le délit le seul journal francophone de l’Université McGill
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Cahier Création à l’intérieur!
Le mardi 5 avril 2011 | Volume 100 Numéro 24
Franchit les gates depuis 1977
Éditorial
Volume 100 Numéro 24
le délit
Le seul journal francophone de l’Université McGill
rédaction
rec@delitfrancais.com
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Le politique désartmé Mai Anh Tran-Ho Le Délit
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n organisant un événement où Stephen Harper joue au piano et chante Imagine de John Lennon avec Maria Aragon, une jeune fille d’origine philippine qui doit sa notoriété à son interprétation de Born This Way de Lady Gaga sur YouTube, les stratèges conservateurs ont sans doute voulu projeter l’image d’un Canada cultivé, harmonieux et connecté. Une image à laquelle nous pouvons tous nous identifier… sous réserve qu’elle soit vraie. S’il y une chose qui est vraie dans cette image, c’est que la culture, pour les conservateurs, n’est l’affaire que d’un seul homme: Harper. L’État, c’est moi Dans l’éditorial du 1er mars, je disais que Harper se comportait comme un roi. Selon lui, il n’existe aucune différence entre lui et le gouvernement du Canada. Et il le façonne à son image. Au début de l’année, le gouvernement Harper, comme il aime être désormais nommé, a coupé jusqu’à 45 millions de dollars dans le financement des arts et de la culture; le Québec représentant à lui seul 15 millions de ces 45 millions de dollars de la coupure. Le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants, le Canadian Memory Fund (qui numérise les archives d’agences fédérales pour un accès en ligne OU électronique), et le Northern Distribution Program
(distributeur du Aboriginal Peoples Television Network), entre autres, ont perdu leur financement, mais ces coupures ont surtout empêché le financement pour les voyages et les expositions à l’étranger. Certes, les conservateurs ont investi 100 millions de dollars dans des événements culturels en 2009, mais dans des grands festivals déjà financés par des corporations, comme le Festival International du Film de Toronto. De plus, l’argent a été distribué par Industrie Canada plutôt que le Conseil des Arts du Canada. L’art n’est pas qu’une commodité et ne devrait pas être livré aux lois du marché et ce n’est pas à Harper de choisir quels groupes représenteraient le mieux le Canada à l’international. L’art est au fondement de l’être humain. Des dessins sur les murs des cavernes aux dessins de la maternelle, l’art permet de circonscrire notre monde, de l’exprimer comme on le conçoit et de le partager aux autres. L’art est création et dialogue. Dialogue à travers le temps, avec nos contemporains, avec nos ancêtres en puisant dans leur art, et avec le futur. L’art permet aussi d’étendre notre conception du monde, d’aller à sa rencontre. L’art permet d’évoquer nos sentiments, d’évacuer nos douleurs et nos colères, de rejoindre les autres dans une expérience partagée. L’art tisse des liens, crée des communautés. Comme en témoigne L’envol, la protestation pacifique et créative des étudiants de l’UQAM (page 7).
La politique des armées L’image d’un pays, c’est bien plus que des paroles. «Imagine no possessions, no need for greed or hunger», la paix n’est certainement pas l’intérêt premier du gouvernement conservateur; personne n’est dupe. Le Canada a manqué sa chance en octobre dernier de gagner une place d’une durée de deux ans au Conseil de Sécurité des Nations Unies, un des corps les plus importants en relations internationales. Le Canada, très actif sur le plan international –nos contributions en Afghanistan, notre leadership en Haïti avant et après le tremblement de terre, notre financement dans l’aide internationale, les sommets du G8 et du G20 et les Jeux Olympiques d’hiver de Vancouver– a perdu face au Portugal. Nous devons nous rendre à l’évidence que notre pays n’est plus aussi bien perçu qu’auparavant sur la scène internationale. Stephen Harper n’était pas suffisamment engagé dans les affaires internationales et au sein de l’ONU, a préféré l’ouverture d’une nouvelle succursale de Tim Horton’s à Oakville qu’une assemblée générale des Nations Unies. Notre ancienne bonne réputation est désuète, l’ancien ambassadeur canadien aux Nations Unies, Robert Fowler a affirmé: «The world doesn’t need more of the Canada it has been getting». Dans le cadre de ce dernier numéro joint à un cahier dédié à la création, je tenais donc à vous rappeler que l’art a une liberté à protéger et qu'elle ne devrait en aucun cas être brimée. Sur ce, ne manquez pas d'aller voter le 2 mai. x
Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Mai Anh Tran-Ho Actualités actualites@delitfrancais.com Chef de section Emma Ailinn Hautecœur Secrétaire de rédaction Francis Laperrière-Racine Rédacteur Campus Anthony Lecossois Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section Émilie Bombardier Secrétaire de rédaction Valérie Mathis Société societe@delitfrancais.com Anabel Cossette Civitella Xavier Plamondon Coordonnatrice de la production production@delitfrancais.com Mai Anh Tran-Ho Coordonnateur visuel visuel@delitfrancais.com Raphaël Thézé Infographie infographie@delitfrancais.com Alexandre Breton Irena Nedeva Coordonnateurs de la correction correction@delitfrancais.com Anselme Le Texier Élise Maciol Coordonnateur Web web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Collaboration Sabrina Ait Akil, Marion Andreoli, Benjamin Barnier, NIcolas Barnier, Letizia Binda-Partensky, Ailise Byrn, Caroline, Florent Conti, Ines De La Cuetera, Raphaël Dallaire Ferland, Grace Fu, Dan Garmon, James Gilmor, Léa Grantham, Harmon, Scott Horn, David Huenh, Jane, Katie Kelleher, Gregory Ko, Annick Lavogiez, Amélie Lemieux, Geneviève Mathis, Margaux Meurisse, Andrew Murray, Pascale Nycz, Juilianna Obal, Pablo Pizarro Janczur, Luke Powers, Ariane Santerre, Matthieu Santerre, Sophie Silkes, Thomas Szacka-Marier, Victor Tangermann, Audrey Yank
Couverture Photo: Florent Sbai Conti; Montage: Raphaël Thézé
La présence d’un journal francophone à McGill serait impossible sans l’apport de précieux collaborateurs. Le Délit tient à remercier tout ceux qui ont participé et vous attend en septembre prochain! Louis Aimé, Marion Andreoli, Sabrina Akil Ait, Avocats sans frontières, Ramani Balendra, Marie-France Barrette, Benjamin Barnier, Nicolas Barnier, Renaud Bécot, Letizia Binda-Partensky, Marie-Lise D.-Bisson, Émilie Blanchard, Alexandre Breton, Ailise Byrne, Caroline, Augustin Chabrol, Martine Chapuis, Éléna Choquette, Florent Conti, Commission des affaires francophones, Catherine CôtéOstiguy, Raphaël Dallaire Ferland, Max Dannenberg, Thomas Didier, Rosalie Dion-Picard, Guillaume Dore, Justin Doucet, MarieCatherine Ducharme, Stéphanie Dufresne, Guillaume Dumas, Fanny Devaux, Maurice Dykmans, Owen Egan, Gabriel Elison-Scowcroft, Blair Elliott, Grace Fu, Dan Garmon, Audrey Gauthier, James Gilmour, Emma Godmere, Léa Grantham, Katia Habra, Harmon, Habib Hassoun, David Huehn, Jane, Humera Jabir, Katie Kelleher, Victoire Krzentowski, Catherine Lafrenière, Charles Larose, Hans Larsen, Annick Lavogiez, Geneviève Lavoie-Mathieu, Eve Léger-Bélanger, Francis Lehoux, Amélie Lemieux, Annie Li, Andreea Lliescu, Jimmy Lu, Anouk Manassen, Luba Markovskaia, Sarah Marsolais-Ricard, Véronique Martel, Geneviève Mathis, Marie McCulloch, Margaux Meurisse, Elizabeth-Ann Michel Boulanger, Marine Moulin, Et-Anne Moinsourath, Andrew Murray, Pascale Nycz, Julianna Obal, Hannah Palmer, Xavier Phaneuf-Jolicœur, Wendy Papakostandini, Pablo Pizarro Janczur, Luke Powers, Mario Provencher Langlois, Victor Raynaud, Catherine Renaud, Julie Rich, Maya Riebel, Édith Drouin Rousseau, Andrea Saavedra, Véronique Samson, Matthieu Santerre, Thomas Szacka-Marier, Sophie Silkes, Ginga Takeshima, Victor Tangermann, Philippe Teisceira-Lessard, André Thiel, JeanFrançois Trudelle, Jade Weymuller, Miranda Whist, Devon Paige Willis, Audrey Yank
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bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Gérance Pierre Bouillon Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Emilio Comay del Junco Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Tom Acker, Emilio Comay del Junco, Humera Jabir, Anthony Lecossois, Whitney Malett, Dominic Popowich, Sana Saeed, Mai Anh Tran-Ho, Will Vanderbilt, Aaron Vansintjan L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.
Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill.
Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec). Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).
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CAMPUS
Un renouveau controversé
Après une dizaine d’années de latence, le bar Gert’s semble avoir pris son envol. Constat des avancées et des espoirs entourant les rénovations. Anabel Cossette Civitella Le Délit
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erts en est aux balbutiements de sa transformation extrême. José Diaz, vice-président aux finances et opérations en 2009-2010 en avait fait son cheval de bataille; Nick Drew a suivi son exemple et a apporté de nouvelles idées. Natasha Geoffrion-Greenslade avait travaillé trois ans au Gerts lors de ses études, et elle est de retour depuis l’an dernier en tant que gérante. À la tête d’une équipe dynamique, elle est fière de dire que 2010-2011 a été «une année exceptionnelle». Elle attribue le nouveau succès de Gerts notamment au personnel enthousiaste: «la nouvelle énergie derrière le bar y est sûrement pour beaucoup dans la réputation de Gerts. L’opinion est positive et il est maintenant beaucoup plus facile d’organiser des événements». Le bar est une place agréable à côtoyer, où il fait bon de se rencontrer pour différentes occasions. «On travaille avec des groupes d’étudiants qui veulent faire des partys. On invite des groupes de musique, des DJ, on a des prix spéciaux sur l’alcool tous les jours, explique la gérante, et Octoberhaus a été un vif succès qui a fait connaître le bar.» Si José Diaz a fait connaître le bar grâce au bouche-à-oreille, c’est Nick Drew qui a veillé à ce que la clientèle devienne régulière. «Les prix spéciaux chaque soir et les deux écrans de télévision HD avec le câble, par exemple, sont un succès» souligne-t-il.
Depuis l’an dernier, il y a bien eu quelques légères modifications à l’apparence du bar, hormis celles apportées grâce au concours de design au printemps dernier. «C’est un long processus qui prend du temps, de l’argent et bien sûr un suivi d’une année à l’autre» précise Natasha. Elle ajoute que les rénovations seront majeures: «le comptoir du bar sera complètement transformé pour une meilleure organisation de l’espace». Non seulement le comptoir du bar sera mieux adapté, mais un changement important dans l’organisation des cuisines aura pour effet d’encaisser de nouveaux profits. Pour l’instant, Gerts n’a plus de licence pour vendre de la nourriture. En effet, suite aux changements de politique au ministère de l’agriculture, des Pêcheries et de l’alimentation du Québec, 15% des employés doivent avoir eu une formation
et une accréditation avant de pouvoir légalement vendre de la nourriture. «En attendant que les employés soient en mesure de servir et préparer la nourriture, nous pensons au menu en vigueur prochainement», confie Natasha. Les fritures habituelles côtoieront donc les menus du jour plus consistants dès que les cuisines seront adéquates. Le VP aux finances dans tout ça Nick Drew avait mis le bar à son agenda en début de mandat, et se dit très satisfait: «Si l’an passé Gerts fonctionnait sur une base événementielle, cette année, les clients réguliers nous ont permis d’engranger un profit de 4000 dollars». Avec le concours lancé par José Diaz en mars 2010, les plans pour les rénovations du bar sont maintenant sur la table de l’équipe de concertation: «le projet est maintenant
Natasha Geoffrion-Greenslade, à gauche, gérante de Gert’s David Huenh
lancé: on ne peut plus reculer puisque l’argent a été investi dans les architectes et designers. Il faut toutefois que le Conseil de l’an prochain soit d’accord pour continuer» ajoute celui qui détient les cordons du budget jusqu’en mai 2011. Depuis 2001, alors que le bar est au sous-sol, le bâtiment n’a pas investi beaucoup dans l’apparence de Gerts. Ainsi, les 463 000 dollars pour la rénovation du comptoir et de la cuisine semblent nécessaires. «Et nous avons ces fonds» assure Nick Drew. Pour Shyam Patel, le prochain au même poste, son futur rôle est de veiller au bon fonctionnement des opérations, mais surtout de s’assurer que les étudiants sont bien servis par le bar. «Je pense que Gerts est un lieu qu’il faut encourager, car il permet aux étudiants de vivre une expérience agréable après une dure journée d’examen… et sécuritaire tout à la fois.» Par contre, il met un bémol à l’enthousiasme de son prédécesseur quand il analyse le budget alloué aux rénovations: «s’il y a 200 000 dollars qui proviennent des comptes de l’AÉUM, le reste de l’argent n’est pas encore trouvé» dit-il. Nick Drew précise que si la moitié des fonds sont, pour sûr, débrayés par l’AÉUM, le Conseil pourrait aussi accepter d’augmenter le budget afin que le projet se réalise. La deuxième moitié proviendrait du Capital Expenditure Reserve Fund à moins que le Conseil ne vote contre l’augmentation du bud-
get. Si c’était le cas, Nick Drew devrait apporter d’autres idées de financement. Habituellement, lorsque l’AÉUM veut augmenter son budget, il y a augmentation des frais d’affiliation à l’Association étudiante. «Les investissements sont restreints: nous ne pouvons pas les retirer» ironise Shyam Patel; «pour moi, augmenter les frais des étudiants dans la période de crise que nous traversons, même si ce n’est pas de beaucoup, me semble inacceptable». Le prochain VP aux finances revient à la charge: «c’est une question de priorités. Si on met l’argent dans le bar, ce sont des sous en moins pour les locaux de comités». Il met en doute la viabilité à long terme d’un projet qui met de côté les aspects matériels pour uniquement se préoccuper des idées. En effet, avoir une vision, c’est bien, mais la priorité devrait appartenir aux étudiants: «devons-nous mettre notre énergie aux rénovations de Gerts ou sur tous les autres sujets chauds en ce moment?» demande Shyam. Argent, pas argent, depuis l’an dernier, le bar est de plus en plus populaire. Enfin, pour Natasha Geoffrion-Greenslade, les critères d’embauche de l’an prochain seront plus précis, avec une attention particulière au bilinguisme au sein de l’équipe. «Puisque nous réussissons à attirer de plus en plus de francophones, il devient primordial que les barmen parlent un minimum de français» insiste-t-elle. Un Gerts dans le trou, mais bilingue? À voir. x
Au Gerts, vous entendez tous les potins. Faites-en part à campus@delitfrancais.com! BRÈVE: CAMPUS
Vive les vacances!
Les étudiants profiteront d’une semaine de plus à Noël.
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oshua Abaki, VP aux Affaires universitaires, a annoncé l’arrivée du nouveau calendrier scolaire au conseil législatif jeudi dernier. Les changements rallongeront les vacances de Noël d’une semaine, du 3 janvier au 9 janvier pour l’année 2012. L’AÉUM a enquêté auprès des étudiants de premier et de deuxième cycles, et leur a de-
mandé de ranger en ordre de priorité des options diverses, tel qu’ajouter une semaine de lecture au semestre d’automne, plus de jours réservés à l’étude avant la période d’examen ou de plus longues vacances d’hiver. 42% des étudiants de premier cycle ont voté en faveur d’une semaine de relâche en hiver plus longue, 33% préférait une semaine de
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lecture en automne et seulement 25% pour des jours d’études. Les répondants étaient aussi amenés à choisir le revers de la médaille: pour des jours de repos de plus, la semaine d’examen sera elle, plus courte. La plupart des étudiants (21%) étaient pour cette mesure et contre le fait de finir plus tard en mai (de nombreux étudiants
ne prennent un bail que jusqu’à la fin avril) et commencer plus tôt en août. Pour raccourcir la semaine d’examen, certains examens seront tenus le soir (de 18h à 21h). L’université testera sa capacité logistique de faire ce changement lors de deux ou trois examens le soir ce mois-ci, lors de la période d’examen. Des changements de dates,
dans la même direction, seront aussi décidés (comme de coutume, deux ans à l’avance) pour les années 2012- 2013 et 20132014. Ces changements seront permanents si acceptés au Sénat, car les principes de bases régulant la tenu des examens seront eux-mêmes changés. Emma Ailinn Hautecoeur
Actualités
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CAMPUS
AMURE se certifie La syndicalisation va bon train à l’université McGill. Emma Ailinn Hautecoeur Le Délit
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n décembre dernier, les étudiants de premier cycle employés par l’université McGill se syndiquaient. Au même moment, les assistants de recherches se sont syndicalisés au sein d’AMURE (Association of McGill University Employees), après un référendum qui leur a valu d’être certifiés par la Commission des normes du travail. AMURE est composé de deux branches: celle des associés de recherches, majoritaires au sein du syndicat, et celle des assistants de recherches, certifiés le 20 décembre dernier. Selon le président d’AMURE, Matthew Annis, 30 à 50% des assistants de recherches auraient signé une pétition pour amorcer leur syndicalisation, et 80% d’entre eux auraient voté en faveur d’une syndicalisation lors du referendum. Pour l’instant, l’exécutif est seulement composé d’associés de recherches, mais on prévoit réserver deux sièges pour chacun des groupes, ainsi que trois autres –ceux de président, de trésorier et de secrétaire– qui seront ouverts à tous. En entrevue avec Le Délit, Jesse Gutman, assistant de recherches impliqué dans le syndicat, dit avoir eu quelques doutes au début quant à la juste représentation des assistants de recherches, par rapport aux associés qui sont plus nombreux. Il estime que «c’est un bon choix,
Problèmes de communication chez AMURE Matthieu Santerre | Le Délit
s’ils sont solidaires». AMURE a épousé le modèle des syndicats homologues d’autres universités de Montréal, qui rassemblent tous les employés de recherches en une seule unité. Jesse Gutman pense que «la création de ce syndicat est une grande réussite pour le campus de l’université, qui a vécu des défaites cette année, comme la perte du Arch café et la controverse entourant Zach Newburgh». Elle donne aux employés des recours légaux
en cas de harcèlement sexuel ou d’abus salarial, par exemple, et leur offre «une représentation beaucoup plus robuste et politisée» continue Gutman. Plusieurs griefs ont déjà été déposés, la plupart concernant des résiliations de contrat de travail, a laissé savoir M. Annis, dans un courriel au Délit. Gutman retrace l’idée originale de créer ce syndicat à la suite des grèves des TAs (Teacher’s Assistants) en 2007. À la suite de
cet événement, les professeurs s’étaient retrouvés à devoir corriger la totalité de leurs copies, et certains avaient demandé à leur assistant de recherche de faire le travail à leur place, ce qui avait causé une certaine frustration chez les assistants de recherches. Alors que les autres syndicats représentant les employés de McGill, dont AMUSE –l’organisation sœur de AMURE– ont signé un pacte de solidarité le 25 janvier dernier, M. Annis affirme
avoir discuté d’une potentielle signature de pacte et reçu des réactions positives des membres de son syndicat.Autre développement en suspens: l’accord collectif à négocier avec l’université. Il y aura deux unités de négociations et deux contrats, mais chacune des branches doit encore consulter ses membres pour savoir quelle position adopter. Cela se fera jeudi prochain, le 7 avril, lors de la première assemblée générale d’AMURE. Annis estime que le principal point de désaccord concernera sûrement les salaires. Il note qu’«il n’existe aucune échelle de salaire à McGill, ni de plan de classification pour les associés et les assistants de recherches, et beaucoup de nos membres se sont plaints de ne pas avoir profité d’une augmentation de salaire depuis des années». Étant donné que l’université n’a fourni qu’une liste de noms des employés de recherches à AMURE, le personnel du syndicat a dû deviner leurs adresses respectives, sous le format prenom. nom@mcgill.ca, pour informer les employés de leurs droits et de la tenue de l’assemblée générale. Dans un courriel au McGill Daily, Lynne Gervais, vice-présidente associée aux ressources humaines, dit «devoir aux syndicats un rapport mensuel de leur corps syndicalisé, mais que c’est aux employés que revient la responsabilité de garder leurs coordonnées à jour». x
CAMPUS
La haine tweetée
Les réseaux sociaux sont sources de chaos sur les campus. Anthony Lecossois Le Délit
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es menaces sur Twitter à McGill, la vidéo raciste «Asians in the Library» à l’Université de Californie à Los Angeles; dans les deux cas le comportement en ligne d’étudiants qui déclenchent un blitz de communication de la part des universités. Rapides et viraux, les réseaux sociaux sont impossibles à contrôler. Lorsque le nom de l’université est lié au débordement électronique de l’un de ses étudiants, tout se passe comme si elle se sentait responsable auprès de l’opinion publique. Les faits et gestes de ses étudiants affectent leur image, et bien souvent les universités sont sommées de prendre des mesures. À McGill, la page Facebook «McGill: Stop Hate, Protect Students» a été créée pour faire pression sur l’université pour qu’elle prenne «les mesures disciplinaires les
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plus strictes à l’encontre de Haaris Khaan», l’auteur des tweets. La page compte une petite centaine d’adeptes. Après la publication par le McGill Tribune des détails de l’événement le mardi, le plan de communication de l’université s’est articulé en trois mouvements. L’envoi le jeudi d’un courriel à l’ensemble de la communauté (étudiants et employés), une lettre ouverte dans le McGill Reporter, la publication des services de communication de l’université et enfin les réponses très limitées aux questions des médias. La ligne est claire: nous prenons ce genre de propos très au sérieux, nous les condamnons et nous prenons les mesures appropriées. C’est là que la loi du Québec sur la vie privée entre en jeu. Celle-ci est souvent invoquée par l’université qui y voit l’interdiction de publier la nature des mesures disciplinaires prises à l’encontre d’un étudiant en particulier.
À UCLA, la réaction de l’université a été similaire, et même plus rapide. Dès le lendemain de la mise en ligne de la vidéo, le chancelier de l’université californienne envoyait un courriel à la communauté condamnant les propos tenus par Alexandra Wallace. Le même jour, il enregistrait une déclaration mise en ligne sur YouTube dans laquelle il expliquait que c’était «un jour triste pour UCLA et décevant à titre personnel». Tout comme la principale de McGill, il appelait à un usage responsable des réseaux sociaux. Ces deux événements ont pris des proportions gigantesques. Les propos tenus, amplifiés par la caisse de résonnance que sont Internet et les réseaux sociaux, ont dépassé les murs des universités. Les dirigeants de ces institutions se retrouvent aujourd’hui dans une situation où ils doivent réagir à des propos publiés «par un simple clic», comme les décrit
Raphaël Thézé | Le Délit
le courriel de McGill. La machine s’emballe et les étudiants blogueurs perdent le contrôle. Suite
aux menaces et aux pressions, Alexandra Wallace a quitté l’Université de Californie. x
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ÉDUCATION, ENTREVUE
La question demeure Le Délit s’est entretenu par courriel avec Patrick Sabourin, l’un des trois auteurs de l’Enquête sur les comportements linguistiques des étudiants du collégial sur l’île de Montréal. Mai Anh Tran-Ho Le Délit
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e vieux débat sur la défense de la langue française est de retour dans l’actualité. Application de la loi 101 au cégep, programmes bilingues, quel avenir pour le français? L’enquête, sa portée et ses limites Patrick Sabourin, étudiant au doctorat en démographie à l’INRS, explique que l’enquête voulait, «à l’aide de données nouvelles, alimenter la réflexion sur la question linguistique au cégep». L’auteur soutient que, jusqu’à la publication de leurs analyses par l’Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA) en septembre dernier, «aucune recherche d’envergure n’avait été réalisée sur le sujet». La Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui leur a confié le mandat de recherche original dans le but d’approfondir sa réflexion sur la possibilité d’appliquer la loi 101 au cégep, souhaitait comprendre les raisons qui motivent les francophones et les allophones à fréquenter le cégep anglophone, explique Monsieur Sabourin.
«L’anglais serait la langue de la mobilité sociale ascendante.» L’enquête sur les comportements linguistiques des étudiants du collégial sur l’île de Montréal (ECLEC) concluait que l’usage de l’anglais prédominait comme langue d’usage public, privé et de la consommation des biens culturels lorsque les étudiants avaient fréquenté le cégep anglais. L’ECLEC révélait, entre autres, que les étudiants choisissent rarement un cégep en fonction de leurs amis, que ce choix demeurait individuel –tout en étant possiblement lié à un parent anglophone ou avec une affinité pour cette langue et/ ou culture–, et que de nombreux répondants disaient choisir le cégep anglais pour parfaire leur bilinguisme. L’anglais conserverait alors un grand pouvoir d’attraction, il serait «la langue de la mobilité sociale ascendante». Ces rapports «ont suscité beaucoup d’intérêt et de discussions, mais n’ont pas mené jusqu’à maintenant à des actions concrètes», poursuit Patrick Sabourin. La CSQ s’étend toujours sur la question qui sera débattue au prochain congrès du Parti Québécois. Bien sûr, il est difficile d’évaluer tous les facteurs dans une telle enquête. Par exemple, on met en regard dans la conclusion le
fait que les jeunes d’aujourd’hui, ayant une meilleure connaissance de l’anglais, sont plus enclins à regarder les films dans leur langue originale. «L’idéal aurait été de réaliser une enquête longitudinale dans laquelle nous aurions suivi une cohorte de jeunes à partir du secondaire jusqu’à l’entrée sur le marché du travail. Nous aurions pu mesurer véritablement
«Les universités de langue anglaise récoltent plus de 25% des fonds et des places d’études alors que les anglophones ne constituent que 8,5% de la population.» l’évolution de leurs comportements linguistiques plutôt que d’en prendre une mesure ponctuelle comme nous l’avons fait avec l’ECLEC», affirme Monsieur Sabourin. Toutefois, «les enquêtes longitudinales sont extrêmement difficiles à réaliser (on perd souvent les participants en cours de route, le suivi devant être fait sur plus de dix ans) et sont très coûteuses», explique-t-il. L’ECLEC présentait une autre limite liée la formulation de Statistique Canada adoptée pour les questions sur les comportements linguistiques («Quelle langue parlez-vous le plus souvent?», etc). «Cette formulation a le mérite d’identifier la langue préférée ou dominante, mais ne donne pas d’indication sur l’utilisation précise de la langue au quotidien», révèle Monsieur Sabourin. «La seule façon de repousser ces limites est de multiplier les enquêtes et les analyses et d’en comparer les résultats et les méthodologies. Or, pour l’instant, l’enquête de l’IRFA est la seule disponible…», conclut-il. Appliquer la loi ou pas, là est la question Le 24 mars, Denis Lessard déclarait dans La Presse que le Conseil supérieur de la langue française (CSLF) estimait qu’il serait une erreur d’assujettir les cégeps à la loi 101 et que, toujours selon le CSLF, il n’y avait pas d’«exode» des étudiants du secondaire francophone vers les cégeps anglophones. Une déclaration qui serait officiellement énoncée cette semaine. Une contradiction avec le constat de l’IRFA? Pas tout à fait. L’ECLEC ne fait pas référence à un «exode», mais souligne que
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«les cégeps anglais fonctionnent à pleine capacité (Dawson refuse même des étudiants ayant de très bons dossiers et John Abbott a été contraint de louer des locaux dans une école voisine), [qu’]au cours des cinq dernières années, le nombre de demandes d’admission a crû beaucoup plus rapidement au cégep anglais (30%) qu’au cégep français (10%) [et qu’]à l’automne 2010, environ 75% des quelques 900 nouvelles places créées dans les cégeps de Montréal l’ont été dans des cégeps anglais», explique Patrick Sabourin. Il poursuit son explication en signalant que les données du CSLF ne révèlent pas tout, notamment pour le futur. «Si les effectifs du cégep anglais se maintiennent (flux constants) alors que ceux du cégep français diminuent, l’importance relative du réseau anglais augmentera alors que celui-ci compte déjà plus de 16% des places.» Monsieur Sabourin n’a pas d’avis tranché quant à l’application de la loi 101 au cégep. L’IRFA, rappelle-t-il, préfère distinguer le débat scientifique du débat politique. «Par exemple, nos données montrent que le cégep anglais est une étape importante du cheminement qui mène généralement à la fréquentation d’une université de langue anglaise et/ou à un travail en anglais. Ceci constitue le constat scientifique. Par la suite, on peut décider que cette anglicisation est moins importante que la liberté de choisir la langue de ses études postsecondaires. Ce choix est politique. Il revient donc au politique, et donc finalement aux citoyens, de trancher entre ces deux «valeurs»: le développement du français ou la liberté de choix.»
l’inverse». «La situation est donc plutôt asymétrique et rendrait une généralisation du système d’échange problématique: il y aurait vraisemblablement une demande plus forte pour les cours en anglais que pour les cours en français», selon Monsieur Sabourin. Le français à vendre Pourrait-on mieux «vendre» la langue française, comme un bien à consommer, puisqu’il semble que la langue de consommation de biens culturels permet, d’une manière concrète et forte, de s’attacher à une culture particulière? Patrick Sabourin ne croit pas que «vendre» le français («j’ai déjà entendu un professeur parler de “mettre le français en mode séduction”») serait efficace. Utiliser les biens culturels pour mieux faire la promotion de la langue est une approche limitée, affirme-t-il. «L’ECLEC a bien montré que les étudiants du cégep anglais consommaient très peu de biens culturels de langue française. Ensuite, cantonner la promotion de la langue française dans la sphère culturelle reviendrait en
quelque sorte à la folkloriser.» «Plusieurs investissements du gouvernement ont tendance à survaloriser l’anglais. Prenons l’exemple du réseau universitaire (on pourrait également mentionner les investissements en santé, en recherche, ou les emplois dans la fonction publique fédérale): au Québec, les universités de langue anglaise récoltent plus de 25% des fonds et des places d’études alors que les anglophones ne constituent que 8,5% de la population», évoque-t-il. «Au Québec, plus on monte dans le système d’éducation, plus le pourcentage des places dans le réseau anglais est important.» Enfin, «pour assurer efficacement la protection du français, il faut d’abord en faire une langue utile et nécessaire dans tous les aspects de la vie quotidienne. Or, il est très facile de vivre sa vie complètement en anglais à Montréal», soutient Monsieur Sabourin. Continuez votre lecture: www.csq.qc.net/sites/1676/documents/publications/rapport_ IRFA_jan2011.pdf
«Il revient donc au
politique, et donc finalement aux citoyens, de trancher entre ces deux “valeurs”: le développement du français ou la liberté de choix.» Aux étudiants de choisir Les cégeps privés Marianopolis et Jean-de-Brébeuf, ainsi que les cégeps publics Vanier et Saint-Laurent, proposeront des programmes bilingues avec une immersion d’un semestre dans l’autre langue à partir de septembre prochain. Initiative intéressante, mais Patrick Sabourin demeure «un peu sceptique». L’ECLEC «a montré que les étudiants du cégep anglais étaient moins intéressés à suivre des cours en français que
Actualités
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CHRONIQUE
CAMPUS, ENTREVUE
Francis L. Racine | Le Franc-parleur
«The Library - by Rupert Common» fait le portrait réaliste et divertissant de la vie étudiante à McGill. Entrevue avec le monteur, Jonathan Glancy.
The library sucks
Réforme exigée
Le président démissionne, vive le président. Surprise, certes. Cependant, cette démission doit être un message clair pour une réforme des comportements. En effet, la démission vendredi du président de l’Assemblée nationale, Yvon Vallières, a répandu la consternation. Ce parlementaire d’expérience a caractérisé la période actuelle comme étant la pire qu’il ait vu en trente-trois ans de vie politique active. De plus, l’ex-président a pointé du doigt le leader parlementaire du Parti Québécois, Stéphane
Bédard, dans sa lettre de démission: «Je peux comprendre qu’on ne soit pas d’accord avec une décision de la présidence et que l’on veuille argumenter. Cependant, ce que je ne peux accepter, c’est que l’on remette en cause mon impartialité, ma neutralité et que je fasse constamment l’objet d’interpellations et de remarques inappropriées de la part du leader parlementaire de l’opposition officielle». Il est impératif, en tant que citoyen, de s’en saisir et de demander une réforme de la période de questions et de réponses orales. De plus, Monsieur Vallières mentionnait que la période de questions était devenue insoutenable. Les citoyens que nous sommes ne s’y retrouvent plus entre les questions portant sur des allégations infondées de l’opposition et nécessairement le peu de réponses du gouvernement. Prenant en considération le fait que notre système parlementaire s’inscrit dans la tradition de Westminster, il serait temps de revoir notre procédure afin de l’actualiser en prenant exemple sur les autres parlements d’inspiration britannique.
Celui du Royaume-Uni peut sembler bon, cependant, seul le Premier ministre répond à toutes les questions durant la Prime Minister Question Time. Au lieu de réformer de tous bords ou de complètement détruire la période de questions, il serait opportun de la rendre meilleure, pour que les citoyens puissent se l’approprier. Comment? S’assurer que les questions soient factuelles et que les réponses soient justes. Une proposition simple pour en finir avec les allégations et les ouï-dire. Que les oppositions fournissent leurs questions au moins 24 heures à l’avance aux ministres concernés afin que ceux-ci puissent fournir à l’Assemblée une réponse satisfaisante; les questions complémentaires dépendraient de la réponse du ministre et seraient donc improvisées sur le moment. De cette manière, l’opposition déposera des questions factuelles et ainsi le gouvernement pourra donner les réponses tant espérées par les oppositions. Bref, la population mérite une réforme pour s’y retrouver dans cet ensemble de procédures. x
CHRONIQUE
Climat d’élections
Audrey Yank | Bulle climatique
Pancartes, discours, débats, publicité. La campagne électorale bat son plein et plus on approche de la date fatidique, plus le climat se tend, et plus les médias ont de quoi se délecter. Dans moins d’un mois, nous serons tous appelés aux urnes. Et je dis bien tous parce que n’oublions pas que l’âge requis pour voter est bel et bien dix-huit ans et non trente. Le taux de participation aux élections chez les 18-24 ans n’est seulement que 37%. La jeunesse est souvent connue pour faire progresser les débats d’idées. On est plus ouvert, on est curieux, on veut faire bouger les choses. Par contre, ce n’est pas en laissant tout le reste des citoyens s’emparer de notre démocratie qu’on va réussir à faire une différence. On est quand même plus de trois millions entre dix-huit et vingt-qautre ans, on a du poids dans la balance… si on veut bien exercer notre droit de vote.
6 Actualités
On se sent insignifiant. Un vote de plus ou de moins; quelle différence? C’est un manque de respect envers notre démocratie! Si tout le monde se disait ça, il n’y aurait pas de démocratie. Et dire que certains meurent dans d’autres pays pour gagner leur propre démocratie. C’est le temps de se réapproprier la nôtre au lieu de se faire mener par le bout du nez. On a notre mot à dire. L’environnement, les changements climatiques font malheureusement très peu partie des sujets chauds dans les discours électoraux. Ce sont pourtant des enjeux majeurs et il est inquiétant qu’on n’en parle pas plus. On a besoin plus que jamais d’un gouvernement visionnaire, qui voit plus loin que ses quatre ans au pouvoir, pour adresser les problèmes environnementaux. Au bout du compte si on décide de ne pas voter pour un gouvernement qui remet l’argent de nos taxes à desvindustries de sables bitumineux, qui élimine le seul projet de loi au Canada sur les changements climatiques, etc., et qu’on vote le 2 mai, on a plus de chances que ça change. Si on baisse les bras à l’avance et qu’on garde le discours défaitiste du «ça ne changera rien», là on peut être certain que rien ne changera. Si au lieu d’attendre de se faire dire par les partis pour qui voter on leur disait plutôt ce sur quoi on aimerait voter. Je vous invite à aller remplir le sondage sur Leadnow.ca,
une organisation qui veut identifier les enjeux que les Canadiens ont à cœur et faire pression sur les différents partis. On sous-estime trop souvent le pouvoir qu’on a d’influencer les discours politiques ; voici une belle occasion de se réengager dans notre démocratie. Finalement, je me demande aussi comment une telle campagne électorale pourrait être déployée autrement pour en diminuer son empreinte écologique. Un vol pour Terre-Neuve, un autre pour Toronto en passant par Victoria. Du CO2 en veux-tu, en voilà. Pas surprenant qu’on entende très peu parler des changements climatiques dans la campagne. Pourtant, avec les technologies de l’information, je suis certaine qu’il y aurait une façon de réduire de beaucoup les émissions au cours d’une campagne. Une compagnie de voiture a dernièrement réduit de 97% ses émissions habituelles lors d’un tournage de publicité. Bouffe locale, transport en commun, matériel local sur le plateau, etc. Une comparaison qui démontre que tout est possible quand la volonté est de la partie. Pour faire ma part, le 2 mai je me rendrai au bureau de vote en vélo pour réduire à ma façon l’empreinte de cette campagne. Puis je vous souhaite finalement bonnes élections! Car ce n’est pas seulement celle des candidats, c’est la nôtre aussi! x
Le Délit: Comment avezvous participé à ce projet, la vidéo ayant été filmée il y a deux ans par Alec Griffen? Jonathan Glancy: Rupert et moi jouions au rugby pour les Redmen quand nous étions au bac. Tandis que nous nous entraînions au gym, il répétait sa routine de stand-up pour moi, ou bien il essayait de nouvelles rimes, ce qui rendait l’expérience très drôle à chaque fois. Puis, passent deux ans: j’habite en Floride, je gagne ma vie en tant que monteur, et Rupert est un vagabond professionnel en Nouvelle-Zélande et m’envoie toujours des courriels. Il me parle d’un clip qu’il essayait de faire au moment où il était à McGill et qu’il n’avait jamais fini. Je me souvenais de la chanson, alors je lui ai demandé de m’envoyer la vidéo brute et lui ai dit que je finirai avec plaisir la vidéo. Voilà! LD: Pouvez-vous en dire plus sur la conception de la vidéo originale? JG: À mon insu, Alec et Rupe avaient filmé une vidéo à un moment donné lors de notre troisième année. Même si je n’en faisais pas partie, je me souviens d’avoir écouté sa chanson pendant les examens de mi-session et de fin de session, puis d’avoir pensé «Oui, ils ont tapé dans le mille!» Quand on regarde autour de soi dans McLennan et que l’on voit tout le monde super concentré sur ses études jusqu’à l’obsession, on ne peut que rire de l’intensité.
LD: Comment décririezvous la vie étudiante à McGill? JG: Je décrirai la vie du campus comme hétérogène dans tous les sens. On a des gens de partout dans le monde qui parlent des langues différentes et qui étudient des sujets où l’on apprend comment gagner beaucoup d’argent puis sauver le monde, et ce, dans une seule matinée! Moi, je complétais une majeure en finances et Rupe étudiait la littérature de langue anglaise, alors on s’est amusé à se moquer un peu des différences entre les facultés. LD : Comment YouTube, Facebook, Like A Little peuvent-ils contribuer à bâtir une communauté sur et autour du campus? Comme tout le monde le reconnaît, Facebook était censé à l’origine bâtir des relations et –on l’espère– aider des gens à baiser. Très tôt, je pense qu’on s’est tous rendu compte de la nature addictive de la chose: parcourir les pages de profil des gens, écouter des vidéos avec nos amis et même avec des étrangers (creepy!). Ça découle de notre désir de faire partie d’une communauté des gens qui pensent comme nous. On espère que ces gens-là fermeront leurs ordinateurs et iront rencontrer ces communautés en personne, mais ceci n’est pas toujours le cas. Sur un campus, comme celui de McGill, qui est relativement petit, on ne peut demander une meilleure façon de rapidement et facilement faire la connaissance des personnes, surtout avec Facebook et YouTube.
LD: Est-ce que cette vidéo se voulait seulement divertissante, ou se dotait-elle d’une autre portée sur le campus? JG: C’était juste pour s’amuser à l’époque. Et puis on commençait à me donner beaucoup de feedback positif de la part d’étudiants et d’anciens. Je pense que les mcgillois partagent cette lutte quand ils entrent dans la période d’examens et Rupe a réussi à capter ce sentiment. En ce qui concerne son impact, j’espère que les gens vont pouvoir rire et se sentir moins stressés!
Jonathan Glancy, né à Seattle, dans l’État de Washington, s’est aventuré à l’aveuglette à McGill et a fini par l’aimer. Sa passion pour la réalisation de courts métrages et de vidéos s’est finalement concrétisée lors de sa quatrième année, lorsqu’il fait un stage à l’ONF. Il travaille maintenant pour IMG Academies en Floride. Vous pouvez regarder ses autres vidéos sur http://vimeo. com/21639905. x
Propos recueillis par Mai Anh Tran-Ho.
Propos traduits par William M. Burton.
Faites manchette dès septembre
actualites@delitfrancais.com
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
ÉDUCATION, INTERNET
L’autre visage de la manif Aujourd’hui, le mécontentement et les revendications s’expriment sur la toile. Le refus de la hausse des frais de scolarité, version 2.0.
Pascale Nycz
Mai Anh Tran-Ho Le Délit
«I
nternet est de plus en plus un média incontournable pour rejoindre les gens», affirme Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de l’ASSÉ (Association pour une solidarité syndicale étudiante). Le groupe, qui a récemment produit les vidéos «Mathieu contre la hausse des frais» et «Lauriane contre la hausse des frais» partagées sur YouTube, a su rejoindre et susciter les étudiants à participer au débat. Jeudi dernier, 60 000 étudiants étaient en grève, rappelant ainsi au gouvernement que leur mécontentement ne s’apaiserait pas. Le 17 mars, le ministre des Finances, Raymond Bachand, a
annoncé que les frais de scolarité des étudiants québécois augmenteront de 325 dollars par année sur cinq ans; une hausse totale de 1625 dollars qui maintiendrait néanmoins le Québec en deça de la moyenne canadienne, entendon marteler. Depuis cette annonce, les militants étudiants occupent les bureaux du gouvernement, se présentent aux réunions et au congrès du Parti Libéral du Québec, manifestent dans les rues. On ne retient souvent que le côté perturbateur et violent de ces actions, et on néglige parfois de rappeler l’enjeu. Une vidéo cependant remet le «jeu» dans la formule: «L’envol – Démonstration publique». Le 30 mars, de nombreux étudiants ont rempli l’agora de
Thomas Szacka-Marier
l’UQAM et ont lancé des avions de papier, pliés à partir de factures des droits de scolarité, pour symboliser leur opposition à la hausse des frais. Un geste collectif filmé, édité et largement partagé sur Facebook et YouTube. «C’est un bon moyen de porter le message du refus hors des murs de notre université», témoigne Simon Grégoire, qui a eu l’idée originale pour la vidéo. Ce nuage d’avions, loin d’être une «action typée» tel que pourrait l’être la manifestation rappelle-t-il, semble être mieux reçu que d’autres vidéos militantes, si on se fie au nombre de likes et dislikes par rapport au nombre de vues. Même s’il peut effacer des commentaires désobligeants, Simon Grégoire assure que ce n’est pas à lui de contrôler la
discussion. Il soutient que «c’est une action portée par une coalition d’acteurs, [que] c’est le fruit d’un mouvement social, [que] la communauté étudiante s’était mobilisée et [qu’elle] s’est chargée de répondre». Étudiant en sciences politiques à l’UQAM, Simon Grégoire sait lui aussi très bien qu’il existe «mille moyens de manifester» et de sensibiliser les gens, et que l’Internet est une des clés. «Ce n’est plus un secret pour personne, les réseaux sociaux, c’est magique; ils l’ont tous compris en l’Afrique du Nord et au Maghreb. Ici, je pense qu’on en est au balbutiements du potentiel de ces réseaux» dit-il. Un sacré «pari» que Simon Grégoire a pris avec ses amis (Fred Fortier, Félix Lamoureux,
Nicolas Moreau, Pascale Nycz, Thomas Szacka-Marier), car même s’ils étaient nombreux à dire qu’ils seraient présents sur Facebook, rien ne garantissait que ces étudiants seraient au rendez-vous mercredi dernier. Pourtant, ils étaient «suffisamment là pour remplir l’agora» confirme l’étudiant avec sourire. «On voulait faire lumière sur le mouvement, que ça aille au-delà des universités.» Simon ajoute que «c’est de l’art engagé, utile, citoyen». «L’art est absolument rassembleur», conclut-il. Cette manière différente de s’affirmer au sein de l’espace public, qui perturbe peut-être moins le quotidien des gens mais poursuit le débat, est sans aucun doute à suivre au cours de la prochaine année. x
BRÈVE: ÉDUCATION
À nouveau dans la rue
Victor Tangermann
Hélicoptères, police montée –à cheval ou en vélo–, fourgons, ambulances et policiers à pied côtoyaient les centaines d’étudiants venus manifester contre la hausse des frais de scolarité jeudi dernier. La rue Sainte-Catherine a encore une fois été prise d’assaut par la population étudiante en colère.
Surprenant, mais vrai: «même Grasset est contre la hausse des frais!» clamait une bannière d’un rouge vif. En effet, du public ou du privé, du cégep ou de l’université, venus du domaines des arts ou des sciences, ils étaient nombreux à exhiber leur refus de la hausse des frais de scolarité. La manifestation
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
a malheureusement tourné au vinaigre arrivée au coin des rues McGill College et Sherbrooke où il y a eu des arrestations. Ces revendications n’iront pas en diminuant. La population, elle, perdra-t-elle intérêt? Anabel Cossette Civitella
Victor Tangermann
Actualités
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Société societe@delitfrancais.com
Une vie à
La traversée du Canada de Van
Florent Conti Le Délit
L’
idée m’est venue un soir enneigé de décembre. Il était 23h et j’ai lancé à mes amis: «Je sais, c’est complètement fou et irréalisable mais… j’ai le goût de traverser le Canada en vélo». Me sauvant du silence de la solitude, Maurice s’est écrié: «Vraiment? Bah, tiens-moi au courant parce que, moi, ça me tente!» Et c’est ainsi que nous nous trouvons au mois de juin à l’aéroport Trudeau, chargés d’une vingtaine de kilos chacun et de nos vélos achetés peu de temps avant le départ. Le plus bizarre était de n’avoir qu’un seul billet d’avion, un aller sans retour. Traverser le continent en six heures, puis le retraverser en une quarantaine de jours.
s’intègre au voyageur. Pédaler toute la journée devient normal, dormir sur un matelas aussi confortable qu’une planche de bois aussi. Ce voyage se résume peut-être à trois choses. Toute personne rencontrée devient très vite votre ami. Nous avons croisé un nombre incalculable de cyclistes comme nous, dans notre direction ou non, à notre rythme ou au leur, faisant le même voyage, mais à la fois complètement différemment, et c’est cela qui passionne le voyageur dans
«Voyager, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues.»
ses pérégrinations. Au moment où il débute son périple, il est empreint d’une sorte de pureté face au monde devant lui. Tout tourne autour de cette obsession qu’est la prochaine destination. Finis les petits tracas de notre société de consommation, le voyage permet de mieux se connaître et de mieux connaître les autres. Comme dit Céline, «voyager, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues».
Colombie-Britannique: born to be wild L’entrée dans le voyage Il fallait avant tout se préparer à cette aventure; apprendre à bien répartir le poids entre les sacoches, savoir anticiper le passage des gros semi-remorques, planter la tente, s’habituer à la nourriture de camping, etc. Puis, le rythme
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Première semaine du voyage, nous nous trouvions dans la Vallée du Fraser, partie sauvage et encore indomptée de la Colombie-Britannique malgré les innombrables chercheurs d’or qui se sont perdus dans les canyons escarpés et rocheux. Nous nous installions comme d’habitude jusqu’à ce qu’un bruit se fît entendre. «Check!», me lance Maurice, qui a les yeux fixés sur quelque chose dans la forêt. Et je
vois, là, à vingt pieds de nous, une masse noire imposante. Une ourse noire et ses trois oursons qu’elle surveille en nous fixant. Évidemment, j’ai d’abord eu peur de ce gros mammifère imprévisible, incontrôlable et puissant. Mais la peur s’est effacée. Très vite, son regard qui semblait menaçant, devient contemplatif, et puis, d’une démarche paisible et lourde, l’ourse s’est éloignée avec ses petits. Une seconde chose qui rythme la traversée du Canada à vélo, c’est la nature. Rien n’est apprivoisé, tout reste sauvage dans cette étendue où la Transcanadienne reste le seul sentier battu. Ici, ce n’est pas un zoo, ni un parc forestier, il n’y a pas de grille protectrice qui voudrait hypocritement «protéger la nature». C’est ce genre de rencontres imprévisibles qui permettraient à toute une société de vraiment prendre conscience de l’état de la nature; car il est bien facile de parler d’écologie depuis nos belles métropoles isolées de la réalité sauvage menacée. Quitter la Colombie-Britannique fut un déchirement. Plus que jamais, nous saisissons pourquoi on l’appelait «Beautiful British Columbia»: une province aux mille reliefs, aux climats si changeants et aux esprits si apaisés. Les Rocheuses réservaient néanmoins elles aussi une expérience extraordinaire.
Chapeaux de cow-boys, vaches et pétrole Nous sommes passés par le Lac Louise pour aller vers l’Alberta. Je pensais faire mes adieux à ces places pleines de beauté et de tranquillité, mais j’avais tort. Je m’attendais à une étendue d’eau préservée, vide de toute population et avais oublié la présence de l’hôtel Fairmont Lake Louise sur les rivages de l’eau turquoise des glaciers. Quoiqu’il arrive, les lieux touristiques malgré leurs noms prestigieux et les images qu’ils suscitent dans notre imaginaire ne
à voyager
ncouver à Montréal en vélo
b Laurent Conti | Le Délit
comblent pas les attentes du voyageur en quête d’authenticité et d’évasion. Le choc fut rapide. Les Albertains le savent, les touristes aussi, ils ont tous le même mot à la bouche, qui se répand même au-delà des frontières de l’Alberta: Stampede. L’incarnation de l’Alberta dans tous ses clichés de cow-boy. Chapeau, «pitounes» et gros truck sont au rendez-vous. Personnellement, je n’éprouve pas le même attachement que les Albertains aux cornes et aux sabots, mais rétrospectivement, je trouve cet événement incroyable. Un petit bout d’identité de l’Ouest du Canada qui sent le bovin et l’essence. Ce sont à présent les longues et venteuses routes des Prairies qui s’ouvrent devant nous. Le vent. Indomptable. Ennemi du cycliste. Nous étions accueillis comme une foire en ville: nous suscitions de l’intérêt et les gens voulaient nous aider. Une dame nous apporta un petit déjeuner, on nous a offert des pizzas un midi, un autre nous a invité chez lui pour des fish&chips. Nous représentions peut-être pour ces gens une fenêtre vers l’extérieur, l’ailleurs, mais ils savaient surtout que les conditions de notre voyage n’étaient pas faciles.
Encore du chemin Arrivés au Manitoba, nous commencions à nous ennuyer. Nous étions passés par des villes et avions vu du monde! Nous avons constaté que nous aimions peu les villes, excepté la nôtre, et que Montréal nous manquait un peu. La Saskatchewan fut une réelle surprise. Une province verte et vallonnée, les «cieux vivants». Puis, on nous avait averti: «Le Manitoba c’est dangereux, les camions sont peu soucieux des cyclistes, les routes rétrécissent et l’entrée de l’Ontario, c’est pire». L’Ontario signifiait la fin du voyage. Enfin je le croyais. De beaux paysages, mais très semblables, et des routes sacrément rudes pour les cyclistes. C’est aussi
là où les mêmes cyclistes affluent. Chacun avec son propre voyage et sa propre expérience. Nous partagions tous cette liberté qui nous habite. Quand nous avons vu les frontières du Québec pour la première fois, nous savions que la fin du voyage était à quelques coups de pédale. Le climat de début juillet, plus humide, était familier. Après un petit déjeuner volé par un raton laveur obèse, selon moi, ou une cohorte d’écureuils affamés, selon Maurice, nous continuions notre route. Tout le long de la rivière des Outaouais, nous apercevions ces forêts denses de l’Abitibi-Témiscamingue, et Ottawa se rapprochait. Finalement, à quelques kilomètres de Montréal, les gens que nous croisions ne savaient pas ce que nous avions parcouru, ignoraient ce que nous avions vu.
et anglaise, qui leur incombe. Pourtant «sur le terrain», «en région» –expressions issues de la métropole que j’apprécie peu– le reste du Canada n’a pas le même discours. Comme si à McGill, une sélection naturelle s’effectuait. Une sélection d’étudiants venant à Montréal, y restant quatre ans et ne comprenant toujours pas pourquoi nous y parlons fran-
Dans une contrée lointaine, près de chez vous Cette traversée à vélo est une parfaite façon de voir la cohésion d’un pays et ses particularités territoriales. Nous avons aussi tous les mêmes préoccupations. Jamais je n’ai été aussi près de ces autres francophones du Canada dont nous parlons beaucoup mais que nous ignorons tant. De Gravelbourg en Saskatchewan à Saint-Boniface plus à l’Est, ils sont pourtant bien là.
«Chacun avec son propre voyage et son expérience, nous partageons tous cette même liberté qui nous habite.»
Souvent, en tant que francophones à McGill nous avons cette impression que certains anglophones ont des difficultés à accepter l’identité canadienne double, française
çais. Au beau milieu des Prairies ou même dans les parties plus reculées de l’Ontario, être francophone n’est pas un gros mot ni une barrière. Partout dans ce Rest of Canada demeure une tolérance et une ouverture d’esprit parfois absente du campus de l’Université McGill de Montréal, Québec. Je retiens de ce périple que tout devient possible, rien ne demeure infaisable une fois que l’idée se matérialise. Chacun, à son rythme, chacun avec son itinéraire qu’il soit long ou non, aventureux ou pas. Le voyage est accessible à tous. Et peu importe le voyage. Qu’il soit en terre inconnue ou chez nous, au Québec. Avant ce voyage, j’avais l’impression que nous connaissions tous une personne qui avait traversé le Canada en bicyclette. Si ce n’est pas votre cas, je veux bien être cette personne. x
Raphaël Thézé | Le Délit
Société
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CHRONIQUE
I have a dream
Raphaël Thézé | Étonnante science
La nature de la conscience humaine a toujours été une question d’intérêt pour les philosophes et autres chercheurs de l’esprit. Depuis peu, les neurobiologistes spécialistes des sciences cognitives tentent eux aussi d’y répondre en réalisant des études scientifiques aussi rigoureuses que possible. Une méthode parmi d’autres consiste à utiliser ce que l’on nomme les «rêves lucides», c’est-à-dire un état de conscience tel qu’un individu endormi sait qu’il est en train de rêver. Le phénomène, nommé ainsi par le psychiatre néerlandais
Frederik van Eeden en 1913, est documenté et étudié depuis le milieu du XIXe siècle. C’est l’aristocrate Hervey de Saint-Denys qui fut le premier à publier un livre sur le sujet en 1867. Son intérêt était d’explorer les implications morales des différents états de conscience, à savoir si l’on pouvait être tenu responsable du contenu de ses rêves. D’autres personnes eurent toutefois recours à ce procédé pour répondre à différentes questions, comme Mary ArnoldForster qui écrivit tout un livre sur l’exploration des limites d’un rêve lucide. Les premières études objectives et scientifiques sur le sujet sont attribuées à K. M. Hearne (1978), suivant la découverte du sommeil paradoxal par Aserinsky et Kleitman (1953), et précédant le travail de Steven LaBerge (1980) qui fut certainement celui qui approfondit le plus la recherche dans ce domaine. LaBerge a surtout exploré les possibilités d’informer un dormeur qu’il est en état de sommeil, sans pour autant le réveiller, pour ensuite communiquer avec lui dans son rêve. Lors du som-
meil, tous les muscles du corps sont paralysés, excepté ceux des oreilles, de la langue et des yeux. Il devient ainsi possible de signaler au sujet qu’il se trouve en état de sommeil paradoxal par une série de pulsions lumineuses codées selon une certaine séquence prédéterminée. Le sujet peut ensuite répondre par une séquence de mouvement des yeux prédéterminée elle aussi, et le contact est établi. Les problèmes que soulève ce genre d’étude est d’une part, la difficulté pour les sujets de devenir lucides lors d’un rêve, et, d’autre part, la rigueur objective des mesures effectuées. Naturellement, des détracteurs suspicieux ont protesté qu’il était impossible d’être conscient lors du sommeil paradoxal, et que les sujets devaient forcément être éveillés. Certaines études semblent situer l’occurrence des rêves lors du sommeil paradoxal, tout en mesurant un état éveillé du cerveau sur un électro-encéphalogramme (EEG), suggérant une dissociation de l’esprit entre deux états: éveillé et endormi au même moment.
Ce concept, troublant au premier abord, n’est pas aussi surprenant qu’il le paraît. Schenck et Mahowald (1996) soulignent le cas du somnambulisme, où la zone génératrice des mouvements de pas et le système de navigation du cerveau sont complètement fonctionnels, alors que le reste du cortex cérébral est encore au stade IV du sommeil. D’une certaine manière, les perceptions vivides d’un rêve peuvent être considérées littéralement comme une expérience hallucinatoire. En quelque sorte, lors d’une hallucination à œil ouvert, le système de génération d’image du sommeil paradoxal est enclenché en plein état de conscience. Le cerveau se trouve dans deux états simultanément. Allan Hobson semble en conclure que l’état de rêve lucide constituerait un troisième état de conscience, étudié empiriquement sans encore avoir été théorisé (2009). Deux études supporteraient cette idée. La première, dirigée par Voss et ses collègues (2009), étudie la corrélation des profils de cohérence des ondes cérébrales
entre l’état éveillé et endormi. Le rêve lucide est caractérisé par un état transitoire entre les deux, particulièrement dans la région frontale. La deuxième, une étude allemande menée par Michael Czisch (2005, 2007), fait appel aux techniques d’imagerie par résonnement magnétique (IRM) pour détecter les différentes régions cérébrales activées. En plus des régions frontales, certaines structures du cortex pariétal et temporal étaient actives, les mêmes qui furent proposées par Vincent et ses collègues (2007) comme étant le siège de la conscience. Qu’en est-il alors de la conscience de l’esprit par rapport au cerveau? Peut-on parler de deux entités distinctes? Une question particulièrement pertinente à l’hypothèse de la virtualité du réel est de savoir si les actes de nos rêves font appel aux mêmes circuits neuronaux que lors de l’éveil. La réponse, il semblerait, se trouve à michemin entre la philosophie, la parapsychologie et la neurologie... ou dans une bonne nuit de sommeil! x
moire que l’on distingue plus facilement nos rêves de la réalité. Il est donc fortement recommandé de noter tous ses rêves dans un journal. Cela permet d’identifier des motifs récurrents. Essayez de rester allongé quelques secondes au réveil, les yeux fermés; cela permet de se concentrer sur les dernières images du rêve et de s’en souvenir plus facilement. Pendant la journée, on recommande de se demander plusieurs fois: «Est ce que je rêve?» et de s’assurer que ce n’est pas le cas. On peut se regarder dans un miroir, par exemple; lors d’un rêve, notre propre image est parfois trouble, bizarre, différente. Lire permet aussi de distinguer le rêve de la réalité; concentrezvous donc sur un texte ou sur une montre, levez les yeux, puis regardez à nouveau. Le texte (ou l’heure) aura sûrement changé si vous rêvez. Lorsque la pratique
de tels tests sera devenue une habitude, vous commencerez à les effectuer en rêvant, et vous pourrez alors être conscient que vous rêvez. Par ailleurs, pour pouvoir passer directement de l’éveil au rêve lucide, il faut rester conscient pendant l’état intermédiaire. En vous endormant, visualisez la transition au monde du rêve; essayez de vous imaginer dans des escaliers ou de tourner sur vous-même. Ne vous laissez surtout pas distraire. Lorsque les images deviennent plus vives, c’est que vous entrez dans le rêve. Pour s’entraîner, le chercheur Stephen LaBerge recommande de faire sonner un réveil au bout de quatre heure et demie, six ou sept heures de sommeil; le but est de se réveiller, de se concentrer sur le rêve que l’on vient de faire et d’essayer d’en reprendre le cours tout en sachant qu’on
est en train de rêver. Mieux vaut tenter un rêve lucide lorsqu’on a mal dormi la nuit d’avant, ou lors d’une sieste; certaines études prouvent que les rêves lucides sont plus rares lors d’une nuit normale. Ce processus d’entraînement requiert beaucoup d’effort. Impossible de prédire combien de temps cela prendra. Pourtant, le résultat ne peut être que gratifiant. Faire un rêve lucide revient tout d’abord à dominer son propre esprit; il devient donc possible d’éviter les cauchemars. Cela permet aussi de se réconcilier avec son inconscient. Pour ceux qui aiment tout contrôler, on peut vivre des choses qui nous sont hors de portée au quotidien: voler, se téléporter, voyager, changer d’apparence, respirer sous l’eau. Un monde où tout est possible s’ouvre à nous. x
BILLET
Rêver éveillé Ines De La Cuetera Je me revois clairement marcher, tomber. J’essaie de me relever, mais cela m’est impossible. Je suis accrochée à une falaise, incapable de remonter. Impossible aussi de voir le fond –l’abîme est trop profond. «Et si je rêvais?», je me demande. «Si je rêvais, je pourrais me lâcher… juste pour voir. Ce serait plutôt drôle.» Sans vraiment m’en rendre compte, c’est ce que je décide de faire. Je lâche prise et tombe. J’atterris au milieu d’un lac paisible. Je décide de m’aventurer à la découverte de ces nouveaux parages… et mon rêve s’achève. A mon réveil, je saisis mon Mac et fais quelques recherches à propos de ce rêve conscient. J’apprends que je viens de faire un rêve dit «lucide» –il existe des centaines de sites web consacrés à ce phénomène. Un petit faible
Vivez
pour DiCaprio dans Inception m’a peut-être influencée, me voilà fascinée. Alors, qu’est-ce qu’un rêve lucide? Selon la définition qu’en donne Wikipédia, il s’agit d’un «rêve dans lequel le sujet est conscient de rêver». Il en existe deux sortes: d’une part, les rêves lucides initiés pendant le sommeil (ceux qui se produisent un peu «par accident»), d’autre part, les rêves lucides initiés au moment ou le rêveur s’endort. Dans ce cas, le rêveur passe directement de l’éveil au rêve. Il contrôle donc ce qu’il voit et ce qu’il fait. Il est possible de s’entraîner à faire des rêves lucides. Le plus important est d’être capable de se souvenir de ses rêves. Inutile de s’entraîner à faire des rêves lucides si l’on est incapable de s’en souvenir au réveil. De plus, c’est en développant cette mé-
Being Francophone
sur la page facebook!
Un documentaire en co-production avec TVMcGill sur la vie et l’expérience francophone sur le campus. x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
Société
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OPINION
Stéréotypes gais
LGBT: communauté très diversifiée!
S
i le récent article «Le Campus, ce grand village» (29 mars 2011), au sujet de la vie des étudiants LGBT, soulève certaines questions intéressantes, sa portée restreinte véhicule une perception bornée et peu inclusive de cette communauté. En effet, les huit étudiants interviewés sont tous des hommes. Il aurait été plus approprié d’inclure des lesbiennes et des personnes transgenres. Cela aurait eu le
mérite de refléter davantage la diversité au sein même des étudiants LGBT. De plus, les photos de cinq hommes blancs à demi déshabillés risquent de renforcer non seulement une image peu inclusive de la communauté queer (malheureusement déjà trop scindée sur les plans de sexe et d’ethnie), mais aussi le stéréotype lascif des hommes gays. Auriez-vous publié des photos aussi suggestives dans un article sur
les hommes ou les femmes hétéro? Je remets également en question la phrase «Not gay as in happy, but queer as in fuck you depuis 1977» sur la première page. Ce «fuck you» attribue aux personnes queer une arrogance et une suffisance dont peu d’entre elles font preuve. Étudiant à la Faculté de droit, je peux corroborer l’affirmation de mon collègue Étienne quant à la présence importante
d’étudiants queer dans la faculté; rien que dans notre cohorte, presque le quart des hommes s’avouent gays, et un certain nombre de femmes se disent lesbiennes ou bisexuelles. Par contre, les professeurs LGBT s’avèrent beaucoup plus rares: que je sache, il n’y en a que deux, dont Robert Leckey. x Scott Horne U1, Étudiant en droit
OPINION
Assurer un foyer sécuritaire pour les enfants est la responsabilité de tous
J
’écris en réponse à la lettre d’opinion publiée le 29 mars 2011, intitulée de façon créative «L’“homosexualisme”, nouvelle tyrannie du XXIe siècle» par Guillaume Dumas. L’auteur semble comparer le refus de renouveler un agrément de famille d’accueil par une agence britannique à un couple anti-homosexuel à la Terreur de la Révolution française et au mouvement de dérussification en Estonie. Je ne sais même pas par où commencer. L’auteur semble mal saisir les questions de fond soulevées par les enjeux de ce litige britannique. Il y a une distinction manifeste à tracer entre le droit à la vie et le droit d’agir comme famille
d’accueil. Il y a également une différence entre le droit à la citoyenneté nationale et, encore, le droit d’agir comme famille d’accueil. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’aucune personne ne devrait être privée de sa vie ou de sa citoyenneté acquise à la naissance. Je suis certain que de nombreuses conventions internationales et chartes de droits protègent ces intérêts primordiaux. Le prétendu droit d’agir comme famille d’accueil, cependant, est une toute autre chose. Un foyer d’accueil est un service public, organisé et encadré par l’État. Quand on devient une famille d’accueil, on devient fournisseur d’un service public. Il n’y a
pas de droit illimité à devenir une famille d’accueil. Et, plus important encore, l’État a la responsabilité d’assurer un environnement sécuritaire pour tout enfant en foyer d’accueil, qu’il soit gay ou hétéro. Si la question contestée était «vous sentez-vous à l’aise de dire à un enfant que les filles méritent autant de respect que les garçons?», au lieu de «vous sentez-vous à l’aise de dire à un enfant que l’homosexualité est acceptable?», je présume que l’affaire n’aurait pas suscité une telle polémique. Une agence gouvernementale chargée de services sociaux a la responsabilité de fournir un foyer aussi sécuritaire pour les filles qui font face à des préjugés sexistes que pour
les enfants qui, en explorant leur sexualité, affrontent des préjugés homophobes. Ce cas ne constitue par une affaire de liberté d’expression ou bien de liberté religieuse. Owen et Eunice Johns continuent de jouir du plein droit d’exprimer leur opinion et de pratiquer leur religion. La Haute Cour de Nottingham, par contre, a statué qu’ils ne peuvent pas assurer une mission de service public dans laquelle la préoccupation première est la sécurité de l’enfant, sans vouloir garantir un foyer propice au bon développement de tout enfant. x Gregory Ko U4, Étudiant en droit
EN COLLABORATION AVEC :
CHANGEMENTS LOCAUX, RÉSULTATS MONDIAUX PRÉSENTE
UN SOMMET SUR L’ENGAGEMENT COMMUNAUTAIRE
Conférenciers invités
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Arts & Culture
Directeur / fondateur de « Youth Fusion » ENVIRONMENTALISTE CANADIEN DE RENOMMÉE INTERNATIONALE
Journalistes pour les droits de l’homme, division de McGill ANCIEN SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL DE L’ONU ET LAURÉAT DU PRIX NOBEL DE LA PAIX
ANCIEN ENVOYÉ SPÉCIAL DE L’ONU POUR LE VIH / SIDA EN AFRIQUE
LE 28 AVRIL 2011 PALAIS DES CONGRÈS DE MONTRÉAL 20 AVENUE VIGER OUEST, MONTRÉAL, QC
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Directrice exécutive du programme de bénévolat à l’étranger de l’Université Concordia
Cinq jours pour les sans-abri CASA – JMSB
pour étudiants inscrits à l’Université McGill
Billets en vente au bureau de l’AÉUM au 3600 rue McTavish, suite 1200
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
Arts&Culture
artsculture@delitfrancais.com
CINÉMA
La connexion latine Le festival du cinéma latino-américain de Montréal, une sélection des meilleurs films d’Amérique latine au Cinéma du Parc jusqu’au 25 avril. Geneviève Mathis Le Délit
C
’est une occasion unique de découvrir les films acclamés dans le monde hispanophone et dans les plus grands festivals de cinéma autour
du monde, ainsi que dans les moins connus: certains films, à plus petit budget, ne passeront qu’une fois sur les écrans. Mise à part sa sélection officielle de films, le festival présente aussi des documentaires, courts-métrages et œuvres
de réalisateurs émergents d’Amérique latine. La collection présentée incorpore aussi des films espagnols. En hommage au réalisateur chilien Alejandro Jodorowsky, le festival s’est ouvert sur la projection de deux de ses films cultes: La montaña sagrada et Santa Sangre.
Gracieuseté du Festival du cinéma latino-américain de Montréal
Gamineries illégales Asalto al cine raconte la réalité d’une bande de quatre adolescents mexicains qui ont délaissé l’école pour côtoyer les mondes du graffiti, du rap et de la drogue. L’accent est mis sur le contexte de leurs vies individuelles et de groupe, décrit par une caméra qui sacrifie les effets esthétiques pour céder à une histoire imprégnée d’un réalisme contextuel: ils rêvent chacun d’amour, de luxe ou de notoriété, et cherchent un moyen de sortir leur famille de la pauvreté qu’engendrent chômage et dettes de loyer.
Leurs courage, confiance entre amis et solidarité de groupe sont mis à l’épreuve lorsque, motivés par des aspirations très humaines, ils décident de voler les caisses du cinéma local. Malgré un succès in-extremis, les adolescents ne parviennent pas à réaliser leurs rêves et retombent dans leur situation initiale. Tout en permettant une approche empathique au comportement des personnages, le film laisse le spectateur sur l’impression amère que leur misère et drames quotidiens ne possèdent pas de porte de sortie. x
Pour plus d’information sur le Festival du cinéma latino-américain de Montréal, consultez: www.cinemaduparc.com/prochainement.php
Gracieuseté du Festival du cinéma latino-américain de Montréal
L’amour métropolitain à 40 ans Igualita a mi est une comédie sur le thème des relations amoureuses et familiales dans la mégalopole moderne de Buenos Aires. Freddy, homme d’affaires célibataire, utilise depuis plus de vingt-cinq ans le club de danse Tequila comme terrain de drague. À quarante-et-un ans, sa vie est bouleversée lorsqu’il apprend que sa dernière recrue du club, Aylín, est en fait née d’une aventure avec une femme de ce même club, vingt-trois ans plus tôt. Il redouble de stupeur lorsque des tests médicaux annoncent qu’elle attend un enfant.
À mesure que la sensibilité de la jeune Aylín dérange le confort qu’il s’était trouvé autour de sa vie obstinément gamine, Freddy découvre les beautés de la vie de famille que lui avaient longtemps cachées ses phobies du mariage, des responsabilités parentales et du vieillissement. Malgré une intrigue et une formule cinématographique prévisibles, le film ne manque pas de divertir par ses nombreux quiproquos et réparties, pour lesquels certains, toutefois, auront à s’accrocher aux défilés de sous-titres pour capter l’humour vif des discussions. x
Dénoncer le silence Todos tus muertos utilise une approche tout en symboles pour dénoncer la cruauté et l’hypocrisie, alimentées par la corruption, qui règnent dans les municipalités provinciales de Colombie lors des campagnes électorales. On accompagne Salvador dans ses pérégrinations lorsqu’il découvre un amas de cadavres déposé au fond d’un champ où il se rend pour travailler. Affolé, il tente de placer sa famille en sécurité, puis accourt au village pour signaler le crime à la police et à la radio locale. Cela déclenche, à son insu, les mécanismes de défense des intérêts du maire et d’autres figures politiques, qui, dans une tentative de cacher le massacre, impliquent l’assassinat de
l’animateur de radio et des étrangers américains au service d’une organisation pour les droits humains. La famille de Salvador vit cette aventure avec une angoisse grandissante, à mesure qu’elle réalise l’absence de soutien de la part de leur gouvernement pour leur condition vulnérable de paysans de campagne. Du début jusqu’à la fin du film, de multiples résonances symboliques parsèment le discours cinématographique, par le moyen de paroles, d’objets ou de scènes allégoriques. Couplée au souci accordé aux prises de vue, l’esthétique apporte une texture riche au contenu du film qui sera assurément apprécié par l’observateur attentif. x
Gracieuseté du Festival du cinéma latino-américain de Montréal
Le Délit recherche des chroniqueurs culturels pour l’année 2011-2012. Inspirés? Écrivez à articlesculture@delitfrancais.com x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
Arts & Culture
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LITTÉRATURE: Comédie sentimentale pornographique
La mise en scène du désir Annick Lavogiez Le Délit
Une ogresse affamée
Dynah Psyché plonge en plein coeur de la Martinique, entre réel et surnaturel, dans L’Ogresse.
D
ans Comédie sentimentale pornographique (Delcourt), dont le titre induira en erreur plus d’un lecteur, Beaulieu parle certes de sexe, et de manière plutôt libre, mais il livre surtout les interrogations, fantasmes et émois de quelques trentenaires: Louis, un cinéaste qui, après le succès de son navet cinématographique, décide de s’exiler sur la Côte Nord pour écrire, sa copine Corrine, libre et bisexuelle, Martin Gariépy, auteur de Pink Floyd ou La Morbidité des partys du sous-sol à Beauport, un jeune homme inconditionnellement amoureux de filles inaccessibles et de diverses femmes incroyablement belles et sensuelles, Simone, la boulangère de la rue SaintStanislas, Annie et bien d’autres. À travers ces personnages, Beaulieu explore visuellement et textuellement des thèmes que l’on trouvait déjà dans À la faveur de la nuit (la nuit, le rêve, la fascination, l’amour, le désir, le corps), mais qu’il renouvelle ici avec justesse et finesse. La qualité et l’originalité au rendez-vous… Cette bande dessinée d’environ trois cents pages est un récit fragmenté dans sa structure et son histoire. Celle-ci, plutôt difficile à résumer tant elle est libre et complexe, entremêle divers personnages du quotidien dans une série d’anecdotes savoureuses. Le trait est fluide, et le dessin, loin d’être rigide, effectué grâce à divers matériaux (stylo, rotring, plomb, entre autres), est soutenu par une riche palette de couleurs (l’auteur a varié crayons de couleur et aquarelle). Le résultat est incontestablement réussi: Beaulieu offre une œuvre rythmée dans laquelle on décèle avec plaisir son «œil amoureux» –pour reprendre le titre de l’ouvrage d’entretiens avec David Turgeon à propos de Comédie sentimentale pornographique.
LITTÉRATURE
Marion Andreoli Le Délit ’est l’histoire d’un don. Un don envahissant. Un don dévastateur. Un don qui contrôle la vie de l’Ogresse, la narratrice. Et, chose certaine, «certains dons sont difficiles à porter». Descendante d’Euzèbe le Cannibale, l’Ogresse raconte son histoire, l’évolution de son don qui contrôle tous ses faits et gestes, la poussant à une boulimie extrême qui lui vaut sa réputation de mange-tout. Un drôle d’héritage dont l’Ogresse a appris à s’accomoder. Bien qu’elle le déteste, elle n’a pas le choix: quand le don veut quelque chose, il l’a. «Le don est le grand maître. C’est lui qui pense et qui décide.» Elle ne peut aller contre lui et décide donc de l’apprivoiser. Dès son plus jeune âge, Sophonie s’adonne à diverses expériences gustatives: dégustations de rognures d’ongles, de crottes de nez, d’insectes en tout genre, de casseroles, de bijoux. Oui, Sophonie, ne la regardez pas comme ça, il paraît qu’elle avale des pierres… - Pas seulement les pierres… La terre aussi. Et le sable… - Et le fer… Elle mange tout ! - La viande, le sang, la peau, les yeux, le bec, les pieds… Je me demande où ça va la mener, cette voracité… Cependant, un événement vient tout bouleverser: la découverte du doigt d’un enfant, un auriculaire qu’un coutelas abandonné blesse, au grand plaisir de Sophonie. J’en ai d’abord testé la résistance avec les lèvres, j’ai perçu la soie de sa peau de bébé, sa fermeté, et j’ai croqué, en fermant les yeux. Juteux.
Salé. Sucré. Dur. Mou. Dur encore. Élastique. Cartilagineux. Suprême. Un vrai dessert. Une nouvelle ère commençait. Le don grossit, sa dictature se faisant de plus en plus pressante. Et quand il finit par prendre totalement le dessus, l’Ogresse se transforme en animal, traquant sa proie, à l’affût de la moindre odeur alléchante. Tandis que moi, je ne suis qu’une sensation: le goût. Tout, chez moi, est basé dessus. Il domine le reste. Ma vie se définit en saveurs, dans une variété des milliers de fois plus riche que les classifications d’usage. De nombreux personnages évoluent autour de l’Ogresse: Euphémie, entre autres, celle qui pousse Sophonie à s’enfoncer dans le don, et Kongo, le passeur de don, envers qui la narratrice se sent irrésistiblement attirée bien malgré elle. Encore une fois, «c’était la volonté du don, pas la sienne». Dynah Psyché conte la vie de l’Ogresse sur un fond d’histoire familiale digne des tragédies grecques où les amours interdites –adultères et incestes– et le don tracent le destin de chacun et ne leur laissent pas le choix d’y échapper. Comme le dit la narratrice: «c’est le don qui veut ça». Un arbre généalogique sommaire, ainsi que des références à des personnages des précédents romans de l’auteure rendent toutefois le récit opaque à certains endroits. L’originalité du propos vient rehausser le niveau de l’écriture qui manque de rythme par moment. Le récit finit par s’enliser dans de nombreuses répétitions, qui, malgré une thématique appétissante, laissent le lecteur sur sa faim. x
mais oui, vous connaissez) plus tôt cette saison. Sa vision, on-ne-peutplus originale, sous-tendait d’abord ceci: que savent-ils de plus que les autres? De quel droit émettre des jugements? Suivant cette logique, il faudrait que toute intervention commence en rappelant à l’auditoire la subjectivité des locuteurs. Tant qu’à faire, moi je rajouterais les dépêches de presse, les articles de journaux, les essais, les monographies, en général tout ce qui s’imprime. Il faudrait aussi, j’aimerais beaucoup, qu’on établisse une liste des faits qui ne sont pas des opinions (l’alcoolisme de Dollard des Ormeaux, et autres faits historiques irréfutables) mais que tout le reste soit précédé de «Ce n’est que
mon humble opinion, mais…». Ou on pourrait rendre obligatoire un cours «subjectivité et objectivité» en cinquième secondaire. Ou encore cesser de prendre les gens pour des imbéciles pour ménager la sensibilité d’artistes à la carrière internationale et prospère. (Je ne vous aurais pas laissé sans un dernier coup de gueule un peu trop agressif.) Voilà donc. Qui eût cru que Roch Voisine eût été mon dernier sujet? Encore une chronique qui n’a pas tourné comme prévu. Il y aurait eu tant à dire sur les mots, le combat constant que de les utiliser à bon escient, l’espoir naïf d’y parvenir. Mais l’aurais-je pu? Ça prendrait une vie, j’imagine. x
C
Gracieuseté des éditions Delcourt
… pour décliner l’amour des corps féminins Cet œil amoureux, c’est celui qui observe et dessine les corps. Des femmes, surtout, mais des hommes aussi. Avec un talent et une aisance tels qu’il serait difficile de ne pas prendre au pied de la lettre ce que confie Louis: «Et t’sais, pour moi, dessiner une femme, c’est déguster une crème brûlée. Dessiner un homme, c’est remplir un formulaire.» La fascination du dessinateur pour ces femmes réalistes au corps généreux et d’une sensualité sans limites est présente à chaque page de cette
histoire, qui met en scène le désir de façon originale et unique. Décliné au quotidien, fantasmé, rêvé ou réel, le désir, selon Jimmy Beaulieu, est loin d’être glauque: bien au contraire, il est mis en scène dans des bulles aérées d’où ressort une sexualité douce, tendre, fantaisiste, réelle. Sorte d’ode à la volupté et à la sensualité, mélange habile et délicieux de différentes techniques de dessins, festival joyeux de couleurs chaleureuses et séduisantes, Comédie sentimentale pronographique est un chef d’œuvre, tout simplement. À savourer sans modération. x
CHRONIQUE
L’orgueil blessé Rosalie Dion-Picard | Tant qu’il y aura des livres
En commençant cette ultime chronique, je combats désespérément la tentation du bilan larmoyant, nostalgique avant la fin. Certainement, je suis fière –à tort–
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Arts & Culture
de passages illisibles, et vaguement honteuse de quelques drôleries probablement sympathiques. J’ai rabâché plus souvent qu’à mon tour le sort des incompris, et celui des poseurs qui ne sont pas toujours ceux qu’on pense, je n’ai pas pu m’empêcher de commenter la vie tumultueuse et généralement comique du bien petit monde de la jeune vingtaine universitaire. J’ai glissé en passant –souvent à la troisième personne, chacun a sa pudeur– le souci d’être compris, la crainte de n’être pas lu, le désir enfoui de n’avoir jamais à parler de ses écrits, mais sans passer inaperçu. Ai-je su dire, seulement une fois, quelque chose de vrai, ai-je pu toucher à l’essentiel? Peut-être pas, probablement
pas, mais bon, je vous jure que j’ai essayé, à tout le moins, de vous fournir une lecture avec un peu de chair autour de l’os. Quelques interprétations de style libre ont amené, j’espère, un éclairage tout personnel, à défaut d’être édifiant, sur des œuvres qui ont croisé mes préoccupations. (Après, si on n’aime pas la personnalité de l’éclairagiste, l’intérêt est limité, quoique j’adore lire Josée Legault, question de stocker des munitions.) Bref, je crois à l’importance de lire des opinions et de comprendre leur mécanique, aussi fautive qu’elle puisse paraître. Notre Roch Voisine exprimait un point de vue différent aux Enfants de la télé (le Dollaraclip radio-canadien,
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
THÉÂTRE
Complètement Lorraine Lorraine Pintal offre une performance remarquable dans Madame Louis 14.
François Laplante Delagrave
Mai Anh Tran-Ho Le Délit
A
vec Madame Louis 14, cette pièce qu’elle a écrite et mise en scène, et dans laquelle elle est la seule interprète, Lorraine Pintal raconte l’histoire incroyable de Françoise d’Aubigné et de son ascension au pouvoir. Dans la peau de celle qui conquerra le cœur du Roi Soleil, la soliste partage ses mémoires empreints de rires et d’amertume. Elle nous entretient de la haute société, de l’atmosphère à la cour et de ses relations amoureuses –l’amour dépourvu de désir charnel avec le poète Scarron, de vingtcinq ans son aîné, l’amour adoratif pour Ninon Lenclos, et le grand
amour partagé avec Louis XIV. À travers ce discours qu’elle adresse directement aux spectateurs, Françoise d’Aubigné raconte surtout comment elle, une femme, ce «sexe faible», est parvenue, suite à sa gouvernance des bâtards du roi, à s’immiscer au sein du pouvoir, à exiger que les jeunes filles soient, elles aussi, éduquées et à fonder le Couvent Saint-Cyr. Inspirée d’extraits de biographies, de correspondances et de nombreux écrits de l’époque, la pièce Madame Louis 14 dresse un portrait exceptionnel de celle qui reprit le titre de marquise de Maintenon. Une femme qui, par sa beauté et sa personnalité, a su briller au sein de la cour, mais qui n’était cependant pas à l’abri de
l’injustice ni de la réprobation sociales –on aimait peu qu’une femme, épousée dans le secret, exerce tant d’influence sur le roi– ni d’une foi chancelante face à la mort. L’espace de jeu est surplombé, à l’arrière et en angle, d’un grand mur composé de miroirs qui renvoient une image légèrement difforme de la vieille marquise. La scène, plutôt dépouillée, est occupée par une chaise d’époque, un tapis –qui n’est déroulé que lorsque Françoise d’Aubigné raconte son entrée à la cour du roi et que le visage de Louis XIV y est projeté, comme une tapisserie– et trois objets-instruments, les «synchronos». Créé par Philippe Ménard, le «synchronos» permet à la musique
programmée d’être activée sous le mouvement des doigts de la comédienne. Cette recomposition musicale et sonore par SimonPierre Gourd, avec ses sons de clavecin et de flûte, évoque bien le XVIIe siècle, mais s’insère un peu maladroitement dans le dialogue entre la comédienne et le public. Minuscules ruptures, ces jeux de doigts donne à la courtisane l’allure d’une diseuse de bonne aventure. Heureusement, celle qui a entrepris toute seule cette œuvre il y a vingt-trois ans et qui l’a reprise cette année est poignante par la justesse de son jeu. À travers les douze tableaux intitulés «jardins», elle retrace le parcours méconnu de la marquise de Maintenon,
une histoire cachée de l’Histoire, et donne voix à une femme étonnante. Pour illustrer le pouvoir invraisemblable qu’a eu Françoise d’Aubigné sur la cour du roi de France, Lorraine Pintal a pris le plein contrôle de la scène, pour le meilleur et le pire, mais surtout pour le meilleur. Une performance à voir. x Retrouvez l’entrevue avec Lorraine Pintal dans l’édition du 1er mars 2011. Madame Louis 14 Où: Théâtre du Rideau Vert 4664 rue St-Denis Quand: jusqu’au 30 avril Combien: 30$
THÉÂTRE
L’exubérant dégel
Justin Laramée présente Transmissions, une pièce éclatée sur le leg, lauréate du prix Gratien-Gélinas 2008. Émilie Bombardier Le Délit
C
’est un drôle d’objet théâtral que Justin Laramée concocte avec Transmissions. Tragédie sur le deuil et le leg, drame dressant un sombre portrait de la famille moderne, comédie sur l’absurdité de l’humain, de son existence: aucune expression ne semble pouvoir mettre en mots cette pièce où des animaux morts s’animent pour dévoiler des secrets, où un bébé partage une cigarette avec son père tout en lui adressant des conseils, où la vie des personnages bascule par des événements plus qu’anodins. Un «thriller printanier», c’est le nom qu’on lui donne. Et pour cause, la dernière œuvre de la compagnie Qui Va Là, lauréate d’un prix Gratien-Gélinas, évoque tout ce qui refait surface après le gel, tout ce que l’on déterre après l’oubli. Pourtant, à force de trop déterrer, l’intention première de la recherche se perd. Dans son ambition totalisante, le récit s’éparpille, éclate et agace, laissant toutefois le spectateur devant des scènes belles, mais sans véritable cohérence. Après avoir vendu leur chalet à un vieux couple anglophone, la
famille Beauchemin se retrouve pour une dernière fois en ces lieux que tous regrettent un peu de quitter. Ils célèbreront les six mois d’Alphonse, l’enfant de Fred (Maxime Denommée) et Camille (Émilie Gilbert), jeune couple éreinté par son quotidien. Audelà de ce prétexte que plusieurs jugent ridicule, tous sont cependant venus chercher, intentionnellement ou à leur insu, quelque chose qu’ils avaient écarté, enfoui, ignoré. Le seul fils des Beauchemin, Gabriel, en creusant un trou pour enterrer sa chienne qu’il a retrouvée morte, apprend que ses parents ont en fait abattu tous les chiens qu’il croyait avoir perdu enfant. Diane (Monia Chokri), sa sœur, découvre que sa copine mourante, Rosa, l’a envoyée au chalet pour déterrer des lettres d’amour qu’elles avaient cachées dans la forêt afin de les lui entendre lire une dernière fois, par téléphone, avant qu’elle ne profite de son absence pour s’enlever la vie. Puis voilà que Camille, voulant protéger son bébé en tirant une oie à la carabine, tue accidentellement son père, Éric (Roger Léger), seul personnage qui maintenait l’équilibre du clan, et rendait possible toute forme de
xle délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
Justin Laramée
leg. Le vide qu’il laisse se remplit alors de révélations abracadabrantes, de scènes aussi surréelles que dramatiques, et de la névrose de Camille, personnage qui implose littéralement jusqu’à devenir une insupportable caricature. Transmissions ne donne pas de réponse aux énigmes qu’elle pose, ce qui est lassant, considérant la quantité faramineuse de scènes nébuleuses et de réactions inexpliquées qu’elle lance au visage du spectateur. Si ce qu’elle relate
ne peut donc être apprécié à part entière, la pièce charme toutefois par ses dialogues simples mais polyphoniques, par ses touches d’humour brillantes, par sa scénographie irréprochable et, surtout, par la distribution qui la porte, faisant la plupart du temps preuve d’une retenue qui se marie très bien à l’exubérance de l’œuvre. Certainement intéressant et assez fascinant, ce thriller printanier, quoique trop chargé, laisse entrevoir le grand talent de Justin
Laramée. Si le dramaturge et metteur en scène opte pour un certain dépouillement tout en maintenant la folie qui teinte son écriture, il ne fait nul doute que sa prochaine pièce saura se tailler une place de choix dans la saison théâtrale. x Transmissions Où: Aux Écuries 7285 rue Chabot Quand: jusqu’au 16 avril Combien: 15$
Arts & Culture
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CINÉMA
Tragédie d’une femme, bêtise humaine Après l’immense succès de La Graine et le Mulet (2007), Abdellatif Kechiche revient avec un film historique. Sabrina Ait Akil Le Délit
L
e réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche présente Vénus noire, avec l’actrice cubaine Yahima Torres. Ce film d’époque dresse le portrait de la célèbre Saartje Baartman, véritable bête de foire du XIXe siècle. Esclave, elle fut emmenée en Europe par l’afrikaner Hendrick Caezar (Andre Jacobs) qui exploita sa morphologie hors du commun. La particularité du corps de cette femme, issue de la tribu Khoikhoi d’Afrique du Sud, représentait une véritable veine d’or. En effet, son fessier très développé attirait des hordes de spectateurs. L’histoire commence à Londres au début des années 1800. Tout est sombre et sale. On sent dès la première scène un poids insupportable encombrer le spectateur. Le premier contact avec la Vénus noire se fait dans une cage, avant qu’elle n’entre en scène.
Elle devait incarner devant des foules immenses le stéréotype de la femme sauvage d’Afrique. Avec les instructions de son maître, elle exécutait des danses langoureuses, elle attaquait les spectateurs, mais le plus troublant est qu’elle devait se laisser toucher le corps, histoire d’authentifier son fessier disproportionné. On regrette les images violentes de spectateurs londoniens soûls et avides de chair sauvage. On remarque d’ores et déjà l’agacement de Saartjie, qui n’apprécie pas la violence des gestes des spectateurs à son égard. Elle proteste, mais paradoxalement, elle semble sombrer dans un mutisme inexplicable. Après Londres, la troupe se rend à Paris, où l’accueil réservé à la Vénus noire est monumental. Elle fait fureur dans les soirées huppées des beaux quartiers, jusqu’au jour où son intégrité est subitement bafouée. Alors, sa nonchalance se transforme en une virulente protestation qui la mène dans les abysses de la prostitution.
Gracieuseté de MK2 distribution
Abdellatif Kechiche a su raconter une histoire qui semble simple et manichéenne, mais qui, en fait, explore la personnalité compliquée de Saartje en laissant planer un doute quant à ses réelles ambitions. On y découvre les multiples facettes de cette femme dont les organes génitaux ont fini au Musée de l’Homme à Paris. Il faut souligner l’immense travail de Yahima Torres, découverte par Kechiche dans un quartier parisien. Les scènes d’extrême nudité sont si poignantes qu’on ne peut passer outre le travail d’actrice de Torres. Son jeu est impeccable et crédible, et elle a su rendre à la Vénus hottentote
son humanité. Kechiche a mis l’accent sur la perversité des personnages entourant Sarah Baartman, qui a succombé à une vie de débauche et de violence. On peut reprocher à la réalisation les longueurs de la première partie du film, qui cassent le rythme du départ, mais qui sont vite éclipsées dans la deuxième partie, où l’on s’attache naturellement à Saartje. La conclusion du film fait la lumière sur l’étrange destin de la Vénus hottentote. Un court extrait documentaire a souligné le retour de la dépouille de Saartje Baartman en Afrique du Sud, où elle a pu recevoir une sépulture digne. x
par Raphaël Thézé
La bd de la semaine
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Arts & Culture
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com