le délit ÉLECTIONS AÉUM 2012
le seul journal francophone de l’Université McGill
delitfrancais.com Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill
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Le mardi 13 mars 2012 | Volume 101 Numéro 20
Rouge, vert et blanc depuis 1977
Éditorial
Volume 101 Numéro 20
le délit
Le seul journal francophone de l’Université McGill
rec@delitfrancais.com
Grève et fuite d’information Anabel Cossette Civitella Le Délit
L
es chuchotements à la bibliothèque, les discussions entre amis, les conversations en famille ou même les échanges amoureux, tout, absolument tout, prend une tournure politique ces jours-ci. À McGill, le sujet de la hausse est sur toutes les lèvres, surtout à quelques heures de l’Assemblée générale de l’Association des étudiants de 1er cycle de la Faculté des arts qui se prononceront sur l’éventualité d’une grève générale illimitée. D’ailleurs, les manifestations se multiplient sur le campus en vue du vote. En psychologie cognitive, j’ai même eu un cours dont le sujet d’étude était la hausse des frais. Prenez n’importe quel étudiant, faites lui écrire autant qu’il peut pendant 10 minutes au sujet de la hausse des frais de scolarité et pourquoi est-elle bénéfique, et vous obtiendrez de lui qu’il adhère à la vision qu’il vient de défendre sur papier, peu importe s’il était pour ou contre au départ. Essayez-le, vous verrez. (Un seul détail: si cette décision est vraiment importante pour lui, alors il ne se laissera peut-être pas faire aussi facilement. C’est de la science et c’est enseigné à McGill.) Un argument soulevé contre une grève à McGill: dans cette université prestigieuse, on ne doit pas s’impliquer dans ce genre de combat car ça risquerait de perturber nos standards de performance face aux autres universités, non pas Québécoises, mais du Canada et des États-Unis. Ce genre de commentaire omet complètement qu’un, trois ou 20 jours de grève ne peut pas affecter le rang mondial de McGill; le mouvement étudiant est fort, mais il ne faut pas exagérer. Et pour tous ceux qui s’apprêtent à être célèbre grâce à leur recherche faite à McGill ou grâce au renom de l’université, je tiens à répéter le message plein d’empathie de l’administration McGill: «Les conséquences normalement engendrées pour ne pas avoir remis un travail, ou pour l’avoir remis en retard, et pour ne pas se présenter à un examen seront maintenues.» De cette façon, comme dans maintes autres circonstances d’ailleurs, McGill s’as-
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sure que ses petits étudiants modèles fassent leurs devoirs, sous menace de leur enlever des points. Ainsi, tous ceux qui seront dans la rue le 22 mars n’auront aucun passe-droit, hormis le fait qu’ils auront suivi leurs idéaux et ne se seront pas laissé impressionner par l’université. Comme le soulignait Mariève Isabelle, il y a Concordia qui se positionne systématiquement à l’opposé de McGill, preuve qu’il n’y a pas qu’au sein du corps étudiant qu’on refuse de se laisser dominer. Et récemment, la main mise de l’université n’a pas qu’été académique: elle s’est étendue à la presse étudiante. Suite à la publication d’un article au sujet de McGillLeaks, le nouveau site de diffusion d’informations sur le Web, la Société des Publications du Daily (SPD) qui chapeaute Le Délit et le McGill Daily s’est fait menacer par McGill. En sommant de retirer toute information sur les sites de la SPD au sujet du site McGillLeaks, l’Université voulait contenir le scandale de ses informations personnelles divulguées. La mise en demeure envoyée par l’avocat de McGill a fait sursauter toute la communauté journalistique sur le campus devant une telle atteinte à l’intégrité journalistique. McGill nous menace, nous plions, mais ce n’est qu’en raison des coûts qu’aurait occasionnés une poursuite devant un tribunal. La SPD cesserait d’exister si elle avait à débourser des milliers de dollars dans un procès, sans compter l’énergie investie dans une entreprise comme celle-là. En riposte, nous tâchons de mettre au courant la communauté étudiante du fait que McGill aime utiliser un bâillon pour faire valoir son point. Je suis fatiguée de cette université qui terrorise, condamne et professe à qui mieux mieux qu’elle est la meilleure au monde; une université qui censure ses journalistes, muselle ses étudiants, mutile les corps d’action sur le campus. Je n’ai pas envie de me mêler au printemps mcgillois, mais j’apprécie le divertissement, j’apprécie l’acharnement des plus audacieux, j’apprécie que l’œil inquisiteur de McGill ne fait pas reculer les plus coriaces. J’apprécie qu’on ait un choix de grève générale illimitée dans la Faculté des arts, qu’on ait la possibilité de se positionner contre l’université. x
rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Anabel Cossette Civitella Actualités actualites@delitfrancais.com Chef de section Emma Ailinn Hautecœur Secrétaire de rédaction Florent Conti Rédacteur campus campus@delitfrancais.com Anthony Lecossois Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section Raphaël D. Ferland Secrétaire de rédaction Alexis Chemblette Société societe@delitfrancais.com Francis L.-Racine Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Xavier Plamondon Coordonnateur visuel visuel@delitfrancais.com Nicolas Quiazua Infographie infographie@delitfrancais.com Samuel Sigere Coordonnateur de la correction correction@delitfrancais.com Victor Constant Coordonnateur Web reso@delitfrancais.com Nicolas Quiazua Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Collaboration
Louis Beaudoin, Fanny Devaux, Camille Gris-Roy, Alexie Labelle, Annie Li, Alexandra Nadeau, Camille Paly, Geneviève Payette, Lindsay P.Cameron, Jean-François Trudelle.
Couverture Photo: Nicolas Quiazua Montage: Xavier Plamondon bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et Gérance Boris Shedov Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Joan Moses Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Anabel Cossette Civitella, Marie Catherine Ducharme, Alyssa Favreau, Joseph Henry, Tyler Lawson, Joan Moses, Xavier Plamondon, Mai Anh Tran-Ho, Aaron Vansintjan, Debbie Wang
xle délit · le mardi 13 mars 2012 · delitfrancais.com
Actualités La DPS baillonnée
CAMPUS
actualites@delitfrancais.com
Des documents administratifs de McGill qui fuitent sur Internet entraînent une vive réaction de la part de l’Université. Victor Constant Le Délit
L
e 3 mars dernier, un site Internet fonctionnant selon le système des lanceurs d’alerte anonymes a été mis en ligne. Ce site, prenant exemple sur le désormais célèbre WikiLeaks, agissait sous l’intitulé McGillLeaks. Il avait comme mission avouée de publier, lors des trois semaines à venir, des centaines de documents plus ou moins confidentiels traitant des donateurs et des partenaires industriels de l’Université et de leur rôle dans le financement et l’orientation de la recherche à McGill. D’après McGillLeaks, la publication de ces documents aurait pour but de rétablir une plus grande transparence administrative, ainsi que d’informer la communauté étudiante quant à la nature des recherches (et de leur financement) entreprises à McGill, notamment dans les domaines épineux de la défense, de la pharmacie et de la biotechnologie. L’administration a réagi promptement. Dès mardi, les do-
cuments publiés sur McGillLeaks avaient été mis hors ligne et le vice-principal aux relations externes, Olivier Marcil, annonçait que les documents avaient été obtenus de manière illégale, que cela constituait donc un crime et que, par conséquent, la police avait été contactée tandis que l’administration conduirait une enquête interne. La réaction de l’Université ne s’est malgré tout pas arrêtée là. Le McGill Daily s’est retrouvé face à une lettre d’avocat les menaçant de poursuite au civil suite à la publication d’un article sur leur site Internet le lundi 5 mars dans la soirée. L’article en question, rédigé par Erin Hudson, rapportait les faits en précisant le lien URL du site. Il aurait été difficile de justifier l’absence d’articles sur un sujet aussi sensible que celui-ci dans l’une des plus grosses publications étudiantes du campus. Il aurait surtout été déplorable que la communauté étudiante n’en soit pas informée. Le 5 mars au soir, la Daily Publication Society (DPS) –organe de presse étudiant et indépendant–
et Erin Hudson ont reçu un courrier du cabinet McCarthy Tétrault qui les informait que l’Université McGill les enjoignait de modifier leur article en ligne, sous peine de poursuites au civil. D’après la lettre de l’avocat, les documents publiés auraient été «volés et obtenus illégalement par McGillLeaks» et leur publication représenterait un délit. Le courrier exige donc que le Daily «retire tout lien sur le site Internet mcgilldaily. com qui redirigerait les utilisateurs vers le site [de McGillLeaks] » et les «somme de ne pas publier de tel lien sur le site delitfrancais.com». En plus de cette injonction visant à réduire le trafic vers le site de McGillLeaks et empêcher une pratique déclarée illégale, la lettre demande aussi à la DPS de «supprimer immédiatement toute référence faite à ces documents et informations, ainsi que d’effacer tout commentaires faits sur ceux-ci». L’Université a donc tenté d’utiliser les moyens mis à sa disposition afin d’empêcher l’organisme de publication indépendant de rapporter,
des faits relatifs à la vie sur le campus et aux relations entre les étudiants et leur administration. Suite à la réception de cette lettre, la DPS s’est concertée avec Maître Bergman (son avocat depuis 1989) pour voir comment gérer la situation de manière appropriée. De cette concertation, il est ressorti plusieurs réponses aux problématiques posées par ce courrier, ainsi qu’une lettre de Maître Bergman à l’encontre de Maître Michel Gagné , qui représente l’Université McGill au sein du cabinet McCarthy Tétreault. Dans le communiqué officiel de la DPS, publié le 12 mars, la direction de la société de publication explique que cette dernière «s’abstiendra de publier l’adresse internet, un hyperlien ou n’importe quel autre lien internet donnant accès aux documents de McGillLeaks», s’abstiendra de «rapporter les faits ou d’exprimer une opinion quant au contenu des documents McGillLeaks et se réfrènera de reproduire lesdits documents», mais que, malgré tout, la
DPS «continuera à rapporter, commenter et exprimer son opinion quant aux faits relatifs à l’existence de McGillLeaks, ainsi que sur la réaction de l’Université McGill par rapport à la publication de ces documents et sur l’enquête de l’Université relative à McGillLeaks et la fuite de ces documents». La DPS a donc choisi de se soumettre aux injonctions directes de l’équipe légale de l’administration de McGill concernant la publication de liens directs vers McGillLeaks ou les documents publiés par McGillLeaks, et à l’interdiction de commenter directement le contenu des documents qu’elle aurait obtenu dans le domaine public (Internet). Malgré tout, la DPS refuse d’être réduite au silence total par l’administration mcgilloise de laquelle, par ailleurs, elle ne dépend pas et a choisi de continuer à rapporter les faits relatifs à cette affaire qui reste d’une haute importance pour la vie des étudiants sur le campus, ainsi que pour leur relation visà-vis de l’administration. x
HAUSSE
Manif qui tourne au vinaigre
La manifestation du 7 mars devant McGill a créé des remous au sein du mouvement étudiant. Nicolas Quiazua Le Délit
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rès de quatre mois après la manifestation contre la hausse des frais de scolarité dégénérant en affrontement contre les forces de police le soir du 10 novembre à McGill, et quelques 130 000 étudiants en grève plus tard, une manifestation étudiante est à nouveau teintée de violence en plein cœur du centre-ville de Montréal. Mercredi dernier, le 7 mars, plusieurs centaines d’étudiants se rencontrent sur la place du Square Victoria, direction l’édifice Loto-Québec. Organisée par la Coalition Large de l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (CLASSE), la manifestation visait l’occupation des bureaux de la Conférence des Recteurs et des Principaux des Universités du Québec (CREPUQ). Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la CLASSE, explique la décision d’occupation par le fait que la CREPUQ constitue selon lui «le lobby qui, au cours des deux dernières années, a le plus intervenu en faveur de l’augmentation des frais de scolarité». Toujours selon monsieur Nadeau-Dubois, il y a une contradiction inhérente aux demandes faites par les membres
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de la CREPUQ et la façon dont ils dépensent les fonds des universités en termes d’investissements inutiles et de salaires faramineux: «ils gèrent les universités comme des entreprises et ensuite se retournent vers les étudiants et leur demandent de payer la facture». Face au 500 rue Sherbrooke, les bureaux de la CREPUQ, les manifestants ont procédé à la fermeture de la rue Sherbrooke à la circulation, en plus d’occuper l’intérieur du bâtiment. Peu de temps après l’occupation, et suite à l’érection d’un barrage par les manifestants, le service de police a lancé un avis d’éviction aux manifestants. Face au refus de partir d’une grande partie des manifestants, les policiers ont procédé à l’évacuation du bâtiment et à la dispertion de la foule. Policiers et manifestants s’accusent mutuellement d’instigation à la violence. Robert Poëti, ancien agent de la Sureté du Québec (SQ) en entrevue à Radio-Canada, assure qu’il y a toute sorte de choses qui sont lancées envers les policiers par les manifestants et qui constituent un danger pour la population. Kevin Paul, étudiant de l’Université McGill, était présent lors des événements. Il admet que l’argument n’est pas tout à fait faux, mais néglige les proportions en matière d’usage de la
force: «bien que certains étudiants aient lancé des boules de neiges en direction des policiers, les policiers ont rétorqué en utilisant entre autres des grenades assourdissantes et du gaz lacrymogène». L’une de ces grenades semblerait d’ailleurs être la cause de blessures sévères subies par un étudiant au cégep de SaintJérôme. Francis Grenier risque de perdre l’usage de son œil suite à une détonation en pleine figure. Le corps de police de Montréal assure qu’une enquête interne sera lancée en vue d’éclaircir les allégations d’excès de violence. Par contre, aux yeux de plusieurs, ce type de procédure manque de transparence et de crédibilité. Lorsque contactés à ce sujet, les relations medias du SPVM se sont opposées à tout commentaire. La CLASSE affirme que s’il y a eu agressivité, ce n’était pas de la part des étudiants. De son côté, la Fédération étudiante universitaire du Québec, présente officieusement lors de la manifestation, demande aux deux groupes de se calmer un peu. Martine Desjardins, présidente de la FEUQ, dit avoir remarqué «une certaine escalade du côté des manifestants», mais la réponse du corps policier «de lancer des bombes assourdissantes sur les étudiants, c’est du jamais vu».
La FEUQ a récemment fait la demande au Premier ministre de rappeler à l’ordre le service de police «face aux excès de violence dont ils font preuve». Depuis, monsieur Charest a bel et bien fait une apparition publique. Par contre, il n`y a pas eu la moindre mention des forces de l’ordre, tout le blâme étant mis sur les étudiants. Pour Martine Desjardins, cette sortie constitue un «excès de zèle». La ministre de l’éducation, Line Beauchamp, a fait une autre sortie. La ministre s’attaquait au fait que la CLASSE choisisse de ne pas partager les itinéraires de ses manifestations avec la police. Gabriel Nadeau-Dubois répond que de ne pas demander de permis de manifestation est un droit acquis au Québec et dans le reste du Canada. De plus, la CLASSE dit en avoir fait l’expérience par le passé avec comme résultat «des tactiques d’encerclement et des arrestations de masse». Du côté de la FEUQ, on ne s’entend pas sur la stratégie à employer. Madame Desjardins pense que le fait de donner les trajets des manifestations est un moyen de protéger les manifestants ainsi que la population en général, un moyen de leur permettre d’éviter certains secteurs: «Pour nous c’est quelque chose d’essentiel […], on n’est pas
en processus de confrontation avec les policiers, on ne croit pas en cette dynamique-là». Le mouvement étudiant contre la hausse des frais, loin de s’étouffer, verra les manifestations se multiplier lors des prochaines semaines. Une manifestation nationale est d’ailleurs prévue pour le 22 mars prochain. Autant la FEUQ que la CLASSE souhaitent que tout se déroule de manière pacifique: «On espère qu’on ne va pas prendre la situation pour accentuer les tensions, mais plutôt le prendre comme exemple a ne pas répéter», renchérit Martine Desjardins. «Quand on a décidé de la date on avait le 15 mars dans notre mire… jusqu’à ce qu’on se rende compte que c’était la date de la manifestation contre la brutalité policière». La FEUQ assure que le choix de la date n’est qu’une coïncidence. Face à ce constat, la FEUQ a décidé de changer ladite date, ne voulant pas encourager ses membres à participer a cette manifestation: «cette journée-là, on va plutôt être effacés». À ce sujet monsieur Nadeau-Dubois rappelle que plusieurs centaines d’étudiants vont être à cette manifestation là et «c’est sûr que si le SPVM utilise les mêmes tactiques que d’habitude, les étudiants vont s’en souvenir». x
x le délit · le mardi 13 mars 2012 · delitfrancais.com
CAMPUS
MUNACA, mal servie
Le syndicat toujours en conflit avec l’administration de McGill. Lindsay P. Cameron Le Délit
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oilà trois mois que MUNACA et McGill se sont entendus sur les clauses du nouvel accord collectif du syndicat qui sera effectif pour 5 ans. Entre autres, cet accord a mis en place une échelle salariale qui devrait raccourcir le temps d’atteinte du plafond salarial pour tous les employés sauf ceux, bien sûr, qui l’avaient déjà atteint. Depuis le 6 décembre dernier, les employés de MUNACA sont retournés au travail sous les mêmes conditions qui existaient avant la grève dans l’attente de la ratification de l’accord. MUNACA commence à s’impatienter car les désaccords persistent quant à l’interprétation de certaines mesures. La plus contentieuse était que l’université a unilatéralement modifié la liste des employés qui ne recevraient pas d’augmentation de salaire avec
la nouvelle échelle salariale, mais plutôt une compensation forfaitaire sous forme de paiement de retraite. «Pour les 80 personnes initialement sur la liste, lors des négociations nous savions qui y était et pourquoi», dit Kevin Whitaker, président du syndicat. En effet, l’université et le syndicat s’étaient entendus sur ces ajustements salariaux à cause d’une politique d’équité datant de 2001. «Les employés sont concernés par cette politique parce qu’ils font plus que le salaire établi pour leur position, et donc il faut les ajuster pour que la ligne d’équité soit rétablie», explique Whitaker. Le syndicat pense que McGill retarde volontairement le processus. L’administration refusait jusqu’à hier de divulguer les noms de ces 48 employés ajoutés. Cela faisait depuis le 17 février que MUNACA demandait cette information. Même si ce problème est réglé, il n’empêche que le syndicat refuse et a toujours refusé d’ajou-
ter ces employés aux 80 autres étant donné que l’université n’a pas donné de raison valable pour le faire. La prochaine étape sera donc de se rassoir avec l’université pour exiger des explications. «Les autres malentendus sont mineurs et ont trait à des détails de formulation», rajoute le président. Vendredi, MUNACA a manifesté sur le campus et une centaine de travailleurs se sont réunis pour exprimer leur opinion sur le sujet. Une lettre du syndicat avait été livrée par Susan Aberman à Heather Monroe-Blum déplorant le retard de la part de l’administration et demandant les noms des employés. «Il ne s’agit pas d’une tentative de négocier pour des avantages améliorés; c’est simplement que McGill et MUNACA doivent se mettre d’accord sur le libellé», a déclaré Kevin Whitaker vendredi. «Après des négociations de onze mois et
Photo: Lindsay P. Cameron
une grève pendant un semestre, nous ne sommes pas plus avancés que nous l’étions il y a trois mois quand nous sommes revenus au travail.» David Kallant (VP Finance de MUNACA) a demandé aux étudiants qui veulent supporter leur cause de: «faire du bruit et communiquer au plus grand
nombre nos préoccupations. C’est encore un exemple de la façon dont l’administration traite les gens. C’est de la négligence et nous devons agir.» x
Avec les notes de Emma Ailinn Hautecoeur
CAMPUS
La PGSS se lève en solidarité Le 7 mars dernier, l’Association des cycles supérieurs s’est prononcée en faveur de la grève de ses membres. Anabel Cossette Civitella Le Délit
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a salle de bal de Thomson House était gonflée à bloc jeudi dernier lors de l’Assemblée générale annuelle de la Post Graduate Student Society (PGSS). L’assemblée atteignait le quorum pour la première fois en trois ans. Malgré un ordre du jour chargé, les étudiants y étaient pour une chose: c’est dans cette salle surpeuplée que devait se décider si les étudiants des cycles supérieurs entreraient en grève le 22 mars prochain, lors de la manifestation nationale organisée à Montréal par la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ). Avant de passer aux motions cruciales, la PGSS a elle-même proposé d’adopter un nom en «proper French» pour désigner la PGSS, soit l’Association des étudiants des cycles supérieurs de l’Université McGill (anciennement l’Association des post-gradués de l’Université McGill). La motion décisive pour les opposants à la grève, présentée
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par la Vice-présidente aux affaires externes Mariève Isabel, prenait la forme d’une «Action contre la hausse», soit de permettre les étudiants désireux de manifester, de le faire sans être pénalisés. L’Association avait bien tâté le pouls de la population étudiante avant de présenter sa motion pour la grève, et les risques étaient mesurés. Depuis que la PGSS monte la campagne de sensibilisation, tout tourne autour de la journée du 22 mars, par le biais de Mariève Isabel qui a rencontré individuellement les représentants de différentes facultés et a organisé des séances d’information. Le jour même de l’Assemblée générale, la VP externe avait même rencontré l’Association des professeur(e)s et bibliothécaires de McGill (APBM) pour discuter de l’éventualité d’une grève et de ce que cela impliquerait pour les cours. L’APBM s’est dite ouverte à coopérer avec les étudiants qui entrent en grève. L’association devrait passer au vote avec ses membres cette semaine pour dé-
Photo: Nicolas Quiazua
cider du traitement des étudiants qui manqueront leurs cours lors de la grève. Rappelons que l’Université McGill soutient la hausse et désire que les professeurs ne donnent aucun traitement de faveur aux étudiants qui seraient en grève. Dans son dernier communiqué le Professeur Anthony C. Masi, vice-principal exécutif, disait que «les membres du corps professoral ne sont (je le suppri-
merais le néanmoins) pas tenus d’aménager leurs activités en fonction de leur participation aux protestations. Les étudiants qui prennent la décision de participer à une grève, à un boycottage ou à une manifestation seront tenus responsables de leur absence à toute activité académique […]» Après des mois de sensibilisation, la PGSS était confiante que, le 7 mars, les étudiants des cycles supérieurs voteraient en
faveur de la grève. D’ailleurs, personne dans la salle comble ne s’est levé pour s’opposer à la motion, comme si tout le monde s’entendait sur la nécessité de boycotter les cours lors de la manifestation nationale. Après un silence de plusieurs secondes, quelqu’un portant le carré rouge s’est même présenté au micro pour proposer un amendement à ce qui était déjà proposé: trois jours de grève. Divers arguments contre ont alors été soulevé, comme la perturbation des horaires de recherche, le symbolisme d’une ou trois journées. Un étudiant a spécifié qu’«en tant qu’étudiant de McGill, on ne doit pas se comparer avec les autres universités du Québec, mais plutôt avec la compétition du Canada et des États-Unis. Nous sommes McGill, une journée c’est déjà un big deal.» Après près d’une heure de délibérations, questions et objections, les trois jours de grève ont été votés par une majorité écrasante. Argument principal: la solidarité. x
x le délit · le mardi 13 mars 2012 · delitfrancais.com
POLITIQUE FÉDÉRALE
Manifestation contre le Robogate: «J’ai mal à ma démocratie».
Une centaine de manifestants ont pris la rue Maisonneuve dimanche dernier à Montréal dans le cadre d’une série de manifestations. Alexie Labelle Le Délit
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ne centaine de manifestants ont pris d’emblée la rue Maisonneuve dimanche dernier à Montréal dans le cadre d’une série de manifestations contre le Robogate, planifiées d’un bout à l’autre du pays. Leurs demandes? «Une enquête criminelle publique et indépendante, de nouveaux scrutins pour les circonscriptions affectées, ainsi que la démission de toute personne impliquée dans ce scandale». Cet événement répond directement au scandale actuel mettant le Parti conservateur dans l’embarras. Précisément, le Robogate réfère aux appels frauduleux faits lors de la dernière élection fédérale par des compagnies téléphoniques, dont certaines cultiveraient une relation plutôt étroite avec les Conservateurs. Au jour d’aujourd’hui, plus de 40 circonscriptions auraient été touchées, la grande majorité en Ontario où, rappelons-nous, les Conservateurs ont fait des avancées assez importantes. Bien que l’opposition réagisse haut et fort, dénonçant ces tactiques anti-démocra-
tiques, rien ne prouve noir sur blanc que les Conservateurs sont à l’origine de ces appels. Pour les députés néo-démocrates sur place dimanche après-midi, il est primordial que les Canadiens et les Canadiennes se soulèvent afin de montrer au gouvernement que l’opposition ne provient pas seulement de la Chambre des communes. Catherine Hamé, l’une des organisatrices de la manifestation, insiste pour que des mesures soient prises, entre autres, par la GRC, afin de s’assurer que cela ne se reproduise plus. Elle précise alors que «la démocratie est importante pour les Canadiens; on dit que le Canada est le pays le plus démocratique au monde». Sans aucun doute, la manifestation s’est rassemblée autour du thème de la démocratie. Tous ceux s’étant déplacés en cette journée de printemps réclamaient la reprise de celle-ci, brandissant des pancartes revendiquant ce droit fondamental: «Harper, why you no like democracy?», «Democracy is not for sale» ou même «Wanted: Harper, Reward: Democracy.» La députée néo-démocrate de LaurierSte-Marie, Hélène Laverdière, a exprimé
son souci en quelques mots: «j’ai mal à ma démocratie». En tant que porte-parole de l’Opposition en affaires étrangères, elle renchérit l’importance du processus démocratique, tout au plus puisque le Canada brandit fièrement ce flambeau à l’international. Or, elle déplore les bâillons réguliers fait à la Chambre des communes, en plus de la tenue de huis clos plus souvent que nécessaire. Ceci dit, toujours selon la députée, l’aspect le plus dramatique de cette soi-disant «fraude électorale» est le fait que certains citoyens auraient été empêchés de voter. Toutefois, elle se réjouit de voir les citoyens prendre la rue et se mobiliser. Zach Paikin, étudiant à McGill, était aussi présent dimanche afin de représenter le Parti libéral du Canada. D’abord, il invite le Premier ministre à prendre la responsabilité pour les Robocalls. Plus encore, il affirme que le déni de Stephen Harper «reflète la tendance du gouvernement à avancer le bien partisan», tout en blâmant constamment les autres partis. Les organisateurs de cette manifestation contre le Robogate promettent de se réunir une prochaine fois dans deux semaines et
souhaitent y voir au moins mille personnes. «Ce n’est que le début d’un grand mouvement!» s’est écrié fièrement Niall Clapham Ricardo, un des organisateurs. Bien que les Conservateurs aient été invités, aucun ne s’est présenté, ce qui, pour plusieurs présents dimanche, démontre l’indifférence du gouvernement à l’égard de la population canadienne. Paul Bode, l’un des participants, a soutiré la plus vive réaction de la foule présente au Square Victoria en début d’après-midi lorsqu’il a affirmé que «l’occupation du parlement par les Conservateurs est illégitime!» Bref, en scandant des slogans tels que «Fraude, fraude, fraude électorale», «Harper à la porte» et même « Élection partielle ou élection nouvelle», les manifestants ont clairement affiché leur souci face à la viabilité de la démocratie canadienne sous un gouvernement conservateur. Il reste à voir si l’appel à la révolution sociale fait dimanche aprèsmidi fera écho dans le reste de la population canadienne ou s’il passera tranquillement sous silence, s’effaçant avec le temps et l’indifférence. x
ÉLECTIONS
AU CONSEIL DE RÉDACTION DU DÉLIT Si tu as participé à l’écriture de 3 articles (ou à 3 soirées de
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Le Délit, c’est la voix française de McGill. Il attend sa relève. rec@delitfrancais.com x le délit · le mardi 13 mars 2012 · delitfrancais.com
Actualités
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Brève
CAMPUS
Carré blanc La politique étudiante à l’université McGill prend une nouvelle tournure avec l’arrivée de ModSquad. Louis Baudoin Le Délit
P Photo: Nicolas Quiazua
Alexandra Nadeau Le Délit
L
e lundi 12 mars s’est déroulée une mobilisation pacifique sur le campus de McGill pour dénoncer la hausse des frais de scolarité. Baptisé Solidarity Music Extravaganza, ce rassemblement festif où musique et danse se sont alliées, avait pour but de sonner la cloche aux étudiants de McGill afin de les sensibiliser sur leur rôle à jouer dans le débat actuel. Comptant environ une trentaine d’étudiants, cette deuxième manifestation a toutefois eu moins de succès que celle organisée il y a deux semaines, malgré les 189
personnes censées y assister, selon la page Facebook de l’évènement. Quelques curieux du campus sont venus poser des questions à ce petit groupe composé d’étudiants de McGill et d’autres institutions universitaires, mais peu se sont joints à la troupe. À ce jour, l’Association étudiante du campus Macdonald a voté pour une grève le 22 mars et l’Association des étudiants aux cycles supérieurs a voté pour une grève du 20 au 22 mars. Les associations des étudiants en arts et en service social voteront ce mardi et mercredi. Avec ses 37 835 votants potentiels, nombreux sont ceux qui s’attendent à ce que les choses bougent. x
eu après l’occupation du pavillon James de l’administration nommée 6th floor party, qui demandait, entre autres, la démission de Mendelson, certains étudiants se sont inquiétés «de la montée du radicalisme à McGill», selon Brendan Steven, un des créateurs du mouvement. Steven et quelques-uns de ses amis, comme Beni Fisch, Harmon Moon où encore McKenzie Kibler, ont décidé de créer un «espace politique pour une représentation plus démocratique de la majorité silencieuse.» Le mouvement a été baptisé ModSquad, ou Moderate Squad, afin de souligner leur opposition au «radicalisme des étudiants en faveur de la grève». Le terme est lui-même une référence au mouvement MobSquad, composé d’étudiants désireux de pouvoir s’organiser efficacement afin de pouvoir lutter, entre autres, contre la hausse des frais de scolarité, à travers diverses actions comme l’organisation de la grève le 10 novembre dernier.
Depuis sa création, ModSquad a tenu plusieurs réunions, et leur objectif principal est présentement de faire triompher le vote contre la grève à la prochaine Assemblée générale de la Faculté des arts qui sera tenue le mardi 13 mars, à 18 heures. Si l’Assemblée générale mardi vote en faveur de la grève, ModSquad se dit prêt à représenter les étudiants qui voudront aller en classe. Le mouvement reste particulièrement inquiet quant à la possibilité de blocus organisés par les étudiants en grève. De plus, ModSquad souhaite proposer une réforme à l’Assemblée générale. D’une part, ils veulent faire augmenter le quorum qui est actuellement de 150, ce qui «n’est pas assez représentatif de l’ensemble des étudiants en arts», selon Steven. D’autre part, la réforme autorisera un vote en ligne pour les propositions de l’Assemblée générale, afin que le vote soit plus accessible aux étudiants en arts. Les fondateurs de ModSquad étaient présents à la dernière Assemblée générale où ils avaient proposé la création d’un comité contre la grève,
mais leur demande n’avait pas abouti. ModSquad soutient les campagnes de plusieurs candidats aux élections de l’AÉUM. Afin de véhiculer ses idées, ModSquad utilise principalement son groupe Facebook, mais aussi des posters, affiches. Plus récemment, certains membres de ModSquad ont commencé à porter des carrés blancs, par opposition aux carrés rouges portés en signe de solidarité par les partisans de la grève. Brendan Steven a tenu à souligner que le mouvement ModSquad est contre le mouvement d’opposition à la grève, mais pas nécessairement en faveur de la hausse. Ce dernier s’est abstenu de répondre sur son opinion regardant la hausse des frais de scolarité. Quoi qu’il en soit, l’arrivée d’un groupe tel que ModSquad dans la politique étudiante est plutôt unique, puisqu’il n’en existe aucun autre de la sorte qui soit ouvertement contre la grève dans les autres universités à Montréal, ce qui confirme encore une fois que la politique étudiante à McGill diffère grandement de celle des autres universités montréalaises. x
HAUSSE
Causerie publique sur la hausse Éric Martin et Maxime Ouellet derrière les étudiants. Camille Gris Roy Le Délit
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e modérateur Xavier Brouillette, professeur de philosophie au Cégep du Vieux-Montréal, a tout d’abord rappelé le contexte de cette rencontre: la hausse des frais de scolarités. Il a présenté les arguments du gouvernement Charest. La province souhaite en effet augmenter la qualité de l’enseignement dans nos universités, sousfinancées, et avancer sur le terrain de la compétitivité. Les effets bénéfiques de cette hausse seraient à la fois d’ordre éthique: les étudiants seront fiers de leurs diplômes; économique: l’éducation est un investissement rentable et un diplôme à haute valeur apportera un revenu élevé; et politique: cette
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réforme est un «geste équitable», car garder les frais trop bas reviendrait d’une certaine manière à «subventionner» les plus riches. Le véritable ton de la discussion a été donné dès la fin de cette introduction. Le modérateur a alors déclaré qu’il considérait ces arguments comme des «sophismes», puis a passé la parole aux deux invités, qui ont poursuivi sur cette position critique en affirmant d’emblée leur soutien au mouvement étudiant, et en confirmant que cette conférence ne sera «pas neutre». Les deux chercheurs ont alors exposé leurs idées. Ils ont dénoncé ce que le titre de leur ouvrage Université Inc., publié chez Lux éditeurs, évoque: la logique commerciale de l’université d’aujourd’hui. Selon eux,
l’université telle qu’elle s’est développée en Amérique du Nord ressemble à une entreprise: les étudiants en sont les «clients», et le principal but est désormais de produire «des clones», qui contribueront, grâce à leur formation, à la croissance du PIB de leur pays. Le sur-financement de l’université de recherche, «au service des entreprises» a également été pointé du doigt. D’autres problèmes liés à la hausse ont été soulevés, en particulier la question de la dette étudiante et du prêt étudiant que le gouvernement promet de bonifier, mais qui n’est qu’un «vol des horizons», d’après Maxime Ouellet. Les intervenants se sont interrogés sur les raisons du gouvernement. Alain Gerbier, professeur de journalisme à l’UQAM
est intervenu pour émettre l’hypothèse que ce projet cherche en réalité à «camoufler une forme d’illettrisme soft». La volonté d’avoir une éducation gratuite a clairement été affirmée. Éric Martin a alors rappelé les mots de Victor Hugo: «toute question a son idéal, et pour l’éducation c’est la gratuité à tous les niveaux». Selon les intervenants, la gratuité permettrait, au final, d’avoir une société plus riche en savoir et les étudiants seraient plus désireux de redonner à cette société qui les a aidés à s’enrichir culturellement. En fait, le débat sur la hausse, pour Éric Martin et Maxime Ouellet, n’est pas qu’économique, il est aussi philosophique et vient questionner la nature première et la finalité de l’éducation.
Aujourd’hui, selon Éric Martin, on s’en tient au désir le plus bas, celui d’accumuler de l’argent. Or le véritable apprentissage permettrait de s’élever au-delà de ces «désirs juvéniles». Mais au-delà de la question scolaire, la discussion traitait des enjeux de société en général, notamment de la question du capitalisme, lequel, selon les invités, est «en sursis». En guise de conclusion, les intervenants se sont prononcés en faveur de l’action. Aujourd’hui, ils en appellent à la contribution de tous. «Là c’est le temps de se fâcher», a clamé Éric Martin. Pour eux, la solution est de se «réapproprier la parole» et d’agir –d’avoir une grève étendue à toute la société québécoise, par exemple. x
x le délit · le mardi 13 mars 2012 · delitfrancais.com
CHRONIQUE
The English way
Jean-François Trudelle | Au-delà du présent
J’ai assisté la semaine dernière au rendez-vous annuel du Manning Centre, principalement pour voir le député européen, eurosceptique, conservateur et britannique Daniel Hannan. Ce petit tour dans ce qui veut devenir le Conservative Political Action Conference (CPAC) canadien fut très éclairant. Bien que Stephen Harper jouisse maintenant d’une majorité à la Chambre des communes, un sentiment d’inconfort et de scepticisme politique semble
toujours régner autour de lui et du conservatisme canadien. Que va-t-il faire aux gais, aux femmes, aux minorités? Bien que ces craintes soient souvent non-fondées, elles persistent obstinément au sein des médias. En occupant une partie de l’espace médiatique, elles inhibent une analyse plus intelligente du mouvement conservateur et du gouvernement en place. C’est au cours de la conférence que j’ai compris une partie du problème: le conservatisme canadien désire trop calquer le conservatisme étatsunien. Le malaise émane de là. Le Canada n’est pas les États-Unis et ne le sera jamais. Nos sociétés sont trop différentes et nos institutions, encore plus. C’est cette seconde différence qui rend vaine la tentative de recréer l’enthousiasme conservateur étatsunien. Pourquoi? Parce que bien que nous soyons culturellement semblables aux Américains, nos institutions démocratiques et
étatiques sont bel et bien britanniques. Notre sénat n’a rien à voir avec celui de nos voisins du Sud, le Parlement fonctionne de manière radicalement différente que le Congrès des ÉtatsUnis. La société canadienne est aussi moins ancrée dans le communautarisme religieux, perçu comme outil de rechange à l’État providence par les conservateurs étatsuniens. Le conservatisme canadien ne sera jamais entièrement convaincant tant qu’il regardera au Sud. C’est plutôt outre-Atlantique qu’il devra trouver son inspiration. Il semblerait que c’est ce que les partisans du mouvement veulent. Lorsque Daniel Hannan a pris la parole lors du dernier panel, aucun autre invité de la conférence n’avait eu un accueil aussi chaleureux. Les applaudissements et les rires se suivaient et les spectateurs se sont empressés de lui poser une multitude de questions, ignorant presque David Wilkins, l’ancien ambassadeur des États-Unis au Canada.
Ce n’est pas surprenant. Le conservatisme britannique est lui aussi basé sur un petit gouvernement et la décentralisation des pouvoirs. Toutefois, il a opéré un changement majeur: du conservatisme social, il a évolué vers le conservatisme culturel. Au RoyaumeUni, aucun politicien ne peut espérer mener une campagne sur l’homosexualité, l’avortement ou d’autres questions relevant de la moralité. Sa popularité descendrait en flèche. Toutefois, il peut espérer marquer des points en se présentant comme défenseur de la communauté britannique, de ses valeurs, de sa culture, de son identité et de son indépendance. C’est précisément ce que les Canadiens recherchent. Ils ne veulent pas entendre parler de bondieuseries, mais bien de fierté, de patriotisme et de liberté. Le concept de «big society» de David Cameron serait particulièrement accrocheur ici.
Devons-nous nous en étonner? Avant les ravages du multiculturalisme institutionnel, les Canadiens étaient encore très attachés à la Grande-Bretagne. Au plus profond d’eux-mêmes, ils n’ont pas tourné le dos à la mère patrie et à ses manières de faire de la politique. C’est sûrement pour cela que le discours de Hannan a trouvé un si grand écho parmi les 700 participants. C’est pour cela aussi qu’il mériterait d’être entendu par un plus grand nombre de Canadiens. La droite y trouverait finalement la force de faire tomber les craintes qui l’entourent. *** P.S.: À tous les étudiants de la Faculté des arts, allez voter contre la grève lors de l’AG de mardi. Vous avez le choix entre faire la grève ou avoir une éducation abordable et des universités bien financées. Choisissez votre camp. x
Université d’Ottawa
PORTES OUVERTES AUX ÉTUDES SUPÉRIEURES Vendredi 23 mars 2012 APPRENEZ-EN PLUS SUR : » Les programmes de maîtrise et de doctorat » Les critères d’admission » Les bourses et l’aide financière Venez rencontrer les représentants de nos facultés et services. Jusqu’à 85 $ en allocation de déplacement pour les étudiantes et étudiants qui viennent de l’extérieur pour assister à cet événement à l’Université d’Ottawa. Veuillez vous inscrire au www.decouvrezuOttawa.ca/printemps.
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PRÉSIDENT
ès le début de la campagne, on a attribué une allégeance politique à chacun des deux candidats à la présidence. Shyam Patel est l’étudiant en gestion féministe de «gauche», et Josh Redel représente ceux qui se disent modérés mais ceux que certains qualifieraient de «droite». Les deux candidats en sont conscients, mais ils ne semblent pas vouloir insister sur cette identité propre dans leurs plates-formes. Il faut d’ailleurs rappeler qu’une des promesses clés de cette campagne est la dépolarisation et la réunification du campus ainsi que la réconciliation avec l’administration. Josh Redel est tout plein d’idées ludiques et intelligentes pour améliorer la vie étudiante, passant du chariot de nourriture sur l’allée McLennan à la réinvention des salles de classes en salles d’études le soir pour qu’on arrête d’entendre que l’université manque d’espace pour pourvoir aux divers besoins. Il en connaît aussi un peu sur la présumée apathie des étudiants, ayant considérablement accru la participation de ces derniers dans les votes de l’Association des étudiants en ingénierie, dont il est maintenant le président. Dans la même veine, il souhaite changer l’image des AG en utilisant les programmes informatiques de Webinar (réunions interactives sur le web) pour que plus d’étudiants puissent participer au processus démocratique confortablement assis dans leur sofa. Sa plate-forme est complète mais il lui manque un petit accent politique auquel on pourrait s’attendre étant donné les circonstances. En entrevue, il dit qu’un président d’association possède «un pouvoir dangereux car il
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est très informé» et croit que son rôle est de mettre les choses en perspectives. Shyam Patel croit qu’il faut prendre exemple sur son adversaire par le fait que ce dernier a gravit les échelons à l’interne (deux ans dans son association facultaire), ce qui favorise la continuité ainsi que l’expérience. C’est d’ailleurs sur ces deux atouts que Shyam dirige sa campagne. En tant que VP Finances et Opérations, il a mené à terme toutes les promesses électorales qu’il avait faites l’année dernière en entrevue avec Le Délit. Il se dit être «un robot», et il faut sûrement l’être pour vouloir revivre une année en tant qu’exécutif à l’AÉUM, surtout après celle-ci. Shyam aurait un avantage sur Josh au Conseil des gouverneurs (le président est le seul étudiant siégeant et votant au Conseil des gouverneurs). Il comprend déjà les finances de l’université et les rénovations en cours. Il croit aussi «parler le langage de l’administration» et être qualifié pour formuler des demandes d’ordre financier ce qu’il affirme être plus efficace sur cette instance que des idéologies. Cet atout lui permettra aussi de chapeauter une amélioration de l’aide financière au sein de l’université pour pallier au problème d’accessibilité déjà existant, mais que la hausse des frais de scolarité risque d’exacerber. Finalement, son rôle est de faire la liaison entre les étudiants et l’université. Par exemple, si l’université garde pour elle des informations qui sont publiques et peuvent être utiles aux étudiants, il est du rôle du président de demander qu’elles soient divulguées. Shyam a conclu l’entrevue avec le Délit en disant qu’il «ne voulait rien réformer, mais tout faire évoluer.»
VP C&S
ahil Chaini et Allison Cooper ont toutes les deux une expérience concrète mais aussi bureaucratique des clubs et services. Chaini se range plutôt du côté des clubs, ayant été présidente de l’Association des étudiants indiens et Allison du côté des services, en tant que VP externe du Plate Club, entre autres. Elles ont toutes les deux l’habitude de travailler selon les procédures formelles et parfois décourageantes de l’AÉUM. De plus, elles ont un intérêt commun pour l’environnement et partagent la mission d’améliorer le développement durable de l’AÉUM. Sahil pense «qu’il serait facile de mettre en œuvre une politique sur le développement durable dans les événements organisés par les clubs et les services». Elle veut également s’assurer de travailler sur le système de ventilation qui n’a pas été remplacé ou entretenu depuis que le bâtiment a été construit. Allison a contribué au plan de 5 ans du SSMU sur le développement durable. Un des points important à retenir de son approche durable est la concentration sur la mémoire institutionnelle, la numérisation de la paperasse des clubs et l’incitation positive pour que ces derniers remplissent les formulaires demandés. «Je trouve que la fonction de représentant des clubs est sous-utilisée et pas tout à fait représentative de tous les clubs. Je me suis engagée au sein de plusieurs avec qui les représentants n’avaient jamais pris contact»,
ajoute Allison. Son idée de conseil des clubs serait de les regrouper par intérêt commun et que chacun de ces groupes se trouve un représentant qui pourrait faire la liaison avec le SSMU et organiser des activités communes. Sahil est elle-même représentante des clubs et services au Conseil de l’AÉUM, et est donc habituée à communiquer leurs besoins. De plus, ayant vécu la plupart des difficultés que rencontrent les clubs dans leurs activités, elle propose des solutions déjà peaufinées à des problèmes précis. Bien sûr, elle admet que sa plateforme «s’attarde sur des détails», mais elle pense franchement que ces détails pourront changer les choses. Elle a déjà entamé le travail de rédaction de différentes politiques au sujet des clubs et services avec un autre représentant. Les deux candidates ont une approche similaire face au problème de la demande d’espace des clubs: réattribuer les espaces à différentes fonctions (bureau, rangement, etc.) selon les besoins spécifiques des clubs. Allison propose d’utiliser ensuite le point bonus pour le développement durable qui doit être instauré d’ici peu, pour si besoin donner la priorité à certains clubs. Sahil insiste qu’il faut absolument rendre les politiques d’allocations du budget et de l’espace claires et transparentes pour ne pas donner l’impression que la décision du VP C&S et du Comité des groupes d’intérêt est biaisée.
Retrouvez tous les détails de l’élection sur le delitfrancais.com
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VP EX
nspirée par ses études en environnement, Robin Reid Fraser inclue une «initiative environnementale» plus ou moins détaillée dans sa plate-forme. On note l’objectif de «décourager toute association du SSMU avec les organisations qui perpétuent une nuisance à l’environnement», et «supporter les programmes de recherche en énergies renouvelables, mitigation des changements climatiques et développement durable en collaboration avec les associations facultaires» qui chapeautent ces programmes. Joël Pedneault le présent VP externe, pense que la lutte étudiante devra se tourner l’année prochaine vers les frais des étudiants internationaux et d’autres provinces, que le gouvernement a coutume de hausser après une importante grève étudiante. Robin dit vouloir informer les étudiants sur le détail et la structure des frais de scolarité pour les étudiants d’autres provinces et internationaux mais elle doit encore elle-même le clarifier. Une des choses qu’elle veut poursuivre l’année prochaine est la mobilisation contre l’administration pour exiger d’obtenir de l’information sur où est investi l’argent au sein de l’université. Elle trouve «que le pourcentage des revenus alloués aux premiers cycles n’est pas suffisant.» Même si elle n’a pas mentionné qu’elle faisait partie du groupe Mobsquad, elle explique que c’est la raison pour laquelle elle est si informée sur ces sujets et qu’elle a présenté sa candidature comme VP externe, même si elle veut remédier à l’effet aliénant que certaines des actions du groupe ont pu avoir auprès de certains étudiants. Par rapport à la page «communautaire» de son portfolio, elle veut favoriser l’interaction entre les étudiants anglophones qui veulent apprendre le français et les francophones de Montréal, pour que les premiers aient une opportunité de pra-
L’AÉUM D VP INT
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ifficile de faire un choix, lorsque le nombre de candidats pour cette position dépasse presque celui de tous les autres candidats rassemblés. Le choix de l’électeur est d’autant plus difficile que certaines idées se retrouvent sur plus d’une plateforme. Par exemple, Samuel Sigere et Inna Tarabukhina veulent centraliser tous les événements de l’AÉUM, des clubs et des associations sur un seul et même calendrier. Robert Bell veut quant à lui s’assurer que l’association communique avec ses membres sur une plateforme rassemblant tous les réseaux sociaux sans exception. L’objectif principal de Salar Nasehi sont les étudiants de première année. Ceux qui n’habitent pas dans une résidence s’intègrent en général moins à la vie étudiante. Ses priorités sont donc de construire le sens de communauté dans des espaces comme le James Square que les étudiants peuvent se rapproprier, et élargir les horizons en reliant les étudiants à différents groupes, communautés et initiatives informels à travers Montréal. Diversifier les événements est une autre expression à la mode. Depuis 2 ans, le besoin de pourvoir aux étudiants qui ne boivent pas ou peu est le thème central d’une réforme du Frosh. Bien qu’elle en ait parlé en entrevue, Christina Sfeir a avoué ne pas savoir ce que signifiait le terme «social sustainability» lors du débat des candidats. Mais elle s’est renseignée depuis et souhaite se réunir avec les groupes tels que Queer McGill et les francophones, ainsi que le SSPN (programme de réseautage au sein de l’université) pour diversifier Frosh. Christina et Michael Szpejda mettent un peu plus l’emphase que les autres sur les équipes sportives. Christina voudrait travailler avec Red Thunder et les comités des équipes Varsity pour les aider à organiser des événements à leur sauce et elle veut augmenter les bus disponibles pour permettre aux étudiants d’aller voir les matchs à l’extérieur. Michael a dit au débat «vouloir essayer d’avoir des stars comme Jay Z pour le homecoming».
TERNE tiquer la langue officielle de la province. Robin, quant à elle, parle français mais se dit plus articulée en anglais et a préféré faire l’entrevue avec Le Délit en anglais. Raphael Uribe Arango ne croit pas au sous-financement de l’Université McGill et est contre la hausse des frais de scolarité. Il a fait du lobbying avec les syndicats étudiants contre la hausse des frais en Angleterre. Il a suivi Joël Pedneault au premier Congrès de la CLASSE et à deux réunions de la Table de concertation étudiante du Québec (TaCEQ). D’ailleurs, c’est à cause de sa frustration contre la TaCEQ à la suite des événements du 11 novembre, qu’il a décidé d’en faire un objectif de sa plateforme. «J’ai compris que c’était très focalisé sur les problèmes de l’université Laval et je ne sais pas à quel point la TaCEQ est capable de se mobiliser.» Il est cependant conscient que se joindre à l’ASSÉ est impossible et considère la dissociation de la TaCEQ pour former un groupe avec d’autres associations indépendantes si la TaCEQ ne manifeste pas la capacité de se mobiliser à Montréal et d’être à l’écoute des besoins de McGill. Un autre aspect de sa plate-forme qui semble intéressant: raviver les échanges et le partage de recherche avec un plus grand nombre d’universités à l’étranger. Raphael encourage la mobilisation et les manifestations mais avec des limites: «La grève illimitée ne fait pas partie de l’identité de McGill.» Une chose à apprendre par contre pour Uribe Arango s’il est élu au poste de VP externe, est le fonctionnement du système d’Aide financière aux études (AFE), qu’il ne connaît pour l’instant que très peu. La lutte contre la hausse des frais étant presque à son sommet, et étant donné le mutisme du gouvernement, il est aussi probable que le mouvement étudiant se réoriente l’année prochaine sur des réformes de l’AFE pour assurer l’accessibilité aux études.
B
eaucoup reprochent déjà à Matthew CrawfordAppignanesi, de ne pas avoir brillé pour son tact envers l’administration à cause de sa participation active aux occupations (il tient à mentionner cependant qu’il n’était pas des occupants lors de la fête de Mendelson). Lui pense cependant qu’il a démontré qu’il était «un individu confiant et un bon orateur au sénat» et qu’il a développé de «nombreuses relations fortifiantes avec divers administrateurs», notamment lors de son travail sur le Comité du Fond d’amélioration des bibliothèques. «J’ai été efficace cette année en me battant sur les deux fronts, aux instances décisionnelles formelles et sur le terrain, et je ne crois pas qu’une de ces méthodes doit exclure l’autre» ajoute-t-il. Il travaille présentement avec la doyenne à la vie étudiante, Jane Everett sur une révision du Code de conduite étudiante et dirige le comité de révision du Green Book, à l’AÉUM. Une proposition originale: instaurer une période de pause universelle à toutes les positions de l’université, pour que les étudiants puissent aller rencontrer leurs TA, ou bien les différents clubs, en d’autres mots, pour faciliter la participation à la vie du campus. Un point pour Emil Briones, qui a insisté pour faire l’entrevue avec Le Délit en français. D’ailleurs, une des problématiques qu’il adresse dans sa plateforme, est celle des cours de français deuxième langue, qui sont demandés mais auxquels beaucoup d’étudiants n’ont pas accès à cause des coupures budgétaires. C’est pour lui une priorité. Emil veut aussi ramener sur la table la demande des étudiants visant à obtenirir l’amnistie aca-
DE L’AVENIR TERNE On reproche à Robert de ne pas avoir d’expérience au SSMU, ce qu’il ne pense pas être difficile à acquérir, bien que demandant. Il veut faire la promotion des artistes de McGill avec plus de soirées intimistes au Gerts mais aussi en organisant des événements dans des lofts ou des bars locaux, avec lesquels il a déjà développé beaucoup de liens. Pour ce qui est du budget, il a lancé un café-coop dans sa ville natale, Calgary, et a donc «l’habitude des budgets de plusieurs milliers de dollars». Inna a beaucoup été inspirée par sa participation à l’organisation du Sustainable Case Competition et pense appliquer ce concept à plusieurs projets, comme une compétition pour le Frosh le plus vert, entre les facultés. Katie Larson et elle insistent sur la nécessité de revisiter la formation des Frosh leaders et s’assurer qu’ils puissent être une ressource tout au long des années d’études. Ayant assisté à plusieurs reprises au Conseil de l’AÉUM et en tant que présidente de l’association des étudiants de musique, Katie a conscience des problèmes de communications qui sont survenus entre différents groupes cette année, et note l’importance de s’engager de manière proactive dans une communication directe et impartiale avec les membres de l’AÉUM. Elle connaît aussi déjà le personnel du Gerts et du bâtiment Shatner avec lesquels elle devra travailler si elle est élue. Samuel veut s’occuper des francophones. Il pense qu’ils sont une partie intégrale de la communauté et voudrait s’assurer que toutes les communications des associations facultaires et de l’AÉUM soient bien traduites, ce que pourrait faire la CAF. Comme Inna, pour adresser le problème d’équité il pense organiser des semaines ou des événements à thèmes, pour promouvoir les différentes cultures. En temps que VP externe de l’association des étudiants en science, il veut «jouer le rôle de catalyseur» pour promouvoir les liens entre les facultés et donc entre leurs étudiants.
VP AU
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démique en temps de grève. De plus, il compte s’assurer que l’université adopte une politique d’équité similaire à celle adoptée lors du dernier Conseil de l’AÉUM et désire «unifier tous les documents universitaires sur l’équité.» Emil est contre la hausse des frais de scolarité car «l’éducation est un droit» (c’est ce qui est écrit en grosses lettres sur son programme) et comprends la problématique d’accessibilité aux études. En temps que VP Affaires Universitaires, il voudrait «rechercher comment augmenter l’engagement de l’université au sein de l’aide financière.» Haley Dinel pense qu’elle est «proche de l’administration» et que c’est ce qui la distingue de ses deux concurrents. Elle dit aussi avoir le pragmatisme nécessaire pour être capable de représenter l’opinion de tous les étudiants avec intégrité. Comme les deux autres candidats, elle est sénatrice cette année. Plusieurs de ses propositions, telles que les réunions du sénat filmées en direct et l’entrevue télévisée avec la principale, ont été mises en oeuvre presque immédiatement. Pour minimiser la polarisation au sein des voix étudiantes, il faut selon elle «apaiser les extrêmes, parce que les petits groupes qui disent représenter la majorité finissent par être aliénant pour la plupart.» Elle a tout du diplomate et, comme Matt et Emil, comprend les difficultés de faire changer d’avis l’administration. Sa stratégie: après avoir mobilisé les étudiants et les professeurs (qui sont très importants pour faire contrepoids au Sénat), choisir le moment opportun pour ramener une demande aux instances formelles et surtout la formuler dans les termes de l’administration.
VP FOpé
hi Zhen Qin a toutes les bonnes réponses. Elle connaît déjà les dessous du projet de café étudiant, y compris son emplacement, qu’elle doit garder confidentiel. Elle est prête à négocier avec l’administration s’il est nécessaire et même entamer des rénovations pour que le café voie le jour à la date prévue. Elle se sent aussi sûre d’elle même quant à sa compréhension du budget de l’AÉUM, dont elle a expliqué la structure de base, lors d’une entrevue avec Le Délit. Elle souhaite utiliser ce savoir pour continuer la politique de «porte ouverte» du présent VP FOpé afin d’expliquer le budget aux autres exécutifs mais aussi à tous les membres de l’association. Toute sa plateforme est d’ailleurs basée sur l’exécution judicieuse de tous les projets entamés par Shyam Patel, présentement VP Fops et candidat à la présidence de l’AÉUM. Elle dit «qu’étant donné qu’il est impossible de savoir la situation financière de l’AÉUM une fois que les rénovations de Gerts et du deuxième étage seront accomplies», elle préfère attendre avant de faire des promesses pour de nouveaux projets. JP Briggs semble avoir tout à fait compris son portfolio. Il est d’ailleurs confiant que ses études en Finances et opérations le qualifient particulièrement pour la tâche de VP Fops. Même s’il a entendu parlé du projet de café étudiant alors que le comité était déjà formé, ce projet l’intéresse beaucoup. Il dit avoir l’habileté pour s’adapter aux petits problèmes qui surgiront dans le processus et d’être en mesure de pouvoir mener à bien le plan d’affaires qui doit être approuvé par le Conseil de l’AÉUM dans les prochaines semaines. Zhi Zhen a quant à elle participé à la rédaction de ce plan d’affaires, étant sur le comité du café étudiant. Ce projet est le petit bijou de Patel et doit voir le jour en septembre prochain. JP a quant à lui quelques idées personnelles qu’il aimerait implémenter,
comme un service de livraison sur le campus, opéré par le café étudiant. Il pense aussi que les clubs et les services du SSMU «pourraient utiliser l’aide d’un groupe de travail de consultants en marketing», avec comme but final de «fusionner les différentes partie du campus». Il souhaite aussi restructurer les opérations de l’AÉUM car il pense que certains services, notamment en comptabilité pourraient se faire plus rapidement. JP est cependant mal vu par certains pour avoir activement participé à l’organisation du «Tribal Frosh» de la Faculté de gestion Desautels, qui a été grandement critiqué pour son caractère raciste et par la suite renommé. Claire Michela était là lors de l’échec du Haven Books et va prendre toutes les mesures nécessaires pour que ça n’arrive pas au futur café étudiant. Elle possède aussi un atout dans ce dossier, celui d’avoir suivi de près les négociations avec l’université pour le bail du bâtiment Shatner. Son projet à elle, ce sont les pay-as-you-go minicourses qui seraient donnés par les différents clubs spécialisés dans Gerts. Une manière croit-elle, «pour les clubs de se faire un peu d’argent» et pour les étudiants ne pas devoir s’engager dans tout un semestre de cours. Claire est la secrétaire du Conseil de l’AÉUM. Elle comprend donc très bien les procédés de l’Association et ses projets en cours. Elle a aussi l’habitude de devoir résumer les bilans financiers pour les minutes des réunions. Claire est donc un atout incroyable pour la mémoire institutionnelle au sein de l'exécutif. x
Par Emma Ailinn Hautecoeur
Élections
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IMMIGRATION
Des souvenirs à raconter
L’histoire de la vie de nombreux Montréalais déplacés par la guerre, le génocide et d’autres violations des droits de la personne. Geneviève Payette Le Délit
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e vous êtes-vous pas déjà demandés d’où venaient tous ces immigrants dans la ville? Comment se fait-il que Montréal ait une si grande diversité culturelle? Sans doute pour la bonne raison que notre belle ville est une terre d’accueil pour les réfugiés de plusieurs pays. En effet, d’après le recensement de 2006, la population immigrée représentait 11,5% des Québécois. Il est donc habituel de rencontrer des gens de multiples nationalités dans les rues de la métropole. Qu'ont-ils vécu pour ainsi quitter leur pays natal et venir s'installer au Québec, province de paix et de quiétude? C'est principalement ce à quoi le projet Histoires de vie Montréal s'est engagé; ouvrir les yeux à la communauté.
«Le bonheur n’est pas me-
suré par vos richesses. Le bonheur est le sentiment que vous avez l’espoir.» Muy Len Pong
En effet, c'est par le biais de centaines de témoignages que le projet se fera entendre au courant du mois de mars 2012. Histoires de vie Montréal est une alliance de recherche «université-communauté» basée à l'Université Concordia. La grande particu-
larité de ce projet réside surtout dans le fait qu'il regroupe une équipe de plus de 150 chercheurs et de 18 organismes assez hétéroclites; des Rwandais, des Cambodgiens, des Haïtiens, des Juifs réunis dans le seul but de changer le monde. Comment? En recueillant et en diffusant l'histoire de 500 Montréalais originaires de diverses régions. Pour faciliter la diffusion de leur message, de nombreux événements sont mis en place allant de la marche commémorative aux expositions. Les «Rencontres» se dérouleront majoritairement en français et en anglais. Elles se prolongeront jusqu'au premier avril. C'est jeudi dernier que les membres ont fièrement annoncé les activités qui auraient lieu prochainement. Madame Lisa Ndejuru, membre du groupe Rwanda, était très émue. «Je ne peux pas vous expliquer de manière courte et précise ce que ce projet a signifié pour moi», déclare-t-elle. Pourquoi raconter son histoire? «Mettre un visage humain sur des événements historiques peut amener le public à s'intéresser davantage aux droits de la personne, à se sentir concerné et éventuellement, à faire des gestes concrets.» Les événements auront donc lieu partout à Montréal dans l'espoir que les histoires de vie de ces courageuses personnes mènent à une réflexion de la part de la population, mais aussi du gouvernement. Par ce pro-
jet, les organisateurs veulent sensibiliser les gens au racisme et aux problèmes de violence qui pourraient par la suite survenir dans le monde. Pour transmettre plus facilement leur message, quelques témoignages sont accessibles en ligne ainsi que dans quelques musées, tels que le Centre commémoratif de l’Holocauste à Montréal.
«C’était au printemps 1939. C’était une belle journée. Ce jour-là, je suis sortie de l’école et ma vie a changé pour toujours. Les soldats entraient dans la ville avec leur tanks.» Liselotte Ivry
Les propos de Histoires de vie Montréal sont divers et sont exprimés à travers dix réflexions principales. Le premier point résume bien le projet : «Le partage d'histoires de vie, rapproche les gens de toutes les cultures, dans une perspective de réappropriation de l'histoire et de libération des personnes et de leurs communautés. Ce travail a une dimension réparatrice pour tous les témoins.» Le côté historique du projet demande quant à lui «l'appui gouvernemental à la création de centre d'archives ou de documentation communautaire, car elle est essentielle au transfert
des connaissances des nouveaux arrivants d'une génération à l'autre ainsi qu'entre les différentes communautés.» Pour ce qui est du côté plus humain, on explique que «la compréhension de l'histoire personnelle est essentielle à la compréhension de l'histoire dans son ensemble: apprendre avec les gens est mieux que de simplement apprendre sur eux.» Les survivants, quant à eux, ont apprécié l'importance qu'on leur a soudainement donnée. Ils sont ravis d'être entendus et reconnus par des chercheurs en ce qui concerne leur passé. Les rescapés de certaines tragédies sont donc fiers de montrer qu'ils ont réussi à continuer de vivre, malgré les drames du passé. Le poids est plus léger à supporter après toutes ces années de silence. Nolsina Yim, membre du groupe Cambodge, affirme que les Cambodgiens «ont redécouvert et se sont réappropriés leur Histoire avec un grand h grâce à ces petites histoires racontées». Ils peuvent enfin dire ce qu'ils ont vu, entendu et ressenti. Sans accablement, ni culpabilisation, tous ces gens tentent de transmettre la reconnaissance qu'ils ressentent d'être vivant aujourd'hui. Grâce aux témoignages rassemblés depuis 5 ans, la population perçoit en ce mois de mars les victimes d'une nouvelle façon; ils sont devenus les éducateurs de notre histoire et non pas les victimes. x
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POLITIQUE FRANÇAISE
Français de l’étranger, votez à l’étranger! Cette année, pour la première fois, des députés seront élus pour représenter les français habitant à l’étranger. Fanny Devaux Le Délit
E
n France, les élections législatives se déroulent tous les cinq ans pour élire les représentants de toutes les circonscriptions métropolitaines et des départements d’outre-mer à l’Assemblée Nationale. Cette institution rassemble 577 députés dont pour la première fois en 2012, 11 députés pour les Français de l’étranger. Les quelque 2,3 millions de Français résidant à l’étranger seront représentés pour la première fois à partir de cette année. Six députés pour les Français résidant en Europe, deux pour ceux résidant en Amérique, deux pour ceux résidant en Afrique et un pour ceux résidant en Asie ou en Océanie. Les onze circonscriptions ont été créées par le redécoupage électoral dont l’annonce a été faite dans le journal officiel du samedi 27 juin 2009. La Première Circonscription des Français établis hors de France est celle qui regroupe les États-
10 Société
Unis d’Amérique et le Canada ce qui représente une population de 202 014 Français inscrits sur les registres consulaires en 2011. Plus précisément, le Canada est découpé en deux circonscriptions (Est et Ouest) et les États-Unis en quatre. Pour les prochaines élections législatives, qui se dérouleront les 10 et 17 juin 2012, les candidats en lice représentent les partis politiques les plus présents dans la métropole. En effet les candidats sont Fréderic Lefebvre représentant l’Union pour un mouvement populaire (UMP), Carole Granade, le MoDem et Corinne Narassiguin, le Parti socialiste (PS). On retrouve aussi plusieurs candidats indépendants: Julien Balkany, Mike Remondeau et Antoine Treuille. L’inscription au registre consulaire, obligatoire pour toute procédure administrative à l’étranger oblige les expatriés à voter dans la circonscription à l’étranger. Dans l’ordonnance du 29 juillet 2009 portant sur la répartition des sièges et délimitation des circonscriptions, le député Charles de La Verpillière,
précise qu’il n’a pas été possible de délimiter des circonscriptions ayant une certaine cohérence géographique et qui soient toujours d’un poids démographique comparable. Ainsi, alors que la première circonscription, qui correspond à l’Amérique du Nord, compte un peu plus de 158 000 inscrits sur les registres consulaires, la deuxième circonscription, qui correspond à l’Amérique centrale et à l’Amérique du Sud, ne compte qu’un peu plus de 79 000 inscrits sur les registres consulaires. Le message de campagne de Julien Balkany, par exemple, précise que «c’est un changement radical et une opportunité que nous devons apprécier à sa juste mesure». D’après le site de campagne du candidat de l’UMP, «un député représente sa circonscription, mais aussi la nation toute entière». À ce titre, son rôle est d’apporter un regard nouveau grâce a son expérience à l’étranger dans le travail à l’Assemblée Nationale. Parce qu’ils jugent les débats nationaux trop «franco-français», il
est apparu nécessaire d’apporter ce regard nouveau. Balkany reprend: «Cette élection est une occasion unique pour nous de faire entendre notre expérience internationale et de donner à notre représentant la légitimité nécessaire pour défendre nos intérêts et peser dans le débat national». Ainsi, à l’heure où le débat politique se focalise sur l’Union Européenne, le nouveau découpage électoral propose une dimension plus internationale. Les résultats des élections présidentielles de 2007 annoncent, sans grande surprise, que la couleur politique des circonscriptions des électeurs de l’étranger est plus clairement à droite que la métropole. Par exemple, les Français d’Amérique du Nord ont soutenu l’UMP avec 57% des votes pour le candidat Sarkozy. Il faudra savoir si les expatriés s'impliqueront dans la campagne électorale autant que certains de leurs compatriotes en France le font en ce moment. Lecteurs français, n’oubliez pas d’aller aux urnes le 10 juin pour élire votre représentant! x
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BALLET
L’envol des Ukrainiens
Le Lac des cygnes par le Ballet national d’Ukraine: une performance solide Annie Li Le Délit
L
a compagnie qui a été renommée récemment est mieux connue sous le nom de Ballet de Kiev. Elle compte une riche histoire depuis 1860 et les danseurs ukrainiens sont éparpillés dans les grandes compagnies de ballet du monde. La compagnie invitée par les Grands Ballets Canadiens a offert du 8 au 11 mars une performance qui a respecté toutes les règles de l’art, couronnée par l’excellent premier rôle d’Odette/Odile, interprété par Natalia Matsak lors de la représentation de vendredi dernier. Fadeur et manque de tonus Le rideau se lève sur la cour du prince, dans un décor mièvre
et aux costumes paysans désuets pour les yeux nord-américains. La robustesse et l’homogénéité du corps de ballet féminin parvient toutefois à les faire oublier, alors que le corps de ballet masculin manquait généralement de tonus. Denis Nedak, dans le rôle du prince Siegfried, a la noblesse et le lyrisme nécessaires pour exprimer la pureté des intentions princières. Sa technique est par contre plus faible: en dépit d’une bonne élévation et de la puissance de ses sauts, le danseur manque de précision, et ses mouvements sont mal définis. Le soliste Ievgen Lagunov arrive à éclipser ce dernier lors du «pas de trois», par son contrôle absolu, notamment lors des tours en l’air, et par la finesse de ses mouvements.
Lors du passage au deuxième acte, le même décor insignifiant devient soudainement majestueux grâce aux éclairages bleutés, conférant des tons aigue-marine envoûtants à la forêt et au lac enchantés. Le sorcier Rothbart, incarné par Jan Vania, a juste ce qu’il faut de sinistre et menaçant, sa technique étant aussi impeccable que celle de Lagunov. Un duo émouvant La rencontre entre Siegfried et Odette est émouvante, et c’est Natalia Matsak qui occupera le feu des projecteurs pour le reste de la soirée. L’exécution des pas est quasi parfaite, la danseuse se montre d’une exquise délicatesse et d’une belle retenue, les extensions sont hautes et les mouvements de bras de cygne sont aériens. Le «pas de
deux» blanc ne déroge pas à la tradition et constitue un des meilleurs moments du ballet avec son romantisme raffiné. Lors du bal au château médiéval, quatre princesses sans éclat font la cour à Siegfried, alors que Rothbart arrive avec sa fille Odile, vêtue d’un tutu noir somptueux, et qui se fait passer pour Odette. Des danses folkloriques slaves font patienter avant la perfide danse de séduction d’Odile. Matsak réussit à se métamorphoser sans surjouer. Le menton est haut, le regard perçant, le sourire malicieux, mais tout en subtilité. Là encore, le «pas de deux» noir, l’élément central du ballet, est solide et d’une grande beauté, comme la série de fouettés bien exécutée, pas vraiment spectaculaire, mais propre.
Photo: Alexandre Putrov
La dernière scène fait la part belle au corps de ballet féminin, toujours constante, avec ses grandioses nuées de cygnes attristés par la promesse de Siegfried d’épouser Odile. La version du Lac des cygnes dansée par le Ballet national d’Ukraine opte cependant pour un dénouement heureux. Soulignons l’interprétation réussie de la partition de Tchaïkovsky par l’Orchestre des Grands Ballets canadiens de Montréal et le premier violon Geneviève Beaudry, conduits par le chef invité Oleksiy Baklan. Finalement, il s’agit d’un classique que les amateurs de ballet connaissent par cœur et le Ballet national d’Ukraine leur a bien servi l’enchantement qu’ils voulaient. x
OPÉRA
Un souper plus qu’imparfait
Rossini et ses muses – Le grand dîner, de l’Opéra de Montréal, occupe le Monument National et assassine l’opéra. Florent Conti Le Délit
P
ersonne ne savait à quoi s’attendre et l’Opéra de Montréal nous a surpris. Mais ce n’était pas une belle surprise, pas comme lorsqu’on se rend à un spectacle et que toutes nos attentes prennent une belle leçon d’humilité devant le génie artistique du créateur. Avec Rossini et ses muses, on se demande plutôt ce qui est en train de se passer pendant les deux longues heures et demies de représentation pendant lesquelles même le Monument National a l’impression de perdre son temps. Marie-Nathalie Lacoursière qui signe le scénario «original» du spectacle n’est pas exempte de tout reproche. Supposément un pot-pourri des œuvres de Rossini regroupées en un souper où des convives inattendus chantent des airs allant du Barbier de Séville à Guillaume Tell. Le tout est si mal dirigé qu’il donne le sentiment d’un travail bâclé et dommageable pour la réputation de l’opéra.
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Arts & Culture
On ne peut en effet réduire des airs créés pour être grandioses à un duo piano et voix qui détruit complètement la mélodie des œuvres majeures de l’opéra de Rossini. On ne peut faire apprécier ces œuvres par une sorte de répétition d’opérette costumée. Sans parler de la prestation de la pianiste qui n’avait rien d’une virtuose lors de la première. En plus d’un premier acte complètement inutile et ostensiblement là pour meubler les minutes, le concept de Marie-Nathalie Lacoursière n’est pas sans risque. Non seulement ces risques semblaient trop gros pour les capacités des protagonistes sur scène, mais ils étaient simplement inappropriés. Ce ne sont pas les fausses notes ni la narration maladroite qui causent du tort à la pièce – bien qu’elles y contribuent. L’idée était intéressante: regrouper dans une création originale des airs de Rossini et retracer les œuvres du maestro part d’un honnête sentiment.Ce n’est pas non plus le travail ni le talent qui manquent. On ne doute pas que tous ces ténors,
sopranos ou barytons, et surtout alto en ont. Simplement, il était peut-être trop tôt pour affirmer que ce sont les plus grands talents de demain. De plus, rien ne leur permettait d’exprimer leurs aptitudes, tenus par un encadrement artistique peu serein. Les efforts sont passablement notables, mais on ne vient pas à l’opéra pour admirer l’effort ou l’intention du créateur: c’est plutôt ce que l’on voit et entend qui compte. Supposément accessible à un plus large public, Le grand dîner n’aura pour but que de faire s’éloigner les curieux et confirmer aux cyniques que l’opéra n’a plus rien à offrir et reste d’une ringardise sans égale. Une fois le rideau tombé, on fait semblant d’applaudir car on n’ose d’ailleurs plus siffler comme au temps de Rossini. Le souper s’avère donc aussi vide que les assiettes dans lesquelles les plats fictifs sont servis. On ne croit pas une seule seconde à ces jeunes bons élèves qui récitent leurs leçons de chant trop bien apprises. En fait, peut-être pas assez. Le projet était présomptueux et les
Gracieuseté de l’Opéra de Montréal
chanteurs (car c’est ce qu’ils sont) se perdent dans un labyrinthe amateur mal dirigé et mal interprété. Personne ne sauve la mise si bien qu’aucun artiste ne ressort vainqueur de sa prestation La leçon de la soirée est qu’il faut bien plus qu’une institution réputée telle que l’Opéra de Montréal pour créer quelque chose d’ingénieux avec des vieux classiques. En fait, on ferait mieux de se tenir à ces bons vieux classiques qui proviennent d’un réel travail artistique et qui ont une raison d’exister. Il est
préférable de s’ennuyer pendant le Barbier de Séville ou Cendrillon de Rossini, plutôt de subir cette torture contemporaine qui fait mal à l’opéra. Rossini et ses muses est de ces spectacles qui n’entrent pas dans l’histoire et auraient du laisser la place à d’autres projets plus audacieux. Ne désespérons pas, ces projets existent. x Rossini et ses muses – le grand dîner Où: Monument National 1182 Boul. St-Laurent Quand: 13, 15 et 17 mars
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THÉÂTRE
Songe d’une nuit éclatée La Manufacture nous convie à une joyeuse soirée de théâtre intimiste à la Licorne. Annie Li Le Délit
T
itre: Midsummer, une pièce et neuf chansons. Les protagonistes: Isabelle Blais et Pierre-Luc Brillant, duo qu’on avait remarqué dans le film Borderline. Le titre et les comédiens suffiraient sans doute à attirer les curieux. La pièce s’avère être une comédie folk, portée avec bonheur par deux complices entre qui la chimie fait des étincelles. Le texte coloré de David Greig a été traduit par Olivier Choinière dans un français québécois qui retranscrit avec justesse l’autodérision et ses gags incessants. Le thème de la sempiternelle crise de la trentaine et le ton désopilant ne sont pas sans rappeler le film Les poupées russes de Cédric Klapish. Bob est un homme désillusionné qui vit de la pègre. Helena est une avocate spécialisée dans le divorce, délaissée par son amant. Grâce
au texte de Greig qui donne accès aux pensées décalées des personnages, ils deviennent tous deux irrésistiblement attachants. La mise en scène de Philippe Lambert est d’une simplicité redoutable qui met à contribution l’imagination des spectateurs: avec une chaise, une table, deux lampes et un paravent, il arrive à faire voyager le spectateur à Édimbourg, le temps d’une fin de semaine autour du solstice d’été. La course de Bob contre la mort représentée par des marionnettes d’ombres chinoises est à la fois prenante et loufoque. Vu l’étroitesse de la scène, la proximité des spectateurs et l’ambiance bon enfant, on se croirait convié à un cabaret maison chez deux amis artistes parmi les plus talentueux de leur génération. Le plaisir sincère des deux comédiens à jouer sur la petite scène ne fait qu’ajouter à ce charme. On note toutefois, lors de la
deuxième représentation, quelques hésitations lors de l’échange des répliques. Les comédiens naviguent habllement entre la narration externe de leur propre histoire et la personnification de leurs rôles. Ils se glissent dans la peau de leurs personnages somme toute typiques et passent à travers les gammes d’émotions avec un naturel déconcertant; Brillant laisse bien percevoir la tristesse derrière la muraille alors que la toujours radieuse Blais est une romantique dans le déni. Tous les deux sont pris dans leurs histoires sans lendemain, dans la poursuite inavouée de leurs rêves fanés. C’est à croire qu’à 35 ans, la vie est finie, que tu seras jamais ce que tu es pas déjà». Et pourtant, il reste encore de la place pour la folie, ou le légendaire 48 heures de perdition», grâce aux 15 000 dollars que Bob a en sa possession. Le talent des musicienschanteurs vu chez les groupes
Batteux-Slaques et Caïman Fu se confirme également sur la scène de la Licorne. Gordon McIntyre a composé les pièces aux mélodies et paroles simples («l’amour brise les cœurs»), sympathiques et humoristiques («si ma gueule de bois était un sport/ce serait le dard»), à l’image de la pièce, et interprétées à deux guitares.
Midsummer est donc une pièce plus attendrissante qu’acidulée, dont on connait l’issue et qui ne renouvelle rien dans son genre, mais qu’on regarde avec un sourire béat jusqu’à la réplique finale. Pièce qui vaut le détour grâce à ses acteurs de rêve dans un «deux pour un» de théâtre et de chanson. x
Gracieuseté de La Manufacture
CHRONIQUE
Les filles à l’envers ou la musique du bruit Pour la journée de la femme, ce 8 mars 2012, la Maison de la culture du Plateau-Mont Royal nous proposait soixante minutes de musique bruitiste. Camille Pally Le Délit
L
’œuvre des Filles à l’envers est une musique abstraite ou encore musique expérimentale. Elle a pour principal objectif d’assembler des sons dissonants et discordants, voire abrupts pour s’opposer à la définition conventionnelle de la musique. Elle s’attache tout particulièrement à explorer les caractéristiques des sons, celles de leur structure ainsi que leur effet sur l’auditeur. C’est à travers ce genre musical qui s’inspire de l’électroacoustique, de la musique improvisée et industrielle ou encore du jazz que le groupe Les filles à l’envers a choisi de
s’exprimer. Un concert innovant de musiques improvisées et de sons joués sur des instruments traditionnels, inventés ou électroniques et qui s’articule autour de six numéros. Musiciens et gens d’affaires chevronnés Ce groupe est une initiative de la compagnie Productions SuperMusique et de la musicienne Magali Babin. L’organisme, créé en 1979, s’est voué au développement de la création et de la production de musique expérimentale et ce notamment à travers des installations sonores, des performances multimédia et des tournées internationales. Quant à Magali Babin, active sur la scène musicale expéri-
mentale et improvisée depuis les années 80, son travail repose sur un jeu d’interactions sonores d’objets de notre quotidien. Sa démarche s’appuie sur différents dispositifs électroniques et micros pour mettre en lumière notre rapport aux sons et aux objets. La clarinettiste du groupe, Lori Freedman, est connue pour ses compositions innovatrices pleines de créativité et empreintes de musique contemporaine et électroacoustique. Cette virtuose travaille avec des artistes visuels, des comédiens et des danseurs. En 1998, elle reçoit le Freddie Stone Award, une récompense créée en 1991 en l’honneur du trompettiste jazz de Toronto, Freddie Stone. Ce
prix est accordé à des artistes canadiens ayant étudié et interprété de la musique acoustique instrumentale ou vocale. Désormais, il est aussi susceptible d’être accordé à des artistes œuvrant pour la recherche de nouveaux modes d’expression musicaux, telle la musique improvisée. Une autre figure clef de ce groupe déjanté est Joane Hétu, qui est aussi la codirectrice de Productions SuperMusique depuis plus de vingt-cinq ans. Depuis les années 90, cette artiste propose un travail mêlant textes, saxophone et autres expérimentations vocales. Une passion qu’elle cherche à véhiculer puisque depuis 2003, elle organise des ateliers d’introduc-
tion à la musique actuelle pour les jeunes. Myléna Bergeron, la dernière musicienne du groupe, s’est tournée après ses études à l’Université de Montréal vers la musique électronique expérimentale et l’improvisation sonore notamment par des prises de son en direct. Et pour finir, l’homme de la bande, Alexander MacSween, musicien et compositeur, a participé à de nombreux projets de danse, théâtre et de cinéma et a aussi créé de nombreuses installations sonores. Les filles à l’envers propose une expérience surprenante à revivre le 13 mars à 20 heures à la Maison de la culture Côtedes-Neiges. x
Le 20 mars, Le Délit publiera son spécial SPORT. Envoyez vos soumissions dès maintenant! rec@delitfrancais.com
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Arts & Culture
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CINÉMA
Le top du box-office français au Québec
Le Délit s’entretient avec l’acteur François Cluzet et Olivier Nakache, réalisateur du film Les Intouchables.
L
es Intouchables, sorti le 2 novembre 2011 en France, cumule presque 20 millions d’entrées, et s’est hissé au troisième rang de toute l’histoire du box-office français, juste derrière Titanic et Bienvenue chez les Ch’tis. Le film raconte l’histoire vraie de Philippe, un riche aristocrate qui, à la suite d’un accident qui l’a rendu tétraplégique, engage comme aide à domicile Driss, un jeune banlieusard en réinsertion sociale. Leur deux univers se rencontrent pour donner naissance une histoire d’amitié inattendue. Le Délit rencontre François Cluzet, l’un des acteurs du film pour la première au Canada.
du corps par des mouvements de tête. Tout passait uniquement par le regard. LD: La complicité qu’on perçoit à l’écran entre Omar Sy et vous existait-elle aussi dans la vie réelle? FC: Oui, voilà! Grâce à mon partenaire, je devenais un spectateur, un partenaire de sa facétie, de sa fantaisie. C’est une belle histoire d’amitié. Omar est quelqu’un de très ouvert, de très généreux et ça m’est plus facile de parler de lui que de parler de moi.
Le Délit: Comment vous êtes-vous préparé pour le film? François Cluzet: On est allé voir Philippe Pozzo di Borgo, le tétraplégique qui a vécu cette histoire pendant dix ans avec son auxiliaire de vie. C’était stupéfiant. Le film lui ressemble dans beaucoup d’aspects; cet homme a un caractère hors du commun. Il a décidé d’être positif alors qu’on peut se douter qu’il souffre. Pour lui, l’humour était la bonne façon d’aborder le sujet.
LD: Est-ce que vous pensez que le film va autant toucher les Québécois que les Français? FC: C’est un film qui va facilement dépasser les frontières. Il a été très bien accueilli en Allemagne. Il nous dépasse, et ce n’est pas à cause des acteurs, du scénario ni de la production. C’est une comédie de fond. Normalement les comédies sont un peu superficielles, mais là on a une comédie profonde. Peutêtre que c’est un genre un peu nouveau; en tout cas c’est assez peu fréquent.
LD: En quoi ce rôle était-il un défi? FC: Je ne suis pas un acteur cérébral ou intellectuel; je suis plutôt un acteur physique, mais j’étais cloué à ce fauteuil à ne pas pouvoir bouger. Cela n’empêche pas de sourire, d’avoir de l’esprit, de partager une culture. Le défi était aussi de penser que la nature a horreur du vide et qu’on ne pouvait pas compenser l’immobilité
LD: Est-ce que vous avez peur de l’accueil du public étatsunien? Olivier Nakache: Peur? Non, pas du tout. Au contraire, j’ai envie que le plus de Noirs américains possible voient le film. FC: Je suis impatient mais je n’ai pas peur. Je le dis en toute modestie, le film nous dépasse, nous les acteurs. Le film est réussi; ça ne veut pas dire qu’il plaira à tout
le monde mais il est fluide, c’est une comédie de fond, ce qui nous change des comédies françaises qu’on a l’habitude de voir où on se fout simplement de la gueule de l’autre. LD: Et ce malgré que le film ait été accusé de racisme par un critique américain? FC: Évidemment, ils n’ont pas remarqué ça, mais je pense que c’est culturel. Il faut savoir qu’en France le racisme n’existe que très peu. Il est évidemment stigmatisé par un parti politique qui fait des choux gras avec, mais le Français n’est pas raciste ni antisémite. ON: À propos de la critique, il y en a une qui a été vue avec des yeux d’Américains très attachés aux valeurs américaines. En France on a une histoire différente. De ne pas avoir compris ça, c’est carrément naze. Il faut dire que le critique a dit «c’est le fort Blanc qui assouvi le faible Noir», alors que Jean-Marie Le Pen a dit l’inverse : «c’est le fort immigré qui sort le Blanc». Chacun y voit quelque chose. Je pense que le critique n’aurait pas écrit ça après vingt millions d’entrées. Il n’y a que sur le territoire américain qu’on nous demande pourquoi on a pris un Noir pour le rôle d’auxiliaire de vie, alors que le vrai est arabe. On a pris un Noir parce que ça fait dix ans qu’on travaille avec Omar et que pour nous c’était le seul qui pouvait avoir le rôle. Cela dit, on a fait deux projections à New York et ça a été super. J’attends les retours avec impatience. Je mise sur l’intelligence des gens.
LD: Vous étiez à New York pour la représentation? FC: Oui, on en arrive. Ça s’est très bien passé. Des handicapés, hélas, il y en a dans tous les pays, mais ça touche tout le monde parce que parfois ce n’est pas des handicaps aussi lourds que la tétraplégie. Parfois, il y a des handi-
caps émotionnels: vous perdez un enfant, un parent, vous êtes simplement vulnérables et vous vous retrouvez handicapés. On est tous un peu handicapés quelque part. C’est l’histoire d’une vie, c’est notre histoire. x Propos recueillis par Fanny Devaux et Marie de Barthès.
Photo: Marie de Barthès
Gracieuseté d’Alliance Films Media
JUTRA 2012
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Caricature par Matthieu Santerre. Composition par Lindsay Cameron.
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Arts & Culture
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CHRONIQUE PHOTO
Sara Naim, photographe du son Margaux Meurisse | Photo m’a-t-on dit?
Photographier son morceau de musique fétiche, c’est le pari réussi de Sara Naim. Cette jeune photographe de Brooklyn a exposé en Allemagne et à Dubaï et s’est fait connaître grâce à sa série étonnante intitulée Beethoven-Moonlight Sonata. À première vue, on a devant les yeux douze clichés de lait bouillonnant, agité par une force dont on ignore la source. Cette pâte grisâtre photographiée renferme contre toute attente la trace figée des vibrations
sonores d’une grandiose symphonie de Beethoven. La photographe nous dévoile avec plus de précision son projet à travers ces quelques lignes: «This body of work looks at translating sound into a photographic image. Ludwig Van Beethoven’s symphony vibrates through milk. He composed this piece in the early 1800’s for his blind pupil and lover, Giuletta Gucciardi. Gucciardi said to Beethoven that she wished she could see the moonlight. Beethoven then composed a piece about the moonlight’s reflection off Austria’s Lake Lucerne, called Moonlight Sonata.» En capturant le mouvement de ces vibrations sonores qui varient en fonction de la fréquence et de la longueur d’onde, l’artiste nous propose une représentation visuelle du son, une matérialisation de l’invisible. Cette traduction du son sous la forme du concret et du matériel accorde à la photographie d’autres qualités et caractéristiques que l’on ne soupçonnait pas. Alors que Beethoven a créé ce morceau
pour permettre à sa bien-aimée aveugle de voir et s’imaginer le clair de lune, Sara Naim a décidé de rendre une visibilité entière à cette symphonie. Pour retracer l’origine de cette expérience, il faut remonter jusqu’en 1787 et se pencher sur le travail d’Ernst Chladni, inventeur de l’acoustique moderne. Bien avant l’apparition de la photographie, ce chercheur réalise une expérience qui va permettre de capturer, grâce à un dispositif scientifique, le mouvement sonore et ainsi observer les figures de formes géométriques qui apparaissent. Afin d’obtenir de tels résultats, il saupoudre de sable une plaque de cuivre et en frotte le bord à l’aide d’un archet. Ces deux expériences ont comme point commun de proposer une interprétation visible et concrète du son qui participe à démystifier sa présence. En effet, dans les années 1920, les débuts des ondes radios ont suscité de nombreuses inquiétudes et interrogations sur la provenance
de ces voix grésillantes qui semblaient appartenir à l’au-delà. La plupart des scientifiques de l’époque travaillaient de pair avec le paranormal. S’ils avaient pu voir à travers des clichés les traces de cette voix, ils auraient certainement éprouvé moins de frayeur à son égard. Enfin, un journa-
liste a posé la question suivante à Sara Naim: «Quel est votre travail?», ce à quoi elle a répondu: «Traduire la philosophie en des métaphores visuelles». Qui sait, peut-être que dans quelques années, il sera possible de commander la série photo de n’importe quel morceau sur iTunes! x
Photo: Sara Naim
Triste que Joannie ait quitté la
Star Ac’?
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De Tina Fey à Gombrowicz Laure-Henri Garand | Chemin de croix
En cette semaine «post-journée-de-la-femme», quoi de mieux qu’un hommage à une femme riche et célèbre, pour s’éduquer sur la lutte féministe? Un article de Lise Payette, probablement. Une des choses qui m’a semblée absente dans la tornade médiatique qui a pré-
cédé et suivi la célèbre journée internationale de la femme est la question de l’humour. Je ne parle pas de cet humour bien connu et présent dans nombre de satires activistes comme les Monologues du vagin, mais plutôt un autre type d’humour, moins engagé semble-t-il, qui ne cherche pas à encenser la femme, mais plutôt à la traiter comme n’importe quel autre sujet: un être ridicule, bourre de défauts comiques et exaspérants. C’est en quelque sorte ce à quoi travaille Tina Fey, auteure et comédienne de la série américaine 30 Rock. Lorsqu’on lui pose la question de la signification sur le plan féministe de sa nomination en 1999 au poste de scénariste principale (head-writer) à l’émission Saturday Night Live –la première nomination féminine depuis la création de
l’émission en 1975– celle-ci répond humblement que cette nomination était plus circonstancielle qu’engagée. La plus jeune lauréate du Mark Twain Prize for American Humor en 2010, Tina Fey est l’une des femmes humoristes les plus respectées, et son autobiographie Bossypants, ainsi que son personnage de Liz Lemon dans 30 Rock, soulignent la capacité de la comédienne à unir humour et réalité féminine. Dans Bossypants, publié en 2011, Tina Fey porte un regard à la fois touchant et ridicule sur le chemin qui la mènera de jeune fille maladroite à l’apparence vaguement masculine («an achievement-oriented, obedient, drugfree, virgin adult»), au sex-symbol aux lunettes de secrétaire que nous connaissons aujourd’hui, représentante involontaire d’une nouvelle vague d’humo-
ristes qui comprend entre autre Amy Poehler, Kristen Wiig et Sarah Silverman. Ce qui frappe d’abord dans Bossypants est le ton «non justificateur» utilisé par Fey, passée maître dans l’art de rire d’elle-même, pour raconter ses différentes expériences. La thèse générale de son livre, s’il en est une, pourrait être résumée par la phrase suivante: «Do your thing and don’t care if they like it ». Pour Fey, qui reconnaît toutefois avoir fait son entrée dans le milieu à un moment où les mentalités étaient déjà en train de changer, le meilleur remède au sexisme demeure le travail. Ce n’est pas dire que Fey (ni moi d’ailleurs) ne soit contre l’action militante féministe, mais plutôt que le travail concret semble d’une certaine manière plus efficace que la lutte sur le plan des idées, ou des lois.
Dans cette perspective (et de manière un peu affectée), Bossypants me rappelle un passage du deuxième tome du journal du polonais Witold Gombrowicz concernant la quête identitaire artistique de l’Argentine, son pays d’adoption: «Il est stupide de penser qu’on peut se constituer une nationalité en suivant un programme. Elle doit venir d’ellemême. Comme la personnalité à l’échelle individuelle.» Cette réflexion peut s’appliquer selon moi à l’identité féminine. Celle-ci trouve en réalité sa force dans les individus, qui, comme Tina Fey le fait avec son humour, ne parlent pas au «nous» mais au «je», participant ainsi à créer une identité plus authentique, plus solide, qui ne repose plus sur les lois, mais sur une réalité concrète.x
Arts & Culture
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La Société des publications du Daily présente
JOURNALISM WEEK 2012
LA SEMAINE DU JOURNALISME ÉTUDIANT 2012
S B N ! 3 2 ! J E O EV!MV
T S B N ! 6 2 ! J E V F K T!BV!
Lundi
Mardi
PRÉSENTATION SUR LE JOURNALISME ART & MODE: LOLITTA DABOY, JOURNALISTE, BLOGUEUR ET CONSULTANTE POUR FASHIONISEVERYWHERE.COM, CLINDOEIL.CA ET AUTRES TODD PLUMMER, INTERNE, VOGUE PAVILLON SSMU, SALLE LEV BUKHMAN 11:30 H À 12:30 H
DEPUIS LES PREMIÈRES LIGNES: LA LUTTE POUR LA DÉMOCRATIE JOURNALISTE HONDURIEN FELIX MOLINA, EN COLLABORATION AVEC LE COMITÉ DE JUSTICE SOCIALE DE MONTREAL PAVILLON TROTTIER, SALLE 1090 15 H À 17 H
Mercredi GROUPE DE DISCUSSION: MIKE FINNERTY, CBC DAYBREAK ELLIE MARSHALL, TVM – TÉLÉVISION ÉTUDIANTE DE MCGILL GRETCHEN KING, CKUT DOMINIQUE JARRY-SHORE, RÉDACTRICE EN CHEF, MONTRÉAL – OPENFILE DES RAFRAÎCHISSEMENTS SERONT FOURNIS. PAVILLON LEACOCK, SALLE 232 18 H À 20 H ATELIER D’ÉDITION AVEC TVM – TÉLÉVISION ÉTUDIANTE DE MCGILL PAVILLON SSMU, BUREAU DE TVM, B-23 16:30 H
ATELIER CAMÉRAS AVEC TVM – TÉLÉVISION ÉTUDIANTE DE MCGILL PAVILLON SSMU, BUREAU DE TVM, B-23 16:30 H
Jeudi CONFÉRENCE: LE JOURNALISME D’ENQUÊTE ALAIN GRAVEL, JOURNALISTE D’ENQUÊTE QUÉBÉCOIS ET ANIMATEUR DE L’ÉMISSION ENQUÊTE, DIFFUSÉ SUR RADIO-CANADA WHISPER TRANSLATION AVAILABLE PAVILLON DES ARTS, SALLE W-120 18 H À 20 H RÉCEPTION VIN & FROMAGE SALLE DE BAL DE THOMSON HOUSE 20 H À 22 H
le délit