le délit delitfrancais.com
Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill.
Tensions en Terre Sainte UN PHOTO-REPORTAGE
Cafés étudiants: ailleurs l’herbe est plus verte > 4
La croisade de Gideon Levy > 6
La Révolution tranquille, 50 ans plus tard > 11 Le syndrome Norway.today > 13
Le mardi 28 septembre 2010 - Volume 100 Numéro 4, le seul journal francophone de l’Université McGill.
Une culture qui transcende les murs depuis 1977.
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L’eau: bien commun?
Les frais : Étudiants et employés de McGill : 6,70 $ / jour; 6,20 $ / jour pour 3 jours et plus. Grand public : 8,10 $ / jour; 6,95 $ / jour pour 3 jours et plus. Minimum 40,50 $ / 5 annonces.
Le Congrès mondial sur l’eau s’est terminé sur un flou quant à la définition de l’eau et vers une plus grande marchandisation de cette ressource Victor Raynaud Le Délit
L
e Congrès mondial sur l’eau qui se déroulait à Montréal devait permettre de trouver une solution à un problème qui ne cesse de s’aggraver: comment garantir un accès à l’eau potable pour 9 milliards de personnes d’ici 2025? Il est clair que les moyens utilisés présentement pour acheminer et traiter l’eau potable ne peuvent être étendus à une population toujours croissante. Le manque d’accès à l’eau est localisé dans les pays les plus pauvres où la population est dispersée et où nos méthodes d’acheminement et de traitement centralisé s’avèrent inefficaces. L’obstacle majeur reste le statut de l’eau; bien commun gratuit et universel ou marchandise échangeable sur les cours boursiers.
Actuellement, l’eau n’est ni vraiment l’un ni tout à fait l’autre. Dans les pays industrialisés, l’eau potable est considérée comme gratuite (son prix représente la maintenance des systèmes d’approvisionnement et reste très faible: 0.40c/m3 pour le Canada). Dans les pays en voie de développement, l’accès à l’eau reste très difficile. Le développement économique récent de ces régions pose des problèmes de pollution importants. Que ce soit au Nord ou au Sud, les déversements d’engrais chimiques, de déchets industriels, cosmétiques et médicamenteux dans les rivières se retrouvent au bout du compte dans nos verres. Cette eau que nous buvons et qui devient de plus en plus polluée, revient de plus en plus cher à traiter. Prenez un verre d’eau. Dans celui-ci, vous trouverez plus d’une centaine de produits chimi-
Logement
ques désinfectants connus pour causer le cancer (DPBs), une dizaine de composants perfluorinés (PFCs) qui ont leur origine dans les cosmétiques, la peinture et les produits d’emballages, et tant d’autres particules chimiques aux noms barbares. Qui doit supporter le coût du retraitement? Qui de l’État ou du secteur privé vendra cette eau plus chère afin de créer du profit? Dans tous les cas, le consommateur sera amené à payer son eau de plus en plus chère avec les discriminations économiques qui y sont liées. L’eau comme marchandise s’installe peu à peu au fur et à mesure qu’elle devient rare et plus chère à traiter. Doiton y voir un signe précurseur de ce qui arrivera un jour à l’air? x Vous vous préoccupez de l’accessibilité de l’eau dans le monde? Exprimez votre opinion à www.delitfrancais.com
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depuis l’enfance? La recherche de vision de McGill recherche des participants d’étude. Veuillez appeler Dr. Simon Clavagnier au (514) 9341934, poste 35307 ou contacter mcgillvisionresearch@gmail.com pour de plus amples informations.
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14h-22h OAP Homekoming : Nous servirons des hot dogs et hamburgers, de la bière, du vin, des boissons nonalcoolisées et du blé d’inde, tout en vous presentant des groupes de musique qui sauront vous mettre dans l’esprit d’Oktoberfest. Lieu : Parc Three Bares (terrain inférieur)
16h-22h Sports 3-en-1 :
HORAIRE HORAIREDES DES EVENEMENTS ÉVENÉMENTS 2 2oktobre 2010 oktobre 2010 En collaboration avec
McGill AUS, DSS, EdUS, EUS, LSA, MCGSS, MCSS, le Comité de citoyen Milton-Parc, MSS, MUS, MUSA, NUS, POTUS, SUS, SWSA, Chabad McGill, Hillel McGill, McGill Improv, MSA et Players' Theatre.
Le terrain sera divisé en trois sections et vous serez invités à vous joindre aux équipes de soccer, flag football et basketball. Lieu : Terrain inférieur, côté ouest
17h-22h Films dans le parc : Venez apprécier le bon cinéma alors que nous projetterons l’un de vos films préférés sur écran géant en plein air! Lieu : Terrain supérieur, côté est
18h-20h Impro dans le parc : Improv McGill organisera un match d’improvisation. Venez assister aux performances ou démontrer vos talents! Lieu : Sentier nord, entre l’intersection Y et Burnside, terrain inférieur
18h-22h Théâtre dans le parc : Venez assister à une série de performances étudiantes, présentées tout au long de la soirée, avec le soutient de Players’ Theatre. Lieu : Terrain inférieur, côté est
18h-22h Club Fest : Les clubs, services et autres groupes étudiants auront l’opportunité de se présenter et de vous informer à propos de leurs mandat et activités. Venez voir ce qu’ils ont à offrir! Lieu : intersection Y, terrain inférieur
2 Nouvelles
xle délit · le mardi 28 septembre 2010 · delitfrancais.com
Lorraine Chuen / The McGill Daily
CAMPUS
La tasse est archi pleine Le débat sur l’Arch Café investit le Sénat mcgillois.
Anthony Lecossois Le Délit
S
auvons l’Arch Café! C’est le cri de ralliement des quelques centaines d’étudiants qui s’étaient réunis devant les portes du Sénat de McGill pour réclamer la révision de la décision de l’administration. L’annonce de la fermeture de l’Architecture Café par Morton J. Mendelson, «premier vice-principal exécutif adjoint études et vie étudiante», avait déclenché la mobilisation de plusieurs centaines d’étudiants sur le réseau social Facebook. Rendez-vous était donc pris pour le mercredi 22 septembre, devant le bâtiment Leacock, pour faire entendre aux Sénateurs la voix des étudiants mécontents. Si le nombre de manifestants était loin d’atteindre les 1500 participants ayant confirmé en ligne leur présence, l’enthousiasme ne
manquait pas. Armés de multiples instruments et des pancartes bigarrées proclamant «Rendeznous notre/Give us back our Arch Café» imprimées par The McGill Daily, les manifestants ont tenté de se faire entendre jusque dans l’enceinte du Sénat, sans grand succès. L’administration avait prévu un impressionnant dispositif de sécurité. En plus de la dizaine d’agents Securitas, les cadres du service étaient présents. Au motif qu’il n’y avait que vingt places assises disponibles dans l’enceinte du Sénat, le nombre d’observateurs a été limité. C’est donc depuis des bancs à moitié vides, et sous surveillance d’un agent de sécurité (là encore, fait exceptionnel) que Le Délit a pu assister à cette séance un peu particulière. Après avoir pris soin de rappeler qu’il est interdit de procé-
Blair Elliott / The McGill Daily
xle délit · le mardi 28 septembre 2010 · delitfrancais.com
der à l’enregistrement sonore et/ ou vidéo des débats du Sénat, Heather Munroe-Bloom (HMB) a ouvert la séance, ne faisant à aucun moment mention des événements extérieurs. Quand est venu le tour de la question des Sénateurs étudiants concernant l’Arch Café, M. Mendelson a expliqué que le déficit substantiel de l’université ne lui permettait pas de subventionner le repas de quiconque. Will, coordonateur du tout jeune site consacré à l’actualité du campus, thebubble.ca, souligne avec humour mais non sans justesse que «l’université a financé un barbecue géant gratuit lors de la semaine de la sécurité à quelques mètres seulement de l’Arch Café». Évoquant les pertes financières de l’établissement, M. Mendelson a indiqué que la situation du café n’était pas via-
ble, d’un point de vue financier autant que managérial. Le vice-principal, que d’aucuns appellent Voldemort depuis qu’un Sénateur a osé la comparaison, a maintenu son refus de publier les détails de la comptabilité du café. Position qui ne manque pas d’attiser l’inimitié à l’égard d’un homme qui semble être régulièrement placé en première ligne lorsqu’il s’agit de prendre des décisions impopulaires. La tentative du président de l’AÉUM, Zach Newburgh, de soumettre une résolution au vote du Sénat a été rapidement avortée par un très sec «ce n’est pas à l’ordre du jour» de HMB, avant même qu’il n’ait eu le temps de la lire. A quoi l’étudiant a répondu par la sollicitation d’un vote du Sénat pour s’opposer à la décision de la présidente du Sénat, HMB en l’occurrence, pour non respect des procédures.
Timothy Lem-Smith / The McGill Daily
Vaine tentative. En effet, s’il a emporté l’unanimité des huit Sénateurs étudiants, Zach Nemwburgh n’a reçu comme autre soutien que l’abstention de deux autres Sénateurs, le reste de la cinquantaine de Sénateurs présents ayant voté contre. S’en est suivi un débat entre la représentation étudiante menée par Josh Abaki, vice-président aux affaires universitaires de l’AÉUM et M. Mendelson. «Tout ce que demandent les étudiants, c’est de la consultation». À quoi l’administrateur a répondu. «Il s’agit d’une décision administrative. La gestion de points de restauration par les étudiants a généré un certain nombre de problèmes sur lesquels je ne souhaite pas m’étendre. L’université n’a pas l’intention de revoir sa position.» Le Bureau des Gouverneurs statuera sur le sort de l’Arch Café ce mercredi 29 septembre. x
Lorraine Chuen / The McGill Daily
Nouvelles
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CAMPUS
McGill fait cavalier seul À l’intérieur des murs des autres grandes universités québécoises, les cafés étudiants occupent une place substantielle. Philippe Teisceira-Lessard Le Délit
L
e sort du Arch Café semble scellé. Morton J. Mendelson a affirmé publiquement qu’il ne reviendrait pas sur sa décision de retirer ce local à l’association qui gérait un des derniers cafés étudiants. La résistance s’organise, sous forme de manifestations bruyantes et d’appels au boycott, essentiellement dans les réseaux sociaux et à travers certains éditoriaux de journaux étudiants. Ailleurs à Montréal, et plus largement dans la province de Québec, les commerces étudiants sont pourtant florissants et occupent une place importante dans le paysage alimentaire des campus universitaires. Laval L’université Laval, par exemple, compte quinze cafés et casse-croûtes gérés par des étudiants. La plupart sont (comme feu le Arch Café) liés à des associations étudiantes spécifiques qui les gèrent pour leur profit. «Le prolo» pour les étudiants en administration, «La dissidence» pour les futurs juristes, «La faim de l’ours» pour ceux qui ont choisi les sciences et le génie. Tous sont réunis dans une coopérative grâce à laquelle ils mutualisent certains coûts et peuvent augmenter de façon importante leur pouvoir d’achat. Elle a été créée en 2006 après que l’administration universitaire rejette la soumission d’une organisation étudiante qui souhaitait obtenir le contrat de gestion des services alimentaires à l’Université Laval. Un boycott de
la multinationale qui avait battu l’initiative étudiante et la création de la coop suivit. Mais le fait d’être réunis en coopérative protège-t-il vraiment les commerces étudiants contre les potentielles attaques de l’administration? «Oui», répond Yolaine Carrier, coordonatrice adjointe de la coopérative. «C’est la force du nombre, le fait d’être unis. Dans la coop il y a des gens avec de l’expérience, des gens qui étaient présents lors de la contestation pour reprendre les services alimentaires de l’université. Ils ont les connaissances et l’expérience nécessaires pour faire face à l’administration. On peut ainsi aider les étudiants à établir des liens entre eux.» Mme Carrier affirme que même sans avoir de statistiques sous la main, elle peut affirmer qu’une «assez bonne proportion» des étudiants fréquentent et se sustentent dans les commerces étudiants. UdeM L’université sise sur le Mont-Royal compte une trentaine de cafés étudiants, les plus petits se résumant à une machine à café installée dans le local d’une association étudiante, les plus importants disposant de terrasses extérieures. Loin d’être menacée par l’administration, l’existence des cafés de l’Université de Montréal ont plutôt pu profiter, dans les deux dernières années, d’un programme de réfection spécifiquement conçu pour eux. Soixante quinze mille dollars étaient disponibles pour chaque projet de rénovation. Neuf cafés ont décidé d’en profiter.
Des étudiants de l’UQÀM se sustentent au Café Aquin Café Aquin
UQAM Sept cafés étudiants desservent les étudiants de l’UQAM. Le café Aquin (du nom d’HubertAquin, le célèbre auteur et activiste québécois), par exemple, est un café étudiant fonctionnant sur le mode de l’autogestion.
Sans liens hiérarchiques, les étudiants qui désirent s’y impliquer se voient plutôt confier des mandats spécifiques de façon démocratique. L’Aquin ne sert son café que dans des tasses durables et met en vente de nombreux aliments biologiques et équitables. x
CAMPUS
Parrainage trop corporatif? L’Université McGill et l’AÉUM encourageraient les entreprises à contribuer au financement des activités étudiantes. Marine Moulin Le Délit Vitamin Water, Rogers, Fido… la visibilité des annonceurs se décuple sur le campus. Que ce soit le fait de l’administration ou de l’AÉUM qui font appel à différentes entreprises pour parrainer les initiatives et activités étudiantes. Chaque année, comme son site internet en témoigne, l’université distribue une trousse de commandites –un sponsorship package– décrivant la démographie étudiante, incluant leurs origines, leurs langues maternelles et leurs domaines d’études, aux entreprises pour leurs demander de parrainer différents événements durant l’année. L’histoire est aussi vraie pour l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM). Sur les pages de leur site Web, les exécutifs font la promotion de possibilités de parrainage aux entreprises. À la nuit des activités à McGill, les 14 et 15 septembre derniers, les étudiants pouvaient effectivement constater la présence de plusieurs entreprises, entre deux clubs, aux meilleurs endroits. Certains clubs doivent payer pour
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avoir une table, alors faut-il aussi faire appel aux entreprises pour aider à parrainer cet événement? Effectivement, tous les événements proposés aux étudiants le sont aussi aux entreprises. Selon les informations trouvées sur le site web de l’association, les tarifs allant entre 50$ pour une annonce dans le guide distribué aux premières années jusqu’à 8,000$ pour une table à l’Open Air Pub. À tous moments de l’année une entreprise peut louer un étal dans le hall du Shatner pour la modique somme de 500$ en moyenne. Selon les informations trouvées sur les pages web du vice-président aux finances et opérations, à la fin de l’année 2009 l’ AÉUM enregistrait un excédent de $460,180 pour l’exercice 2008-2009 de leur budget annuel. L’AÉUM n’a peut-être pas le choix; les récents problèmes que rencontre l’association, à la suite à l’initiation –frosh qui a vu rouge du côté des finances cette année, n’aident pas. Effectivement, en 2009, l’AÉUM a reçu $1,404,299 en cotisations étudiantes soit 20% de leur revenu total ; et seulement $523, 871 en subvention de McGill. Il faudrait que Gerts’ et le Bookstore
Les annonces commerciales sur les murs du bâtiment Shatner cotoyent celles des clubs. Éléna Choquette / Le Délit
finance le reste. Ce qui impliquerait de boire et d’étudier toute l’année, à un rythme soutenu: c’est très ambitieux, mais c’est perdu d’avance. Nos élus pourraient donc se voir devoir trouver une autre source de revenu.
Espérons que ça ne soit pas au détriment de la qualité de vie sur le campus. L’AÉUM n’a pas souhaité répondre en détail à nos questions au moment de mettre l’article sous presse. x
xle délit · le mardi 28 septembre 2010 · delitfrancais.com
CHRONIQUE
Aux ténèbres, l’Amérique reconnaissante ATTENTION, CHRONIQUE DE DROITE
Jean-François Trudelle
ÉDUCATION
Vers une américanisation de l’université européenne Plusieurs mouvements étudiants expriment leur désaccord vis-à-vis le réforme des universités telle que recommandée par l’UE. Renaud Bécot Quartier Libre
MONTREAL (PUC) — es dernières années, plusieurs pays européens ont connu des mobilisations étudiantes qui s’opposaient à la réforme des universités, c’est-àdire à la mise en application des recommandations du Processus de Bologne. Le Processus correspond à une série de réunions entre les experts de l’enseignement supérieur de plus d’une quarantaine de pays européens. Pour la première fois en Autriche, une grande manifestation européenne s’est déroulée à Vienne, le 11 mars dernier. Plus de dix mille étudiants et enseignants signifiaient leur opposition aux recommandations de ce Processus qui condamnent leurs universités à une privatisation progressive, ce qui aurait, selon eux, pour conséquence d’accentuer les inégalités dans l’accès à l’éducation et de dégrader le contenu des formations. Les objectifs initiaux du Processus de Bologne étaient de rendre le système universitaire européen plus compétitif au niveau mondial, notamment face aux universités anglo-saxonnes. Ce projet fut relayé au sein de l’Union Européenne à la suite de l’adoption de la Stratégie de Lisbonne. David Crosnier, membre de l’Agence européenne d’expertise sur l’enseignement supérieur, souligne que la première étape du processus de Bologne était d’encourager la mise en place d’un référentiel européen unifié en terme de durée des formations, empruntant le découpage
C
Connaissez-vous Molly Norris? Il s’agit de la caricaturiste au Seattle Weekly. Peut-être connaissez-vous mieux son initiative «Everybody Draw Muhammad Day» en réaction à la censure d’un épisode de South Park où Mahomet était représenté? En fait, Molly Norris n’existe plus. Elle a changé d’identité, quitté son emploi et disparu dans la nature. Le FBI lui a recommandé de faire ainsi à cause des menaces qui pesaient sur sa vie. L’État ne versera pas un sou pour sa protection. En avez-vous entendu parler? À part Mario Roy dans La Presse, ce fut le silence radio. Connaissez-vous Terry Jones? Assurément. Il est sûrement, à vos yeux, un vieux fou intolérant qui voulait brûler le Coran par plaisir. Or, il était dans ses droits, tout comme Molly Norris. Toutefois, une extraordinaire machine politico-médiatique s’est lancée dans l’arène pour dénoncer le projet de ce pasteur. Robert Gates, secrétaire d’État à la Défense, a appelé personnellement le pasteur pour lui dire de ne pas aller de l’avant. Barack Obama a dénoncé l’idée. David Petraeus, le commandant des forces de l’OTAN en Afghanistan, a déclaré que cela mettrait en péril la vie des soldats en Irak et en Afghanistan. D’abord, comment se fait-il qu’un haut fonctionnaire comme Robert Gates se soit mêlé de la sorte de la liberté d’expression d’un citoyen qu’il devrait servir plutôt qu’asservir? Le Premier amendement n’est pas suffisamment clair pour lui; «Congress shall make no law […] abridging the freedom of speech, […] or the right of the people peaceably to assemble»? Une petite relecture du Bill of Rights s’imposerait. Il a abusé de son pouvoir en violant l’esprit du document fondateur de son pays et personne n’a levé le petit doigt.
David Petraeus a aussi raté une belle occasion de se taire. Pourquoi les soldats se battent-ils au Moyen-Orient, si ce n’est pas pour la liberté? Il a demandé à un Américain de renoncer à son droit pour des raisons de sécurité internationale. Les soldats sont pourtant armés, entrainés et là pour assurer la pérennité de ces libertés fondamentales. Il semblerait que les quatre étoiles sur le collet de M. Petraeus ne le rendent pas apte à de telles réflexions. On ne peut pas soumettre des libertés à des conditions extérieures. Mais de quoi avaient peur tous ces gens? Ils craignaient la réaction du monde musulman. Les poids lourds des Etats-Unis d’Amérique, première puissance mondiale, the land of the free and the home of the brave, ont tremblé devant la barbarie d’islamistes enragés. Ils ont eu peur de gens qui seraient, et qui sont, allés crier Allahu Akbar en brûlant des drapeaux américains et en détruisant tout sur leur passage dans les rues des pays musulmans. Nos voisins du Sud ont renoncé à un de leurs plus importants principes fondateurs. Ils ont préféré céder à la tyrannie et à l’imbécillité la plus sauvage pour apaiser l’humeur incontrôlable de certaines personnes qui ont l’épiderme bien sensible quand vient le temps de les critiquer. Pourtant, critiquer est exactement le but et le moyen de la liberté d’expression. Alors que les bien-pensants larmoyaient sur le sort des musulmans qui auraient vu 200 de leur livres sacrés partir en fumée, Molly Norris disparaissait dans l’indifférence totale. Mes sympathies. x Vous croyez que tout droit fundamental est circonscrit par un autre? Écrivez à articles@delitfrancais. com
xle délit · le mardi 28 septembre 2010 · delitfrancais.com
américain en trois cycles de formation (système dit LMD: licence en trois ans, master en deux ans et doctorat en trois ans). Cette harmonisation aurait en même temps rendu «plus compétitif» le système d’enseignement européen au niveau mondial, en le dotant «d’une capacité de spécialisation des formations similaire à celles des universités américaines» indique Alvaro Vermoet, président de l’Association des étudiants libéraux espagnols (UDE). L’impact des réformes Les partisans du processus voient dans ces mesures de spécialisation des formations une possibilité de développer l’insertion professionnelle des diplômés en orientant les enseignements vers la satisfaction de besoins économiques immédiats. Sylvain Nunez, porte-parole du syndicat Sud étudiant (France), y voit «une forme de sélection sociale», Il s’agirait de «la création progressive d’université à deux vitesses», indique Sylvain Nunez, qui ne serait pas sans rappeler «les universités américaines, très fermées socialement, auxquelles très peu de personnes issues des milieux populaires peuvent accéder». Outre la crainte d’augmentation des frais d’inscriptions, «la mise en concurrence des universités les oblige à aller à la course aux financements privés» affirme-t-il. «Ces financeurs voient en même temps leur poids décisionnel augmenter dans les instances universitaires». Selon Sylvain Nunez, les investisseurs interviennent alors
«pour faire valoir leurs intérêts dans la spécialisation des formations», mais aussi remettre en cause la liberté et l’indépendance des chercheurs. Autant de propos qui ne sont pas sans rappeler les critiques émises par certaines organisations d’enseignants et d’étudiants à l’égard de la loi sur la gouvernance des universités au Québec. Pour favoriser l’harmonisation des systèmes universitaires européens, le Processus de Bologne et la Stratégie de Lisbonne ne disposent d’aucun pouvoir légal dans les pays européens, puisqu’il s’agit de conseils consultatifs et non exécutifs. Ici s’enracine pourtant la principale critique adressée à ce processus. Cette évaluation, basée sur des critères de «compétitivité», permet-elle de tenir compte des intérêts des étudiants et des impératifs de la recherche? Pour la sociologue Isabelle Bruno, ces indicateurs ne sont pas neutres, mais traduisent au contraire la direction politique sous-jacente à la Stratégie de Lisbonne et au Processus de Bologne. Les limites d’une comparaison Par son fonctionnement politique, fondé sur une dynamique de comparaisons et d’incitations intra-européennes, il est clair que l’influence américaine réelle dans le processus de Bologne est plus limitée que certains discours ne le laissent entendre. Certaines caractéristiques politiques européennes, telle que la volonté de garantir une vaste accessibilité à l’éducation, semblent demeurer irréductibles à l’exportation d’un modèle américain. x
Des étudiants européens manifestent leur mécontement face à la réforme de leurs universités. Crédit: International Student Mouvement
Nouvelles
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INTERNATIONAL
Gideon Levy à McGill Le célèbre journaliste était de passage à Montréal pour présenter son livre The Punishment of Gaza. Xavier Plamondon Le Délit
U
ne foule considérable s’était donné rendez-vous le 20 septembre dernier pour assister à la conférence organisée par Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPME). Gideon Levy n’a pas mâché ses mots à l’endroit des médias, de la société et du gouvernement de l’État hébreux: «Les agences (de presse, NDLR) en Israël nous enseignent que les Palestiniens ne sont pas des êtres humains comme nous. Et puisque c’est le cas, on peut ignorer les problèmes de droits de l’homme, tant en Cisjordanie qu’à Gaza, puisqu’ils sont différents.» Il a cité en exemple la couverture médiatique de l’Opération Plomb Durci il y a un an et demi. «Deux chiens ont été tués pendant l’offensive. Et ce sont eux qui ont fait les manchettes.» Il raconte qu’on retrouvait des photos de ces chiens, des entrevues avec leurs anciens propriétaires dans les journaux. Certes, y rapportait-on la mort de dizaines de Palestiniens, mais seulement aux pages 16 ou 17, et ce, très brièvement, sans descriptions, sans noms. «Aussi troublant que cela puisse paraitre: la vie des Palestiniens n’est L’éditorialiste du
«
Deux chiens ont été tués pendant l’offensive. et ce sont eux qui ont fait les manchettes.»
Haaretz, quotidien israélien libéral, a par ailleurs critiqué avec véhémence la société israélienne «qui vit dans le coma, en totale indifférence, en complète apathie. Leur cécité morale est difficile à décrire et à comprendre, mais ce sont les agences qui leur permettent de vivre dans cette cécité et de se sentir fiers d’eux-mêmes.» Il ajoutera plus tard qu’il ne se rappelait pas une seule
fois «qu’un oppresseur se sentait si heureux qu’il se prenait autant pour victime. Pourtant, le plus grand drame de notre histoire se passe dans notre sombre arrière cour». Il a de plus constaté que même si Israël était de plus en plus isolé sur la scène internationale, le pays bénéficie néanmoins de support inconditionnel de certains alliés tels que les États-Unis et le Canada. «Mais être un ami d’Israël aujourd’hui signifie hausser sa voix contre l’occupation. On ne peut pas supporter un ami aveuglément. C’est comme avec un junkie, on peut lui donner de l’argent ou l’envoyer dans un centre de réhabilitation. Eh bien Israël a une dépendance à l’occupation.» Une période Q&R mouvementée Parmi les questions qui ont suscité le plus d’émoi, un jeune homme du nom de Michael a demandé au journaliste comment Israël pourrait se retirer des territoires occupés sans que sa parenté soit tuée sur le champ. «Qu’ai-je dit à propos de l’oppresseur étant la victime?», a-t-il répondu calmement. «Si je vole ta voiture, je ne suis pas dans une position d’imposer des conditions pour te la rendre.» Zach Paikin, quant à lui, voulait savoir ce qu’était le plus important entre «un monsieur dans la cinquantaine qui faisait des travaux de construction et un régime islamique fondamentaliste qui se vouait à l’extermination d’un peuple entier avec des armes nucléaires». Levy a simplement répliqué que ce n’était pas l’un ou l’autre, mais bien les deux. «Le monde entier sait que l’Iran est un danger imminent, mais bombarder ses installations nucléaires ne ferait que nous précipiter vers un terrible bain de sang. Nous devons ainsi neutraliser ses armes en faisant la paix avec nos voisins arabes et nous retirer des territoires occupés.» x
Gideon Levy n’a pas mâché ses mots devant les étudiants de McGill. CJPME
CHRONIQUE
Les femmes ont-elles une âme? Le Franc-parleur
Francis L. Racine
«En 2010, faut-il qu’une femme ne pas assez femme pour vouloir donner son nom de famille à ces enfants?» Faut-il que les groupes de femmes soient déconnectés de la réalité politique pour suggérer, demander, supplier le gouvernement pour une plus grande représentativité des femmes à l’Assemblée Nationale? Comme si le gouvernement et les partis politiques allaient aller en région pour tordre le bras aux femmes pour qu’elles se présentent aux élections! J’ai bien hâte de voir le jour où les partis politiques feront la chasse aux femmes comme on
6 Nouvelles
fait la chasse aux œufs de Pâques; celui qui en a le plus a un prix? Bin kin! Mon but n’est pas de remettre en question les acquis des femmes au fil du temps, loin de là. Mais je crois personnellement que les luttes féministes ont tellement supplanté les autres luttes sociales que lorsqu’un homme vit des problèmes pouvant être liés à ceux rencontrés par des femmes, que fait-on? On s’en fout! On le ridiculise! Selon les stéréotypes de la société, un homme doit être grand, fort, capable de lever des montagnes et ne pas avoir peur d’une souris… il doit être un mâle-alpha! Mais sachez mesdemoiselles (oui, je crois encore à la distinction des femmes selon leur statut matrimonial) que les hommes ont aussi leurs problèmes de femme. Les hommes peuvent être eux aussi victime de violence conjugale, ils peuvent être victime de discrimination sur le marché du travail comme au niveau des soins infirmiers et de l’enseignement, des catégories d’emplois à prédominance féminine. Ainsi, les hommes n’ont pas le droit de se plaindre dans notre société, le lobby-féministe est rendu trop fort. Femme par-ci, femme par-là! Un instant je vous prie. Certes les hommes et l’Église catholique ont tenu les femmes pour des sans-âmes et des mineures pendant longtemps mais s’il vous plaît… on peut-tu en revenir? Notre société se veut ouverte et égalitaire. Depuis la première femme à l’Assemblée Nationale, Mme Casgrain-Kirkland, les femmes ont fait des avancées spectaculaires et sont dé-
sormais au même niveau que les hommes globalement. Les femmes ont voulu l’égalité et une des dernières étapes fut lorsque le Gouvernement libéral décréta la loi sur l’équité salariale. N’oublions pas, il y a un ministère de la condition féminine; qu’en est-il de la condition masculine? Peut-on appeler le Québec une société égalitaire quand un sexe n’est pas pourvu de ressources pour défendre ses droits? Malheureusement, les hommes ne sont pas égaux aux femmes. Pour atteindre cette égalité, je crois fortement que le ministère de la condition féminine devrait revoir son appellation et sa mission! Pour pouvoir vraiment parler d’égalité entre les hommes et les femmes, j’aimerais voir la création du Ministère de l’Égalité afin de répondre à la mission de la condition féminine et en ajoutant celle de la condition masculine. Les hommes sont les égaux des femmes, alors mesdemoiselles démontrez-le! Au lieu de créer l’hystérie générale quand votre situation est la plus enviable au monde, préoccupez-vous de la situation des femmes à l’étranger; exportez notre modèle et dès lors, les rapports entre hommes et femmes à travers le monde en seront grandement améliorés. On pourra ainsi dire que vous êtes sensibles aux hommes et que vous avez une âme. x Vous êtes du groupe sanguin féministe positif? Réagissez au bon sens masculin sur www.delitfrancais.com xle délit · le mardi 28 septembre 2010 · delitfrancais.com
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La Terre Sainte en sac à dos
Un journaliste du Délit nous partage ses récits de voyage au Moyen-Orient.
Xavier Plamondon Le Délit
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rriver à Tel-Aviv un samedi c’est comme jouer à une partie de roulette russe. Puisque ce jour de la semaine est le shabbat imposé à la grandeur de l’État hébreux, aucun service de transport public n’est offert jusqu’au coucher du soleil. Mais vu que les billets d’avion étaient beaucoup moins chers cette journée-là, j’étais prêt à prendre le risque de rester coincé quelques heures à l’aéroport. J’ai pu trouver un sherut, un taxi collectif, mais j’ai dû attendre deux heures sous un soleil cuisant avant de finalement prendre la route vers Jérusalem. Bien sûr, le chauffeur n’allait pas démarrer avant que la navette de huit personnes ne soit remplie. Si j’ai été le premier à monter dans le sherut, j’étais quand même le dernier à en descendre. Le chauffeur, chauve et musclé, m’avait demandé ma destination. «Devant les portes de Damas, dans la vieille ville. Je vais trouver un moyen de me rendre à ma destination finale», lui ai-je répondu. Il avait deviné mes intentions, mais n’avait rien osé dire devant les autres passagers. Une fois les passagers descendus et reconduits dans différents coins de la ville sacro-sainte, il s’est retourné dans ma direction: «Tu vas en Samarie ou en Judée, c’est ça?» Plusieurs Israéliens n’osent pas dire «Palestine» ou «Cisjordanie», car ces termes sont politiques. Ils utilisent ainsi des expressions bibliques, leur rappelant le temps où ils habitaient ces terres. J’ai hoché la tête. «Dans ce cas-là, pour dix shekels de plus, je t’emmène directement au checkpoint. Tu pourras le traverser et prendre un taxi arabe pour Bethléem», a-t-il proposé. Il m’a donc laissé devant un immense mur de béton, faisant huit mètres de haut, orné de miradors positionnés à chaque cinquante mètres. Je me sentais assez insignifiant avec mon sac à dos brodé de drapeaux canadiens et québécois. L’immense panneau
jaune annonçant l’entrée dans les «territoires occupés» s’avérait intimidant. Ce que le chauffeur ne m’avait pas dit, c’était que je ne pouvais pas traverser à pied le checkpoint. Je suivais donc tout bonnement à pied les voitures, lorsque des soldats (lourdement) armés sont venus me l’annoncer. «Mais je suis canadien, j’ai le droit d’aller en Palestine!», me suis-je exclamé; les citoyens israéliens ne sont pas autorisés à traverser le mur (exception faite lors de leur service militaire obligatoire). Ils m’ont alors pointé la direction de l’entrée piétonne, en haut d’une colline, à dix minutes de marche. Toutefois, un vieil homme palestinien, garé non loin de là, avait entendu la conversation et m’a proposé de monter à bord de sa vieille Mercedes au moteur toussotant:
«
Mai, mon amie palestinienne, m’avait donné rendez-vous dans un hôtel non-loin de chez elle, car sa maison n’arborait pas de numéro de porte. J’avais voyagé toute la journée, j’étais exténué. En arrivant chez elle, je n’ai pas pu cesser d’admirer le paysage. Sa grande maison de pierres blanches était juchée sur une colline donnant sur une petite vallée. Pas très loin, nous pouvions cependant voir des colonies israéliennes. «Ils gâchent la vue», m’a-t-elle confié. Mon autre amie, Shatha, nous a rejoints un peu plus tard. Nous avons passé la soirée à fumer de la shisha, l’activité nationale de la Palestine. Cela faisait maintenant un an que je ne les avais pas vues. Elles étaient en Palestine, mais elles auraient dû être au Royaume-Uni. Elles avaient été acceptées
Il m’a donc laissé devant un immense mur de béton, faisant huit mètres de haut, orné de miradors positionnés à chaque 50 mètres. Je me sentais assez insignifiant avec mon sac-à-dos brodé de drapeaux canadiens et québécois. » «Pour 20 shekels, je t’emmène où tu veux à Bethléem.» J’accepte son offre, utilisant mes bribes d’arabe. «Tu parles arabe? Ce sera 10 shekels dans ce cas!» Son hospitalité m’a mis plus à l’aise, mais je demeurais angoissé. Il faisait chaud dans la voiture et nous faisions la file pour traverser la «frontière». En fin de compte, le soldat a à peine regardé nos documents et, bien rapidement, nous étions de l’autre côté du mur. «Marhaba fi Falestine!», s’est exclamé le vieil homme au sourire mémorable. Nous avions quitté un endroit bien organisé, propre, européen, pour un monde complètement différent. Des dizaines de taxis jaunes à la plaque d’immatriculation verte attendaient des passagers. D’autres voitures, de l’autre direction, rongeaient leur frein pour se rendre en Israël. Des jeunes vendaient des bouteilles d’eau. De la musique arabe jaillissait des cafés environnants. Deux mondes si différents mais si près l’un de l’autre.
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dans de prestigieuses universités, avec une aide financière complète, mais leur visa d’entrée leur a été refusé. Parmi les raisons possibles de ce rejet, on peut imaginer leur statut de réfugiées et leur nationalité palestinienne. Le camp de réfugiés de Deisha Elles passaient ainsi plusieurs jours par semaine dans un centre communautaire dans le camp de réfugiés de Deisha, à Bethléem. Mes amies y ont grandi, mais leurs parents ont réussi à accumuler assez d’argent il y a quelques années pour acheter une vraie maison. Lorsqu’on parle de camps de réfugiés, on s’attend à un environnement hanté d’un taux de criminalité ahurissant et saturé de tentes à perte de vue. Mais après soixante-deux ans d’occupation, l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency; l’agence d’aide aux réfugiés palestiniens) avait fait un travail substantiel. Cela demeurait un camp de réfugiés:
12 000 âmes se côtoient sur 0,5 kilomètres carrés. Les maisons ont été construites à la hâte, les unes sur les autres. Des familles y sont entassées depuis trois générations. Il n’y avait qu’une seule rue, très étroite, loin d’être conçue pour les voitures d’aujourd’hui. Et cela a des conséquences désastreuses. Par exemple, un soir, nous étions dans la voiture, bloqués par un camion de livraison. Derrière nous est alors arrivé une voiture à vive allure, avec les feux de détresse allumés. Sur la banquette arrière, un homme sans connaissance. Après plusieurs manoeuvres dangereuses et d’innombrables coups de klaxon, nous avons finalement pu les laisser passer. Mais Dieu seul sait si cet homme s’en est sorti. Nous nous sommes donc rendus au camp de réfugiés où j’ai rencontré Naji Owdah, le directeur exécutif du Centre Phénix (Al-Phoenix Center Association). C’était un homme charmant: sous sa moustache prépondérante se cachait un immense sourire. Il s’occupe de ce centre depuis bientôt 12 ans: «Nous avons le devoir de subvenir aux besoins de ces gens». En effet, l’autorité palestinienne n’intervient que trop peu dans les sphères sociales de la population, et la majorité des services de santé et d’éducation doivent être offerts par l’UNRWA, des organismes non-gouvernementaux, ou encore le secteur privé. «Nous organisons des ateliers de peinture, de théâtre, de musique, entres autres, afin que les gens soient bien dans leur tête et puissent former une nouvelle génération épanouie.» Naji me confie que le pire aspect du camp est que «ces gens sont des réfugiés sur leurs propres terres. Ils n’ont pas de propriétés [les maisons du camp appartiennent en effet à UNRWA], et éprouvent des difficultés à plusieurs niveaux: accès à l’eau courante, mauvaise qualité de l’air, manque d’espace, absence de tranquillité d’esprit. Des arrestations israéliennes non-fondées arrivent tous les soirs.»
Société
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11 Légende: (1,2,3) Le mur de sécurité à Bethléem (4) Le marché couvert à Hébron (5) Des barbelés condamnant une rue à Hébron (6) Sécurité optimale à Hébron (7) Le mur des lamentations à Jérusalem (8) Des soldats de Tsahal à l’oeuvre à Hébron (9) La mosquée d’al-Aqsa à Jésuralem (10) Un des nombreux points de contrôle en Cisjordanie (11) Une boutique abandonnée à Hébron (12) Élections étudiantes à l’Université de Bethléem (13) Graffiti à Bethléem Crédit photos: Xavier Plamondon / Le Délit
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Naji avoue quand même que tout n’est pas noir: «L’esprit de détermination et de solidarité que ces gens ont dans leur cœur les encourage à mieux vivre dans ce genre d’environnement.» Et qu’est-ce qui le motive dans ce travail? «Je crois en la lutte pour les droits de l’homme et je me battrai toujours pour notre liberté.» Naji avait néanmoins un discours peu modéré. Socialiste et humaniste convaincu, il était vague quant aux moyens à uti-
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liser pour «se battre» pour la liberté de son peuple: «Nous sommes écœurés, nous sommes au désespoir. Cela fait soixante-deux ans. Mais la prochaine intifada ne sera pas contre les Israéliens: elle sera contre l’autorité palestinienne. Ils sont corrompus jusqu’aux os.» En effet, selon plusieurs, Mahmoud Abbas souffre d’un manque de crédibilité et de fermeté quant au gel des constructions de colonies, ruinant ainsi sa base politique. Bethléem Bethléem est une ville en plein essor. Sur la grande place, l’église de la nativité, là où Jésus est né, fait face à une grande mosquée. La majorité de la population de la Palestine est musulmane, mais une importante minorité, concentrée à Bethléem et à Ramallah, est de confession chrétienne. «Peu de schismes existent entre les deux
communautés car la population se voit d’abord comme étant palestinienne, unie sous l’occupation», m’a expliqué Shatha. La vieille partie de la ville, avec son souk et ses rues historiques, est propre et pittoresque. Chaque jour, des milliers de touristes et de pèlerins traversent le mur de sécurité à bord de grands cars climatisés. «Ce qui est regrettable, c’est qu’ils ne savent même pas qu’ils sont en Palestine occupée», s’est exclamée Mai. «Ils se croient en Israël, et ne sont pas au courant de la situation géopolitique.»
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Deux soldats, bien armés, pas plus vieux que moi, faisaient régner l’ordre. Ils ne se gênaient pas pour hurler et bousculer les gens. Je n’en croyais pas mes yeux. C’était de l’harcèlement pur et simple. »
Nous avons passé un après-midi entier à longer le mur de sécurité, aussi connu sous les noms de «mur de l’apartheid», «mur de la honte» et «barrière de sécurité». Il est facile de reconnaître les opinions politiques de chacun par la terminologie employée. Il est difficile de ne pas s’émouvoir devant sa taille et sa monstruosité. Nous avions tous la gorge serrée, et n’avions échangé que quelques paroles pendant ces quelques heures. Bien que le mur ait rendu Israël beaucoup plus
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10 sécuritaire qu’il y a une décennie en terme d’attentats suicides, cela a été rendu possible à un fort prix payé par la population palestinienne. «Ce qui autrefois prenait quinze minutes (aux personnes autorisées à se rendre à Jérusalem) prend désormais plus d’une heure», m’a informé Merna, la cousine de Mai. N’empêche que le mur a inspiré de nombreux artistes engagés tels que Banksy et BLU. Un restaurant y a même affiché son menu. Mais rendre cette structure si terrifiante en fresque resplendissante relève du miracle. Des élections étudiantes se tenaient à l’université de Bethléem par un après-midi ensoleillé. Sous la chaleur accablante, plusieurs centaines d’universitaires étaient au rendez-vous pour désigner les prochains membres du sénat. Les opposants? Le Fatah et le Front populaire de libération de la Palestine (PFLP); le système politique étudiant est calqué sur celui du niveau national. Fait étonnant, le PFLP, d’idéologie nationaliste et marxiste, est reconnu comme étant une organisation terroriste par le Canada, les États-Unis et l’Union Européenne. Cela voulait donc dire que je me trouvais en présence de nombreux dangereux terroristes. Le PFLP est en quelque sorte un parti clandestin, et la majorité de ses membres ont déjà séjourné en prison pour avoir été impliqué au sein du parti. En effet, une importante proportion des supporters que j’ai rencontrés ont déjà été des prisonniers politiques. Une étudiante de 20 ans a passé deux ans dans une prison
israélienne: «Cela m’a pris deux semaines avant que je puisse rejoindre mes parents par téléphone. Cela a été une expérience horrible. Humiliation, torture: j’ai vécu les pires jours de ma vie. Et tout cela parce que je supporte le PFLP. Jamais je n’ai eu recours à la violence». Je dois conserver son anonymat, car si on se rend compte qu’elle est toujours impliquée politiquement, elle retournera en prison pour cinq ans au minimum. Jérusalem Tout voyage en Terre Sainte serait incomplet sans une visite de Jérusalem. Mais encore fallait-il que je m’y rende de Bethléem. Puisque la majorité des Palestiniens ne sont pas autorisés à y aller (il faut un permis spécial), mes amies n’ont pas pu m’accompagner. J’ai donc pris un autobus palestinien et traversé le checkpoint. Sur la voie d’à côté, les voitures de colons israéliens ne ralentissaient même pas. Deux soldats, bien armés, pas plus vieux que moi, faisaient régner l’ordre. Ils ne se gênaient
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Des objets de toutes sortes (bouteilles, roches, chaises) avaient été lancés par des colons fondamentalistes et étaient désormais éparpillés au-dessus de nos têtes.»
pas pour hurler et bousculer les gens: l’un d’eux a donné un coup de crosse à un jeune adolescent pour qu’il se redresse et soit plus respectueux envers le soldat. Je n’en croyais pas mes yeux. C’était de l’harcèlement pur et simple. Après une vérification des papiers et plusieurs questions, nous avons finalement rejoint Jérusalem. C’est une ville surréelle. Le dôme doré de la mosquée d’al-Aqsa, le mur des lamentations, le Saint-Sépulcre, le mont des Oliviers: tant de sites et de gens appartenant aux trois plus grandes religions de l’humanité se côtoient en ces lieux. Je ne suis pas vraiment une personne religieuse, mais il est indéniable qu’une énergie spirituelle se dégage de ces endroits inoubliables.
Hébron Ma dernière destination en Cisjordanie était Hébron. En arrivant dans la nouvelle partie de la ville, j’étais sous le choc. Un édifice d’une dizaine d’étages était aux derniers stades de sa construction, les centres d’achats étaient bondés et les commerçants faisaient de bonnes affaires dans leurs boutiques. Eyad, un ami qui vient de Bani Na’im, à quelques kilomètres de Hébron, m’a montré le magasin de tapis de son père. «La boutique est toute récente, car on a du quitté la vieille ville», m’a confié M. Manasra. « C’était devenu trop dangereux ». J’allais bientôt comprendre pourquoi. Plus on pénétrait dans la vieille partie de la ville, de moins en moins de gens étaient dans les environs. Bientôt, un grillage allait couvrir la rue commerçante. «La plupart des colonies israéliennes sont situées autour des villages palestiniens», m’a précisé Eyad. « Pas ici. Ils ont pris possession de nos maisons par la force. Et le grillage sert à nous protéger.» En effet, des objets de toutes sortes (bouteilles, roches, chaises) avaient été lancés par des colons fondamentalistes et étaient désormais éparpillés au-dessus de nos têtes. Plusieurs portes de boutiques étaient closes et soudées: «Soit les commerçants partent par peur, soit par menaces, soit par expulsions forcées», m’a expliqué Eyad. «Par exemple, derrière cette boutique, il y a une garderie pour les enfants de colons.» Il y a environ 600 colons à Hébron et environ quatre fois plus de soldats pour assurer leur sécurité. Car bien entendu ils ne sont pas les bienvenus dans les environs. Mais cela ne signifie pas que les Palestiniens soient protégés par ces mêmes soldats. Les colons sont autorisés à déambuler dans les rues avec armes au cou. Agressions et batailles sont monnaie courante. C’est pour cette raison que l’on retrouve des observateurs internationaux pour «signaler toute situation inacceptable».
7 En retournant vers la partie plus récente de la ville, des soldats israéliens étaient en formation, armes braquées dans toutes les directions. Eyad me chuchote à l’oreille: «J’ai oublié ma pièce d’identité à la maison. Je pourrais avoir de gros ennuis s’ils me la demandent. On va traverser rapidement, mais ne les regarde pas dans les yeux.» Un soldat avait pointé son fusil vers nous alors que nous avancions à ses côtés. Mon coeur battait: je ne m’en faisais pas pour moi, mais pour lui.
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Cela demeurait un camp de réfugiés: 12 000 âmes se côtoient sur 0,5 kilomètres carrés. Les maisons ont été construites à la hâte, les unes sur les autres. Des familles y sont entassées depuis trois générations. Il n’y avait qu’une seule rue, très étroite, loin d’être conçue pour les voitures d’aujourd’hui. .» Départ pour Israël Mon périple en Palestine tirait à sa fin. Après avoir entendu parler de l’occupation dans les médias et lors de plusieurs conférences, j’avais enfin vu de mes propres yeux ce que signifiait vivre sous occupation. Des droits humains sont bafoués, des terres sont grugées à chaque nouvelle construction de colonies, des ressources d’eau pompées à chaque heure. Chaque jour est un combat. Au moment de monter dans le bus qui allait me mener à Jérusalem, car j’allais maintenant passer une semaine en Israël, j’ai dit à Mai et Shatha de prendre soin d’elles. Pas par paternalisme, mais seulement par souci de leur bien-être. Elles m’ont tout simplement répondu: «Ne t’en fais pas pour nous. Cela fait soixante-deux ans que nous vivons comme cela et nous n’avons pas l’intention d’abandonner». x
L’histoire ne s’arrête pas là! Lisez ce qu’il se passe de l’autre côté du mur, dans l’État hébreux, à Tel-Aviv, à Jaffa et dans les kibboutzim!
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Éditorial
Volume 100 Numéro 4
rec@delitfrancais.com
le délit
Le seul journal francophone de l’Université McGill
Culture: tout doit disparaître
Mai Anh Tran-Ho Le Délit
L
a quatorzième édition des Journées de la culture, une initiative de Culture pour tous qui a pour mission de démocratiser la culture au Québec en offrant des activités gratuites, s’est déroulée de vendredi à dimanche. Ainsi, les coulisses de théâtre ainsi que les ateliers privés et les rues devenaient des espaces de rencontre et de partage. Ces trois journées
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La culture, c’est une paire d’antennes: l’une reçoit, l’autre transmet!»
d’exploration du domaine des arts ont pris l’allure d’un modèle pour la participation et l’engagement public dans la culture et se sont étendues cette année partout au Canada avec les Culture Days. À voir ces centaines d’activités culturelles qui ont pris d’assaut la province et le pays, certains tendraient à affirmer qu’au Québec et au Canada, la culture se porte bien.
L’indice canadien du mieux-être établit une corrélation entre la récente hausse des coûts des activités de loisir et culturelles et
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La culture permet de franchir la frontière établie par les mots.»
la baisse relative du bien-être du citoyen. De cette analyse, on conclut que notre société est en mal d’inclusion et d’équité dans la sphère culturelle. Dans son livre Le Facteur C, Simon Brault, directeur général de l’École nationale de théâtre et vice-président du Conseil des Arts du Canada, revendique le droit «de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent», énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, il en fait même une nécessité. La culture véhicule des valeurs et l’art est un outil de cohésion sociale, car elle permet le partage de valeurs communes entre des citoyens d’origines diverses. Tristement, l’accès à la culture semble être victime des
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La culture est le cœur du peuple, elle est son battement en perpétuel mouvement, se faisant entendre à travers toutes les générations.»
Vraiment? La culture s’achète Un article de l’édition du samedi du Toronto Star déplorait la qualité de l’accès du grand public à la culture. Les Culture Days ne seraient pas une solution au déclin dans les arts depuis les dix dernières années. Les frais d’admission sont en hausse et les initiatives pour l’accès à la culture telles les journées gratuites muséales se font de moins en moins fréquentes (heureusement ce n’est pas le cas pour le Musée des Beaux-Arts et le Musée d’Art Contemporain de Montréal, lire article en p. 15).
coupures budgétaires. Mais à qui la faute, à qui la responsabilité? Il semble que la tension se trouve encore entre l’accessibilité et la rentabilité. «La culture est un bien commun», avait lancé Christian Paire, du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, lors du lancement de l’Agenda 21C le 20 septembre dernier. L’Agenda 21 de la culture est un projet du Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine visant à intégrer la culture dans le développement durable et il reconnait le rôle de la culture dans le développement de tous les secteurs d’une société.
En trois vitesses
McGill s’isole un peu plus... À partir de ce semestre, McGill ne subventionnera plus les cours de français langue seconde aux étudiants internationaux. Morton J. Mendelson a expliqué que l’université n’avait plus les moyens d’offrir ce programme après avoir pris la relève lorsque le gouvernement a décidé de couper sa subvention. Dans une entrevue accordée au McGill Tribune, le premier vice-principal exécutif adjoint (études et vie étudiante) a toutefois voulu souligner que ceci «shouldn’t
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La culture n’est pas l’apanage d’une élite, c’est l’affaire de tous.»
be seen as a lack of support for international students who are trying to engage more fully with the Quebec community and society». Et pourtant. L’accès à la culture québécoise et l’intégration des étudiants étrangers souffrent de cette décision. La culture devrait être vue comme une source d’information, un héritage et faire partie du système d’éducation plutôt que d’être orientée vers des questions de sous. Selon le sociologue Joseph-Yvon Thériault invité à McGill à une table ronde sur le bilinguisme en février dernier, les uni-
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C’est ce qui distingue chaque individu. C’est un lien, un rapprochement, un échange comme une différence, une mésentente ou un éloignement.»
versités anglophones montréalaises possèdent un «mandat particulier et une grande responsabilité» quant à la promotion de la culture québécoise et du bilinguisme, et elles «devraient avoir la décence de s’intéresser à la société dans laquelle elles sont. Celle qui les finance». x Les exergues sont tirées du site www.jemaffichepourlaculture.com.
au neutre
en baisse
Duel des miliband: Ed l’emporte sur david
Le canada veut un siège au conseil de sécurité
Tensions renouvelées au moyen-orient
Le Parti travailliste britannique s’est trouvé un nouveau chef hier à Manchester lors d’un duel digne d’une tragédie grecque à l’Antigone. Ed Miliband a été élu devant son frère David Milliband, le devançant d’un pourcent. Ed Milliband a créé la surprise en dépassant son frère à la ligne d’arrivée; il était en hausse constante depuis le début de la course à la chefferie.
Canada a entrepris une grande «séduction» au siège des Nations Unies à New York depuis quelques jours. Cette opération arrive au moment où les pays membres éliront les pays qui se joindront au conseil de sécurité de l’ONU. Parmi les candidats potentiels contre le Canada se trouvent l’Allemagne et le Portugal. Depuis cette «entreprise» du Canada, les appuis sont restés stables et le sort est encore flou.
Hier, Israël a annoncé la fin du gel de la colonisation en territoires palestiniens, mencant du même coup la poursuite des pourparlers pour la paix au Moyen-Orient. Le premier ministre israélien a appelé les représentants de l’Autorité palestinienne à continuer le dialogue malgré leurs demandes insistantes en faveur de la prolongation du gel. La construction de quelques maisons a recommencé dès l’heure officielle de levée du moratoire.
en hausse
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Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec). Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).
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CINÉMA
Dans la veine de la Révolution tranquille
Gracieuseté de la Cinémathèque québécoise
La Cinémathèque québécoise organise quatre soirées thématiques pour commémorer les cinquante ans de la Révolution tranquille. Retour sur la soirée de mardi dernier qui explorait le thème de « La crise des valeurs» en compagnie de Jacques Godbout, Jean-Claude Lord et Pierre Patry. Annick Lavogiez Le Délit
L
a soirée a débuté avec la projection d’extraits de Trouble-fête, réalisé par Pierre Patry en 1964. Au début des années 1960, Lucien, étudiant en philosophie dans un collège classique, s’implique dans de nombreuses activités parascolaires et finit par affronter les autorités écclésiastiques après avoir voulu créer trop de changements au sein du collège. «Ce n’est pas tant une crise des valeurs qu’une crise d’autorité» explique d’ailleurs Jacques Godbout à propos de Trouble-fête. Le scénario de Jean-Claude Lord contient de multiples rebondissements et beaucoup d’action, s’inspirant des films américains grand public: chahuts divers, poursuites en voiture, scènes de manifestation. Au cours de la soirée, Pierre Patry se souvient de cette expérience de tournage et souligne son originalité pour l’époque: «Courir dans les couloirs avec la caméra, par exemple, ça ne se faisait pas. Les vieux de l’ONF [Office National du Film] nous prenaient pour des fous. Ça c’était dans la veine de la Révolution tranquille.»
Une jeunesse égoïste Un extrait de Kid Sentiment, réalisé par Jacques Godbout en 1967, a ensuite été projeté. Le film met en scène deux garçons
excentriques et superficiels qui font du charme à des jeunes filles dans les rues de Québec. Alors que les adolescents se retrouvent dans une maison, Kid Gogo et son ami ne font aucun effort pour communiquer avec les filles qui s’ennuient. Le réalisateur, cherchant à comprendre pourquoi les garçons évitent tout contact, intervient et
que l’on comprend que les jeunes sont, malgré la liberté qui leur est octroyée, plus réactionnaires que leurs parents. Jacques Godbout explique que cette scène d’interruption du film était une façon de provoquer les acteurs: «Les jeunes dans Kid Sentiment sont en fait des baby-boomers, des purs égoïstes qui croient pouvoir changer le
Qu’en est-il de la société d’aujourd’hui? Entre cinéma et histoire, les débats de la soirée ont dévié vers la société actuelle. Dans les discours de chacun on entend résonner cette phrase de Trouble-fête: «Il est bien facile de détruire, il est beaucoup plus difficile de construire.» Ainsi,
Une scène de Trouble-fête de Pierre Patry Gracieuseté de la Cinémathèque québécoise
interrompt la fiction. La conversation qui s’en suit donne au film des allures de documentaire: les jeunes dialoguent sur les valeurs de leur temps et expliquent pourquoi toute tendresse est «gênante» pour eux. La fiction reprend alors
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monde avec une guitare. Je n’étais pas provoqué par leur comportement. Au contraire, cette scène était là pour les provoquer, eux. Ça me paraissait être une excellente façon de leur faire accoucher leur égoïsme.»
Jacques Godbout n’hésite pas à critiquer ouvertement la société d’aujourd’hui, basée sur des acquis de la Révolution tranquille: «On a créé le ministère de l’Éducation à l’époque. Aujourd’hui, il faudrait l’abolir.
Il n’y a pas d’autre système avec autant de fonctionnaires aux langages abscons. Ça ne sert à rien de perpétuer cette sclérose plus longtemps. Il faut changer. Les acquis, ça suffit!» Pourtant, hors de question d’être amer pour l’écrivain cinéaste: «Je n’ai pas un regard sombre sur la société. J’ai confiance en la génération des moins de quarante ans.» Pierre Patry acquiesce avec humour et optimisme: «Moi, quand je vois mes petits-enfants, c’est de la science-fiction. Leurs cerveaux ne sont pas les mêmes que les nôtres. Je croyais que c’était juste comme ça au Québec parce qu’on avait tellement fumé, mais c’est universel. Mon espoir maintenant c’est de voir ce qu’il va se passer.» Et Jean-Claude Lord de conclure: «Ce sont les médias qui ne transmettent que sensationnalisme ou tristes nouvelles, alors qu’il y a des gens extraordinaires qui font des choses extraordinaires.» La prochaine soirée aura lieu mardi le 28 septembre et s’intéressera au Ti-Pop, un mouvement culturel méconnu, tandis que celle du 5 octobre sera consacrée à la parole des femmes. x Il y a 50 ans.... la Révolution tranquille Où: Cinémathèque québécoise 335, De Maisonneuve Est Quand: le 28 septembre et le 5 octobre Combien: Gratuit
Arts & Culture
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CHRONIQUE
LITTÉRATURE
toujours L’appel du large L’argent, l’argent Sophie Bouchard signe Les Bouteilles, un second roman qui dérive et divague.
Tant qu’il y aura des livres
Rosalie Dion-Picard
Gracieuseté de La Peuplade
Émilie Bombardier Le Délit
P
erchés au dessus du fleuve et isolés du monde, Cyril, Clovis et sa copine Frida voient les jours et les semaines s’écouler dans l’immobilité la plus totale. Rien ne leur parvient si ce ne sont les humeurs du courant marin et les visites d’Armand, leur commissionnaire. Et pourtant, c’est dans l’isolement de ce phare qu’ils habitent que leurs peurs et leurs regrets les rattrapent, qu’ils sont confrontés à eux même face à cet horizon bleu qui les sépare de tout. C’est dans une atmosphère presque surréelle que Sophie Bouchard nous entraîne avec son second roman, publié chez La Peuplade. Grâce à un style qui fait plusieurs emprunts à l’écriture scénaristique, le lecteur se fait dès les premières pages témoin des derniers instants d’une profession rendue désuète avec l’avènement de l’ère technologique. Deux gardiens de phare qui se relaient et une jeune femme coupée de tout, il n’en faut pas
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plus pour que s’installe dès les premiers chapitres un récit hautement captivant. Derrière le «décor de carte postale» se dessine lentement «l’enfer» de chacun. Cyril, le plus âgé d’entre eux, se complait dans l’isolement pour oublier Rosée, une femme qu’il aime toujours et qui a choisi de rester au Sénégal après que le couple s’y soit installé. Clovis, venu habiter le phare afin de l’automatiser, a renoncé à naviguer après avoir vu son père frôler la noyade. C’est dans son obsession et son angoisse qu’il a entrainé Frida, une jeune femme autrefois pleine de vie qui prémédite lentement son retour au village. La prose de Sophie Bouchard se tisse de bouteilles à la mer, de messages désespérés, de récits de navigation et de tempêtes. Ses premiers chapitres baignent dans une mélancolie calme et dépaysante. Et pourtant, alors que Cyril et Frida reprennent contact avec le monde, tout le charme se perd. Une scène hautement tragique défigure le roman. Tout ce qui
était d’une charmante simplicité bascule soudainement dans la tragédie maladroite. Les deux protagonistes quittent le phare et se confrontent au monde. Place au voyage et aux paysages de l’Afrique. Tout comme le roman, les personnages, désorientés, se retrouvent dans un univers qui n’est par le leur. L’auteure prend ici un virage qu’elle ne maîtrise manifestement pas. Le style, affecté, se retrouve truffé de dialogues qui sonnent faux. Après plusieurs chapitres qui ne laissaient aucunement présager ce changement de cap, le lecteur pourra à son tour ressentir l’appel du large. L’intérêt s’émousse malgré un départ fulgurant. Voilà qui est bien dommage. On ne peut qu’espérer que le prochain roman de Sophie Bouchard évitera un tel faux pas, le style dont elle fait montre dans les premiers chapitres étant en lui-même très intéressant. La prochaine parution de La Peuplade, Était une bête de Laurence Ouellet Tremblay, devrait quant à elle être en librairie dès le 19 octobre.x
L’heure est grave dans le monde du livre. (Insérez ici un ta-daa très grave.) Le fameux prix unique du livre (en vigueur notamment en France), dont l’Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française (ADELF) vante les mérites depuis un an, pourrait devenir réalité. Si un livre est vendu au même prix partout, les petites librairies (lire indépendantes) qui, contrairement aux grandes surfaces et aux chaînes de librairies, n’ont pas accès aux rabais de volume (plus on achète, moins c’est cher) seront favorisées, ou plutôt cesseront d’être défavorisées. Or, s’insurgent certains, si les «petites librairies du coin» ne sont pas compétitives, qu’elles se laissent acheter par Renaud-Bray et arrêtent de chialer. Il y a, dans notre petite province, terriblement peu d’acheteurs potentiels de livres. Qu’à cela ne tienne, une librairie n’a pas l’obligation de ne vendre que des livres, rien ne l’empêche d’attirer le badaud avec la déclinaison complète de ce qui se produit dans le monde de la bébelle. De l’Art de Vivre pour emporter, en somme. Ainsi naissent souvent dans les commerces spacieux et prospères, les départements papeterie-cadeaux. Du fouet en silicone au buste-tirelire de velours fuchsia représentant Mao, tout est bon pour en mettre plein la vue. La marge de profit de ces menus objets, je vous le certifie en tant qu’ex-employée d’une chaîne qu’on ne nommera pas, dépasse de façon indécente ce que toute personne douée de bon sens nomme «les ... de limites». Pauvre fille, direz-vous, le capitalisme est ainsi fait, reviens-en. Soit. Tout de même, on pourrait supposer qu’une partie de l’argent ainsi gagné permettrait de diminuer les prix de vente des livres, des disques, bref du matériel culturel, produit peu rentable s’il en est un. Le client économe achèterait donc plus de livres (fait illogique mais avéré). Étant de nature candide, j’interprétai jadis qu’il se produirait ainsi une aug-
mentation du revenu des auteurs et des divers artisans du livre. Quelle ne fut pas ma déception lorsque je constatai que seuls les livres très populaires dont la cote baissait un peu ou les pavés invendus et encombrants voyaient leur prix réduit, tandis que les ouvrages les plus vendus se méritaient invariablement l’autocollant promotionnel attestant que «tout le monde aime ça». Heurtée dans ma conception bucolique d’une librairie comme lieu de diffusion de littérature et d’idées, je me désolai des ventes exceptionnelles de mauvaises traductions de mauvais best-sellers. Mon zèle s’est calmé encore davantage le jour où j’ai compris que le service enthousiaste et chaleureux constitue une entreprise désespérée le samedi après-midi, quand le magasin ressemble à un IGA le 22 décembre. Les libraires sont majoritairement très compétents, mais souvent sous le joug de maints interdits discutables (s’asseoir, lire) et doivent plus souvent qu’à leur tour répondre aux questions de clients qui ne sont pas venus pour les livres, et à vrai dire s’en foutent, mais ne veulent que remplir leur panier, et ultimement leur bibliothèque. Ils aiment les livres en rabais et représentent une proportion appréciable de la clientèle. La librairie devient alors un entrepôt de la culture, mais surtout de trucs et de machins divers. Ce qui, moi, me met assez mal à l’aise, et n’ira pas en s’améliorant. Alors que, dans votre librairie de quartier ou la mienne, un océan d’objets à l’utilité douteuse ne côtoie pas le dernier Dany Laferrière. Le prix unique mettrait sur le même pied plusieurs types de librairies et permettrait à celles qui veulent se consacrer uniquement (oserais-je honnêtement?) au livre de survivre. Plus important peut-être, il n’y aurait plus d’intérêt à favoriser la vente d’un type de littérature (les best-sellers) plutôt qu’un autre. Ce qui, à mon très humble avis, participerait à une sphère littéraire vivante, et surtout mieux connue.x
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CINÉMA
Un deuil enragé
Un père, un fils, un grand-père. Histoire d’hommes en colère. Annick Lavogiez Le Délit
À
l’origine d’un cri est l’histoire d’un homme (magistralement interprété par Michel Barrette) qui perd sa femme et ne peut se résoudre à cette séparation forcée. Dévasté par sa douleur comme par l’alcool, il déterre le corps de la défunte et entreprend un long périple de motel en motel jusqu’à ce qu’il soit capable d’accepter la mort. C’est aussi l’histoire d’un jeune homme (Patrick Hivon) qui prend la route avec son grand-père (Jean Lapointe) afin de retrouver ce père qui a fui avec la dépouille de sa fem-
me. Au cours de ce voyage, chacun fera le deuil de ses souffrances et apaisera ses démons. La confrontation des personnages, parfois d’une extrême brutalité, les mènera finalement à un certain apaisement. De la violence et de la rage, le film de Robin Aubert en est rempli. Il est même parfois difficile de voir l’amour qui se cache derrière ces cris de détresse, ces visages en larmes et ensanglantés, ces bagarres sans fin. Le silence qui règne entre les personnages se mélange aux nondits et aux insultes de manière à ébranler sans répit le spectateur, dont le malaise est complet. Il faut dire que le réalisateur don-
ne le ton du film dès la première scène, d’une incroyable sobriété mais qui n’en est que plus bouleversante: le petit Hugo est victime d’un abus sexuel perpétré par son gardien. Un abus dont on ne voit rien. Seuls les sons nous parviennent. Le malaise est immédiat. Cette expérience, traitée visuellement avec une subtilité remarquable et une justesse absolue, marque durant tout le film le rapport enragé d’Hugo à son propre corps comme à celui des femmes, qu’il n’arrive pas à aimer plus d’un soir. Mais Hugo n’est pas seul dans sa rage contre le monde. Il est accompagné de son grandpère, interprété par un Jean
Lapointe sobre et juste, tendre et convaincant, sans faille. Et la présence de ce personnage, endeuillé lui aussi puisqu’il a perdu sa femme dans un passé plus ou moins lointain, contribue à allèger, du moins par moments, l’atmosphère étouffante du film. Personnage tragique à sa façon, son rapport aux autres est moins violent que celui des générations qui le suivent, et paraît rappeler que l’amour familial subsite en dépit des différences, des silences et des erreurs de chacun. À travers cette histoire de famille, Robin Aubert propose un portrait d’une grande délicatesse d’un Québec «en mal d’affection», sans caricature ni
Gracieuseté de TVA Films
folklore. C’est en effet la nation entière qui semble souffrir à travers ces hommes en pleine déchéance, en quête d’un espoir qui semble éteint. Aucun faux pas ni aucune erreur ne sont présents dans le scénario, la réalisation et l’interprétation de ce récit. Pourtant, cet excès de violence pourra fatiguer l’un ou l’autre spectateur qui ne trouvera même pas de réconfort dans la scène finale, un peu trop conventionnelle pour atténuer réellement le malaise du public et offrir un quelconque espoir de rédemption et de réconciliation avec la vie. x En salle depuis le 24 septembre.
CHRONIQUE
Vrai ou faux? Coup de plume
Francis Lehoux
Montréal, aujourd’hui, je consulte ma page Facebook. Entre une vidéo sur le massacre d’albinos en Afrique (!) et un message à la «j’ai reçu une bonne nouvelle: je lévite et me pète doucement la tête contre le plafond», je me demande quelle est la part de réel dans toute cette aventure virtuelle. Montréal, aujourd’hui, je croise une jeune fille bronzée, surmaquillée, accoutrée de Versace (j’imagine), puis mon regard se pose sur un homme et une femme qui se lancent d’intenses regards amoureux. Et je m’interroge sur la fraction d’authenticité que l’on peut extraire de notre spectaculaire société. Je me demande même si cette introduction (peut-être truffée de faussetés) n’est pas une simple mise en scène pour attirer votre attention. Je n’y peux rien, il semble que j’aie été touché par le syndrome Norway.today. Présentée au théâtre Prospero par le Groupe de la Veillée, la pièce du dramaturge allemand Igor Bauersima xle délit · le mardi 28 septembre 2010 · delitfrancais.com
(traduite par Réjane Dreifuss) raconte l’histoire de deux jeunes adultes qui se rencontrent dans un lieu d’échange virtuel sur le suicide. Juliette (Sophie Desmarais), âgée d’à peine vingt ans et déterminée, lance une invitation. Elle aimerait «se donner la mort dans un acte de couronnement de la vie», mais elle ne veut pas le faire seule. «Qui veut se suicider avec moi?», demande-elle. Auguste (Jonathan Morier), dix-neuf ans, répond à l’appel en affichant la certitude de vouloir lui aussi en finir. Ils se donnent alors rendez-vous dans les fjords de Norvège, un lieu d’une beauté vertigineuse où ils comptent enfin, en entrant en contact l’un avec l’autre et en accomplissant le geste fatidique, accéder au réel. Dans l’univers «virtuel», les deux internautes à l’identité pour le moins ambigüe se livrent à des échanges syncopés et rythmés au micro, sur fond de musique pop électronique et entrecoupés de textes web et de vidéoclips dans l’esprit de Youtube. Ils évoquent les raisons de leur projet suicidaire, sans que le spectateur puisse distinguer l’authenticité de la fausseté. La frontière entre les deux est en effet on ne peut plus floue.
«
Je m’interroge sur la fraction d’authenticité que l’on peut extraire de notre spectaculaire société.»
Dans le «réel», en pleine nature au bord d’un précipice, les deux protagonistes font connaissance, discutent et se poussent au bout de leurs propres limites. Ils se filment, également, pour immortaliser leurs adieux, pour s’inscrire, après cette vie éphémère, dans l’éternité. Le metteur en scène, Philippe Cyr, multiplie les procédés de distanciation et invite ainsi le public
à interroger constamment le réel qui semble à tout moment envahi par la fiction ou le virtuel. L’angoisse planante, métaphorisée par un son numérique à la fois doux, statique et strident, devient autant celle des personnages que du spectateur. Car devant une voûte céleste parsemée d’étoiles et de caractères informatiques (comme des «x», des «+» et des astérisques) et la projection d’images vidéo (en apparence filmées en temps réel), le public est plongé dans la confusion et a tout le mal du monde à distinguer le vrai du faux. L’angoisse du doute et de l’ambigüité s’apaise pourtant, le temps de quelques secondes, dans un moment de lyrisme où les personnages évoquent, quelque part entre la réalité et l’imaginaire, le contact des corps et l’assouvissement de leurs désirs. Dans cette version de la pièce Norway.today, tout concourt à semer l’incertitude et à susciter la réflexion. En donnant au faux des accents de vérité et à la vérité une apparence de faux, les deux acteurs, investis corps et âme dans l’entreprise, suscitent l’interrogation, autant d’ailleurs que la mise en place, la musique et le décor, qui semblent toujours laisser planer les personnages et les spectateurs au-dessus du gouffre de leur existence, quelque part suspendus par le doute. L’interpénétration du virtuel et du réel sur scène est pour le moins déroutante. Après avoir assisté à la pièce, vous serez peut-être vous aussi atteints du syndrôme Norway.today. Vous passerez ainsi les prochains jours à vous demander, comme moi, si vous pensez vraiment ce que vous dites et dites vraiment ce que vous pensez, si votre «moi» virtuel (ou littéraire) est plus authentique que votre «moi» de la vie quotidienne, si la fiction est plus vraie que la réalité; si votre vie est un rêve ou le pâle reflet de ce que vous voulez qu’elle soit. Montréal, aujourd’hui, demain, ou la semaine prochaine, vous vous poserez toutes ces questions... jusqu’à ce que vous cessiez d’être spectateur.x
Arts & Culture
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ARTS VISUELS
L’oubli, la tentation et le voyeurisme L’exposition L’oubli de l’air propose une réflexion sur les rapports entre l’œuvre et son public. Véronique Martel Le Délit
D
ans les ateliers de la méconnue Fonderie Darling est présentée la plus récente création de Lani Maestro. En collaboration avec Malcom Goldstein, l’artiste philippine expose une œuvre qui semble directement inspirée des principes du minimalisme et de l’art conceptuel des années 1960 et 1970. Parcours d’une exploration du vide, de l’espace et de l’air. Dans la galerie Quartier éphémère, une immense salle faiblement éclairée qui semble vide est le lieu d’exposition. Le plancher est presque totalement recouvert d’un matériel gris-noir et poreux, duquel on ne saurait dire s’il est moelleux ou ferme. Très peu de surface est réservée au public, un demi mètre largeur sur deux mètres de longueur, tout au plus, restreignant ainsi l’observateur dans ses mouvements. À travers cette étendue de noir haute d’à peine une quinzaine de centimètres se trouvent plusieurs cercles placés à des distances aléatoires. Plus sombres encore que le sol, ces cercles sont de différentes circonférences et remplis d’un liquide incolore qui pourrait très bien être de l’eau. La surface aux reflets argentés invite à l’exploration: le visiteur a envie de s’aventurer entre ces «flaques d’eau» si immobiles, apaisantes et fascinantes. Le sentiment d’immensité de cette réalisation artistique est en partie due à l’espace d’une hauteur de près de six mètres qui
se trouve au-dessus de la superficie couleur d’ébène. Cet espace composé d’air paraît vide mais ne peut être mis de côté ou oublié puisqu’il fait partie intégrante de l’œuvre (gardons en tête le titre de l’exposition: L’oubli de l’air). Envoutés, certains visiteurs posent un doigt contre la masse obscure et rient nerveusement, embarrassés de cette expérimentation tactile qui paraît soudainement enfantine. Mais comment réagir face à cette longue chose, brillante et sombre, si séduisante? Un visiteur s’exclame que la matière n’est ni molle ni dure: c’est du sable, des grains d’asphalte broyée amoncelés, mais non collés. L’immobilité n’est donc qu’une illusion. Si l’on s’avance au centre de la pièce, on la détruira. L’œuvre exposée n’a donc aucunement besoin du visiteur pour être, pour exister. Au contraire, une trop longue ou trop forte exposition au public –car celui-ci ne peut s’empêcher de la toucher– la déconstruira. L’objet semble vivant, bien plus un être qu’une chose. Le malaise du visiteur tient alors bien plus de cette constatation de l’existence de cet être-objet que de l’incompréhension de celui-ci. Le visiteur occupe une position de voyeur puisqu’il se trouve plongé dans l’intimité de l’œuvre et l’observe, impunément et impudiquement. Plus il regarde L’oubli de l’air, plus le spectateur est fasciné par sa vastitude et son aspect paisible, ce qui l’amène à réfléchir sur l’importance qu’occupe, dans la vie de l’œuvre, sa contemplation
personnelle et sa présence. Bien qu’elle ne fasse plus réellement partie des jeunes artistes émer-
gents, Lani Maestro réussit à reconduire, grâce à cette exposition, certains questionnements
fondamentaux sur les relations entre l’art, le public et la nécessité de leurs interactions.x
L’espace joue un rôle primordial dans l’œuvre de Lani Maestro. Gracieuseté de la Fonderie Darling
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L’ÉDITO CULTUREL
Le Spectrum est mort, vive L’Astral! Émilie Bombardier Catherine Côté-Ostiguy Le Délit
É
té 2007, le Spectrum, l’une des salles mythiques de la métropole, fermait ses portes après avoir vu passer durant vingt-cinq ans les Leloup, Bélanger, Bashung et Charlebois sur les planches de sa scène. Une pétition a circulé. Quelques vives réactions se sont faites entendre, mais sans plus. Quelque mois plus tard, un trou béant se trouvait là où ce monument de la chanson s’élevait jadis. Nous avons laissé le drame se jouer, cloîtrés que nous sommes dans notre prudence nationale. Montréal faisait peau neuve. Exit les salles un peu déglinguées qui nécessiteraient d’être rénovées de la cave au grenier. On voulait du propre et du beau, on voulait que ça brille. C’est alors que L’Astral voit le jour, au cœur de ce Quartier des spectacles si prometteur qui doit assurer à Montréal sa réputation de métropole culturelle. Depuis, on ne parle que de ce projet devenu le principal cheval de bataille du maire Tremblay, la planche de salut à laquelle il s’accroche pour montrer aux Montréalais que «sa» ville est une grande ville. Mais en dehors du fameux Quartier des spectacles, point de salut.
Ghislain Poirier, DJ, promoteur et ardent défenseur de la scène musicale montréalaise, montait récemment aux barricades pour dénoncer le doublejeu de l’administration Tremblay. Alors qu’elle se targue de donner un nouveau souffle à la vie culturelle d’ici, elle mène la vie dure aux petites salles de la métropole, aux lieux de diffusion plus marginaux. Dans une lettre ouverte publiée en avril dernier, Poirier signalait que la Société des Arts Technologiques (SAT) devrait dorénavant surveiller ses décibels suite à la plainte d’un seul citoyen froissé. Et voilà que le service de police de la Ville de Montréal (SPVM) lance le projet NOISE, une initiative qui resserre l’étau sur toutes ces petites salles qui ont déjà bien du mal à survivre. Campées pour la plupart dans le Plateau et le Mile End, elles se voient accablées de contraventions salées qui portent un dur coup à leurs finances. Il est à parier que la volonté centralisatrice qu’entraîne le projet du Quartier des spectacles ne pourra que les marginaliser davantage. On se demande d’ailleurs si cette volonté ne serait pas à l’origine de l’entreprise: on coupe de plus en plus dans ce qui pourrait concurrencer avec la nouvelle centrale
culturelle du centre-ville. En canalisant ressources, initiatives et financement vers le Quartier des spectacles, on risque d’étouffer d’autres lieux de diffusion dont le rôle est également primordial. L’équipe de Spectra n’a-t-elle pas récemment laissé tomber le Théâtre Outremont sous prétexte qu’il était trop éloigné du centre-ville? L’organisation, propriétaire de nombreuses salles montréalaises, est également derrière les principaux festivals de la métropole (les Francofolies, le Festival de Jazz et Montréal en Lumières) et a toujours noblement servi la scène culturelle d’ici. On se serait attendu à ce que ses principaux administrateurs n’entrent pas dans la danse orchestrée par Tremblay. Car ce sont d’abord des lieux comme la Casa del Popolo, le Divan Orange et Il Motore qui ont contribué à l’émergence d’artistes qui représentent aujourd’hui Montréal à travers mers et mondes. Ce sont sur eux que nous devons miser pour préserver l’effervescence de la scène montréalaise, une effervescence dont on parle constamment mais qui menace de s’éroder. À quand une véritable reconnaissance du rôle qu’ils jouent dans l’image de «métropole culturelle» que l’on souhaite tant projeter?x
ÉVÉNEMENT CULTUREL
Pop Montréal Dans les prochains jours, la ville s’animera avec la présence de plusieurs dizaines d’artistes venus de partout pour l’amour de la musique.
C
’est cette semaine que le festival Pop Montréal investit la ville pour sa neuvième édition. Dès mercredi et jusqu’à dimanche, il prendra place dans diverses salles de la métropole que les férus de musique connaissent bien. Le Rialto, le Divan Orange, Il Motore et la Sala Rossa, entre autres, accueilleront tous les jours une foule d’artistes, à partir de dix heures du matin et jusque tard dans la nuit. Les têtes d’affiches seront nombreuses: Karkwa –qui recevait la semaine dernière un prix Polaris–, Radio Radio, Chinatown, Duchess Says, We Are Wolves, The XX et Xavier Caféine, entre autres. Mais Pop Montréal, c’est aussi et surtout l’occasion de découvrir de nouveaux sons, puisqu’il s’agit de l’un des festivals qui représente
le mieux la scène underground. Au programme, cette année: un nombre impressionnant d’artistes talentueux, dont la formation Random Recipe, qui fait sensation actutellement et que Le Délit a rencontré la semaine dernière. À noter également, la présence de Timber Timbre, Philémon Chante, Socalled et Gigi French, pour ne nommer que ceux-là.
xle délit · le mardi 28 septembre 2010 · delitfrancais.com
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les prochains jours seront bien chargés! Il faut souligner que Pop Montréal ne fait pas qu’accueillir des événements musicaux. Le festival réserve aussi une part de sa programmation aux arts cinématographiques, à des rencontres et ateliers avec des professionnels du milieu culturel, et à des expositions artistiques. Cette année, les intéressés pourront assister à des conférences abordant des sujets pour le moins variés, notamment le milieu de l’édition, la mort du vinyle, le rôle de l’artiste et l’écriture de chansons.x Renseignez-vous sur la programmation complète sur le site Internet: http://popmontreal.com/festival
COUP DE CŒUR
Une nuit au musée
Nat Gorry
Catherine Côté-Ostiguy Le Délit
C
’est cette semaine que reprennent les Vendredis Nocturnes du Musée d art contemporain de Montréal, qui avaient fait relâche durant une partie de l’été. Ces événements proposent une formule intéressante qui existe depuis quelques années déjà: tous les premiers vendredis du mois, le MAC organise des soirées où la musique côtoie les arts visuels. Une prestation d’une heure prend place entre les murs de l’établissement, et les musiciens qui font la tête d’affiche sont toujours trendy, puisés à même le riche bassin musical montréalais ou venus de l’étranger animer les espaces du musée. Parallèlement à cela, toutes les salles ouvrent leurs portes et les visiteurs sont invités à parcourir les expositions, un verre à la main. Des initiatives comme celleci doivent être saluées, puisqu’elles contribuent à rendre plus accessible l’art contemporain, qui demeure pour plusieurs hermétique et difficile d’approche. Par le passé, plusieurs formations on ne peut plus intéressantes ont participé à ces soirées, notamment We Are Wolves et Plants and Animals, contribuant à attirer un nouveau public entre les murs de l’établissement. La prochaine édition des Vendredis Nocturnes du MAC se tiendra le 1er octobre et accueillera le français Koudlam,
peu connu au Québec mais qui, assurément, saura faire danser les montréalais. Le jeune compositeur, qui est l’un des rares artistes français à chanter dans la langue de Shakespeare, allie rythmes techno et mélodies accrocheuses pour créer des pièces entraînantes. Sa voix, des plus particulières, donne à ses chansons une personnalité originale à laquelle il est difficile de résister. Entre deux danses, les visiteurs pourront découvrir l’exposition Borduas: Les frontières de nos rêves ne sont plus les mêmes, qui se terminera quelques jours seulement après la tenue de l’événement. Une bonne occasion d’y jeter un coup d’œil pour ceux qui n’auraient pas eu la chance de se rendre au MAC cet été. On est donc heureux de voir revenir ces soirées originales et toujours intéressantes, à l’image d’un musée souvent négligé par les montréalais. Et si l’édition du mois d’octobre est une belle occasion de découvrir un artiste français méconnu des québécois, il ne faudra pas non plus manquer les prochaines soirées du MAC. En novembre, notamment, Le Husky, ce jeune artiste émergent qui ne cesse de faire parler de lui depuis quelques années, s’y produira. Les performances des Vendredis Nocturnes ont lieu à 19h, mais les salles d’exposition sont ouvertes au public dès 17h. Le prix de l’entrée est de 15$ et on applique le principe du premier arrivé, premier servi.x
Écrivez en culture!
articlesculture@delitfrancais.com
Arts & Culture
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Antoine Peuchmaurd
LE DÉLIT AIME...
Le Port de tête Marion Provencher Langlois Le Délit
D
La bd de la semaine par Et-Anne Moinsourath
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es rayons de livres couvrant la quasi-totalité des murs, un plancher qui craque sous le poids des étagères de bois et l’odeur rassurante des livres, voilà ce qui attend la clientèle de la librairie Le Port de tête. Située au cœur du Plateau Mont-Royal, la librairie ouvre ses portes à tous comme un repère discret et apaisant. Ouverte depuis 2007, cette librairie indépendante a su attirer une clientèle diversifiée mais assidue grâce à sa philosophie hors du commun. C’est justement cela qui la différencie des autres librairies du plateau: chaque libraire commande et achète ce qu’il veut pour la librairie. Pas de pression de la part des fournisseurs, pas d’obligations, pas de profits faits au détriment des clients. L’économie de la librairie roule sur la qualité des textes et la richesse de fond de ses livres. Les clients qui en sillonnent les rayons n’y trouveront pas de livres de spiritualité, d’ésotérisme, de psycho-pop ou de cuisine. Les quatre grands créneaux de l’établissement sont l’art, la philosophie, la littérature et, de plus en plus, la bande dessinée. Tout ça dans le but de respecter leur mandat d’offrir le meilleur inventaire au meilleur prix. Dans le monde des librairies indépendantes, réussir à établir une clientèle fidèle est un exploit de taille. À l’ère de l’iPad, des livres usagés achetés en ligne et des magasins de grande
surface, peu de librairies ont les moyens de vivre largement. Les fins de mois serrées et les compromis font partie du paysage quotidien. Le Port de tête survit grâce à des clients dévoués, à des commandes de livres scolaires et à la tenue d’événements culturels, comme des lancements de livres ou des lectures publiques. Pour contrer la tentation qu’offrent les livres largement distribués à bas prix, les libraires du Port de tête proposent une sélection de livres usagés qui côtoient les nouveautés: les prix peuvent donc convenir à tous les budgets. Que ce soit pour Le Port de tête ou toute autre librairie, allier philosophie et profit est une tâche ardue et, dans la balance, chaque livre fait la différence. Dans ce milieu, c’est donc la personnalité d’une librairie qui assure sa survie. C’est dans cet esprit que les trois propriétaires ainsi que les trois libraires, formés en arts ou en lettres, mettent leur expertise à la disposition des clients. Ils peuvent ainsi échanger et conseiller ces quelques autres passionnés qui préfèrent encore plier les coins de pages ou griffonner dans les marges plutôt que se brûler les yeux à un écran. La Librairie Le Port de tête est ouverte du lundi au samedi de 10h à 22h et le dimanche entre 10h et 20h. Pour rester à l’affût des plus récentes nouvelles ou publications disponibles à la libraire, vous pouvez consulter leur blogue: leportdetete. blogspot.com. Pour terminer, le plus récent coup de cœur de la librairie est Le Caméléon de David Grann. x
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