le délit delitfrancais.com
Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill.
HMB amadoue la presse étudiante
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Le mardi 00 mois 2010 - Volume 100 Numéro 0, le seul journal francophone de l’Université McGill.
Toute pas là depuis 1977
Éditorial
Volume 100 Numéro 10
rec@delitfrancais.com
le délit
Le seul journal francophone de l’Université McGill
C’est toujours la faute des autres Mai Anh Tran-Ho Le Délit
L
a tendance se maintient: le dossier de l’éducation est encore chaud. Cette fois-ci, ce n’est toutefois pas sur les frais de scolarité que je veux m’attarder, mais sur le décrochage scolaire. Parce qu’avant de parler du montant que doivent débourser les étudiants pour chacun des crédits qui leur permettra peutêtre de regagner ces dollars et les intérêts un jour le mortier rangé, il faut d’abord s’assurer qu’ils termineront leurs études. Les propos de Jean Charest au Focus stratégique Québec 2010 en regard au décrochage scolaire a froissé quelques personnes (toutefois, moins qu’à l’habitude). Il a «osé, lui» pointer du doigt les parents: «on vise les commissions scolaires, on vise les professeurs, on vise les politiciens, mais on oublie les acteurs les plus importants: les parents. J’aimerais savoir pourquoi on parle si peu du rôle des parents au sujet du décrochage scolaire, alors que c’est à eux qu’on doit s’adresser. Les parents doivent s’intéresser à l’éducation de leurs enfants». Avait-il tort? Non.
Le président de la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ), François Paquet, a voulu nuancer les mots du premier ministre dans un communiqué le lendemain: «les parents ont un rôle essentiel à jouer pour améliorer la réussite scolaire. […] Bien entendu, certains parents sont absents, indifférents […]. Rappelons-nous que l’éducation est une responsabilité partagée.» Pour la FCPQ, il est indispensable de favoriser la participation des parents, notamment en promouvant le dialogue entre les directions, les enseignants et les parents. Encore faut-il que les parents se pointent à ces réunions. Je vois aussi déjà les associations étudiantes courir aux tribunes pour crier que la hausse des frais de scolarité n’incite certes pas les jeunes à poursuivre les études. Ont-elles tort? Non. Et si on ose ajouter à l’équation les écoles privées, plusieurs se lèveront pour critiquer les subventions qu’elles obtiennent. Toutefois, la question n’est pas là. Les parents qui paient pour que leurs enfants puissent étudier au privé –que ces premiers dorment dans des draps de soie
ou qu’ils travaillent comme des bêtes de somme– se sentent indubitablement plus concernés quant à l’avenir de leur enfant (ou de leur argent, c’est selon chacun). Permettez-moi une note d’humour et de renchérir sur les mots d’Yves Boisvert: «C’est la faute de qui, alors? Les Anglais? La CSN? Le déséquilibre fiscal? Le réchauffement climatique?» De personne et de tout le monde, justement. L’éducation n’est pas non plus une entreprise. «Quand cessera-t-on de percevoir l’éducation comme une dépense? L’éducation, c’est le compte d’épargne d’une société», avait déclaré le président de la Fédération autonome de l’enseignement, Pierre St-Germain. Et il a raison. Si le gazon semble toujours plus vert chez le voisin (35% des anglophones du Québec ont un diplôme universitaire au Québec, c’est 37% chez les immigrants, alors que chez les francophones, le taux est à 25%), si les problématiques sur l’éducation ne parviennent toujours pas à trouver une solution, c’est parce que malgré la bonne volonté de tous, les discussions demeurent un dialogue de sourds. x
rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Mai Anh Tran-Ho Nouvelles nouvelles@delitfrancais.com Chef de section Emma Ailinn Hautecœur Secrétaires de rédaction Francis Laperrière-Racine Arts&culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section Émilie Bombardier Secrétaire de rédaction Annick Lavogiez Société societe@delitfrancais.com Anabel Cossette-Civitella Xavier Plamondon Coordonnatrice de la production production@delitfrancais.com Mai Anh Tran-Ho Coordonnatrice visuel visuel@delitfrancais.com Élizabeth-Ann Michel-Boulanger Coordonnateurs de la correction correction@delitfrancais.com Anselme Le Texier Anthony Lecossois Coordonnateur Web web@delitfrancais.com Hoang-Son Tran Collaboration Paul Cernek, Florent Conti, Rosalie DionPicard, Marie-Lise Drapeau-Bisson, Christophe Jasmin, Jimmy Lu, Luba Markovskaia, Margaux Meurisse, Edith Rousseau, Laura Andrea Saavedra, Raphael Thézé, Jean-François Trudelle, Jade Weymuller Couverture Max Dannenberg bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Gérance Pierre Bouillon Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert The McGill Daily • www.mcgilldaily.com coordinating@mcgilldaily.com Emilio Comay del Junco Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Emilio Comay del Junco, Humera Jabir, Whitney Malett, Sana Saeed, Mai Anh Tran-Ho, Will Vanderbilt, Aaron Vansintjan, Sami Yasin
L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.
Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill.
Raphaël Thézé
2 Éditorial
Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec). Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).
xle délit · le mardi 16 novembre 2010 · delitfrancais.com
Nouvelles nouvelles@delitfrancais.com
POLITIQUE PROVINCIALE
Sommet GEDI 2010
Trois jours de discussions et d’ateliers pour discuter des enjeux du Québec Xavier Plamondon Le Délit
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u 26 au 28 novembre prochain, quelques 300 personnes âgées de 20 à 35 ans seront attendues au Palais des Congrès de Montréal afin de partager leurs opinions et débattre des nombreux enjeux de société auxquels le Québec fera face au cours des prochaines années. Alors que plusieurs événements de cette nature prennent la forme de conférences où des personnalités influentes s’adressent à une salle remplie de jeunes silencieux, M. Paul St-Pierre Plamondon a voulu faire différemment. «On ne voulait pas un public passif face à des baby-boomers leur dictant quoi faire pour régler nos problèmes», explique le jeune professionnel à l’origine du Sommet Génération d’idées (GEDI). «Au lieu d’une approche top-down, on a une approche bottom-up.» Ainsi, les ateliers organisés constituent des forums de discussion où les jeunes peuvent faire valoir leurs points de vue auprès de personnalités publiques. Ces derniers peuvent par la
suite partager leurs expériences et leurs connaissances, mais sans pour autant s’accaparer l’entièreté du débat. Les mentors invités proviennent de tous les milieux: corporatif, politique, artistique, scientifique. Parmi eux se retrouvent Claude Castonguay, le «père de l’assurance-maladie», le directeur du journal Le Devoir, Bernard Descôteaux, la sénatrice Céline Hervieux-Payette, l’homme politique Marc Lalonde, ainsi que l’animateur de radio et télévision, Jacques Languirand. Un des objectifs principaux du Sommet GEDI est de réunir une myriade de participants. «On veut rassembler des étudiants et des jeunes professionnels de toutes les régions du Québec, de toutes idéologies confondues, impliqués dans toutes les sphères de la société», renchérit M. St-Pierre Plamondon. «Si nous étions quatre personnes du même parti politique, c’est sûr qu’on aurait plus de fun! On se dirait qu’on est bon parce qu’on a trouvé les même solutions.» Il explique cependant que le but de l’exercice est de débattre des idées divergentes et de trouver
des solutions en prenant compte des opinions de chacun. De plus, tous les thèmes discutés sont proposés par les participants eux-mêmes. Ils soumettent ainsi des sujets qui les concernent. En première position vient le cynisme et la perte de confiance envers la gouvernance publique, suivi par le développement durable et le choc démographique. Au total, plus d’une vingtaine de thèmes de toutes sortes seront discutés. Un élément qui ne devrait pas décourager les intéressés est le prix d’inscription de cinquante dollars. Ces frais comprennent deux repas, la location du Palais des Congrès et tout le support technique. «Si quelqu’un ne peut pas se le permettre, cette personne peut nous écrire et nous dire pourquoi elle désire participer et pourquoi elle ne peut pas couvrir les frais de participation», assure Monsieur St-Pierre Plamondon. «On offre aussi des prix spéciaux pour les groupes de plus de vingt personnes. On veut vraiment que tout le monde puisse venir partager leurs idées.» Le Sommet Génération d’idées 2010 s’avère un rendezvous à ne pas manquer pour la relève engagée.x
CAMPUS
L’ASA se joint à l’EUS
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Laura Andrea Saavedra Le Délit
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xle délit · le mardi 16 novembre 2010 · delitfrancais.com
e mardi 9 novembre, l’Engineering Undergraduate Society (EUS), dans un communiqué de presse, a déclaré que finalement, «après presque six mois de travail, l’Association des Étudiants d’Architecture (ASA) acceptait de se joindre» à eux. Jusqu’à cette date, l’ASA n’était pas reconnue par McGill, parce qu’elle fonctionnait en tant qu’association indépendante, même si les étudiants de l’École d’Architecture faisaient aussi partie de la Faculté de Génie. Selon le président de l’ASA, Kyle Burrows, ceci ne faisait que «toujours réduire l’étendue de ce qu’ils pouvaient accomplir». Selon lui, en tant qu’ «organisation non reconnue», ils étaient limités non seulement dans «les activités qu’ils pouvaient entretenir sur le campus», mais aussi dans leurs ressources financières, puisqu’ils n’avaient pas le droit de «collecter des frais étudiants». Donc, même si les étudiants d’architecture devront payer une vingtaine de dollars de plus par semestre, d’après Burrows, ceci va surtout
permettre à l’ASA de pouvoir «redonner plus aux étudiants». De plus, Daniel Keresteci, président de l’EUS, affirme que ceci ne va faire qu’ajouter une plus grande variété à la vie étudiante de la Faculté de Génie. Selon lui «les étudiants d’architecture sont un groupe diversifié», il estime que «c’est bien d’avoir ce côté-là intégré» aux activités de toute la Faculté. Cependant, même si l’ASA passe sous l’aile de l’EUS, les étudiants d’architecture auront le droit de maintenir leur indépendance. Selon Keresteci, dorénavant, ils seront seulement soumis à la constitution et au Conseil Étudiant de l’EUS. Ils vont pouvoir garder «un compte bancaire séparé» et «s’organiser comme ils voudront». Il affirme, que cette décision n’a pas de désavantages, et que la seule raison pour laquelle cette fusion se fait maintenant est que les exécutifs des deux associations étudiantes actuelles étaient partants pour se mettre d’accord à entreprendre cette union. Les deux côtés paraissent avoir le même avis. En effet, selon Kyle Burrows, les membres du conseil exécutif de
l’ASA ont voté «à l’unanimité en faveur » de cette union. De plus, il affirme que lors d’un référendum présenté aux étudiants de l’École d’Architecture, ils avaient «eu un résultat de 90%» sur tous les étudiants qui s’étaient présentés à voter. La fermeture de l’Architecture Café ne paraît pas avoir influencé cette décision. Selon Burrows, les deux événements «se sont développés indépendamment l’un de l’autre». De plus, il affirme que le procès d’unification n’a pas été accéléré «à cause de ce qui arrivait avec le Café». Il déclare que, «les deux ne sont pas nécessairement connectés». À présent, tout semblerait être fini pour le Arch Café. Burrows a même indiqué, que «l’espace [était] en cours d’être rénové par le professor Michael Jemtrud comme un espace d’études.» Keresteci affirme que «si l’ASA avait été impliqué avec une organisation comme EUS avant, le scénario du Café aurait pu finir autrement.» Cependant, il établit que maintenant «l’ASA a le potentiel de développer des nouveaux projets pour améliorer la vie étudiante.»x
Nouvelles
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CAMPUS
HMB à cœur ouvert
Le Délit a rencontré la vice-chancelier et principale de l’université pour une une rencontre semestrielle afin de discuter des frais de scolarité et de francophonie à McGill. Celle-ci s’est fortement engagée à dialoguer avec la nouvelle ministre de l’éducation, Line Beauchamp. Francis L. Racine Le Délit
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eather Munroe-Blum a qualifié la rencontre du 10 novembre de «great opportunity». D’entrée de jeu, elle s’est félicitée de la présence des trois journaux de l’université et a vanté la position de McGill lors du dernier classement du Maclean’s. En effet, McGill est toujours l’université numéro 1 au Canada en terme du prix étudiant pour la douzième année consécutive, de remises de bourse en pourcentage du budget total et de la réputation de l’université. Mme Monroe-Blum a d’ailleurs rappelé le travail effectué du côté philanthropique pour le financement de l’université en insistant sur l’effort effectué par l’administration mcgilloise pour que les dons philanthropiques ne proviennent pas de personnes accusées ou ayant été reconnues coupable pour des méfaits, au Canada ou à l’étranger. Lors du sommet de l’éducation convoqué par Line Beauchamp le 6 décembre prochain, Heather MunroeBlum explique qu’elle présentera la position des recteurs et des principaux des universités du Québec. Elle a rappelé que ceux-ci sont parvenus, pour la première fois de leur histoire, à s’entendre pour coordonner leurs efforts et arriver à une positon commune: «le gouvernement du Québec doit jouer un rôle important dans l’accessibilité des étudiants aux études supérieures via les prêts et bourses», car «toutes les institutions vivent une crise financière et il nous faut plus de marge de manœuvre». Par contre, Mme Munroe-Blum a prévu que l’entente n’était pas contraignante et que peutêtre certains membres de la Conférence des recteurs et principaux pourraient changer de camp. Elle a aussi contesté farouchement le fait que les étudiants ne reçoivent pas chaque dollar qu’ils investissent dans leur éducation, c’est-à-dire à l’université: «Let the student get their dollars. International students are not the cash-cow of the government of Québec where they pay $17,000 per year. The university receives 1,700$ plus a grant of $5,000 for each international student, but there is still 10,300$ missing. This money, kept by the government, is reinvested into the whole education system in order to lower, at the actual level, the fees of Quebeckers». Critiquant par le fait même les régulations du gouvernement du Québec quant à la gouvernance des universités. La principale a toutefois réfuté la proposition de Heather Munroe-Blum prête à confronter le Gouvernement certains groupes de permettre aux entreprises de finanMax Dannenberg cer directement l’université en apposant des publicités
dans les locaux et dans les endroits publics de l’université comme c’est le cas aux HEC Montréal. Elle a ainsi mentionné que la campagne de financement via la philanthropie et les dons a pour but de récolter 750 millions de dollars et que pour l’instant les dons provenant des entreprises ont été beaucoup moins importants en proportion, étant donnée le solide socle des anciens. La principale a mis l’accent sur la nécessité de travailler avec le public et le privé: «We need to work with the private sector. In Canada, we have a huge geography and small population; the only way to provide social and economic goods to regions across the country is with a real collaboration between governments, universities, research enterprises and the private sector. Let’s not forget the societal mission of the universities and the outcome is to make a difference in society». Heather Munroe-Blum a ajouté que le régime gouvernemental de la gestion des universités était trop contraignant avec toutes les régulations et les directions provenant du ministère de l’éducation «To govern ourself with appropriate senate is feasable». Elle a d’ailleurs commenté l’idée de moduler les différents programmes universitaires: «I don’t think it is black or white». Elle s’est permise une parenthèse sur le sujet controversé du MBA, ce programme prestigieux où «no one has a Godgiven right to a free MBA, it is dead-wrong to give people free MBA from the money of the undergraduate students. The discussions between McGill and the Government of Québec are still on track». Le Délit a demandé à la principale quel était son plan pour attirer plus de francophones à McGill compte-tenu de l’excellence de l’université au classement canadien: «Il y a plus à faire sur ce dossier […] but we have worked very hard in a bilingual way, we have made substantial partnership with francophone institutions as the CEGEP de Jonquière, the Université du Québec à Chicoutimi and the HEC, these partnerships are an expression of commitment of McGill to attract more francophones.» Il faut savoir qu’il y a environ 6000 étudiants francophones sur les 35 000 étudiants de premier cycle. Néanmoins, Mme Monroe-Blum a réaffirmé son engagement a attiré plus de francophones à McGill. Ainsi, Heather Munroe-Blum sera le porte-étendard d’une hausse des frais de scolarités et d’un plus grand engagement du gouvernement dans la distribution de bourses aux études. À la session d’hiver, la discussion portera sur l’avancement des dossiers discutés et elle a rappelé, en définitive, qu’elle désire restaurer le rôle des universités comme des forums de débat aux enjeux de société. x
Le parrain de la mafia, Nicolo Rizzuto, abattu le 10 novembre et enterré le 15 novembre
Le clan Rizzuto réunit lors des funérailles sous une très haute surveillance
Max Dannenberg
Max Dannenberg
4 Nouvelles
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CAMPUS
Carousel des partenaires universitaires Les petits chevaux se rendront-ils au Hilton à Québec pour dcapiter le projet de la ministre. Emma Ailinn Hautecoeur Le Délit
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a ministre de l’éducation, Line Beauchamp, a fait appel aux recteurs et rectrices d’université, au secteur privé et aux regroupements étudiants nationaux, pour participer à une «rencontre sur l’avenir des universités et leur contribution au développement du Québec. Les «questions soumises à la réflexion des participants» ont confirmé aux regroupements étudiants que le dégel de 2012 est bel et bien fait accompli et qu’il n’est plus question de revenir sur aucun des débats sous-jacents. En premier lieu, la formulation des questions fâche les étudiants: «Quels principes devraient guider la hausse des droits de scolarité?». Et comme le suggère l’Association Facultaire des Étudiantes et Étudiant en Sciences Politique et Droit de l’UQÀM (AFESPED), «Les partenaires en question n’étant pas nécessairement directement liés à l’éducation, nous pouvons d’ores et déjà supposer que le consensus ira dans le sens d’une augmentation substantielle des frais de scolarité». Mais le moment choisi pour tenir la rencontre - durant la période d’examen -et le temps restreint alloué à la préparation d’une stratégie commune sont autant de raisons qui font que les étudiants doutent d’une réelle volonté de les «consulter» de la part de la ministre de l’éducation, du loisir et du sport. Comme le laisse entendre le vice-secrétaire général de la TaCEQ, dont l’AÉUM est membre, Joël Pedneault, le 6 décembre il s’agira d’un «dialogue peutêtre mais pas d’un débat, alors que c’est justement un débat de société qui s’impose! Ceci rappelle un peu les «séances d’écoute» comme dit Heather Monroe-Blum.» La ministre veut aussi se repencher sur la question d’accessibilité et réitérer le remède proposé par le biais de bonification du programme de prêts et bourses. Le doute encore une fois plane au sein des étudiants, car les arguments qui courent nient le fait que
la hausse des frais et les mesures tangentes affectera l’accessibilité à l’éducation post-secondaire, dont, on entend dire, la fréquentation était déjà plus faible au Québec que dans les autres provinces malgré son coût comparativement moindre. L’inquiétude : « les prêts et bourses sont de toute façon toujours insuffisants », note Joël Pedneault. L’AUEM a d’ailleurs été mandaté par la TaCEQ pour étudier ce dossier afin d’articuler une position pour le 6 décembre. Contribution fiscale obligatoire Une des questions qui semblent faire consensus est celle de la contribution des entreprises. La TaCEQ se joint aux autres fédérations étudiantes nationales pour défendre la proposition de contribution fiscale obligatoire de la part des entreprises, au financement de l’éducation post-secondaire, compte tenu des « bénéfices que les entreprises retirent de l’éducation », comme établi dans un document explicatif rédigé et adopté par la TaCEQ. Coordination difficile Certains groupes ont fait valoir leur position très tôt. C’est le cas de plusieurs des associations étudiantes comme l’AFESPED, qui depuis le 23 septembre a résolu «que l’AFESPED participe aux manifestations organisées par l’ASSÉ et la TACEQ dans le but de faire annuler le sommet». L’ASSÉ quant à elle a pour l’instant montré le plus d’antagonisme face au ministère en refusant l’invitation de participer en tant que représentant étudiant à la rencontre des partenaires universitaires, mais comme le rappel Myriam Zaidi, VP externe et représentante de l’AÉUM à la Table, rien de surprenant dans cette prise de position: «l’ASSÉ n’a pas la même mission». Certaines associations font même l’objet de disputes à l’interne qui les empêchent de participer à l’effort du regroupement auquel ils appartiennent. C’était le cas de la CADÉUL (Confédération
des étudiants et étudiantes de l’Université Laval), dont «la proposition que la CADÉUL prenne position en faveur d’une manifestation orientée pour appuyer les positions qui seront mises de l’avant par nos représentants’ n’a pas trouvé écho auprès des deux tiers des associations présentes, nécessaire pour adopter une proposition. » Cependant hier soir, le Conseil d’administration a décidé de soutenir la manifestation. Tous ces facteurs rendent difficile la synchronisation des efforts. Comme le laisse entendre Myriam Zaidi, VP externe de l’AÉUM qui représente McGill à la TaCEQ, «les désaccords se reflètent au «top level» mais pas dans les relations que les éxecs comme moi ont avec d’autres membres des autres associations. Et j’espère que ça ne se reflètera pas au niveau des étudiants.» États Généraux Ces inquiétudes ne sont néanmoins pas futiles quand on pense que la TaCEQ compte se concerter avec les autres regroupements pour organiser la tenu d’États Généraux. «De façon concrète ça serait plusieurs journées,
consacrées au problèmes auquel font face les universités, le lieu d’un vrai débat de société, le moment de tout faire ressortir les revendications du mouvement syndical, du mouvement étudiant et ensuite de pouvoir faire des décisions avisées», explique Joël Pedneault. Cependant, les «États Généraux» risquent de faire face au même sort que le contre-sommet organisé par la FEUQ et la FECQ avec les organisations syndicales qui a eu lieu il y a une semaine, alors que le contre-sommet appelé par la Table des partenaires universitaires ne doit que se tenir le 25 novembre. Décisions prises Samedi dernier, les membres de la TaCEQ se sont néanmoins mis d’accord pour adopter la proposition que «la TaCEQ appelle et participe, en collaboration avec les autres associations nationales, à la manifestation dénonçant l’illégitimité du sommet des partenaires et les hausses de frais». Myriam Zaidi n’a pas de doute quant à la volonté des étudiants de McGill d’exprimer leur frustration lors de cette manifestation, le 6 décembre. x
Jimmy Lu
CHRONIQUE
Les gens normaux Attention, chronique de droite
Jean-François Trudelle
Combien de politiciens se targuent de parler au nom des «gens normaux»? Nous entendons souvent ce titre octroyé au peuple. Combien se vantent de se soucier du «vrai monde» et de les défendre contre les «élites», ces méchants gens qui veulent leur dire quoi faire et quoi penser? Un peu trop quant à moi. Les élections de mi-mandat aux États-Unis nous ont donné notre lot de populisme et la politique canadienne semble suivre la même tangente. Il suffit d’écouter les discours de certains députés à la Chambre des Communes. Par exemple, certains ont déjà cru bon d’esquiver des questions cruciales, notamment sur
la torture, sous prétexte que les Canadiens «normaux» ne s’en soucient pas. Édifiant. En fait, les gens ordinaires semblent seulement exister dans la tête de ceux qui veulent bien qu’ils existent. Ils sont un mythe créé dans l’esprit de gens avides de votes, qui, à défaut d’avoir des preuves crédibles pour appuyer leurs opinions, utilisent cet argument simpliste et facile pour avoir de bonnes lignes dans les journaux du coin. Il se drape ainsi dans la vertu du citoyen ordinaire, aussi factice soit-elle, et ils s’en félicitent. Pourtant, de tels discours ne font aucunement l’éloge du peuple. Ils ne font que l’éloge de la médiocrité. La plupart du temps, leurs cibles sont les gens diplômés, ceux qui ont le malheur d’avoir fait des études supérieures à Harvard, et qui émettent une opinion contraires à ce que veut le «vrai» peuple. Désormais, ils ne sont que des élitistes qui pensent tout savoir mieux que tout le monde, alors qu’ils ne font que dire ce qu’ils croient être mieux pour tous. Pourtant, ils sont des éléments du débat démocratique. Ils font partie du peuple. Il faut énormément de prétention pour se faire le porte-parole du peuple. C’est à se demander qui est réellement l’élitiste. Celui qui a une expertise dans un certain milieu et qui partage son avis dans ce domaine ou quelqu’un qui prétend être l’agrégation des
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idées de la masse? D’ailleurs, ils vont, plus souvent qu’autrement, faire la promotion des préjugés largement répandus dans l’opinion publique. En effet, il est tellement plus aisé de surfer sur la vague plutôt que de la confronter. Qu’une idée soit répandue massivement ne veut pas dire qu’elle est bonne. Une opinion minoritaire n’est pas méprisante du peuple. Elle est uniquement différente. Avoir le courage de s’exprimer lorsque nous allons au contraire du consensus est une preuve que nous ne prenons pas les gens pour des imbéciles. Nous les considérons capables de faire un examen critique de leurs opinions face à de nouveaux arguments. Donc, au contraire de ce que les populistes représentant le «vrai monde» disent, ce sont parfois les «élites» qui sont les plus respectueuses de monsieur et madame tout-le-monde. Ne pas prendre les gens pour des cons est une marque de respect. Souvent, les attaques des porte-voix du vrai peuple vont aussi être dirigées vers ceux qui font la promotion de la culture générale. Lire Hugo et écouter Mozart serait le hobby d’une gauche caviar complètement déconnectée du monde réel. Encore une fois, ils se montrent plus irrespectueux que n’importe quel «élitiste» envers ceux dont ils croient porter l’opinion. Un petit tour dans la bibliothèque personnelle d’un citoyen ordinaire
leur ferait découvrir que ce qu’ils disent n’est qu’un tissu de mensonge et de préjugés. Non seulement découvriraient-ils que le peuple sait lire, mais qu’il aime lire. Ils découvriraient aussi que non seulement les gens écoutent de la musique, mais qu’ils l’apprécient. Être cultivé ne signifie pas se déconnecter des réalités du monde. C’est uniquement apprécié ce que l’Humanité a de mieux à offrir. Parler au nom du vrai peuple, ce n’est pas le glorifier. C’est le considérer comme trop stupide pour se cultiver et réfléchir. C’est installer une culture de la médiocrité, une valorisation de l’imbécillité et un dédain de l’éducation uniquement pour satisfaire son désir de pouvoir. Ceux qui prétendent parler en son nom ne font que le rabaisser, le traiter en ignare et dire que l’ignorance est quelque chose de bien. On nage ici en plein monde orwellien où l’ignorance, c’est la force. Une telle culture est malheureusement en train de s’installer et laisse présager un triste avenir. Comment espérer que nos enfants veuillent aller à l’université si tout ce qui porte un diplôme est pointé avec un doigt accusateur? Alors, la citation de Churchill, à l’effet que le meilleur moyen d’être découragé de la démocratie est d’avoir une discussion de 5 minutes avec un électeur, prendra tout son sens. x
Nouvelles
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OPINION
Le sourire qui tue
Citation du jour: «Je recèle sur le campus des réactions largement positives!» - Heather Munroe-Blum Emma Ailinn Hautecoeur Le Délit
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ne salle pleine en haut de la montagne. Tout pour plaire à la principale de l’Université McGill. L’effort publicitaire n’ayant pas été négligé, on aurait pu s’attendre à une version soft qui selon les dires, caractérisait le Town Hall des années précédentes. À son arrivée, Heather Munroe Blum s’est efforcée de reproduire au détail près la photographie corporative qui accompagnait son invitation à «une occasion spéciale pour discuter de questions d’intérêt pour la communauté de McGill»: une poignée de main et son plus beau sourire. Il ne serait pas magnanime de dire qu’effectivement, toutes les questions d’intérêt et d’actualité ont été à l’ordre du jour. S’il n’était pas friand de logistique ni d’informatique, l’auditeur aura pu apprécier un débat plutôt complet sur le manque de ressources qui commence à se faire ressentir auprès des étudiants de deuxième cycle, sur la hausse des frais de scolarité ou encore sur la position controversée de la rectrice quant à ses relations avec le gouvernement québécois. Enfin, on ne saurait omettre les réactions à l’interdiction des vélos sur le campus ainsi qu’une critique qui tombait à point, soit la façon dont l’administration «consulte» les étudiants. Pour ceux qui l’on manqué, cet événement mémorable est disponible en baladodiffusion sur BcoolTV. Ne prétendant pas être une sphère d’échange ni
d’impact décisionnel, le Town Hall était néanmoins un bon effort de relation publique. Si vous aussi vous souhaitez organiser votre Town Hall, dans votre faculté, votre patelin, en famille ou entre amis, ne manquez pas le site internet «Dix conseils pour une assemblée générale fructueuse». Premier petit truc: «racontez une anecdote personnelle». Ainsi, sur la question de la mobilité de vélos aux heures passantes, HMB relate: «Chacun vit sa propre expérience, moi, j’ai failli me faire frapper!». Et le très classique «bien sûr, quand j’étais étudiante, je n’étais pas en faveur des hausses de frais!». Forcément… Ne souhaitant pas laisser la forme prendre le précédent sur le fond, il convient à présent de rendre justice aux revendications étudiantes. Une des premières revendications claires et concises était d’ouvrir le Conseil d’Administration à plus que trois représentants du corps étudiant. À retenir: HMB affirme que le processus est en cours et une promesse de faire un effort en ce sens. Et, à la même intervention de Guy Mark Lipschitz, une réaction plutôt douteuse: «Nous [l’administration] avons été plutôt surpris de savoir que le point de vue général était que la gestion du dossier de l’Architecture Café avait été prise sous le secret.» Quant à la position que HMB a présentée au nom de l’université à la dernière rencontre des partenaires universitaires, Adrian Katz à employé en bonne et due forme la méthode socratique pour démontrer que, faute d’endossement de la part des associations étudiantes, l’instance suprême
n’avait pu être «mandatée» à adhérer à la décision du gouvernement. Un autre fidèle de la cohorte Mobilization McGill, Jeremy Bunyaner, a ramené la discussion autour de la mission des services de restauration de McGill qui, pour lui était en contradiction avec la fermeture des points de ravitaillement étudiants. Sur ce, la réponse de Mendelson dans le rôle du parfait sidekick, que la gente étudiante nomme désormais «Voldemort», réitérant le parcours historique des Food and Dining depuis les années 1990, présenté dans son mémo sur la fermeture du Arch. Tout compte fait, le bilan est positif, et un coup d’œil à une des photos prise, il faut le dire, «clandestinement» –le caméraman officiel ayant reçu l’exclusivité pour la couverture visuelle de l’événement– en témoigne: la salle paraissait à moitié vide, parce que tous ses occupants étaient en ligne derrière le micro. Les points faibles? Sur vingt questions posées, la principale a avoué (ou feint) à trois reprises ne pas savoir de quoi il s’agissait. Et surtout le commentaire ciblé à la presse étudiante, qu’elle a cependant chaleureusement reçu le lendemain matin (voir article en p. 4): les médias essaieraient de créer «l’humeur exécrable» qu’elle, perçoit comme «largement positive».x
Publicité pour le Town Hall Gracieuseté de l’université McGill
Commentaires sur la principale
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CHRONIQUE
Point d’ouverture ou de rupture? Le Franc-parleur
Francis L. Racine
Le blues de novembre est un phénomène psychologique connu et ressenti. En d’autres mots, un événement annuel où même le rouge des coquelicots du Jour du Souvenir ne permet pas de mettre de la couleur dans notre perspective maussade et grisâtre passagère. Pourtant, aurait-on pensé que le gouvernement du Québec ferait fi de la morosité «novembriale» et qu’il conclurait une entente de principe avec les infirmières du réseau de la santé? La présidente du Conseil du Trésor, Michelle Courchesne, a peut-être réservé cette surprise aux militants libéraux qui étaient réunis en Conseil général à Lévis en fin de semaine dernière, mais cette belle annonce vient mettre un terme aux négociations entre le gouvernement du Québec et les fonctionnaires du la bureaucratie québécoise. Il faut savoir que le renouvellement des conventions collectives n’est pas un moment de tout repos;
6 Nouvelles
certains qualifient cette période à date indéterminée comme un chapitre difficile dans la vie d’un gouvernement. De cette manière, le gouvernement du Premier ministre Jean Charest a justement conclu de nouvelles ententes de conventions collectives sans manifestation (ou presque) et, fort heureusement, sans loi spéciale. Cet effort de conciliation entre les parties qui mérite un grand bravo et une tape dans le dos au gouvernement! Ce dénouement heureux avec les syndicats de la fonction publique démontre non seulement que le gouvernement respecte les citoyens qui travaillent pour l’État, mais aussi que ce gouvernement respecte et est préoccupé par le bienêtre de toute la population québécoise. C’est ce qu’on appelle une priorité. Par contre, la préoccupation du bien-être des Québécois ne fut pas une priorité pour tous les gouvernements qui se sont succédés au Québec. En effet, le Parti Québécois semble être attaché à son vieux démon (article 1) et s’entête à trouver un moyen de faire leur souveraineté Du côté du Parti libéral du Québec, on négocie avec la fonction publique et on arrive avec des ententes jumelant respect du fonctionnaire et développement économique. On remplit les hôpitaux d’infirmières et de médecins. On remplit les bancs des écoles et des universités par les enfants nés des politiques natalistes. Toutes ces initiatives pour la croissance des intérêts supérieurs des Québécoises
et des Québécois. Par extension, si une société est en santé, éduquée, en sécurité et économiquement viable, eh bien chers lecteurs, cette société deviendra meilleure, tolérante et surtout ouverte. Cette situation est actuellement celle de la société québécoise. Nous sommes témoins grâce au Gouvernement du Québec en place depuis 2003 d’une croissance sociétale autant au plan économique qu’au niveau intellectuel ou culturel. Du côté du Parti Québécois, le repli est synonyme de l’article 1. On ferme des hôpitaux. On met à la retraite forcée des milliers d’infirmières, de médecins et d’enseignants. Tout ça pour arriver à un équilibre budgétaire du moment sans se soucier de l’impact des mesures prises sur les générations futures. En plus de mettre en péril l’équité intergénérationnelle, ces mesures sont dans le but et surtout dans le seul intérêt de l’article 1 du programme du Parti Québécois: leur souveraineté ou la séparation. Donc, suivant la logique du PQ, si une société est plus ignorante, craintive et victime de différentes crises, cette société décroisera et deviendra radicale dans ces positions. La souveraineté justifie-t-elle les moyens pour y arriver? Dans cette optique, les Québécois doivent choisir entre le développement économique pour la redistribution de la richesse du Parti libéral du Québec et la justification des moyens pour satisfaire l’article 1 du Parti Québécois: la souveraineté. À la fin octobre, les belles-mères
du Parti Québécois avaient attiré l’attention. Eh bien, comble de l’ironie, Jacques Parizeau a encore frappé pour rappeler à l’actuelle cheffe du PQ, Pauline Marois qu’avant tout et par-dessus tout, la souveraineté du Québec est primordiale et devrait être la seule priorité des péquistes; pourrait-on parler d’une tyrannie de l’article 1. Chers lecteurs, cela fait quarante ans que les péquistes essayent de trouver une méthode d’accéder à la souveraineté tandis que cela fait quarante ans que les libéraux font avancer le Québec. Est-ce normal que, à la sortie d’une crise économique, il y ait plus de Québécois au travail sous un gouvernement libéral et idéologiquement ouvert sur le monde que sous un gouvernement péquiste et idéologiquement ethnocentriste lors d’une période de croissance économique? La croissance sociétale répond oui, car les libéraux auront, dans n’importe quelle situation économique, comme priorité le bien être des Québécois et non le radicalisme pour justifier la séparation. Préférez-vous l’ouverture ou la rupture? x
Morose? Écrivez pour Le Délit
xle délit · le mardi 16 novembre 2010 · delitfrancais.com
POLITIQUE PROVINCIALE
Une Révolution dîtes-vous? Les différents acteurs de la Révolution tranquille se sont retrouvés mercredi dernier au musée McCord, 50 ans après. Marie-Lise D.-Bisson Florent Conti Le Délit
L
a discussion, organisée par l’Institut des études canadiennes et le Programme d’études sur le Québec, a débuté avec Louis Bernard, alors conseiller au gouvernement Lesage, qui a présenté le contexte de 1964 +à 1970 en mettant l’accent sur l’évolution des relations entre le Québec et le Canada. Puis, Claude Castonguay a relaté son implication dans l’établissement du régime de retraites et de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il a d’ailleurs incité sur l’impact de ces deux institutions sur l’amélioration de la qualité de vie des ainés au Québec et la possibilité pour l’état québécois de financer des projets d’envergure. Le sociologue Guy Rocher, membre de la commission Parent de 1964, a mis de l’avant le rôle de l’intelligentsia de l’époque, constituée de jeunes intellectuels qui, par exemple, agissaient à travers Radio-Canada et l’Office national du film. Leur contribution a bouleversé plus que jamais la balance des pouvoirs au sein de la société québécoise. Guy Rocher a pris part à la commission Parent en 1964, ce qui a marqué un tournant dans la réforme du système éducatif. La discussion est devenue particulièrement intéressante lorsque le médiateur Kenneth McRoberts a questionné les panélistes sur les succès et les échecs de la Révolution tranquille. Pour M. Rocher, l’éducation représente à la fois un succès et un échec. La réforme de l’éducation, dont il est l’un des instigateurs, a facilité l’accès des Canadiens français à l’éducation, particulièrement au niveau postsecondaire. Cependant, pour le sociologue, la grande place qu’occupe encore le privé dans notre système d’éducation montre que la démocratisation de celui-ci, but premier de la réforme en éducation, est loin d’être accomplie. La Révolution tranquille semble donc être le point de rupture dans l’évolution de la société québécoise, mais peut également paraître comme un poids pour les générations actuelles, devant trouver des solutions aux nouveaux enjeux qui ont été engendrés par cette dite «révolution». Pour le second panel, c’est l’ancien premier ministre Bernard Landry qui a ouvert la marche. Son argumentation tenait sur la remise en question de l’utilisation du terme «révolution» pour désigner les années Lesage et a soutenu que les années 1960 au Québec ont plutôt favorisé une «mise à jour». Il a
aussi réitérÉ les principaux thèmes derrière l’engagement de l’État dans la société: la décolonisation au niveau économique et linguistique, l’éducation, ainsi que la laïcisation. M. Gregory Baum, théologien et sociologue d’origine allemande ayant vécu ici et étudié le Québec, a renchérit sur le point de la laïcisation, particulièrement sur le rythme auquel s’est fait la séparation entre l’État et l’église pendant la Révolution. Il a évoqué le paradoxe entre les actions symboliques païennes et la prétendue laïcité des Québécois. Finalement, Mme Françoise Sullivan, danseuse et sculpteuse influente au Québec et signataire du manifeste Refus Global, a décortiqué le grand mouvement d’avant-garde artistique des années 1940 et 1950. C’est Montréal, et non New York ou Paris, qui a vu naître cette manifestation de modernisme, alors que la province était toujours plongée dans la Grande Noirceur. Les considérations de M. Landry et de Mme Sullivan sont particulièrement intéressantes puisqu’elles apportent des nuances à cet épisode histori-
xle délit · le mardi 16 novembre 2010 · delitfrancais.com
que. Cinquante ans plus tard, les Québécois et les acteurs de la Révolution tranquille sont capables d’un peu plus de modération dans leur analyse. M. Bernard Landry a remis en question la présence d’une véritable révolution dans les domaines économique, politique et social. Est-ce que le domaine du développement des ressources naturelles a été bouleversé avec, par exemple, en 1906, l’idée de la nationalisation de l’hydroélectricité? Est-ce que l’arrivée de l’Équipe du tonnerre marquait un chavirement? Mise en perspective, la Révolution tranquille a peut-être finalement été plus tranquille que révolutionnaire. En dépit de ce questionnement terminologique, peu importe le nom que nous donnons aux années 1960 aujourd’hui, l’effervescence de l’époque semble indescriptible –ou du moins étrangère au cynisme politique d’aujourd’hui– et son impact sur la société québécoise incontestable. «C’était une époque où tout était à faire!», ont lancé Louis Bernard et Claude Castonguay. Au-delà des réformes, ce qu’il reste aujourd’hui des an-
nées Lesage est une conception mythique de l’époque des grands changements. Il s’agit peut-être là d’un des legs les plus importants et immobilisant à la fois. Autant la fierté du peuple québécois face à cette Révolution est bénéfique pour la nation, puisqu’elle permet de solidifier sa conscience collective, mais elle peut aussi se transformer en une nostalgie malsaine, bloquant toute action. Puisque toute société est en perpétuelle évolution, comme nous le disait Gregory Baum, il est logique que nous estimions que les réformes de la Révolution tranquille n’aient pas tout réglé. Toutefois, pour ce sortir de ce «blues postrévolutionnaire», il faudrait attendre une aussi grande effervescence que celle vécue à l’époque. En effet, les multiples éléments présents en 1959 –le déclin du clergé, la mort de Maurice Duplessis, ainsi que le baby-boom et l’industrialisation croissante– sont des éléments uniques qui n’ont pas d’équivalence à notre époque. C’est sûrement d’ailleurs la raison pour laquelle cet événement continue de fasciner, et ce, cinquante ans plus tard.
Comment nous, jeunes universitaires, nous plaçons-nous dans ce modèle? D’abord demandons-nous ce qu’il se passera lorsque cette génération partira: Que nous lèguent ces penseurs, anciens acteurs cruciaux du changement? La génération post-Révolution tranquille a la tâche de matérialiser les problèmes soulevés dans les années 1960. Que ce soit la place du Québec dans le Canada, l’économie de la belle province, ou encore la question de la souveraineté, toutes ces questions font maintenant face à des enjeux plus globaux tels que mondialisation, ou immigration. Comment allons-nous poursuivre ou révolutionner les acquis établis au cours des cinquante dernières années? La société actuelle jouit des bases de la Révolution tranquille, mais doit à son tour y contribuer. Tout semble être fait, et tout reste à faire. La Révolution tranquille ne doit donc pas demeurer un mythe intouchable. D’ailleurs ceci serait contraire à l’idéologie initiatrice de toutes ces admirables voix de la Révolution. x
Bernard Landry lors du panel sur la Révolution tranquille Owen Egan
Nouvelles
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Société societe@delitfrancais.com
Comme toute nouvelle technologie, le livre électronique suscite craintes et interrogations, surtout en ce qui concerne la diffusion non autorisée des livres. Il est d’autant plus voué à remplacer un objet auquel les gens sont attachés: le livre papier. Edith Drouin Rousseau Le Délit
À
la suite du lancement du iPad en mai dernier, le site web TorrentFreak a lancé sa petite enquête sur le téléchargement des livres électroniques: les téléchargements ont augmenté en moyenne de 78%. Cette hausse a été observée auprès des livres qui faisaient partie du palmarès des dix livres les plus vendus aux États-Unis (les trois premiers étant respectivement The Blind Side, The Tipping Point et Freakonomics). Les ventes de livres électroniques comptent désormais pour 10% du marché aux États-Unis, alors que la proportion s’élevait à 1% il y a à peine deux ans. Comment évoluera le livre électronique au Québec? L’adoption de la gestion des droits numériques (GDN) et la dominance marquée de certaines entreprises suscitent la discussion. Anatomie d’un livre électronique La lecture d’un livre électronique peut se faire sur des appareils dédiés exclusivement à la lecture de ceux-ci comme le Kindle d’Amazon, mais aussi sur des appareils à usages variés comme les baladeurs numériques, les téléphones intelligents, les tablettes électroniques et les ordinateurs personnels. Les livres électroniques sont disponibles dans plusieurs formats; certains sont universels et d’autres ne permettent la lecture qu’à partir d’appareils particuliers, parfois protégés par des droits numériques. Une des premières considérations des consommateurs par rapport au livre électronique est son prix. Moins onéreux que le livre traditionnel, la différence entre le prix du livre numérique et du livre papier n’est toutefois pas la même partout. En effet, elle est beaucoup plus marquée sur le marché anglophone. «Amazon.ca vend des livres électroniques à perte depuis quelques années», explique Marie-Hélène Vaugeois, présidente de l’Association des librairies du Québec (ALQ). Cela force ses compétiteurs à diminuer leurs prix afin de pouvoir se tailler une place sur le marché. Néanmoins, pour ce qui est des éditeurs québécois, c’est une toute autre histoire. La différence de prix est beaucoup moins grande. Il y a toutefois des coût supplémentaires telle la ePub mentionne MarieHélène Vaugeois. La ePub est le format électronique dans lequel certains livres électroniques sont publiés. Tel que pour les livres papiers, il doit y avoir un travail de correction de texte et une somme versée à l’auteur, mais il y a également une nouvelle mise en page. Madame Vaugeois explique qu’il faudra encore attendre avant
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de rentabiliser un livre électronique pour une maison d’édition québécoise. À l’opposé, André Racette, adjoint à la direction générale de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois, rétorque que les livres électroniques sont beaucoup moins coûteux à produire que les livres papiers. Ils sont l’occasion pour les auteurs de réviser leur pourcentage de redevance à la hausse. «Les éditeurs qui vendent des livres numériques ont souvent moins d’intermédiaires dans la chaîne de distribution, explique-t-il, ils distribuent souvent les livres numériques directement sur leur site Internet. Ils n’ont pas de frais d’entreposage et, bien entendu, d’impression.» Monsieur Racette se méfie d’ailleurs des compagnies comme Amazon qui contrôlent aujourd’hui le marché américain. «C’est présentement un couteau à double tranchant: on voudrait que les pourcentages soient plus importants, mais, en même temps, les prix de vente qu’on constate aux États-Unis sont souvent beaucoup plus bas que le livre papier. Il faut se méfier de ce phénomène parce que ça ne se traduira pas par des plus grands revenus pour les auteurs» déplore-t-il. Dans une autre perspective, le livre électronique permet de regrouper l’intégralité d’une bibliothèque dans un seul appareil. Cela trouve son pesant d’or auprès des étudiants et des professeurs, mais ceux pour qui la lecture est un loisir, le livre électronique paraît moins utile. Transporter un objet tel qu’une tablette électronique peut être plus encombrant et plus lourd qu’un livre en format de poche. En outre, la caractéristique la plus importante du livre électronique reste son interactivité. Il permet de faire des recherches
té. D’un côté, il permet une économie notable de papier. De l’autre, les matériaux servant à la production de ces appareils sont nuisibles pour l’environnement. De plus, ceux-ci nécessitent une source supplémentaire de dépense d’énergie. Marie-Hélène Vaugeois soulève un autre problème qu’est cette omniprésence de la technologie dans nos vies: «Lire, c’est un peu le moment où on peut éviter la technologie.» La première fonction d’un livre de littérature est celle de
Droits au but Pour faire le tour de la question du livre électronique, il est essentiel d’aborder la question de la gestion des droits numériques (GDN). Ceux-ci sont des protocoles limitant le partage des livres électroniques afin qu’ils ne soient pas distribués illégalement. Cette mesure a, entre autre, été utilisée par Sony dans le domaine de la musique. La GDN apporte son lot de problèmes. Certes, ils permettent la protection
l’évasion, mais l’écran rend difficile cette distanciation avec notre monde actuel. Certains dispositifs de lecture à l’encre tentent de reproduire l’effet du livre, car le toucher du livre apporterait un sentiment de détente. Madame Vaugeois affirme cependant que ceux-ci ne sont pas encore au point.
des livres, mais ils rendent compliqué le transfert d’un livre électronique d’un appareil à un autre et nécessitent que les éditeurs fournissent le support informatique nécessaire à leur utilisation. En outre, les droits numériques sont gérés par des compagnies extérieures aux maisons d’éditions. Si ces premières font faillite, les lecteurs ne
«
Dans l’industrie du livre québécois...l’offre est présente alors que la demande ne l’est pas encore.»
et de retrouver des citations en un clin d’œil, de copier et coller des extraits, de prendre des notes, de marquer des pages faciles d’accès avec une table des matières. La police, la couleur et la taille des caractères peuvent être modifiées au goût du lecteur. Les images et les textes en couleurs et tout contenu audio et vidéo ne sont pas des frais supplémentaires pour les éditeurs. L’instantanéité caractérise bien notre ère, car les livres électroniques peuvent être achetés de n’importe quel endroit ayant accès à Internet et à n’importe quelle heure. L’idée que le livre électronique est meilleur pour l’environnement est contes-
xle délit · le mardi 16 novembre 2010 · delitfrancais.com
e-book
à livre ouvert
peuvent plus avoir accès aux livres électroniques qu’ils ont achetés. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à Fictionwise, un détaillant de livres électroniques. Bien que l’entreprise ait garanti aux utilisateurs qu’ils retrouveraient leurs livres, toutes les annotations et les modifications faites sur ceux-ci ont été perdues. Un consommateur possède-til alors vraiment un livre électronique lorsque celui-ci est protégé par la GDN? Les livres électroniques protégés par des droits numériques ne peuvent pas, ou
veau, disponible à tous. L’avantage de cette pratique, c’est qu’elle tend à reproduire le mécanisme typique lié à l’emprunt d’un livre papier. «La beauté de la technologie, c’est les autres possibilités. La liberté et la flexibilité», avance Ernesto, créateur du site web TorrentFreak. Il exprime son point de vue en comparant le cas du livre électronique avec celui d’une caméra numérique. Le but de la technologie est l’amélioration, et non la reproduction de ce qui existe déjà. De plus, empêcher une
pour se procurer un livre devient l’achat et non le téléchargement. D’ailleurs, beaucoup de livres électroniques en vente sur Internet ne sont pas disponibles sur les sites de téléchargement. L’étude mentionnée au tout début de l’article en est une preuve: le palmarès des dix livres les plus vendus, toutes catégories confondues, n’a pas été utilisé puisque les livres n’étaient pas tous disponibles sur les sites de téléchargement. Ernesto s’oppose toutefois à cette perception de la GDN. «Ils n’empêchent pas le partage illégal des livres, les droits numériques peuvent être facilement piratés» explique le webmestre. Qu’il y ait des droits numériques ou non, les copies d’un livre électronique seront, un jour ou l’autre, disponibles sur la toile. «La GDN ne fait que punir les consommateurs honnêtes» s’indigne-t-il. Ceux-ci ne peuvent pas disposer de leur bien comme bon leur semble. «Je pense que la GDN n’est pas la solution», partage Madame Vaugeois, appuyant l’opinion d’Ernesto. «Je pense que pour que la vente des livres électroniques augmente, il faut que ce soit simple. Et les droits numériques ne sont pas simples» ajoute-t-elle. En débloquant des options comme le par-
«
Le but de la technologie est l’amélioration, et non la reproduction de ce qui existe déjà.»
Quel livre pèse le plus lourd dans la balance du savoir? Raphaël Thézé
de façon très limitée, être prêtés. Cette caractéristique semble pratique pour une bibliothèque. Lorsqu’un livre électronique est emprunté, il n’est automatiquement plus disponible pour les autres utilisateurs. Après un nombre de jours donné, il disparait automatiquement de l’appareil sur lequel il était utilisé et est, de nou-
bibliothèque de prêter plusieurs exemplaires d’un même livre prouve que la GDN n’est pas, tout d’abord, une mesure pour empêcher le piratage. Ils sont plutôt destinés à assurer un profit monétaire. Les supporteurs de la GDN expliquent que lorsque les livres sont protégés de manière efficace, l’option la plus simple
tage du livre et l’utilisation sur plusieurs appareils, le livre électronique deviendrait plus pratique que le livre papier et plus simple d’utilisation pour les utilisateurs qui ne sont pas des mordus d’informatique. En ce sens, c’est peut-être l’industrie québécoise qui est en mesure de donner une leçon à ses confrères sur la protection du livre électronique. Comme l’a indiqué Marie-Hélène Vaugeois, la plupart des livres électroniques québécois ne sont pas protégés par la GDN, mais sont marqués d’un filigrane incluant le nom de l’acheteur et le droit d’auteur. Cette pratique n’empêche pas le consommateur d’utiliser son livre sur plusieurs appareils, ni de le prêter à son entourage, mais l’empêche de le diffuser à grande échelle au risque d’être contacté par l’éditeur. Technologie en voie de développement Les auteurs, bien qu’étant enthousiasmés par ce nouveau marché, craignent la diffusion illégale et gratuite de leurs livres sur la toile. André Racette, de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois, ne prône pas de solution particulière pour apaiser cette crainte. «On ne veut
pas que le public soit emprisonné par des mesures qui soient contre-productives pour la libre circulation des œuvres, mais on veut que les auteurs soient compensés pour l’utilisation de leurs œuvres, qu’elles soient protégées ou non» nuance-t-il. Le livre numérique au Québec en est encore à ses balbutiements; les mesures à adopter n’ont pas encore été décidées. C’est donc l’occasion de garder l’esprit ouvert et d’observer les autres marchés qui sont déjà en branle pour en tirer des leçons. Le marché du livre électronique évoluera-t-il dans le même sens que celui de la musique en ligne? Tous les individus interviewés s’entendent pour dire que non. Monsieur Racette relate l’histoire de l’industrie musicale pour expliquer la différence: «La demande des gens a vraiment devancé l’industrie, les gens se sont mis à vouloir avoir facilement accès à la musique en format numérique et l’industrie de la musique a été très lente à réagir», élabore-t-il. Aucun site ne permettait l’achat de musique en ligne, le téléchargement illégal devenant la plus simple alternative. Dans l’industrie du livre québécois, c’est le contraire qui se produit: l’offre est présente alors que la demande ne l’est pas encore. Pour le moment, le milieu semble témoigner d’une pointe de progrès et de compromis dont leurs confrères américains et français ne font pas preuve. L’impact que le livre électronique aura sur le marché québécois est, pour sa part, contesté. «Le e-book ira chercher un nouveau lectorat, des gens qui n’aiment pas lire ou qui n’avaient pas le temps de lire. Il y a dès lors une nouvelle manière de lire» s’enthousiasme Madame Vaugeois. Monsieur Racette exprime toutefois un point de vue contraire. «Il faut voir quels sont les principaux facteurs qui incitent les gens à lire. C’est le niveau d’éducation qui est un des principaux facteurs. Je ne pense pas que parce que les Kindle et les livres électroniques de ce monde apparaissent que le niveau d’éducation et les motivations de lecture changeront pour le mieux.» En somme, un enthousiasme pour le livre numérique est très certainement présent au Québec. La manière dont l’industrie se développera est, néanmoins, encore à déterminer. x Si vous êtes plutôt du type livre en papier, le Salon du Livre de Montréal est un rendez-vous à ne pas manquer. Où: Place Bonaventure Quand: Du 17 au 22 novembre 2010 Combien: 8$ (6$ pour étudiants)
Société
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CHRONIQUE
Montréal gastronomique et les bons restos. En effet, chaque soir, des dizaines et des dizaines de bonnes tables montréalaises célèbrent cette frénésie pour la bonne bouffe. C’est pourquoi le gourmet montréalais de 2010 n’a que l’embarras du choix quand il s’agit d’élire un lieu pour satisfaire sa fringale. De là à dire si ce choix grandissant se traduit par une diversité grandissante, il y a un (grand) pas à franchir. Prenons notre gourmet montréalais: un soir, il décide de se rendre dans un des bons restos de la ville. Il peut ainsi choisir entre Le Quartier Général, La Salle à Manger, Le Local, Le Comptoir, La Montée de Lait, Le Garde-Manger, La Cantine, Le Saint-Urbain où Le Serveur qui arbore avec désinvolture La Chemise Carottée et/ou La Barbe de trois jours lui explique que, bien sûr, dans tous les plats affichés sur L’Ardoise de l’endroit on met de l’avant Le Produit local et on privilégie Le Plaisir avant Le Régime (définitivement plus à La Mode) et tout ça dans une ambiance bruyante qui évoque les concepts drôlement branchés que sont La Décontraction, La Convivialité et La Familiarité. Original, non?
Les pieds dans les plats
Christophe Jasmin
Certains sont nés avec une CUILLÈRE d’argent dans la bouche; d’autres, moins chanceux, avec une cuillère de plastique. Moi, c’est plutôt avec une cuillère pleine de foie gras. Moitié français, moitié québécois, j’ai grandi dans une famille où le fromage, le vin et la poutine ont remplacé depuis longtemps la sainte trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Je travaille aussi dans le monde de la restauration montréalaise depuis plus de trois ans. Sinon, petit détail de moindre importance, j’en suis à ma dernière session ici. Ce qui veut dire que, dès janvier, je quitterai non seulement McGill mais aussi Montréal. L’intérêt pour vous là-dedans étant que cette chronique vous emmènera dès la session prochaine à Bangkok, Hanoi, Phnom Penh, Kuala Lumpur, Jakarta en passant par Paris et Prague, tout en restant ancré dans un esprit montréalais. Puisqu’il faut commencer par le commencement, cette première chronique aura pour thème notre métropole et son paysage gastronomique. Le Restaurant Du point de vue gastronomique, le chemin parcouru à Montréal ces vingt dernières années est sûrement sans précédent. La métropole est maintenant une destination pour les foodies de ce monde. Et les Montréalais n’ont jamais eu autant d’appétit pour la bonne cuisine
La Business Même si peu d’entre eux le diront, les restaurateurs sont avant tout des gens d’affaires. Si la seule passion qui les animait vraiment, leur seule raison d’être était la nourriture, la moitié serait peut-être sur une ferme en train de produire ces fameux produits locaux et l’autre moitié ne serait pas sur le plancher du resto à s’assurer du coin de l’oeil que tout se passe bien, mais plutôt dans les cuisines de ce même resto en train de suer autant que Mick Jagger durant un show de trois heures pour un salaire de misère. Bref, les restos et la gastronomie en général, c’est un business et comme dans tout bon business, l’important est de savoir tirer profit d’un bon filon. Et la tendance actuelle de la bouffe conviviale et réconfortante, cette fameuse comfort food, en est assurément une. Résultat: à tous exploiter le même concept, les restaurants montréalais finissent par perdre leur identité distincte. Il faut probablement remonter au tout début des années 2000 et à l’ouverture du fameux Pied de Cochon de Martin Picard pour trouver le «responsable» de l’actuelle complaisance du paysage gastronomique montréalais. La petite révolution causée par le concept novateur du lieu et sa panoplie tout aussi novatrice de plats traditionnels québécois «réinventés» a mené, maintenant presque dix ans plus tard, à tout (y compris la très discutable poutine aux gnocchis) sauf à une autre révolution, ou même une remise en question.
Le Souhait Nous avons la chance (la malchance diront certains?) au Québec de ne pas avoir un lourd bagage gastronomique à l’image de pays comme la France, l’Italie ou le Japon. Il ne faudrait pas la gâcher en se complaisant dans un certain type de cuisine après si peu d’années de pratique et un départ dans le monde de la gastronomie si réussi. L’innovation, pas le comfort food, devrait être le mot d’ordre généralisé. x Les Recommandations Pour finir, quelques recommandations parce que tout n’est pas si gris dans le ciel de la restauration montréalaise (au contraire): • Deux restos pas comme les autres avec des chefs qui se soucient sûrement peu des dernières tendances gastronomiques: Juni (156 Laurier Ouest) et Toroli (421 Marie-Anne Est). • Deux classiques qui ne changeront jamais (on l’espère): Leméac (24$ la table d’hôte après 22h; 1045 Laurier Ouest) et L’Express (3927 Saint-Denis). • Des restos ethniques, pour voyager pas cher cet hiver: Cuisine Szechuan (où on sert des tripes de boeuf au szechuan que vous avez toujours rêvé de manger; 2350 Guy), Qing Hua (meilleurs dumplings en ville; 1676 Lincoln) et Eche Pa Echarle (sûrement le meilleur Péruvien à Montréal; 7216 St-Hubert).
La poutine au foie gras du Pied de Cochon Blogue A Taste of Montreal
Vous prenez des photos d’actualité? Ça va cliquer avec nous. société@delitfrancais.com
BILLET
Supporter les mères de Montréal: dire oui à la vie!
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ans le débat entre les groupes pro-vie et pro-choix, s’il y a une chose sur laquelle tout le monde est d’accord, c’est qu’une femme ne devrait jamais croire que l’avortement est l’unique solution face à une grossesse inattendue. Deux faits sont donc incontestables: qu’une société qui se soucie du bien-être des femmes reconnaît l’importance de fournir les ressources nécessaires aux femmes en difficulté qui veulent garder leur enfant-à-naître, et qu’une femme en situation de crise et d’incertitude ne devrait jamais se sentir stigmatisée pour avoir choisi de porter à terme sa grossesse. C’est à partir de ces prémisses partagées par tous, des adversaires les plus résolus de l’avortement à ses défenseurs les plus ardents, que le club pro-vie de McGill, Choose Life McGill, a décidé d’organiser une collection de couches et d’autres articles pour bébés, afin de rappeler cet aspect de la vie humaine aux étudiants universitaires, ainsi que d’offrir du support matériel et financier aux mères en difficulté. Jusqu’au 19 novembre, le club occupera une table à l’intersection «Y» du campus en centre-ville où il sera possible d’offrir des dons
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d’argent et d’objets utiles pour les mères et leurs bébés. Les dons seront redistribués à des centres de ressources pour grossesses à Montréal. Cette collecte sera suivie d’une vente de pâtisseries le vendredi 26 novembre dans le Pavillon de génie McConnell. Le principe derrière ces efforts reprend la devise du groupe Féministes pour la Vie: «Les femmes méritent mieux que l’avortement». C’est un principe affirmatif qui cherche à valoriser la femme et sa capacité unique de porter la vie humaine pendant ses moments les plus délicats, un but qui peut être partagé par des gens de convictions différentes. Si le taux d’avortement demeure si élevé dans notre société, surtout dans un milieu universitaire (96 815 avortements au Canada en 2005, dont 42% ont été faits sur des femmes entre 18 et 24 ans selon Statistiques Canada en 2005), c’est d’une part dû au fait que les femmes sentent que la grossesse et la poursuite de la vie normale (les études, le travail, etc.) sont incompatibles. L’avortement est présenté comme un dernier recours à court terme, mais il n’adresse pas les problèmes sociaux qui font en sorte que la femme ne considère pas la
grossesse comme une option et qui l’obligent à renier sa capacité en tant que porteuse de vie. C’est précisément contre cette situation que nous devons lutter si nous voulons affirmer la dignité de la femme. Nous pouvons poursuivre cet objectif en soutenant les quelques centres de ressources pour grossesses dans la communauté de Montréal. Une grande partie de ces centres fonctionne grâce aux dons et au bénévolat, donc chaque contribution est importante. De plus, une telle collecte située sur un campus universitaire donne accès à l’information sur ces centres de ressources à un groupe de femmes qui pourraient surtout en avoir besoin, dans un milieu où la discussion sur la maternité se fait rare. Finalement, en affirmant la possibilité de toute femme de porter à terme sa grossesse, nous tentons d’éliminer la stigmatisation de l’étudiante enceinte. Nous espérons que vous nous joindrez dans cette bonne cause en y contribuant de n’importe quelle manière que vous puissiez le faire! Paul Cernek Secrétaire, Choose Life McGill xle délit · le mardi 16 novembre 2010 · delitfrancais.com
Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com
CINÉMA: RIDM 2010
Montréal est une plate-forme majeure dans la production et la diffusion du cinéma documentaire. Retour sur quatre films projetés cette fin de semaine dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire.
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ans La danse, le documentariste Frederick Wiseman ouvre les portes du ballet de l’Opéra de Paris. Toutes les facettes de cet univers sont explorées: la caméra s’immisce dans les salles de répétition et le soir des représentations, bien sûr, mais aussi dans les coulisses, les couloirs vides, la cafétéria et sur le toit de l’immense institution (où l’on fait de l’apiculture). La confection des costumes et des accessoires, les discussions pour déterminer la prochaine programmation, les galas et les rencontres bureaucratiques avec les ballerines et les donateurs, ainsi que la relation hiérarchique et sévère entre les danseurs et leurs professeurs sont exposés. De même, tous les visages sont éclairés, ceux des ballerines, des chorégraphes, du personnel administratif, des accessoiristes, jusqu’au concierge et autres membres du personnel d’entretien.
Frederick Wiseman s’introduit discrètement dans le monde plus que jamais onirique du ballet, qui se construit lentement, à chaque mot, chaque image, chaque pas. Méticuleusement, le cinéaste permet aux néophytes de comprendre les mécanismes et relations qui régissent cet univers. Tout l’envers, le caché, l’invisible préalable aux spectacles de ballet est soigneusement révélé. Aucun ajout de texte après montage, le documentaire La danse ne présente que le ballet tel qu’il est. Les mots de Cocteau, cités par un professeur à une ballerine pour qu’elle évite d’intellectualiser son personnage, tout en communiquant néanmoins ses émotions au public, ont une résonnance pour ce documentaire de Wiseman: «C’est au public d’expliquer quelque fois». La danse, une œuvre d’art à voir absolument. x En salle dès le 26 novembre.
Gracieuseté des RIDM
Sur la pointe des pieds
Gracieuseté des RIDM Gracieuseté des RIDM
il Giornale.it
La télévision italienne: boîte de pandore
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ilvio Berlusconi, président du Conseil, est également propriétaire de la majorité des chaînes de télévision et tabloïdes en Italie. Que signifie concrètement cette situation? Le documentaire Videocracy d’Erik Gandini explore toutes les facettes de cet univers télévisé. Il y est d’abord expliqué que la révolution culturelle italienne est survenue avec une émission jouée sur les ondes aux heures tardives dans laquelle le public devait répondre à des questions. À chaque bonne réponse, une femme s’effeuillait, vêtement par vêtement. Puis, on fait la rencontre d’un jeune homme qui rêve de passer à la télévision. Pour lui, le pouvoir de la télévision se situe dans son ancrage dans les mémoires. Toutefois, ce n’est pas l’innovation ni la persévérance qui manquent à cet Italien qui chante du Ricky Martin et maîtrise les arts martiaux comme Jean-Claude Van Damme. S’il ne parvient à s’immiscer sur les plateaux Gracieuseté des RIDM
La nuit est encore sombre
que comme un membre de l’auditoire, c’est parce que le plateau est réservé aux filles, les velina, affirme-t-il. Des milliers de filles aspirent à ce statut de poupée muette qui reste aux côtés de l’animateur et qui distrait le public pendant les pauses publicitaires. La télévision constitue un aller direct vers la haute société. En effet, la ministre de la parité en Italie, Mara Carfagna, était une velina. Le paradoxe s’accentue lorsqu’on rencontre Lele Mora, le plus prolifique agent d’artistes. Tout est blanc chez lui: c’est la «maison blanche». Mora, qui porte allégeance au défunt Mussolini, est également un très bon ami du président Berlusconi. En Italie, les cercles de la politique et du divertissement s’entremêlent et finissent par ne faire plus qu’un. D’ailleurs, les fêtes organisées par le président sont populaires auprès de Paris Hilton, Mike Tyson Vladimir Poutine et Tony Blair. Le succès
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a Notte quando è morto Pasolini est un court documentaire sur la nuit du 2 novembre 1975 lorsque le grand cinéaste Pier Paolo Pasolini est sauvagement assassiné. Pino Pelosi, qui avait été condamné le 6 avril 1976 pour ce meurtre et était alors âgé de dixsept ans, décide aujourd’hui de revenir sur ses aveux et d’éclaircir les faits de ce sombre épisode dans l’histoire de l’Italie et du cinéma. Il raconte que le meurtre de Pasolini aurait été exécuté par des partisans fascistes, les frères Borsellino, et prétend être une victime dans cet événement. Les vingt minutes du documentaire sont divisées entre des extraits de l’entretien entre la réalisatrice Roberta Torre et Pino Pelosi et des séquences dans lesquelles les vêtements
xle délit · le mardi 16 novembre 2010 · delitfrancais.com
de Berlusconi s’est fondée autour de l’image qu'il projette: un homme authentique, le sourire aux lèvres, pour qui l’avenir de l’Italie est primordial. Un seul homme, Fabrizio Corona, parviendra à ébranler cette structure avant d’être, lui aussi, aveuglé par la lumière des projecteurs. Il dirigeait, avant d’être accusé d’extorsion, de nombreux paparazzi et revendait aux célébrités (plutôt qu’aux tabloïdes) des photos qui compromettaient leur image parfaite, cette image d’une vie de rayons de soleils et d’arcs-en-ciel. Il a passé quelques mois en prison avant de devenir une icône, non parce qu'il avait parlé fort et levé un doute sur le gouvernement, mais plutôt car il était le sujet d’un nouveau divertissement. Corona fera l’objet d’autres enquêtes couvertes par les chaînes du président. Lele Mora dit même, sourire aux lèvres: «This investigation has become a free advertising campaign.»
Videocracy donne la parole à tous ces acteurs de la télévision italienne. Cette perfection à laquelle tend Berlusconi, ce reflet chimérique, crée une tension à la fois dans le pays et au sein des rencontres avec les autres gouvernements du monde. Le ton est plutôt neutre et ce sont davantage Silvio Berlusconi, Lele Mora et Fabrizio Corona qui font du documentaire une satire. Les divers entretiens sont structurés de sorte à créer un rythme impeccable qui ne fatigue ni n’ennuie le spectateur. On est assurément intrigué par cet univers. Enfin, l’exergue qui rappelle que 80% de la population italienne utilise la télévision comme source d’information fait résonner les mots de Corona: être timide, humble ou réservé ne convient pas à l’écran italien. Ceux qui parlent fort, ceux dont Videocracy fait un portrait, sont des exemples, des héros nationaux. Un documentaire qui fait rire et frissonner. x
que portaient Pasolini, Pelosi et d’autres objets récupérés sur la scène de crime sont soigneusement étalés sur une table. Les propos de Pino Pelosi perturbent parce qu’ils remettent en question cet épisode et la sécurité en Italie, du moins à l’époque. Pelosi, qui avait une relation avec le cinéaste, répond qu’il ne sait pas si Pasolini a été assassiné pour ses convictions politiques ou son homosexualité. Aucun froufrou esthétique, Pelosi est simplement assis dans un couloir. C’est sur ses paroles que Roberta Torre veut attirer l’attention. Et avec raison, puisqu’elles contiennent une certaine poésie. Ainsi, après avoir regardé quelques photos du cadavre de Pasolini, les larmes aux yeux, Pelosi raconte que le cinéaste ressemble au Christ. Plus tard,
il compare sa relation éphémère à la Cène, le dernier repas que Jésus-Christ prit avec les douze apôtres. Il explique également n’avoir jamais désiré faire la lumière sur cette nuit, suite à des menaces sur sa vie ainsi que celle des membres de sa famille. On lui avait même assuré que s’il agissait dans les règles, il sortirait plus rapidement de prison. Ses paroles et ses émotions semblent sincères si ce n’était pour cette image qui fond au noir: le visage de Pelosi orné d’un grand sourire. Est-ce le sourire du diable ou celui d’un homme dont le poids d’un lourd secret est maintenant enlevé de ses épaules? x
Par Mai Anh Tran-Ho Le Délit
Arts & Culture
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CINÉMA: RIDM 2010
Yves Saint-Laurent raconté par Pierre Bergé Luba Markovskaia Le Délit
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ans L’Amour fou, Pierre Thoretton propose un portrait du grand couturier français Yves Saint-Laurent à travers les yeux de son compagnon de vie, Pierre Bergé. Ce premier documentaire est centré autour de la vente et la mise aux enchères de la monumentale collection d’art du couple, constituée d’œuvres amassées au cours de vingt ans de vie commune. Pierre Bergé est interviewé dans leur maison, qui est presque un musée chargé de tableaux (Mondrian, Picasso, Chirico, pour n’en nommer que quelques uns), de sculptures et de meubles de collectionneur. Le film s’ouvre sur le discours d’adieu, puis les funérailles nationales du successeur de Christian Dior, ce qui n’est pas sans rappeler la place capitale qu’occupe la haute couture dans l’identité française. Ces évé-
nements sont d’abord présentés en noir et blanc, puis les couleurs s’ajoutent. S’ensuit dans un rythme juste une entrevue avec Pierre Bergé entrecoupée de scènes d’archives et de photos (notamment d’Annie Leibowitz et d’Helmut Newton). La trame du documentaire illustre bien les tourments liés à la gloire de ce créateur propulsé dans le monde de la haute couture à 21 ans, ainsi que son génie artistique. Artiste, Yves Saint-Laurent l’était. En témoigne sa sensibilité pour l’art qu’il a collectionné tout au long de sa vie. Il aimait les poètes, nourrissait une obsession pour Proust et avait un tempérament nerveux et difficile. On revoit les nombreuses demeures occupées par le couple à Paris, à Marrakech, en Normandie… et c’est sans doute dans ces scènes que le talent du réalisateur se révèle le plus. Les longues séquences d’une lenteur méditative servent à donner l’ambiance et le décor des lieux et dévoilent, comme
à son insu, une prédilection évidente de Thoretton pour l’esthétique architecturale. Ceci est même apparent dans la scène finale, celle de la vente aux enchères, où, malgré la tension de l’événement, la caméra s’évade à travers les murs et le plafond vitrés du Petit Palais pour filmer les environs. La maison où il s’entretient avec Pierre Bergé est progressivement dépouillée de ses œuvres sous le regard désabusé de Bergé, qui dit n’avoir aucune nostalgie et ne pas croire en l’âme de ces objets. La collection sera donc dispersée chez des collectionneurs privés, mais chacun des objets est filmé avec minutie et presque dévotion, ce qui fait de la caméra une sorte d’élément rassembleur des œuvres d’art, comme des souvenirs du compagnon de vie de Yves Saint-Laurent, qui tourne tout de même son regard sur le passé en se prêtant à l’exercice du documentaire. x En salle dès le 17 décembre.
Gracieuseté des RIDM
CINÉMA
Tombé sept fois, huit fois debout Le film de Xavier Molia dresse un portrait léger et lucide de la précarité en France.
Gracieuseté de UFO Distribution
Jade Weymuller Le Délit
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V, entretiens d’embauche, lettres de candidature: preuves de motivation ou objets de découragement? 8 Fois debout dresse le portrait d’Elsa, jeune trentenaire plongée dans une grande précarité. Elsa vit de petits boulots au noir, et sa seule famille est son fils de 10 ans dont elle a perdu la garde et qui vit chez son père. Elsa cherche désespérément un travail convenable et déclaré pour récupérer la garde de son fils mais enchaîne les entretiens ratées. Elle fait un jour la rencontre de Mathieu, son voisin de palier, lui aussi au chômage. Comme le proverbe le dit, tombé sept fois, huit fois debout. Le premier long métrage de Xavier Molia est un joli exercice d’équilibre entre
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comédie et drame. Il dépeint, entre autres, l’hypocrisie des procédures d’embauche et la dure réalité du marché du travail qui se veut de plus en plus exigeant. Les dialogues entre Elsa et Mathieu sur la façon de valoriser son CV sont hilarants. «Le tir à l’arc, c’est bien ça, ça fait sportif et intelligent», s’exclame Elsa en commentant le CV de Mathieu. On y voit aussi une satire de la pression sociétale qui nous pousse à faire des choix de carrière raisonnables et à poursuivre ses études jusqu’au bout sans laisser de place au doute, signe d’instabilité. On dispose de très peu d’informations sur Elsa, mais sa personnalité, tout comme celle de Mathieu, devient vite attachante. Elsa ne se plaint jamais et ne cherche pas à mentir sur sa situation, malgré la pitié de son ex-mari et le regard critique des employeurs.
Plutôt qu’un film politique, 8 fois debout est une fiction sur ces personnages bancals qui refusent de résumer leur identité à celle de leur travail. Xavier Molia élude toutes sortes de clichés sur la misère en montrant qu’il existe des situations de désarroi, même pour des personnes cultivées. L’impact des difficultés financières sur les relations avec autrui est mis en valeur. Elsa et Mathieu remettront constamment leur histoire amoureuse à plus tard puisqu’ils n’ont «pas la tête à ça». Elsa a honte de sa situation vis-à-vis de son fils, ce qui l’empêche de s’occuper de lui durant les fins de semaine. Le cercle vicieux de la précarité (pauvreté, dépression, manque d’estime de soi, chômage, pauvreté) est particulièrement bien dépeint. Loin d’être un film social, 8 fois debout montre certains fléaux toujours présents
en France, un pays qui reste marqué par la hiérarchie des classes. Sans être explicitement politique, le film réussit à valser entre une implicite critique sociale et une histoire d’amour, tout en abordant les difficultés de la monoparentalité. Le film prend fin sur l’importance de la solidarité et des relations humaines dans une société de plus en plus égoïste. Le bémol du film est un problème récurrent dans le cinéma français: l’absence de minorités visibles à l’écran. Le seul «étranger» est un américain. De plus, Elsa, jolie blonde, n’a pas les marques physiques de sa condition sociale. Le film manque donc de réalisme. Cependant, dans les entretiens, Xavier Molia explique que son objectif était de présenter une forme de marginalité dans laquelle beaucoup de personnes pourraient se reconnaitre. Dans ce sens, le film tient remarquablement bien. x
xle délit · le mardi 16 novembre 2010 · delitfrancais.com
Nicolas Minn
DANSE
La danse dans tous ses états
La danse est un art mystérieux, peu de gens osent s’y initier. Le nouveau spectacle de danse contemporaine de Frédérick Gravel, Gravel Works, est l’introduction parfaite pour se jeter dans la gueule du loup. Elizabeth-Ann Michel Boulanger Le Délit
P
our commenter un spectacle de danse contemporain, Frédérick Gravel considère qu’il n’est pas indispensable de connaître le vocabulaire technique et d’être un gourou de la danse. Trois gestes suffisent: la main à la tête, la main au cœur et la main au sexe. Le coup d’envoi est lancé: cinq danseurs et deux musiciens forment la troupe Grouped’ArtGarvelArtGroup (GAG), mise en place temporairement le temps des dix représentations. Gravel Works est en fait une série de tableaux qui forment un tout oscillant en-
tre le spectacle de danse, le show rock et le stand up comique. Les membres du groupe portent plus d’un chapeau tout au long du spectacle; les musiciens rejoignent ponctuellement les danseurs et le maître de cérémonie devient le chanteur. Ceci rend le tout très volage et surprenant. Anormalement long pour un spectacle de danse contemporain, Gravel Works contient un entracte qui marque une scission dans la forme. La première partie, plutôt lente, est constituée de courts tableaux pendant lesquels la musique est omniprésente. Dans la deuxième partie, les danses sont rythmées par une musique plus techno. La composition est plus collective et les tableaux beaucoup plus longs.
Le grand maître de cérémonie, le créateur lui-même, fait la transition entre les tableaux avec humour et une certaine maladresse sympathique. Fervent pédagogue, Frédérick Gravel explique les tableaux et la musique. Il faut dire que l’homme n’en est pas à son premier spectacle. C’est la troisième série de représentation de Gravel Works. De plus, il avait présenté il y a quelques mois Tout se poète la gueule, chérie [lire la critique dans la chronique de Francis Lehoux dans l’édition du 14 septembre 2010]. Adoptant le chapeau de chorégraphe, interprète, éclairagiste, chercheur, metteur en scène et musicien à tour de rôle, Frédérick Gravel est un artiste complet. Son parcours universitaire l’annonçait déjà, puisqu’il a été le premier a obtenir la bourse
David Kilburn, remise à un finissant en création et a complété une maîtrise sur le rôle de l’Artiste dans la société démocratique à l’Université du Québec à Montréal . Plusieurs aspects de la danse marqueront donc le public dans cette pièce: la qualité des performances des différents artistes qui osent et se surpassent physiquement, la simplicité et la maladresse des propos de Frédérick Gravel qui jase plus qu’il n’explique les tableaux et les choix musicaux qui les illustrent. Ce voyage contemporain touche à différentes sphères de la création artistique, prouvant que, parfois, nous n’avons pas assez de mains pour les mettre sur «notre tête, notre cœur et notre sexe». x Valérie Ouellet
THÉÂTRE
Sauvés par Tremblay
La mise en scène de Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges déçoit, mais la pièce réussit surtout grâce à la langue de Michel Tremblay.
Valérie Ouellet
Mai Anh Tran-Ho Le Délit
L
’œuvre de Tremblay n’est pas inconnue du metteur en scène Serge Denoncourt, qui avait déjà mis en scène plusieurs pièces de l’auteur. Toutefois, l’enjeu était différent cette fois-ci: Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges est un roman. Il est indéniable qu’un travail considérable de réflexion et d’adaptation a été effectué, pourtant, il y a quelque chose de factice, de forcé dans cette pièce présentée au théâtre Denise-Pelletier. Thérèse et Pierrette à l’école des SaintsAnges est le deuxième roman de la série des Chroniques du Plateau-Mont-Royal de Michel Tremblay. L’action centrale de ce roman est construite autour du cercle amical de Thérèse, Pierrette et leur amie Simone, une espèce de troisième roue que les deux premières aiment bien, comme on aime bien
savoir qu’on a une roue de secours. Plus précisément, le roman raconte l’épisode des préparatifs de la Fête Dieu, de la relation hiérarchique entre les fillettes et les religieuses, de l’autorité et de l’influence de la religion (nous sommes en 1942, quelques années avant la Grande Noirceur), de l’ignorance des femmes face à la sexualité et du refoulement de leurs désirs et de leurs colères. L’œuvre de Tremblay est une vaste épopée et les personnages sont multiples. Pour cette adaptation du roman au théâtre, Serge Denoncourt a réduit le nombre de vingt-six personnages à dix-huit. Choix tout à fait approprié, car l’action est alors moins éclatée et la pièce, plus simple à suivre. Les personnages sont claquemurés par les hautes clôtures de métal qui circonscrivent l’école, et ne manquent pas d’évoquer l’atmosphère d’une prison. En effet, on peut lire dans le programme ces mots du metteur en scène: «Une histoire de femmes à qui on refusait
xle délit · le mardi 16 novembre 2010 · delitfrancais.com
le pouvoir, qui brulaient d’envie de défoncer les clôtures sans trop savoir comment.» Ce que propose Serge Denoncourt, c’est de nous raconter une histoire. Il souligne son désir de garder intact autant que possible l’impression romanesque, notamment par la narration –les comédiens font des apartés pour préciser le passé d’un personnage ou pour commenter une scène, par exemple–, et de rappeler qu’ici, on raconte, on incarne des personnages, mais on n’est pas. Il était important pour le metteur en scène que son adaptation de Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges soit un témoignage de l’époque, un rappel de ce qu’ont vécu nos mères et nos grands-mères, un «album de famille». Jusqu’ici, la réflexion est incontestablement logique. Seulement, le roman semble ternir l’éclat qu’aurait pu avoir la pièce. La structure en courtes scènes calquées sur les courts épisodes propre à l’écriture
des Chroniques du Plateau-Mont-Royal crée un rythme fulgurant qui assomme le spectateur qui n’a pas le temps de reprendre son souffle. De surcroît, les extraits du texte, même ceux déclamés par les comédiens, sont projetés sur le fond de la scène et étourdissent le spectateur, la scène devenant ainsi trop lourde. Enfin, les personnages sont généralement interprétés avec justesse, mais le jeu est par moments inégal. Dans ces instants, les personnages deviennent manichéens et leur intériorité se perd, ces émotions et ces pensées comprises dans la narration et non dans le dialogue romanesque. En somme, l’adaptation de Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges de Serge Denoncourt est honorable, mais la transposition de l’univers romanesque n’est pas complète. On rit et on s’y plaît, surtout grâce au texte de Tremblay, et parce qu’enfin, c’est une belle histoire. x
Arts & Culture
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L’ÉDITO CULTUREL
Éthique 2.0 Emilie Bombardier Le Délit
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ombreux sont ceux qui ont fait l’éloge de la démocratisation des médias à l’ère numérique. Et avec raison. Ayant à sa portée des outils de plus en plus abordables, le lecteur et le spectateur peuvent non seulement s’informer plus facilement, mais aussi informer autrui. On ne compte plus le nombre de blogues et de tribunes nouveau genre qui ont fait leur apparition dans le cyberespace, certains ont même changé le visage de l’information traditionnelle. C’est notamment le cas du site américain Huffington Post, un quotidien d’information virtuel fondé par Jonah Peretti, Kenneth Lerer et la très mondaine Ariana Huffington. Lancé il y a cinq ans, le site comptait d’abord sur quelques employés et surtout sur ses blogueurs invités pour générer son contenu. Ceux-ci étaient souvent dénichés par Huffington elle-même, qui peut compter sur un carnet d’adresse bien fourni. Le nouveau média est désormais rentable, influent et en pleine expansion, de quoi déconcerter les plus sceptiques du domaine. Il n’est évidemment pas donné à tous de dénicher les John Cusack, John Kerry et Deepak Chopra de ce monde pour légitimer sa nouvelle plateforme. Le succès du Huffington Post prouve néanmoins qu’il est possible pour un média d’assurer sa viabilité en exploitant l’aspect participatif. En constatant l’importance grandissante du «journalisme citoyen» (le terme ne fait pas l’unanimité), certains médias ont perçu une occasion d’établir un véritable partenariat avec le lecteur. Le quotidien Le Monde, par exemple, laisse place à des tribunes alternatives et spécialisées, les blogues de ses lecteurs, qui font en sorte que sa couverture de tous les domaines de
l’activité humaine devienne plus complète. Les citoyens mettent souvent en lumière des secteurs peu couverts par les plateformes médiatiques traditionnelles. Et réciproquement, les médias traditionnels peuvent contribuer à la popularisation de ces tribunes alternatives sur leur site. Or, ce nouveau partenariat aurait tout intérêt à être mieux encadré. Un récent règlement de comptes au sein du San Diego Union Tribune, le plus grand quotidien de la ville californienne, prouve que la frontière entre journaliste professionnel et blogueur bénévole se brouille parfois, au détriment des deux. Le Los Angeles Times rapportait le 10 novembre dernier que l’une des collaboratrices de leur blogue d’arts visuels, Katherine Sweetman, avait appelé au boycott du journal, dénonçant à la fois le licenciement de Robert L. Pincus, critique d’art et critique littéraire de longue date, ainsi que les conditions peu avantageuses dans lesquelles les blogueurs du Union Tribune étaient amenés à travailler. Cette critique virulente des pratiques du quotidien a été publiée sur son propre site web, quelques heures avant d’être retirée par l’équipe éditoriale. Dans un billet intitulé «An Introduction/ Resignation (A Small Gesture)», Sweetman expliquait: «Avec l’intention de manifester son appui (factice) aux arts visuels, le Union Tribune a gracieusement offert à quelques artistes, spécialistes et professionnels du milieu des arts la chance d’écrire pour lui, n’exigeant de ceux-ci qu’un billet par semaine (52 par année). Et pour quel salaire? Aucun. Les arts sont très importants pour le Union Tribune, mais l’argent l’est également. J’ai accepté l’un de ces postes. C’était excitant. Il n’y avait aucune
COUP DE COEUR
Les Lions de Cannes règle, aucune contrainte journalistique, aucun rédacteur en chef, aucun support technique. Nous savions dès le départ que nous étions uniques. Nous étions une petite armée (...) prête à relever le défi, à pallier à la piètre couverture des arts visuels à San Diego, au désastre engendré par le Union Tribune lorsqu’il a licencié son seul critique d’art, Robert Pincus, en juin dernier. On nous a assuré que nous ne prendrions pas la place de Pincus. Il avait été remplacé par James Chute, critique de musique et directeur des cahiers spéciaux. Chute n’avait jamais écrit quoi que ce soit à propos de l’art, mais il était diplômé en musique. Il était donc tout à fait qualifié pour couvrir les arts visuels. Nous avons tout de même décidé de l’aider. Et puis ça nous a frappé. «Nous détestons le Union Tribune.» Le «nous» utilisé par la blogueuse a été contesté par quelques uns de ses collègues. Son billet soulève néanmoins d’importantes interrogations. Pourquoi des blogueurs spécialisés, sollicités par un média, ne seraient-ils pas rémunérés tandis qu’un journaliste qui ne connaît apparemment rien du domaine se voit offrir un poste rémunéré à temps plein? Pourquoi ne pas avoir engagé un blogueur, ou fait en sorte que le Union-Tribune’s visual arts blog devienne la référence de la publication en matière d’arts visuels? La sortie de Katheirne Sweetman souligne une importante lacune des médias de l’ère 2.0. Le cas du Union Tribune prouve qu’une redéfinition du journalisme professionnel s’impose, que la réalité de la profession n’est pas complètement adaptée au virage numérique dans lequel elle s’est entrainée. Du moins, avant que l’aspect participatif des médias ne soit qu’un prétexte pour économiser, le débat a certainement lieu d’être. x
Gracieuseté de l’APCM
Annick Lavogiez Le Délit
L
a pause publicitaire est souvent le moment du film, de la série télévisée ou encore de l’émission culturelle que l’on choisit pour se lever et vaquer à diverses occupations telles que le réchauffage de popcorn, l’utilisation discrète de la salle de bain, la consultation rapide de courriels et autres réseaux sociaux. Pourtant, à y regarder de plus près, certaines publicités mériteraient une réelle attention, puisqu’elles font preuve d’une esthétique de qualité, d’un scénario original ou encore d’une grande créativité. C’est d’ailleurs ce dernier aspect que le Festival des Lions de Cannes, considéré par l’Association des Professionnels de la Communication et du Marketing (APCM) comme le «plus prestigieux concours annuel de publicité à l’échelle mondiale et le plus large rassemblement international de publicitaires intéressés par la créativité en communication», choisit de récompenser depuis 1954. 28 000 pièces, divisées en douze catégories et venant de quatre-vingt-quatorze pays, se voyaient jugées sur leur créativité en juin dernier lors de cet événement. Constitué entre autres de six jurés canadiens sur un total de 206, le festival a récompensé huit agences du Canada, dont deux agences québécoises. L’APCM organise au Cinéma du Parc plusieurs projections du film Les Lions de Cannes 2010: Les meilleures publicités du monde, qui réunit différents spots publicitaire issus de cette 57e édition du Festival. Le film présente, entre
autres, Arctic Sun, qui promeut Tropicana Orange Juice en alliant le style documentaire à la promotion commerciale (Lion d’or de la catégorie film), ainsi que Subtitles et Sexuality, deux spots présentant le Festival International du Film de Vancouver (Lions de bronze de la catégorie film) de façon originale et humoristique. Le film permet ainsi aux adeptes du cinéma et du divertissement, aux amateurs et professionnels du marketing, ainsi qu’aux inconditionnels zappeurs de la publicité traditionnelle de réfléchir sur les rouages et la signification de la publicité dans la société d’aujourd’hui. Si les mécanismes de la promotion, qui reposent principalement sur des gags ou une esthétique originale, demeurent d’un pays à l’autre sensiblement proches, chaque spot publicitaire prend en compte la sociologie et la psychologie du public auquel il se destine. La créativité dont ils font preuve permet donc de les considérer comme d’excellents moyens d’appréhender la culture d’un pays. Les Lions de Cannes 2010: Les meilleures publicités du monde semble donc bel et bien être une projection à ne pas manquer, sa sélection variée constituant un excellent et fidèle reflet de la production de l’année 2010, partagée entre un humour certain et divers messages à portée sociétale plus sérieux et souvent poignants. x Les Lions de Cannes Où: Cinéma du Parc 3575 Parc Quand: dès le 19 novembre Combien: 8$
CHRONIQUE
La chronique dont vous n’êtes pas la cause Tant qu’il y aura des livres
Rosalie Dion-Picard
C’est avec mon habituelle angoisse bimensuelle que je vous propose cette chronique. Comme bien d’autres artisans de la presse universitaire, je vis dans l’ignorance la plus totale: qui lira mes modestes écrits? Ce doute, qui a une petite teinte pathologique, donne lieu à de nombreuses
14 Arts & Culture
tergiversations dont je vous épargne les détails, l’essentiel étant: pourquoi écrire si personne ne lit? Heureusement, je peux tenir quelques personnes pour lecteurs assurés. Vous vous doutiez bien que j’étais corrigée par aux moins trois personnes, qui vous épargnent mes premières versions –chanceux vous, comme on dit, mais qui d’autre?– car enfin, on ne sait jamais tout à fait (ni même à peu près) combien d’exemplaires des journaux gratuits sont lus, et encore moins ce qui en est lu. Mon courrier des lecteurs, qu’on ne pourrait qualifier d’abondant, n’est pas davantage une référence. Si ce n’était du rigoureux processus de correction, j’écrirais sans craintes les pires insanités, juste pour voir qui et s’il y a
des répliques. Puéril, je ne dis pas le contraire. Un lectorat qui ne se manifeste pas entraîne chez le chroniqueur étudiant deux réactions. Soit il s’octroie une certaine liberté, calculant que l’impact qu’aurait une publication d’une pertinence douteuse serait nécessairement limité par la taille du lectorat. D’où la tentation d’un laisser-aller… Soit il s’impose, au contraire, une rigueur parfaite: s’il y a peu de lecteurs, ce qui n’est en soi pas particulièrement flatteur, les pousser à la désertion tient du suicide éditorial. Pour certains, disposer d’un espace d’expression commande un travail sérieux. Pour d’autres, écrire ne peut être pris à la légère. Tous les textes doivent tendre à être irréprochables. Pour ceux qui ne ressen-
tent pas la culpabilité de produire une niaiserie parmi tant d’autres, écrire est un jeu. Peu importe la raison et l’effort investi, tous écrivent. La question demeure: pourquoi diable se donner tout ce mal, si ce n’est pour être lu? Que ce soit pour partager, pour présenter une opinion, une vision du monde ou, plus élégamment, une sensibilité particulière, c’est tout de même une tentative de communication, ne serait-ce qu’avec soi-même. Parce qu’enfin, sinon on ferait autre chose, ou plus probablement rien. Je soupçonne que la chose puisse aussi avoir valeur d’exercice, ce qui me paraît noble: vous aurez remarqué comme moi qu’il ne manque pas d’«auteurs» qui n’écrivent rien d’autre que des textos.
Une autre réponse, aussi fréquente que grossière: on écrit (de la fiction s’entend) avant tout pour être compris en passant un message. Or, une conception bien établie veut que la littérature, ce soit de dire les choses sans vraiment les dire. Par la bande. Par l’ironie. Par une foule de jeux linguistiques. Commencer un roman en expliquant, par exemple, que les jeunes ont du mal à trouver leur place dans la société, que c’est pour cette raison qu’ils minent sciemment leur réussite sociale, personnelle et professionnelle rend caduque la suite, que l’on conçoit être une démonstration argumentative. La littérature est surtout, il me semble, un portrait le plus exact et nuancé possible. Si l’on croit déjà comprendre le monde, nul besoin de creuser le réel. x
xle délit · le mardi 16 novembre 2010 · delitfrancais.com
CINÉMA
16 Juillet 1942
La Rafle est un film qui rappelle l’histoire des Juifs ayant péri durant la Rafle du Vélodrome d’Hiver.
LE DÉLIT AIME...
La CinéRobothèque
Gracieuseté de l’ONF
Elizabeth-Anne Michel Boulanger Le Délit
L
Gracieuseté de Séville Pictures
Margaux Meurisse Le Délit
«T
ous les événements, même les plus extrêmes, ont eu lieu cet été 1942.» Voilà les premiers mots que voit apparaître le spectateur, au tout début de la projection du film La Rafle réalisé par Roselyne Bosch. Ce film retrace l’épisode poignant de la déportation de milliers de juifs orchestrée par la police française pendant de la Deuxième Guerre mondiale. Cet événement s’inscrit dans le long processus de la Solution Finale, politique entreprise par les Allemands sous la direction d’Hitler et appliquée par le maréchal Pétain sur le territoire français. La réalisatrice choisit de suivre le quotidien de deux familles juives à la veille de leur déportation, alors que l’armée allemande contrôle la moitié nord de la France. Les parents de l’une des deux familles (Gad Elmaleh et Raphaelle Gaugué) tentent en vain de cacher la menace imminente à leurs enfants. D’abord, le port de l’étoile jaune, puis l’ordonnance interdisant aux Juifs l’accès aux places publiques. Dans cette descente aux enfers, trois jeunes bambins continuent malgré tout à gambader et à rire aux éclats dans les rues de Paris sous les regards tantôt inquiets, tantôt méprisants des passants. Au matin du 16 juillet 1942, la police cogne aux portes, frappe les femmes, agresse les enfants. Des dizaines de camions sont en route pour le Vélodrome d’Hiver. Au milieu de cette agitation, une infirmière dévouée (Mélanie Laurent) soutenue par un médecin juif (Jean Reno) font partie des résistants et se démènent pour apporter de l’aide aux 13 000 juifs entassés comme des bêtes et vivant dans des conditions exécrables. Quelques-uns
réussissent à passer à travers les mailles du filet grâce à l’appui du réseau de résistance, mais la majorité sont transportés vers le camp de Beaune-la-Rolande où ils souffriront de violences, de malnutrition et d’humiliation. Femmes, hommes et enfants sont séparés et déportés dans des trains de marchandises vers les camps d’Auschwitz-Birkenau où ils sont presque tous exterminés. Vingt cinq adultes seulement en sortiront vivants. Ce drame historique est savamment mis en scène par Roselyne Bosch qui excèle à recréer l’état d’esprit des officiers de la police française, des pompiers et des témoins de ces arrestations infondées. Elle présente une France collaboratrice et une France résistante, parvenant avec adresse à reconstituer l’atmosphère insoutenable de l’époque. Les enfants, par leur innocence et leur ingéniosité, endossent un rôle particulier. Dénonciateurs involontaires de leurs proches lors de la rafle et héros occasionels, ils portent en eux espoir et incompréhension. Les dialogues, vifs et percutants, sont souvent teintés d’un humour raffiné qui fera sourire avec précaution le public malgré la gravité des scènes projetées. La critique n’a apparemment pas été convaincue par le film et un journaliste des Inrockuptibles souligne la difficulté de la réalisatrice à faire un choix dans sa synthèse: «Construit selon trois échelles (Hitler dans les cocktails, le gouvernement de Vichy, les victimes de la rafle), La Rafle embrasse tous les points de vue sans laisser d’autre épaisseur d’âme à quiconque que celle provoquée par les violons.» Malgré tout, La Rafle possède des qualités certaines et sensibilisera ses spectateurs à l’un des épisodes les plus traumatisants de l’Histoire. x
xle délit · le mardi 16 novembre 2010 · delitfrancais.com
es années 1990 sont empreintes de plusieurs événements marquants chacun à sa manière; l’effondrement du bloc soviétique, la création des Spice Girls, la signature du protocole de Kyoto... et l’ouverture de la CinéRobothèque à Montréal. La CinéRobothèque, qui a pignon sur la rue St-Denis, demeure pourtant un établissement marginalisé. On la connaît peu. Certains vont même jusqu’à se demander en quoi, en 2010, à l’ère de la numérisation, cette vitrine de l’Office national du film (ONF) du Canada est encore indispensables à nos quotidiens. Tout d’abord, l’abondance des œuvres offertes ne peut qu’impressionner. Plus de 10 000 films sont disponibles pour le visionnement immédiat aux stations d’écoute individuelle. À son arrivée, le spectateur est libre de prendre place à un poste d’écoute et, à l’aide de l’ordinateur, de parcourir la liste
des films. Les plus indécis pourront parcourir l’index où il est possible de sélectionner les films par catégories (agriculture, arts visuels, droit et criminalité, politique et gouvernement, etc.), genre (films d’animation, expérimental, etc.), séries comme «100 Québécois qui ont fait le XXe siècle» ou encore par la filmographie des réalisateurs, des interprètes, des années de production, etc. Cet endroit offre toutefois plus que le visionnement gratuit sur place. Il y est possible de faire l’achat ou l’emprunt de films, de participer aux activités de groupe ou de louer des salles pour des projections personnelles. Tous les dimanches, le public a la possibilité de participer aux ateliers d’initiation au cinéma d’animation. Activité qui plaira sans aucun doute aux tout-petits et aussi aux plus grands! L’établissement offre aussi la possibilité de participer aux Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal (RIDM) qui ont lieu jusqu’au 21 novembre. C’est l’occasion unique de vision-
ner des documentaires provenant d’une trentaine de pays. En outre, le 23 novembre sera présenté Antonine Maillet – Les possibles sont infinis; la projection sera suivie d’un échange avec des représentants de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois. De belles activités pour les mordus de culture! Il est difficile de considérer la CinéRobothèque comme un concept désuet. L’ONF a seulement numérisé 1 000 films de sa collection sur son site Internet, mais l’accès web n’est pas pour autant en reste. Des extraits et des bandes-annonces de près 1500 films sont accessibles gratuitement... sur le iPhone, le iPad ou sur des pages personnalisées comme iGoogle ou Netvibe. Le déplacement en vaut la peine, car l’endroit nous séduit dès la première visite par sa simplicité, l’accueil et le service courtois. Les employés, prêts à conseiller et à répondre aux questions du public, contribuent à donner à la CinéRobothèque une place bien spéciale dans nos cœurs. x
Le dessin de la semaine
par Raphaël Thézé
Arts & Culture
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