Le Délit

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delitfrancais.com Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

le seul journal francophone de l’Université McGill

Zach Newburgh: après la censure, quel futur? > 4 Accord commercial bilatéral Europe-Canada > 7 Dans le corps et sous la peau avec Omnibus > 12 L’illusionniste: un hommage à Jacques Tati > 13

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Le mardi 8 février 2011 | Volume 100 Numéro 17

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Avec amour depuis 1977


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Vous pouvez mettre fin à l’apathie étudiante


Éditorial

Volume 100 Numéro 17

le délit

Le seul journal francophone de l’Université McGill

rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Mai Anh Tran-Ho Actualités actualites@delitfrancais.com Chef de section | Emma Ailinn Hautecœur Secrétaire de rédaction | Francis L. Racine Rédacteur Campus | Anthony Lecossois Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section | Émilie Bombardier Secrétaire de rédaction | Annick Lavogiez Société societe@delitfrancais.com Anabel Cossette Civitella Xavier Plamondon Coordonnatrice de la production production@delitfrancais.com Mai Anh Tran-Ho Coordonnateur visuel visuel@delitfrancais.com Raphaël Thézé Infographie infographie@delitfrancais.com Alexandre Breton Irena Nedeva Coordonnateurs de la correction correction@delitfrancais.com Anselme Le Texier Élise Maciol Coordonnateur Web web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Collaboration Augustin Chabrol, Martine Chapuis, Fanny Devaux, Justin Doucet, Blair Elliott, Zoé de Geofroy, Katia Habra, David Huehn, Christophe Jasmin, Charles Larose, Catherine Lafrenière, Luba Markovskaia, Catherine Renaud, Wendy Papakostantini, Mathieu Santerre, JeanFrançois Trudelle, Audrey Yank Couverture Raphaël Thézé bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Gérance Pierre Bouillon Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Emilio Comay del Junco Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Emilio Comay del Junco, Humera Jabir, Anthony Lecossois, Whitney Malett, Sana Saeed, Mai Anh Tran-Ho, Will Vanderbilt, Aaron Vansintjan, Sami Yasin

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.

Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill.

rec@delitfrancais.com

Le président fait cavalier seul D

epuis septembre dernier, Zach Newburgh a abusé de son pouvoir de président de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM), et ceci n’a enfin été réfréné que tôt vendredi matin par une motion de censure. Mais ce n’est pas assez. Pendant les cinq derniers mois, Zach Newburgh a entamé et a soutenu un partenariat avec l’entreprise naissante de réseautage Jobbook, au nom de l’AÉUM, sans le consentement ni même la connaissance des autres membres élus ni du Conseil

législatif. [Les détails à ce sujet et les conséquences sur les conseils exécutif et législatif en page 4]. Les intentions du président étaient peut être louables, agissait-il pour le bien-être et le futur des étudiants et de l’université, et non pour lui, mais ses actions ne le confirment pas et, en fait, semblent plutôt l’accabler. Car, si le projet était si prometteur, pourquoi ne pas en avoir avisé le reste de l’Association, le Conseil, et même avoir sondé les étudiants? Ce dernier événement est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, l’assem-

blée générale ayant failli être abolie, et ne fait preuve que de l’autonomie excessive de Zach Newburgh et du peu d’intérêt qu’il porte à la confiance des étudiants qui l’ont élu au poste de président. S’il n’existe plus de tribune physique pour discuter et débattre, s’il n’est plus possible de croire que nos élus ont notre bien-être à cœur, où pourront se faire entendre les étudiants? Réagissez. Écrivez à Zach Newburgh. Écrivez aux membres du Conseil. Faites connaître votre mécontentement et entendre votre voix. x

Bilinguisme: on avance et on recule D

imanche, le député fédéral conservateur de Beauce, Maxime Bernier, a écrit une note sur son blog dans laquelle il défendait sa position et ses propos sur la loi 101. Sa position se résume ainsi: «il est important que le Québec demeure une société majoritairement francophone. Et idéalement, tout le monde au Québec devrait être capable de s’exprimer en français. Mais nous ne devrions pas chercher à atteindre cet objectif en restreignant les droits et la liberté de choix des individus». Le député conservateur mentionnait également que le «consensus» par rapport à la loi 101, à savoir qu’elle a été et est toujours nécessaire, «n’existe tout simplement pas». Ce qui est surprenant est l’affirmation de Maxime Bernier qu’il «ne [s]’attendait pas à susciter une telle tempête en réitérant [sa] croyance qu’on [ne] devrait [pas] s’en remettre à la coercition étatique» pour protéger la langue française. Croyait-il vraiment que la loi 101 n’était plus un sujet polémique et que ses propos ne risqueraient pas d’en titiller plusieurs? All publicity is good publicity, ne dit-on pas? Ce qui est surprenant par-dessus tout est qu’il réclame que «dans une société libre et démocratique, on devrait pouvoir dire ces choses et en débattre calmement

sans se faire crucifier sur la place publique». Et il a raison, Maxime Bernier. Il peut affirmer ce qu’il veut, mais ses détracteurs peuvent également bien le critiquer comme bon leur semble. Et si Maxime Bernier croit que «le français [peut] survivre si les Québécois chérissent leur langue et veulent la préserver ; [qu’]il va rester vigoureux si le Québec devient une société plus libre, dynamique et prospère; [qu’]il va s’épanouir si nous en faisons une langue attrayante que les nouveaux venus voudront apprendre et utiliser» sans un apport concret du gouvernement et des mesures législatives, eh bien qu’il propose des solutions concrètes. *** Toujours sur le sujet de la langue, la semaine dernière, les collèges Marianopolis et Brébeuf annonçaient leur nouveau programme d’échange bilingue. Dans la réponse à un courriel du Délit, on nous apprend qu’au «Sommet Brébeuf en 2008-2009, des anciens, parents, employés et professeurs avaient manifesté un intérêt pour l’actualisation des programmes de langues existants tout en explorant de nouvelles avenues dont le but était d’offrir une occasion

d’acquérir un academic english soit pour faciliter les études supérieures ou pour le marché du travail». Le directeur général de Marianopolis, Len Even, précise que les discussions avec son homologue Michel April ont débuté il y a environ un an. «Nous voulions trouver une façon de donner à nos étudiants des occasions de réseautage dans un environnement francophone afin qu’ils se sentent à l’aise de rester au Québec» écrit-il également dans un courriel. Ces cours qui s’adressent aux étudiants entreprenant leur dernière session au niveau collégial ne sont pas des cours de perfectionnement, mais s’insèrent, avec une autre langue d’enseignement dans le cursus des étudiants. Selon les deux établissements, le programme, fondé sur un nombre réciproque d’échanges d’étudiants, devrait réussir. Len Even affirme croire «que les élèves d’aujourd’hui ont un esprit d’entreprenariat très global et qu’ils veulent faire l’expérience de tout ce que Montréal a à offrir à Montréal». Ce nouveau programme intercollégial bilingue mérite l’intérêt, bien qu’il se limite à deux seules institutions privées, mais ce n'est toutefois pas ce qui calmera le débat sur l'application de la loi 101 dans les cégeps. x

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec). Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

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Éditorial

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Actualités actualites@delitfrancais.com

David Huehn | Le Délit

CAMPUS | ANALYSE

Newburgh censuré, et après? Après la censure publique de son président, l’AÉUM est laissée dans une situation délicate. Anthony Lecossois Le Délit L’équipe en place parviendra-t-elle à mener à bien la mission qui lui a été confiée? Quel sera l’impact sur les gros chantiers des quatre derniers mois de leur mandat? Analyse.

À

une majorité d’au moins deux tiers, le conseil législatif de l’AÉUM a voté à huis clos, tard dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, la censure publique de son président, Zach Newburgh. Selon les premiers éléments recueillis par le McGill Daily (lire leur enquête dans l’édition d’hier), le conseil sanctionnait ainsi un conflit d’intérêts dont son président se serait rendu coupable. La polémique a été déclenchée par la participation de Zach Newburgh à une campagne de promotion de la startup Jobbook. Il aurait fait usage de sa position de président pour vanter les mérites de la compagnie aux élus étudiants d’autres universités, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. L’aspect le plus contentieux de ce débat réside sans aucun doute dans les intérêts financiers personnels qu’il a avoué avoir reçus, sans pour autant préciser le montant de cette rémunération. Il a expliqué au Tribune avoir, depuis, renoncé à toute rétribution. Selon certaines sources concordantes qui désirent rester anonymes par crainte de poursuites judiciaires, les débats à huis clos, qui ont duré plusieurs heures, portaient notamment autour d’une motion de destitution. Pour être adoptée, celle-ci devait être votée par deux

tiers des conseillers. Une condition qui n’a visiblement pas été réunie, puisque seule une motion de censure publique a été prononcée à l’encontre de Zach Newburgh, une mesure dont la portée est avant tout symbolique. Quelles en seront les conséquences sur le fonctionnement de l’association? Le conseil législatif L’organe régulateur de l’AÉUM vient donc de censurer publiquement son président. C’est d’ailleurs la seule information officielle qui a été transmise à la presse. Aucune explication n’a été donnée sur les motifs de cette décision. Il est donc difficile de savoir pourquoi le conseil a préféré la censure à la destitution. Est-ce parce que les conseillers n’ont pas complètement perdu confiance en la capacité de Zach Newburgh à mener son mandat à terme? Ou bien est-ce par crainte de semer le chaos au sein d’une organisation gérant plusieurs millions de dollars d’actifs? Un peu des deux, probablement, même si le fait que Tom Fabian (VP aux Affaires internes) ait menacé de démissionner –comme le confirment des sources du McGill Daily– a sans doute pesé dans la balance. Il demeure que le président est responsable devant les membres du conseil, seules personnes habilitées à le destituer. Il devra donc redoubler d’efforts pour regagner leur confiance et leur prouver qu’ils ont eu raison de lui donner «une seconde chance». Joshua Abaki (VP aux Affaires universitaires) estime que c’est peine perdue car «Newburgh a brisé la

Exclusif web Étude sur la dérèglementation des frais de scolarité internationaux delitfrancais.com

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confiance par ses mensonges répétés». Or, le président de l’AÉUM n’est nullement à l’abri d’une nouvelle motion de destitution, qu’elle soit initiée par les conseillers euxmêmes ou par une pétition d’au moins 200 étudiants. Comme le confirment plusieurs conseillers, il est évident que le nombre de signatures aura un poids certain dans les débats. Mais une difficulté demeure, le fait que tout se déroule à huis clos et que les membres du conseil soient constamment rappelés à leur devoir de réserve, «sous peine de poursuites judiciaires». On se retrouve dans une situation où cette organisation a condamné les agissements de son président mais qui officiellement empêche quiconque d’informer le corps étudiant. Or, les étudiants sont ceux qui ont élu ce président et qui financent par leurs cotisations le fonctionnement de l’association, y compris le salaire mensuel de ses dirigeants. Maggy Knight, membre du conseil législatif représentant les clubs et services, explique combien «il est frustrant de devoir se refuser à tout commentaire, non seulement avec la presse mais aussi auprès de [ceux et celles qu’elle] représente». Elle estime que «cela nécessitera une dose de courage de la part de Zach mais qu’il devrait publier les détails de l’affaire s’il veut regagner la confiance des étudiants». L’Administration L’AÉUM est sur le point d’entrer dans la phase finale des négociations concernant le texte qui régit les relations entre l’Association et l’administration de l’Uni-

versité, le Memorandum of Agreement (MOA), qui arrive à échéance cette année. C’est aussi avant la fin de son mandat que Zach Newburgh devra signer au nom de l’association un nouveau bail pour l’édifice Shatner. Se pose alors la question suivante: dans quelle mesure pourra-t-il se présenter à la table des négociations en représentant légitime des étudiants au baccalauréat tout en étant reconnu comme tel par l’administration? Maggy Knight estime que «l’administration sera évidemment au courant et sans doute que ça ne donnera pas une très bonne image». Plus tranché, Joshua Abaki estime que, par son comportement, Zach Newburgh «a ridiculisé l’AÉUM». «Il ne devrait plus siéger au Sénat, au Conseil d’Administration (Board of Governors) au conseil législatif de l’AÉUM ni sur le comité exécutif. Pour ce qui est des négociations du MOA ou du bail, il n’a aucune légitimité pour représenter les étudiants. Il doit démissionner.» Une chose est sûre, l’administration n’appréciera guère la mauvaise publicité induite par les articles qu’on peut s’attendre à voir paraître dans la presse locale et nationale. Maclean’s ouvrait le bal en publiant hier soir un article intitulé «McGill student president nearly impeached». Le comité exécutif L’équipe des VP sera sans doute l’instance la plus affectée par cet épisode. En particulier ceux qui ne savaient rien des activités du premier d’entre eux, leur président. Il devient évident qu’il s’est creusé un fossé entre Myriam Zaidi

(Affaires externes), Anushay Irfan Khan (Clubs et Services) et Joshua Abaki (Affaires universitaires) d’un côté, et Zach Newburgh, Nick Drew (Finances et opérations) et Tom Fabian (Affaires internes) de l’autre. Maggy Knight estime qu’«il est trop tôt pour savoir si l’équipe exécutive saura se réunir pour mener sa tâche à bien». C’est en tout cas ce que Nick Drew, dont le soutien au président est de notoriété publique, dit espérer. «Honnêtement, j’ai hâte que l’on passe à autre chose. Il y aura toujours des difficultés tout au long du chemin mais j’ai confiance en notre capacité à rester professionnels jusqu’au terme de notre mandat.» Dans ces conditions, la retraite prévue pour les six membres de l’équipe avait été annulée, ceux-ci ayant refusé de partir ensemble, comme l’avait reconnu Zach Newburgh. Outre l’impact financier de cette annulation (800$), il est difficile d’imaginer cette équipe réaliser quoi que ce soit en l’état. D’un côté Joshua Abaki appelle clairement et sans ambiguïté à la démission immédiate de celui «qui a perdu la légitimité de diriger l’association». De l’autre les soutiens inconditionnels que sont Tom Fabian et Nick Drew se veulent rassurant et minimisent l’importance de l’affaire. Joshua Abaki estime qu’ils «ne réalisent pas la portée ni la gravité de la faute de Newburgh». «Sans doute aveuglés par leur amitié avec Zach ils n’ont pas condamné ses agissements. Leur jugement était altéré. Quand ils cesseront de défendre ce qui ne peut l’être, on pourra considérer travailler en équipe.» x

La Société des publications du Daily, éditeur du Délit et du McGill Daily, est à la recherche de candidat(e)s pour combler

un poste étudiant sur son Conseil d’administration. Les candidat(e)s doivent être étudiant(e)s à McGill, inscrit(e)s à la session d’hiver en cours et disponible pour siéger au Conseil jusqu’au 30 avril 2011. Les membres du Conseil se réunissent au moins une fois par mois pour discuter de la gestion des journaux et prendre des décisions administratives importantes. Les candidat(e)s doivent envoyer leur curriculum vitae ainsi qu’une lettre d’intention d’au plus 500 mots à chair@dailypublications.org d’ici le 10 février prochain. Contactez-nous pour plus d’information.

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CAMPUS

Francofête et identité politique La Francofête termine ses activités par un symposium sur la langue française au Québec et au Canada. Fanny Devaux et Charles Larose Le Délit

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our clore la Francofête, un symposium sur la langue et la politique au Canada a été organisé par la Commission des Affaires francophones (CAF) et le Political Science Students’ Association (PSSA). Cette rencontre débutait par une projection des Enfants de la loi 101, suivie d’une discussion sur l’identité canadienne. L’identité canadienne serait définie par des politiques linguistiques. Mario Polése, professeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), croit que la loi 101 a été un grand succès pour les Québécois. Il met l’accent sur la hausse de l’immigration des allophones et, avec elle, la tendance à apprendre d’abord l’anglais pour des raisons professionnelles. Le pourcentage de la population francophone diminue sans cesse et les politiciens doivent combattre cette tendance. C’est en 1977 qu’apparaît la loi 101 qui limite l’accès aux écoles anglophones. Anita Aloisio, réalisatrice de documentaires, évoque une véritable crise de l’identité québécoise et dénonce que la «génération

sacrifiée», les non-anglophones, n’est pas valorisée comme elle le mérite. Les enfants de la loi 101 présente le point de vue d’allophones. Offrant les témoignages d’enfants en âge de commencer l’école lorsque la loi 101 est entrée en vigueur, le documentaire vise à explorer en quoi cette loi a profondément changé la dynamique culturelle québécoise, son paysage linguistique et la notion de l’identité québécoise. Marcus Tabachnick est directeur d’une école primaire anglophone à Montréal. Pour lui, les lois ne peuvent conserver une langue qu’à court terme, le reste «est question d’émotion». Il dénonce cette politique à laquelle la minorité anglophone du Québec n’a fait que survivre en s’exclamant: «Nous ne sommes pas que des chiffres, nous sommes aussi des Québécois». Il déplore que cette minorité soit persécutée à cause de sa langue. Martin Normand occupe une chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques à l’Université de Montréal. Selon lui, il ne faut pas limiter les débats linguistiques à un conflit entre le Québec et le reste du Canada, car c’est bien un conflit national. Il désigne d’autres commu-

Des étudiants francophones et anglophones discutent de l’identité québécoise. Blair Elliott | Le Délit

nautés francophones à travers le pays, comme les Acadiens ou les Franco-ontariens. Les étudiants avaient également leur mot à dire sur cette question d’identité. Jack Victor Perl explique qu’il est venu assister au débat, conscient du danger si la langue anglaise prenait le dessus. Il

regrette «que ceux qui naissent anglophones, ne soient pas poussés à apprendre d’autres langues, leur langue étant celle d’usage mondial», et il mentionne que «trois de [ses] cinq cours ne sont pas en anglais», car il cherche à aller à contre-courant. Questionné sur son point de vue concernant l’expansion de

la loi 101 aux cégeps, Aaron Bell affirme que celle-ci «serait très négative et irait à l’encontre de la liberté de jugement». Il ajoute «qu’un élève entrant au Cégep devrait pouvoir décider de sa langue d’instruction». Si cette discussion venait clore les événements de la Francofête, le débat, lui, reste ouvert. x

naire vous dise que votre enfant peut désormais faire ses propres choix en matière d’éducation parce qu’il a passé suffisamment d’années dans le système francophone au goût des législateurs nationalistes? Absolument pas. Vous êtes assez intelligents pour savoir que le niveau de français de votre enfant est suffisant et que vous désirez désormais qu’il aille à l’école anglaise. En outre, si l’enfant en question veut aller étudier en anglais, qui est Pierre Curzi pour lui dire que son choix est mauvais? Avons-nous si peu foi en nous-mêmes pour apprécier d’être gouvernés à ce point? Pendant que nos «défenseurs» de la langue se demandent comment mieux s’introduire dans chacune de nos décisions personnelles (parce que c’est bien connu, un député sait mieux que vous ce qui est bien pour vous), 54% des Québécois peinent à lire des textes de faible complexité. Or, ça ne compte pas; ce qui importe, c’est de forcer les 5% de francophones qui font le choix, après une scolarité

francophone, d’aller au Cégep anglophone. C’est aussi de forcer des adultes responsables à ne pas faire les choix qu’ils jugent les meilleurs pour eux. Pour Pierre Curzi, un peuple qui ne sait majoritairement pas lire n’a pas d’importance. Pour lui, l’État n’est qu’un outil pour faire de la projection de valeurs. Parlez-moi d’une base solide pour l’avenir du Québec. Le député de Borduas devrait plutôt insuffler aux francophones le courage des Catalans, qui, suite à la victoire de Philippe V lors de la Guerre de succession d’Espagne en 1714 et l’application des décrets de Nueva Planta en 1716, n’ont cessé de vivre opprimés sous la houlette de gouvernements qui leur étaient réellement hostiles. Pourtant, de nos jours, il y a près de neuf millions de catalans. Montrez aux péquistes que vous n’avez pas besoin d’eux. Parlez en français, exigez d’être servis en français à Montréal et prenez soin de votre langue. Vos actions feront son avenir. x

CHRONIQUE

Ma langue, mon choix

Jean-François Trudelle | Attention, chronique de droite

Je désire continuer sur la même lancée que la chronique de mon collègue Francis L. Racine datant du 1er février. Ces derniers jours, Pierre Curzi a décidé d’occuper un grand espace médiatique en déclarant vouloir mettre en application la loi 101 au niveau collégial. Cette proposition est d’une tristesse sans nom. Pourquoi? Parce qu’elle marque le fait que certains élus au Québec ne se rendent plus compte qu’ils sont en poste pour défendre les droits et libertés des

Québécois et non pas pour les en dépouiller. On croirait, dans la tête de Pierre Curzi, que le Québécois moyen est un enfant. Le gouvernement doit lui tenir la main pour qu’il traverse le grand boulevard de la vie sans se faire frapper par un véhicule (qui serait assurément conduit par un Anglais). Pourtant, on ne cesse de nous casser les oreilles avec la «fierté» québécoise, tout particulièrement lorsqu’on approche de la Saint-Jean-Baptiste. Être fier de son identité, ce n’est pas seulement agiter le fleurdelisé une fois par année et joindre tous les groupes possibles et imaginables qui manifestent pour la pérennité du français et pour l’indépendance du Québec sur Facebook. Une identité, c’est être. Être, nous le faisons à tous les jours, individuellement. Je suis extrêmement fier de parler français. J’aime ma langue. Je l’écris avec soin, je la parle avec tout le respect que je lui dois et j’ai la ferme intention d’élever mes enfants dans cette langue. Il devrait en

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être de même pour tous les francophones d’Amérique du Nord. Les lois linguistiques ne font que créer un faux sentiment de sécurité par lequel les citoyens ne font que décharger leur responsabilité culturelle sur les bureaucrates. Ce qui a fait, qui fait et qui fera la force d’une culture sera, pour toujours et à jamais, la volonté du groupe culturel. Jamais le gouvernement ne pourra être garant d’une telle charge et s’en occuper convenablement. Imaginez un monde où les francophones du Québec cessent de parler français du jour au lendemain. L’État pourra bien faire ce qu’il veut, jamais il ne réussira à imposer sa volonté sur des gens qui n’en veulent plus. Si la langue française est si importante pour les Québécois, alors pourquoi ne la parlent-ils pas eux-mêmes? De toute manière, avonsnous vraiment besoin que le gouvernement vienne nous dire comment élever nos enfants? Pour ceux d’entre nous qui ont ou auront des enfants, avez-vous vraiment besoin qu’un fonction-

Actualités

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CHRONIQUE

L’empreinte de nos assiettes

Audrey Yank | Bulle climatique

Le réfrigérateur se vide, il est temps d’aller à l’épicerie. En marchant dans les allées, je prends conscience que les aliments offerts sont d’une variété surprenante. Lesquels choisir? Tofu ou bœuf haché? Pois chiches ou poulet? Végétarisme ou non? Plusieurs végétariens affirment que leur alimentation sans viande bénéficie au ralentissement des changements climatiques. Certains vont encore plus loin et adoptent des habitudes dites «végétaliennes», c’est-à-dire une alimentation qui ne comprend aucun aliment de source animale. Toutes protéines animales, que ce soit les œufs ou les produits laitiers, sont remplacées par des protéines végétales comme le soya ou les légumineuses. Depuis que ma colocataire a adopté à son tour une alimentation végétalienne, j’ai voulu démystifier le tout et je me suis demandé si tous ces efforts étaient insignifiants ou s’ils aidaient réellement le climat à mieux se porter. Selon Environnement Canada, le secteur agricole émet environ 30% des émissions canadiennes de gaz à effets de serre. La première idée qui nous vient en tête quand on réfléchit à la source de ces émissions est celle de la combustion d’énergie fossile pour la machinerie agricole. Cependant, la grande majorité des émissions provient plutôt de la production animale, les principales sources étant celles de la fermentation intestinale des ruminants (vaches, bœufs, moutons) et de la gestion de leur fumier qui émettent des quantités importantes de méthane (CH4), un gaz à effet de serre plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2). De plus, il ne faut pas oublier la surface agricole nécessaire pour nourrir tous ces animaux qui finiront par nous nourrir. Ainsi, 34% des terres cultivées de notre planète sont consacrées à faire pousser de la nourriture pour le bétail. Je peux déjà imaginer en quoi remplacer les protéines animales est un geste bénéfique pour l’environnement. En effet, 18% des

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émissions de gaz à effets de serre dans le monde découlent de l’élevage du bétail. Qu’en est-il de l’agrandissement des terres agricoles qui accompagnerait une augmentation drastique de la consommation de protéines végétales? Certains chercheurs d’une agence étudiant l’impacts environnemental aux Pays-Bas se sont posés la même question. Pour produire cent kilogrammes de protéine, le bétail est le grand champion, avec un espace nécessaire de 0,6 hectares. Vient ensuite le porc avec 0,36, les légumineuses avec 0,25 et le lait avec seulement 0,1. Ceci démontre que la viande rouge a effectivement la plus grande empreinte écologique. En éliminant la viande rouge de notre alimentation, nous diminuerions de moitié les émissions du secteur agricole. Mais soyons réaliste. Je ne veux aucunement tenter de vous convaincre de devenir végétariens, je ne le suis pas moi-même. J’ai par contre réduit volontairement ma consommation hebdomadaire de viande. Pour ce qui est du végétalisme, les émissions pourraient être réduites aux deux tiers, cependant l’espace agricole nécessaire pour cultiver les plantes pour remplacer les protéines laitières, dont le lait de soya par exemple, augmenterait légèrement. Dans le fond, la plus grande réduction de gaz à effets de serre est liée à la substitution de viande rouge plutôt qu’à la substitution de toutes les protéines animales. De plus, l’école de médecine de l’Université Harvard recommande de réduire notre portion de viande quotidienne pour des raisons de santé, pour diminuer des risques de cancer de l’intestin et de maladies cardiaques. Finalement, j’en conclus que les efforts des végétariens et des végétaliens sont effectivement louables, mais je crois sincèrement que nous pourrions diminuer l’impact de nos habitudes alimentaires simplement en consommant des produits locaux. Le lait de vache d’ici a certainement une empreinte beaucoup moins importante que le lait de riz importé d’Asie! Un repas moyen en Amérique du Nord parcourt en moyenne 2000 km avant d’arriver dans notre assiette. Pensez-y, mangez local! x

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x le délit · le mardi 8 février 2011 · delitfrancais.com


POLITIQUE INTERNATIONALE

Le pacte commercial secret L’accord de libre-échange UE-Canada ravive les régionalismes. Augustin Chabrol Le Délit

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es négociations sont en cours entre le Canada et l’Union Européenne (UE) en vue d’achever un Accord économique et commercial global (AÉCG). L’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), à Montréal, a publié dernièrement un rapport concernant ces négociations et les conséquences de cet accord au Canada. L’inquiétude principale exprimée par Alexandre L. Maltais, chargé du projet AÉCG, est que cet accord limitera la souveraineté économique du Québec. «L’AÉCG risque de causer une perte de souveraineté économique importante pour le Québec. Les restrictions contenues dans l’entente réduiront la marge de manœuvre des provinces en matière de marchés publics. Une moins grande flexibilité des règles concernant les contrats publics empêchera les autorités publiques québécoises de mener à bien des objectifs économiques, sociaux et environnementaux […] Cette entente emprisonnera les gouvernements dans une logique d’octroi des contrats au plus bas soumissionnaire» a déclaré le chargé de projet dans un communiqué de presse. L’idée

derrière l’AÉCG est de rapprocher, en libéralisant les échanges, la relation bilatérale, économique et financière déjà existante entre le Canada et l’UE. Dans la section 3.8 du rapport conjoint Canada-UE, Vers un accord économique approfondi, il est d’avis que tout accord devrait libéraliser les marchés publics –c’est à dire, les gouvernements provinciaux– dans chaque secteur, afin qu’ils ne favorisent pas des fournisseurs locaux par rapport aux fournisseurs étrangers. Selon les opposants à cet accord, la politique d’approvisionnement des provinces canadiennes est en jeu. Qu’un gouvernement provincial soit le client de fournisseurs locaux est crucial pour le développement économique, social et écologique d’une région. «Dans l’Accord économique et commercial global, l’UE s’attaque directement à l’utilisation des politiques d’achat des gouvernements progressistes à l’échelle provinciale, territoriale et municipale et à divers services publics canadiens. Malheureusement, le gouvernement fédéral ne semble pas enclein à défendre ces outils de développement importants» explique Scott Sinclair dans un rapport publié par le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA).

Par ailleurs, Krzysztof Pelc, professeur d’économie politique à McGill, soutient que la mise en œuvre d’un accord tel que l’AÉCG ne pose pas de grand risque à la souveraineté économique des gouvernements provinciaux. «Quant à savoir si un tel accord pourrait nuire à la souveraineté économique du Québec ou du Canada, ce qui préoccupe beaucoup de gens, la question est mal posée, puisque conclure une entente telle que l’AÉCG est précisément une expression de souveraineté. Deux pays se mettent d’accord sur des règles qui régissent leur actions commerciales parce qu’ils pensent y gagner davantage qu’ils n’y perdent» explique le professeur dans un courrier électronique au Délit. «La question fondamentale dont personne ne parle», selon Krzysztof Pelc, est la suivante: est-ce que le Canada devrait promouvoir le régionalisme, quand cela se passe nécessairement aux dépens du multilatéralisme? Chaque accord régional signé, surtout entre deux pays développés, réduit un peu plus la probabilité d’un accord multilatéral. En effet, tous ces accords régionaux diminuent, du point de vue de leurs signataires, le

L’UE à l’assaut du protectionisme provincial Matthieu Santerre | Le Délit

coût d’un échec aux négociations multilatérales à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Les perdants, en bout de ligne, ce sont les pays en voie de développement, qui n’ont pas les

moyens de défendre leurs intérêts dans des contextes bilatéraux. On peut donc se demander si, en signant l’AÉCG, le Canada ne tourne pas un peu le dos au cycle de Doha et à l’OMC». x

POLITIQUE INTERNATIONALE

La révolution des professeurs Au beau milieu d’une révolution en Égypte, quatre-vingt professeurs aux États-Unis créent un précédent. Wendy Papakostandini Le Délit

I

nspirés par la révolution en Tunisie, des centaines de milliers de manifestants ont commencé à envahir les rues d’Égypte le 25 janvier 2011, pour protester contre la pauvreté, le chômage et la corruption. Ils ont exprimé leur mécontentement général envers le Président Hosni Moubarak qui est à la tête de l’État depuis trente ans. Le peuple égyptien veut un changement. À ce chaos s’ajoute un débat aux États-Unis au sujet de l’attitude américaine face à ces troubles sociaux. Bien que les ÉtatsUnis aient exprimé à plusieurs reprises leur soutien aux revendications politiques des manifestants, ils n’ont pas mentionné leur souhait de voir le Président Moubarak renoncer au pouvoir. La Secrétaire d’État Hillary Clinton a déclaré que les ÉtatsUnis souhaitaient à l’Égypte des «élections libres et équitables» et qu’ils s’engageaient à travailler

avec les Égyptiens qui voulaient une «vraie démocratie». Cependant, pour un groupe de quatre-vingt professeurs américains, cette réponse ne suffit pas. Ces derniers ont écrit une lettre au président des États-Unis en réclamant plus d’aide pour le peuple égyptien, afin d’établir une démocratie sans Moubarak et sans son administration. Dans la lettre des professeurs, le message des manifestants est clair: «Moubarak doit démissionner de son poste et permettre aux Égyptiens d’établir un nouveau gouvernement, libre de son influence et de celle de sa famille. Il est également clair pour nous que si vous souhaitez, comme vous l’avez dit vendredi, soutenir des réformes politiques, sociales et économiques qui répondent aux aspirations du peuple égyptien, votre administration doit reconnaître publiquement que Moubarak et son équipe ne feront pas avancer les réformes voulues.» L’opinion des professeurs devraitelle avoir un poids politique?

x le délit · le mardi 8 février 2011 · delitfrancais.com

Cette lettre signée par quatrevingt professeurs des États-Unis marque-t-elle le début d’une acceptation du «printemps arabe»? La majorité des étudiants rencontrés pensent que les professeurs devraient certainement avoir plus d’influence, ou tout du moins être écoutés. Ce sentiment est partagé par un étudiant en sciences politiques à l’Université McGill, Ben Gaches: «Leurs connaissances et leur sagesse devraient être mises au service des hommes politiques qui pourraient bénéficier de leurs propos éclairés». Le Professeur Rex Brynen, spécialiste en politique moyen-orientale, partage le même avis. Il soutient la revendication des professeurs. Il écrit: «[Les professeurs] doivent certainement jouer un rôle en politique, tout comme n’importe quel citoyen. En effet, pour les questions de politique au Moyen Orient, il semble particulièrement approprié que les chercheurs américains qui se spécialisent dans la région expriment leurs préoccupations.»

Raphaël Thézé | Le Délit

Puisque la révolution en Tunisie a favorisé les manifestations en Égypte, la question à se poser est la suivante: quel pays sera le prochain à se révolter? Obtiendra-t-il alors l’appui des

professeurs érudits des ÉtatsUnis ou d’ailleurs dans le monde? Seul l’avenir pourra le dire. x Pour la lettre, voir www.accuracy.org

Actualités

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Société societe@delitfrancais.com

L’ Amour aux r

Le Délit tente de découvrir en quoi l’indiv la mondialisation peuvent affecter les rapp Zoé de Geofroy Le Délit

L

a femme et l’homme parlent deux langues différentes, et c’est précisément pourquoi leurs relations s’avèrent souvent conflictuelles. Que l’on se réfère à la Genèse, ou que l’on épie ses voisins en train de se disputer, les rapports homme-femme demeurent fort similaires. Tentation, trahison, vice, tromperie, passion, amour: autant de termes récurrents qui pullulent dans les magasines, dans les cafétéria ou lors de dîners entre amis. Les relations amoureuses constituent un sujet qui semble délier les langues. En 1992, John Gray publie Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus. Il confie ainsi à son lecteur un grimoire sur l’amour. S’immisçant dans l’intimité des couples grâce à son expérience de conseiller conjugal, John Gray dévoile alors le secret des relations hommes-femmes. L’auteur nous remet quelques clefs permettant de mieux décrypter le langage de l’autre, cherchant ainsi à améliorer la compréhension mutuelle et à faire des différences une source d’enrichissement plutôt que de conflits. Il apprend notamment aux femmes à interpréter et à respecter le silence de leurs conjoints, tandis que ceux-ci apprennent à rassurer leurs compagnes. John Gray nous révèle en outre que, lorsque la femme pense «sentiments», l’homme pense «sexe», et que quand ce dernier trouve sa motivation dans le sentiment d’être «utile», la femme la trouve dans celui d’être «aimée».

Chacun son rôle! En 1965, la charmante Liesl Von Trapp (Charman Carr) émouvait le monde en fredonnant les quelques notes de la chanson «Sixteen Going on Seventeen» avec son partenaire à l’écran, Rolf (Daniel Truhitte). Les deux acteurs jouaient dans la comédie musical à succès La Mélodie du bonheur (The Sound of Music), mettant en scène la célèbre Julie Andrews et le charismatique Christopher Plummer. Dans une scène sentimentale, Liesl, demoiselle de 16 ans, retrouve son bien-aimé à la nuit tombée dans le jardin de la demeure familiale. Sous une pluie battante, celle-ci lui chante alors ses sentiments, se présentant comme une jeune femme naïve ayant besoin d’un homme dont elle puisse dépendre. Ces quelques paroles ont fort probablement suffit à faire rugir Betty Friedan et nombre de féministes se battant alors pour l’égalité de la femme. Produire une comédie musical avec de telles chansons à notre époque déclencherait la colère d’une horde d’associations, lesquelles accuseraient les réalisateurs d’être porteurs d’un message avilissant pour la femme. La femme de 2011 s’identifie donc davantage à la pièce de théâtre d’Ève Ensler, Les Monologues du Vagin, succès international et pilier du féminisme. La femme contemporaine n’a plus besoin de l’homme pour trouver sa place au sein de la société, voire même pour planter un clou dans un mur. Différentes de leurs grand-mères, les femmes modernes se révèlent ambitieuses, indépendantes, autonomes, exigeantes, entreprenantes et, souvent au grand dam de ces messieurs, bien autoritaires.

«Lorsque la femme pense «sentiments», l’homme pense

‘‘sexe’’, et quand ce dernier trouve sa motivation dans le sentiment d’être ‘‘utile’’, la femme la trouve dans celui d’être ‘‘aimée’’.»

Avant le succès de son ouvrage y a vingt ans, l’auteur dressait un portrait quelque peu sommaire de la femme, qu’il décrivait telle une créature purement sentimentale. L’homme était quant à lui décrit comme un être relativement rustre, bien souvent insensible aux aspirations de sa partenaire. Qu’en est-il des relations homme-femme aujourd’hui? Qu’attendent les femmes des hommes, et quel rôle ces derniers pensent-ils devoir adopter au sein de leurs relations amoureuses?

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L’homme a donc désormais bien du mal à trouver sa place au sein de son propre couple, opinion partagée par Michael O’Sullivan, étudiant à McGill, en couple depuis un an avec Caroline L-C. Celui-ci explique que «l’homme cherche à conserver sa place d’être à responsabilités, mais ne sait pas comment réagir face aux changements liés aux femmes». Il serait ainsi difficile pour l’homme de s’adapter à ce nouveau «modèle» de femme, laquelle s’apparente nettement plus à une Amazone issue de la mythologie grecque qu’à la gentille Wendy, pleine d’attentions mater-

x le délit · le mardi 8 février 2011 · delitfrancais.com

nelles envers Peter Pan. En revendiquant son droit à l’égalité, la femme a révolutionné et transcendé le schéma relationnel traditionnel, laissant l’homme incertain quant au statut et au rôle qu’il doit adopter. Ce dernier manque aujourd’hui d’un modèle auquel se référer, celui de ses parents n’étant plus conforme à la génération actuelle.

cependant pas au goût de tous ces messieurs, qui se sentent parfois dépossédés d’une partie de leur identité et lui préfèrent alors le schéma familial traditionnel. C’est notamment l’avis d’Alexis selon qui «la femme a pour première mission d’élever ses enfants, et de par ses qualités maternelles, d’entretenir la cohésion familiale». Michael ajoute lui aussi que

«Madame laisse ses sentiments

au vestiaire, prend en otage la boîte à outils, gère le foyer en sergent-major, et paie l’addition.»

La femme, en l’espace de deux générations, s’est émancipée et n’envisage en aucun cas d’être renvoyée aux fourneaux. L’homme moderne a, quant à lui, dû s’ajuster et accepter cette évolution. Il n’hésite plus à faire les courses, à fréquenter des salons de beauté pour hommes, à s’imposer des régimes pour garder la ligne ou à exprimer davantage ses sentiments et son engagement vis-à-vis de sa compagne. Ainsi, Alexis Chemblette et Michael O’Sullivan, tous deux dans la vingtaine, ont affirmé être dévoués et attentionnés à leur couple. L’homme moderne semble donc davantage ouvert d’esprit et ne considère pas ces changements comme une atteinte à sa virilité. Cette révolution des rôles a permis le développement d’une véritable parité au sein du couple. Parité et égalité sont des concepts normaux et nécessaire, selon Alice Jennings, 19 ans. Elle explique que, tout comme en économie, son domaine d’étude, la «spécialisation» ne peut être que bénéfique au couple. En d’autres termes, elle soutient le partage égal des tâches, réparties selon les compétences de chacun. En somme, «chacun fait ce qu’il sait faire de mieux». Cependant, cette révolution des rôles complique également la communication entre hommes et femmes, laquelle a toujours été à l’origine des tensions. Comme le suggère une thérapeute du Service de santé mentale de McGill (qui désire garder l’anonymat), «le partage des tâches constitue l’un des principaux sujets de conflit au sein du couple moderne, de même que l’indépendance financière qu’a acquis la femme et qui, par conséquent, lui donne la possibilité de mettre un terme à une relation malsaine». Madame laisse ses sentiments au vestiaire, prend en otage la boîte à outils, gère le foyer en sergent-major, et paie l’addition. En somme, il semblerait que la femme castratrice soit née. Cet échange des rôles n’est

«l’homme et la femme ont des fonctions qui leurs sont propres». Enfin, la complexité des relations contemporaines réside également dans la dualité des attentes de la femme. Sam Neher, étudiant en quatrième année à McGill, mentionne que «l’ambition de la femme ne l’empêche pas de rechercher en l’homme à la fois le protecteur et celui qui saura assurer ses besoins. Ce dernier ne se présente plus sous forme financière, mais sous la forme d’un homme fort et indépendant, capable d’agir au mieux pour sa compagne et pour lui». La femme exige donc du respect et de l’égalité, mais, paradoxalement, elle aspire toujours au modèle traditionnel de l’homme qui saura subvenir à ses besoins. Face à de telles de contradictions, ce n’est pas étonnant que tant d’hommes perdent le nord! La voie rapide de l’amour De plus, nous vivons désormais à l’ère du fast-love. Adieu les manières, oubliée la galanterie, plus de chichis dans nos relations. Les premiers contacts sont directs, et tant pis pour ceux dont ça heurte la morale. Les idéaux et les valeurs se sont estompés au fil des générations, tandis que l’individualisme l’a emporté sur le partage, la patience et les concessions. Comme le précise la thérapeute exerçant à McGill, «les couples actuels valorisent moins qu’auparavant les longues relations et s’y projettent moins». Les relations sont le plus souvent instables, de part le comportement expéditif des hommes et des femmes. De leurs côtés, les auteurs Miller, Perlman et Brehm suggèrent dans leur ouvrage intitulé Intimate Relationships que le taux de séparations et de divorces a nettement augmenté depuis les années 1960, et que cela est dû notamment aux attentes des hommes et des femmes, lesquelles sont de plus en plus nom-


rrayons

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vidualisme et ports amoureux. breuses et exigeantes. Les auteurs insistent également sur le fait que la culture contemporaine en Amérique du Nord et en Europe occidentale est caractérisée par l’individualisme. Les personnes sont donc moins liées à leurs communautés et ne s’épanouissent pas en dehors de leur couple, dans des clubs et organisations diverses. Cela signifie qu’hommes et femmes exigent de leurs conjoints ou compagnes qu’ils comblent toute une variété de besoins individuels. Cependant, lorsqu’ils n’y parviennent pas, cela entraîne fort souvent une insatisfaction, puis une rupture. Enfin, le facteur «temps» joue un rôle majeur dans la vie d’un couple, puisque la femme désormais carriériste fait de plus longues études. Par conséquent, elle ne compte plus se faire de rides à rester dans une relation vouée à l’échec, son horloge biologique annonçant la date de péremption de ses ovules. Harry. T. Reis, M.A. Fitzpatrick et A.L. Vangelisti, auteurs de l’ouvrage Changing Relations, ajoutent que «dans un monde individualiste […] peu sont les personnes qui font preuve de persistance lorsque les choses se compliquent [au sein de leur couple]». Hommes et femmes en quête de rencontres rapides et simples ont ainsi fait le bonheur des créateurs de réseaux de rencontres virtuelles. On recherche désormais un compagnon

une relation amoureuse à distance. Loin des yeux, près de l’écran! En effet, des logiciels tels que Skype, ou des réseaux sociaux tels que Facebook, permettent désormais de demeurer constamment en contact avec l’être aimé. La thérapeute de McGill ajoute cependant que «les relations à distance souffrent d’un manque d’intimité et que les partenaires ont tendance à s’idéaliser mutuellement, à tort». La survie d’une relation à distance s’évalue donc au cas par cas, opinion partagée par Benoit Gautier, étudiant en deuxième année à McGill. Ce dernier explique que cela «dépend des personnes en question et de leur connaissance mutuelle». Au terme de cette radiographie de l’amour en 2011, il apparaît clairement qu’une révolution est en cours au sein des relations homme-femme. Au grand bonheur de ces dames, celles-ci n’ont plus à savoir concocter de bons petits plats sous peur d’être critiquées par leur famille ou leurs amis. Les messieurs peuvent eux aussi assumer leur fibre paternelle et se consacrer à leurs enfants. Cependant, cette perception moderne du couple se heurte encore à des opinions plus conventionnelles, le plus souvent exprimées par des hommes s’attachant au modèle traditionnel de la famille. Les relations demeurent donc complexes.

«Les couples actuels valorisent moins qu’auparavant les longues relations et s’y projettent moins.»

ou une compagne fait(e) sur mesure. Taille, poids, métier, revenus, âge, nombre de vergetures, ADN, et pourquoi pas groupe sanguin: tout est désormais indiqué. Bien triste constat que celui-là. Cependant, force est de constater que les couples mariés se font rares, et les fidèles, encore plus. Hommes et femmes peinent à vivre ensemble et subissent le poids du quotidien. Les relations longues distances s’imposeraient-elles alors comme une solution à ce problème? Le boom d’Internet a effectivement permis à de nombreux couples d’opter pour cette solution. Aujourd’hui, on ne pense plus national, mais plutôt international. Les université et les grandes entreprises l’ont bien compris. Erasmus, en Europe, et de nombreux autres programmes universitaires offrent aux étudiants la possibilité d’aller étudier dans un pays dont la culture les séduit. En outre, Internet permet d’élargir le panel de rencontres et de maintenir

Néanmoins, les éternels romantiques qui, à notre époque, s’évertuent à envoyer des lettres manuscrites et qui lisent du Chateaubriand, existent toujours. Non seulement ces derniers croient à l’Amour avec un grand «A», mais certains admettent aussi y songer. Alexis est l’un d’entre eux: il clame haut et fort que «seuls les sots omettent de penser aux délices les plus suprêmes». Que les inquiets se rassurent, nombreux sont ceux qui partagent son opinion puisque Michael, Caroline, Alice et Sam admettent volontiers y croire eux aussi. L’espoir de rencontrer le grand Amour est ainsi toujours présent dans les esprits de tout un chacun. Cependant, il s’agit tout d’abord de tirer le bon numéro, et, tout comme au loto, celui-ci est rare et ne profite qu’aux plus chanceux. x Oui au grand Amour et aux relations fructueuses, mais selon vous, quelle en est la clef? Écrivez-nous à societe@delitfrancais.com

Raphaël Thézé | Le Délit

Société

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« Donner des ordres, ça ne suffit pas à donner confiance à un groupe d’hommes et de femmes qui doit se frayer un chemin à travers un terrain miné. Prendre les bonnes décisions, gérer les situations de stress et combattre aux côtés de mon équipe, c’est ça, le véritable leadership. » Capitaine MICHAEL GODARD


BILLET

À contre-courant

Quand marginalité et ouverture d’esprit font deux. Anabel Cossette Civitella Le Délit Il y a deux types de marginaux: ceux qui sortent des sentiers battus parce qu’ils sentent que ce que la société traditionnelle leur offre ne leur convient pas, et ceux qui disent blanc quand les autres disent noir, uniquement pour détonner et provoquer. Ces derniers n’ont rien de contestataire, puisque leur réaction dépend de l’opinion publique. Ils attendent de savoir ce qui est politically correct pour aussitôt faire le contraire et, ainsi, attirer les regards sur eux. Loin de moi l’idée de critiquer les marginaux de la société. Au contraire, ce sont les revendicateurs des extrêmes, gauche ou droite, qui dynamisent la machine humanitaire en questionnant un monde à tendance immobiliste. Pourtant, ce que j’ai vu samedi dernier au Salon de la marginalité a déclenché la petite sonnette d’alarme qui me rappelle à chaque fois l’importance de conserver un regard critique sur ce qui nous entoure. L’événement de clôture était la prestation rocambolesque d’un dénommé Disco Salope. Cet homme d’une trentaine d’année, grand, maigre, portant la moustache et habillé en drag queen, se classait clairement dans une catégorie à part. Le spectacle qu’il donnait en solo avait tout pour provoquer: langage vulgaire et ton provoquant, il mettait le doigt sur des tabous choquants, ou du moins déroutants. De «je ne mettrai jamais mon manche dans une chatte» à «je ne serai jamais sidéen» en passant par «je ne courrai jamais nu-pieds», le personnage de Disco Salope a passé en revu divers comportements proscrits par

la société. Accompagné d’une trame très sonore, il a ainsi déballé la première partie de son spectacle. Ce qu’il faut préciser, c’est que le Salon de la marginalité avait trouvé refuge dans le sous-sol de l’Église Saint-Denis. Malheureusement pour Disco Salope, il n’était pas le seul, ce jour-là, à travailler dans l’église. Suite à la sortie tonitruante de cet énergumène (torse nu) hors du local, une dame du presbytère est venue lui demander de baisser la musique. Saint Denis a dû se retourner dans sa tombe. Après avoir entendu la requête légitime de l’employée de l’église, Disco Salope a annoncé que son spectacle serait retardé afin qu’on remédie à la situation. Le ton employé par le travesti qui s’est exclamé: «La musique est trop forte, on va brailler!» ne laissait aucun doute sur le mépris qu’il avait pour la vieille dame. Au Salon de la marginalité, ce sont ceux qui suivent le courant principal qui apparaissent complètement hors norme. Apparue comme un cheveu sur la soupe, la dame tout ce qu’il y avait de plus classique, avec ses cheveux blancs et son tricot de laine s’est vue regarder de haut par la drag queen, un peu comme s’il lui reprochait de ne pas être plus ouverte d’esprit. Et c’est là qu’il faut être critique avec les revendicateurs de la différence. C’est bien beau d’être ouvert, mais il faut l’être pour tout le monde, même pour les plus conservateurs. Car sinon, où est-elle, l’ouverture d’esprit? Comme le disait un exposant du Salon: «Il ne faut pas se leurrer. On a beau se qualifier de marginaux, il reste que tous, nous formons la société actuelle. Nous y avons tous notre place.» x

Disco Salope avant le spectacle Anabel Cossette Civitella

Tanné d’écrire dans la marge? societe@delitfrancais.com

CHRONIQUE

Bangkok, à la mode Gadoua Christophe Jasmin | Chronique gastronomique

Avant de partir pour L’Asie, je me disais que, bien malgré moi, j’allais perdre du poids. Ce qui, dans mon cas, est loin d’être une bonne chose, vu qu’en temps normal, je ne suis pas très loin d’avoir la peau sur les os. Après quatre mois ici, j’imaginais donc que j’allais revenir à Montréal avec le physique de l’Éthiopien moyen. Ça risque toujours d’être le cas, remarquez. Sauf que pour ça, il va falloir que je reste loin de Bangkok et de son petit bordel à touristes (sans vouloir faire de mauvais jeu de mots): Khao San Road et ses

environs. Car, voyez-vous, dans ces quatre, cinq coins de rues (représentant au bas mot un millième de la ville), s’amassent jour et nuit la presque totalité des backpackers occidentaux, une bonne partie de la jeunesse thaïlandaise aisée et... toutes sortes de commerçants venus profiter de ces jeunes gens laissés à eux-mêmes. Des vendeurs de cossins qui brillent et qui volent dans les airs aux fabricants de fausses cartes d’identité, en passant par ceux qui vous proposent des costumes sur mesure, sans oublier les sempiternelles masseuses; tous sont là en nombres disproportionnés pour vous interpeler, vous accoster, ou vous arrêter pour vous offrir leurs services. Et, bien sûr, coté bouffe et boisson c’est pas mal la même chose. L’offre est aussi diversifiée et, la plupart du temps, d’aussi mauvaise qualité. Évidemment, comme vous venez d’arriver en Asie et que l’activité qui occupe le plus clair de votre temps est boire, vous avez faim, très faim pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la nourriture asiatique. Vous foncez donc tête la première dans ce stand de brochettes sur charbon à votre gauche, celui de riz collant et mangue à votre droite et, bien sûr, vous rendez plus d’une visite aux vendeuses de pad thaï...

x le délit · le mardi 8 février 2011 · delitfrancais.com

Pour vous rendre compte, dès que vous sortez de là (ce que plusieurs ne font pas), que ce que vous mangiez n’était peut-être pas aussi authentique que vous l’aviez cru. Ce qui saute alors aux yeux, dans les vraies rues de Bangkok, c’est que les Thaïs d’ici ne mangent pas de pad thaï et que ce qu’ils mangent est plus épicé. Beaucoup plus épicé pour certains plats. Genre l’équivalent d’un shooter de Tabasco à chaque bouchée. Exemple: un poisson entier poêlé, presque frit, que j’ai mangé à un coin de rue entre deux Thaïs. Délicieux. Mais encore heureux que j’étais armé de trois bières et d’un bol de riz. Sans ça, mes larmes et les rires de mes voisins de table n’en auraient sûrement pas valu la peine. D’autres plats, toutefois, manquent cruellement de goût. C’est le cas de deux des casse-croûtes thaïs les plus populaires. Le premier est constitué de «boules» de porc ou de poisson que l’on mange grillées ou dans une soupe. Et bien, en plus d’avoir une couleur (gris béton) et une texture (qui rappelle la couille de taureau espagnol trop cuite) peu invitantes, ces boulettes ne laissent en bouche qu’un simili goût de porc ou de poisson. L’autre snack, encore plus populaire, ressemble à s’y méprendre à de

la bonne vieille saucisse à hot-dog. Sauf qu’ils vendent ça sur des petits grills dans la rue et les coupent parfois pour leur donner une forme plutôt exotique (vous avez déjà vu une fleur de saucisse, vous?). Donc, forcément, tu te dis qu’elles doivent bien cacher un petit goût de sésame ou de coriandre, ces saucisses. Eh ben, pas vraiment... Et même pas de ketchup ou de moutarde jaune pour accompagner ça. La découverte culinaire la plus surprenante concerne toutefois un autre plat. Saviez-vous que le dessert le plus hip parmi la jeunesse thaïe en ce moment est le toast, de qualité Gadoua moelleux, garni de beurre vanillé, de Nutella et autres. Il y a même des restos qui ne servent que ça et qui sont peins à craquer tous les soirs! Une petite rôtie au beurre de coco et un verre de lait avant de sortir? Pourquoi pas. Ce que je préfère, ici, quand j’ai la dent sucrée, c’est le «coco pudding». Une sorte de pudding au riz et au lait de coco légèrement grillé et cuit dans un moule qui en fait des boules de la forme de macarons, et donc la texture est celle de pancakes à l’extérieur, mais avec un centre moelleux. Trente-cinq cents pour cinq… Khawp khun very much! x

Société

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Arts&Culture

artsculture@delitfrancais.com

THÉÂTRE

Plonger dans le théâtre gestuel Les voix noyées dans le vacarme urbain refont surface dans l’onirique spectacle ...sous silence. Mai Anh Tran Ho Le Délit

«Q

uand tout fait du bruit, l’être humain lui se tait, ne s’entend plus. Mais sous sa carapace, il gronde.» La compagnie Omnibus et le «maître d’œuvre» Hugues Hollenstein plongent dans les remous intérieurs de l’être contemporain avec ... sous silence. L’Espace Libre s’est transformé, pour ce spectacle, en une arène hydraulique ceinte de deux niveaux de gradins. Sur une scène dépouillée et un immense mur de béton, des projections de chutes d’eau

et de flux de marées créent un univers aqueux hallucinatoire évoquant les mouvements psychiques de l’être humain. Les spectateurs sont d’abord submergés par un bruit assourdissant, comme lors d’un brouillage des images à la télévision. Divisée en quatre segments mélangeant danse, théâtre, improvisation et mime, … sous silence est une expérience sur le déséquilibre ressenti lorsqu’on s’immobilise après avoir soutenu un rythme effréné. De scènes de lutte en scènes d’enlacement, deux hommes (Pascal Contamine, Sacha Ouellette-Deguire) et deux femmes (Catherine de Sève, Anne Sabourin) crapahutent dans cet espace métaphorique

Robert Etcheverry

à la recherche de l’Autre, mais surtout à la recherche de leurs voix noyées dans le vacarme urbain. Tous vêtus de différentes nuances de bleu, les couples se forment et se séparent, métaphore du flux de l’existence. Le texte émerge le temps d’une confidence, avec quelques pointes d’humour, mais n’est toutefois pas essentiel, la force de …sous silence reposant davantage sur les émotions suggérées par l’expérience du corps. L’environnement sonore (Nicolas Letarte), ponctué de musique diverses et de silences, permet de mieux voguer sur ces mouvances de l’âme et sur ces pulsions corporelles. L’usage des lampes et

l’éclairage dans son ensemble (Mathieu Marcil), ainsi que les vidéos (Eddie Rogers), signalent un travail recherché qui ajoutent une dimension visuelle à la traduction des émotions. Le propos de ...sous silence, porté par la gestuelle et renforcé par les concepteurs, reste malgré tout une œuvre complexe, mais sans aucun doute réussie. x ...sous silence Où: Espace Libre 1945 Fullum Quand: jusqu’au 19 février Combien: 22$

THÉÂTRE

Ce n’est pas dans la poche...

Malgré un jeu juste, Stones in his Pockets ne parvient pas à émouvoir le spectateur. Katia Habra Le Délit

É

crite par l’irlandaise Marie Jones, Stones in his Pockets remporte un succès international depuis sa création en 1996, dont les prix Laurence Oliver et Evening Standard pour la meilleure comédie. La pièce met en scène le bouleversement d’une petite communauté irlandaise alors qu’un plateau de tournage hollywoodien s’installe sur son territoire. La plupart des habitants sont alors engagés comme figurants dans le

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Arts & Culture

film et se voient à la merci d’un réalisateur et d’une régisseuse de plateau arrogants. L’histoire est centrée autour de deux jeunes hommes désabusés, Jake Quinn et Charlie Conlon, se sentant prisonniers de leur existence et s’accrochant au rêve américain. Jake revient aigri d’un voyage aux États-Unis, et observe avec colère les multiples clichés dont le film affuble les Irlandais. Puis, quand un adolescent du village se suicide à la manière de Virginia Woolf (en se noyant, les poches remplies de roches), le village secoué s’aperçoit que certains rêves ne sont

que chimères et qu’il vaut mieux apprécier d’où l’on vient que de fantasmer sur des contrées lointaines et inconnues. Le tour de force réside dans la distribution de la pièce: deux acteurs interprètent à eux seuls une quinzaine de personnages, sautant parfois de l’un à l’autre en l’espace de quelques secondes, sans changer de costume. Les talentueux Daniel Brochu et Kyle Gatehouse offrent une performance physique exemplaire, exploitant leur corps de façon remarquable pour se glisser dans la peau d’une célèbre actrice américaine, d’un adoles-

cent toxicomane, d’un vieillard alcoolique, d’un réalisateur hautain et, surtout, des deux jeunes protagonistes. Leurs costumes, minimalistes, suffisent à donner le ton du récit. De plus, le mur de pierres véritables juxtaposé à l’écran sur lequel est projeté l’image des vertes collines d’Irlande permet judicieusement au spectateur de s’imprégner du décor. Andrew Shaver offre une mise en scène remarquble, mais sans grande originalité. Malgré tout, la pièce Stones in his Pockets ne parvient pas à toucher profondément le public. La multitude des personnages inter-

lucetg.com

dit au spectateur d’apprécier la fable moralisatrice, tant il est occupé à comprendre chaque transition et les accents tantôt irlandais, tantôt américains. Ainsi, le suicide du toxicomane suscite de la pitié, sans plus. Toutefois, Stones in his Pockets vaut le détour, ne serait-ce que pour l’admirable travail des têtes d’affiche. x Stones in his pockets Où: Théâtre Centaur 453 Saint-François-Xavier Quand: jusqu’au 27 février Combien: 25,50$

x le délit · le mardi 8 février 2011 · delitfrancais.com


CHRONIQUE

L’heure des bilans Catherine Renaud | Billet incendiaire

CINÉMA

La magie d’une rencontre L’Illusionniste, un film d’animation de Sylvain Chomet, fait hommage à Jacques Tati. Si le mois de février 2011 passe à l’histoire à cause de la révolution qui se déroule en Égypte en ce moment, de nombreux événements importants se sont produits dans le passé au mois de février, le 6, pour être exacte. George VI, roi d’Angleterre, lâcha son dernier souffle un 6 février. Le 6 février 1977, René Lévesque écrasa en voiture un homme étendu au milieu de la rue. Il fut blanchi, mais écopa d’une amende de vingt-cinq dollars puisque, taupe qu’il était, il ne portait pas ses lunettes au moment de l’accident. Le 6 février 1986, un avion de type Antonov 26B s’écrasa à Saransk, en URSS. Le même jour, le groupe Rush donnait un concert à Inglewood et, au même moment, Twisted Sister se produisait en spectacle à Kansas City. Et, dernier événement à survenir le 6 février 1986, aux alentours de quinze heures: la naissance d’un petit être exécrable et tyrannique du nom de Catherine. Eh oui! J’arrive aujourd’hui, à reculons, les ongles plantés dans le sol, les dents serrées, à l’âge d’un quart de siècle. Mais, puisque songer que Catherine pourra maintenant célébrer la Sainte-Catherine, la fête des vieilles filles, me donne envie d’avaler une poignée d’Ativan avec une flûte de champagne, vous vous doutez que je n’ai pas envie de parler de l’avenir. Plutôt, je tourne le dos à l’avenir et je prends l’espace de cette chronique pour méditer sur le passé, pour faire mon bilan. 1986, mais je vous dis ça de mon point de vue totalement subjectif et injustifié, est l’une des meilleures années. Ce qu’on se souvient généralement de 1986, c’est la catastrophe de Tchernobyl. Mais 1986 marque également le lancement de la Télévision QuatreSaisons, aujourd’hui éminemment regrettée. Les Canadiens remportèrent la coupe Stanley en 1986. Une pléthore d’excellents films datent de cette année: Ferris Bueller’s Day Off, Blue Velvet, Labyrinth (avec David Bowie et ses cheveux pas possibles). Mon groupe de musique préféré, Sonic Youth, sortit l’un de mes albums préférés en 1986: Evol. Alors que le légendaire Rock and Roll Hall of Fame fut créé cette année-là, de légendaires groupes de ce même genre se séparèrent: The Smiths, Black Flag, The Clash. Mais une chose, à mes yeux, confirme que l’année 1986 fut un grand cru: le lancement de la meilleure émission de télévision québécoise: Lance et Compte. À écrire ces lignes, je regrette presque de n’avoir pas célébré mon quart de siècle en 86. À 25 ans, 5’8’’, quelques cheveux blancs dans le toupet, autant de plombages dans la gueule que de dents, un baccalauréat ès arts avec honneurs sous le bras, je n’ai pas encore laissé ma marque dans le monde, à l’exception de quelques traces de brakes, comme on dit en bon québécois, mais j’ai en moi une chose que personne ne pourra m’enlever: une pièce de vingt-cinq sous que j’ai avalée quand j’avais dix ans. x

Raphaël Thézé Le Délit

L

’Illusioniste raconte la rencontre entre deux êtres au plus fort de leur solitude. Dans un monde en pleine transformation, où les spectacles de music-hall ne rivalisent plus avec les stars du rock, un vieil illusionniste sur la fin de sa carrière est forcé de quitter Paris. Dans l’espoir de trouver de nouveaux contrats, il part pour l’Angleterre. Y faisant face à la même situation, il est contraint de pratiquer son art dans les petits théâtres de province et les bars. À force de cheminer, il se retrouve invité dans un village écossais isolé du monde et de la technologie, où il rencontre Alice, une jeune fille au crépuscule de l’adolescence habitée d’innocence enfantine, mais ayant les aspirations d’une jeune femme. À la fois touchée par l’attention qu’il lui porte et fascinée par ses tours de magie, elle décide de quitter son travail de femme de chambre et de le suivre dans ses aventures. Une relation touchante d’un père et d’une fille, mais aussi une dynamique de couple se développe

entre eux. Elle prend en charge les tâches ménagères et ne cesse jamais de croire en lui, tandis qu’il cherche désespérément à gagner de l’argent et qu’il la gâte du mieux qu’il peut. Des moments qu’ils partageront naîtra une véritable magie, jusqu’à ce que la réalité les rattrape. Avec ce deuxième hommage à Jacques Tati, Sylvain Chomet fait renaître le réalisateur français. En effet, le scénario original avait été écrit par Tati lui-même dans les années 1950, puis mis de côté d’abord pour céder la place au film Playtime, mais aussi en raison du caractère très personnel de l’histoire. C’est Sophie Tatischeff, la fille de Jacques Tati, qui, charmée par Les Triplettes de Belleville, suggèrera à Sylvain Chomet de ressortir le scénario. Seul un film d’animation pouvait faire honneur au style de Tati et représenter le personnage de M. Hulot, auquel ressemble étrangement l’Illusionniste par ses traits, sa démarche et ses vêtements. L’histoire tourne autour de l’idée du changement, avec une société en évolution, des personnages vieillissants et des

Gracieuseté de Métropole films

sentiments nouveaux. Le regard que porte l’auteur sur cette époque reste tendre, peutêtre fataliste, mais ne devient jamais dénonciateur, ce qui donne une légèreté au film et permet au spectateur d’être touché sans être écrasé par la tristesse des événements. Sylvain Chomet s’est surpassé dans la mise en place d’une infinité de détails, simples en eux-mêmes, mais ajoutant une complexité et une profondeur à l’histoire. Les caractéristiques physiques des personnages sont brillamment stéréotypées, les objets et les gestes sont méticuleusement travaillés, et l’on ne peut s’empêcher de sourire lorsqu’on voit les villageois s’étonner d’une ampoule électrique, ou encore avoir un pincement au cœur lorsqu’on voit le personnage du clown sombrer dans l’alcool et la mélancolie d’une époque révolue. Grâce à l’expressivité des personnages, le film se passe de dialogues, et les clins d’œil, nombreux mais subtils, séduisent avec un humour intelligent. L’ensemble porte ce film au même rang que le cinéma muet de Chaplin, de Tati, ou de Keaton qui surent aborder des sujets forts et sensibles à leur société.x

MUSIQUE

Le rythme sibérien

Mark Bérubé and The Patriotic Few nous présente un folk indie inventif avec leur nouvel album June in Siberia.

Gracieuseté de Bonsound

Catherine Lafrenière Le Délit

I

maginez que nous sommes au début de novembre, que les feuilles tombent des arbres et que les journées s’écourtent, de plus en plus sombres. Le manque de lumière et l’absence de chaleur qui marquent cette période se fait sentir sur le moral de chacun. La mélancolie alors éprouvée est un sentiment qui s’impose alors que s’annonce un hiver long et froid. À travers leur nouvel album June in Siberia, Mark Bérubé and the Patriotic Few (Kristina Koropecki à la contrebasse, Patrick Dugas à la batterie et Amélie Mandeville à la basse) arrivent à transposer en musique la douce tristesse de cette période. On y retrouve tout de même quelques pièces plus rythmées; l’album se termine même sur une touche humoristique avec l’interprétation du plat pays de Jacques

x le délit · le mardi 8 février 2011 · delitfrancais.com

Brel livrée sous forme de message vocal. À travers les douze titres que comprend l’album, le groupe parvient à nous envouter par la performance de Mark Bérubé qui interprète ses pièces avec ardeur et sensibilité, puis par les arrangements musicaux riches et inventifs. On peut d’ailleurs retrouver à travers la composition musicale et les instruments déployés dans cet album un son qui se rapproche de celui de Patrick Watson avec une touche folk. Enregistré en août dernier au studio Hotel 2 tango, June in Siberia est produit par Howard Bilerman, qui a également travaillé avec Arcade Fire, Basiat Bulat et Silver Mt Zion. L’album se distingue des précédents en mettant l’accent sur la voix des musiciens davantage que sur les arrangements musicaux. On peut d’ailleurs y entendre Dan Mangan, et la francobritanique Emily Loizeau, pour laquelle le groupe avait assuré la première partie

lors d’un concert à l’Olympia en 2008. S’y retrouvent également Hattie Webb des Webb Sisters qui interprète la balade inspirée par Fela Kuti intitulée My Me Lady, un des titres les plus rythmés de l’album. Le groupe a aussi collaboré avec CR Avery qui est l’auteur d’un poème duquel est inspiré la chanson Let me go. En entrevue avec Le Délit, Mark Bérubé, originaire du Manitoba et élevé au Swaziland avouait, que Montréal, par la grandeur et la richesse de sa communauté musicale et son cosmopolitisme, était une riche source d’inspiration. Mark Bérubé and The Patriotic Few se produiront en concert le 1er mars prochain au Verre Bouteille dans une formule 5 à 7 pour le lancement de leur album qui sortira le même jour sous l’étiquette Aquarius. Ils prévoient d’ici la fin de l’année une tournée du Canada et de l’Europe pour la promotion de leur nouvel album. x

Arts & Culture

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L’achat de cigarettes de contrebande coûte plus cher qu’on le pense : il alimente d’autres activités criminelles comme le trafic d’armes et de drogues. Les individus pris en possession de cigarettes de contrebande s’exposent à de graves conséquences, allant de l’amende jusqu’à l’emprisonnement.

consequencesdelacontrebande.gc.ca Buying contraband cigarettes costs more than you think. It fuels other criminal activities, such as the trafficking of drugs and guns. Individuals caught in possession of contraband cigarettes face serious consequences ranging from a fine to jail time.

contrabandconsequences.gc.ca


LITTÉRATURE

Clichés du désenchantement L’auteure Dominique Robert surprend et enchante par son premier roman Chambre d’amis, qui rend hommage à la photographie contemporaine. Emilie Bombardier Le Délit

S

i de Chambre d’amis se dégageait une couleur, ce serait le gris, celui qui teinte Montréal en hiver, celui d’une amertume dans laquelle on se complaît. Inspiré de la photographie, le premier roman de Dominique Robert superpose de courtes nouvelles qui plus tard s’enchaînent, présentant des personnages qui ont en commun la fréquentation d’un bar interlope, le Night, et dont les chemins se croisent. On retrouve notamment Fanny, une éternelle étudiante aussi rêveuse que désabusée, Minh, une prostituée qui tente de fuir une mère alcoolique, «Jaguar» son client qui subit un AVC suite

à une séance de sado-masochisme, John, l’avocat de «Jaguar» et sa femme Allison, Félix et Suzanne, un couple d’Outremontais en instance de divorce, Daniel, un traducteur effrayé par la fin de sa jeunesse, Francis, l’étudiant et amant d’Isa qui est elle-même une amie de Juliette, la photographe qui réalise un portrait de tous ces personnages ou saisit en images quelques scènes qui décrivent la banalité pathétique de leur quotidien et le désenchantement qui les habite. Alors que les dernières pages dévoilent ce qui sous-tend le roman, l’œuvre prend tout son sens. Catherine, une écrivaine en panne d’inspiration, voit soudainement sa prochaine œuvre prendre forme en visitant l’exposition de Juliette, intitulée Chambre d’amis. Elle écrira

un livre à l’image des photographies, après avoir rencontré ces inconnus qu’elle vient tout juste de découvrir. Comme le laisse présager la mise en abyme, le roman en question se fait le terne reflet de ces vies valant la peine d’être racontées, par le fait, justement, qu’elles sont sans histoire. Sans avoir le cynisme ou la désinvolture d’un Houellebecq, l’écriture de Dominique Robert est cinglante de par sa forme presque télégraphique et très lucide dans son approche. Dans le monde morose qu’elle décrit, le rire tient du désespoir et la communication, de l’inutile. La perversion abonde, la peur de l’ennui tient tout le monde à la gorge, et la psychothérapie comme la parapsychologie sont les seuls échappatoires, les personna-

ges ayant recours au feng shui, aux thérapies de groupe, au «lâcher prise» et aux dictionnaires d’interprétation des rêves pour trouver un sens à leur quotidien. L’auteure jette certainement un regard amer et humoristique sur son époque, duquel découlent des scènes tout simplement délicieuses, telle la description d’une partie de volleyball dans un tout inclus en République dominicaine, où «une explosion de cris évacuent en partie la névrose urbaine accumulée», ou encore une discussion saugrenue entre Catherine et Columbo, un éleveur de chiens en devenir, alors que tous deux sont accoudés au bar du Night. Malgré un dénouement précipité, tissé de divagations qui peuvent perdre le lecteur et ren-

dent le récit moins percutant, difficile, en somme, de ne pas tomber sous le charme de cette série de «clichés» littéraires, rassemblés selon une structure tout à fait ingénieuse et fort originale. Dominique Robert livre ici un premier roman très réussi, prouvant sans doute qu’«une image vaut mille mots», mais que le contraire est tout aussi vrai. x

par différentes solitudes, des rapports uniques à la maladie et une incroyable tendresse, soulignant entre autres, l’importance du langage corporel et verbal dans toute relation amoureuse. Le langage semble d’ailleurs être le fil conducteur de l’ouvrage entier puisque les récits regroupés dans la deuxième partie intitulée «Textes» explorent des rapports entre amants ou parents par le biais de leur appréhension des mots. Constitués de styles divers et de longueurs variées, ces courts textes conservent le ton sobre et épuré de «La convention». Entre prose poétique, récits et pièces de théâtre,

Suzanne Lamy offre un voyage au cœur des rapports humains, définis par le corps, des paroles qui résonnent et d’irrémédiables silences. Suzanne Lamy joue toujours avec les voix narratives, alternativement masculines et féminines, des voix qui semblent se mélanger pour ne faire qu’une, indissociable du langage et de l’amour. Avec La convention suivi de Textes, écrit sans compromis et dans une langue naturelle et élégante, Suzanne Lamy nous livre donc une magnifique exploration de la souffrance du corps malade et de l’esprit impuissant face à la solitude et à la mort. x

qui se dit toutefois agnostique. C’est aussi une religiosité qui n’est pas en rupture avec le marxisme (la religion est loin d’être l’opium du peuple pour Bernard Émond), mais bien en symbiose avec lui. Il affirme (à plusieurs reprises, encore une fois) qu’il voterait demain matin pour un parti politique qui aurait pour mandat le Sermon sur la montagne. Ce parti serait, selon lui, d’un socialisme assez radical. L’auteur fait appel à de grandes valeurs qui ne devraient jamais «passer de mode», mais qui semblent aujourd’hui anachroniques: la responsabilité et l’honneur, par exemple. Il les fait revivre avec finesse et intelligence, mais aussi avec un brin de désespoir devant la situation actuelle. On peut être un peu déçu par la première partie du recueil intitulée «Cinéma cinémas» qui ne ras-

semble pas tout à fait des réflexions de cinéphile sur le cinéma en tant qu’art. Bernard Émond dit lui-même, en bon anthropologue, que le cinéma est un détour, un moyen pour accéder (je résume grossièrement) à la fois à la vérité et à la résistance. On peut être agacé, parfois, de ce qu’on nous répète sans cesse que la publicité est mensongère et que la culture de masse en est une de divertissement, et de ce que la «thèse» du livre soit un peu trop claire dès la page couverture. Je crois néanmoins qu’il faut voir en cela l’admirable cohérence et la singulière sincérité de l’auteur, qui cite d’ailleurs Pasolini à son propre compte, me semble-t-il: «Il se peut que les lecteurs trouvent que je dis des banalités, mais ce qui est scandalisé est toujours banal. Et moi, malheureusement, je suis scandalisé.» x

Gordon Matta-Clark / Gracieuseté des Éditions Les Herbes rouges

LITTÉRATURE

La convention enfin réédité

Annick Lavogiez Le Délit

L

a convention, suivi de Textes, l’œuvre majeure de Suzanne Lamy est rééditée aux Éditions Nota bene avec une préface de Monique LaRue. L’histoire est simple, presque trop banale: François et Soria sont séparés par la mort, l’homme emporté par un carcinome. Écrite dans un style épuré, presque classique, voilà de quoi est faite «La convention», première partie de l’œuvre de Suzanne Lamy. Un premier récit qui garde son lecteur en haleine par l’intensité et la sensibilité du ton employé,

annonçant un recueil d’une grande beauté. Divisé en plusieurs parties, «La convention» est raconté successivement par les trois protagonistes. Le docteur F. ouvre la voie, se rappelant la venue dans son cabinet d’un couple. La maladie, le lecteur ne la connaît pas encore; la particularité de ces amants non plus. Toutefois, l’ombre de la mort plane déjà audessus des personnages, dans le ton sobre du narrateur. Ce court passage fait office d’introduction au journal de Soria qui témoigne tout d’abord de la découverte de la maladie de celui qu’elle aime, puis de l’appréhension, de la colère, de

la solitude et finalement de l’ultime séparation. Au jour le jour, Soria se confie dans l’intimité des mots qui la rapprochent de François, des mots qui pourtant ne peuvent communiquer sa douleur: «Ce que je note correspond mal à ce qui a été. Je déforme, je triche, même si je tente de transcrire au mieux, d’entrer ce moment dans la répétition, contre le temps. Une façon de l’inventer en croyant le revivre.» Au milieu du journal, des lettres de François nous montrent l’envers de leur relation, ce qu’a été son amour à lui. Dans une pudeur extrême, Suzanne Lamy convoque ainsi trois voix marquées

CHRONIQUE

Résister envers et contre tout

Luba Markovskaia | Réflexions parasites

Il y a trop d’images. Le titre est aussi péremptoire que le recueil qu’il annonce. Il faut savoir que le tout nouveau livre du cinéaste Bernard Émond, paru chez Lux en janvier, est un recueil de textes épars, tous déjà parus ailleurs ou prononcés dans divers contextes.

Une ligne conductrice les unit: l’appel à la résistance. Résistance aux images publicitaires, au divertissement de masse, aux réflexions faciles, au cynisme qui est, enfin, «la maladie des gens intelligents». Une fort noble cause, venant d’un homme on ne peut plus sincère. On peut constater cette sincérité dans la cohérence qui relie chacun des petits textes. Certaines formules et images sont reprises telles quelles d’un texte à l’autre, ce qui ne témoigne pas d’un recyclage paresseux, mais bien du fait que le cinéaste reste fidèle à ses idées. Il cite à plusieurs reprises Chris Giannou, un médecin de guerre canadien, à qui on avait demandé comment il avait fait pour garder ses principes de jeunesse, ce à quoi il avait répondu: «C’est à ceux qui ne les ont pas gardés qu’il faut poser la question.» Ce postulat est primordial pour

le délit · le mardi 8 février 2011 · delitfrancais.com

Bernard Émond, qui dénonce les anciens gauchistes de sa génération devenus des bourgeois capitalistes se confortant dans le cynisme. La terminologie marxiste est en effet très présente dans les textes de l’auteur, qui cite parmi ses lectures (il se dit avant tout lecteur) le petit panthéon socialiste que voici: Simone Weil, George Orwell, Pier Paolo Pasolini. Plus près de nous, il poursuit également un dialogue outre-tombe avec Pierre Vadeboncœur à qui il dédie ce recueil. Un de leurs sujets de discussion non épuisé, à la mort du grand essayiste, était celui de la spiritualité. Cette thématique parcourt autant le recueil que la filmographie de Bernard Émond. Une spiritualité toute particulière, qui puise énormément dans la tradition et l’iconographie chrétiennes, mais

Arts & Culture

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LE DÉLIT AIME...

Le Salon de la marginalité Anabel Cossette Civitella Le Délit

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mais qui veulent avoir une voix. Parmi les moments les plus marquants du Salon, la représentation artistique de Disco Salope, un transsexuel dont le genre théâtral reste à déterminer, a provoqué quelques sourires et haussements de sourcils dans la foule. Sur un fond de musique électro, Disco Salope déclinait les tabous de la société en reprenant le vieux dicton «Fontaine, je ne boirai jamais de ton eau»: «Fontaine, je ne baiserai pas avec une truie, je ne marcherai pas sur la ligne jaune, je ne serai jamais végétarien, je ne me sucerai jamais moi-même, je ne serai jamais cannibale…» Autant de tabous et de perversion libérés avaient de quoi secouer.

Des artistes qui vivent de projets et savourent leur indépendance avec les moyens du bord, dont Virgile, un peintre autodidacte aux tendances cubistes: «Je n’aime pas les mouvements de masse, ça me rend malade» confie-t-il au sujet d’une toile qu’il a peinte en réaction à la crise H1N1 l’an dernier. La marginalité n’est toutefois pas qu’une question de contestation et de désir de choquer. Nombre d’exposants du Salon abordent de front des tabous qui se doivent d’être remis en cause par la société. L’organisme Cactus Montréal distribue par exemple des seringues et du matériel de consommation de drogue afin de réduire les risques de trans-

mission de maladies. «Nous travaillons dans la rue avec des drogués, et il y a beaucoup de préjugés qui planent autour de nous. C’est ce qui fait que nous nous considérons marginaux» souligne Serge Papineau qui est chercheur pour l’Université McGill. Les artistes, les petites organisations qui donnent leur place aux communautés marginalisées et les minorités de toutes sortes avaient ainsi leur place au cours de cet événement, qui n’était pas seulement une occasion pour tout un chacun d’afficher clairement sa non-alliance à un courant principal, mais aussi l’occasion d’exprimer un projet commun: donner une voix aux oubliés de la société. x

par Martine Chapuis

La bd de la semaine

e sous-sol de l’église Saint-Denis s’est transformé les 4 et 5 février pour la quatrième édition du Salon de la marginalité, un événement organisé par Les Filles électriques, un organisme cherchant à donner une voix aux communautés minoritaires. Réunir en un seul endroit les organisations indépendantes, les artistes autonomes et tous ceux dont le dénominateur commun est le non-conformisme peut relever de l’exploit. Pourtant, les artisans de la marge semblaient tous très disposés à afficher et à expliquer, de concert, leur bizar-

rerie respective. À la question «Qu’est-ce qu’un marginal?», tous avaient une réponse pertinente, claire, édifiante, sans équivoque: «Je peins avec mon sang», «Je suis artiste autodidacte», «Je suis serveur et drag queen», «Je distribue des seringues aux héroïnomanes». Cette réunion se déroulait en plusieurs actes. Des kiosques d’information, des tables rondes anglophones et francophones sur le thème de la marginalité, des projections audiovisuelles en continu, des ateliers en tout genre et des prestations artistiques hautes en couleur exposaient aux non-initiés les tenants et les aboutissants de groupes qui n’ont pas beaucoup de visibilité,

Anabel Cossette Civitella | Le Délit

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x le délit · le mardi 8 février 2011 · delitfrancais.com


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