’attendre à une nouvelle représentative de l’ensemble: en effet, elle peut être moins accessible pour plusieurs lecteurs, puisque l’auteure a conçu sa narration sous forme de séquences cinématographiques. Certains pourraient donc se lasser d’avoir l’impression de lire un script ou un scénario. On aime ou on n’aime pas! Dans les autres nouvelles, le lecteur n’a qu’à se laisser bercer par la plume de Vonarburg, qui le fera voyager doucement jusqu’à destination sans toutefois éluder des enjeux fondamentaux. Parmi les plus fascinants récits, on retrouve «Éon» et «Le début du cercle», qui abordent tous deux la

tension qui existe entre les technologies synthétiques, l’intelligence artificielle et la vie organique. Dans la première, où l’on raconte l’histoire de générations de clones vivant à bord d’un vaisseau moitié synthétique, moitié organique, on parle de confiance et de risque: entre quelles mains notre vie est-elle le plus en sécurité? Dans l’autre, l’accent est placé sur l’éthique et l’intégrité de l’identité humaine, alors que des prothèses «cyborganiques» transforment graduellement les individus qui les adoptent en monstres synthétiques. Ces tensions entre technologie et nature sont au coeur même de la définition de l’humain aujourd’hui: au fur et à mesure que nous devenons dépendants de la technologie, que nous succombons à ses tentations, devenons nous aussi moins humains? Sommes-nous à la veille de devenir des êtres «cyborganiques»? La technologie menace-t-elle ce qu’il reste de naturel dans la nature humaine? Par exemple, si elle efface tout ce qu’il y a de naturel et d’organique dans la reproduction, les sexes auront-ils toujours leur raison d’être? C’est une question que semble se poser Vonarburg dans «Éon», où l’on retrouve un équipage entièrement masculin qui se reproduit par clonage. Les thèmes de la condition féminine sont également abordés de manière très pertinente dans les fascinantes nouvelles plus courtes intitulées «Celles qui vivent au-dessus des nuages» et «Terminus». La prose plutôt lente d’Élizabeth Vonarburg n’est pas pour le lecteur pressé. Cependant, celui qui sait s’arrêter pour faire une lecture profonde, qui s’abandonne réellement au texte et qui s’attarde pour savourer chaque terme, se fera prendre sans s’en rendre compte dans les tentacules des univers originaux et marquants de Vonarburg. Il suffit de se laisser guider par les mots.x

Arts & Culture

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CAPSULE CAFÉ

CHRONIQUE

À la découverte d’un monde presque vrai

Encyclopédine et les amis aux pays du fusil

Audrey Gauthier Le Délit

O

n l’attendait depuis deux ans: le Festival interculturel du conte du Québec est de retour du 16 au 25 octobre. Que vous parliez français ou anglais, que vous soyez Acadien, Africain ou Irlandais, vous trouverez un conte pour satisfaire votre imaginaire. La 10e édition du festival propose une programmation diversifiée de contes provenant de partout autour du globe. Les soirées découvertes et thématiques sont également de retour à partir du 17 octobre et se poursuiveront jusqu’au 25 octobre. Lors des soirées thématiques, les traditions sont à l’honneur: on pourra aller écouter des contes iroquoiens et d’autres au son du tambour wabanaki, participer à des veillées celtiques ou même tendre l’oreille à diverses histoires mettant en scène le légendaire personnage du quêteux. Outre ces soirées traditionnellement fort appréciées du public, plusieurs nouveaux horizons restent à explorer lors de ce festival du conte. Les soirées «découvertes» permettent de présenter de nouvelles prestations en solo de conteuses québécoises confirmées. Quant aux soirées «micro libre», elles permettent à tous de monter sur la scène pour partager leur conte avec le public. La grande nouveauté de cette année aura lieu lors du spectacle de clôture. En effet, le festival innove avec le Marathon du conte: pendant dix heures, vous pourrez entendre gratuitement une panoplie de contes variés. À chaque heure, le 25 octobre de midi à 22h, vous serez invité

à entrer dans un nouvel univers: celui de l’«heure acadienne», de «Jos Violon» et de «Québec, mon amour», entre autres. Les portes s’ouvriront donc pour vous faire découvrir les quelque quarante conteurs qui se partageront la scène. Les anglophiles parmi vous ne seront pas en reste: le festival compte également une section anglophone. Vous pourrez y découvrir des contes de tous les coins de «l’anglophonie». Le spectacle de clôture anglophone se déroulera au Hurley’s Irish Pub avec Mike Burns. Pendant la soirée, vous pourrez lever votre verre au monde fantastique irlandais. Marc Laberge, un des conteurs québécois les plus reconnus et directeur artistique du festival, a affirmé lors d’une entrevue sur CKUT que «le conte est ce qui nous unit au moment où tout nous sépare». Cette phrase illustre bien l’importance du conte au Québec. Profitez-en pour replonger dans la tradition de votre culture ou pour venir découvrir celle des autres, car le Festival interculturel du conte du Québec ne reviendra qu’en 2011. Aurez-vous la patience d’attendre tout ce temps pour retomber dans l’univers magique des conteurs? x Retrouvez Audrey à l'émission Café, le vendedi à 18h sur les ondes de CKUT.

Festival interculturel du conte Quand: 16 au 25 octobre http://festival-conte.qc.ca

Le Bâton

Ralph Elawani

M on i ntenti on pre miè re pour cette semaine était de finalement élaborer une chronique à saveur Histoire 101, mais puisque je suis allé au pays imaginaire qui a vu naître Billy Ray Cyrus et la tarte aux pommes à la mode, j’ai évidemment une bien meilleure histoire (jeux de mots/ jeux de mains, jeux de mains/jeux de vilain) à vous raconter. La troupe de théâtre cosmico-anarchiste à laquelle j’appartiens de corps et d’esprit a reçu une invitation à présenter l’une de ses œuvres –qui ne dépasse jamais en terme de longueur l’équivalent du poids d’une bille sur la neuvième lune de Jupiter–, vendredi dernier à Burlington, Vermont. Après avoir remué mer et monde pour être à temps en ce qui concerne la logistique «passeport et délivrance de passeport dans un délai pour le moins déraisonnable», nous avons engorgé de nos corps notre autobus scolaire métamorphosé en véhicule de transport pour cirque ambulant, avant de finalement lever l’ancre pour partir en direction de cette ville collégiale

où des milliers de clowns anarchistes fascinés par le café équitable, les oignons et le patchouli ne pouvaient plus contenir leur fièvre du vendredi soir. Après avoir traversé maints villages peuplés d’habitants dont les sports nationaux sont l’inceste et la politique municipale –j’en entends déjà qui se disent «mais quel ringard avec son attitude de m’as-tuvu je suis montréalais»–, nous arrivâmes enfin à la grande séparation imaginaire (mais physiquement très imposante) entre le Canada et les États-Unis. Juste pour fermer le clapet de ces deux ou trois Thomas qui doivent tout voir pour croire, dites-vous que si un village est accablé par la présence d’un bar dont le patronyme est «Bar Le Minimum», vous êtes dans de beaux draps. Je dirais même plus, vous êtes tellement mal fichu que lorsque vous rêvez, vos draps s’en souviennent. Le tas de muscles tout frais sorti du moule –à la chevelure semblable à celle de Forest Gump– nous fait signe d’avancer. Avec ses yeux sortis des orbites, ses narines dilatées, prêtes à blairer l’infime menace qui pourrait entrer parasiter son plusse-fortpays-au-monde et son air «je sais que tu m’as vu sortir d’un peep show gay, mais chu pas homo, j’y allais juste pour encore plus les haïr», le parfait aryen, agacé par la vision d’une si abjecte masse d’humanoïdes dont l’existence n’implique pas une paranoïa sur une base quarante heures/semaine, nous crache: «Where ya goin’?» -Vermont. -Why? -Parce que simonaque (et là on sort un lance-flamme et on brûle ton pays de la côte Est à la côte Ouest…innocent). Visiblement peu impressionné par notre stature inférieure à ses 6 pieds 5 pouces, le Caporal Punition nous demande d’ouvrir la portière arrière (pour faire sortir tous les Mexicains). -You in a band? -Non. -How come you have a guitar? -C’est de l’art post-moderne gros babouin, tsé, un «ready-made»… -Why don’t you pull over… C’est alors que le GI Joe sans secondaire 2 décide de nous faire entrer pour jaser avec ses complices, le Capitaine Réglisse et l’Adjudant Proutprout. Après plus d’une heure de fouille anale de notre véhicule, ils en viennent à la conclusion que je fais pitié et que si mes comparses clowns anarchistes veulent me faire visiter l’État le plus immédiatement au sud de ma province, c’est peut-être OK…pour cette fois. L’étape la plus intéressante maintenant passée, disons que la performance fut brève et que le proprio du bar dût me sermonner: «You know son, when we said you’ve got free beer, we meant one or two». Peu importe, au retour nous avons déclaré une bouteille d’eau et deux paquets de Malboros.x Vous êtes un gros babouin ou un clown anarchiste et avez envie de partager votre expérience avec Ralph?

Le dîner de conteurs

Contactez-le sur notre site Internet, ou écrivez-lui à artsculture@delitfrancais.com

Jimmy Lu & Vincent Bezault

12Arts & Culture

xle délit · le mardi 20 octobre 2009 · delitfrancais.com


CINÉMA

Aimer à l’imparfait

CHRONIQUE

Culture à petit prix La pause culturelle

Julie Côté

Gracieuseté Films Séville

Dans Je l’aimais, la cinéaste Zabou Breitman présente de façon juste et sensible une histoire d’amour enlevante qui sait éviter tous les clichés. Émilie Bombardier Le Délit

À

la suite d’une rupture tout à fait inattendue avec son mari, Chloé (Florence Loiret-Caille) se retrouve plongée dans un abattement profond. Ressassant la douleur d’avoir été laissée pour une autre femme, elle erre des jours durant dans le silence d’une maison de campagne sous le regard apparemment impassible de Pierre (Daniel Auteuil), son beau-père. Confronté à l’indignation de sa bru, qui lui reproche son manque de compassion, et souhaitant lui prouver que la décision de son fils pourrait bien, malgré tout, être la bonne, cet homme sérieux et taciturne sera amené à lui révéler le secret qui le tourmente depuis vingt ans: celui de sa liaison avec Mathilde (Marie-Josée Croze), une jeune traductrice-interprète qu’il avait rencontrée dans une réunion d’affaires à Hong Kong.

C’est à partir de ce canevas –pouvant à première vue sembler cliché– que la comédienne, cinéaste et metteure en scène Zabou Breitman articule, d’après le roman d’Anna Gavalda, un troisième long-métrage qui vient confirmer son talent. Sensible, sobre et perspicace, Je l’aimais raconte de façon tout à fait inventive l’histoire d’un amour interdit et passionnel qui aura fait d’immenses dégâts. C’est donc à travers la narration du personnage de Daniel Auteuil que la cinéaste dévoile la confession d’un homme détruit par le regret d’avoir choisi de rester avec son épouse et ses enfants, au détriment de la seule chose qui le rendait vivant. Loin du mélodrame appréhendé, ce récit en est un qui tient autant à faire rire qu’à faire pleurer. Avec une réalisation qui sait épouser le côté spontané du style d’Anna Gavalda, celle qui n’est passée derrière la caméra que depuis quelques années parvient à ajouter surprise et originalité à cette histoire qui, malgré toutes ses qualités, manque parfois de rythme. Le sentiment de

lassitude que peuvent créer les quelques longueurs du film est cependant compensé par le jeu tout à fait subtil et prenant dont fait preuve la majorité de la distribution tout au long de la production. Aux côtés de Daniel Auteuil, qui livre une performance sans faille, on retrouve notamment MarieJosée Croze dans un rôle principal qu’elle sait habiter avec toute la finesse qu’on lui connaît, et l’on découvre (ou redécouvre), la comédienne Christiane Millet, qui incarne avec brio l’épouse bienveillante mais brisée de Pierre. À travers des dialogues suggérant toute l’intensité du sentiment amoureux sans jamais trop en révéler, le film de Zabou Breitman se construit à partir d’une série de scènes touchantes et romanesques qui, sans révolutionner le septième art, se réapproprient le concept simple du triangle amoureux d’une façon inédite et juste. Ce film saura ravir les amateurs de récits psychologiques mais pourra décevoir les adeptes d’intrigues haletantes. x

Chers lecteurs! Comme vous devez être contents de nous retrouver! Étant consciente de votre niveau d’excitation à nous lire après une absence si longue, je vous propose cette semaine quelques idées pour ne pas vous priver de culture en dépit de votre budget serré. «Ah! cette satanée crise économique!», que vous vous dites, tout en sachant que vous n’y avez rien perdu. Arrêtez de gémir et gobez donc ce qui suit. Les férus de théâtre le savent: il n’est pas simple de concilier une passion pour l’art de Sophocle avec un budget étudiant. Pourtant, comment se retenir d’aller au théâtre avec toutes ces productions qui pullulent en ville? Certes, il y a toujours les spéciaux du type «2 pour 1» offerts par certains théâtres -le TNM et La Licorne, entre autres- qui vous permettent de voir des pièces a partir du «sommet» de la salle. N’empêche que les gens qui vont au théâtre seuls ou ceux qui sont atteints de vertige risquent de ne pas y trouver leur compte. Heureusement pour nous tous, la Carte Premières, laquelle se détaille au coût de 25$, est disponible depuis 2004, offre à ses abonnés 50% de rabais sur les productions de quelque soixante-dix compagnies de théâtre durant toute la saison. En plus d’avoir la possibilité de voir une pièce pour le prix d’une bobette en lamé argent -personne ne vous aimera davantage-, les détenteurs de la Carte Premières ont l’occasion de découvrir une panoplie de jeunes compagnies qui n’ont peut-être pas le rayonnement médiatique qu’elles méritent. Le cinéma n’est peut-être pas l’art le plus dispendieux, mais quand on peut en avoir plus pour moins cher, pourquoi s’en passer? La palme du bon cinéma peu cher revient sans doute au Cinéma du Parc, mon préféré, qui propose deux ciné-cartes, l’une –pour les 25 ans et moins– permettant de voir cinq films pour 25$ et l’autre, huit films et deux avant-premières pour 50$. Qui dit mieux? Dans la même lignée, le Cinéma Beaubien offre également des tarifs étudiants très intéressants (huit films pour 56$), à l’image de sa programmation. Pour ceux qui ne tiennent pas nécessairement à voir les films sur grand écran, il ne faut surtout pas oublier le «3 pour 1» étudiant de la Boîte Noire tous les lundi soirs. Avec une telle économie, vous pourrez vous permettre une grosse poutine au Fameux, servie par Jojo en prime. Ne s’agit plus à présent que de trouver le temps de voir trois films en autant de jours! Vous trouvez que suis chiche en frais d’idées? Gardez néanmoins en tête qu’il est toujours possible de voir des expositions d’arts visuels pour presque rien. Même chose pour les concerts de musique. Il n’y a qu’un seul remède pour survivre dans la jungle culturelle montréalaise: garder l’œil ouvert! x

Gracieuseté Films Séville

xle délit · le mardi 20 octobre 2009 · delitfrancais.com

Arts & Culture

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14Arts & Culture

xle délit · le mardi 14 octobre 2009 · delitfrancais.com


THÉÂTRE

CHRONIQUE

Faire le saut avec les Troyennes

L’étranger La tête en friche

Rosalie Dion-Picard

Une tragédie antique dans une piscine publique désaffectée? Pour sa première mise en scène, Louis-Karl Tremblay sort déjà des carcans théâtraux. Mai Anh Tran-Ho Le Délit

L

e jeune metteur en scène cite Anouilh dans le programme: «C’est reposant la tragédie, parce qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir.» Les Troyennes aussi c’est reposant, mais ce n’est pas par manque d’espoir: les murs du Bain StMichel suintent de vitalité. Louis-Karl Tremblay a choisi un lieu qui peut paraître d’emblée étonnant pour cette pièce d’Euripide adaptée par JeanPaul Sartre. Pourtant, le carrelage et les colonnes qui entourent la piscine –qui sert de scène– ont quelque chose d’un palais antique. Dans la partie creuse de la piscine, proche des spectateurs, couchée face contre sol, une femme dans une longue robe noire. Dans un coin, un tas de femmes simplement parées de camisoles et de culottes blanches. Tremblay dit avoir choisi la piscine du Bain St-Michel parce que dans cet «espace clos, on se retrouve avec elles». Elles, c’est les veuves troyennes. Au lendemain de la guerre, debout, jamais assises malgré les chaises qui peuplent la scène, elles luttent contre l’armée grecque. Ces soldats qui, du bord de la piscine, érigés en maîtres du haut des murs de Troie conquise, veulent décider de leur sort. Les enjeux sont les mêmes qu’à l’époque où elle a été écrite par Euripide, en 415 av. J.-C.: l’absurdité de la guerre, l’héritage laissé derrière, la peur de voir une culture, une mémoire, disparaître avec soi.

La force des Troyennes réside dans leur unité, bien ancrée mais fragile, qui s’expose au plus fort dans l’aspect choral. Comme lorsqu’elles haussent toutes la voix pour demander: «Et nous, et nous, qu’allons-nous devenir?», ou lorsqu’en plusieurs langues elles rappellent différents génocides survenus à travers l’histoire. Ce n’est plus alors de la guerre de Troie dont il est question, mais de toutes les guerres. Les Troyennes, c’est aussi Catherine Bégin dans le rôle de la reine Hécube, laquelle tient toutes les voix. C’est elle, moins bavarde que les jeunes Troyennes, qui soutient la montée dramatique de la pièce, passant d’un état de désespoir absolu à une fierté exclamée à pleins poumons. Le metteur en scène a bien su tirer profit du modernisme du texte de Sartre. On est loin du dialogue paralysant de la tragédie antique, Tremblay alliant chant et danse à son théâtre. Toutefois, les nombreuses couches de sens peuvent parfois alourdir la pièce, dont les jeux physiques essoufflent déjà le spectateur. Bien que l’usage de la musique et des projections ajoute parfois une beauté supplémentaire au texte, comme cette projection de l’horizon d’une plage avec des silhouettes rappelant Troie avant la guerre, le spectateur s’en trouve parfois déconcentré. En outre, l’équilibre entre le jeu des comédiens est précaire. La présence des hommes est éclipsée derrière la marée féminine. Les Troyennes parlent français.

L’ennemi, lui, s’exprime dans un anglais qui semble désincarné; un voile nationaliste est ainsi levé, un enjeu parmi d’autres. Malgré des ruptures émotives trop abruptes dans ce contexte de guerre, tel la compassion d’un des soldats face à une Andromaque (merveilleusement interprétée par Ariane Lacombe) pleurant son jeune Astyanax assassiné, ou lorsque ce même soldat rappelle l’amour qu’il a pour sa patrie et son désir d’y retourner, les deux camps parviennent à faire ressortir un même message. Pourquoi tant d’horreurs? Une question qui résonne à la fin avec toutes les voix des Troyennes criant: «Le crime paie.» Les Troyennes est le succès d’une rencontre entre un classique antique et ce jeune diplômé de l’École supérieure de théâtre. Une pièce dont la force réside dans la profondeur du texte et des métaphores de la mise en scène. Les Troyennes refusent de tomber dans l’oubli et ne cessent de faire des vagues, tout comme Louis-Karl Tremblay qui, avec cette première mise en scène, fait résonner son nom dans toutes les bouches. x

Les Troyennes d’Euripide, adaptation de Jean-Paul Sartre Mise en scène de Louis-Karl Tremblay Où: Bain St-Michel 5300 Saint-Dominique Quand: Jusqu’au 24 octobre Combien: 17,50$ (étudiants)

Arrivée à McGill dans la naïveté de ses dix-neuf ans, une jeune fille francophone peut vivre une expérience assez troublante. Elle se croyait ouverte d’esprit, curieuse envers les autres cultures... mais non. Finalement, les bottes pantoufles, les lunettes de soleil l’hiver, les sweatpants gris et les «Ahmagod and then he was like, and then I was like, and then -yeah, you know, right? I told like, you’re suuuch an asshole» ont créé un authentique choc culturel. Désorientation, déprime, envie de voir sa mère et de manger de la soupe, l’impression de ne rien comprendre des codes sociaux. Finalement, maman n’est jamais venue. Quatre ans plus tard, l’adaptation n’est pas tout à fait accomplie, mais bon, il y a un début à tout: la cohabitation n’est plus pénible. Les clichés s’effacent, il y a finalement des gens avec qui on peut communiquer –qui même parfois portent des lunettes de soleil en hiver. Et pourtant... Un soir, une nuit plutôt, une pendaison de crémaillère. Les anglos dans la petite pièce du fond, entre eux. Les francos dans le salon, sur les balcons, boivent comme des trous, parlent fort et dansent. Et à un moment, en chemin entre le plancher de danse et le balcon arrière, une vision des plus étranges. Les anglos-intellos, dans la bibliothèque jaune, se passent un séchoir à cheveux. Allumé. Ils se le passent, comme si chacun avait quelque chose à sécher, qui les cheveux, qui le bras. Ils sont complètement secs. Ils ne boivent rien. Ils ont beaucoup de style. Ils s’amusent avec un séchoir. Les gens que je connais sont déjà explosés, s’embrassent, parlent de philo avec des longues phrases incohérentes, dansent sur les Spice Girls. Il faut dire qu’il est tard, que les groupies du séchoir sont les derniers des anglos de la place (sélection naturelle inversée?). Intrigante, la nouvelle se répand vite, suscitant les conjectures les plus variées. Une machine à air chaud. Découvertes importantes sur les lois de la physique? MDMA? Inside joke? ***

Simon Belleau

xle délit · le mardi 20 octobre 2009 · delitfrancais.com

Une jeune française, quatorze ans. En visite au Québec. Elle se met du vernis à ongles avec sa grande sœur. Sur des chaises longues. Il fait soleil, un ballon de plage Club Med flotte dans la piscine creusée. La petite: «On dirait un film américain! Tu sais, là y’a une fille qui va arriver et dire ‘’Andy fait une boum samedi soir, et on est toutes invitées!’’». Non, je crois pas. Les anglos m’invitent jamais dans leurs parties, de toute façon je comprendrais rien. x

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Arts & Culture


LE ROMAN-FEUILLETON DU DÉLIT

Elle (ultra désinvolte) – Oui? Lui (avec un sourire en coin) – Vous m’avez demandé de venir? Elle (pâlissant) – … Je vous ai convoqué, oui. Il faut qu’on parle. Lui – Je peux m’asseoir? Elle (se ressaisissant) ­– Faites comme chez vous. (Sévère) Votre examen de mi-session est absolument désastreux. Vous ne passerez jamais ce cours sans faire d’efforts. (S’emportant) Vous n’êtes clairement pas à votre place en philosophie, je ne comprends toujours pas pourquoi vous restez dans ce cours. Lui (contemplant ses joues qui s’enflamment et ses yeux scintillants de fureur) – Vous y allez un peu fort quand même. C’est quoi, vous voulez que je vous dise que je reste juste pour vous voir chaque semaine? Elle (baissant les yeux et jouant avec son bouton de chemise) – Je n’ai jamais prétendu une chose pareille. Listen. Il faut qu’on mette les choses au clair. Lui (se demandant si son bouton va tenir le coup) – Vous voulez me prendre en main? Elle (mal-à-l’aise et ne souhaitant que sauter par la fenêtre… ou au cou de l’arrogant bambin) – Écoutez, cette relation est impossible. (Elle se lève et se dirige vers la fenêtre, contemple mélancoliquement l’automne ­et ses couleurs sur le Mont-Royal. Il caresse du regard ses courbes sensuelles embrassées par cette jupe juste un peu trop serrée. Soudain, elle se retourne violemment, sa crinière de feu fouettant l’air, et plaque ses points contre le bureau, le regard orageux de la révélation embellissant plus encore son visage d’habitude si paisible.) Elle – On nous a vus! Lui (Feignant l’ébahissement) – Non! Qui? Elle (arpentant le bureau) – Mon directeur. Mon poste est en jeu, nous ne pouvons plus nous fréquenter. Lui (De la voix la plus grave et assurée que lui permettent les émotions qui se bousculent dans son corps… comme en témoigne son pantalon tout à coup très serré) – Oh le salaud. Elle (retrouvant son sérieux) – Faites un effort pour vos cours. Autrement, il va falloir qu’on s’y mette sérieusement. Maintenant ça suffit, au revoir. Il se lève en hésitant: ce serait si facile de franchir les trois pas qui le séparent d’elle et de la prendre fougueusement là, sur le bureau, d’arracher ces satanés boutons pour découvrir sa poitrine d’Anglaise… sûrement prisonnière d’un Wonderbra beige, au fond. Il franchit finalement la porte, avec un arrièregoût d’échec dans la bouche. Elle le regarde disparaître au loin. Ovila, fantasme de sa jeunesse, avec ses mains rugueuses et sa chemise de toile sale, ne l’emportera pas sur la croupe de son étalon sauvage… ou était-ce un simple pinto? Pour satisfaire son appétit, elle s’attaque au dessert. Un bon beignet fourré. x

Flagrant délit de tendresse Laurence Fredette-Lussier et Audrey Wilhelmy Le Délit Elle s’assoit à son bureau, range les crayons, classe ses papiers en ordre alphabétique, puis par couleur, pour finalement se relever. Les stores sont fermés, elle les ouvre. Ne surtout pas s’enfermer, seule, avec lui. Un frisson de frustration lui parcourt le corps. Il aurait pu étudier un peu, au moins. À présent elle doit faire face à cette rencontre absurde et le remettre sur le droit chemin afin de lui éviter un échec cuisant. «Surtout, garde le contrôle. Il ne s’est rien passé. Je n’ai rien à faire des étudiants abrutis au charme délicieusement juvénile.» On cogne à la porte, trois petits coups dangereusement virils. Elle tire les plis de sa jupe –décidément trop ajustée–, attache un bouton supplémentaire à sa chemise et prend une grande inspiration.

Emmanuelle Jacques

xle délit · le mardi 20 octobre 2009 · delitfrancais.com

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