le délit delitfrancais.com
Il était une fois le statu quo > 3 Sénat: environnement conservateur > 5-6 Prix du GG: les lauréats dévoilés > 11 L’art noir selon Jérôme Havre > 13 Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill.
L’eau dont on se lave les mains pages 8 et 9
Le mardi 23 novembre 2010 - Volume 100 Numéro 11, le seul journal francophone de l’Université McGill
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Éditorial
Volume 100 Numéro 11
rec@delitfrancais.com
le délit
Le seul journal francophone de l’Université McGill
Plus ça change, plus c’est pareil Mai Anh Tran-Ho Le Délit
D
epuis la dernière décennie, avec l’avènement de l’ère 2.0 et la prolifération des réseaux sociaux et des blogues, le nombre de tribunes sur lesquelles le modeste citoyen peut faire entendre ses mécontentements a explosé. Cependant, le simple citoyen a-t-il réellement plus d’influence sur les décideurs de demain? Permettez-moi d’être pessimiste et de répondre par la négative. Nous avons modifié nos pas de danse, même de chanson, mais rien n’a changé. Nos cris semblent sourds et nous frappons aux mauvaises portes. Permettez-moi de sauter du coq à l’âne et de sauter d’exemple en exemple. Manifestation… Samedi matin, le service des communications du Cégep du Vieux Montréal a signalé par voie de communiqué que l’établissement serait fermé jusqu’à jeudi, mettant ainsi de l’avant la grève des étudiants plutôt que la raison derrière celleci, selon Laurent Cornelissen, porte-parole de l’AGECVM. Les étudiants réunis en assemblée générale avaient auparavant voté en faveur d’une grève de trois jours pour lutter contre la hausse des frais de scolarité, parmi d’autres mesures régressives prônées par le gouvernement Charest dans son dernier budget. Ainsi, hier, le syndicat étudiant du Cégep du Vieux Montréal a organisé une manifestation pour dénoncer le lock-out décrété par l’administration. Trois journées de grève se tiendront aujourd’hui et demain, ainsi que le 6 décembre. Cependant, en fermant le cégep deux jours de plus et sans avertissement, l’administration ne nuit-elle pas aux études de ses étudiants? La manifestation des étudiants, qui a certainement pour objectif, entre autres, de démontrer le désir d’avoir accès à l’éducation, crée donc une contre-marée contraire. Pétitions... Depuis le 11 novembre, une pétition pour la démission du premier ministre du Québec lancée par le Mouvement citoyen
national du Québec accumule les signatures (225 830, à l’heure actuelle). Les signataires font ainsi appel à la démission de Jean Charest, car le gouvernement n’a pas répondu à la demande populaire et des partis de l’opposition concernant la mise sur pied d’une commission d’enquête publique sur les liens entre le financement des partis politiques et l’octroi des contrats gouvernementaux et d’un moratoire sur les gaz de schiste. L’île de Montréal n’est pas seule dans cette situation, le maire de Laval Gilles Vaillancourt fait aussi l’objet d’une pétition qui demande son retrait, lancée par le parti d’opposition suite aux allégations de tentatives de corruption et endossé par le porteparole de Québec Solidaire Amir Khadir. Cependant, tous les signataires de ces pétitions se rappeleront-ils dans un an pourquoi ils ont posé leur signature? À l’heure des prochaines élections, demanderontils des comptes à ceux qui ont lancé ou endossé les pétitions? C’est encore à voir.
de changements climatiques. Ce dernier a été battu à la chambre haute du Parlement par un vote de quarante-trois contre trente-deux (voir l’article en pages 5 et 6). Le mépris des conservateurs pour la Chambre des communes et pour la démocratie, même flagrant, n’a toutefois pas encore poussé les citoyens a lancé une troisième pétition qui s’attaquerait alors à ce troisième échelon politique. Pour le meilleur... mais pas le pire Est-il surprenant de voir que le support pour Barack Obama diminue, alors que nous nous rapprochons des élections de mi-mandat et que le Tea Party prend de l’avance? Que ceux qui s’enthousiasmaient de la «politique d’espoir» du premier président africain-américain des États-Unis lui tournent à présent le dos, et que cette position soit maintenant devenu un mot d’ordre? Comme plusieurs, il n’est pas parvenu à satisfaire les attentes que plusieurs avaient, particulièrement sur la question de la réforme des soins de santé, et semble sombrer seul dans une période de grand cynisme. L’ambigüité en tuera certains L’orientation sexuelle a été ôtée de la résolution des Nations Unies condamnant les exécutions sommaires et extrajudiciaires par un vote de soixante-dix-neuf voix à soixante-dix. Les pays musulmans et africains étaient ceux en faveur de ce changement. Cette résolution ciblait les lesbiennes et les homosexuels depuis 1999. «L’orientation sexuelle» a été remplacée par «motif discriminatoire de quelque sorte que ce soit». Ainsi, les gays et lesbiennes ne sont plus directement ou clairement défendues par les Nations Unies.
Raphaël Thézé
Vote... La population et les partis d’opposition pestent contre la décision des sénateurs conservateurs d’avoir rejeté le projet de loi C-311 sur la responsabilité en matière
Critiques vérulentes sur les blogues, manifestations populaires, pétitions enflées et endossées... Autant de formes d’expression citoyenne, plus ou moins innovantes, qui font de la démocratie 2.0 une démocratie qui écoute plus le citoyen lambda, sans forcément l’entendre. Les votes et les décisions «à la majorité et au nom du peuple», ça ne fonctionne plus. Solution 3.0? x
DÉMENTI Certains d’entre vous ont pu penser qu’il y avait un lien entre la Principale et Vice-Chancelière Heather Munroe-Blum et la mafia italienne montréalaise, dû à l’omission d’une barre horizontale entre l’article «HMB à cœur ouvert» et les photos des funérailles de Nicolo Rizzuto en page 4 de l’édition du 16 novembre. Précisons que Madame Heather Munroe-Blum n’a effectivement aucun lien avec la mafia, ni n’était présente aux funérailles du défunt patriarche de la mafia montréalaise.
ERRATUM Dans l’édition du 16 novembre, une erreur s’est glissée dans l’article «e-book à livre ouvert». Le ePub (electronic publication) est, en fait, un format de e-book. Il n’est pas lui-même un coût supplémentaire, mais il provoque des coûts indirects puisqu’il est assez coûteux de faire sa mise en page.
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rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Mai Anh Tran-Ho Nouvelles nouvelles@delitfrancais.com Chef de section Emma Ailinn Hautecœur Secrétaire de rédaction Francis Laperrière-Racine Arts&culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section Émilie Bombardier Secrétaire de rédaction Annick Lavogiez Société societe@delitfrancais.com Anabel Cossette-Civitella Xavier Plamondon Coordonnatrice de la production production@delitfrancais.com Mai Anh Tran-Ho Coordonnatrice visuel visuel@delitfrancais.com Élizabeth-Ann Michel-Boulanger Coordonnateurs de la correction correction@delitfrancais.com Anselme Le Texier Anthony Lecossois Coordonnateur Web web@delitfrancais.com Hoang-Son Tran Collaboration Martine Chapuis, Catherine Côté-Ostiguy, Max Dannenberg, Thomas Didier, Édith Drouin Rousseau, Camille Lefrançcois, Andreea Iliescu, Élise Maciol, Véronique Martel, Valérie Mathis, Devon Paige Willis, Catherine Renaud, Maya Riebel, Véronique Samson Couverture Raphaël Thézé bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Gérance Pierre Bouillon Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert The McGill Daily • www.mcgilldaily.com coordinating@mcgilldaily.com Emilio Comay del Junco Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Emilio Comay del Junco, Humera Jabir, Whitney Malett, Sana Saeed, Mai Anh Tran-Ho, Will Vanderbilt, Aaron Vansintjan, Sami Yasin
L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.
Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill.
Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec). Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).
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Nouvelles nouvelles@delitfrancais.com
CAMPUS
Peu de changements sous Obama Le commerce reste le principal pilier de la relation bilatérale. Thomas Didier Le Délit
L
a continuité est la pierre angulaire de la stratégie du nouveau gouvernement américain au Canada. C’est du moins ce que sous-tendent les propos tenus par l’ambassadeur des États-Unis au Canada, David Jacobson, lors de la conférence Fulbright Canada organisée par l’Institut d’études canadiennes de McGill le 16 novembre au Faculty Club. Les cinq fondements de la relation bilatérale sont, en ordre d’importance: le commerce, la sécurité à la frontière, la promotion des valeurs communes à l’étranger, l’Arctique, ainsi que l’énergie et l’environnement. Le commerce est le grand champion de ces objectifs. Il n’y a là rien de nouveau. L’Ambassadeur Jacobson citait le 29e président des États-Unis, Warren G. Harding, pour avoir noté en 1923 que l’indépendance et l’interdépendance sont les principes clés de la relation entre les deux pays nord-américains. De plus, selon l’ambassadeur, la majorité républicaine à la Chambre des représentants depuis les élections de mi-mandat du 2 novembre aura pour effet d’accentuer la pression du législatif en faveur du libre-échange. Les velléités protectionnistes des quelques élus républicains soutenus par le nouveau mouvement populiste-conservateur Tea Party ont été durement critiquées par M. Jacobson, et ne trouveront selon lui aucun soutien au Congrès. La mission américaine à Ottawa devra donc
se retrousser les manches pour honorer la promesse du président Obama de doubler les exportations nationales au cours des cinq prochaines années (oui, vous avez bien lu: une augmentation de 100%). Cet objectif fait partie de la National Export Initiative. Quant à la sécurité à la frontière, la collaboration à l’étranger, notamment en Haïti et en Afghanistan, et la souveraineté canadienne en Arctique, M. Jacobson s’est contenté de souligner le climat de sourires échangés et de bénéfices partagés dans lequel se déroule la coopération canadoaméricaine. Si un enjeu pouvait être le théâtre d’un changement de cap dans la politique américaine au Canada, il s’agirait de l’énergie et de l’environnement. Se démarquant du gouvernement de George W. Bush, qui misait sur une politique de production énergétique domestique accélérée pour répondre à une demande croissante, Obama a promu dans les débuts de son mandat la réduction de la consommation et la diversification des sources d’énergie. Il espérait ainsi positionner les États-Unis comme tête de file des technologies vertes. Or, pour le premier président vert des États-Unis, les sables bitumineux de l’Alberta sont un sujet fort épineux. Il faut dire que le Canada est le plus important fournisseur des États-Unis pour pratiquement toutes les formes d’énergies: le pétrole, le gaz naturel et l’uranium. Alors que les États-Unis consomment plus de 20% du pétrole au monde et n’en contrôlent que 2%, l’énergie canadienne apparait comme une source exception-
L’Ambassadeur Jacobson à McGill Owen Egan
nellement sûre. D’autant plus que rares sont les grands exportateurs de pétrole qui peuvent se targuer d’être des exemples de stabilité politique. Comment concilier cet incontournable avantage géostratégique avec une politique environnementale ambitieuse? L’Ambassadeur Jacobson reconnaît le défi du changement climatique et la responsabilité qu’ont les États d’y faire face, il y a peut-être là un changement en soi, du moins au niveau rhétorique. Il reconnait aussi que la faute est partagée, le Canada ayant à gérer ses sables bitumineux et les États-Unis son charbon. À son avis, le pla-
fonnement et l’échange de crédits de gaz à effet de serre (cap and trade) n’est pas une bonne solution à cause de l’effet négatif «très significatif» qu’il aurait sur l’économie. L’ambassade des États-Unis à Ottawa n’abonde toutefois pas en solutions innovatrices pour résoudre le problème entre dépendance énergétique et protection de l’environnement. L’Ambassadeur Jacobson conclut sa présentation en déclarant: «We will not solve the problem overnight, but we’ll get there». Si ce n’est pas le grand soir, de part et d’autre de la frontière les bons citoyens peuvent retourner dormir au gaz. x
Et ceci même en tenant compte du sexe, du milieu social et du pays d’origine. Les chercheurs précisèrent alors qu’aucun traitement pharmacologique n’avait un effet aussi prodigieux. Selon le Rapport Mondial Alzheimer de 2009 (rédigé par l’organisation Alzheimer Disease International), «on estime que 35,6 millions de personnes dans le monde seront atteintes de démence en 2010 et que ce nombre doublera à peu près tous les 20 ans, pour atteindre 65,7 millions en 2030 et 115,4 millions en 2050.» On peut parler d’une véritable épidémie, d’autant plus que la population mondiale est vieillissante, créant en partie cet effet exponentiel. Bien que le problème s’exacerbe surtout dans les pays au revenu faible et moyen, le monde développé n’est pas à l’abri pour autant: les malades compteraient environ 500 000 Canadiens, dont 120 000 Québécois. Be afraid; be very, very afraid. Dans un contexte aussi horrifiant de dystopie (et encore, je vous fais grâce des autres catastrophes prévues comme la disparition du pétrole et de l’eau potable, ou le réchauffement climatique irrécupérable), il faut néanmoins garder espoir. Avec la mondialisation et la facilité des déplace-
ments, je crois que les terriens deviennent de plus en plus multilingues. Nous sommes peut-être privilégiés à McGill, mais posezvous la question suivante: connaissez-vous beaucoup de personnes de moins de 50 ans qui ne peuvent pas parler deux langues (ou plus)? Le nombre d’unilingues baisse sans cesse, alors peut-être que cette population vieillissante résistera mieux qu’avant. En poussant les recherches, peut-être trouvera-t-on aussi le moyen d’exploiter ces avantages cognitifs du bilinguisme et de les médicaliser. En attendant, cette découverte défend l’avantage bilingue, et il devient évident qu’il faut encourager et promouvoir l’apprentissage des langues secondes. Aux États-Unis, avec la récession et le financement pitoyable du système éducatif, les premiers cours supprimés sont souvent les cours de langue. Je le sais car ma mère, prof de français et d’espagnol dans un high school américain, enseigne un cours de moins que l’année dernière. Dans d’autres écoles californiennes, c’est le département Français tout entier qui est menacé. C’est la preuve que la société anglophone, au nombrilisme notoire, a encore du chemin à faire lorsqu’il s’agit de reconnaitre les avantages du bilinguisme. x
CHRONIQUE
Arrière, Alzheimer ! Le cabot bilingue
Maya Riebel
C’EST LA FIN DU SEMESTRE ET notre cher bilinguisme a subi bien des affronts. Après le cirque un peu déprimant du projet de loi 103 et autres ramifications, après «les faux avantages du bilinguisme», et après la perspective imaginée et loufoque du créole franglais, je veux terminer sur une note plus optimiste. Laissons de côté un moment la linguistique et vive la science! Une nouvelle du 10 novembre nous apprend que des chercheurs canadiens auraient découvert un nouvel effet protec-
teur du bilinguisme: celui-ci retarderait l’apparition de la maladie d’Alzheimer. En effet, après l’examen de plus de 200 dossiers de patients atteints, il semblerait que les personnes parlant deux langues ou plus retardent les symptômes de plusieurs années, parfois jusqu’à cinq ans! Entre autres, ce sont les symptômes comme la perte de mémoire, la confusion, les difficultés à résoudre des problèmes et à prévoir les événements à venir. Selon le Docteur Fergus Craik, de l’Institut Rotman de Toronto, bien qu’il soit impossible d’affirmer que le bilinguisme protège de la maladie d’Alzheimer et d’autres désordres mentaux, une des explications serait que le bilinguisme contribue «à créer des réserves cognitives dans le cerveau qui semblent retarder l’apparition de symptômes d’Alzheimer pendant un bon bout de temps» (paru dans la revue Neurology). En fait, tout ceci est une précision apportée à une trouvaille datant de 2007, lorsque ces mêmes chercheurs avaient découvert que parler deux langues est associé à un retard dans l’apparition de la sénilité en général. Lors de cette étude précédente, ils ont découvert que les symptômes de sénilité apparaissaient en moyenne à 71 ans chez les unilingues, et à 75 ans chez les bilingues.
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Nouvelles
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POLITIQUE FÉDÉRALE
Engagement envers les autochtones Les droits des autochtones du Canada sont maintenant reconnus par la Déclaration des Nations-Unies sur les peuples autochtones. Francis L. Racine Le Délit
A
près des années de sourde-oreille, le gouvernement du Canada, par son ambassadeur aux Nations Unies, a signé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dans le respect intégral de la Constitution et des lois du Canada. En effet, le 12 novembre dernier, l’ambassadeur du Canada à l’ONU, John McNee, a formellement rencontré le président de l’assemblée générale des Nations Unies pour l’informer de l’appui officiel du gouvernement du Canada à la reconnaissance des droits des peuples autochtones à l’international. Cette déclaration qui est si chère aux autochtones du Canada décrit les droits individuels et collectifs des peuples autochtones, car elle énonce plusieurs principes qui devraient favoriser les relations harmonieuses et coopératives entre les peuples autochtones et les gouvernements, dont celui du Canada. Ces principes tournent autour de l’égalité, le partenariat, la bonne foi et le respect mutuel. Cette déclaration n’est pas contraignante sur le plan juridique, même il s’agit d’un bon pas vers de meilleures relations avec les peuples autochtones et vers le renforcement et l’amélioration de l’image du Canada a l’étranger après l’échec du vote pour un siège au Conseil de sécurité de l’ONU. À cette déclaration s’ajoutent de nombreuses initiatives gouvernementales à l’attention de la population autochtone qui compte les citoyens parmi les plus pauvres au Canada. Ces initiatives portent sur l’éducation, le développement économique, le logement, les services à l’enfance et à la famille, l’accès à l’eau potable et l’élargissement de la protection en matière de droits de la personne et de biens immobiliers matrimoniaux aux membres des Premières Nations qui vivent dans les réserves.
Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies Patrick Gruban
À cette déclaration et ces initiatives gouvernementales au niveau fédéral, le gouvernement du Québec a ajouté la semaine dernière la création d’un centre d’études collégiales (CEGEP) des Premières Nations. En effet, le ministre responsable des Affaires autochtones, Pierre Corbeil, en son nom et celui de la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, a affirmé que la création de ce centre d’études collégiales sera situé dans la communauté abénaquise d’Odanak. Le centre devrait accueillir ses premiers étudiants à l’automne 2011. Il sera administré par le Conseil en éducation des Premières Nations, en partenariat avec le CEGEP de l’Abitibi-Témiscamingue et le Collège Dawson. Il s’agit d’une continuité du soutien financier que le ministère de l’Éducation offre déjà à la dizaine de CEGEPs qui
ont mis en place des mesures pour ainsi favoriser la venue des étudiants aux études supérieures et la persévérance et la réussite scolaires des étudiants venant des communautés des Premières Nations. Après les pensionnats autochtones voulant les assimiler, après la Paix des Braves négociée entre les Premières Nations et le gouvernement de Paul Martin, et aujourd’hui avec la reconnaissance des droits des autochtones devant la communauté internationale, les membres des Premières Nations peuvent espérer voir leur situation s’améliorer. Tous ceux sensibles à la condition des autochtones se réjouiront de ces nouvelles augmentant la représentativité des populations autochtones sur la scène internationale et aussi de l’augmentation de l’éducation offerte aux jeunes autochtones. x
Le 29 novembre, croyez en Le Délit numéro spécial conjoint avec The McGill Daily dédié à la foi
4 Nouvelles
Frédéric Faddoul
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POLITIQUE FÉDÉRALE
Vie et mort du projet de loi C-311 La majorité conversatrice à la Chambre Haute du Parlement canadien met au brancard le projet de loi C-311 pendant que les sénateurs libéraux rayonnent par leur absence. Devon Paige Willis Le Délit
L
e 16 novembre, le projet de loi C-311, visant à assurer l’acquittement des responsabilités du Canada pour la prévention des changements climatiques dangereux, a été renversé par la majorité conservatrice au Sénat. Genèse et parcours d’un projet Ce projet de loi date de 2006 quand il a été introduit par Jack Layton, chef du Nouveau Parti Démocratique (NPD), comme projet de loi C-377. Cependant, le projet de loi est mort au feuilleton quand la Chambre des communes fut dissoute en 2008 lors des élections fédérales. Le projet de loi a ensuite été réintroduit en février 2009 par Bruce Hyer, porte-parole adjoint en matière d’environnement (eaux et parcs nationaux) du NPD, appuyé par Jack Layton. Après une deuxième lecture en avril 2009, le parlement l’a envoyé pour révision au Comité sur l’environnement et le développe-
ment durable. Six mois plus tard, la Chambre des communes a voté pour que le comité puisse continuer à réviser le projet de loi, qui n’a donc eu aucun impact sur la position du Canada durant ses négociations à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques à Copenhague. Finalement, le projet de loi a été accepté en Chambre des communes en mai 2010 par un vote de 149 voix contre 136. Comme toute loi au Canada, ce n’était qu’une des nombreuses étapes. Le projet de loi est passé aux mains du Sénat le lendemain, où il aurait fallu qu’il soit adopté avant d’être soumis une dernière fois à la Chambre des communes pour le vote final et pour sanction royale par le Gouverneur général, avant de devenir une loi applicabe. La saga du projet de loi C-311 au Sénat Le projet de loi a été discuté au Sénat quatre fois avant d’être rejeté mardi dernier. Retour sur les discussions. Une politique en-
vironnementale peut être bonne pour l’économie La première fois que le projet de loi C-311 a été introduit au Sénat, le sénateur libéral de l’Alberta Grant Mitchell a expliqué que ceci signifierait l’adoption d’un véritable plan par le gouvernement pour combattre les changements climatiques. Même si les objectifs du projet de loi semblaient ambitieux: une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 25% d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990 et de 80% d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 1990, le premier objectif n’était pas facultatif si le gouvernement avait adopté le projet de loi, suivi d’un plan. Le sénateur Mitchell a réitéré ce que le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) avait établi dans leur rapport en 2007: qu’à 90% de certitude, les humains seraient la cause principale du changement climatique observé de nos jours. Finalement, le sénateur a soutenu qu’une bonne politique environnementale n’est
Nous ne sommes pas la cause principale du changement climatique et ce n’est pas une menace importante.
Le changement climatique est vrai et nous en sommes la cause principale.
Agir (investissements pour atténuer les effets des changements climatiques).
Les gouvernements ont investi, mais les effets prévus par le GIEC n’ont pas été si importants; une hausse des dépenses est une des quelques conséquences.
Il y a eu des effets sur le climat, mais grâce aux investissements pour atténuer ces effets, on s’en sort avec une crise économique.
Ne pas agir (aucun investissement).
On n’a rien investi pour éviter les changements climatiques. Ces effets sur le climat n’entraînent pas les effets prévus par le GIEC.
Catastrophe mondiale tant sociale, environnementale et économique. On n’a pas agi (ou bien on n’a pas agi assez vite).
pas néfaste pour l’industrie et l’économie, au contraire elle serait bénéfique. Au Royaume-Uni, ditil, 550 000 emplois «verts» ont été créés par un gouvernement et une économie qui auront doublé leur objectif sous Kyoto d’ici 2012. De plus, la Banque TD, avec le Docteur Mark Jaccard, un scientifique spécialisé en environnement renommé de l’Université Simon Fraser, ont abouti à la conclusion que, si on maintenait le rythme actuel jusqu’en 2050, l’économie croîtra de 2,4%, mais que si on réduit le rythme du changement climatique pour les objectifs de 2020 la croissance sera seulement de 0,1% en deçà de 2,4%. Les sénateurs conservateurs ont maintenu qu’une politique comme celle-ci aurait des effets néfatses sur l’industrie pétrolière en Alberta. Dilemme du prisonnier Durant la deuxième discussion, le 8 juin 2010, le sénateur libéral d’Alberta Tommy Banks a expliqué les enjeux par une théorie des jeux. La première option
serait d’agir sans que ce soit nécessaire. L’effet sera donc un gaspillage d’argent et la possibilité d’une crise économique. La deuxième option serait de ne pas agir, puis d’apprendre plus tard que c’était la bonne décision et qu’il n’a pas fallu agir. La troisième option est d’agir maintenant et de savoir plus tard que c’était la bonne décision. Il y aurait des coûts associés, mais ce serait de l’argent bien dépensé; on souffrirait d’un désastre économique, mais on éviterait une possible catastrophe climatique. Finalement, la possibilité la plus sombre serait de ne rien faire, de continuer au même rythme, mais que les effets prévus par le GIEC soient tous véritables, que les niveaux des océans augmentent, qu’il y ait des guerres pour l’accès à l’eau potable, de la sécheresse extrême, une grande perte des forêts, des inondations, des famines, des ouragans, des bouleversements sociaux et un effondrement économique complet. Suite sur la page 6
Le Sénat canadien Common-Wikipedia - Mightydrake
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Nouvelles
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Suite de l’article en page 5 Si l’on décide de ne pas agir, c’est un pari que l’on peut gagner ou perdre. Par contre, si on agit, le pire qu’il puisse nous arriver, c’est de gaspiller de l’argent et d’avoir des problèmes économiques pendant quelque temps, ou bien réussir effectivement à éviter les dangereux changements climatiques. Cette génération et les générations à venir seront alors épargnées. Que fait le gouvernement actuellement? Durant le troisième débat, le sénateur Mitchell remet en question le plan actuel du gouvernement Harper. D’après Marjory LeBreton, le Canada doit agir à l’unisson avec les États-Unis et appuyer l’accord de Copenhague: «Nous sommes engagés à réduire, d’ici 2020, les émissions [de gaz à effet de serre] du Canada de 17% sous les niveaux de 2005.» Le sénateur Mitchell a répliqué que «la seule chose vaguement environnementale de la liste de politiques annoncées est que le gouvernement continue à recycler ses politiques.» Psychologie inversée Durant la quatrième et dernière discussion, le sénateur libéral Robert W. Peterson a essayé
une tactique de psychologie inversée. Il maintient que le projet de loi C-311 n’est pas suffisant, même désuet, mais qu’il faut tout de même faire pression pour que le gouvernement Harper agisse. Finalement, le projet de loi est venu au Sénat une dernière fois le 16 novembre. Les sénateurs libéraux ne souhaitaient pas qu’il soit reporté, mais ils ont perdu le vote face aux conservateurs. Plusieurs sénateurs libéraux étaient absents, et de nouveaux sénateurs conservateurs présents, nommés récemment au Sénat par le Premier ministre, donc quand le vote a lieu, la motion a été rejetée d’un vote de quarante-trois voix à trente-deux. Faut-il réformer le Sénat? Il y a deux problèmes très importants en ce qui concerne le rejet de ce projet de loi, mis à part l’impact environnemental direct: les conservateurs ont subverti la démocratie, et il est très rare que le Sénat rejette un projet de loi. Le Sénat devrait seulement le faire lorsque les sénateurs pensent vraiment qu’il aura des effets néfastes sur la vie quotidienne des Canadiens. Ce projet de loi était si modeste, une première étape, qu’il est difficile de justifier son rejet. De plus, les sénateurs conservateurs ont été appelés à voter de cette manière par le premier ministre.
Université d’Ottawa
Les conservateurs ont utilisé leur majorité au Sénat pour défaire le projet de loi C-311 Raphael Thézé
Ceci dit, où étaient les sénateurs libéraux? La politique au Canada est un jeu, comme le hockey. Si presque la moitié de l’équipe, soit dix-sept sur quarante-neuf des joueurs, ne se présente pas, il y a de très bonnes chances de perdre le match. Dans le contexte du Sénat, si dix-sept sénateurs libéraux ne se présentent pas lors de la discussion, il devient facile pour les conservateurs de rejeter un projet de loi. De plus, comment les Sénateurs peuvent-ils accomplir leur rôle
de représentants de minorités, de régions et de provinces s’ils ne se présentent pas pour les discussions au Sénat, les résultats desquelles impactent forcément ceux qu’ils sont censés représenter? Les conservateurs ne voulaient pas que ce projet de loi, adopté de façon démocratique par la Chambre de communes, devienne loi: ils l’ont donc fait rejeter sans beaucoup de consultation. Toutefois, plusieurs sénateurs libéraux n’étaient même pas
présents en séance au Sénat. Où étaient-ils? Il faudrait peut-être avoir d’abord une discussion sur la responsabilité des sénateurs envers les Canadiens. x
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POLITIQUE INTERNATIONALE
Haïti: Colère bleue
Les Casques bleus sont-ils victimes de violence ciblée ou boucs émissaires d’un désespoir généralisé? Emma Ailinn Hautecoeur Le Délit
C
’est une minorité bruyante, concentrée dans le Nord du pays qui vocifère et pointe du doigt les casques bleus comme étant à l’origine de l’épidémie du Choléra. Une rumeur court que les bataillons des Nations Unies, venus du Népal avant le début de l’épidémie, auraient contaminé les eaux de la rivière adjacente. Pourtant, Nigel Fisher, coordonateur de l’action humanitaire des Nations Unies en Haïti, questionné par la station Al Jazeera, a soutenu «que l’eau avait été testée et que les résultats étaient tous négatifs». Quelle que soit la véracité de ses accusations, elles sont néanmoins la source d’émeutes qui met un frein à l’effort humanitaire. Les routes sont bloquées par les manifestants, ce qui empêche la distribution des produits de décontamination d’eau et des autres commodités d’aide. Pourtant les haïtiens, ou ceux qui manifestent, tiennent responsable la MINUSTAH
(MIssion des Nations Unies pour la STAbilisation en Haïti) qu’ils attaquent même directement. Ils ont le sentiment que le gouvernement les a abandonnés à une semaine des élections présidentielles. Il semble que pour une fois, le gouvernement et les ONG travaillent ensemble, mais le résultat n’est pas si harmonieux. L’expérience de l’UNICEF en Haïti, relatée par la responsable des relations publiques de la branche canadienne de l’organisme, Nancy Bradford, semble confirmer les connivences entre les branches des Nations Unies et le gouvernement. Mme Bradford rejette l’accusation d’infantilisme du gouvernement haïtien provenant de la présence prolongée des ONG dans le pays. «On a toujours travaillé avec le gouvernement, l’UNICEF est présent sur le terrain lorsque le gouvernement en fait la demande, donc je pense pas que c’est les infantiliser, on les aide à se prendre en charge.» L’UNICEF est sur le terrain depuis 1949. Un autre mythe apparent serait le manque de coordination
et la compétition supposée des différentes ONG impliquées dans l’aide humanitaire au jour le jour. La relationniste témoigne de cette harmonie: «On travaille vraiment main dans la main. Les ONG présentes travaillent ensemble dans les différents camps.» La coopération locale fait aussi partie de l’agenda de l’UNICEF. Leur focus sur la prévention est articulé surtout «autour de l’empowerment et de la formation des communautés pour permettre qu’elles soient elles-mêmes la source de solutions futures». La police locale est donc en charge de la sécurité et du transport, et les enseignants s’occupent de la distribution des produits et d’inculquer de bonnes pratiques d’hygiène aux enfants. Selon Mme Radford, ils n’ont pas fait face à des problèmes de distribution jusqu’au moment des insécurités qui ont eu lieu dans les régions nord et ont empêché l’accès à ces régions. Ils sont en ce moment plus de 230 personnels, ont construit 1500 latrines, visent la promotion
Soldat en zone sinistrée Jack Kurtz
auprès de 500 écoles et 554 centres résidentiels pour enfants, et entrainé 4000 locaux. Ils comptent augmenter ces effectifs mais les Nations Unies maintiennent que l’aide internationale reçue est inadéquate; sur le 163 millions demandés, ils ont pour l’instant seulement 5 millions en dons.
Ce portrait plutôt rose –Nancy Radford est rentrée à Montréal avant de pouvoir constater les émeutes de ses propres yeux– contraste vivement avec la colère des manifestants soit-elle plutôt en lien avec l’instabilité du pays et les élections prochaines, où la présence internationale accrue après le séisme de janvier. x
CHRONIQUE
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xle délit · le mardi 23 novembre 2010 · delitfrancais.com
Le 29 novembre débutera, à Cancún, la 16e Conférence des Parties de la ConventionCadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Il s’agit de la suite des négociations de Copenhague, une occasion d’analyser les avancées depuis la dernière convention et de fixer des objectifs plus contraignants de lutte contre les changements climatiques. Alors qu’une majorité de Canadiens pense que le gouvernement Harper doit aller plus loin dans ce domaine et se doter d’un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus ambitieux, le 16 novembre, le Sénat canadien votait à quarante-trois voix contre trente-deux en faveur de l’abolition du projet de loi C-311. Ce projet de loi jugé peu ambitieux au regard des cibles
choisies marquait tout de même un pas en avant pour renforcer l’engagement du Canada dans le dossier des changements climatiques. Quarante-trois personnes, censées représenter la population canadienne, ont décidé de la voie à suivre, en allant à l’encontre de la volonté de plus de vingt-cinq millions de Canadiens. Avouez que ce n’est pas fort comme processus démocratique. L’opinion est partagée par la Coalition canadienne des jeunes pour le climat qui a décidé de s’occuper de son futur si personne d’autre n’avait envie de le faire. Plus précisément, la Délégation de la jeunesse canadienne, composée, cette année, de vingt-neuf jeunes bénévoles de 18 à 30 ans, participe aux négociations internationales sur le climat depuis la conférence de Montréal, en 2005. La délégation travaille fort pour faire connaître la position des jeunes sur le climat, qui est aussi celle d’une majorité de Canadiens; une position loin d’être en ligne avec celle du gouvernement: «Cancún sera d’ailleurs une des dernières rencontres importantes pour les parties avant la fin de la première période d’engagement du Protocole de Kyoto», affirme Catherine Gauthier, coordonnatrice de la Délégation de la jeunesse canadienne. Quant au rôle de la délégation, Catherine Gauthier renchérit: «Le temps presse et des
pays comme le Canada s’acharnent à freiner l’avancement des négociations plutôt que de faire preuve d’un véritable leadership en matière de lutte contre les changements climatiques. La jeunesse compte ainsi faire pression sur les décideurs politiques tout en mobilisant les citoyens canadiens à faire de même.» Les membres de la délégation se réjouissent de pouvoir parler à plusieurs délégués de pays différents qui peuvent faire valoir leurs propos. Ils travaillent également avec des petits pays qui disposent d’un nombre limité de délégués ce qui les empêche d’assister à toutes les séances: «nous sommes leurs oreilles et leurs scribes». Quant aux attentes sur la conférence, Catherine Gauthier finit sur le ton suivant: «La Délégation de la jeunesse canadienne espère toujours voir la communauté internationale –le Canada n’y faisant pas exception– s’entendre sur des engagements légalement contraignants pour la période post-2012 du Protocole de Kyoto.» La délégation est bien sûr branchée sur divers réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter, et vous pouvez également vous abonner à leur publication, le CO2tidien, pour recevoir les dernières nouvelles en matière de négociations internationales sur le climat. x
Nouvelles
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Société societe@delitfrancais.com
On s’e Quel est l’état de la gestion collective de Camille Lefrançois Le Délit
Q
ue ce soit en parlant de «locavores», d’agriculture urbaine, de toits verts ou d’écotourisme, ces dernières années auront vu l’apparition de tendances vertes se voulant autant d’exemples de pratiques dites écologiques. À l’ère du développement durable, on vous offre même un indice permettant de mesurer l’impact de votre mode de vie sur l’environnement: l’empreinte écologique. Cependant, qu’en est-il de l’eau, cette ressource dont le Québec dispose si fièrement? C’est la question que pose le Programme d’économie d’eau potable (PEEP) du Réseau Environnement avec
son slogan «Vous êtes verts, mais êtes vous bleus?». Le programme introduit le concept de l’empreinte sur l’eau, c’est-àdire la quantité d’eau nécessaire pour la production de biens, du champ ou de la forêt jusqu’à votre foyer. Au PEEP, le concept est utilisé «pour que les gens prennent conscience de la valeur de l’eau», explique Philippe Kouadio, directeur des opérations pour Réseau Environnement. On vous apprendra ainsi que la production d’un seul hamburger nécessite près de 2400 litres d’eau du champ à votre assiette, en passant par toutes les étapes de transformation et de transport. Au mois d’octobre, le Forum québécois sur l’eau a offert plusieurs conférences abordant les enjeux de la gestion de l’eau
au Québec en tant que ressource fragile, collective et économique. Comme l’ont fait remarquer plusieurs observateurs tels que René Vézina, animateur lors de l’événement, l’eau douce au Québec est «tellement abondante qu’on ne s’en est jamais vraiment occupé». En revanche, la tenue du Forum suggère un changement dans les mentalités. En effet, les récentes prédictions sur les impacts des changements climatiques ont fait prendre conscience à une grande partie de la population de l’importance de ménager notre environnement.
Aperçu d’une ressource Le Québec a la chance de posséder à lui seul près de 3% des réserves d’eau douce de surface de la planète. L’abondance de cette ressource, renouvelable de surcroît, pourrait sembler une raison suffisante pour reléguer l’importance d’en réduire notre consommation au second plan des préoccupations environnementales. Néanmoins, il est important de prendre conscience de l’éloignement des ressources d’eau douce, puisque seulement 10% de celles-ci sont situées à proximité des grands foyers de population, concentrés au Sud du Québec. Comme le rappelle M. Kouadio: «Environ la moitié de la population du Québec vit de l’eau du St-Laurent», ce qui constitue 40% de nos réserves d’eau douce. Les Québécois possèdent donc beaucoup d’eau douce, mais une majorité de celle-ci n’est pas vraiment à portée de main. De plus, plusieurs de nos nappes phréatiques approchent déjà leur limite d’exploitation, c’est-à-dire que l’exploitation dépasse leur capacité à se renouveler. Il n’est pas nécessaire de chercher très loin pour se rappeler les pénuries d’eau ressenties dans plusieurs municipalités au cours de l’été 2009 qui, suite à une sécheresse, ont privé un certain nombre de citoyens
«
Abondant ne veut pas dire illimité.»
Les rues McTavish et Dr Penfield; en excavations depuis le debut de l’année scolaire. Elizabeth-Ann Michel Boulanger
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de l’accès illimité à l’eau auquel ils étaient habitués. C’est pendant de telles périodes seulement que certains se refusent le droit de disposer d’autant d’eau potable qu’ils le souhaitent pour l’arrosage extérieur (et souvent abondant) de leur jardin, pelouse, piscine ou même entrée de garage. Bref, malgré les importantes réserves d’eau dont dispose le Québec, un survol de la situation
permet de constater qu’abondant ne veut pas dire illimité. La qualité de l’eau est un autre facteur important lorsqu’on parle de consommation d’eau. Encore une fois, M. Kouadio note que «plus nous consommons d’eau,
«
Les mesures d’économies d’eau sont souvent les mesures ‘‘d’arrière-scène’’dont la population mcgilloise n’a pas toujours conscience.» plus nous en rejetons. Pourtant, après une première consommation, l’eau n’est plus de la même qualité.» En effet les eaux usées, malgré le traitement auquel elles seront soumises, contiendront toujours des contaminants au moment de leur sortie de l’usine tels que, par exemple, des perturbateurs endocriniens, soit des substances hormonales naturelles, ou artificielles (notamment la pilule contraceptive) provenant notamment des déjections humaines et qui peuvent négativement affecter le système hormonal d’autres organismes vivants. Ces contaminants auront des effets potentiellement dommageables sur le consommateur ainsi que sur les écosystèmes aquatiques qui les recevront. On note également un coût direct lié à la capacité de traitement de nos usines d’épuration des eaux usées, que ce soit pour agrandir les infrastructures existantes ou pour les approvisionner en produits de traitement. Bref, il n’y a pas que la quantité d’eau douce disponible à considérer pour assurer son maintient en tant que ressource renouvelable, mais aussi sa qualité, qui sera grandement affectée par une utilisation plus abondante de cette ressource.
Maux de tête au compteur À Montréal, comme dans plusieurs municipalités québécoises, beaucoup d’eau potable est perdue à cause de l’état des canalisations. Celles-ci, pouvant dater de plusieurs décennies, sont responsables de la perte d’un maximum de 40% de l’eau qu’elles véhiculent. Ce gaspillage entraîne non seulement une perte de la ressource, puisqu’une grande partie ne se rendra jamais à bon port, mais également un gaspillage des coûts de traitement d’une eau qui ne sera jamais consommée. Heureusement, pourrait-on dire, les municipalités québé-
en lave les mains l’eau au Québec, à Montréal et à McGill? coises, y compris Montréal, semblent avoir pris conscience du problème et travaillent à y remédier. Les nombreux travaux de l’été sur l’île l’auront souligné. Toutefois, un problème vieux de plus de cent ans ne se résout pas si rapidement et Montréal n’a pas fini de perdre de l’eau dans les dédales de ses réseaux d’aqueducs. L’absence presque complète de compteurs d’eau sur l’île a également des répercussions importantes sur la consommation d’eau. Seuls les plus grands consommateurs d’eau du secteur industriel sont taxés en fonction de leur consommation d’eau réelle. Pour tous les autres consommateurs, un montant fixe est ajouté aux taxes municipales. Cela ne fournit donc aucun indicateur, et encore moins de motivation économique, pour réduire notre consommation. Depuis 2002, la ville s’est toutefois dotée d’un plan pour répondre à ces problèmes. La mesure de la consommation d’eau s’appliquera aux bâtiments industriels, commerciaux et institutionnels en instaurant des tarifs basés sur l’utilisation d’eau grâce à l’installation de compteurs. Malheureusement, ce sont les scandales de corruptions quant à l’octroi du contrat d’installation des compteurs qui ont rendu le projet célèbre plutôt que les effets bénéfiques qu’il pourrait avoir sur l’économie d’eau potable à Montréal. Depuis la crise, le contrat d’installation des compteurs d’eau a été suspendu pour l’examen du vérificateur général. Il ne faudra donc pas compter sur les compteurs d’eau pour réduire la consommation de la ville avant quelques années.
Réno sur le campus La consommation d’eau à McGill évolue en relation étroite avec le contexte montréalais. Plusieurs auront d’ailleurs constaté les travaux qui ont eu lieu à l’angle de l’avenue Dr Penfield et de la rue McTavish depuis quelques mois, où des canalisations d’eau de la ville sont en réparation. Pour ceux qui ne seraient pas au courant, le terrain de football situé entre Dr Penfield et l’avenue des Pins abrite en fait un réservoir d’eau de la ville de Montréal. L’université est donc inévitablement liée de près à la gestion de l’eau potable de la ville. Toutefois, qu’en est-il de l’université elle-même? Dennis Fortune, directeur du développement durable de McGill, affirme que «la réduction de la consommation d’eau est un principe prioritaire reconnu par l’université». La politique de développement durable de McGill ayant été adop-
tée en mai dernier, M. Fortune et le Bureau du développement durable travaillent maintenant à la rendre «vivante». En ce qui concerne l’eau, le processus est quelque peu complexe. La consommation d’eau n’étant pas mesurée, il n’est pas facile de définir des objectifs ou des indicateurs de la consommation sur le campus. De l’absence de compteurs découle une absence de motivation économique directe à réduire cette même consommation, puisque la ville ne facture pas de frais sur la base de la quantité d’eau consommée. Présentement, l’université en est donc au stade de «prise de conscience» de sa consommation d’eau afin d’en identifier les principaux problèmes ainsi que leurs solutions. Pourtant, il peut sembler difficile de déceler une activité de l’université sur ce front. Selon M. Fortune, c’est parce que les mesures d’économies d’eau sont souvent des mesures «d’arrière-scène» dont la population mcgilloise n’a pas toujours conscience. Concrètement, les rénovations de l’édifice Otto Maass permettent d’illustrer l’effort discret, mais concret, de l’administration quant à l’économie d’eau. Les rénovations, de par les investissements de capitaux qu’ils suscitent, fournissent une excellente occasion de s’attaquer à la consommation d’eau. M. Fortune note que, parmi les dix objectifs de développement durable du projet, trois s’adressent directement à l’utilisation d’eau: diminuer la consommation d’eau, mesurer la consommation d’eau et éliminer l’utilisation d’eau potable comme refroidisseur, une mesure notamment utilisée dans les laboratoires. Les travaux en cours devraient donc permettre l’amélioration de la gestion de l’eau potable sur le campus. Toujours selon M. Fortune, la prochaine étape concernant l’économie d’eau potable sur le campus devrait consister en une meilleure communication entre l’administration et les étudiants. Cela permettrait, en premier lieu, de faire connaître les initiatives de l’université à sa communauté de même que, en second lieu, d’encourager celle-ci à poser des gestes afin de contribuer à l’amélioration du bilan collectif. Car, si une partie de la responsabilité de la consommation d’eau repose sur l’état des infrastructures, une grande partie repose en effet sur l’utilisation quotidienne que la population fera de ces infrastructures. Que devrait-on en conclure? En s’interrogeant sur l’état de la consommation d’eau collective au Québec, force est de constater qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour en arriver à une consommation durable. Si la ville de
Montréal tente lentement, mais sûrement, de pallier aux lacunes d’un système de canalisation vieux de plusieurs décennies, un gaspillage important continue chaque jour. L’Université McGill semble aussi
«
Montréal n’a pas fini de perdre de l’eau dans les dédales de ses réseaux d’aqueducs.»
s’inscrire dans une volonté d’intégrer la gestion de l’eau au sein des pratiques de développement durable en saisissant des opportunités telles que la rénovation des édifices pour diminuer la consommation d’eau sur le campus du centre-ville.
La mise en place d’initiatives au niveau de la gestion collective de l’eau sert toutefois à faire ressortir un aspect vital à la question de la consommation d’eau au Québec: l’importance de la consommation individuelle au quotidien. Comme a pris soin de le mentionner M. Fortune, une fois les infrastructures adaptées, c’est entre les mains de tout un chacun et de nos actions au quotidien que repose la possibilité d’un véritable changement. Le Québécois consomme en effet 401 litres d’eau en moyenne par jour, ce qui fait de lui un des plus grands consommateurs de la planète. Il ne faudrait donc pas oublier, comme nous l’indique le Programme d’économie d’eau potable, de penser bleu avant de se dire vert. x
Les conduites d’eau seront totalement rénovées au courant de l’année. Elizabeth-Ann Michel Boulanger
Société
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OPINION
L’art d’en vouloir plus... ...et de blâmer le gouvernement en même temps. Édith Drouin Rousseau Le Délit
L
e 5 octobre dernier, une marée d’étudiants s’était donné rendezvous devant les bureaux du premier ministre Jean Charest à Montréal pour manifester contre la hausse des frais de scolarité. Un étudiant expliquait alors pourquoi il distribuait des grilled cheese lors de la manifestation: «Le symbole des grilled cheese, c’est pour illustrer que l’aide financière aux études donne seulement sept dollars par jour pour manger», affirmait avec ferveur celui-ci. Bon, arrêtons-nous ici pour faire un court calcul. En multipliant sept dollars par le nombre de jours dans une semaine, nous arrivons à une somme totale de quarante-neuf dollars. En tant qu’étudiante qui fait son épicerie à chaque semaine, une telle somme me semble très raisonnable. Pensez à ce que coûtent une miche de pain blanc et un paquet de tranches de fromage Kraft et venez me répéter ensuite que c’est la seule chose que vous puissiez vous payer avec quarante-neuf dollars par semaine. Il y a bien des chances que vous vous trouviez dans un certain embarras. C’est quand même frappant de voir que tous ces étudiants soient venus manifester sur la base d’un argument qu’ils n’ont pas questionné. Où je veux en venir? Le niveau de vie que maintient la plupart des étudiants est plus conséquent de leur surendettement que de leur frais de scolarité. Je ne me lancerai pas dans le débat concernant les frais de scolarité, à savoir si les hausses sont justifiées et de quelle manière l’argent est dépensé. Mon argument est que le niveau d’endettement étudiant risque de rester élevé même si les frais de scolarité n’augmentent pas. S’endetter lorsque nous étudions, c’est un fait de la vie. Avoir 30 000 dollars de dette à la fin d’un bac de trois ans, c’est discutable. Ce qui est à lorigine du surendettement des étudiants (et non de leur endettement), ce n’est pas nécessairement la surconsom-
Léo Bureau-Blouin, président de la Fédération Étudiante Collégiale du Québec (FECQ) lors de la manifestation du 5 octobre dernier. Maurice Dykmans
mation, mais leurs mauvaises priorités de consommation. Le fait est que sept dollars par jour, ce n’est effectivement pas assez si on mange toujours à la cafétéria, si on va au restaurant où si on passe ses journées
dans les cafés. Faire son épicerie en fonction des rabais, emmener des lunchs, ou faire son café soi-même ne sont pas des actions si souffrantes. Elles demandent seulement un peu de temps et d’effort.
Les études sont une période de la vie où nous devons accepter de faire des sacrifices. C’est une expérience de vie qui en a long à nous apprendre. Il suffit de laver sa vaisselle à la main pour avoir une petite leçon d’humilité. Je connais des gens qui se paient des voyages en Europe pendant l’été et qui boivent une quantité d’alcool impressionnante par semaine. Après, ils sortent dans la rue en clamant haut et fort qu’ils sont surendettés. Où est la logique? Quelqu’un qui se plaint de l’augmentation des frais de scolarité, qui ne fait pas attention à ses dépenses et qui ne travaille pas, c’est comme quelqu’un qui se plaint de la hausse du prix de l’essence alors qu’il roule en Hummer. Voulons-nous seulement avoir accès à un système d’éducation supérieure, ou bien avoir accès à un bon système d’éducation supérieure? Si on refuse le changement nécessaire, on stagnera, et ce n’est pas sortir dans la rue qui y changera quelque chose. Ce n’est pas une question de devenir un État capitaliste, c’est une question de savoir faire des compromis. Hausser les frais de scolarité ne détruira pas notre social-démocratie: nous payons déjà un montant significatif pour étudier. Ce qui dérange, c’est de payer plus, c’est d’en avoir moins dans ses poches. Ce qui dérange, c’est que les étudiants auront le choix entre revoir leurs priorités ou s’endetter encore plus. Pour ceux qui ont envie de répliquer que même s’ils font attention, leur dette d’étude augmentera forcément, je vais répliquer que de commencer sa vie professionnelle avec une dette étudiante, ce n’est pas faire voeu de pauvreté. Si tu n’as fait aucun excès notoire durant tes études, cela signifiera seulement qu’il faudra attendre quelques années avant d’acheter une maison, une auto et un cinéma maison. x Cigales et fourmis mcgilloises: réagissez et écrivez-nous à societe@delitfrancais.com.
L’ACTUALITÉ EN INSTANTANÉE Manifestations contre le G20 Le 12 novembre dernier, une centaine de personnes de tous âges se sont donné rendez-vous dans la soirée pour manifester en marge du dernier Sommet du G20, qui avait lieu à Séoul, en Corée du Sud. Parmi les slogans arborant «Feu aux prisons», «Vos profits, ça suffit», et «Capitalisme: c’est la mort», le coup de coeur du Délit est «Les vrais casseurs sont chefs d’État». Heureusement, seulement quelques incidents mineurs ont été signalés. La manifestation était organisée par le mouvement Convergence des Luttes Anticapitalistes.
On veut vos clichés. David Huehn
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societe@delitfrancais.com xle délit · le mardi 23 novembre 2010 · delitfrancais.com
Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com
LITTÉRATURE - PRIX DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL
Et le prix revient à...
Marie-Claire Blais, Martine Desjardins, Agnes Gruda, Dany Laferriere et Kim Thúy étaient en lice pour remporter les grands honneurs. Elizabeth-Ann Michel Boulanger Le Délit
C
’est le 16 novembre qu’avait lieu la remise des Prix littéraires du Gouverneur général à la Grande Bibliothèque. La grande fête de la littérature canadienne remet sept prix pour les livres de langue française et sept prix pour les livres de langue anglaise aux auteurs, illustrateurs et traducteurs canadiens sélectionnés par des comités de jurys. Le prix du Gouverneur général date de 1937 et suit les recommandations du Conseil des Arts du Canada. Les prix ont été institués par le Gouverneur général Lord Tweedsmuir D’Esfield, que l’on connaît aussi sous le nom de John Buchan, auteur
Cette année, les finalistes avaient été annoncés à la mi-octobre à Toronto. Fait étonnant, la moitié d’entre eux ont eut l’honneur d’être en nomination pour la toute première fois cette année. Nul besoin de dire que la tension était palpable. Pour le volet consacré à la littérature en français, la compétition était plus que féroce. Dans la catégorie littérature jeunesse», Élise Turcotte, déjà récipiendaire d’un prix GG, a remporté les honneurs avec son roman Rose: derrière le rideau de la folie publié aux Éditions de la courte échelle. C’est aussi ce roman qui a été félicité pour la qualité de ses illustrations, conçues par Daniel Sylvestre. C’est la deuxième fois dans l’histoire des Prix qu’un même livre était reconnu dans les deux catégories.
Les lauréats : Allan Caset, Dianne Warren, Kim Thúy, Danielle Fournier et Sophie Voillot Max Dannenberg | Le Délit
du roman The Thirty-Nine Steps. Depuis ce temps, les prix «GG» se sont forgés une solide réputation et sont devenus les plus grands prix littéraires du Canada. C’est seulement en 1951 que l’on attache une bourse aux honneurs du titre de récipiendaire. En 1959, le Conseil des Arts fédéral prend à sa charge l’attribution des prix et fonde du même coup un volet de langue de langue française.
Dans la catégorie traduction de l’anglais au français, c’est Sophie Voillot qui a remporté les honneurs avec Le Cafard (traduction de Cockroach écrit par Rawl Hage) publié aux Éditions Alto. Avec grande surprise, la femme a prononcé un discours très politisé où elle a tenu à remercier Pauline Marois pour les mesures sociales qu’elle avait adopté durant son passage en cabinet ministériel.
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Elise Turcotte, récipiendaire du prix de littérature jeunesse Max Dannenberg | Le Délit
Comme quoi, politique et littérature peuvent faire bon ménage! En poésie, Danielle Fournier a été récompensée pour Effleurés de lumière. La jeune femme a confié avoir écrit ce livre «pour ne pas mourir» et a donné un discours très touchant. Ce recueil de poèmes écrits en prose dévoile les deux facettes d’une quête de l’identité féminine, et ce devant un chœur grec qui fait office de narrateur. C’était un premier prix pour la poétesse, tout comme pour Michel Lavoie qui a remporté le prix dans la catégorie études et essais grâce à l’ouvrage C’est ma seigneurie que je réclame: La lutte des Hurons de Lorette pour la seigneurie de Sillery, 1650 à 1900, aux Éditions du Boréal. Côté théâtre, l’honneur de recevoir la bourse de 25 000$ est allé au très théâtral David Paquet pour la pièce Porc-épic publié chez Dramaturges Éditeurs. Enfin, dans la catégorie la plus convoitée, Romans et nouvelles, la compétition était forte: Marie-Claire Blais avec Mai au bal des prédateurs publié aux Éditions du Boréal, Martine Desjardins avec son livre Maléficium qu’on trouve aux Éditions Alto, la journaliste Agnès Gruda pour Onze petites trahisons publié aux Éditions du Boréal et le flamboyant Dany Laferièrre
avec L’énigme du retour, qui a d’ailleurs remporté le prix Médicis et le Grand Prix de la Ville de Montréal. Finalement, c’est l’écriture raffinée de Kim Thúy et son premier livre Ru, publié aux Éditions Libres Expression, qui aura conquis le jury. La principale intéressée s’est dite honorée et s’est exclamée «Si vous regardez la liste des finalistes, je suis clairement l’intruse!» Très humblement, elle a aussi confié «Je connais des passages par cœur de L’énigme du retour. Je dois vous avouer que c’est le livre que j’aurais rêvé avoir écrit.» C’est le tout premier prix GG pour la jeune femme d’origine vietnamienne diplômée de l’UdeM en droit, en linguistique et en traduction, mais son œuvre a déjà été remarquée auparavant, car elle a remporté le Grand Prix RTL-Lire 2010 et a été finaliste du Prix des cinq continents de la Francophonie. Son Excellence le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, remettra les prix aux gagnants le jeudi 25 novembre lors d’une cérémonie à Rideau Hall. x Pour la liste des gagnants et les titres des œuvres de langue anglaise, et autres informations, visitez www.canadacouncil.ca/prix/plgg.
Kim Thúy
Kim Thúy et David Paquet, auteur de la pièce Porc Épic
Max Dannenberg | Le Délit
Max Dannenberg | Le Délit
Arts & Culture
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THÉÂTRE
Triste hommage
La jeune comédienne et metteuse en scène Catherine Vidal a certainement fait sa marque en présentant Le Grand Cahier il y a près de deux ans. Elle ne répète toutefois pas l’exploit avec Amuleto, son adaptation du roman de Roberto Bolaño. Émilie Bombardier Le Délit
«M
onde, Amérique du Nord, Mexique, Mexico D.F. [...]» Les premiers instants de la pièce prouvent que l’œuvre du chilien Roberto Bolaño s’enracine dans un contexte bien précis: celui des révoltes étudiantes de 1968 dans un pays qui, s’apprêtant à accueillir les premiers jeux olympiques en Amérique Latine, souhaitait à tout prix les réprimer. Amuleto rend hommage à une génération dite sacrifiée, à la jeunesse idéaliste et aux artistes visionnaires des années 1970. Trois comédiens présentent en quelques phrases cette période tumultueuse de l’histoire du Mexique en déclamant. L’épisode dégage quelque chose de factice, de didactique et donne malheureusement le ton à l’ensemble de l’adaptation de Catherine Vidal. Alors que l’armée mexicaine prend d’assaut l’Université Nationale Autonome de Mexico (UNAM), professeurs et étudiants sont arrêtés, et tous sont forcés de quitter le campus. Tous sauf Auxilio La Couture (Dominique Quesnel), qui se trouvait à ce moment cachée dans les toilettes d’un des bâtiments. Elle y reste confinée pendant douze jours, le temps d’entraîner le spectateur dans son quotidien et son imaginaire, ponctués par ses rencontres avec trois jeunes poètes qui la considèrent à la fois comme muse et mère spirituelle. Dans sa mise en scène, Catherine Vidal opte, à juste titre, pour le dépouillement. Aucun artifice ou accessoire inutile. Seulement quelques panneaux clairs qui encadrent l’espace et des effets d’éclairage rappelant l’esthétique surannée de l’époque. Les personnages èrent dans les rues de Mexico,
revendiquent une poésie libre et affrontent toute forme de répression. L’attention est uniquement portée au texte de Bolaño, écrivain qui transpose dans son verbe les convictions et espoirs qu’il a lui-même défendus de son vivant. Pourtant, Amuleto n’a rien du périple poétique qu’il promet. Tout porte à croire que la finesse de l’œuvre se perd à la traduction, ne laissant place qu’à un texte édulcoré, soutenu par une contextualisation trop lourde. Les trois jeunes poètes ne sont que des caricatures, figures immatures et idéalistes sans aucune lucidité. Les comédiens qui les incarnent, Olivier Morin, Renaud LacelleBourdon et Victor Andres Trelles Turgeon, ne semblent d’ailleurs pas croire en leur personnage, hésitant toujours entre l’exagération et le détachement. Dominique Quesnel, qui interprête Auxilio La Couture, est, quant à elle, plus convaincante, bien que son personnage manque de profondeur. De la page aux planches, plusieurs maladresses, sans doute. Alors que le message politique et la fantaisie poétique priment, les scènes se succèdent sans vraiment être situées, encore moins comprises. La mise en scène elle-même revêt un caractère inachevé, décousu. L’adaptation du roman de Bolaño, en somme, ne s’accorde ni à l’époque, ni au public auquel elle est présentée. Le Théâtre de Quat’Sous, fidèle à sa louable vocation, a pris une fois de plus le parti de la nouveauté, de l’imaginatif et de l’inédit. L’entreprise comporte parfois des risques, et Amuleto en est malheureusement la preuve. x Amuleto Où: Théâtre de Quat’Sous 100 des Pins Est Quand: jusqu’au 16 décembre Combien: 22$
Les quatres comédiens d’Amuleto, œuvre adaptée et mise en scène par Catherine Vidal. Yanick Macdonald
CHRONIQUE
La corde raide Rêveries familières
Véronique Samson
Dans un numéro de L’Inconvénient intitulé «Tolstoï ou Dostoïevski», un des collaborateurs prenait parti pour l’auteur de Guerre et paix et d’Anna Karénine en faisant valoir son «art des vues larges». Par cette formule, Mathieu Bélisle entendait que le romancier savait s’extraire de sa création et élever sa conscience au point d’atteindre une sorte de «balcon métaphysique», surplombant le monde de ses personnages, pour mieux y revenir ensuite. Laissons Tolstoï un moment pour nous intéresser à Perrine Leblanc, auteure
12 Arts & Culture
d’un premier roman paru cet automne au Quartanier, qui a pour nom L’homme blanc et dont l’action se déroule en URSS. Le récit s’ouvre sur une description des camps de travaux forcés et se termine peu après l’effondrement du bloc. Si la situation géographique de la narration peut justifier ce bond du romancier barbu à la jeune écrivaine québécoise, c’est plutôt l’usage des «vues larges» qui établit du premier à la seconde un lien essentiel. Bien entendu, nous ne sommes pas devant deux œuvres de même dimension. Toutefois, cette profondeur de champ au sein de la narration donne à L’homme blanc des airs de roman assez traditionnel du XIXe siècle, au rythme bien régulier. Le narrateur ouvre la voie avec quelques indications bien placées qui témoignent de sa connaissance de l’avenir et du passé des personnages. Cela est étonnant pour un roman contemporain dont on pourrait dire qu’il est souvent caractérisé par l’absence de recul (voir à ce sujet la chronique du 26 octobre sur Vincent Tholomé, auteur de la même maison d’édition, qui a plutôt le nez collé sur ses propres élucubrations). Cette impression de grande maîtrise qui se dégage de L’homme blanc est peutêtre ce qui lui a permis de rafler le Grand Prix du livre de Montréal, la semaine der-
nière. L’histoire est en effet bien ficelée, et le narrateur nous guide avec aisance d’un bout à l’autre du destin de Kolia, né orphelin dans un camp de travail, pris en charge par un Suisse érudit, puis immigré à Moscou pour finir clown au visage de craie dans une troupe populaire et pickpocket à ses heures perdues. La quête identitaire du personnage prend la forme d’une impressionnante traversée du XXe siècle, où l’histoire individuelle, comme l’histoire collective, accumule les rebondissements. En publiant L’homme blanc, l’un des deux premiers titres de la collection «Polygraphe», le Quartanier s’écarte légèrement de sa ligne directrice et s’ouvre davantage aux goûts du grand public. Cela n’empêche pas le roman de Perrine Leblanc d’être d’une grande qualité, avec ses nombreux traits d’esprit et son écriture sobre, très juste. Cependant, malgré plusieurs observations qui témoignent de la fine sensibilité de l’écrivaine, L’homme blanc échoue à nous happer entièrement en tant que lecteur. Nous voudrions parfois plus de détails, l’impression d’un fourmillement de vie autour du récit; nous aimerions sentir les pages imprégnées de l’atmosphère du contexte historique, mais celui-ci finit plutôt par glisser sur l’aventure du héros sans
créer trop de friction: «l’actualité politique et sociale était pour eux comme une voix off.» Enfin, ce héros, nous le voudrions parfois doté d’une plus grande profondeur. Bien sûr, Kolia est un personnage sans origines, en quelque sorte sans identité, qui adopte le masque blanc du clown et demeure ainsi anonyme parmi la foule devant laquelle il se produit tous les soirs: «ça lui donnait l’impression, dans la glace, d’être quelqu’un d’autre, comme lui-même enfin, peut-être.» Il est donc légitime que sa psychologie soit limitée, mais il semble qu’il lui manque ce relief qui nous permettrait de le suivre avec plus d’attachement. Peut-être la faute est-elle celle des «vues larges», qui prennent dans L’homme blanc la forme d’un simple éloignement, égal tout au long du roman, et qui a pour conséquence une impression d’unidimensionnalité généralisée. Nous en conclurons que la distance romanesque est une corde raide, qui constitue «l’âme» même d’un récit, pour reprendre la belle expression citée par Perrine Leblanc en postface (l’âme étant le centre du fil de fer). Le romancier, en jouant comme Tolstoï avec la profondeur de champ et en oscillant sans cesse du plus proche au plus lointain, doit savoir trouver un parfait équilibre. x
xle délit · le mardi 23 novembre 2010 · delitfrancais.com
Gracieuseté du MAI
ARTS VISUELS
Le petit frère de Basquiat L’exposition Insula: Réflexions de Jérôme Havre, présentée au MAI, explore les conceptions occidentales de l’art noir. Véronique Martel Le Délit
A
u rez-de-chaussée du Montréal, arts interculturels, une petite salle sombre abrite la plus récente exposition de l’artiste parisien Jérôme Havre, intitulée Insula: Réflexions. À l’entrée de la pièce, un bruit de vagues s’échouant sur le sable se fait entendre. Le titre de l’exposition laisse croire que ce bruit est destiné à nous plonger dans une atmosphère insulaire. La notion d’insularité est parfois associée à celle de vacances. Or, l’installation de Havre n’a rien à voir avec un séjour au Club Med. Au premier abord, l’exposition semble un peu étrange, mais le visiteur comprend assez rapidement de quoi il est question. Les murs, peints par l’artiste lui-même en plusieurs semaines, affichent des coloris noir, gris et blanc. Quelques couleurs vives –jaune, rouge et indigo– ornent discrètement le bas des murs. L’éclairage contribue également à l’étrangeté des lieux. Une faible lumière pro-
vient des ampoules au plafond, mais ce sont les forts néons disposés sur le sol, face aux murs, qui constituent la principale source de luminosité. Cinq affiches disposées sur les cloisons de l’installation mettent en relation questions et images, telles «When will we be beautiful?», «Et si Marcel Duchamp avait été noir?» et une famille de gens de couleur dont les visages ont été remplacés par des masques blancs aux motifs tribaux. Au centre de la salle, des figurines brunâtres sont suspendues au plafond par un fil transparent. Ces humanoïdes pendent à la hauteur du visage des visiteurs. Le message est clair: Havre critique l’attitude occidentale envers l’artiste noir. Les huit figurines de nylon de la série Hybride (2009) semblent être la représentation de la perception occidentale de l’homme noir: lèvres et dents surdimensionnées, oreilles immenses, yeux exorbités, pustules, corps difforme, comportant même parfois des traits animaux. L’ombre de ces poupées à l’aspect vaudou, produite par les tubes fluorescents sur le plancher, renforce l’angoisse du visiteur.
Un habit arborant les mêmes teintes et les mêmes textures que les statuettes de tissu est exposé sur un cintre (Contour Subjectif, 2010). Ce costume paraît apporter une suite logique aux figurines; il illustre l’idée que l’artiste noir doit mettre un uniforme, se déguiser afin de pénétrer le monde de l’art et y être accepté. De ce fait, Havre s’inscrit directement dans le sillage de l’œuvre de Basquiat. Ce dernier avait été critiqué, notamment par bell hooks (Gloria Jean Watkins), pour avoir épousé des stéréotypes raciaux liés aux Africains-Américains dans le but de plaire aux artistes blancs, tel Andy Warhol, ainsi qu’aux critiques d’art ethnocentriques. Même si la démonstration de Jérôme Havre est assez efficace, le son doux et apaisant des vagues contredit, néanmoins, l’aspect monstrueux, agressif et inquiétant des figurines, des deux masses sculpturales difformes et des pancartes aux commentaires éloquents. Au lieu de causer une angoisse supplémentaire, ce bruit «insulaire» désamorce la portée de l’œuvre. x
Depuis 2000, le MAI (Montréal, arts interculturels) est un lieu de rencontre, d’échanges et de partage pour l’art émergent contemporain créé par des artistes aux origines ethniques multiples. Le MAI s’engage ainsi à accompagner et à appuyer les artistes dans leurs démarches artistiques, le multiculturalisme y étant vu comme une source de création intarissable et génératrice de nouvelles pratiques artistiques. Le MAI présente pièces de théâtre, concerts, performances et expositions. Le conseil d’administration y est tout aussi éclectique: il est constitué d’un pianiste, d’un membre du clergé et d’une sociologue analyste, ainsi que d’autres figures aux parcours tous plus originaux les uns que les autres.
Insula : Réflexions Où: MAI 3680 Jeanne-Mance Quand: jusqu’au 11 décembre Combien: entrée libre Yves Renaud
THÉÂTRE
Autopsie d’une société
L’expression «La pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre», prend tout son sens dans la pièce Le Dieu du carnage présentée au Théâtre du Nouveau Monde. Elizabeth-Ann Michel-Boulanger Le Délit
Y
asmina Reza est particulièrement connue pour sa pièce Art qui reste un incontestable succès. Femme de lettres, elle a endossé le rôle d’actrice notamment dans À demain de Didier Martiny et Loin d’André Téchiné. Ses productions, généralement très humoristiques malgré leur touche de pessimisme, mettent en scène des personnages contemporains poussés à la dérision qui reflètent les défauts de notre société. Chamailleries d’enfants qui deviennent querelles de parents, plus ça change, plus c’est pareil. Le Dieu du carnage présenté au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au
11 décembre ne fait pas exception. La pièce prend forme sous la direction de Lorraine Pintal et est interprétée par l’inséparable duo Anne-Marie Cadieux et James Hyndman, ainsi que Guy Nadon et Christiane Pasquier. Une bataille entre deux enfants dans une cour d’école dégénère lorsque l’un des gamins se retrouve avec deux dents cassées. Les parents, soucieux de régler le conflit de la façon la plus juste possible, décident de se rencontrer. Tranquillement, la courtoisie et les bonnes intentions font place aux attaques personnelles. Les quatre adultes ne sont plus que des fanatiques du dieu du carnage. L’auteur souligne ici une question très amusante: la violence du parent se retrouvet-elle dans le comportement de l’enfant ou est-ce le contraire?
xle délit · le mardi 23 novembre 2010 · delitfrancais.com
Le texte fait preuve d’un humour dévastateur et, malgré un décor statique, est très rythmé et énergique, ponctué de répliques courtes et mordantes. Essoufflés par cette joute verbale, l’excès de leur personnage et la nécessité de mettre le tout à la mesure du texte, les comédiens excellent. Au-delà de ce texte poignant, on découvre une critique sociale percutante. Une société narcissique composée d’hommes et de femmes qui camouflent leurs pulsions sous de faux airs polis. Le Dieu du carnage n’est pas une pièce «cérébrale» au sens péjoratif du terme. Bel exercice oratoire entre les personnages, elle est plutôt légère et humoristique. Il est impossible d’échapper à la critique virulente du narcissisme que propose Yasmina Réza. D’un point de vue philoso-
phique, c’est une pièce très riche en analyse; la vision de Sartre comme celle de Rousseau est représentée. La metteuse en scène ne cache pas qu’elle a beaucoup été influencée par la pensée de Jean-Jacques Rousseau lorsqu’elle a cherché à aborder la pièce sous un angle nouveau. En effet, elle repose de façon drôle et intéressante la fameuse question: les enfants sont-ils réellement des êtres purs que la société corrompt? x Le Dieu du carnage Où: Théâtre du Nouveau Monde 84, Sainte-Catherine Ouest Quand: jusqu’au 11 décembre Combien: 33$
Arts & Culture
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THÉÂTRE
Goupil à la montréalaise
Quelques planches de bois clair empilées, des rires derrière les rideaux sombres, les éternels sièges verts qui se remplissent. Le théâtre Mainline se dresse dans toute sa splendeur avec la pièce Dark Owl. Valérie Mathis Le Délit
C
’est dans une atmosphère de début d’hiver, où les dos se courbent et où les cernes s’agrandissent sous l’effet terne de la lumière, que la pièce Dark Owl commence. À l’intérieur de petites maisons de bois au cœur du Nouveau-Brunswick, on nous chuchote de grands secrets. «J’suis pu dans’ game.» Les paroles pesantes d’Utrope, vieux père de famille, résonnent du fond de la salle. Le dos courbé, une pipe aux lèvres et son shack comme seul havre de paix. La famille est morte, les personnages s’enterrent. Enrobée dans des sentiments refoulés et des non-dits camouflés par des disputes infantiles, l’histoire de Dark Owl soulève aussi des questions de communication, seule capable de sortir les personnages de l’isolement dans lequel ils sont plongés. Le mystère de la malédiction jetée sur la famille d’Utrope s’éclaircit petit à petit, au milieu des engueulades, des chansons et des cris de désespoir. Dans cette ville inconnue où quelques étrangers portant malheur «arrivent de nulle part et repartent vers nulle part», le temps semble figé à jamais, les habitudes de chacun se cristallisent dans un quotidien insupportable fait de querelles, de conditions de travail intolérables et de malheur. «Tout ça, c’est la faute au Djibou.» Le texte du néobrunswickois Laval Goupil, traduit par Glen Nichols, est retravaillé dans une langue à part, où
Jaclyn Turner
des morceaux volés au français s’introduisent timidement au cœur d’une phrase à la sonorité anglo-saxonne. De cela résulte une pièce bilingue, ou plutôt «franglaise», où deux cultures sont fusionnées pour raconter une histoire à peine narrable. «Oh, please release me let me go.» Les dialogues sont poignants et très bien interprétés. L’histoire mystérieuse et pesante de Dark Owl s’extirpe de sa petite cage do-
rée par le dialogue et l’écoute. Si les paroles ne trouvent pas bonne réception chez les personnages, le public suffit à les absorber, un mot à la fois. Le ton de la pièce ne vire tout de même pas au désespoir, mais c’est un peu déboussolé que l’on quitte la salle et l’univers de cette famille particulière. «En tant que société, nous devons briser notre isolation volontaire et reconnecter», précise Jessica Abdallah, la metteure en
scène, comme on peut le lire dans le programme. En transposant le discours de Goupil à la réalité montréalaise, où deux cultures hésitent encore à se mélanger, elle propose une réflexion intéressante sur l’identité, que celle-ci se définisse par une langue, une origine ou même une passion. Mike Payette, Mathieu Perron et Brian Imperial, du Théâtre Table d’Hôte, écrivent également dans le programme que «le théâtre se
bat pour l’ouverture d’esprit, pour le partage». Une pièce imposante à laquelle les paroles porteuses de vérité donnent une raison d’être et d’être vue. x
que ledit Art est créé par un homme qui veut émuler plus grand que ce qu’il est capable de créer. Ainsi, depuis le début de cette série télévisée qui se transforma à quelques occasions en longs métrages, Réjean Tremblay (Doctorat honoris causa décerné par le Colisée Pepsi) recycle maints éléments de l’actualité sportive, que ce soit le personnage de Linda Hébert, apparemment inspiré de Liza Frulla, ou le passage à l’Ouest par des joueurs de l’URSS lors de la coupe du monde de hockey pendant la troisième saison qui n’est pas sans rappeler l’évasion des frères Statsny en 1980 lors du tournoi de la Coupe d’Europe à Innsbruck grâce à l’aide de dirigeants des Nordiques de Québec. Car, il faut le dire, le National de Québec de Réjean Tremblay, ce sont les Nordiques.
C’est ici, je crois, que les mots de Tolstoï prennent tout leur sens: avec un calquage aussi grossier de la fiction sur la réalité, l’œuvre de Réjean Tremblay est grande, car elle est accessible et compréhensible de tous, que ce soit le monsieur qui chauffait des trucks pour Frito-Lays en 1989, ou le professeur d’université qui y revoit sa jeunesse. D’où la pertinence d’invoquer la citation de Maugham pour analyser l’œuvre aussi proche de son public, qui met en scène des intrigues invraisemblables impliquant Jean-Michel Anctil en admirateur un peu trop enflammé qui finit par mettre littéralement le feu à un autre personnage, que l’est Lance et Compte. Évidemment, quand t’écoutes Lance et Compte, l’art pour l’art pour toi ç’a pas de bon sens, ce qui t’intéresse c’est le gin pour le gin! x
Dark Owl Où: Mainline 3997 Saint-Laurent Quand: jusqu’au 28 novembre Combien: 17$
CHRONIQUE
[Ré]écrire notre histoire Billet incendiaire
Catherine Renaud
Puisque ce dont je vais vous parler dans ma présente chronique constitue un événement majeur dans le milieu culturel au Québec, je considère à propos de se remémorer quelques paroles sur l’art prononcées par de grands romanciers et dramaturges qui ont
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marqué l’époque qui nous a précédée. Dans La décadence du mensonge, Oscar Wilde écrit: «La Vie imite l’Art bien plus que l’Art n’imite la Vie.» Si cette proposition de Wilde est forte, bien que pratiquement devenue cliché de nos jours; c’est bien parce qu’elle souligne la tendance de l’homme à émuler ce qui est plus grand que soi. Mais qu’en est-il lorsque l’Art imite la Vie, par exemple l’histoire d’un peuple? Tolstoï écrit, dans Qu’est-ce que l’art?, que «les grandes œuvres d’art ne sont grandes que parce qu’elles sont accessibles et compréhensibles à tous.» De fait, la grande œuvre de Tolstoï (et sans conteste l’une des plus grandes œuvres litéraires), La Guerre et la Paix, narre l’Histoire de toute une nation, celle de la Russie à l’époque de Napoléon Ier. Le dernier apho-
risme qui servira notre sujet provient de Somerset Maugham, dramaturge et romancier britannique particulièrement prolifique durant les années 1930: «L’art pour l’art, c’est une formule qui n’a pas plus de sens que le gin pour le gin.» Ces trois pensées sur l’Art éclairent, à mon sens, l’œuvre de l’inspiré Réjean Tremblay. Un nouveau chapitre s’ajoute à la saga écrite par notre visionnaire dramaturge, la saga d’une nation combattante, qui s’est battue pour ses droits et pour sa langue et qui se bat encore pour obtenir son pays, mais également la saga d’un peuple qui pense hockey: Lance et Compte: le film. Avec Lance et Compte, son grand chef-d’œuvre, si l’on peut dire, Réjean Tremblay nous a montré que si la Vie s’inspire de l’Art, l’Art s’inspire également de la Vie lors-
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COUP DE CœUR
L’ÉDITO CULTUREL
Résolutions prématurées Émilie Bombardier Le Délit
L
a fin de l’année approche, la fin de la session aussi, inévitablement. Il n’est plus possible d’imprimer un document à la bibliothèque sans faire la queue, plus possible de végéter entre deux cours, plus possible de se taper des marathons Mad Men sans aucun remord. Le Délit vous offre ici son dernier numéro régulier pour 2010, histoire de revenir en force le 11 janvier prochain. N’oubliez pas, cependant, de vous ruer vers les présentoirs (ou devant vos écrans d’ordinateurs) le 29 novembre prochain pour consulter notre numéro spécial «Foi», publication que nous préparons conjointement avec The McGill Daily. Comme tout bon média le fait, il convient de vous rappeler (trop prématurément) que les Fêtes approchent, et qu’à leur suite viendra, outre l’abonnement au gym, le temps de formuler quelques résolutions du nouvel an. C’est là ce que l’équipe Arts & Culture souhaite faire, ne reculant devant rien, ni même le risque qu’elles ne se concrétisent pas (entièrement). Un journal étudiant est le lieu idéal pour expérimenter,
oser. Vous l’aurez remarqué, cela, Le Délit l’a toujours bien compris. Au cours des derniers mois, nos pages se sont transformées de semaine en semaine. Nous avons également eu le plaisir d’inaugurer une nouvelle plateforme web afin de s’adapter, comme tout le monde, aux nouvelles réalités d’un soi-disant virage numérique. 2011 ne devrait pas faire exception. La section Arts & Culture est l’interface idéale entre une communauté mcgilloise parfois trop claquemurée et tout ce que le milieu culturel montréalais a à offrir. Nous souhaitons que ces pages deviennent le reflet de vos préoccupations et, surtout, de vos intérêts et espérons que les trois nouvelles rubriques que nous avons lancées en septembre dernier pourront inspirer nos fidèles et futur collaborateurs (c’est-à-dire vous) à prendre la plume pour diversifier et enrichir la couverture culturelle de votre publication. Avec les mutations qu’il subit, le milieu culturel est plus que jamais une scène de débats et de remises en questions hors pair. Du nouveau projet de loi canadien sur les droits d’auteur à la sempiternelle question du financement du milieu des arts, les enjeux qui l’influencent et le transforment sont innombra-
Paloma Faith bles. À vous de les aborder. Le milieu culturel québécois a les qualités de ses défauts. Le fait qu’il soit riche mais plutôt exigu fait en sorte que ses artisans sont très accessibles et généreux. À vous de les rencontrer. Le Délit étant, comme la plupart des journaux étudiants, un organe indépendant, il est une tribune privilégiée pour observer, questionner et commenter l’actualité du monde des médias. À vous d’informer et de prendre position! Nous n’avons eu qu’à constater le nombre impressionnant de soumissions au «Cahier création» (publié le 30 mars dernier) pour réaliser que plusieurs étudiants de McGill ont de grands talents qui méritent d’être exposés, à tel point que la section Arts & Culture pourrait faire une place à la création dans chacun de ses numéros. N’hésitez jamais à nous envoyer de courts textes, des photographies ou des illustrations. Il nous fera grand plaisir de les publier lorsque c’est possible. Seul journal francophone de l’Université McGill (nous ne le répèterons jamais assez), Le Délit est une tribune qu’il faut continuer à valoriser et à nourrir. À vous, donc, de l’investir dès janvier prochain tout frais et dispos que vous serez. x
THÉÂTRE e
11 édition des Coups de théâtre
Rayon X: A True Decoy Story sera présenté dans le cadre de la 11e édition des Coups de théâtre Jonathan Inksetter
J
usqu’au 28 novembre, vingtdeux compagnies théâtrales d’ici et d’ailleurs investiront onze scènes de la ville pour présenter leurs oeuvres destinées (mais certainement pas réservées!) au jeune public. Fondé il y a vingt ans, le Festival international des arts jeune public Les Coups de Théâtre marque ainsi une onzième édition. L’événement bisannuel rassemble des spectacles en français, anglais, langue originale avec surtitre ou sans paroles. Au programme, notamment, The Terrific Adventures of Joan
Woodsword, pièce qui raconte le périple d’une jeune passionée du Moyen-Âge qui se retrouve un jour projetée au XVe siècle dans la peau de Jeanne d’Arc, et Rayon X: A True Decoy Story de la chorégraphe Marie Béland, création qui retrace toutes les étapes de la préparation d’un spectacle et entraîne le public dans l’envers du décor. Le Festival offira aussi une incursion dans le monde du théâtre d’objets avec Princesse K de la compagnie française Bob théâtre. Cette édition sera l’occasion d’offrir un «Coup de
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chapeau» à l’œuvre de l’auteure, comédienne et metteuse en scène Jasmine Dubé. Pour ce faire, le Festival a organisé, en collaboration avec le Centre des auteurs dramatiques (CEAD) et la Grande Bibliothèque, une lecture publique d’extraits de ses œuvres, assurée par les comédiens Macha Limonchik et Martin Faucher. Celle-ci aura lieu le 26 novembre prochain. x Pour consulter la programmation et vous procurer des billets: www.coupsdetheatre.com
Alice Hawkins pour palomafaith.com
Elizabeth-Ann Michel Boulanger Le Délit
L
undi, soirée de production de votre Délit chéri. Les membres de l’équipe éditoriale triment dur à leur poste de travail respectif. Rien n’est laissé au hasard. 21 heures: on ressent une baisse d’énergie, c’est le temps de revigorer les troupes. Rien de mieux qu’un échange musical pour se changer les idées et découvrir de petites merveilles. C’est grâce à ces trocs musicaux que j’ai découvert Paloma Faith. Mon premier contact avec elle a été son single le plus connu, «New York». Le refrain accrocheur très soul, les paroles et le côté rétro m’ont tout de suite séduite. Par la suite, les chansons «Stone Cold Sober», «Do You Want the Truth or Something Beautiful?» et «Romance Is Dead» se sont enchaînées sur ma liste d’écoute préférée. Paloma Faith Blomfield est une chanteuse et une actrice anglaise. Née à Londres d’un père espagnol et d’une mère anglaise, elle a exécuté plusieurs performances durant ses études en danse contemporaine à la célèbre Northern School of Contemporary Dance, en tant que chanteuse de cabaret burlesque, assistante de magicien et modèle. Elle fût abordée par un agent de Epic Records après l’une de ses prestation dans un cabaret. Son audition ne se passa pas aussi bien qu’on peut le croire, car Faith eût l’audace de demander à l’agent d’éteindre son cellulaire pendant sa prestation, requête que l’homme a refusé de satisfaire. C’est à ce moment que
l’artiste décida de partir en claquant la porte. Neuf mois plus tard, le gérant la rappelait pour signer un contrat. La chanteuse ne nous cache rien: elle admet vouloir être célèbre, vue et admirée de tous. Bien qu’elle ait longtemps vécu comme une bohème, elle confesse avoir un style de vie excessif. Les critiques la comparent à Amy Winehouse, sa consœur britannique, une comparaison surprenante aux yeux de l’intéressée qui ne trouve aucune ressemblance vocale entre elle et Winehouse. Il faut pourtant admettre que le style des deux chanteuses est très similaire. Paloma Faith est anticonformiste, autant du côté musical que vestimentaire. Oubliez les stéréotypes hollywoodiens; la chanteuse à la crinière rouge flamme n’acceptera jamais de se fondre dans le moule hypersexué des chanteuses pop et préfère miser sur la qualité de sa musique. Elle a aussi embrassé une courte carrière d’actrice. On a pu la voir en 2007 dans le film St. Trinian’s où elle tenait le rôle d’Andréa, une écolière. En 2009, Terry Gilliam l’a choisie pour interpréter la copine du diable dans le long métrage The Imaginarium of Doctor Parnassus, aux côtés du défunt Heath Ledger et de Johnny Depp. L’artiste trouve d’ailleurs qu’une carrière d’actrice correspond mieux à ses anciennes expériences de danseuse de cabaret. Il va sans dire que Paloma Faith a trouvé sa vocation en tant que femme de divertissement. Avec sa voix sortant de l’ordinaire et son style flamboyant, ses performances sont de plus en plus sollicitées. x
Arts & Culture
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Emilie Bombardier | Le Délit
LE DÉLIT AIME...
Le Cabaret Juste pour rire Catherine Côté-Ostiguy Le Délit
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La bd de la semaine par Martine Chapuis
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armi les petites salles de spectacles de Montréal, celles qui donnent son dynamisme et sa saveur à notre scène culturelle, il y a le Cabaret Juste pour rire. Enfin, c’est encore le cas, mais plus pour longtemps, semble-t-il. Juste pour rire a annoncé récemment la fermeture prochaine de son Musée et, dans la même foulée, du Cabaret et du Studio Juste pour rire, tous trois situés rue Saint-Laurent. Vous avez dit «Quartier des spectacles»? Il y a longtemps que le Musée Juste pour rire éprouve des problèmes de rentabilité. Plusieurs projets de relance ont été menés au fil des ans, toujours avec un succès relatif. Honnêtement, personne ne peut être étonné par la décision qui a été prise de fermer les portes de l’établissement le 1er janvier, un établissement qui a coûté cher en subventions sans jamais rien rapporter en retour. Ce qu’on déplore, toutefois, c’est qu’il entraîne dans sa chute le Cabaret et le Studio, deux salles populaires que le Musée a littéralement fait couler avec lui. Pourtant, les deux salles roulent bien. Parmi les artistes ayant arpenté les planches du Cabaret ces dernières années, on retrouve le formidable Daniel Lanois et le discret mais talentueux Jérôme Minière, ainsi que de nombreux artistes en vogue: Chinatown, Radio Radio, Alex Nevsky Sans oublier que plusieurs festivals musicaux s’y attardent, tant les gros joueurs, comme les Francofolies et le Festival de Jazz, que les plus petits: M pour Montréal, Fringe, POP Montréal et compagnie. Alors qu’on nous sert depuis des années un beau discours sur la revitalisation du centre-ville, sur la grandeur et le rayonnement
du Quartier des spectacles, les plus attentifs d’entre nous auront remarqué que quatre salles montréalaises ont déjà fermé leurs portes depuis le début de l’entreprise. D’abord le Spectrum, puis le Medley, et maintenant le Cabaret et le Studio Juste pour rire. Triste bilan. En attendant, le centre-ville continue de ressembler à un pays en guerre, et les piétons sont forcés de slalomer entre les tranchées depuis plusieurs mois déjà. Il semble évident, à présent, que les priorités sont mal placées en ce qui a trait au développement des arts et de la culture. Nous en avons déjà parlé dans ces pages, mais cette fois-ci, il ne nous est plus permis d’en douter: au profit de ce Quartier des spectacles, un projet certes honorable, mais pour lequel il n’est pas permis de tout sacrifier, on néglige nos salles, qui disparaissent une à une. À trop vouloir du neuf, nous sommes en train de perdre nos acquis. Voudrait-on nous faire croire que, malgré le flop du Musée Juste pour rire, il n’y avait pas moyen de sauver le Cabaret et le Studio? Pas moyen de les relocaliser et de les intégrer à ce fameux Quartier des spectacles dont on parle tant? Et si, vraiment, c’était impossible, alors quelqu’un veut-il me dire à quoi bon investir dans un projet qui coûte si cher à notre héritage culturel? Quoi qu’il en soit, Montréal perdra en janvier deux de ses salles, deux de plus. On voudrait pouvoir dire qu’on est surpris, mais ce serait un mensonge. Consternés, plutôt. Et dire que Montréal se targue d’être une capitale culturelle. x Ceux qui voudraient profiter une dernière fois du Cabaret Juste pour rire pourront y voir sur scène la talentueuse Elisapie Isaac, le 26 novembre prochain.
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