le délit le seul journal francophone de l’Université McGill
delitfrancais.com Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill
Dis-moi qui est la plus belle
Newburgh s’attaque à l’AG >3 MUNACA dans l’impasse >3 Spécial théâtre >12-13 Gabor Szilasi et son oeuvre >15 Le mardi 25 janvier 2011 | Volume 100 Numéro 15
Fait ben frette depuis 1977
Éditorial
Volume 100 Numéro 15
le délit
Le seul journal francophone de l’Université McGill
rec@delitfrancais.com
Le débat se poursuit
Mai Anh Tran-Ho Le Délit Vous qui pensiez que le bilinguisme était un sujet dépassé, détrompez-vous. Que de réponse à mon dernier éditorial avons-nous reçues! Cette semaine, j’aimerais exposer plus longuement mes attentes par rapport à la Presse Universitaire Canadienne (PUC). La proposition que rappelle Anaïs Elboujdaïni (publiée en commentaire sur notre site) «de scinder les deux organisations CUP-PUC à la manière des deux chaînes d’informations nationales, Radio-Canada et CBC» mérite réflexion, mais ce n’est pas parce que le nom officiel inclut désormais «Presse Universitaire Canadienne» que cela distribue équitablement les pouvoirs. La PUC serait-elle toujours considérée comme une région sous la jurisprudence de la CUP?
Quant au quart des frais à payer à partir de septembre prochain (du montant de trial member, je n’avais pas été claire sur ce point), changeront-ils notre statut présent et notre pouvoir? La constitution de la CUP stipule que “trial membre do not have voting right”. On m’avait déjà affirmé qu’il était inutile de m’inquiéter, que les journaux francophones étaient considérés comme des full-membres, mais permettez-moi de douter de cette bonne volonté, du moins dans la pratique. Cartons de vote manquant à la semi-plénière, absence de onze journaux francophones (sur quatorze) du système électronique permettant la soumission de propositions à la plénière, les exemples ne manquent pas. On me répond que c’est parce que notre statut «n’est pas clair». Il serait essentiel de décider alors de notre statut réel et de nos pouvoirs et que ce soit écrit noir sur blanc avant que toute discussion soit entamée. Enfin, attaquons le plan des finan-
ces directement. Où va notre argent? À l’heure actuelle, aucun des services ne semblent nécessiter un apport monétaire de la part des journaux francophones. Le fil de presse peut être supporté gratuitement par des programmes tel Publish2. En ce qui concerne les services judiciaires, l’avocat actuel de la CUP ne connaît ni la loi québécoise ni le droit civil et, de surcroît, ne parle pas français. De plus, Le Délit, et peut-être d’autres journaux, ont leur propre avocat. Les récompenses journalistiques offertes par la CUP-PUC ne devraient pas sortir de nos poches puisque la CUP trouve habituellement des organisations qui veulent bien la commanditer. De plus, la création d’un poste à temps plein pour la PUC est conditionnée par une bourse pour laquelle la PUC applique en septembre. Bien que la volonté ne manque pas, il reste encore du chemin à faire. Le débat reste ouvert. x
RÉPONSES À L’ÉDITORIAL DU 18 JANVIER 2010
Erin Cauchi: «Unissons nos forces»
J’aimerais commencer en remerciant Le Délit de leur éditorial du 18 janvier. Il s’agissait de la première fois où un journal étudiant francophone écrivait sur la Presse Universitaire Canadienne. En tant que journaliste, j’apprécie le regard critique que vous avez porté sur notre conférence nationale [...]. Je trouve encourageant de constater que la communauté journalistique francophone s’implique activement au sein de notre organisation. Plusieurs points de cet éditorial, toutefois, mériteraient qu’on s’y attarde davantage [...]. Le principal obstacle auquel nous nous sommes heurtés depuis qu’il a été résolu, en 2004, que l’organisation devienne bilingue a été que la CUP était depuis ses débuts gérée par des anglophones. Conséquemment, ils avaient tendance à transposer leurs propres besoins et leurs propres attentes aux membres francophones. [...] Je ne chercherai pas à excuser les échecs qu’a essuyés notre organisation dans le passé quant au bilinguisme [...]. C’est avec le mandat d’enfin développer le bilinguisme que j’ai été élue la 73e présidente de la CUP. À partir de ce moment, j’ai résolu de ne pas laisser les erreurs du passé limiter les progrès à venir. Au contraire, il faut apprendre de ces erreurs pour mieux avancer. J’étais contente que vous souleviez la controverse liée à la participation de Josée
Boileau à la conférence. J’étais dévastée d’être témoin des événements qui ont suivi sa présentation sur Twitter. Je veux être claire à ce sujet: notre organisation perçoit d’un très mauvais œil toute activité diffamatoire. Nous sommes très reconnaissants de la présence de chacun des conférenciers à nos événements, et sommes conscient de l’effort et du travail qu’ils mettent dans leurs interventions. Comme vous l’avez mentionné, une motion a immédiatement été présentée (et acceptée) afin que les événements ne passent pas inaperçus. Cette motion nous a permis d’insister sur l’usage responsable et respectueux des médias sociaux par nos membres. Les interventions faites sur Twitter ne représentent donc nullement le point de vue de notre organisation, et sont celles de quelques délégués qui, semble-t-il, manquent de jugement et de respect. Ce qui ressort plus que tout de cette conférence, à mon avis, ce sont toutes les petites victoires que nous avons pu célébrer. La première a eu lieu lors de la première [...] conférence, [donnée par] Marie-Maude Denis, journaliste pour Enquête [...]. Après sa présentation, une période de question s’est tenue dans les deux langues et, pour la première fois, les journalistes francophones et anglophones se sont mêlés. Ce soirlà, j’ai surpris plusieurs conversations entre des membres francophones et anglophones,
certaines se déroulant en français. Pour la première fois également, des anglophones avec une bonne connaissance du français ont participé à des conférences en français. Beaucoup de chemin reste à faire, mais pour la toute première fois, nous constatons une réelle ouverture. [...] Nous prévoyons déjà une rencontre pour le 5 mars prochain à Montréal, rencontre durant laquelle nous poursuivrons la discussion et établirons les lignes directrices du développement de la PUC. [...] Nous espérons que les journaux francophones membres et non-membres y seront aussi, afin que tout soit mis en œuvre pour aller de l’avant. [...] Je ne saurais insister suffisamment sur l’importance d’unir nos forces, de partager nos idées et d’ouvrir de nouvelles portes pour la presse étudiante. C’est là la mission de la CUP depuis ses débuts, et c’est dans cette optique que nous souhaitons développer la PUC, son pendant francophone. [...] Erin Cauchi Présidente, Canadian University Press/Presse Universitaire Canadienne Veuillez noter que cette lettre n’a été ni éditée ni corrigée par nos soins, mais a été révisée par Catherine Côté-Ostiguy, directrice nationale francophone de la CUP-PUC. Retrouvez l’intégralité de la lettre en ligne au delitfrancais.com.
Will Burton: «Claquez la porte»
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’étais entièrement d’accord avec les propos avancés par Mai Anh Tran-Ho dans son éditorial au sujet de la Canadian University Press (CUP) («Bilinguisme à sens unique», 18 janvier). La CUP, même pour les journaux de langue anglaise, est anachronique. L’époque où l’on avait besoin de ses services –un fil de presse, un lobby...– est révolue, et sa seule utilité aujourd’hui est de véhiculer un sentiment d’appartenance à une communauté. Sentiment plutôt coûteux, étant donné le montant des frais d’adhésion à l’organisme.
2 Éditorial
Il me semble que ce sentiment vaut quand même quelque chose. Je me demande quelle importance les journaux francophones en-dehors du Québec –Le Front à Moncton, Le Réveil à St-Boniface, etc.– accordent à une telle institution. Au risque d’avoir l’air d’un privilege denying dude –l’anglophone qui conseille les francophones–, je pense qu’une sorte d’institution communautaire, quelque chose qui unisse les journaux étudiants de langue française, serait un beau projet. Mais il ne faut pas que cela coûte cher –
ni en argent, ni en efforts. Or, la CUP en demande trop des deux. Je vous encourage à claquer la porte de la CUP. Le jeu n’en vaut plus la chandelle. Will M. Burton L’auteur est l’ancien chef de pupitre «Commentary & Compendium» du McGill Daily, et était membre du conseil d’administration de la Société des publications du Daily d’octobre à décembre 2010. Les opinions exprimées ici sont uniquement celles de leur auteur.
rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Mai Anh Tran-Ho Actualités actualites@delitfrancais.com Chef de section Emma Ailinn Hautecœur Secrétaire de rédaction Francis Laperrière-Racine Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section Émilie Bombardier Secrétaire de rédaction Annick Lavogiez Société societe@delitfrancais.com Anabel Cossette Civitella Xavier Plamondon Coordonnatrice de la production production@delitfrancais.com Mai Anh Tran-Ho Coordonnateur visuel visuel@delitfrancais.com Raphaël Thézé Infographie infographie@delitfrancais.com Alexandre Breton Irena Nedeva Coordonnateurs de la correction correction@delitfrancais.com Anselme Le Texier Élise Maciol Coordonnateur Web web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Collaboration Marion Andreoli, Andreea Iliescu, Christophe Jasmin, Anthony Lecossois, Camille Lefrançois, Annie Li, Margaux Meurisse, Andrea Saavedra, JeanFrançois Trudelle, Audrey Yank Couverture Raphaël Thézé bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Gérance Pierre Bouillon Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Emilio Comay del Junco Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Emilio Comay del Junco, Humera Jabir, Anthony Lecossois, Whitney Malett, Sana Saeed, Mai Anh Tran-Ho, Will Vanderbilt, Aaron Vansintjan, Sami Yasin
L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.
Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill.
Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec). Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).
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CAMPUS
Première ronde: MUNACA contre McGill MUNACA se retrouve au pied du mur et la première rencontre est annulée. Emma Ailinn Hautecoeur Le Délit
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es négociations entre McGill University NonAcademic Certified Association (MUNACA), le syndicat des employés non-universitaires de McGill, et l’administration ne sont toujours pas entamées. Sur le site des ressources humaines, on peut lire un court communiqué décrétant un «faux départ aux négociations». Ces négociations ne peuvent se faire sans que MUNACA fasse part de ses propositions concernant les salaires et les autres requêtes d’ordre monétaire. MUNACA est cependant dans l’impossibilité de le faire, n’ayant pas accès aux informations nécessaires. Comme le relate David Roseman, de MUNACA, «c’est l’employeur qui a toutes les informations nécessaires, comme l’horaire des employés, etc...» Ils désirent ces informations pour «pouvoir calculer ce qui est raisonnable selon les données.» Roseman confirme qu’une partie
de l’information sur les salaires leur a été envoyée en format PDF, mais qu’elle était incomplète et que le document était verrouillé, ce qui fait que les chiffres ne pouvaient pas être manipulés. Ce différend a toutefois enrayé tout le processus de négociation, car McGill, pour sa part, refuse d’entamer les négociations sans que toutes les propositions de MUNACA leur soient transmises. Monsieur Roseman note qu’il est pourtant de coutume de commencer par négocier les clauses non-monétaires avant de passer aux propositions d’ordre monétaire. Une partie des propositions de MUNACA est déjà disponible sur leur site internet. Elles résument les inquiétudes du syndicat face aux pratiques de recrutement de McGill qui ne priorise pas l’ancienneté des employés, ni leur appartenance au syndicat. C’est une pratique courante que d’engager des employés occasionnels, non affiliés à MUNACA, ce qui permet à l’administration d’économiser des fonds.
La prochaine rencontre qui devait avoir lieu le 26 janvier a donc été annulée par McGill, face à l’impossibilité de MUNACA de produire un document de propositions complet, et reportée au 7 février. En ce moment, MUNACA encourage aussi ses employés à porter plainte contre McGill pour des questions d’équité salariale. «Je pense que les demandes dans la loi aux employeurs sont assez claires. McGill est obligé d’afficher et ils ne l’ont pas fait selon nous. Si les membres sont d’accord avec cette évaluation, ils peuvent déposer des plaintes,» remarque M. Roseman. McGill n’a effectivement pas affiché la procédure de plainte pour l’équité salariale sur son site des ressources humaines, mais c’est aux travailleuses de porter plainte pour recevoir une compensation rétroactive. Cela fait à peu près deux ans que MUNACA est en conflit avec l’employeur des salariés qu’il représente, à propos de coupu-
MUNACA informe ses membres sur l’équité salariale Raphael Thézé
res dans les bénéfices, de retard des augmentations promises par McGill et de décalage salarial par rapport aux employés non-universitaires des autres universités. Une série de grèves et de manifestations ont finalement mené à la situation actuelle. Il n’est pas difficile d’imaginer que le froid qui
règne entre les opposants risque d’être prolongé. Lynne Gervais, vice-principale adjointe des ressources humaines en charge des relations avec les médias dans cette affaire (selon Richard Comeau, chef négociateur pour McGill) a refusé de communiquer avec Le Délit. x
CAMPUS
Newburgh veut supprimer l’AG
À quatre mois de la fin de son mandat, le président de l’AÉUM lance ce chantier qu’il entend mener à bien «pour rétablir la démocratie» Anthony Lecossois Le Délit
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e débat latent sur l’intérêt de tenir des assemblées générales (AG) bisannuelles a été relancé la semaine dernière, atteignant alors une intensité inédite lorsque Zach Newburgh, président de l’AÉUM, a soumis une motion proposant leur abolition pure et simple. Depuis, les différentes forces politiques du campus s’agitent autour de deux problématiques distinctes: la forme et le fond. Au milieu d’un courriel envoyé le lundi 17 janvier par le co-président du Conseil législatif de l’AÉUM, Raymond Xing, une phrase attire l’attention des conseillers: «Le motion concernant l’abolition de l’AG sera distribué [...] pendant le conseil.» À ce stade, personne ou presque ne sait vraiment d’où cela vient, ni même de quoi il s’agit. Les plus surpris sont les membres du comité de direction (le steering committee) qui étaient chargés de
repenser l’AG, dont chacun s’accorde à dire qu’elle a grand besoin de réformes. Très vite, il devient évident que Zach Newburgh est à l’origine de cette motion qu’il entend soumettre au référendum d’hiver. Celuici envoie un courriel à la presse étudiante pour s’expliquer et demande à ce qu’une entrevue soit organisée. Du côté des conseillers et des VP de l’AÉUM, qui avaient été tenus à l’écart de cette initiative, c’est l’indignation. Maggie Knight, représentante des clubs et des services regrette que «ni les personnes élues pour représenter les étudiants, ni les étudiants eux-mêmes n’[aient] été consultés pour la rédaction de cette motion. C’est fâcheux quand on sait que dans cette affaire, la problématique centrale est la consultation des étudiants.» Quand on l’interroge sur la raison pour laquelle il a gardé ce projet secret, Zach Newburgh se défend de toute tentative de dissimulation. «Tous les VP sont très occupés et on ne se voit pas sou-
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vent.» Myriam Zaidi, VP externe, dont le bureau fait face à celui du président est «étonnée». La motion sera donc débattue lors du prochain conseil, le 3 février. En attendant, chacun tente de prendre ses propres initiatives de consultation en urgence, via Facebook. Erin Hale de Mobilization McGill était la première, dès lundi soir, à créer l’événement «Sauvons notre AG». De son côté, Maggie Knight organisait avec Eli Freedman, représentant de la faculté de gestion et Amara Possian, représentante de la faculté des arts, une discussion en ligne sur le sujet. Zach Newburgh, quant à lui, propose un forum de consultation pour récolter l’avis des étudiants. Eli Freedman conclut: «Il est clair que nombre d’entre nous sommes en désaccord avec la substance de cette question de référendum. Maintenant nous avons pour défi de trouver une solution en sept jours.» Si Zach Newburgh estime qu’il aurait peut-être pu s’y «pren-
dre autrement», il ne regrette en rien l’objet de son projet. «Depuis quatre ans, la réforme n’avançait pas et je ne pouvais pas prendre le risque de laisser l’AÉUM opérer de façon aussi antidémocratique un an de plus. Quelqu’un devait agir.» Le président estime que «l’AG est une instance inefficace, fondamentalement antidémocratique et redondante.» Il y a au moins consensus sur un point: la fréquentation minimale est la première de ses faiblesses. Il est vrai que le quorum, bien qu’extrêmement limité (cent personnes), est toujours difficile à atteindre. Pauline Gervais, gestionnaire générale de l’AÉUM depuis 2004, se rappelle: «Je n’ai connu que deux AG bien fréquentées.» L’une était liée à une grève générale, l’autre, au conflit israélo-palestinien. Zach Newburgh propose donc de remplacer l’AG par une réunion annuelle qui serait limitée à un rapport présenté par le président et les VP de l’association. Aucune motion ne pourra y être votée. Il estime que le référendum
en ligne est une voie de consultation beaucoup plus efficace. Myriam Zaidi, se désolidarise officiellement du reste du comité exécutif, via un billet publié en ligne. Selon elle, «les étudiants avaient au moins un forum où ils avaient le pouvoir de changer les choses et de présenter des motions. Maintenant, ne vous attendez pas à ce qu’il y ait plus d’efforts de faits pour la promotion de cette AG, étant donné que trois des six membres du comité exécutif [Zach Newburgh, président, Tom Fabian, VP interne et Nick Drew, VP finance et opérations, NDLR] ont pris l’initiative d’abolir cette instance.» x DATE À RETENIR Forum consultatif organisé par Zach Newburgh, mercredi 26 janvier de 15h à 16h30, salle Lev Bukhman. Conseil législatif de l’AÉUM, jeudi 3 février à 18h, salle Lev Bukhman. Prochaine (et dernière?) AG, jeudi 10 février de 18h à 21h, auditorium Adams.
Actualités
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CAMPUS
Les services alimentaires passent à la casserole
M
organ Boenke, étudiant à la maîtrise en biologie, a siégé comme représentant des étudiants de deuxième cycle au comité chargé d’évaluer les offres de compagnies alimentaires pour remplir les besoins du campus de l’université McGill. Déchargé de ses fonctions depuis peu, il a écrit une lettre ouverte publiée sur le site du McGill Daily pour dénoncer plusieurs failles dans le processus de sélection de la compagnie qui remplirait ces fonctions. Notamment, il a trouvé le mandat du comité trop limité, la plupart des décisions ayant été prises avant sa création, et le temps alloué pour prendre les décisions, trop court. Il a aussi remarqué les lacunes du système d’évaluation, de votes, et de rapports à la communauté universitaire. Il s’est donc senti obligé de faire lui même un compte-rendu des faits. Depuis la fermeture du Arch Café, les services alimentaires de McGill sont dans le radar des étudiants. Le manque de consultation et le mécontentement des étudiants sont de plus en plus évidents. Le Délit a voulu en savoir plus sur celui qui a vendu la mèche afin de renverser cette tendance. Le Délit: Pourquoi rendre ces informations publiques? Morgan Boenke: Seulement deux étudiants étaient impliqués dans le processus d’appel d’offres et d’évaluation des services alimentaires. Toutefois, tout le corps étudiant est affecté par les décisions prises par le comité duquel j’étais membre. C’est à cause de cet écart que j’ai trouvé important de sensibiliser autant de monde que possible à ce sujet. Je n’étais pas d’accord avec les déclarations du seul autre membre du comité à avoir rendue publique son opinion sur la question –à savoir, M. Laperle pour l’édition du 23 avril 2010 du McGill Reporter. M. Mendelson adoptait le même point de vue que M. Laperle –voir l’édition du 2 septembre 2010 du même journal. Il était évident que les participants auraient un avis différent de ce qui a été rendu publique. Je n’ai aucun problème avec ça. Cependant, j’ai des raisons de croire qu’il y a un certain écart entre les décisions prises pendant les réunions du comité et les informations transmises à l’administration. Bref, j’ai décidé de rendre ces informations publiques, car pour résoudre un problème, il faut posséder un certain sens de la communication, et je n’en voyais aucun jusqu’ici. LD: Tes anciens employeurs aux services d’alimentation de McGill ont-ils réagi à ta lettre? MB: J’étais bénévole pour ce comité, donc mon travail n’était pas rémunéré. À ce jour, ils ne m’ont pas encore répondu. LD: Tu dis regretter ne pas avoir pu informer les étudiants des changements qui
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affecteraient notre approvisionnement alimentaire, mais savais-tu ce qu’il allait advenir des cafés des Facultés de droit et de biologie? Lorsque tu étais représentant au comité, est-ce quelque chose qui t’a empêché d’informer les étudiants des problèmes d’évaluation, de vote et de transmission des comptes-rendus? MB: On m’a informé assez tôt des changements qui allaient se produire dans les Facultés de droit et de biologie: en septembre ou octobre 2009. À l’époque où le comité commençait à se former, on avait déjà inclus ces emplacements dans le contrat. Je pense que le plus gros problème, c’était que nos rôles n’étaient pas bien définis, étant donné que c’était la première fois que des étudiants prenaient part à ce processus. Je pensais que mon rôle était de trouver une manière d’évaluer les offres et de contribuer à la mettre en pratique. Je me rends compte aujourd’hui que mes responsabilités étaient en fait bien plus grandes que ce que je pensais. Les contrats de confidentialité avec les services alimentaires étaient ambigus, ce qui fait que je ne savais pas trop ce que je pouvais dire ou non. LD: Veux-tu partager avec nous d’autres informations que tu n’avais pas le droit de divulguer lorsque tu étais tenu à la confidentialité? MB: Oui, mais aujourd’hui, je trouve que ce n’est plus per-
tinent. Ce contrat de confidentialité fait partie de la loi 65.1, une loi provinciale concernant l’embauche d’individus par des institutions publiques. Cependant, puisque notre contrat avec Aramark ne scellait pas une vente, mais un projet générant un revenu, nous n’étions pas tenus de respecter ce contrat lors de notre sélection. Je ne sais pas en quoi cela affecte la validité du contrat de confidentialité. Peut-être que ça l’annule. LD: Si l’administration a bien modifié ce contrat, comme tu le dis, quelle est l’étendue de cette modification? MB: Il y a une sous-partie du contrat de confidentialité (cidessous) qui est assez ambiguë. De manière très littérale, je ne serais pas autorisé à vous dire où se trouvaient les toilettes du bâtiment des services alimentaires. D’un autre côté, je pourrais soutenir que quelque chose d’aussi insignifiant me pousse à diffuser ces informations, ou qu’acquérir et assimiler de l’information sont deux choses différentes. Mon interprétation du document est que toute information concernant les compagnies ayant répondu à l’appel d’offre, est couverte par le contrat de confidentialité, mais pas ce qui concerne la performance du comité. Par contre, je ne suis pas avocat. “Moreover, we will not reveal and will not make known, unless we are bound to do so, anything that we will have learned in the performance
of our duties, except to the other members of this Selection Committee, the Secretary of the Committee and the ministerial authority.” LD: Qui était ultimement responsable du modèle d’évaluation des candidatures? Est-ce que, lors de sa création, il y a eu des désaccords entre les représentants étudiants et le personnel sur les critères d’évaluation ou sur d’autres aspects du modèle? MB: Le concept du modèle d’évaluation était la responsabilité de tous les membres du comité. Il a été créé via un processus démocratique et, bien sûr, certains détails ont été plus contentieux que d’autres. Mais finalement, nous nous sommes rendus comptes que nous n’étions pas contraints par le modèle d’évaluation à cause de la nature du contrat. Les problèmes les plus importants sont apparus au niveau de l’application du modèle d’évaluation parce qu’appliquer nos critères à l’information reçue par les candidats était presqu’impossible. Chaque membre de l’équipe devait créer une grille d’évaluation numérique, puis nous nous mettions d’accord sur chaque critère d’évaluation. Nous avons du arrondir certains chiffres ou en faire une moyenne, et cela se voit dans les documents officiels. Ce qui m’embêtait, c’était l’écart possible entre les valeurs moyennes et les moyennes elles-mêmes. Les méthodes de calcul devraient
La communication se fait par lettre ouverte et de bouches à oreilles. Matthieu Santerre
peut-être être révisées par des mathématiciens. LD: Finalement, pourquoi avez-vous choisi Aramark? MB: Au cours de notre dernière réunion, nous avons voté unanimement pour Aramark. Je suppose que chacun d’entre nous avait de bonnes raisons de choisir cette compagnie. Je le répète, nous n’étions pas tenus de respecter les évaluations numériques pour choisir le candidat idéal. Globalement, je pense que tout le monde voulait qu’il y ait des changements. Ça n’a pas été un choix facile pour moi; c’est d’ailleurs pour ça que je suis revenu sur ma décision. La prochaine fois, il faudrait s’y prendre plus tôt pour déterminer des critères d’évaluation plus adéquats, car les candidats sont souvent très similaires. LD: Dans le nouveau contrat de 2013, y a-t-il une clause d’exclusivité, comme dans le contrat avec Aramark? MB: Je ne possède pas cette information. LD: Rendre le processus transparent est une chose, mais trouver des moyens pour que les étudiants puissent véritablement influencer les processus d’évaluations, de participation et de communication du comité en est une autre. Qu’espères-tu pour 2013? MB: J’espère que cette obligation de partager les informations soit explicitement incluse dans les responsabilités des étudiants siégeant au comité. Cela assurera un certain équilibre et permettra de rendre transparent le processus de comptes-rendus. Nous avons besoin d’une plus grande interaction entre les étudiants, les services alimentaires et le Conseil d’Administration (CA). Il faudrait également qu’il y ait plus de participation étudiante bien avant que les décisions ne passent par le comité. Le premier de nos soucis sera de voir quels emplacements ne correspondent pas aux besoins des étudiants et de résoudre ce problème. Évidemment, cela ne peut être réalisé que si plus d’étudiants participent aux décisions. Pour ce qui est du café de Stewart Bio, par exemple, j’ai appris que c’était des associations étudiantes qui s’occupaient des contrats avec les entreprises. Par conséquent, la participation étudiante est essentielle. Les modèles administratifs actuels des services alimentaires peuvent désormais se permettre de prendre des décisions avec ou sans consultation des étudiants, selon leurs politiques de gérance. Celle-ci dépend seulement du CA. Si nous sommes, comme nous le proclamons, une institution qui se préoccupe principalement des étudiants, de telles demandes envers le CA devraient par conséquent être prises en compte. x
Propos recueillis par Emma Ailinn Hautecoeur, traduits par Elise Maciol.
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CAMPUS
Un mouvement de société pour la planète
CHRONIQUE
Énergie à quel prix?
Audrey Yank | Bulle Climatique
La huitième conférence de Désautels encourage à penser aux prochaines générations. Andreea Iliescu Le Délit
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ill McKibben était à Montréal pour l’événement d’ouverture de la Conférence Désautels sur la gestion durable (Desautels Conference on Business and Sustainability). La huitième édition de cette conférence intitulée «Redéfinir, Recréer, Re-gérer» encourageait les participants à revoir les liens entre les entreprises et l’environnement à travers l’éco-design et la responsabilité sociale. Bill McKibben, fondateur de 350.org, est un environnementaliste américain qui s’est donné pour mission de mobiliser la planète entière au sujet des changements climatiques. Le nombre 350 en parties par million fait référence au seuil limite de CO2 dans l’atmosphère toléré par la Terre, selon l´avis des scientifiques. Steven Guilbeault, des États-Unis, a publié il y a plus de vingt ans l’un des premiers livres sur les changements climatiques, intitulé La fin de la Nature. Depuis, il rallie de nombreux adeptes pour créer des événements uniques rendant compte de la mobilisation sociale en faveur d’engagements pour contrer les changements climatiques. Bien que les discours sur les changements climatiques semblent toujours revenir aux mêmes idées de réchauffement, d’inondations, de crises alimentaires et de réfugiés climatiques, le discours de Bill McKibben se distingue par le fait qu’il insiste sur l’injustice sociale ajoutée à ce type de catastrophes. Il mentionnera par exemple que la Thaïlande s’est trouvée face à une récente épidémie de dengue, une maladie causée par les moustiques qui se reproduisent plus facilement avec le réchauffement climatique. Pourtant, ce pays asiatique est incapable de comptabi-
liser ses émissions de CO2, tant elles sont minimes. Il rappelle aussi que les pays développés ne sont pas complètement à l’abri des crises alimentaires, mais redonne espoir en mentionnant le fait que l’année dernière, le nombre de fermes aux État-Unis a augmenté pour la première fois en plus de quinze ans. Cependant, il reste qu’il y a plus de détenus dans les prisons de l’Amérique du Nord que d’agriculteurs, ce qui rend compte de l’ampleur du problème. Selon McKibben, l’une des causes des dérèglements climatiques se trouve dans le fait que nous idéalisons une société de consommation insatisfaisante. Le niveau de bonheur des Américains est en constant déclin depuis les années soixante alors que le niveau de vie a presque triplé dans ce même laps de temps. Enfin, McKibben déplore le pouvoir de l’industrie pétrolière, même s’il admire certaines initiatives prises par des régions pétrolières comme Abu Dhabi, où l’on a créé un champ de panneaux solaires pour encourager l’utilisation d’énergies renouvelables. Malgré la rapidité des progrès technologiques, la volonté politique peine à suivre, et l’exemple du Canada est parlant à ce sujet. Le Canada est tombé en disgrâce, selon certains acteurs dans la lutte contre changements climatiques, depuis que le gouvernement Harper a décidé de montrer son appui aux industries de sables bitumineux À ce niveau, la mobilisation sociale est cruciale, les habitudes de consommation pouvant influencer certaines pratiques, et les mouvements de société devraient s’amplifier afin d’aligner la politique avec la volonté des citoyens. La bataille est loin d’être gagnée, et Bill McKibben est le premier à le reconnaître mais il ne baisse pas les bras. x
L’ÉNERGIE, TOUT LE MONDE en a besoin, et ce besoin semble augmenter sans cesse. Avec le soleil qui plombe et le vent qui souffle, je me dis que l’humain se complique les choses en trouvant son énergie aussi loin dans le sol. C’est connu, au dernier siècle avant notre ère, les premiers moulins à vent étaient déjà en marche. Aujourd’hui, cette énergie renouvelable est considérée dispendieuse, ce qui ne semblait pas être le cas à l’époque. Cette technologie est applicable, existe et fonctionne déjà. 7% de l’énergie allemande est d’origine éolienne: c’est un petit pourcentage et pourtant, l’Allemagne est leader mondial, avec une production éolienne de près de 26 000 MW. Au Québec, l’éolien représente 600 MW, soit 1.4% de l’énergie produite, autant que le gaz naturel Cependant, petit à petit, on fait quand même des progrès. D’ici 2015, l’éolien produira 4 000 MW. Et le gaz naturel, lui? Les paris sont ouverts, surtout avec la filière des gaz de schiste. Seul l’avenir nous dira si le progrès est réel. Le gaz de schiste est un type de gaz naturel non conventionnel, c’est-à-dire qu’au lieu de former une poche dans le sol où le gaz est concentré et facile à extraire, il est plutôt emprisonné sous forme de petits bulles sur des kilomètres. La roche de schiste, très peu perméable, doit être fracturée afin que les bulles de gaz soient libérées. Ce processus de fracturation est très controversé, puisqu’il nécessite des millions de litres d’eau et un mélange de plus de 596 produits toxiques. De plus, le tout entraîne un risque de contamination des nappes d’eau souterraine. En effet, si certaines fissures se créent au mauvais endroit, elles libèrent leur gaz directement dans l’eau. Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) produit actuellement un rapport contenant des recommandations pour l’exploitation sécuritaire et respectueuse de l’environnement. Selon moi, la question ne devrait pas être «Comment le faire?» mais d’abord «Avons-nous besoin de le faire?». Certains vantent le sous-sol québécois entre Montréal et Québec, étant soi-disant un océan de gaz naturel, la prochaine Arabie Saoudite, mais plus propre. Propre? La combustion du gaz naturel
émet moins de gaz à effet de serre que la combustion du pétrole. L’éolien lui, en émet combien? Nada, niet, rien. «Énergie fossile» ne rimera jamais avec «propre». Si l’on considère le transport en camion nécessaire et le processus de fabrication des turbines, l’éolien produit un peu de gaz à effet de serre, c’est certain. Par contre, lorsqu’on mentionne que le gaz naturel est propre, est-ce qu’on mentionne les émissions causées par les génératrices qui pompent le gaz, et l’eau de fracturation dans le puits? Parle-t-on des milliers de transport en camions-citernes qu’un seul puits requiert pour déplacer les millions de litres d’eau nécessaires au processus, les centaines de litres de produits chimiques utilisés, l’équipement indispensable et les millions de litre d’eau contaminée? Je n’appelle pas «propre» une industrie gazière qui a le potentiel de contaminer la vallée du Saint-Laurent. Selon le gouvernement, il serait possible de creuser 300 nouveaux puits par année dans les provinces à partir de 2015, créant ainsi 7 500 nouveaux emplois. Si vous le voulez bien, nous créerons plutôt des emplois grâce au développement d’une nouvelle industrie de production d’énergie éolienne. Finalement, je crois que le vrai problème réside dans le fait que nous possédons des habitudes de consommation d’énergie grandissantes et démesurées. Notre climat ne fait que s’en désoler. Le sénateur Grant Mitchell ne semble pas partager mon avis. En 2004, les émissions de gaz à effet de serre au Canada avaient déjà atteint 758 millions de tonnes par année. Ceci nous situe à presque 30% au dessus des résultats de 1990. Le Canada a pourtant ratifié le protocole de Kyoto, s’engageant d’ici 2012 à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 6% par rapport aux 599 millions de tonnes que le pays produisait en 1990. C’est bien, on est sur la bonne voix: cette année, les émissions canadiennes ont atteints 828 millions de tonnes... M. Mitchell indique fièrement que c’est le résultat d’une économie canadienne florissante, de plus en plus prospère, et que les choses devraient rester telles quelles. Nous nous approchons du précipice: il est impossible de conserver une économie prospère en détruisant de telle façon le climat et les ressources naturelles. Au final, les sommes à payer seront astronomiques. Je suis curieuse de savoir à combien on estimerait la décontamination du fleuve Saint-Laurent, et un système de santé prenant en charge une population entière qui subirait les conséquences de cette contamination au gaz de schiste. Soyons donc conscient de l’égoïsme de nos choix. Préférons-nous consommer davantage que de nous assurer un avenir heureux? Nous n’avons qu’à réajuster le tir; les éoliennes suffiront à nous fournir l’énergie nécessaire sans avoir besoin de vandaliser notre sous-sol québécois, et nous pourrons espérez rencontrer un jour les objectifs de Kyoto. x
Dépensez votre énergie au Délit! Bill McKibben
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Actualités
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CHRONIQUE
CAMPUS
Jean-François Trudelle | Attention, chronique de droite
Une initiative positive
Ils ont tué Socrate La consultation à McGill
STEPHEN HARPER A déclaré cette semaine qu’il était, à titre personnel, pour le rétablissement de la peine capitale dans certains cas. Je m’étais opposé à ce châtiment dans un texte que j’avais publié le 22 mai 2010. Pourtant abolie le 16 juillet 1976 au Canada, la peine de mort semble encore charmer bien des gens, selon ce que révèle un sondage paru le 23 janvier 2010 dans le quotidien Le Devoir. En effet, 62% des Canadiens se disent en faveur de la peine capitale pour certains cas de meurtre, et cette proportion augmente à 69% lorsqu’on ne tient compte que des Québécois. Que l’État se réserve le monopole de la violence est un principe globalement accepté au sein de notre société, dans la mesure où tout le monde assume que ce dernier ne peut se permettre arbitrairement d’user de ce pouvoir. De cela ne résulterait que la dictature. Toutefois, si ce dernier a un tel droit, pourquoi ne peutil pas mettre quelqu’un à mort si celui-ci a été déclaré coupable par un tribunal légitime après un procès juste et équitable? D’abord, il y a la mort. La mort est la seule justice sur Terre et cette justice se perpétuera, peu importe le niveau d’évolution économique, sociale et intellectuelle d’un peuple. Nous mourrions avant d’avoir découvert le feu, nous mourons alors que la médecine ne cesse de progresser à un rythme époustouflant et nous mourrons lorsque nous aurons dépassé les frontières de notre planète bleue. Tout cela pour dire que l’humain n’a jamais inventé la mort. Il n’a fait et ne fera que la subir, la trouvant absurde après tant d’efforts pour vivre, mais ne pourra rien y faire. Elle est un cadeau de Dame Nature (ou de Dieu, selon ce que vous croyez) et est faite pour rester. Qui sommes-nous pour pouvoir l’imposer à un autre? En vertu de quoi pouvons-nous décider pour quelqu’un d’autre si son heure est venue? Cela serait d’autant plus inquiétant que ce serait l’État qui déciderait de cela. Cela me fait frémir de savoir qu’une entité imaginaire puisse décider de mon droit (ou non-droit) de vivre, alors que cette dernière est supposée
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me protéger contre les abus. De toute façon, l’État ne peut avoir la prétention de se substituer à la nature (ou à Dieu). Ce serait se prendre pour un objet de nature divine, ce qu’il est loin d’être. Ensuite, il y a la liberté. Si l’humain n’a jamais inventé la mort, il a imaginé et théorisé la liberté. De Platon à Voltaire, en passant par Hobbes, les théories de la liberté se sont succédées et se sont vues mises en application par le biais des structures politiques et sociales créées par l’Homme. Ce concept n’est donc qu’une pure vue de l’esprit acceptée par la communauté. Cela est d’ailleurs merveilleusement exprimé dans le célèbre et terrifiant 1984. Si le mot liberté n’existait pas, comment pourrait-elle elle-même exister? C’est justement dans cette optique de liberté théorisée par l’Homme que nous pouvons nous permettre de punir des individus nuisibles à la société en les emprisonnant. Cette action est légitime, puisque tout ce qui est perdu est un concept et non pas un besoin fondamental pour l’existence, pour la vie. Une société accepte, par son contrat social, la liberté qu’elle voudrait voir mise en application. Accepter toutefois d’aller plus loin en laissant la collectivité, soit la majorité, tuer un individu, est une forme de collectivisme parfaitement inacceptable, une immense négation de l’individualisme. Pouvons-nous tolérer ce rejet de cette pierre d’assise de la société occidentale? Absolument pas, puisque l’Histoire regorge d’exemples où la fin de l’individualisme comme priorité sociale a tranquillement mené à la dictature. Ce fut le cas de l’Italie fasciste, de la tristement célèbre Allemagne nazie et de l’immense boucherie soviétique. De plus, Lévi-Strauss mentionnait que le désir de prolonger la vie était un élément fondamental de l’Occident. Nous considérons l’espérance de vie comme une mesure de développement d’une nation, notre médecine est axée sur le prolongement de cette dernière et une des philosophies les plus marquantes du XXe siècle occidental, l’existentialisme, érigeait le repoussement de la mort comme l’un de ses principes fondamentaux. Comment pourrions-nous légitimer l’arrêt de la vie par un pouvoir reposant sur la confiance? Comment pouvons-nous nous nier nous-mêmes? Il suffit aussi de lire L’Apologie de Socrate pour réaliser l’absurdité de cette peine. On a mis fin à la vie d’un homme juste à cause de l’incurie de la majorité, et Athènes l’a regretté. Nous avons mis un terme à ce potentiel d’abus au Canada il y a trente-quatre ans. Évitons que Socrate ne meure à nouveau. x
Anthony Lecossois Le Délit
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nstauré par l’administration en novembre 2010, à la demande de Zach Newburgh, le groupe de travail sur la consultation et la communication avec les étudiants était une réponse au sentiment partagé par le corps étudiant de
ne pas être entendu par l’administration. Vendredi dernier le comité présidé par le professeur Paul Wiseman organisait un «forum ouvert sur la consultation et la communication à McGill». Si la salle était loin d’être comble, les discussions ne manquaient pas de mérite. Par sa qualité d’écoute, le comité a su convaincre l’auditoire
de sa réelle volonté de changer les choses pour ce qui a trait de la consultation à McGill. Les participants espèrent que le rapport du groupe de travail ne restera pas lettre morte. x Retrouvez un compte rendu des débats sur le blog des sénateurs étudiants: http://ssmu.mcgill.ca/senators
Et vous, auriez-vous supprimé l’AG? Réagissez sur delitfrancais.com
CAMPUS
Francofête! Pour placer une annonce :
La CAF vous y invite!
C
’est une fois de plus avec un enthousiasme palpable que les membres de la Commission des affaires francophones (CAF) vous ont concocté deux semaines d’activités. La francofête commencera avec une cabane à sucre mobile, que vous verrez se déplacer jusqu’à vous, le 25 janvier, devant Redpath. Vous ne voudrez aussi pas manquer de passer au kiosque d’information tenu par l’Association générale des étudiants de langue et littérature françaises: des traductologues sauront vous aider à vous exprimer la langue de Molière, le 26 janvier de 10-3h, dans l’entrée du Leacock.
(514) 398-6790 • ads@dailypublications.org
Notez également à votre agenda le panel culturel sur les aspects esthétique et politique de la langue française dans l’industrie artistique d’aujourd’hui, le 1er février, salle Wilson à 14h30). Un deuxième panel dressera un bilan des politiques linguistiques et le succès de leurs objectifs identitaires, le 4 février à 16h30 dans la salle de bal du Shatner. Après notre très couru vin et fromages, venez-nous au bar Gerts, du Dumas plein les oreilles. Ouf... J’espère qu’il vous restera du temps pour souffler. Si c’est le cas, consultez l’horaire complet sur ssmu.ca/caf.
Séances sur la recherche d’un logement à Montréal Les séances couvriront les points suivants : •
Le meilleur moment pour commencer votre recherche
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Quand, comment et où commencer votre recherche
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Le formulaire d’application et le bail
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La loi sur la Régie du logement au Québec
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Quoi faire lors d’un con lit avec le propriétaire ou le(s) colocataire(s)
Logement 留学生のための部屋・私たちは日本語を 勉強しているカップルです。上手に話せる ために練習したいです。 アパートはお洒落 なプラトー地区のローリエ駅(メトロオ レンジライン) から1分で便利。下宿料は $120/週(2食付・暖房・電気・インタ ーネット・電話代込み)詳細はご連絡くだ さい。kodamastore@gmail.com
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“un OEIL PARESSEUX”
depuis l’enfance? La recherche de vision de McGill recherche des participants d’étude. Veuillez appeler Dr. Simon Clavagnier au (514) 9341934, poste 35307 ou contacter mcgillvisionresearch@gmail.com pour de plus amples informations.
Cours
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Comment refuser une augmentation abusive de loyer
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Renouvellement et annulation d’un bail Les séances se dérouleront en anglais
Sessions quotidiennes :
Sessions hebdomadaires :
Semaine du 24 janvier @ 11 h
Les vendredis de février @ 14 h
Lieu :
Lieu :
Carrefour Sherbrooke (Salle de bal) 475 Sherbrooke O. Montréal H3A 2L9
R.V.C. (Roscoe Lounge) 3425 rue University Montréal H3A 2A8
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xle délit · le mardi 25 janvier 2011 · delitfrancais.com
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Accorder «génie» au féminin Les facultés de génie et les écoles spécialisées en ingénierie ont résisté à l’assaut universitaire de la gente féminine. Pour combien de temps? Laura Andrea Saavedra Le Délit
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epuis que les femmes ont accès à l’éducation, le profil étudiant a largement changé dans les universités. Actuellement, la population étudiante est majoritairement composée de femmes, et presque toutes les facultés présentent une proportion plus élevée de femmes que d’hommes. Cependant, la faculté de génie semble être l’exception à cette règle. Les statistiques publiées sur la page des admissions du site de McGill montrent que, pour l’année scolaire 2009-2010, seuls 636
étudiants sur les 2 813 inscrits au premier cycle sont des femmes. Sandrine Reny, étudiante au premier cycle en génie mécanique à la Polytechnique, affirme qu’au sein de la faculté de génie, la proportion des femmes est très inférieure à celle des hommes. Elle mentionne que certains domaines de génie, comme le génie logiciel, paraissent être complètement mis de côté par les femmes, alors que les domaines «biomédical et chimique doivent être composés entre 50 à 75% d’étudiantes». Personnellement, Reny n’a jamais eu de difficultés à interagir avec la majorité masculine, mais elle affirme que pendant leur
parcours universitaire, toutes les femmes en génie se voient obligées de développer des qualités communes, comme être capable d’«endurer des blagues contre la seule fille présente» ou «s’habituer à participer à des conversations de gars qu’ils ne lanceraient pas s’ils étaient entourés de filles». Reny pense que «les hommes de [sa] génération acceptent quand même bien le fait qu’une femme étudie en génie. Les femmes ont de plus en plus leur place en ingénierie.» Selon Thierry Aboussouan, étudiant au premier cycle en génie mécanique à McGill, le taux peu élevé de femmes en ingénierie
trouve son origine avant la rentrée à l’université. «La société nous envoie des images préconçues de ce que les filles devraient être et des domaines dans lesquels elles devraient étudier. Donc, quand vient le temps d’appliquer à l’université, les filles ont déjà été inconsciemment poussées vers tel ou tel domaine plutôt que d’avoir vraiment songé à toutes les options possibles, le génie étant l’une de ces options.» À McGill, plusieurs initiatives ont été prises pour intégrer au mieux les femmes dans ce domaine traditionnellement masculin, notamment par le biais du comité P.O.W.E. (Promoting
Opportunities for Women in Engineering). Chaque année, ce comité organise plusieurs événements à l’intention des femmes en génie: conférences, réunions «vin et fromage» entre étudiantes et conférencières, campagnes de financements [et] création de réseaux sociaux. Cependant, la plus grande activité organisée dans ce contexte est la «conférence pour les futures femmes en génie» (CFWE). Cette conférence annuelle vise à briser les stéréotypes qui se répandent dans le milieu de l’ingénierie et, ainsi, à encourager les filles, dès l’école secondaire, à poursuivre des études dans ce domaine. x
Vous êtes des génies en herbe? Votre expertise journalistique, on la veut! Joignez les forces «Actualités» du Délit. actualités@delitfrancais.com
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Actualités
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societe@delitfrancais.com
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n février 2007, on annonçait que Kodak ne développera plus de photos en France. Quelle est la place de la photographie argentique (aussi appelée analogique) face au numérique qui ne cesse d’épater la galerie depuis les années 1990? Au niveau mondial, on observe depuis quelque temps une disparition progressive des usines de production d’argentique et une constante amélioration des technologies numériques, toujours plus précises, toujours mieux adaptées aux besoins des chasseurs d’images. Dans une société qui ne connaît et ne consomme à peu près que des photos digitales, comment le numérique transforme-t-il l’interaction entre le photographe et son sujet, et de quelle façon revisite-t-il la notion de beauté en photographie? Est-ce celle qui se rapproche le plus de la réalité ou celle qui la sublime par une série de modifications numériques?
Le numérique, ce n’est pas si mal que ça. Que ce soit par le biais des journaux télévisés, de la presse quotidienne, d’affiches publicitaires ou de magazines en tout genre, les médias nous bombardent d’images. Le numérique participe activement à cette explosion du visuel et finit par banaliser des événements de grande envergure méritant pourtant toute notre attention. Photographies de reportage, de mode, de documentaire, de publicité, de design:
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les catégories se déclinent à l’infini et en 2011, on finit par se demander comment distinguer le photographe professionnel de l’amateur! Il existe bien sûr des formations de photographie. Par contre, celui ou celle qui possède un Canon 5D Mark II et qui manie correctement Photoshop est parfaitement en mesure de rivaliser avec la sphère des photographes reconnus.
«Aujourd’hui, l’erreur ne
coûte rien, on a la chance de pouvoir supprimer des photos à notre guise sans se soucier du prix de notre défaillance technique.»
Valérie Jodoin Keaton, portraitiste documentaire québécoise et ex-membre de The Dears, est l’auteure d’un recueil de photos intitulé Backstage dans lequel elle dévoile les moments intimes des grands noms du rock qu’elle a eu la chance de photographier lors de ses tournées: entre autres The Killers, The Dandy Warhols, Yann Perreau, Les Rita Mitsouko ou encore Paul McCartney. Son opinion sur le numérique est partagée: «Si on parle de l’apprentissage de la photographie, je ne pense qu’à des résultats positifs, car le numérique est plus abordable pour tout le monde, on peut se permettre de faire beaucoup plus d’essais et d’erreurs et apprendre ainsi plus vite. On peut d’ailleurs donner un appareil numérique à un enfant dès son plus jeune âge. Je pense que les seules répercussions négatives sont
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liées au fait que le photographe se base beaucoup plus sur l’essai et l’erreur pour obtenir une bonne image, plutôt que sur sa connaissance technique de la lumière. À l’époque du film, les photographes devaient faire beaucoup de calculs et prévoir les résultats d’une exposition choisie.» L’apparition du numérique a non seulement bouleversé le traitement des informations publiques, mais il a aussi modifié de manière considérable la sphère privée, et en particulier la relation qu’entretient chaque famille avec ce huitième art qu’est la photographie. Par comparaison avec l’argentique, les appareils numériques sont plus compacts, et ils disposent de cartes mémoires pouvant contenir des milliers de photos, alors que les films sont le plus souvent limités à une trentaine d’impressions. Aujourd’hui, l’erreur ne coûte rien: on a la chance de pouvoir supprimer des photos à notre guise sans se soucier du prix de notre défaillance technique. La technologie numérique a donc eu un impact sur la valeur accordée à une photographie, notamment à cause du nombre infini de photos que l’on peut prendre pour immortaliser un moment ou une action. Si on s’aperçoit que notre cliché est légèrement flou ou en contre-jour, «pas de panique!», on appuie de nouveau sur le bouton! La réalité était loin d’être la
même au temps ou seul l’argentique existait: le photographe amateur avait plus de mérite si la photo était réussie et le cliché gardait davantage sa magie. Le pouvoir qu’acquiert le sujet photographié vis-à-vis du photographe professionnel est aussi notable. Valérie Jodoin Keaton souligne ce changement dans les rapports sujet-photographe: «Avec une caméra digitale, le photographe est porté à montrer sur le champ ses photos au sujet, un processus qui ralentit la session photographique et peut interrompre la prise de vue. Le sujet a le pouvoir d’arrêter la séance de photos quand il le désire pour voir le rendu et même donner son input. Il a donc un certain contrôle sur le résultat photographique.»
Photoshop et les nostalgiques du négatif Avez-vous déjà entendu parler de Pixelmator, de Poladroid ou de
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a MyPhotoEdit? Ces logiciels de retouches à sonorité effrayante sont tous des disciples du maître Adobe Photoshop. Par définition, la retouche numérique est le processus d’altération d’images numériques. Le mot altération devrait vous sauter aux yeux car il connote une dégradation, soit une transformation de la réalité photographiée. La beauté originelle d’une photographie est donc remplacée par une beauté artificielle et factice.
«Un photographe [...] a be-
soin d’être très vif et d’avoir un réflexe très développé [...]. [I]l a besoin de beaucoup de rapidité entre l’oeil, le cerveau et le doigt qui pèse sur le déclencheur. »
Valérie Jodoin Keaton, quant à elle, voit la révolution numérique d’une toute autre manière: «Par rapport à l’étape post-
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production et aux retouches sur une photo, je ne vois que du positif dans l’utilisation de logiciels de retouche. Cela donne une part un peu plus artistique au photographe qui se permet de recréer à nouveau une image (en plus de l’originale) et de la modifier selon sa vision. Je ne vois aucune conséquence fâcheuse à cette pratique. Au contraire, le photographe gaspille moins de temps en chambre noire. C’est mieux également pour l’environnement [pas de produit chimique et de gaspillage de papier].» Il est possible de modifier une image à l’infini et de la détourner de sa fonction de reproduction du réel et donc de sa beauté intacte. Par contre, les critères de beauté et de réussite d’une photographie se fondentils davantage sur la prouesse technique du photographe ou sur le contenu de l’image? Selon la photographe professionnelle, les deux demeurent absolument essentiels: «Tout dépend du contexte: si le sujet ou le moment est très éphémère, la prouesse technique est très importante. Par contre le contenu de la photo est je crois ce qui pèse le plus de poids dans la balance pour un projet d’exposition ou de livre, par exemple.» L’instigatrice de Backstage croit qu’il peut y avoir une très belle photographie sans message, comme un beau paysage avec une lumière aux tons subtils, par exemple. Par contre, pour un travail dans son ensemble, il doit y avoir une pensée continue, un message, une réflexion sur ce qui est exprimé. «Il peut y avoir d’excellentes photos qui sont prises avec beaucoup de chance», assure la photographe
Valérie Jodoin Keaton. Elle ajoute qu’un artiste qui veut réaliser une série photographique au contenu intéressant, mais ne possède pas de talents techniques, peut prendre le temps d’essayer la tactique essai erreur et qu’il finira par y arriver. Par contre, elle tient à préciser «qu’un photographe a besoin d’autre chose, il a besoin d’être très vif et d’avoir un reflexe très développé. Un réflexe pour attraper un moment surtout quand c’est un sujet qui est vivant, il a besoin de beaucoup de rapidité entre l’œil, le cerveau et le doigt qui pèse sur le déclencheur.»
Faire machine arrière Face à cette multiplication d’images numériques et à la course au meilleur retoucheur, certains photographes décident de se démarquer par un retour à l’argentique. C’est devenu le cas de Valérie Jodoin Keaton lorsqu’elle a décidé de monter son recueil de photos Backstage et qu’elle a choisi une caméra Hasselblad afin d’approcher les musiciens dans les coulisses avant ou après leur spectacle. «Je voulais d’abord m’inspirer d’une de mes photographes fétiches: Mary Hellen Mark, portraitiste et documentariste américaine qui a utilisé un appareil Hasselblad.» L’artiste admet son faible pour le format carré de l’appareil. «C’est une question d’équilibre. Je voulais centrer le sujet dans un environnement, je voulais limiter l’espace autour du sujet.» La photographe soutient que l’appareil lui-même a su l’aider lors de ses premiers contacts avec ses sujets: cela la dissocie des journalistesphotographes et on la perçoit donc comme
une artiste. «L’impression première était très importante pour les sujets qui sont tentés de repousser les porteurs de caméras, surtout lors de l’avant et l’après-spectacle.» Les artistes photographiés, souvent intrigués par l’appareil, voulaient en savoir davantage et participaient d’autant plus au projet de Valérie Jodoin Keaton. De plus, ce type d’appareil vintage l’a contraint à exécuter la tâche rapidement car il ne contenait que douze poses. En moyenne, elle fait son travail en trois ou quatre photos par sujet, ne voulant pas abuser de leur temps et ne voulant pas perdre la spontanéité et la magie de l’échange. Finalement, Valérie Jodoin Keaton relève le défi, en 2011, de faire un travail photographique uniquement analogique. Elle propose une vision positive du processus de retouche qui valorise la liberté et l’expression artistique du photographe, tout en précisant que le véritable artiste doit savoir prendre son temps et ne pas compter uniquement sur la chance. Par ailleurs, un grand nombre de photographes vont jusqu’à retoucher leur image numérique pour donner un effet «argentique», alors que d’autres scannent leur photos issues de la chambre noire pour faire des retouches numériques. Ces pratiques hybrides en constante innovation participent certes à ouvrir les possibilités artistiques en photographie, tout en prenant en compte la pratique des anciens de la photographie et l’origine de cet art passionnant. x Et vous, que préférez-vous, l’argentique ou le numérique? Exprimez-vous sur delitfrancais.com et envoyez-nous vos photos à societe@delitfrancais.com.
Société
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CHRONIQUE
Un incontournable et un classique
Christophe Jasmin | Les pieds dans les plats
Barcelone, l’incontournable On vous l’a sûrement déjà dit, mais je me permets de le répéter: si vous n’avez qu’un endroit à visiter en Europe en ce moment, c’est Barcelone. Pour toutes les merveilles de Gaudí telles que la Sagrada Família, la Casa Batlló ou bien le Parc Güell, où vous pourrez rejouer la scène du baiser torride de ce film français cucu... Pour les Ramblas, l’artère principale de la ville où on dirait que tous les anciens du Cirque du Soleil viennent finir leur carrière en faisant les statues humaines. Pour l’ambiance frénétique de la ville aussi, qui rappelle un peu Montréal au plus fort de l’été. Mais fois 100. Et à l’année longue. Toutefois, selon moi, LA raison qui rend Barcelone (et toute la Catalogne) si incontournable, c’est sa cuisine. Non pas qu’elle soit nécessairement meilleure que ce qu’on trouve en France, par exemple, mais ce qu’elle a de meilleur
est très accessible, au contraire de la France, justement. Un peu comme en Italie, en fait. Sauf qu’en vivant à Montréal, on est déjà en contact avec la cuisine italienne. Ce qui est loin d’être le cas pour la cuisine espagnole (oubliez les pâles imitations de paellas et de tapas qu’on peut trouver). De plus, la Catalogne est le berceau de la fine cuisine gastronomique contemporaine, dont Ferrán Adrià et sa cuisine moléculaire sont les figures de proue. Le meilleur endroit pour goûter, et voir, la richesse culinaire de la région, c’est le marché de la ville: le Mercat de la Boqueria. Sans doute un des plus beaux marchés d’Europe (du monde?) où les stands de fruits sont plus magnifiques que les arcs-en-ciel, les poissons et fruits de mer tellement frais qu’ils vous sautent presque dessus et des bars à tapas où l’on vous cuisine littéralement ce qui est derrière vous. Sans oublier leur jambon fumé, le jamón ibérico, roi de tous les lieux ayant un lien avec la bouffe dans ce pays. Et qui, soit dit en passant, est meilleur que le prosciutto. Paris, le classique J’ai une relation bizarre avec Paris. Autant je ne me lasserai jamais de visiter et revisiter la ville et de profiter des possibilités de divertissement inifinies qu’elle offre (toujours une expo que l’on n’a pas vue, un bon resto où l’on n’a pas mangé, un quartier que l’on n’a pas fini d’explorer…), autant, j’ai
Fruits séchés et noix au Mercat de la Boqueria Mutari
franchement détesté les trois années que j’y ai passées. À cause des Parisiens? Peut-être. Cependant, je pense que c’est plutôt la ville en soi, sa taille, sa promiscuité, sa grisaille quasi-permanente et son manque criant de verdure (même les arbres sont gris ici) qui en font un endroit souvent si peu accueillant. D’où la mauvaise humeur et l’air bête légendaire des Parisiens (qui ne sont certainement pas nés comme ça). Bref, le Parisien naît bon, et c’est la ville qui le pervertit, pour reprendre une formule connue. Reste que c’est un endroit où l’on peut manger incroyablement
bien, si tant est que l’on connaisse plus ou moins. Ce qui est bien, aussi, c’est que même si on se trouve dans une grande métropole cosmopolitaine, on peut encore trouver presque dans tous les restos des plats qui ne sonnent pas très cosmopolitains. Par exemple, lundi, dans deux restaurants assez courus de la ville, j’ai trouvé de la langue de veau et de la tête de veau (langue, cervelle…) au menu. Évidemment, j’en ai commandé les deux fois. La première fois, c’était excellent, quoiqu’un peu étrange comme petit déjeuner. Après la deuxième fois, qui était aussi bien,
j’avais un peu l’impression qu’une deuxième langue allait me pousser au fond de la gorge. Réflexion de voyage Un peu comme les vaches qui ont quatre estomacs, je pense que les Européens ont développé, à la longue, un deuxième estomac servant uniquement à digérer l’alcool sans que le reste du corps en soit trop affecté. Sinon, je ne vois vraiment pas comment ils font pour boire autant pendant le repas du midi et recommencer à travailler après. Quoiqu’en Espagne, ils ont toujours la siesta... x
BILLET
À déguster lentement
Pour faire changement, prenons notre temps. Camille Lefrançois Le Délit
C
e billet se veut en quelque sorte une bouffée d’air frais. Peut-être est-ce le fait d’étudier en environnement, ou bien simplement de lire les nouvelles de façon régulière, mais j’ai souvent l’impression que le pessimisme et le cynisme sont des tons récurrents. Cette semaine encore, je lisais un article de Christian Rioux, dans Le Devoir, qui rapportait une étude internationale selon laquelle les Canadiens âgés de 16 à 29 ans sont avant tout individualistes et matérialistes, et très peu prompts à l’engagement social. Une étude comme celle-là est toujours à prendre avec des pincettes, je suppose, mais il reste que ce portrait peu flatteur me donne une impression de déjà vu. Même si ce n’est peut-être pas aux nouvelles qu’on en entend parler, le monde regorge d’initiatives et d’idées concrètes, intéressantes et inspirantes. Ainsi, au risque de faire appel à un cliché, le changement commence peut-être bien par vous
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et moi, avant tout. C’est bien vrai, le monde semble évoluer dans de drôles de direction et les interactions sociales sont en pleine métamorphose (on aura assez entendu ces discussions sur les nouveaux médias sociaux pour le savoir). Notre société occidentale est parfois caractérisée par le rythme de vie effréné qu’on y mène. De la formule métro–boulot–dodo aux fast-foods et autres services express, la rapidité semble prendre le pas sur la qualité de vie, ou tout simplement sur le temps de vivre. Personnellement, ma coloc et moi sommes amateures de bonne bouffe, et nous prenons plaisir à cuisiner chaque soir. C’est à la fois une bonne façon de prendre une pause dans nos études tout en nous permettant de contrôler et d’apprécier ce qui se rendra dans notre assiette. C’est dans cet esprit qu’est né le mouvement du Slow Food, qui existe depuis les années 1980 en Italie et duquel fut créée sa version Montréalaise, l’organisme Slow Food Montréal, une vingtaine d’années plus tard.
Principes de base? Le mouvement est axé sur le bon, le propre et le juste. Bon, c’est le côté gastronomique qui prône le choix d’aliments saisonniers bien goûteux et de qualité. Le développement durable y a sa place dans le second principe, qui cherche à promouvoir la consommation d’aliments «propres», soit généralement biologiques et davantage locaux. Finalement, le mouvement se veut aussi promoteur de pratiques consommatrices justes pour garantir une part positive aux producteurs des produits consommés. Leurs activités regroupent ainsi des amateurs de gastronomie qui souhaitent découvrir et partager ce plaisir. L’idée me semble alléchante. Dans nos vies étudiantes un peu folles, s’arrêter pour se mijoter un petit quelque chose, sans être très compliqué ni excessivement long, m’apparaît comme une belle façon de prendre du temps pour soi. Surtout lorsqu’arrive l’heure de manger! x
Le rythme de vie effréné de l’étudiant moderne Raphaël Thézé
Envie d’en savoir davantage sur le mouvement? Lisez l’article «Slow Food ou renaissance de la gastronomie artisanale» en pages centrales de l’édition du 10 novembre 2009. x le délit · le mardi 25 janvier 2011 · delitfrancais.com
« Mon expérience dans les Forces a été remarquable. Après avoir payé mes études, elles m’ont permis de travailler dans plusieurs pays. Et je ne sais jamais où mon prochain défi m’emmènera. » Capitaine BRYAN WILLOX
Arts&Culture
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THÉÂTRE
Erotisme et violence cathartiques Tom à la ferme, la dernière pièce de Michel Marc Bouchard, est un exemple incontournable du théâtre à son summum.
Valérie Remise
Mai Anh Tran Ho Le Délit
M
is à part son titre, la pièce Tom à la ferme n’a rien de bucolique. Tom (Alexandre Landry), un beau jeune homme à la crinière de lion, se rend à la campagne pour les funérailles de son amant. Agathe, la mère (Lise Roy), et Francis, le frère (Éric Bruneau) du défunt, refoulent derrière leurs mots et leurs gestes bienséants leur inconfort face à l’homosexualité. La présence de cette «veuve-garçon», alors qu’ils s’attendaient à accueillir une femme, leur permet toutefois de s’installer dans le mensonge et de se rattacher à cet être perdu, jusqu’à en tordre la vérité. Tom, lui-même, se résoudra à participer au jeu, exprimant ses doléances par des propos supposément rapportés d’une copine inventée.
Le deuil et l’homosexualité, les thèmes majeurs de cette pièce, permettent une réflexion sur la recherche de soi. Agathe retrouve en Tom son fils qui s’est enfui et Francis, son frère, à cause duquel il s’est autrefois ensanglanté les mains. Tom, celui qui vient de la métropole, s’effacera alors pour se réincarner en son amant défunt. C’est à travers ces relations re-tissées que chaque personnage entreprendra un voyage cathartique au fond de son être, avant que la vérité n’explose au grand jour et que chacun puisse faire son deuil. Il est rare d’assister à une pièce dont le jeu des acteurs est si égal. Quelle heureuse surprise! Les montées émotives et les instants de silence sont bien répartis entre les personnages. Nul manichéisme ici, mais plutôt la découverte de l’intimité complexe de cette famille en proie aux plus violents non-dits. C’est Éric Bruneau qui interprète
le personnage du bourreau non dépourvu de tendresse. Il parvient à exprimer avec justesse le malaise de ce fils qui rêve d’autres horizons, mais dont le devoir de rester sur la terre paternelle et de prendre soin de sa mère l’accable. Lise Roy, quant à elle, incarne une Agathe pleine de candeur qui ne parvient pas à être en paix avec un fils qu’elle ne connaissait finalement pas. Le texte et les jeux de mots de Michel Marc Bouchard sont merveilleusement portés par Alexandre Landry qui réussit à rendre crédible et jamais irritant un personnage toujours à la recherche de synonymes. La courte présence d’Évelyne Brochu est bien amenée et permet à la pièce d’atteindre son point culminant. La mise en scène minimaliste de Claude Poissant laisse assez de place à l’excellent jeu des acteurs. La scène est épurée: côté jardin, un ensemble d’armoires murales, ainsi qu’une table et quelques chaises, évoquent
la cuisine, alors que côté cour, la chambre est composée d’un lit et d’une lampe. Le fond de la scène est constitué de planches de bois et d’une porte coulissante; juste assez pour faire allusion à une ferme isolée. Aucun changement de décor n’est effectué –ni nécessaire–, la scénographie bien pensée par Romain Fabre permet aisément d’évoquer les divers lieux où se passe l’action et rappelle le côté très rustre de la pièce. L’éclairage (Erwann Bernard) est également un élément essentiel qui contribue à la réussite de Tom à la ferme. Une pièce à voir absolument. x Tom à la ferme Où: Théâtre d’Aujourd’hui 3888 rue Saint-Denis Quand: jusqu’au 5 février Combien: 25$
THÉÂTRE
Quand le théâtre dépasse la fiction
Beauté, chaleur et mort, la dernière création du Projet Mû présentée à La Chapelle promet une expérience théâtrale innovatrice et riche en émotions. Âmes sensibles s’abstenir. Marion Andreoli Le Délit
A
près Endormi(e), le Projet Mû entame un nouveau cycle avec Beauté, chaleur et mort: celui de la perte. C’est l’histoire de deux êtres plongés dans l’abîme du deuil. Deux individus qui ont connu la beauté de la naissance, la chaleur de l’amour et la mort d’un enfant. L’histoire de Nini Bélanger, metteure en scène et créatrice du Projet Mû, et de son compagnon Pascal Brullemans, dramaturge. Les temporalités –conception, naissance, mort, après-mort– et les différents lieux –maison, hôpital, bureau– prennent vie grâce à des jeux de lumière et des accessoires qui changent de fonction au gré du lieu et du temps: une desserte devient berceau, une distributrice à sandwichs nous transporte tour à tour de l’hôpital au bureau de Pascal, la couverture du nourrisson à l’hôpital sert ensuite de nappe à la maison. L’ambiance se construit également grâce à divers sons, comme le sifflement rappelant la respiration difficile du nourrisson et la minuterie qui entame le compte à rebours vers la desti-
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nation finale. Des sons et des lumières qui témoignent de l’appel de la mort, car on ne peut inculquer «la vie de force» malgré tous les efforts effectués. Avant de pénétrer dans la salle, nous sommes prévenus: le spectacle sera intime. Un couple (Nini et Pascal) et leurs deux enfants, une fillette et un adolescent, sont sur scène. Ils sont assis dans leur «salon»; c’est un portrait familial. Les enfants vont se coucher. En guise de didascalie, Nini et Pascal se présentent: je suis metteure en scène, je suis dramaturge, ceci est notre véritable histoire. La frontière entre le jeu et le réel est floue. Il est d’ailleurs difficile de savoir quand la pièce commence véritablement. Probablement lorsque Nini interpelle Pascal: «Tu es prêt?» et que les lumières s’éteignent. Pascal lance une phrase-choc: «J’ai trois enfants: un de quinze, une de huit et une qui est morte». Silence. Un sujet tabou. Un mot qui dérange. Le deuil est abordé de manière directe, sans compromis. Évoquer la mort provoque un malaise. Un malaise dont se sont nourris Nini et Pascal pour concevoir Beauté, chaleur et mort. Ils expliquent: «Ce fut notre point de départ, ce malaise. Celui d’inviter des gens
à assister, impuissants, à la véritable douleur d’autrui.» Pour eux, la douleur est trop souvent délaissée dans la société, alors que c’est un état connu de tous. Cependant, malgré la noirceur du sujet traité, Beauté, chaleur et mort ne sombre pas dans le mélodrame. Il y a aussi de beaux moments, ponctués de rire et de joie. Jouer sa vie? Pendant quatre-vingt minutes, nous devons surmonter notre embarras et plonger corps et âme dans l’histoire émouvante de nos deux «protagonistes». Le sujet de la pièce nous pose cette question: mettre en scène sa propre vie, avec des «non-acteurs» (dont son compagnon), ne serait-ce pas comme une thérapie? La fin de la pièce nous laisse perplexe sur ce point. Nini et Pascal sont là pour parler du deuil. La pièce s’achève sur ces paroles: «Je suis contente d’être ici». Étaler sa vie privée n’a aucun intérêt pour la metteure en scène. C’est la démarche que cela sous-tend qui est intéressante. Nini Bélanger explique: «C’est plutôt de vouloir dire quels sont les tabous qui sont encore bien présents dans
Patrice Blain
ma société, comment faire pour les briser, ou du moins, les nommer». La vie doit alors reprendre son cours. Pascal retourne au bureau, Nini prépare des sandwichs aux œufs. La douleur est cachée dans le tiroir de la desserte. On y range la couverture du bébé, le polaroïd (témoin de la perte) et la minuterie (éternel signal de l’appel de la mort). Dans Beauté, chaleur et mort, il ne s’agit pas d’impudeur, ni de voyeurisme, mais bien de théâtre. Un témoignage de courage, une expérience de l’intime, une réflexion profonde, des émotions bouleversantes. Une étrange expérience théâtrale, mais profondément intéressante et enrichissante. Une démarche artistique réfléchie, où, privilégiant l’hyperréalisme, Nini Bélanger poursuit toujours plus loin l’expérience de l’intime. Avec Beauté, chaleur et mort, elle explore et repousse ainsi la limite entre scène et réalité. x Beauté, chaleur et mort Où: Théâtre La Chapelle 3700 rue Saint-Dominique Quand: jusqu’au 29 janvier Combien: 22 $
xle délit · le mardi 25 janvier 2011 · delitfrancais.com
THÉÂTRE
La Belle, la Bête et l’ère numérique Lemieux Pilon 4D art et Pierre-Yves Lemieux présentent leur version revisitée et édulcorée de La Belle et la Bête.
Yves Renaud
Émilie Bombardier Le Délit
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oilà bientôt quatre ans que le duo formé par Michel Lemieux et Victor Pilon, Lemieux Pilon 4D art, présentait Norman, une création hybride d’une grande intelligence qui guidait le spectateur à travers l’œuvre du cinéaste d’animation réputé Norman McLaren en compagnie du danseur et chorégraphe Peter Trosztmer. Les metteurs en scène faisaient alors montre d’un génie indéniable, prouvant au passage que la technologie peut s’éloigner de la gadgetterie, qu’elle peut émerveiller en évitant le tape-àl’œil. Ensuite vint Starmania, revu par l’Opéra de Montréal en 2009, puis La Belle et la Bête présenté depuis mardi dernier au Théâtre du Nouveau Monde (TNM), une création qui risque de se faire oublier dans le parcours
d’une compagnie qui compte maintenant une trentaine de créations à son actif. Car, si les productions de Lemieux et Pilon flirtent constamment avec le merveilleux, projections 3D obligent, il faut croire que la transition dans l’univers du conte s’est faite de façon moins évidente. Réalisée Pierre Yves Lemieux, l’adaptation de cette histoire vieille de plusieurs siècles est un conte contemporain pour adultes qui ne s’assume pas tout à fait. Belle (Bénédicte Décary) est une jeune artiste naïve, la fille d’un illustre marchand d’art. Rongée par le deuil depuis la mort de sa mère, elle s’habille de vieilles chemises et de pantalons couverts de peinture et réalise de bien sombres croquis dans son atelier, tout en essuyant les nombreux reproches que lui fait sa sœur (Violette Chauveau), un personnage virtuel qui s’immisce constamment dans son univers. La Bête (François Papineau), quant
à elle, est un homme renfrogné au bord du désespoir. Prisonnier d’un corps affreux et d’une demeure où le temps semble être suspendu, il est farouchement protégé par une dame cruelle que l’on croit être son ancienne maîtresse et qui se fait aussi la narratrice du conte, rôle campé avec brio par Andrée Lachapelle. Rares sont ceux qui ignorent la suite de l’histoire. Le problème de cette adaptation, cependant, est que tout y semble précipité. La Belle et la Bête tombent amoureux sans que cela ne suive ce qui serait d’abord une attirance mêlée de crainte. Le texte semble être truffé d’ellipses, à tel point que la pièce n’est plus qu’une succession de scènes anecdotiques. Ainsi, les personnages paraissent unidimensionnels et irraisonnés. Bien qu’elles soient brillamment orchestrées, les projections 3D parviennent mal à faire oublier la faiblesse du texte. Elles illus-
trent toutefois très bien l’inconscient des protagonistes, leurs désirs comme leurs inquiétudes. Il est à parier, toutefois, que ceux qui ne sont pas familiers avec les œuvres de Lemieux Pilon 4D art retiendront surtout de la pièce cette composante très réussie. Pour être apprécié, un conte est certes une histoire qu’il faut prendre le temps de raconter. Et dans leur volonté d’émerveiller le spectateur, de lui en mettre plein la vue, c’est ce que dramaturge et metteurs en scènes semblent avoir omis. Autrement, à quoi bon vouloir remettre au goût du jour un récit tant apprécié et trop bien connu? x La Belle et la Bête Où: Théâtre du Nouveau Monde 84 rue Sainte-Catherine Ouest Quand: jusqu’au 12 février Combien: 20,18 $ et 33,31$
THÉÂTRE
La grande et belle folie au théâtre
Hugo Bélanger donne vie au célèbre baron de Münchausen au Théâtre Denise Pelletier dans l’excellent Münchausen-Les machineries de l’imaginaire. Frédéric Bouchard
Annick Lavogiez Le Délit
K
arl Friedrich Hieronymus, baron de Münchhausen, est un personnage fascinant de la littérature parce qu’il brouille les frontières entre imaginaire, mensonge et réalité, et ce depuis plusieurs siècles. Né en 1720 en Allemagne et décédé en 1797, le baron est un personnage réel, un être de chair et de sang transformé en mythe littéraire par divers écrivains allemands et français –dont le premier fut Rudolf-Erich Raspe– qui ont écrit et transmis les récits rocambolesques de ce menteur réputé et extraordinaire. Hugo Bélanger (texte et mise en scène) s’inscrit dans la lignée de ces heureux passeurs d’histoires avec sa pièce Münchhausen–Les machineries de l’imaginaire. L’originalité première de Hugo Bélanger se situe dans son choix de centrer sa pièce non sur le seul personnage du baron, mais aussi et surtout sur le Théâtre Gallimard et
Fils, une troupe foraine qui, pendant 200 ans, a joué sans relâche les aventures du baron dans une entreprise aussi loufoque que les récits de ce dernier. Pourquoi choisir cet angle d’approche pour présenter ce visionnaire imaginatif? Parce que la dernière représentation de la troupe ambulante a été marquée par la venue d’un fantasque personnage clamant être le célèbre baron. Point de départ de la pièce, cette rencontre entre un personnage fascinant et une troupe ruinée qui véhicule le doux plaisir de raconter des histoires permet à Bélanger une mise en abyme plutôt réussie. À travers la présence de ce théâtre dans le théâtre, mis en valeur par toute une machinerie vieillie, style fin XVIIIe, Hugo Bélanger joue avec les conventions du genre pour le plus grand délice du spectateur. Poulies, cordages et autres «trucs» permettent en effet au metteur en scène d’emmener son public dans un univers imaginaire incroyable tout en lui en montrant les rouages, et ce sans jamais perdre le caractère ludique du lieu.
Les costumes, originaux et hauts en couleurs, contribuent indéniablement à la beauté de la pièce (la redingote en velours rouge du baron marque l’imaginaire en rappelant subtilement le tissu identique des rideaux entourant la scène du théâtre, emblème du genre, s’il en est un). Les magnifiques marionnettes (le douanier et le juge, sur la lune) maniées avec excellence par les comédiens, auraient quant à elle gagné à être plus grandes, étant donnée la taille imposante de la salle qui rend difficile, depuis les derniers rangs, d’en saisir toutes les subtilités. Les quelques baisses de tension dans le spectacle (conséquence d’un humour un peu répétitif et de quelques scènes qui auraient pu être raccourcies) passent inaperçues, le jeu étant porté par une équipe hors pair. Il faut en effet souligner que Hugo Bélanger avait pour collaborateurs dans cette entreprise théâtrale des acteurs dynamiques dont le jeu physique contribue indéniablement à la qualité de la pièce. Machinistes et marionnettistes, les
comédiens (Eloi Cousineau, Carl Poliquin, Philippe Robert, Audrey Talbot, Marie-Ève Trudel) ont opéré un véritable travail sur le corps cher au metteur en scène qui permet à chacun d’entre eux d’interpréter avec justesse plusieurs personnages. Un bémol malgré tout, qui tient davantage au Théâtre Denise-Pelletier qu’aux comédiens: la mauvaise acoustique de la salle nuit parfois à la compréhension du texte. L’univers fantasque et absurde de Münchhausen–Les machineries de l’imaginaire fait donc de la pièce un bijou théâtral que l’on prend plaisir à recommander chaleureusement. Et, comme l’affirme le baron luimême: «Les sceptiques seront con-fon-dus!». x Münchhausen–Les machineries de l’imaginaire Où: Théâtre Denise-Pelletier 4353 rue Sainte-Catherine Quand: jusqu’au 29 janvier Combien: 23,50$
Visitez le delitfrancais.com pour des exclusifs web! xle délit · le mardi 25 janvier 2011 · delitfrancais.com
Arts & Culture
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DANSE
Quand la danse n’est plus qu’un corps Jocelyne Montpetit aborde dans La danseuse malade l’œuvre écrite de Tatsumi Hijika, considérée pendant longtemps intraduisible.
Q
uand les lumières s’éteignent au Théâtre de Quat’Sous, le silence se fait et le public se prépare à un spectacle de danse d’une artiste qui a fait ses débuts sur la même scène, quelque trente ans plus tôt. Les lumières s’allument sur le corps nu de Jocelyne Montpetit, étendu sur une grande table au centre de la scène. Le chant d’un chœur se fait entendre. Petit à petit, le corps se meut, très doucement, en harmonie avec la musique et la lumière. Une dizaine de minutes passent avant que la danseuse ne se lève, doucement, pour arpenter lentement la salle. Quelques instants plus tard, les lumières s’éteignent, on entend une voix: le texte de Tatsumi Hijika (voix de Francesco Capitano, également conseiller dramaturgique) résonne dans la salle. Il évoque la danse, le corps malade de sa sœur. L’ambiance du spectacle est mise en place: il évoque davantage une pensée sur le corps que sur la danse. Quand les lumières se rallument, Jocelyne Montpetit réapparaît, vêtue d’une
longue robe, et continue de se mouvoir sur la scène. Le spectacle continue, pendant une heure, sur ce rythme: la danseuse arpente les planches pendant quelques minutes sur des musiques variées et, quand le noir se fait, la voix de Capitano retentit. À chaque fondu au noir, la danseuse se retire et se change pour revenir parcourir le lieu incessamment, de manière langoureuse. Elle hante la scène, se transforme successivement en différentes figures féminines tout en revisitant symboliquement les morts et les malades chers à l’œuvre chorégraphique d’Hijikata. Car il n’est pas réellement question de danse dans La danseuse malade, du moins pas comme on pourrait l’entendre dans une interprétation classique, pas pour les non-initiés dont je fais hélas partie. La danseuse se meut certes avec souplesse et légèreté, mais avec une telle lenteur que l’on se perd à attendre -sans résultat- un peu de rythme dans cette réflexion sur le corps qui semble n’être pas destinée à être communiquée au public. En effet, si les mouvements languissants de la danseuse auraient pu séduire, puisque, après tout,
même lenteur extrême a son charme et peut bercer le public, le visage de la danseuse -qui garde les yeux clos ou mi-clos pendant la majeure partie de ses apparitions sur scèneempêche toute connexion avec les spectateurs, les mettant à distance d’une expérience qui apparaît dès lors plus comme un exercice physique qu’un moment de partage artistique. De plus, les costumes de la danseuse (des robes de Rocco Barocco, Issey Miyake, Betsey Johnson), qui auraient pu mettre en valeur le corps de Jocelyne Montpetit et enrichir son rapport à la danse, ne sont pas d’une grande originalité, et le spectateur, distrait par la lenteur du spectacle, finit même par se demander si leur coupe, mal ajustée, est un choix délibéré ou une simple erreur de parcours. La danseuse malade est donc une expérience plutôt décevante dans l’ensemble. x La danseuse malade Où: Théâtre de Quat’Sous 100 avenue des Pins Est Quand: jusqu’au 29 janvier Combien: 22 $
CHRONIQUE
Soleil de novembre
Luba Markovskaia | Réflexions parasites
Je ne sais pas si c’est par esprit de contradiction que je cherche toujours à repérer chez un écrivain le contraire de ce qu’on en dit communément, mais sans doute que oui. Ainsi, lorsque je lis un auteur comme Gilles Archambault, je cherche toujours une petite lueur d’espoir, une petite trace d’amour pour la vie de la part de cet auteur dont on qualifie si souvent les écrits de sombres et de désespérés. Et je trouve ce que je veux, bien sûr, ce qui me fait revenir sans cesse à cet univers qui lui est si unique, à cette voix murmurée à laquelle on est vite accoutumé. Je dois dire qu’il me rend parfois la tâche plutôt difficile. Grande admiratrice de ses chroniques
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Arts & Culture
-autant celles remaniées à des fins de publication, comme la série des Chroniques matinales, que les billets d’humeur qu’on peut entendre chaque dimanche à l’émission de Joël Le Bigot-, je recherche toujours ce ton ironique et narquois qui me plaît tant chez le chroniqueur et qui paraît absent chez le romancier ou encore le nouvelliste. C’est pourtant justement ce qui fait la force de ses récits de fiction. Paradoxalement, cette force, typique d’Archambault, c’est la faiblesse de ses personnages, une faiblesse bien humaine et qui nous rappelle la nôtre. Nus devant la vie, le temps et ses fatalités, ils n’ont même pas le voile de l’ironie pour se protéger contre les éléments. Les échanges désabusés des personnages de son dernier recueil de nouvelles, Un promeneur en novembre, sont dénués de pathos et d’illusions. Le recueil rassemble, dans de courts tableaux intimistes, une série de départs. Départ de l’être aimé, de l’enfant, du frère, et très souvent, le dernier des départs. La méditation sur la mort est en effet présente à chaque page. Ces claquements de portes, ces vies quittées en catimini, sont d’autant plus percutants dans la forme brève de la nouvelle, et accablants dans leur succession.
Les nouvelles sont également ponctuées de silences. Comme échange avorté ou comme non-dit, le silence recèle la difficulté de communiquer avec les plus proches. Les mots, lorsqu’ils sont trop nombreux, sont blessants ou maladroits. Le silence, pendant inévitable de la solitude, entoure chaque personnage, malgré la présence parfois étouffante d’autrui. Mais si les personnages d’Archambault sont foncièrement seuls, si les liens familiaux sont presque nécessairement rompus ou usés, chacun cherche tout de même, à tâtons, l’écoute et la compréhension d’un autre. Cet autre arrive un peu comme une discrète Providence, comme deux promeneurs qui se rencontrent, un jour de pluie, en novembre. Se crée alors un espace éphémère d’écoute et de complicité, un moment de douceur. Ces instants, chez Archambault, surviennent comme le pâle soleil de novembre, qui perce parfois à travers la grisaille, et la recherche de ces lueurs constitue la quête d’une vie. «La pluie ne cessera pas. Peutêtre même se transformera-t-elle en neige. J’ai trop marché. Il est temps de rentrer. Je vais hâter le pas. Avec un peu de chance, il y aura de la lumière chez Mme Durand.» x
Shin Koseki
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x le délit · le mardi 25 janvier 2011 · delitfrancais.com
ARTS VISUELS
Saisir l’instant Un voyage dans le passé à travers 124 clichés du photographe Gabor Szilasi. Raphaël Thézé Le Délit
N
é en 1928 à Budapest, Gabor Szilasi se destine à des études de médecine qui sont interrompues lorsqu’il tente de fuir la Hongrie. Après cinq mois de prison, n’ayant plus le droit de poursuivre ses études, il trouve un travail dans la construction. C’est à cette époque qu’il achète son premier appareil, modèle Zorkij, et développe son goût pour la photographie. Ses premiers sujets sont empreints d’innocence, il photographie ce qu’il voit et ce qui attire son regard: des amis et des scènes urbaines pittoresques. La révolution de 1956 lui fera changer de lentille. Ses photos se chargent d’une tonalité dramatique et prennent pour objet les foules évoluant dans un Budapest révolté entre les autodafés d’ouvrages communistes et les carcasses de tramways. Avec la tombée du rideau de fer et la possibilité de fuir, Gabor Szilasi se retrouve par hasard au
Québec avec son père en 1957. Il ne revient qu’en 1980. Un voyage chargé d’émotion où il retrouvera de vieux amis, d’anciens bâtiments où il a vécu mais surtout une ville transformée. Il s’approprie avec son appareil photo l’architecture éclectique de Pest, sur la rive gauche du Danube, un vestige du XIXe siècle intégré aux constructions modernes qui n’est pas sans rappeler Montréal. C’est le hasard encore une fois qui l’amène à travailler à Montréal pour l’Office du film du Québec, d’abord comme technicien de chambre noire, puis comme photographe pour des reportages dans le Québec rural. Lui qui avait toujours vécu dans une grande ville, c’est la campagne qui le fascine. C’est dans les années 1970 lorsqu’il se trouve dans le Charlevoix qu’il effectue son premier projet personnel avec un essai photographique sur la région. Il explore les petites communautés et découvre le paradoxe culturel de la société québécoise qui offre à la fois une continuité avec le passé et les
traditions tout en développant des spécificités inattendues. Il dépeint remarquablement le mélange entre le moderne et l’ancien, le religieux et le profane en photographiant les agencements uniques qui peuplent le quotidien des gens qu’il rencontre: crucifix disposé avec une antenne de télévision ou photographies érotiques juxtaposées à des images religieuses dans une chambre, par exemple. Montréal le fascine donc pour sa diversité. Aujourd’hui encore il s’émerveille de trouver au détour d’un coin de rue un style, une architecture, une communauté entièrement différente de celle qui l’entourait cent mètre auparavant. Il réalise une série de 150 photos, format 4×5 pouces, sur la rue Sainte-Catherine où il cherche à formaliser une représentation de la ville et illustrer de manière vivante l’évolution des foules, des voitures dans une rue en perpétuelle mutation. Il essaie de saisir les goûts hétéroclites des constructeurs qui ont essayé d’introduire des éléments
décoratifs dans l’architecture même des édifices commerciaux. Il prend aussi des panoramas d’espaces urbains plus larges, comme le chantier de construction de l’UQÀM, et des intersections de rues où l’on admire la justesse de son regard dans le choix de la composition de l’espace. Gabor Szilasi se dit être peu intéressé par l’esthétique, c’est ce que communique l’image qui importe et pour lui cela passe par l’organisation de l’espace. On remarque que son travail se constitue essentiellement de photographies argentiques en noir et blanc. «La couleur n’a pas d’importance, confie-t-il, le noir et blanc fait ressortir les traits essentiels et possède une persistance que la couleur n’a pas». Ce qu’il préfère ce sont les portraits. Le noir et blanc transpose un côté psychologique du visage alors que la couleur met en évidence les défauts de la peau qui ne sont pas inhérents à la personne. Il photographie spontanément le sujet sur un fond neutre, l’objectif à quelques centimètres de la personne, créant un malaise
qui se dévoile dans le portrait. Les couleurs, lorsqu’utilisées, ont généralement un intérêt pour photographier une pièce, car elle traduit les goûts personnels et les différences sociales et culturelles. Gabor Szilasi oscille entre une démarche documentariste et artistique. Quand on lui pose la question, il répond qu’il est préoccupé par le changement. Lors de la capture d’une photo, il s’agit d’un 125e de seconde unique qui déjà fait partie du passé. La photo Motocycliste au lac Balaton, si elle avait été prise une seconde après, n’aurait certainement pas eu le même effet de mouvement et les sujets auraient probablement été hors-cadre. Cette spontanéité définit Gabor Szilasi avant tout comme un promeneur, prenant les choses au hasard de ce qu’il voit et guidé uniquement par sa sensibilité. x Gabor Szilasi -L’éloquence du quotidien
Où: Musée McCord 690 Sherbrooke Ouest Quand: jusqu’au 6 février Combien: 7 $
Motocycliste au lac Balaton Raphaël Thézé | Le Délit
Gabor Szilasi
CHRONIQUE
Trauma à la tête
Catherine Renaud | Billet incendiaire
Parfois, je me dis qu’à me lire vous devez sans doute me croire pleine de préjugés, intransigeante et cruellement moqueuse. Je pense aussi que vous vous dites que je ne donne de chance à rien ni à personne de me prouver leur intérêt ou leur valeur, avant que je
ne leur appose un jugement définitif. Je pourrais difficilement nier ces idées à mon sujet. Mais, j’ai envie de vous montrer qu’il demeure tout de même une once de bonne foi et un soupçon d’humanité au fond de mon vieux cœur de glace. L’an dernier, j’ai décidé de donner une chance à Fabienne Larouche, auteure célèbre de séries de longue haleine comme Virginie, dont la nouvelle série, Trauma, est diffusée à Radio-Cadenas. Je me suis convaincue que l’habit ne fait pas le moine, qu’il faut laisser sa chance au coureur, etc. J’ai donc commencé à visionner cette série emplie de bonne volonté, réceptive à son génie potentiel. Évidemment, dès le départ, plusieurs éléments m’ont agacé, comme le début de chaque épisode avec un nouveau cas médical, grossièrement calqué sur la série
x le délit · le mardi 25 janvier 2011 · delitfrancais.com
House, ou encore l’inexactitude du portrait du monde hospitalier (tranche de vie: je travaille dans un hôpital depuis deux ans, donc je remarque ce genre de choses), ou même encore les noms ridicules dont les personnages sont affublés (Dr Rush, urgentiste, Dr Légaré, psychiatre, et j’en passe). Malgré tout, j’ai fait de mon mieux pour garder l’esprit ouvert face à cette nouvelle production télévisuelle, me disant que, pour qu’un budget aussi généreux soit alloué à cette série, c’est qu’elle doit bien avoir une certaine qualité. À la fin de la première saison, je n’avais pas encore trouvé cette «certaine qualité», mais je n’étais pas non plus prête à démolir Trauma dans une chronique de journal. Mes amis, ce jour est arrivé. La seconde saison de la série a débuté récemment et, après trois
épisodes, je dois dire que mon vase déborde. Autrement dit, et pour rester dans le bon goût, je préférerais être exposée pour le restant de ma vie aux selles en conserve de l’artiste contemporain Piero Manzoni qu’à un épisode supplémentaire de Trauma. En seulement trois épisodes de quarante-cinq minutes, Fabienne Larouche a essayé de nous faire avaler ou plutôt, nous a enfoncé jusqu’au fond de la gorge, le viol par un mafieux, dont le frère également mafieux est hospitalisé au service de traumatologie, d’une docteure résidente (jouée par Laurence Lebœuf) déjà aux prises avec des problèmes psychologiques, Karine Vanasse en jeune délinquante se faisant infliger, à sa propre demande, des mutilations génitales par sa belle-mère, le suicide par immolation par le feu d’une autre résidente, et l’effon-
drement d’un stationnement souterrain dans lequel sont faits prisonniers Laurence Lebœuf, dont les répercussions du viol n’ont pas été traitées dans l’émission, et son petit ami, un autre résident joué par Yan England. Est-ce que Fabienne Larouche peut défier davantage les règles de base de la vraisemblance dans une production soi-disant réaliste sans que personne ne pipe mot? Au diable la vraisemblance, ce qu’elle recherche ici, c’est le subversif, le choquant, sacrifiant au passage cohérence et continuité. En fait, au visionnement du dernier épisode, j’ai eu l’impression d’avoir reçu un trauma à la tête tellement le début de cette série me semblait incompréhensible, absurde, voire surréaliste. Pousse, mais pousse égal ma Farouche. x
Arts & Culture
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LE DÉLIT AIME...
La multipixelité de la SAT
Annie Li Le Délit
L
L’œuvre s’inscrit dans le «Parcours lumière», la signature visuelle du Quartier des spectacles, qui lui permet de se distinguer parmi les autres quadrilatères culturels du monde. Les concepteurs du projet tiennent à rassurer les écolos, clamant respecter les principes de protection du ciel étoilé en utilisant la technologie DEL, qui consomme quatrevingt-trois fois moins d’énergie qu’une ampoule conventionnelle. Ce n’est que le début du renouveau pour la SAT, fondée en 1996 et installée sur le boulevard St-Laurent depuis 2003. Le centre transdisciplinaire s’acharne à promouvoir la recherche, la création, la formation et la diffusion des arts numériques, et ce tant
à l’échelle locale qu’internationale. La SAT a pour mission de repousser les limites de la création artistique en s’appuyant sur des idées et projets multidimensionnels s’aventurant en territoire inconnu, à la croisée de l’art et de la science. La Société se veut un laboratoire vivant, un lieu d’échange et de rencontre, autant pour les initiés que pour les néophytes. Cette institution culturelle devenue incontournable pour la métropole offre dans les prochains mois des créations présentées en ses nouveaux lieux. Beaucoup sont curieux de découvrir le nouvel étage de la SAT, le Sensorium, qui mariera arts technologiques et culinaires. L’étage comprendra aussi un théâtre im-
mersif permanent, dédié à la création artistique, où le public sera invité à interagir: la Satosphère, dôme intriguant trônant sur le toit de la SAT et que l’on peut apercevoir depuis la rue. La SAT, qui n’a pas encore terminé les travaux de son chantier, nous réserve encore bien des surprises en lien avec la culture numérique. Espérons que son succès certain saura émuler d’autres diffuseurs et protagonistes citadins afin de vitaliser la Main et le Quartier des spectacles! x Soyez présents à la soirée d’ouverture officielle et restez informés des événements à venir en vous inscrivant à www.sat.qc.ca/inauguration.
par Martine Chapuis
La bd de la semaine
undi dernier marquait le coup d’envoi des festivités entourant le 15e anniversaire de la Société des arts technologiques (SAT). Le lancement de la série d’activités qui se dérouleront tout au long de l’année était marqué par l’inauguration de l’œuvre d’art PIXINESS, qui ornera désormais la façade de la SAT, nouvellement rénovée du boulevard St-Laurent. L’ouvrage digital a été conçu par l’artiste visuel Axel Morgenthaler. Il s’agit d’une persienne robotisée couvrant la longueur de la vitrine séparant la rue de l’intérieur du bâtiment. Chaque lamelle de la
persienne est composée d’une surface miroir et d’un côté couvert de lumières (dites pixels, 960 au total) en forme de dôme. Les lamelles tournent sur elles-mêmes à l’horizontale, offrant la SAT à la rue et vice-versa, et créent des jeux et vagues qui reflètent les humains dans leur environnement urbain grâce à ses miroirs. L’ensemble forme aussi une horloge inusitée, car les lumières prendront des formes spécifiques lors des heures piles et à chaque quinze minutes, marquant le rythme de l’urbanité montréalaise. Le tout se veut interactif, puisque les passants pourront animer les lumières –mais seulement s’ils sont les heureux propriétaires d’un iPhone.
Dominic Paquin
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