le délit
delitfrancais.com Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill
le seul journal francophone de l’Université McGill
La
u o r e
é r ma
Le mardi 27 mars 2012 | Volume 101 Numéro 22
) 5 ( ge
Diantre, Kevin, continuons de ce pas depuis 1977
Éditorial
Volume 101 Numéro 22
le délit
Le seul journal francophone de l’Université McGill
rec@delitfrancais.com
Après la manif Anabel Cossette Civitella Le Délit
C
e que tout le monde répète au sujet de la manifestation du 22 c’est qu’avec une démonstration de force aussi tranquille, le gouvernement sera pointé du doigt s’il y a des développements violents dans les prochains jours. Vrai, d’autant plus que les médias accordent de plus en plus d’attention au mouvement. Pour CBC par exemple, Mike Finnerty disait qu’une semaine avant la manifestation nationale, un tiers, si ce n’est la moitié, des ressources journalistiques était consacré aux protestations étudiantes. Imaginez les moyens investis dans la couverture médiatique le jour J. Pour vous donner une idée, chaque hélicoptère des médias brulait environ 1 000 dollars par heure lorsqu’ils survolaient la ville, jeudi dernier. Les ressources médiatiques déployées le 22 mars comptent nécessairement dans la balance de l’opinion publique. Entre autre, La Presse écrivait «100 000» en première page, en caractère 72, le 23 mars dernier. Alors que tous les médias, et même des journalistes du dit journal annonçaient que la manifestation nationale contre la hausse des frais de scolarité avait été historique, La Presse a pris la décision éditoriale que la manifestation n’entrerait pas dans l’histoire. Journal vendu aux intérêts libéraux? En tout cas, pour tous les lecteurs indéfectibles du journal propriété de Gesca, la manifestation restera associée à 100 000. Point final. (Un autre exemple de la force des médias: Jean-René Dufort a autant fait crier les rangs des manifestants que les discours de Martine Desjardins.) Tout de même, la journée a été tranquille pour les médias qui s’ennuyaient, au point où ils ont dévolus leurs efforts à faire ressortir les petits conflits entre associations nationales (FEUQ vs ASSE) pour passer le temps. Les journalistes étaient sur les dents après la marche, attendant le coup d’envoi des effusions de sang qui ne sont jamais arrivées. Le mouvement étudiant a passé le test, il continuera à attirer la sympathie citoyenne… pour encore quelque temps, du moins.
2 Éditorial
En effet, le plus dur est à venir: garder le mouvement étudiant audessus du niveau de l’eau. Combien de temps faudra-t-il pour que la mobilisation étudiante devienne de l’acharnement de manifestants aux yeux des citoyens? Pour l’instant les Associations ne se disent pas vaincues mais il est bien évident que les étudiants qui sont en grève depuis le 14 février (en tant que membres de la CLASSE) ne pourront bientôt plus se permettre de se tourner les pouces. Ils devront bientôt réinvestir leurs classes. Nota Bene – Le budget L’Université McGill appuie la hausse, car elle s’accorde avec la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec (CREPUQ) qui dit le système universitaire québécois en déficit. Ironiquement, McGill se dit très satisfaite de l’annonce du budget Bachand annoncé la semaine dernière. Le gouvernement s’engage à donner 35 millions pour la rénovation du Pavillon Wilson, le bâtiment abritant l’École des sciences infirmières et l’École de service social. Et après on se plaint du sous-financement? Comme le dénonçait le Groupe de mobilisation étudiante des cycles supérieurs dans une étude réalisée par Justin Marleau sur le budget de McGill, le sous-financement c’est les administrateurs qui le créent. L’université demande de l’argent pour de nouveaux bâtiments, mais peine à faire de la gestion courante des dépenses. En fait, des quatre comptes (d’opération, restreint, matériel et bâtiment et dotation) qui font le budget de l’Université, un seul est en déficit. Normalement, il est possible de transférer l’argent d’un compte en surplus vers un compte en déficit pour réduire le fossé. Cela semblerait la chose logique à faire, souligne l’étude, à moins que le déficit puisse être comblé d’une autre manière. Dans le cas actuel, ce sera comblé par le gouvernement du Québec, par le biais de la hausse des frais de scolarité. Ainsi, si le milieu de l’éducation a décrié le budget Bachand, McGill s’en tire plutôt bien. De quoi faire enrager les militants. x
rédaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédactrice en chef rec@delitfrancais.com Anabel Cossette Civitella Actualités actualites@delitfrancais.com Chef de section Emma Ailinn Hautecœur Secrétaire de rédaction Florent Conti Rédacteur campus campus@delitfrancais.com Anthony Lecossois Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section Raphaël D. Ferland Secrétaire de rédaction Alexis Chemblette Société societe@delitfrancais.com Francis L.-Racine Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Xavier Plamondon Coordonnateur visuel visuel@delitfrancais.com Nicolas Quiazua Infographie infographie@delitfrancais.com Samuel Sigere Coordonnateur de la correction correction@delitfrancais.com Victor Constant Coordonnateur Web reso@delitfrancais.com Nicolas Quiazua Webmestre web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Collaboration
Jonathan Brosseau, Alexandre Gauvreau, Annie Li, Élise Maciol, Alexandra Nadeau,Jean-François Trudelle, Camille Paly, Miruna Tarcau.
Couverture Photo: Nicolas Quinoa Montage: Xavier Plamondon bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et Gérance Boris Shedov Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Joan Moses Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Anabel Cossette Civitella, Marie Catherine Ducharme, Alyssa Favreau, Joseph Henry, Tyler Lawson, Joan Moses, Xavier Plamondon, Mai Anh Tran-Ho, Aaron Vansintjan, Debbie Wang
xle délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com
Chasse à l’appart? Besoin de colocs?
Fonds Mary H. Brown 2012 Appel de propositions Cette dotation donne lieu à l’octroi de la somme globale annuelle de 20 000 dollars pour la crÊation et le soutien de projets novateurs entrepris sur le campus de McGill et desquels dÊcouleront de nombreux avantages sur le plan du bien-être physique et psychologique, à l’intention des Êtudiants de l’UniversitÊ. Nous invitons professeurs, Êtudiants et membres du personnel à nous faire part de leurs propositions. Mentionnons qu’il sera possible de renouveler, pour une fois, les projets en cours. Vous êtes invitÊs à soumettre vos propositions d’ici le lundi 16 avril 2012, à midi. Toute proposition doit être soumise par lettre auprès de la doyenne à la vie Êtudiante, responsable de l’administration du programme, en collaboration avec le Premier vice-principal exÊcutif adjoint et la directrice des legs et dons planifiÊs. Pour connaÎtre les lignes directrices concernant les propositions, obtenir des suggestions quant à la prÊparation d’une proposition rÊussie et consulter des exemples de projets soumis par des rÊcipiendaires, prière de visiter le http://www.mcgill.ca/ deanofstudents/marybrown/. Veuillez communiquer avec madame Meghan McCulloch au 514-398-1731 ou à deanofstudents@mcgill.ca pour obtenir de plus amples renseignements.
Le dernier numĂŠro du DĂŠlit paraĂŽtra le 3 avril. Il est encore temps de rĂŠserver un espace publicitaire! 514-398-6791 ads@dailypublications.org
CANADA COLLEGE www.collegecanada.com Tous les cours de langues : 7.00$/heure Certification TESOL reconnue par TESL Canada. PrĂŠparation pour TOEFL iBT, GMAT, MCAT, TEFaQ, TEF. Visas ĂŠtudiants, renouvellement de visas.
514-868-6262
info@collegecanada.com 1118 rue Sainte-Catherine Ouest, #404, MontrĂŠal, QC
EMBAUCHE! Engagement Public, leader canadien en collecte de fond IDFH j IDFH VH FRQVDFUH DX ÀQDQFHPHQW SDU GRQDWLRQ GXrable d’organismes à but non lucratif. Nous recherchons des individus motivÊs SDVVLRQQpV HW assidus avec une forWH FDSDFLWp GH FRPmunication. ‡ PRVWHV GLVSRQLbOHV j WHPSV SOHLQ HW j WHPSV SDrtiel ‡ 2SSRrtunitÊs d’avancement et de voyages ‡ Travail à l’extÊrieur dans un enYLURQQHPHQW SRVLWLI ‡ 6DQV FRPPLVVLRQ VDODLUH KRraire garanti
Appliquer, s.v.p., en envoyant votre CV et vos coordonnĂŠes Ă EMPLOIS ENGAGEMENTPUBLIC QC CA s POSTE www.engagementpublicemplois.com
DĂŠcanat Ă la vie ĂŠtudiante Pavillon Brown (services aux ĂŠtudiants) 3600, rue McTavish, salle 4100 Annoncez GRATUITEMENT sur le site du DĂŠlit:
delitfrancais.com
/annonces
Les dernières nouvelles sur le Blogue Actu :
delitfrancais.com
Carte ĂŠtudiante McGill requise.
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE L’assemblÊe gÊnÊrale annuelle de la SociÊtÊ des publications du Daily (SPD), Êditeur du McGill Daily et du DÊlit, se tiendra
mercredi le 4 avril au Leacock 26 à 18h. Pour plus d’informations, contactez-nous:
chair@
dailypublications.org
Les membres de la SPD sont cordialement invitÊs. La prÊsence des candidats au conseil d’administration est obligatoire.
x le dÊlit ¡ le mardi 27 mars 2012 ¡ delitfrancais.com
ActualitĂŠs
3
CAMPUS
McGill s’effraie et menace L’université tente de dissuader la mobilisation étudiante. Anabel Cossette-Civitella Le Délit
S
uivant la requête de la Conférence des recteurs et principaux du Québec (CRÉPUQ) d’augmenter les frais de scolarité, l’Université McGill maintient fermement sa position en faveur de la hausse des frais de scolarité et veut se montrer inflexible à toute mobilisation étudiante contre la hausse. Le 7 mars dernier, dans son communiqué à la communauté étudiante au sujet d’une potentielle grève générale illimitée, le professeur Anthony C. Masi mettait noir sur blanc les conséquences pour les étudiants s’ils manquaient leurs cours. La faculté de médecine sur la sellette Une semaine avant l’Assemblée générale des étudiants de médecine, prévue le 20 mars dernier, Dr. Robert Primavesi, vicedoyen à l’éducation médicale et aux affaires étudiantes réitérait la position de l’université en un courriel qui n’est pas passé inaperçu chez les étudiants: «I wish you great wisdom in making an informed decision in an academic year already marked by two significant strikes that have affected all years of the [medecine] program», commence la lettre du doyen. Il met en garde les étudiants quant à l’importance de leur décision, surtout après la grève de la Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ) et du syndicat des employés de soutien (MUNACA) en prévenant que le
«role modeling can be very powerful». Primavesi rappelle aussi les règlements concernant les absences non-motivées, soulignant que les étudiants qui ont déjà pris leurs 25% d’absences permises pour cause de maladie ou pour cause de sortie pédagogique (conférence) se mettent «à risque». Suite à ce courriel tapageur, un étudiant a transféré le communiqué au journal La Presse, une information que le Président de l’Association des étudiant(e) s en médecine de l’université McGill Esli Osmanlliu a transmise au doyen Primavesi. En apprenant l’initiative de l’étudiant, le vice-doyen Robert Primavesi a tout de suite répliqué par un communiqué dont les termes ne prennent pas de détour: «Quand quelqu’un transfère mes courriels vers une tierce partie sans me demander la permission, c’est un bris de confiance. En tant que votre doyen associé, je devrais être capable de communiquer avec vous librement et avec transparence. Par contre, si je ne peux pas vous faire confiance, ça ne pourra pas fonctionner.» Le courriel, intitulé «trust» se termine par l’expression de sa «grande déception». Suite à cet échange de courriel houleux, les étudiants en médecine se sont rassemblés en une autre Assemblée générale pour se consulter au sujet des actions à prendre. Il a été résolu que l’Association se positionnait contre tout transfert d’information à une tierce personne dans le cadre d’un courriel envoyé de la part du vice-
Photo: Nicolas Quiazua
doyen à l’ensemble des étudiants en médecine. L’Association s’est ensuite positionnée contre une lettre d’excuse officielle à envoyer au vice-doyen. Certaines personnes se sont tout de même excusées personnellement à Primavesi.
Le doyen a finalement chaleureusement remercié les étudiants qui le supportaient dans un courriel intitulé «trust 2», soulignant qu’il avait apprécié recevoir des courriels d’appui, et en leur disant qu’il recevait «plus qu’il n’avait espéré».
ModPAC s’en mêle À McGill, ce n’est toutefois pas seulement l’Université qui va à l’encontre des efforts de mobilisation des étudiants. Le groupe mcgillois Moderate Political Action Committee (ModPAC) prend aussi part à l’anti-campagne. Après le rejet d’une grève générale illimitée lors de l’Assemblée générale du mardi 12 mars dans la faculté des Arts, le groupe modéré publiait: «Alors que les AG [Assemblées Générales] n’ont pas résulté avec un «oui», les grévistes activistes ont pris des devants extraordinaires en créant de fausses Assemblées générales sans la permission des associations départementales». ModPAC martelait près de 10 fois sur tous les tons que les AG départementales restent une imposture en demandant à l’administration de McGill de bien vouloir mettre en application le droit des étudiants d’aller à leurs cours. Le groupe veut s’assurer qu’aucune ligne de piquetage ne pourra les empêcher d’entrer les salles de classe. Dans leur communiqué, ModPAC promet une lettre ouverte signée par des «douzaines d’étudiants de McGill» qui demandent à l’université de prendre les mesures nécessaires. Jusqu’à présent, les facultés de géographie et travail social sont en grève générale illimitée, et le campus Macdonald et la PGSS ont voté des jours de grève avant et pendant la manif du 22 mars. x
CAMPUS
AG en médecine
Le 20 mars dernier, l’association des étudiants en médecine de l’Université McGill s’opposait à une grève. Alexandre Gauvreau Le Délit
L
’assemblée générale devait avoir lieu dans la salle de bal du Thomson House, puis a été transférée au 2e étage du bâtiment Shatner avant d’être finalement orchestrée à l’amphithéâtre Palmer du pavillon des Sciences de la vie McIntyre, une salle pouvant accueillir plus de 350 étudiants. Tout ce branle-bas de combat est sans doute dû au fait qu’a priori, l’évènement ne devait pas prendre d’envergure, mais lorsqu’une motion de grève limitée à la journée du 22 mars a été déposée, la communauté des étudiants en médecine a vivement réagit.
4 Actualités
Le vote a eu lieu à propos d’une grève d’une journée, excluant les étudiants de 3e et 4e année, les étudiants en préclinique (deuxième année) et les étudiants qui devaient assister à une session obligatoire (les premières années). Les étudiants en pré-médecine ne faisant pas partie de la faculté de médecine, le vote ne les concernait pas. Alors qui restait-il pour faire la grève? Il est clair que le vote était en tout et pour tout symbolique puisqu’aucune activité n’allait être interrompue et ferait la grève ceux qui le désiraient. À l’issu d’un débat écourté –limité par motion à 15 minutes– les quelques 200 étudiants de médecine représentant les
Illustration: Matthieu Santerre
quatre années du doctorat se sont prononcés contre la grève symbolique à 58%. De surcroit, un vote a aussi été tenu pour connaître la position de l’association étudiante face à la hausse des frais de scolarité telle que présentée par le gouvernement Charest. À cet effet, les étudiants ont déterminé qu’ils étaient en faveur d’une hausse indexée à l’inflation, mais qu’ils s’opposaient à une hausse de 75% sur cinq ans tenant en compte la rétroaction de l’inflation. Ils ont aussi exprimé leur désir de voir chaque hausse des droits de scolarité accompagnée d’une majoration proportionnelle à l’aide financière. De plus, l’ac-
cessibilité aux études supérieures ne doit pas être compromise. En ne s’opposant pas à la hausse telle qu’elle est annoncée, les étudiants en médecine acceptent une hausse des frais de scolarité qui les affecterait d’autant plus étant donné que le prix des crédits universitaires augmentera. Un étudiant en médecine à McGill effectue 70 crédits à sa première année universitaire alors qu’un programme de premier cycle est d’en moyenne 30 crédits par année, ce qui aura comme impact, en 2016-2017, d’augmenter les frais de l’étudiant en médecine de 3790$ pour un total avoisinant les 11 600$ dès la première année. x
x le délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com
BRÈVE
22 mars, journée historique Alexandra Nadeau Le Délit
L
e 22 mars 2012 s’est déroulée une manifestation historique. Des centaines de milliers d’étudiants venant de partout au Québec, des enseignants, des syndicats et des sympathisants (parents, grandsparents, enfants, etc.) du mouvement ont défilé dans les rues de Montréal afin de démontrer leur mécontentement envers le gouvernement Charest et sa position inébranlable quant au maintien de la hausse des frais de scolarité. À midi, des centaines d’étudiants de McGill de diverses facultés se sont retrouvés aux Roddick Gates pour se joindre au mouvement. Plusieurs départements et associations de McGill étaient en grève en cette journée de protestation festive. Parmi ceux-ci
on comptait notamment les étudiants du campus MacDonald et du deuxième cycle, ainsi que ceux en littérature anglaise, études de la femme, géographie et travail social au premier cycle. Le 22 mars, environ 300 000 étudiants étaient officiellement en grève, ce qui représente environ les trois quarts de tous les étudiants du Québec et environ 200 000 d’entre-deux étaient dans la rue, encouragés par de nombreux résidents sortis de leur demeure, drapeau rouge à la main. 200 000 étudiants, 0 arrestation, 0 grabuge. Même des écoles secondaires se sont joints à la foule, et certaines d’entre-elles ont tenu leur propre assemblée générale, comme c’est le cas de l’école secondaire F.A.C.E., située juste en face de l’université McGill. Malgré le fait que la manifestation ait été la plus grosse de
toute l’histoire du mouvement étudiant au Québec, le gouvernement ne semble pas être ouvert à un quelconque changement ou même à une discussion. Selon monsieur Bachand, ministre des Finances, de passage à Tout le monde en parle dimanche dernier, la majorité des étudiants est actuellement en cours et ne conteste plus. Pourtant, selon plusieurs slogans et d’après les étudiants, la vraie grève commence maintenant. Line Beauchamp assure toujours que les étudiants doivent faire leur juste part et que c’est une décision éclairée. Dans les prochaines semaines, il reste à voir si le mouvement étudiant s’essoufflera ou si Jean Charest, comme il l’a reconnu dans sa biographie, sera capable d’admettre que son gouvernement est en train de se tromper. x Photo: Nicolas Quiazua
Photo: Francis Loranger
Photo: Camille Chabrol
Photo: Nicolas Quiazua
CHRONIQUE
J’aurais aimé manifester Jean-François Trudelle | Attention, chronique de droite
M a l h e u r e u s e m e n t, être pour la hausse est une question de tête. Être contre est une question de cœur. Avez-vous remarqué comment cela se passe dans la sphère publique? Ceux en faveur du plan de financement gouvernemental parleront en chiffres et en notions d’économie.
Ceux qui sont contre répéterons que la question n‘est pas comptable, que l’éducation ne devrait pas être soumise à une telle logique et que la collectivité devrait s’en occuper. J’aurais aimé manifester, mais je suis trop cérébral et les enjeux de cœur ne me rejoignent pas. Ils sont toujours du côté de la gauche, on dirait. Je ne m’en étonne plus: parler de productivité, de dette, de croissance et de responsabilité n’est pas aussi sexy que de parler de collectivité, d’entraide et de solidarité. Je considère toujours que l’idéologie à laquelle j’appartiens en est une regroupant ces valeurs, mais leur compréhension requiert trop d’analyse à froid. L’analyse à froid ne pousse personne dans les rues avec des pancartes. Comme je disais, j’aurais aimé manifester. Me plaindre que
x le délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com
mon éducation allait coûter trop cher. Me déclarer membre du printemps québécois (eh misère). Malheureusement, la seule idée qui me venait en tête, c’était le remboursement proportionnel au revenu (RPR). C’est moche hein? C’est pas mal moins sexy que se promener seins nus pour contester. C’est pas mal moins excitant qu’une banderole grande comme un coin de rue. C’est pas mal moins poignant que des dizaines de milliers de jeunes dans la rue. Mais c’est ma solution et c’est pas mal la seule qui ferait consensus si tout le monde était de bonne foi et arrêtait de se crêper le chignon pour défendre leurs petits orgueils. La CLASSE vit finalement le fantasme d’être à la tête d’un mouvement massif et s’accroche à son rêve fantaisiste
de gratuité pendant que la FEUQ et la FECQ pensent sincèrement que seule une meilleure gestion règlera tous les problèmes. De plus, ils ont décidé de partir en guerre politique contre les libéraux en général. Ajoutez à cela une ministre qui ne veut plus rien savoir et vous avez un bon mélange pour une grève qui mène dans un mur. Le RPR permettrait de moduler les frais de scolarité en fonction de la faculté, de synchroniser le monde de l’éducation avec le marché du travail et de mieux financer nos universités et d’augmenter l’accessibilité d’un même coup. Il protégerait les plus pauvres de leur dette étudiante. Il ferait payer les plus riches pour leurs études. Trouvez une revendication qui n’est pas satisfaite ici. En quelques phrases, je viens
de répondre aux demandes de l’IEDM, du ministère, de la FEUQ et de la FECQ. Les seuls qui ne seront pas contents sont les membres de la CLASSE, mais c’est difficile de satisfaire des gens qui vivent dans un monde où tu n’as qu’à planter un riche dans le sol et un arbre d’argent poussera. J’aurais aimé manifester jeudi dernier avec une pancarte fluo qui demande un RPR. Malheureusement, c’est comptable. Ça ne déplace pas des dizaines de milliers de personnes. Je ne crois pas que j’aurais été le bienvenu. Le cœur prend maintenant toute la place dans le débat sur la hausse. Pendant ce temps, le Québec rate une chance d’entrer dans le XXIe siècle. Quel manque de vision. J’aurais dû aller manifester. x
Actualités
5
MANIFESTATION
Le Black Bloc n’existe pas «Tous les Black Blocs ne sont pas des anarchistes.» Emma Ailinn Hautecoeur Le Délit
L
e 22 mars, alors que plusieurs centaines d’étudiants, de parents, et de citoyens ont manifesté dans les rues de Montréal, il n’y a eu aucune arrestation. Beaucoup s’attendaient au pire étant donné la brutalité des récentes manifestations contre la hausse. On s’attendait à ce que le feu d’artifice lancé soit le signal du début des festivités orchestrées par les casseurs. Et que Line Beauchamp puisse dire, une fois de plus, qu’elle ne négociera pas avec des étudiants violents. On s’attendait «à la visite du Black Bloc». «Le» Black Bloc n’existe pas Le Black Bloc n’est pas un groupe, même informel, mais une tactique. Les médias ont, faute de mieux, adopté une grammaire qui peut parfois porter à confusion. Ce n’est pas «le» Black Bloc, mais bien certains individus qui ont en commun la nécessité de garder l’anonymat pour parfois effectuer des tactiques qui sont illégales. Cette pluralité de stratégies ne vise non pas à la violence gratuite mais à mettre la lumière sur la brutalité policière, protéger les autres manifestants et éveiller les consciences. Une partie intégrante des objectifs de la tactique est de donner conscience aux manifestants de leur relation avec les forces de l’ordre. Marc*, qui a déjà employé ces tactiques dans certaines manifestations à Montréal, pense que de là aussi découle la raison d’être de la destruction matérielle: «On abîme la propriété privée et en réaction la police fait mal au gens. Comme ça les manifestants réalisent [que la police agit en toute impunité].» Aucun des bloqueurs que Le Délit a eu en entrevue ne pense que le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) a besoin d’être provoqué pour réprimer les manifestants. Du moment que le trajet d’une manifestation est gardé secret, la manifestation peut être déclarée illégale. «La police est par nature brutale, ils n’ont pas besoin de nous pour les provoquer, c’est une évidence,» pense Hannah* qui utilise aussi fréquemment les tactiques Black Bloc. Celles-ci répondent à celles des policiers. Lorsque le SPVM reste calme, ils s’organisent en bloc et font du grabuge, mais quand la police réplique, ils contribuent à la désescalade et appellent au calme. Ils essaient d’empêcher les arrestations en agrippant en groupe le manifestant visé.
6 Actualités
Organisation Il serait bien trop dangereux pour un individu de se montrer seul et de «bloquer» dans une manifestation sans avoir d’expérience, pense Roy.* Ce dernier et Hannah*, qui ont tous deux participé à plusieurs reprises dans des tactiques Black Bloc à Montréal, soulignent une certaine forme d’organisation entre groupes d’intérêts communs. Parfois sur des forums anonymes sur Internet, un «appel au bloc»
pouvoir protéger les autres et renforcer les manifestations». Le noir fait en sorte que leurs pièces de vêtements sont difficilement identifiables sur des enregistrements vidéo, sur des photos, ou même dans la rue lorsqu’ils sont portés dans d’autres contextes. Photographier un Black Bloc signifie le mettre en danger. Roy* affirme que la police garde toujours une trace comme ils peuvent des «anarchistes». «Si par exemple, je me fais prendre
Il s’est ensuite fait arrêter par un policier qui lui a demandé comment il connaissait le Black Bloc.» Hannah* pense être sur une liste de surveillance du fait de son engagement actif dans diverses causes sociales. «Le profilage ne se limite pas au Black Bloc.» Elle rappelle d’ailleurs l’existence de l’escouade GAMMA (qui relève de la division du crime organisé) qui depuis près d’un an surveille les mouvements des groupes «marginaux et anarchistes».
Photo: Victor Tangermann
est lancé. L’organisation reste tout de même hyper-décentralisée. Marc* dit s’être organisé au sein d’un groupe avant une manifestation et avoir rejoint un autre noyau qui se préparait à bloquer. Ce dernier leur a indiqué où se trouvait le principal contingent, qui se trouve généralement au milieu du cortège. L’intégration se fait de manière progressive. Hannah* explique qu’elle était une habituée des manifestations et qu’à un moment elle a décidé d’employer cette stratégie. «La plupart des gens en entendent parler par des amis, ou ils ont observé les tactiques Black Bloc dans des manifestations.» Elle a participé à certaines manifestations, vêtue de noir, mains et visage couverts. Cela ne signifie cependant pas qu’elle ait à chaque fois fait de la casse. Hannah* fait également remarquer que les gens qui utilisent des tactiques Black Bloc prennent part à diverses autres actions sociales. Identité dissimulée Une chose est sûre, il est impossible de savoir qui ils sont, ni de les contacter. L’anonymat est la seule manière pour eux de se protéger de la police «pour
en photo, mes bottes sont reconnaissables et ce n’est pas quelque chose qui est facile à changer comme un t-shirt.» Ceci explique parfois leur agressivité envers les photographes. Le noir est aussi une façon pour les Black Blocs de se reconnaître entre eux, car ils agissent de concert une fois en bloc. Marc* note que les Black Blocs utilisent beaucoup le contact physique pour la coordination, ils évitent de trop parler, leur voix pouvant elles aussi être potentiellement identifiables. Profilage Cette particularité vitale pour les manifestants qui «bloquent» durant les manifestations mènent à ce que beaucoup identifient comme étant du profilage de la part du SPVM. Marc* a eu une expérience directe de profilage il y a quelques années lors d’une manifestation alors qu’il ne participait pas à des tactiques Black Bloc à Montréal. «Je marchais tranquillement vers la fin de la file et je jouais du tambour. J’étais vêtu de noir mais mon visage n’était pas couvert. Ensuite, une connaissance est venue me parler pendant à peine 45 secondes avant de partir par le métro.
Parfois, des manifestants ordinaires mettent à profit cette vulnérabilité pour empêcher les tactiques de casse. Ils vont par exemple essayer de tirer le masque ou le foulard cachant le visage des casseurs. Lors de la manifestation du 13 mars 2012, par exemple, un groupe de manifestants s’est assis sur la chaussée pour empêcher des gens de fracasser une voiture de police. «Ils veulent bien paraître pour les journaux», dit Hannah*, alors que pour le Black Bloc, comme le précise Marc*, «le but n’est pas de plaire aux médias de masse ni aux middle class homeowners.» Le SPVM dans la mêlée Les policiers infiltrés avec les Black Bloc dans les manifestations tentent parfois de semer la pagaille. Mais ils font rarement d’arrestations majeures sur le moment car n’importe quel geste suspect pourrait mener le bloc à essayer de les chasser ou à se disperser. Ils ne sont pas si faciles à repérer. Comme les Black Bloc développent des liens serrés de confiance, ils communiquent entre eux pour essayer de repérer les intrus lors des manifestations. Marc* rappelle qu’à la suite de l’incident qui a presque coûté
son œil à un manifestant, le 7 mars, des Black Bloc ont essayé dans la soirée d’aller détruire les portes des quartiers généraux du SPVM. Au sein du petit groupe, «deux hommes costauds habillés en noir ont empêché deux autres Black Bloc de briser la porte.» Le lendemain, deux arrestations avaient été effectués: celles des individus qui avaient tenté la casse au SPVM la veille. Le SPVM n’a pas répondu aux multiples demandes d’entrevues du Délit. Sous l’aile des étudiants? Lors de la plus grosse manifestation nationale étudiante le 22 mars, il n’y eu aucune arrestation et pas de casse. Pour Martine Desjardins, présidente de la Fédération des Étudiant/es universitaires du Québec (FEUQ), cela ne signifie qu’une chose: la pression est sur le gouvernement. «Comme ça, il sont obligés de parler de l’enjeux et pas de parler de la casse», rajoute-t-elle. Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la CLASSE pense cependant, que c’est la combinaison de plusieurs types de manifestations qui permet d’exercer une pression maximale. Jusqu’à maintenant, aucun des deux regroupements n’a osé se positionner clairement sur le phénomène des Black Bloc dans les manifestations étudiantes. De part et d’autres, le discours officiel est à la non condamnation, mais de la part des individus impliqués dans des tactiques Black Bloc, les avis sont clairs: «La FEUQ déteste le Black Bloc c’est sûr» et «La CLASSE, peut-être plus bureaucratique maintenant, a toujours été tolérante d’une multitude de stratégies.» Quant à la sécurité assurée par les regroupements étudiants nationaux, reste toujours le fameux débat si l’on doit révéler ou non le trajet des manifestants au SPVM. Gabriel Nadeau-Dubois pense qu’il n’y a aucun lien de causalité entre la présence des casseurs et le trajet donné ou pas. Il croit d’ailleurs que de garder le trajet secret relève d’une «question de sécurité». «On a observé que dans certaines manifestations passées, d’avoir donné le trajet permettait aux forces policières de réprimer encore plus les manifestants», relate NadeauDubois. Malgré tous les obstacles, Roy* pense qu’ «il n’y a aucun moyen d’arrêter un Bloc» et certainement pas la mauvaise réputation qu’on lui attribue. x
* Seuls les noms des trois bloqueurs ont été changés.
x le délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com
POLITIQUE PROVINCIALE
Le budget de l’équilibre Le ministre des Finances a dévoilé son budget pour l’année 2012-2013, un budget qui s’ancre dans la continuité. Francis L.-Racine Le Délit
M
ardi, le 20 mars dernier, le ministre des Finances du Québec, monsieur Raymond Bachand, a déposé le budget de l’État québécois pour 2012-2013. Comme il l’avait luimême souligné la veille, ce budget reste dans la continuité du plan de retour à l’équilibre budgétaire qui est fixé pour l’exercice financier 2013-2014. Le Délit s’est intéressé aux mesures touchant les prochaines générations même si le budget touche vraisemblablement l’ensemble des secteurs d’activités, notamment par des investissements massifs en environnement et développement durable, ainsi qu’en tourisme. La création de richesse en ligne de mire Dans un premier temps, le budget met l’accent sur le développement économique. En fait, monsieur Bachand relance le concept d’État-investisseur par lequel le gouvernement du Québec investit des sommes importantes dans le développement et l’exploitation de nos richesses naturelles afin de mieux financer nos services publics et rembourser la dette. Au niveau de la dette, le budget met l’accent sur le Fonds des générations qui se veut l’outil qui permettra de réduire le fardeau de la dette pour les prochaines géné-
rations. Avec ce fonds, le gouvernement prévoit rembourser 25% de la dette en 2025. Dans son budget, le ministre des Finances annonce qu’à partir de 2013-2014, le Fonds des générations recevra davantage de fonds: 1 milliard de dollars en 2013-2014, 1,6 milliard l’année suivante et jusqu’à 2,5 milliards en 2016-2017. Monsieur Bachand a également annoncé que les permis de recherche de pétrole et de gaz seront mis aux enchères et que 25% des sommes provenant des ventes aux enchères des permis de recherches d’hydrocarbures seront versés au Fonds des générations. De plus, le budget fait mention d’une augmentation de la contribution du gouvernement au plan de financement des universités de 293 millions de dollars d’ici 2016-2017. Aussi, afin d’accroître l’attraction et la rétention en régions de diplômés des niveaux collégial et universitaire, le gouvernement augmente le maximum cumulatif du crédit d’impôts pour les nouveaux diplômés de niveau collégial et universitaire de 8 000 dollars à 10 000 dollars. Parallèlement, le gouvernement annonce la reconduction du Fonds d’initiatives autochtones pour les cinq prochaines années, son enveloppe augmentant à 135 millions de dollars. Des enveloppes spécifiques seront consacrés aux femmes autochtones ainsi qu’aux jeunes entrepreneurs.
Bref, ce budget est un budget sans hausse de taxe ni d’impôt, mais sans investissements majeurs compte tenu des temps de reprise économique et de restrictions budgétaires, notamment au niveau des programmes dont la croissance des dépenses est limitée à un maximum de 3%. Le ministre des Finances garde le cap sur l’équilibre budgétaire pour l’horizon 2013-2014.
Photo: Creative Commons
Un budget de la continuité Par ailleurs, le gouvernement lance aussi un grand chantier tant au niveau du tourisme qu’en culture. L’enveloppe du Fonds du patrimoine culturel québécois est notamment augmentée de 60 millions de dollars. Ainsi la contribution du gouvernement sera haussée de 5,5 millions de dollars par an. Finalement, le budget de monsieur Bachand annonce no-
tamment un investissement de 180 millions de dollars dans la construction de 3 000 logements sociaux, communautaires et abordables. De plus, le plan de lutte contre la pauvreté a été renouvelé jusqu’en 2014-2015; c’est 7,1 milliards de dollars qui iront dans la lutte contre la pauvreté dont 2 milliards pour l’indexation des prestations d’assistance sociales et 1,25 milliard chacun pour la prime au travail et le Soutien aux enfants.
Les oppositions réagissent À l’Assemblée nationale, le Parti Québécois a réagi à ce budget par le biais de son critique en matière de finances, Nicolas Marceau: «C’est un petit budget rempli de petites mesures, mais les plus gros défis sont ignorés; il n’y a rien pour le décrochage scolaire, rien non plus pour l’accessibilité à un médecin de famille et la dette gonfle à vue d’œil.» Du côté de la Coalition Avenir Québec, qui n’est pas officiellement reconnue comme un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, le député de Shefford, François Bonnardel a martelé que «plus que jamais le Québec doit s’attaquer à sa dette publique s’il veut laisser aux générations futurs une marge de manœuvre nécessaire pour financer les missions essentielles de l’État.» Pour conclure, l’Assemblée nationale débattra la motion formulée par le ministre des Finances à la fin de son discours, soit que l’Assemblée nationale approuve la politique budgétaire du gouvernement. x
LETTRE OUVERTE
Stagiaires en grève! H
istoriquement, les stagiaires se sont exclus du débrayage occasionné par les grèves étudiantes. «Trop pénalisant, trop engageant et trop coûteux» entendons nous fréquemment dans nos assemblées générales. Or nous, les étudiant-e-s en propédeutique pour la maîtrise en travail social de l’UQAM, avons décidé de hausser le ton, de quitter nos milieux de stage et de nous joindre pour le temps d’une semaine aux 200 000 étudiant-e-s en grève au travers du Québec. En vous faisant part de notre réflexion, nous voulons vous inviter, stagiaires du Québec, à vous joindre à nous! Le travail social vise à transformer la société dans une visée plus égalitaire et plus juste. Ce sont également les valeurs que nous retrouvons au sein de la lutte contre la hausse des frais de scolarité. S’impliquer dans la grève ne
signifie pas que nous mettons de côté notre apprentissage. Bien au contraire, nous mettons en pratique nos connaissances théoriques et notre analyse critique sur un terrain stimulant. Nous sommes convaincu-e-s que cette implication nous amène à développer et renforcer notre identité professionnelle. Si nous ne nous levons pas maintenant pour défendre nos droits et ceux des personnes en situation de précarité, nous lèverons-nous plus tard pour les droits des populations auprès desquelles nous travaillerons? Toutefois, nous ne sommes pas seulement des professionnelle-s en devenir, nous sommes aussi des étudiant-e-s. Alors, pourquoi nous écartons-nous systématiquement d’un mouvement qui nous concerne directement? Certes nous nous sommes engagé-e-s envers un milieu de stage
x le délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com
et, surtout, envers une population que nous rejoignons à travers notre implication. Cet engagement est important et nous devons être conscient-e-s de la responsabilité qui nous y lie. Toutefois, nous ne pouvons nous limiter seulement à celui-ci. Nous avons le devoir d’envisager l’importance de notre participation active au sein de notre société qui pour nous, dans le contexte actuel, s’incarne dans une implication concrète au mouvement de grève étudiante. Nous croyons qu’en tant que stagiaires, notre participation à la grève pourra provoquer un certain nombre d’impacts. D’une part, à l’intérieur de la négociation pour la mise en œuvre de la grève, nous serions amené-e-s à sensibiliser non seulement nos milieux de stage aux revendications étudiantes, mais aussi les personnes auprès desquelles nous interve-
nons. D’autre part, que ce soit avec un débrayage d’une journée, d’une semaine ou illimité, l’arrivée de nouvelles forces dans l’organisation et la participation aux actions représenterait un apport important pour dynamiser le mouvement. Finalement, alors que le gouvernement libéral adopte une attitude de fermeture totale, la grève généralisée de stagiaires provenant de différents milieux constituerait un rapport de force économique supplémentaire. En faisant planer la menace d’un blocage massif de nouveaux et nouvelles professionnel-le-s sur le marché du travail dans des secteurs clés (travail social, infirmerie, enseignement, ingénierie, etc.), nous représenterions un incitatif majeur à la mise en place d’une issue au conflit. Nous craignons toutes et tous un impact sur notre cheminement scolaire, mais la responsabilité du
retour en classe devra se partager parmi les différents acteurs impliqués: nous, notre milieu de stage et nos départements respectifs. En temps de crise, nous devrions toutes et tous faire preuve de flexibilité, de courage et nous rappeler que des accommodements sont toujours possibles. C’est ainsi que nous vous invitons, stagiaires de tous les domaines, à vous questionner sur le rôle que vous désirez jouer d’abord dans ce débat, mais aussi dans notre société. Il n’est pas trop tard pour jouer un rôle actif, s’engager dans la grève et maintenir le rapport de force qui pourrait faire la différence. Parlez-en à votre association étudiante ! Regroupement d’étudiantes et étudiants en propédeutique pour maîtrise de travail social à l’UQAM
Actualités
7
Société societe@delitfrancais.com
Road trip
en Minganie À la découverte de la Côte-Nord et de ses habitants
Annie Li
Annie Li Le Délit
À
la recherche d’une destination exotique pour vous dépayser cet été? Pourquoi donc pas la Minganie? Il ne s’agit pas d’un département français d’outre-mer, mais bien d’une région peu connue du Québec, faisant partie de la Côte-Nord, et dont le joyau est l’Archipel-de-Mingan, géré par Parcs Canada. De grands espaces à explorer en perspective, le nombre d’habitants étant si peu élevé qu’on s’imagine être le premier aventurier arrivant dans une contrée vierge… en voiture. Voyager en Minganie, c’est aussi l’occasion de se familiariser avec la culture innue, de se mettre au parfum des luttes sociales et du développement économique d’une région qui a tant à offrir. En partant de Québec, la route est facile à suivre: il n’y en a qu’une, la 138 ou la célèbre Transcanadienne. Cap vers le nordest. Il faut faire attention, on y roule très vite, les habitants de la Côte-Nord étant des champions des longues distances. Pour eux, conduire est une seconde nature.
8
La route est longue lorsque l’on part de Montréal. Une petite pause dans la région de Manicouagan avant d’arriver en Minganie est de mise pour s’acclimater au rythme de la Côte-Nord. À Bergeronnes, on peut s’arrêter pour la nuit au camping rustique Mer et monde Écotours, où les sites de camping offrent une intimité toute chaleureuse. L’écotourisme ou le tourisme responsible est une forme de tourisme qui vise à faire découvrir un milieu naturel tout en préservant son intégrité, qui comprend une activité d’interprétation des composantes naturelles ou culturelles du milieu (volet éducatif), qui favorise une attitude de respect envers l’environnement, qui repose sur des notions de développement durable et qui entraîne des bénéfices socioéconomiques pour les communautés locales et régionale. En effet, le tourisme hors des sentiers battus est une façon pour les petites entreprises de la Côte-Nord d’attirer les visiteurs du Québec et de France et le camping de Bergeronnes en est un bon exemple. Il est possible de s’installer sur des plates-formes de bois à flanc de rocher, avec une superbe vue sur le fleuve. Lorsque le soleil se lève, on a l’impression d’entendre des chevaux s’ébrouer à l’extérieur
x le délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com
de la tente. On sort alors en courant; ce sont plutôt les baleines qui offrent un merveilleux spectacle dans le St-Laurent. C’est aussi l’occasion de s’initier au kayak de mer. Le kayak de nuit est une manière originale d’observer de près le phénomène de la bioluminescence marine. Grâce à des organismes microscopiques émettant de la lumière et vivant en symbiose sur les baleines, celles-ci deviennent visibles sous l’eau la nuit. Pour les initiés ou les intéressés, il est aussi possible de suivre la Route des baleines en pagayant de Tadoussac à Natashquan. S’ensuit une longue route de neuf heures pour arriver à Havre-St-Pierre, la «métropole» de la Minganie, forte de ses 3301 habitants, et situé à 651 kilomètres de Tadoussac. Avant d’y arriver, on s’abreuve des magnifiques paysages, toujours en longeant le fleuve. On traverse les magnifiques falaises du secteur des Panoramas entre Franquelin et Baie-Trinité. Les gourmands sont facilement comblés en s’arrêtant aux cantines qui offrent, en plus des éternelles frites, des spécialités locales comme la guédille au crabe frais (variante du hot-dog avec du crabe à la place de la saucisse). Si on a le temps, on arrête à Sept-Îles pour visiter la
Maison de transmission de la culture innue, ou Shaputuan. Les Innus, ou anciennement Montagnais selon la désignation européenne, sont la nation autochtone la plus populeuse au Québec. À la sortie de Sept-Îles, une poignée d’Innus manifestent contre le Plan Nord et le barrage de la Romaine sur les rebords de la route 138 et ce malgré le fait qu’HydroQuébec ait élaboré une opération de charme auprès de la population en promettant des retombées économiques par la création de plusieurs centaines d’emplois. Madame Dupuis, qui opère le Gîte Dupuis dans sa maison d’Havre-St-Pierre, dit dépendre de l’afflux de travailleurs saisonniers, c’est-à-dire de la construction, afin de boucler son budget annuel. En Minganie, on est conscient des répercussions environnementales et des impacts sociaux du méga-projet hydro-électrique et de l’exploitation minière. Par contre avec les travailleurs, arrive l’argent. Gilles, l’hommeà-tout-faire du Camping de la Minganie, dit cependant que le projet de la rivière Romaine ne profitera pas tant à la région, puisque ce sont surtout des travailleurs de l’extérieur qui seront embauchés.
La Lande de l’ïle Nue
L’ïle Niaspikau
Annie Li
Annie Li
Certains experts s’inquiètent. *** Selon Jean-Paul Lacasse dans son ouvrage Les Innus et le territoire, la sédentarisation des Innus accompagnée par l’entrée dans une économie de marché individualiste, l’évangélisation, la dépossession du territoire, l’imposition des institutions occidentales, le bouleversement des rôles sociaux et la promiscuité dans les réserves ont provoqué la perte des repères, de même que les taux élevés de toxicomanie, de chômage, d’assistance sociale, de suicide et de violence dans la population. *** Selon Rémi Savard, dans son article «Des tentes aux maisons», la perte de contrôle du territoire a fait en sorte que les Innus ont du définitivement s’installer dans les réserve; déménager de tentes à des maisons pré-fabriquées.
Après Sept-Îles, les villages et les réserves innues se font plus éloignés les uns des autres. Les descendants d’Européens qui peuplent la côte sont les Paspéyas originaires de Paspébiac en Gaspésie, et les «Cayens», les Acadiens des Îles-de-la-Madeleine, entre qui règne une rivalité amicale. En traversant les réserves innues, on y voit parfois des pancartes prévenant de l’effet de l’alcool et des drogues sur la santé. Elles mentionnent aussi que ces derniers n’ont pas leur place dans les communautés. Les Innus avaient toujours subsisté de la pêche et de la chasse, pour ensuite se tourner vers la traite des fourrures et la pêche commerciale contre des biens matériels. Avec le retrait de la Compagnie de la Baied’Hudson, le vingtième siècle voit arriver l’industrie forestière, puis hydro-électrique,
et finalement minière. Après ces brusques changements, les amphétamines, la marijuana et l’inhalation d’essence font aujourd’hui des ravages chez les jeunes. Il reste donc encore bien du travail à faire pour améliorer l’équilibre entre transmission du savoir ancestral et vie moderne, tout en favorisant des liens étroits avec les cellules familiale et communautaire, et en maintenant une participation active dans le Québec actuel. Une des solutions apportées est la mise en œuvre en 2011 du Programme de langue innue au primaire, élaboré par l’Institut Tshakapesh et le Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport, afin de renforcer l’identité linguistique et culturelle des jeunes Innus. Après la traversée de l’embouchure de la rivière Romaine, c’est l’entrée de Havre-StPierre qui vous accueille. C’est l’endroit idéal pour découvrir la Réserve de parc national du Canada de l’Archipel-de-Mingan, parc d’une trentaine d’îles et d’un millier d’îlots de calcaire, merveille unique au monde trop bien cachée du public. Le centre d’interprétation, où tous les kiosques des compagnies touristiques ont pignon sur rue, est facilement accessible. On monte sur le navire fabriqué des mains du fondateur de la compagnie et après un voyage de 45 minutes, on débarque sur l’île Niapiskau, qui abrite parmi les plus beaux monolithes, et où une guide de Parcs Canada explique l’histoire géologique de l’Archipel-de-Mingan, formé de calcaire il y a de ça 400 à 500 millions d’années. Par la suite, une petite formation botanique est donnée sur l’île Fantôme, où on peut reconnaître des dizaines de plantes de bord de mer. Certaines sont uniques en raison du calcaire dans le sol. Il y pousse entre autres la campanule à feuilles rondes, l’iris à pétales aigus, le thé du Labrador, la mertensie maritime au délicieux goût d’huître, et le séneçon faux-arnica. En fait, la flore de l’Archipel compte 400 espèces différente, dont 100 qui sont considérées rares. On y trouve de plus des fossiles de céphalopode et de gastropode dans la roche. De retour sur le bateau, le guide pêche des oursins en plongeant une vadrouille dans le fleuve. Il faut oser goûter à ce délice des mers, la partie orange goûtant comme un caviar fin et délicat, une véritable révélation. Le guide dit d’ailleurs que les pêcheurs de la Côte-Nord font du commerce d’oursins à fort prix avec le Japon.
Il faut rester plusieurs jours dans le coin pour profiter pleinement de ce que l’Archipel a à offrir. Les plus aventureux parcourront les îles en kayak et camperont seuls sur une île, alors que les biologistes en herbe feront une sortie en mer avec les scientifiques de la Station de recherche des Îles Mingan. D’autres découvriront les fonds marins du golfe du St-Laurent en plongée sous-marine : concombres de mer, longs laminaires, étoiles de mer, anémones, méduses. Plusieurs compagnies offrent à partir de ce village des excursions en pneumatique vers l’île aux Perroquets en passant par des îlots occupés par des guillemots, des mouettes, des macareux moines, emblème de l’Archipel, et des loup-marins (phoques), jadis chassés par les Innus. Par la suite, on débarque sur l’île Nue avec la possibilité de faire le tour de l’île à pied pendant quatre heures (7km). Les paysages sauvages sont d’une extrême beauté et ce, tout le long du littoral formé de roches et parfois de sable. L’île est dite nue car il n’y pousse aucun arbre, seulement de la végétation de lande. L’écosystème est si fragile que le visiteur n’a le droit que de marcher en bordure de mer. Par journée ensoleillée, le décor semble irréel, les monolithes saillent clairement dans l’air pur, la blancheur du rivage et le lapis-lazuli de l’eau n’ayant rien à envier à Cuba. Entourés de ces géants de calcaire, on ne peut que se sentir humble devant une nature si majestueuse. Au gré de ces journées de découverte paisibles, il pourrait arriver de vouloir rouler jusqu’à la mythique Natashquan. Dans ce cas, il faut penser au niveau d’essence de la voiture car les stations-service sont rares le long des 150 kilomètres de tourbière qui séparent Havre-St-Pierre du village de Gilles Vigneault. Jamais autant de mouches ne se sont écrasées sur un pare-brise… On songe aussi à louer l’audioguide routier Sur la route de Natashqua au bureau d’information touristique de Havre-St-Pierre avant de partir.
Natashquan est un joli village en bord de mer, entouré de dunes de sable rouge et noir et de hautes graminées. L’eau de l’océan plus chaude qu’ailleurs crée un microclimat particulier dans cette ville. La Minganie est aussi le pays de la chicoutée, petite baie arctique de couleur orange poussant à ras le sol. À la Crèmerie La Chicoutai, il est possible de déguster des tartes et de la crème glacée molle à la chicoutée tout en longeant la mer sur une promenade de bois. Au campement Montagnais Manteo Matikap à Natashquan, on a l’occasion unique de se familiariser avec l’univers des Innus en dormant dans une de leur tente traditionnelle sur du sapinage. D’autres activités offertes permettent aux voyageurs de déguster des mets traditionnels en compagnie d’aînés, une initiation à l’artisanat et à la préparation de la banique, un pain amérindien sans levure, et du poisson fumé. Loin de tomber dans la folkorisation des Innus, Manteo Matikap permet d’améliorer la cohabitation fragile entre Innus et descendants d’Européens et de favoriser le dialogue en faisant tomber les préjugés. Natashquan n’est évidemment pas le seul village qui vaille le détour: si on veut repousser les limites, il faudra alors prendre le bateau pour sillonner la Basse-Côte-Nord, ou aller visiter l’intrigante île d’Anticosti qui hante la brume au loin. À l’été 2011, le nombre de touristes était généralement en baisse en Minganie, selon les opérateurs rencontrés. Le gouvernement du Québec a d’ailleurs dévoilé en novembre dernier la Stratégie touristique québécoise au nord du 49e parallèle: Culture et espaces à découvrir, dotés de futurs investissements de 70 millions de dollars. Ce sera à nous d’aller à la rencontre du Québec et ses multiples nations, ses richesses naturelles cachées, ses saveurs inattendues et pourtant si près d’ici. Le tourisme responsable est une belle façon de faire tourner l’économie locale et de bâtir des ponts entre les régions du Québec. x
Annie Li
Annie Li
Annie Li
Société
9
Les beautés de la Minganie Essai-photo par Annie Li
CHRONIQUE
La boîte à fourmis Élise Maciol | Plume en vadrouille
Où l’on discute de l’intérêt de cohabiter avec trois mâles. Quand vous étiez petits, peut-être avez-vous eu l’occasion comme moi de jouer quelque fois avec ces drôles de boîtes surmontées d’une grosse loupe, conçues
10 Société
pour accueillir toute une population d’insectes fourmillants. Munis de votre petit laboratoire portatif, vous jouiez alors aux scientifiques curieux, passant des heures entières à observer le comportement de vos bestioles captives. C’est exactement ce que j’ai eu l’impression de faire pendant les deux derniers mois que j’ai passés à Amsterdam, quand je vivais en colocation avec trois mâles – et je n’ai pas choisi ce mot au hasard pour désigner mes deux Italiens et mon Mexicain. Comprenant de manière minimale la langue italienne (qu’ils utilisaient régulièrement au cours de leurs conversations de «gars»), j’ai pu observer discrètement le comportement de ces hurluberlus qu’étaient mes colocataires.
Sautant sans aucune subtilité sur tout ce qui bougeait et qui avait un minimum de poitrine, ils étaient machos à souhait, et leur énorme ego n’avait d’égal que leur surplus de testostérone. Qu’on ose refuser leurs avances, et ils croient toutes les femmes désintéressées par la gent masculine. Si les femelles ne veulent pas d’eux, de quel homme voudraient-elles ? Le premier d’entre eux à le penser se prenait pour un mâle dominant dans tous les sens du terme. Prédateur sans pitié rôdant autour de ses victimes avant de les attaquer sans relâche jusqu’à obtenir ce qu’il voulait, il n’hésitait pas à réitérer ses avances d’une semaine à l’autre. Sa lourdeur était telle que certaines de mes amies n’osaient plus venir passer la soirée chez moi, de peur de ne
devoir subir une nouvelle fois les déambulations, se voulant provocatrices, d’un gars torse nu et en caleçon. Admettons toutefois que d’autres auraient bien aimé être invitées plus souvent. Toujours aux côtés de ce tombeur impitoyable se trouvait le compagnon de drague typique: mignon, mais moins «beau gosse» et moins doué que l’autre, quoiqu’aussi irrespectueux envers ses conquêtes. Naïve que je suis, c’est grâce à lui que j’ai appris que les gars comme eux distribuaient aux filles un «indice beauté» compris entre un et dix, pour donner à leurs complices une idée de ce à quoi elles ressemblaient! En plus d’être absolument répugnant, ce système de notation n’est évidemment pas fiable du tout, étant donné la
subjectivité manifeste des goûts de chacun. Ce n’est qu’une façon de parler, car pour mes zigotos, la note semblait être proportionnelle à la masse mammaire de la fille… Désespérant! Mon troisième colocataire étant le type même du gars qui se veut sage et plein d’expérience, les deux autres l’avaient pris pour confident et écoutaient les conseils qu’il prodiguait, comme les habitants de Delphes écoutaient autrefois la Pythie. Malheureusement, malgré sa bonne décennie d’avance sur nous, il était tout aussi immature que les autres et peut-être même plus macho qu’eux. J’ai beau râler –comme d’habitude–, la «mâlitude» de ces drôles d’oiseaux commence toutefois sérieusement à me manquer. x
x le délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com
Arts&Culture
BALLET
artsculture@delitfrancais.com
Solstice chaotique
La Soirée Stravinsky, présentée par les Grands Ballets Canadiens de Montréal, invite à découvrir le compositeur russe sur des chorégraphies originales.
Photo: Sergei Endinian
Samuel Sigere Le Délit
P
eu de compositeurs peuvent se vanter d’avoir causé une émeute lors de la première d’une de leurs œuvres. Stravinsky fait partie des exceptions. En mai 1913, la première du Sacre du Printemps au Théâtre de Champs des Élysée à Paris avait causé un tel soulèvement dans la salle que la police avait dû intervenir pour rétablir l’ordre. On s’insurgeait alors contre la polyphonie et la rythmique de la musique, contre la violence et le rythme des danses primitives, bref, contre l’étrangeté de ce spectacle, radical pour l’époque. Radicales, les chorégraphies originales de Stijn Celis, jeune et talentueux chorégraphe belge, le sont certainement, de par leur mise en scène épurée et leur exploration de la nature et de la condition humaine. C’est une véritable recherche identitaire
que proposent les Grands Ballets Canadiens de Montréal. Dans un premier temps, la fluidité des mouvements, la force des étreintes et le jeu des danseurs, empreint tantôt d’inquiétude et de tendresse, tantôt de virilité et de violence, se marient parfaitement à la musique mélancolique pour nous faire ressentir toute la force et la fragilité de l’âme dans le trio «Anima». Dans un deuxième temps, les danses rythmiques, qui sont, au gré des partitions stravinskiennes, saccadées, viscérales ou sensuelles, peignent un tableau noir d’une société pas si lointaine de nous, ou la différence, qu’elle soit physique, sexuelle, ou en trait à la personnalité, n’est pas tolérée. Comme la vierge nue sacrifiée sur l’autel du bien collectif, ou la mariée d’un mariage arrangé, on se demande jusqu’à quel point nous sommes prêts à changer pour faire partie de la société. Y a-t-il une limite à cette autodestruction?
C’est ce que Celis laisse aux spectateurs le soin de découvrir en donnant ses danses comme bases de réflexions. On pourrait toutefois reprocher au créateur belge le manque de clarté dans sa narration du Sacre du Printemps et des Noces; en mélangeant ses expérimentations artistiques aux histoires originales, il laisse le spectateur confus. Sans connaissance préalable du sujet, le propos du chorégraphe peut paraître obscur. Le néophyte peut néanmoins se laisser charmer par la danse, la musique et le monde du créateur belge. Au final, les Ballets Canadiens proposent avec la Soirée Stravinsky un spectacle agréable à regarder seul, entre amis ou en couple. x Soirée Stravinsky des Grands Ballets Canadiens de Montréal Où: Théâtre Maisonneuve 260 de Maisonneuve W. Quand: du 27 au 31 avril
Photo: Robin Mathes
OPÉRA
Verdissage au Redpath Hall
Opéra McGill rendait hommage à Verdi dans sa présentation de Four Verdi Final Acts le 24 mars dernier. Miruna Tarcau Le Délit
Q
ui n’a pas déjà entendu dire que tous les opéras représentaient toujours la même histoire d’amour tragique qui finit toujours de la même façon, c’est-à-dire par la mort interminable des protagonistes qui prennent plusieurs bonnes minutes à rendre leur dernier soupir? L’avantage d’une représentation mettant bout à bout quatre actes finaux parmi les plus connus de l’histoire de l’opéra, c’est qu’elle permet de mettre en évidence, de façon presque ironique, les caractéristiques communes d’un genre musical que la culture populaire contemporaine ne se lasse pas de parodier. Le directeur des études
d’opéra Patrick Hansen ne s’est d’ailleurs pas privé d’une remarque allant dans le sens de cette satire, lorsqu’il a fièrement déclaré que l’école de musique Schulich avait tué pas moins de dix personnages cette année. Une liste de morts certes impressionnante, mais dont certains, il faut dire, ne figuraient pas dans le livret original. Il est vrai que, parmi le programme musical présenté au Redpath Hall samedi dernier, seul Falstaff faisait exception à la règle avec sa fin joyeuse, juste après Othello, Rigoletto et La Traviata. Inspirés de tragédiens romantiques ou préromantiques (c’est ainsi que Victor Hugo qualifie Shakespeare dans La Préface de Cromwell), ces opéras reflètent bien entendu des aspects de l’esthétique de l’époque,
x le délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com
comme celui de l’alliance hugolienne du sublime et du grotesque dans laquelle la pureté franchement stéréotypée de certains personnages contraste comiquement avec les vices des autres. Néanmoins, contrairement à une représentation traditionnelle dans laquelle une mise en scène, des décors, des costumes et des sous-titres permettent de suivre l’opéra exactement comme une pièce de théâtre, le Four Verdi Final Acts ne se prêtait pas du tout au même type d’interprétation qu’un drame romantique. Véritable hommage musical à Verdi, le spectacle de samedi dernier accordait au compositeur une place privilégiée, et tout particulièrement à ses partitions vocales, dont l’accompagnement au piano mettait en évidence
l’extraordinaire originalité, à côté de laquelle les spectateurs d’une représentation complète passeront. Pourtant, Verdi accordait une grande importance au rôle de la voix dans ses compositions, au point de militer pour que l’orchestre ajuste l’accord de ses instruments selon un registre parfaitement adapté à la voix humaine établissant la note la à 432 Hertz, ce qui ne se fait malheureusement plus aujourd’hui dans certaines des salles les plus connues du monde. Signalons tout de même que les quatre actes n’étaient pas entièrement dénués de travail dramaturgique. Si l’acte III de La Traviata était plutôt statique, chose impossible à éviter lorsque les chanteurs ont droit à leurs partitions, la scène finale de Falstaff frappait au contrai-
re par sa vitalité. La salle était en effet plongée dans l’obscurité, tandis que les visages des dix personnages de cette comédie romantique n’étaient éclairés par des lampes torches que lorsque ces derniers commençaient à chanter. Pendant que Tracy Cantin échangeait les habits de soirée de la mondaine Violette contre la robe de chambre de l’innocente Desdémone, un quatuor exécutait avec humour Bella Figlia Dell’Amore, l’un des airs les plus connus de Rigoletto, dans lequel le duc de Mantoue courtisait insoucieusement la fille de son assassin sous les yeux ahuris de son amante Gilda et de son père le bouffon. Au final, seule la longue inquiétude de Desdémone dans Othello manquait véritablement de dynamisme. x
Arts & Culture
11
THÉÂTRE
Disparu(e)(s): un travail inachevé
L’auteur français Frédéric Sonntag présente au Théâtre Prospero une pièce futile et mal adaptée au contexte. Annie Li Le Délit
F
rédéric Sonntag est un jeune auteur français dont les pièces font le tour du monde. Disparu(e)(s) est la première pièce à être montée au Québec. L’intrigue semblait d’abord prometteuse, tournant autour de la disparition d’une gamine dans un stationnement en zone industrielle. Cinq jeunes personnages sont irrésistiblement attirés par l’endroit du mystère et s’y rencontrent malgré le couvrefeu. Même si le metteur en scène présente la pièce en parlant d’espoir, de désillusion, de poésie et de quête d’absolu, la trame s’avère bien mince. Les rebondissements du scénario sont prévisibles et le script tombe à plat. Le défaut central de cette pièce est de ne pas avoir adapté le texte franchouillard pour des acteurs du Québec. Il est franchement irritant d’entendre ces jeunes habillés en ados de banlieue québécoise parler avec un pseudo-accent français forcé qui dénature la pièce. Les per-
sonnages sont donc peu crédibles et l’ensemble fait décrocher du texte à plusieurs reprises. Les comédiens auraient sans doute joué juste s’ils avaient eu la possibilité de s’exprimer de façon plus naturelle. Pas besoin de jouer aux Parisiens pour faire dans la poésie. Et c’est avec bonheur que la conception sonore efficace de Navet Confit donne quelques instants de répit. Les personnages, qui sont tous de grossières caricatures antipathiques de par leur médiocrité, ont une psyché assez simple. Sonia, par exemple, est une jeune fille qui passe ses journées sur son canapé «pas encore payé» et qui se dit «faite pour disparaître», car elle deviendrait quelqu’un pour les autres et sa vie aurait ainsi un sens. Elle semble en être là car sa mère disait toujours qu’«elle n’arrivera jamais à rien». Bloody Pink, la victime disparue du fait divers, que tous imaginent pure et innocente, participait plutôt à un jeu dangereux et cupide. La meilleure amie de Sonia est la cruche de service, mais aussi la plus saine d’esprit. Freddy, possi-
ble tueur, amène la dimension que toute victime est aussi prédateur et vice-versa. Le jeune travesti, quant à lui, veut tellement se faire aimer qu’il souhaite être un objet de désir au point de se faire tuer. C’est bien tout le jus qu’on puisse extraire de la pièce. Les personnages ne servent qu’à faire avancer le récit, la plupart du temps sans apporter d’autre dimension, et Sonntag finit seulement par leur faire prononcer quelques répliques philosophiques bancales. Par exemple, Vincent-120, le jeune bum, confie à la fin, faire de la course de voitures afin de «s’oublier le temps de quelques secondes». La réplique «On ne joue que pour provoquer l’inconnu», est plus inspirée alors que «La mort est la fiancée du diable», laisse de glace. Le metteur en scène Martin Faucher a choisi d’intégrer de la danse contemporaine dans la pièce: comédiens qui courent en cercles d’un pas lourd, d’autres qui se jettent contre le mur; tremblotements sur place, roulades sur le sol… du remâché. Le concept du théâtre
physique aurait eu du potentiel, puisque les personnages tentent de créer l’évènement, de donner une direction au vide ambiant, mais il était plutôt agaçant de voir les comédiens gesticuler en tous sens tels des poules sans tête. Le décor minimaliste constitué d’un panier d’épicerie, d’un bout de terrain vague et du réverbère numéro 7, phare dans la nuit et seul point de repère, remplit bien sa fonction symbolique du vide de la consommation, malgré le fait qu’en contre-
partie, le stationnement désert n’ait pas été occupé par un jeu scénique concluant. Le propos voulu sur la vie et la mort est trop dilué, nous donnant dès le départ une impression de travail inachevé. x Disparu(e)(s) Où: Théâtre Prospero 1371 rue Ontario Est Quand: jusqu’au 7 avril
Photo: Jeremie Battaglia
THÉÂTRE
Cristallisation d’un premier amour Premier amour, adaptation théâtrale réussie de la nouvelle de Samuel Beckett Camille Paly Le Délit
«C
Presse-papier par Nicolas Quiazua et Hera Chan
12
Arts & Culture
’est dans cette étable, pleine de bouses sèches et creuses qui s’affaissaient avec un soupir quand j’y piquais le doigt, que pour la première fois de ma vie, je dirais volontiers la dernière si j›avais assez de morphine sous la main, j’eus à me défendre contre un sentiment qui s’arrogeait peu à peu, dans mon esprit glacé, l’affreux nom d’amour». L’amour, le premier, le seul. Voilà le sentiment que cet homme déclassé rencontre sur un banc, sur son banc. Le banc, symbole de sa solitude, sur lequel s’assied un soir Lulu, femme de petite vertu. Elle l’ennuie, elle ose lui voler son temps et son siège, il ne peut plus s’allonger comme auparavant. Il la prie donc de venir moins souvent, voire de ne jamais plus revenir. Mais à son grand malheur «l’amour, cela ne se commande pas». Cette rencontre entre le vagabond anonyme, ayant récemment perdu son père et son foyer, et cette prostituée qui l’initiera aux mystères de l’amour, constitue la trame de la nouvelle de Samuel Beckett Premier amour ré-
digée en 1946 et publiée en 1970. Cette œuvre, l’une des premières que l’auteur irlandais a écrites en français, aborde, par une narration à la première personne, des thèmes universels tels que l’amour et la mort qui amènent ce solitaire à s’interroger sur l’Autre et sur cet «affreux nom d’amour».
«L’amour, le premier,
le seul. Voilà le sentiment que cet homme déclassé rencontre sur un banc, sur son banc.»
Comment aimer et surtout comment accepter les dangers auxquels autrui nous expose et auxquels Lulu va l’exposer ? C’est à travers ce monologue que Roch Aubert interprète ce hors-la-vie qui relate avec innocence et étonnement son histoire. Un premier-né de l’amour qui cherche à comprendre comment et surtout pourquoi lui. Une aventure amoureuse attendrissante qui retranscrit la naïveté des premières fois. Une naïveté renforcée par l’utilisation du «je» qui prend directement le spectateur à témoin et le place dans le rôle du confident. Une confession intime et in-
timiste que Roch Aubert conte de façon cynique quoique touchante. Un discours dont la tendresse est renforcée par un léger zézaiement de la part du comédien fait de ce marginal un personnage attachant. Le personnage est d’autant plus émouvant que son récit renferme un désespoir d’une profonde noirceur, qui rivalise avec une puissance comique lui permettant d’amoindrir son fardeau de doutes et de questions, de le supporter et de ne pas y succomber. L’aventure est dépeinte avec succès et sobriété et la poésie est appuyée par un décor minimaliste fait d’une simple chaise en bois et d’ampoules posées à même le sol qui produisent un éclairage doux et subtile qui renforcent la portée des mots. Une mise en scène dirigée par Jean-Marie Papapietro anime le Théâtre de Fortune depuis 2000, et qui offre au final une adaptation amplement réussie de l’œuvre de Beckett. x Premier amour Où: Maisons de la culture Côte-des-Neiges, RosemontLa-Petite Patrie et Maisonneuve Quand: 28-30 mars à 20h
x le délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com
MUSIQUE
Sullivan au goût du jour Certainly not Sullivan a fait un carton au Gerts vendredi le 23 mars. Miruna Tarcau Le Délit
C
e vendredi, la société Savoy de McGill présentait un spectacle qui voulait s’éloigner de son répertoire traditionnel, ce qui explique le titre du cabaret: le Certainly not Sullivan. La pièce faisait référence aux opérettes «Savoy» de Gilbert et Sullivan, deux partenaires victoriens dont les sociétés G&S honorent chaque année le répertoire comique. Cela inclut des spectacles tels que The Gondoliers produit à McGill le mois dernier. Il faut dire que les organisateurs ne s’attendaient certai-
nement pas à réunir un public aussi important. Pas moins de cent cinquante étudiants se sont présentés au bar Gerts dont seule la moitié avait effectué une réservation, ce qui a contraint quelques-uns à assister au spectacle debout. Ce léger contretemps n’a cependant rien enlevé à l’enthousiasme des amateurs de comédies musicales qui encourageaient allégrement les chanteurs de leurs airs préférés, qu’il s’agisse de classiques comme When you’re good to Mama (Chicago), ou encore de chansons tirées de productions plus récentes comme The text song (Hot mess in Manhattan).
Une performance honorable, surtout si l’on tient compte du fait qu’aucun chanteur n’a reçu de formation professionnelle. Cette extravagance de la société Savoy fait étrangement penser au lien entre les opérettes «Savoy» et la nature burlesque et irrévérencieuse caractérisant la plupart des comédies musicales à succès contemporaines. Peut-on aller jusqu’à dire que Gilbert et Sullivan furent les premiers producteurs du Broadway londonien? Ce qui est sûr, c’est que si la forme de ce type de spectacle a quelque peu changé, l’accueil des spectateurs demeure tout aussi enthousiaste aujourd’hui qu’au XIXe siècle. x
Photo: Camille Chabrol
CINÉMA
Le MBAM au grand écran
Le Délit s’est entretenu avec Luc Bourdon qui présente son tout dernier documentaire, Un musée dans ma ville.
S
cun leurs tâches, mais doivent s’adapter rapidement.
uite à l’ouverture de son nouveau pavillon Claire et Marc Bourgie et au vol de deux artéfacts antiques en février 2012, ça bouge fort au Musée des beaux-arts de Montréal. Un musée dans ma ville (production Echo Media/Office National du Film), en compétition au Festival International des Films sur l’Art (FIFA) 2012, sera présenté du 29 mars au 1er avril à la Cinémathèque. Monsieur Luc Bourdon sera présent tous les jours pour rencontrer le public et répondre à leurs questions. Le Délit: Quelles ont été les démarches effectuées pour produire un documentaire sur ce musée? Luc Bourdon: Tout a commencé quand le directeur administratif du Musée des beauxarts de Montréal, Paul Lavallée, m’a demandé de visiter le bâtiment. Avec mon expérience en la matière, je pouvais facilement leur donner mon avis. L’administration voulait savoir si elle pouvait en faire quel-
Le réalisateur Luc Bourdon Photo: Bernard Fougères
Gracieuseté de l’Office National du Film
que chose de différent. C’est en déambulant dans les corridors du musée que j’ai eu envie d’en faire un film. Peu de temps après, en 2010, nous avons entamé les démarches et engagé le personnel nécessaire à la réalisation du projet. Ensuite, j’ai commencé mon enquête et tout s’est mis en place dans ma tête. LD: Quel était votre but principal en créant ce film? LB: J’aime beaucoup l’architecture et l’histoire. Et il y avait cette église [l’église presbytérienne Erskine, NDLR] qui aurait pu devenir une copropriété, mais que le musée a décidé d’acheter pour la protéger et la restaurer. Chaque remise à neuf présente une partie distincte
x le délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com
de son histoire, c’est pourquoi le musée est si pittoresque. En effet, on y retrouve sept périodes d’architectures différentes. J’ai fait ce documentaire pour des gens qui ne vont pas au musée, mais qui ont envie de s’y transporter et de s’y intéresser. J’espère que mon message soit clair et que l’auditoire se dise «Wow! Je ne savais pas que c’était comme ça!» ou «J’ai envie d’y aller, pour voir!». J’adore faire découvrir aux autres ce que j’ai moi-même appris et je crois que cela transparaît dans mon film. LD: Qu’est-ce qui vous a le plus surpris en effectuant vos recherches? LB: Je pensais que les œuvres affichées y étaient pour 5 ou
6 ans, disons. J’ai été très étonné de voir qu’il y avait un roulement constant dans les collections. Un musée, c’est un peu comme une banque qui ouvre sa chambre forte. Ils ont en leur possession des œuvres d’art qui valent très cher, on y retrouve environ 35 000 objets. Tout y est géant: les salles, le nombre de productions artistiques… C’est l’immensité du Musée des beaux-arts qui m’a le plus étonné. C’est une caverne d’Ali Baba accessible au grand public. J’ai aussi réalisé que le musée est très vivant; je pourrais le comparer à une fourmilière. Chaque fois que le musée ouvre ses portes, des centaines de personnes s’y promènent et y travaillent. Les employés ont cha-
LD: Êtes-vous satisfait du résultat? LB: C’est certain que tu n’es jamais content! Toutefois, il y a récemment eu une projection et environ 300 personnes étaient présentes. Je crois que j’ai su bien garder l’essence des propos des acteurs. Il est important de rendre une image fidèle et élégante des gens que tu présentes. Le cinéma, c’est un mensonge organisé. Pour le rendre «vrai», il faut choisir ce qui reste le plus près de leur parole et je crois que c’est ce que j’ai fait. Ma plus grosse paye c’est quand on me dit: «Ça fait des années que je travaille ici, et je viens de comprendre réellement en quoi consiste mon milieu de travail.» Il est merveilleux que je puisse en apprendre même aux gens qui travaillent au musée depuis longtemps. LD: Quels sont vos prochains projets? LB: Je tourne bien plusieurs idées dans ma tête en ce moment. J’ai cinq projets auxquels je pense et j’ai l’impression que c’est gros comme la ville! J’aimerais faire un long documentaire, un peu comme j’avais fait avec La mémoire des anges (2008). Je tourne le sujet en rond pour être certain que ce soit une bonne idée. Le fait est que je suis un peu superstitieux et je peux presque dire que j’attends un signe pour me lancer pour de bon! x Propos recueillis par Geneviève Payette.
Arts & Culture
13
CINÉMA
Ils vécurent malheureux et eurent beaucoup d’enfants Dans Un heureux évènement, Remi Bezançon relate la grossesse, la naissance et la première année de vie du premier enfant de Barbara et Nicolas. Emilie Blanchard Le Délit
L
e film est basé sur le roman du même nom d’Éliette Abécassis, où le personnage principal, Barbara, n’est pas particulièrement épanouie et enjouée par sa grossesse et l’arrivée de son premier enfant. À sa sortie en 2005, le livre de l’auteure française a causé tout un émoi parce qu’il aborde la dépression post-partum, syndrome qui affecte une minorité de nouvelles mères. Certains des symptômes sont les pleurs, le sentiment d’incompétence, la fatigue et parfois même la haine de l’enfant. Côté scénario, Rémi Bezançon emprunte un chemin différent du roman, mais tout aussi intéressant et qui attirera un public large. Il parle de l’impact d’un enfant sur le couple, particulièrement quand la mère s’occupe trop de l’enfant jusqu’à s’oublier elle-même et exclure le père. Parallèlement, les parents restent incapables de prendre du temps pour eux-mêmes et leur couple. Toutefois, le film ne diverge pas complètement du livre. Quelques scènes subtiles abordent de façon humoristique la dépression post-partum, de quoi satisfaire les amateurs du livre. Il se moque également des médias et des célébrités qui présentent la maternité comme quelque chose de facile et amusant.
Un couple improbable À première vue, le couple formé par Barbara et Nicolas paraît improbable. Barbara, candidate au doctorat en philosophie, est une pure intellectuelle. Nicolas est un adulte-enfant trop proche de sa mère qui travaille dans un club vidéo. Toutefois, Pio Marmaï et Louise Bourgoin ont une belle chimie qui se transmet à l’écran, rendant ce couple beaucoup plus réaliste qu’il ne le serait dans la réalité. Louise Bourgoin s’est fait connaître en France en tant que Miss Météo et critique littéraire excentrique et théâtrale au Grand Journal de Canal+. Un heureux évènement s’agit de son premier grand rôle dramatique. Avec ses lunettes ingrates et ses cheveux rebels, le rôle de Barbara est moins glamour que celui de Miss Météo. Elle interprète aisément toute la variété des émotions que son personnage de Barbara traverse: la joie, le doute, la colère et la tristesse. Pio Marmaï, qui a travaillé avec Rémi Bezançon dans Le premier jour du reste de sa vie, joue un père qui se métamorphose avec la paternité. Il devient réellement un adulte et coupe le cordon avec sa propre mère. Également, il tente de se rapprocher de son enfant, mais qui est incapable de le faire, parce que Barbara prend toute la place, ce qui est plutôt dommage car il semble être un père aimant et attentionné.
Le travail des enfants Finalement, il faut parler des éléments techniques. Tout d’abord les prothèses de Louise Bourgoin sont très réussies et bien adaptées aux différentes étapes de la grossesse et post-accouchement. De plus, les bébés qui jouent dans le film sont extrêmement jeunes, ce qui a dû compliquer le tournage. D’ailleurs, le film a été tourné en Belgique et non en France, afin de pouvoir jouer avec un bébé âgé de 45 minutes. Dans l’Hexagone, il est interdit de tourner avec des enfants de moins de 3 mois.
Un heureux évènement brise les stéréotypes de la maternité. Les entorses au livre original rendent le film plus universel et il touchera ainsi davantage de couples. Il offre un aperçu réaliste mais théâtral de la maternité, que ce soit les moments de bonheur ou de tristesse. x Un heureux évènement Où: CO quartier latin 350 rue Emery Quand: Présentement à l’affiche
Gracieuseté de Films Seville
CINÉMA
The Hunger Games, comme un air de déjà-vu À mi-chemin entre Battle Royale et The Running Man, The Hunger Games nous plonge à son tour dans sa version édulcorée de la «tuerie-spectacle». Victor Constant Le Délit
L
’évènement cinématographique de la semaine dernière en Amérique du Nord était sans nul doute la sortie très attendue de l’adaptation du roman de 2008 de Suzanne Collins, The Hunger Games. Dimanche, on annonçait que le film avait généré un total de 155 millions de dollars d’entrées en seulement trois jours, ce qui le place en troisième position du classement général du box-office, juste derrière The Dark Knight et le dernier volet de la série des Harry Potter. Cet engouement pour le film s’explique sans doute par la popularité des livres de Suzanne Collins, mais un cinéphile ne les ayant pas lus risque de repartir sur sa faim. En effet, rien de nouveau sous le soleil pour The Hunger Games. Dans une Amérique post-apocalyptique et dystopique, rebaptisée Panem, le pouvoir est centralisé dans la mégapole prospère du Capitole qui règne sur les douze Districts –en état de paupérisation provoquée– qui l’entourent. En gage de «tribut», le Capitole choisit un garçon et une fille, entre 12 et 18 ans, dans chaque District pour participer aux «Hunger Games», un combat à la mort entre les 24
14
Arts & Culture
participants retransmit à travers le pays sur les écrans de télévision et duquel un seul «tribut» peut sortir vainqueur et riche. Ils bénéficient tous de sponsors ainsi que de cotes utilisées pour orienter les paris. Quelque chose qui cloche? Une impression de déjà-vu? Si vous avez vu l’excellent Battle Royale ou encore le film The Running Man, c’est normal. Pour ceux qui ne les auraient pas vus, Battle Royale se passe dans un Japon contemporain où la violence et la délinquance foisonnent et le gouvernement, par mesure de répression, envoie chaque année une classe de troisième d’un lycée à problème sur une île avec des armes et du matériel, sous la supervision de l’armée, pour se livrer à un combat jusqu’à la mort duquel seul un seul élève pourra sortir vivant. The Running Man, quant à lui, se déroule dans des États-Unis dystopiques, dans un futur proche, où un large gouvernement centralisé et totalitaire règne d’une main de fer et où certains condamnés peuvent choisir de participer à l’émission télévisée du «Running Man». Les prémices de cette émission font que le condamné doit survivre dans un terrain délimité tout en étant poursuivi par une équipe de chasseurs cherchant à le tuer et le public de l’émission
place des paris quant à la survie du candidat. S’il survit à l’émission, il est alors gracié. On voit donc l’apparition d’un thème récurrent, surtout quand on sait que Battle Royale date de 2000 (le roman date de 1999) et que The Running Man date de 1987 (le roman de Stephen King datait lui de 1982). De ce point de vue-là, The Hunger Games est plutôt décevant car il présente une vision beaucoup plus édulcorée et moralisatrice. La «gentille» Katniss (Jennifer Lawrence), malgré son incroyable talent d’archère, ne tue presque jamais les «méchants» qui sont, rappelons-le, obligés tout comme elle de participer à l’épreuve. Une histoire d’amour impossible entre les deux participants du même District (Katniss et Peeta) vient aussi s’entremêler à l’action et, au lieu de la renforcer comme on pouvait le voir dans Battle Royale, la dénature et la ralentit. Ce sentiment de déjà-vu et le frein mis sur le rythme de l’action au profit de considérations manichéennes, qui ont tendance à faire oublier que tous les participants sont ensemble dans la même galère et que «la violence, c’est mal», rendent le film décevant. Malgré tout, force est de constater que la trame ainsi que la réalisation présentent des éléments novateurs qui viennent rajouter au film un certain intérêt. La métaphore filée de l’Empire romain (à travers les personnages de
Gracieuseté d’Alliance Films
Caesar, Seneca, Claudius et Cato notamment) et le parallèle avec les gladiateurs et les jeux du Cirque restent savoureux. Enfin, la réalisation et le jeu d’acteur restent satisfaisant et nous donnent deux heures et demie esthétiquement très agréables et au cours desquelles on ne s’ennuie pas. The Hunger Games est donc un film à aller voir, même si il reste dans l’ombre de ses prédécesseurs et laisse sur leur faim les gens n’ayant pas lu le livre. On attend avec un peu plus d’impatience le deuxième volet de cette trilogie, promettant de s’écarter d’un registre dans lequel il ne brille pas pour, espérons-le, approfondir et développer l’histoire de Katniss et de son combat contre le Capitole. x
x le délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com
BANDE DESSINÉE
Rabagliati à la librairie Le Délit présente sa rencontre avec Michel Rabagliati, bédéiste et auteur de la série Paul. Jonathan Brosseau-Rioux Le Délit
S
amedi dernier, à la Librairie Verdun, Michel Rabagliati, célèbre auteur de la série en bande dessinée Paul, proposait une séance de dédicaces. Sur place, un groupe homogène d’intellos à lunettes bavarde de la chic qualité de vie de ce quartier émergeant. D‘ailleurs, on dirait une réunion familiale, puisque chaque nouvel arrivant est accueilli par propriétaire et clients avec des exclamations de joie et des embrassades. L’ambiance est calme et les admirateurs passent tour à tour faire autographier leur exemplaire de Paul au Parc, dernier opus de la série, où le héros retrouve ses 10 ans. Touchante histoire sur le scoutisme et la crise d’Octobre 1970, Michel Rabagliati esquisse généreusement un croquis de Paul dans ses habits de scouts sur chaque exemplaire présenté par son public. Et tous en profitent pour lui raconter une anecdote personnelle reliée à l’œuvre. L’un d’entre eux est déjà allé à la pourvoirie de Paul à la pêche. Son camarade renchérit en disant qu’il a vécu tout près de son premier appartement dans les années quatre-vingt. Une autre lui offre une bouchée sucrée et ra-
conte comment elle a relu la série en entier la semaine dernière. Tout ça, sous le regard patient et bienveillant de l’auteur, qui commente allègrement les propos. La séance se termine et Michel se retourne vers moi. Le propriétaire de la libraire lui indique que je suis un étudiant du journal français de McGill. Il m’invite à approcher, autographie mon bouquin et accepte de m’accorder une entrevue. D’abord, et cela était presque inévitable, le sujet des séances de dédicaces est abordé. Un élément le surprend toujours lors de ces exercices et c’est le nombre de personnes qui lui disent avoir pleuré en lisant Paul à Québec. Phénomène récurent, cela étonne l’auteur puisqu’il avoue avoir du mal à se rappeler la dernière œuvre ayant eu un effet aussi puissant sur lui. Toutefois, il dit lui-même avoir trouvé l’écriture de cette bande dessinée difficile au plan émotionnel, étant donné que la trame narrative est entièrement tirée d’une expérience familiale: la mort de son beau-père. Ensuite, la conversation dévie vers ses intentions d’auteur. Il acquiesce lorsque je lui demande si la série dresse un portrait représentatif de la société québécoise des années soixante-dix à
aujourd’hui. Pour lui, raconter les différentes périodes de sa vie personnelle, de son quotidien tranquille, c’est aussi raconter l’histoire de ces milliers d’autres personnes qui marchent, suent, aiment et vivent dans les rues de Montréal. Son succès s’étend aujourd’hui dans toute la francophonie, comme le montre le Prix du public gagné au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Traduit dans plusieurs langues, ce n’est que le début pour cette série québécoise. Puis, Michel me parle de ce qui l’inspire. Série autobiographique à peine romancée, il n’est pas difficile d’imaginer qu’il puise énormément d’idées dans les moments forts de sa vie. Voulant séduire le lecteur, il ne se censure pas néanmoins et plonge dans les souvenirs les plus pénibles de sa vie pour réussir à produire une œuvre honnête. Et c’est là que réside tout le succès de son entreprise. En parlant avec conviction de ce qui l’anime, il réussit à rejoindre l’Autre jusque dans ses plus profonds retranchements, à créer une magie unique, une chimie à la fois simple et complexe. J’ai assez abusé de sa bonté. Il me remercie et me serre la main. Foulard autour du cou, je
m’apprête à partir lorsque j’assiste à une scène amusante. Le libraire propose de lui offrir une suite de romans et Michel, d’un air sérieux, les rejette l’un après
l’autre: trop policier, écriture désagréable, déjà à la maison… À la fin, il jette son dévolu sur La tendresse attendra de Matthieu Simard. Bon à savoir. x
Gracieuseté de la maison d’édition La Pastèque
CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Marianne ou le génie caché Laure Henri-Garand | Chemin de croix
C’est avec une certaine tristesse, symptôme de la dissolution lente de mon désir naïf de croire en la pureté, en la gentillesse du monde, que ma compréhension de la place de la femme dans l’histoire littéraire s’approfondit. Ma pensée simpliste s’articulait auparavant comme ceci: avant que la femme n’atteigne le cercle exclusif des êtres indépendants de pensée et d’action, la volonté –et l’habi-
leté– de création était chez elle absents. Cette conception est ridicule et fausse: nous connaissons aujourd’hui les liens tant littéraires que ménagers qu’ont entretenus nombre d’écrivains avec les femmes de leur entourage, ainsi que l’importance de plusieurs d’entre elles dans la genèse d’œuvres marquantes de la littérature. Malgré tout, chaque nouvelle femme qui apparaît en écriture devant moi semble plus troublante que la précédente, incapable que je suis de concevoir l’ampleur réelle de la présence littéraire féminine dans l’histoire. La biographie de Johann Wolfgang Goethe, pour le prendre en exemple, contient un nombre impressionnant de ces femmes indispensables. Né en 1749 et mort en 1832, Goethe est considéré par beaucoup comme le poète allemand, c’est-à-dire celui qui, par son œuvre, a révolutionné la langue allemande, contribuant ainsi à façonner l’identité moderne du
x le délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com
pays en devenir de cette époque. En plus de quatre-vingt ans d’existence, Goethe a vu se succéder quatre genres littéraires importants –classicisme, Sturm und Drang, romantisme, et orientalisme– en plus d’avoir été témoin des bouleversements de la Révolution française, et fut l’auteur de textes qui, encore aujourd’hui, sont considérés comme les plus importants, non seulement de l’histoire littéraire allemande, mais également de l’histoire littéraire mondiale. Goethe est un génie, donc. Mais comme pour la plupart des auteurs, Goethe ne serait pas Goethe sans l’influence de plusieurs personnages importants. Parmi les plus connus et respectés: Johann Gottfried von Herder, Johann Winckelmann, Friedrich von Schiller, les frères Schlegel, de grands hommes qui offrirent à Goethe la profondeur intellectuelle qui lui a permis de constamment renouveler sa conception de la vie et de l’art. Mais Goethe ne
serait pas Goethe non plus sans les femmes de sa vie. Sa sœur Cornélia, Friederike Brion, Lili Schöneman, Charlotte von Stein, Christiane Vulpius, Faustina Antonini, Ulrike von Levetzow (qui avait dix-sept ans lorsque le vieux Goethe, quatre-vingt ans, s’est épris d’elle) sont les plus connues, et furent chacune à leur manière la source d’inspiration d’une période créatrice. De toutes ces femmes, c’est l’histoire de Marianne von Willemer, une jeune actrice mariée d’environ trente-cinq ans que l’auteur rencontre à Frankfurt en 1814, qui semble la plus touchante. Rencontrée alors qu’il est sous l’influence de Hafez, poète perse du XIVe siècle, Marianne écrira avec Goethe plusieurs poèmes du «Divan» –terme que Goethe emprunte à Hafez et qui signifie plus ou moins «recueil»– et les deux vivront ensemble un amour (apparemment) platonique qui les marquera cha-
cun très fortement. On a toutefois découvert au XXe siècle que plusieurs poèmes de ce réputé West-Östlicher Divan (les meilleurs, selon certains) furent en réalité écrits par Marianne elle-même. Le biographe David Luke écrira, presque négligemment: «the scholar Hermann Grimm discovered that several of the Divan poems were in fact by Marianne, adopted with slight alterations by Goethe and barely distinguishable from his own work», avant de retourner à la vie de l’auteur. Goethe, le grand Goethe, ce génie qui a marqué la littérature, a emprunté plusieurs poèmes à Marianne, et ces poèmes font maintenant partie du canon littéraire. Ce qui n’est pas vraiment grave. Rien de cette histoire n’est un véritable drame. Seule me reste cette douce tristesse, à l’idée que plusieurs femmes encore, non découvertes celleslà, cachent un talent qui ne sera jamais canonisé. x
Arts & Culture
15
CHRONIQUE PHOTO
Helmut Newton, femmes encore des femmes! Margaux Meurisse | Photo m’a-t-on dit?
Helmut Newton, Même si aucune image précise ne vous vient à l’esprit, le nom de ce prodige résonne à coup sûr dans vos têtes! Ce «père du porno chic» a dédié sa vie à traquer la beauté féminine et nous a laissé des archives uniques sur l’univers de la féminité. Sous le titre de «photographe de mode», il se place avant tout en tant que reporter certes provocant et controversé, mais surtout reporter au sens où il fige à jamais sur papier glacé le mode de vie de la haute société du XXe siècle.
Pourquoi avoir choisi de vous parler d’Helmut Newton aujourd’hui? Car ce samedi 24 mars, les portes du Grand Palais s’ouvraient à Paris pour permettre au public de découvrir plus de deux cent images réalisées par ce maître de la photographie. Malgré le fait qu’il ait réalisé une grande partie de ses œuvres en France, il s’agit de la première rétrospective française en son hommage depuis sa disparition en 2004. Du polaroïd au grand format, du noir et blanc à la couleur, on y retrouve l’éloge de la femme sous toutes ses coutures! Un éloge extrêmement controversé par l’étiquette sexiste et pornographique qui colle à la peau d’Helmut Newton depuis ses débuts. Seulement, si l’on arrive à mettre de côté ces critiques et à considérer la valeur artistique de l’ensemble de son œuvre, on y trouve des femmes libérées de toutes conventions assumant pleinement leur féminité et surtout une mise en scène d’une finesse et d’une rareté extrême. La vie d’Helmut Newton est à l’image de son œuvre, palpitante et ambitieuwse. Né en 1920 à Berlin d’un père juif-allemand et d’une mère étatsunienne, il prend sa première photo à 12 ans.
CALENDRIER CULTUREL
MARDI
JEUDI
eroticism! Vulgarity is life, amusement, desire, extreme reactions!» Les chambres privées d’hôtels de luxe ou les piscines sont les décors prisés du photographe, qui met en scène des femmes tantôt soumises à
l’autorité masculine, tantôt maîtresses du monde. Vous avez donc jusqu’au 17 juin pour planifier une semaine de vacances à Paname et profiter de cette grande exposition! x
Semaine de Recherche 2012, Société des étudiants en Arts, 28 mars au 2 avril, Arts Building, Gratuit Le Labyrinthe: Méditation, Breakout Room, 2e étage, Shatner building, Gratuit, 12h30 – 16h00 Étrangers dans un étrange pays, Breakout Room, 2e étage, Shatner building, Gratuit, 20h15 Festival Dramatique de McGill 2012, Player Théatre, 3e étage, Shatner builing, Ét : 6$, 19h00 Récital de Piano, Clara Lichtenstein Hall, École de musique Schulich, Gratuit, 20h00
Reel Injun by Neil Diamond, Musée Redpath, 859 Sherbrooke Ouest, Gratuit, 17h00 Conférence, Société des Cellules Souches, Centre de recherche Goodman, Salle 501, Gratuit, 14h00 L’esclavage sexuel & L’holocauste Asiatique, Séminaire, Moot Carl (Salle 100), Law Building 16h30 Tonal Ecstacy, Acappella, Concert de printemps, Shatner Ballroom, Shatner builing, 10$, 19h00 Bright light: Big City, bal de Graduation des étudiants de Science, Sofitel Montréal, 35$, 21h00
Une Affaire Finale, Bal de graduation des étudiants d’arts, Loft Hotel, 334 Terrase St Denis, de 50$ à 85$, 21h00 Tournoi d’échec des universités de Montréal, École Polytechnique, 2900 Boulevard Edouard-Montpetit, 8$, 9h30 Festival Dramatique de McGill 2012, Player Théatre, 3e étage, Shatner builing, Ét : 6$, 19h00 Ensemble de Chambre de McGill, Pollack Hall, École de musique Schulich, Gratuit, 20h00 Récital de voix,Clara Lichtenstein Hall, École de musique Schulich, Gratuit, 20h00
DIMANCHE 16 Arts & Culture
Photo: Helmut Newton
Inception, Amphithéâtre Jeanne Timmins, Hôpital Neurologique de Montréal, 3801 Rue Université,Gratuit, 18h30 A Dream Play, Théâtre Moyse Hall, Arts Building, 853 rue Sherbrooke Ouest, du 29 au 31 mars, Ét: 5$, 19:30 Vin & Fromage, Commission des Affaires Francophones, Thompson House, 3650 McTavish, Gratuit, 17h00 – 19h00 McGill Rent-a-Rower, Bar Gerts, Shatner building, 3480 rue Mctavish, Gratuit, 18h00 – 21h00 Festival Dramatique de McGill 2012, Player Théatre, 3e étage, Shatner builing, Ét : 6$, 19h00
VENDREDI SAMEDI
Charlotte Rampling (1973)
Vis-à-vis Télévisons: la thérapeutique d’Andy Warhol, Arts 160, Arts Building, Gratuit, 15h30 Festival Dramatique de McGill 2012, Player Théatre, 3e étage, Shatner builing, 3480 rue Mctavish, Ét : 6$, 19h00 Les Mardis Piano, Clara Lichtenstein Hall, École de musique Schulich, 555 rue Sherbrooke Ouest, Gratuit, 15h30 Récital de voix,Clara Lichtenstein Hall, École de musique Schulich, Gratuit, 20h00
MERCREDI w
À sa majorité, il fuit le régime hitlérien, quitte sa famille bourgeoise et s’envole pour l’Australie. Très vite il est nommé photographe pour l’armée australienne et comble ses fins de mois en photographiant des mariages. Il rencontre alors sa femme June qui est comédienne. Tous les deux, ils feront des allers-retours entre Londres, l’Australie et Paris pour finalement s’installer dans la capitale française, haut lieu de la mode, du pouvoir et de la luxure. C’est le Jardin des modes, le magazine de mode le plus prisé de l’époque, qui permet à Helmut Newton d’exploiter son talent. En 1971, dans une entrevue avec Jean-Jacques Naudet pour le magazine Photo, il ne cache pas sa passion pour le monde superficiel et même s’il n’est pas à l’aise avec ce choix, il avoue éprouver un désir incontrôlable de photographier ces femmes issues de la haute bourgeoisie qui selon lui incarnent l’archétype de la sensualité, le luxe, l’argent et l’érotisme. Apparaissant dans Vogue, Playboy, Marie-Claire ou Elle, la femme Newtonienne est très souvent nue ou en smoking, intimidante et séductrice. D’après le photographe, «Good taste is antifashion, anti-photo, anti-girl, anti-
Messe de couronnement de Mozart, McGill Choral Society, 5037 St Dominique, 20$; ét : 10$, 15h00 Bouge: Donne de l’espoir et de la joie à un enfant, Shatner builing, mcgillmakeawish.com
x le délit · le mardi 27 mars 2012 · delitfrancais.com