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Immigration africaine à Montreal pp 8&9
Le mardi 30 octobre 2012 | Volume 102 Numéro 07
En kayak depuis 1977
Volume 102 Numéro 07
Éditorial
Le seul journal francophone de l’Université McGill
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Des chiffres et des lettres Nicolas Quizua et Anselme Le Texier Le Délit Les chiffres «Le français est à la baisse», ou du moins c’est ce qu’on se fait répéter depuis plusieurs années. Selon les dernières données de Statistique Canada publiées mercredi le 24 octobre et fondées sur le recensement de 2011, le pourcentage de la population de Montréal faisant usage unique du français en tant que langue parlée à la maison a «poursuivi sa baisse amorcée en 2001», pour se situer a 56,5% en 2011. (contre 62,4% en 2001 et 59,8% en 2006). De plus, toujours selon Statistique Canada, le pourcentage de la population ayant comme langue maternelle le français, à Montréal, a continué son déclin pour se trouver au-dessous de la barre des 50%, à 48,7%. Par contre, dans son rapport intitulé Caractéristiques linguistiques des Canadiens, Statistique Canada semble sceptique par rapport à l’exactitude de ses résultats. En prélude à son rapport, l’agence fédérale appelle les lecteurs à la «prudence dans l’évaluation des tendances se rapportant à la langue maternelle et à la langue parlée à la maison lors de la comparaison des données du Recensement de 2011 aux données des recensements antérieurs». «De 2006 à 2011, les changements observés dans les effectifs et les proportions des groupes de langue maternelle anglaise, française et «autres» sont affectés par des changements dans la façon dont on a répondu à la question sur la langue maternelle lors du Recensement de 2011», ajoute l’agence sur son site Internet. Les changements apportés par le gouvernement Harper, mettant fin a la version longue du formulaire de recensement, laisserait planer le doute sur la qualité des données du Programme du Recensement de 2011, qui n’aurait «pas été pleinement évalué». En entrevue avec Radio-Canada, l’analyste en chef pour la partie des langues du Recensement de 2011, Jean-Pierre Corbeil expliquait que les questions portant sur la langue on été présentées dans un contexte différent de celui de 2006, ce qui aurait pu avoir un impact sur les résultats. Sphère privée Les données publiées par Statistique Canada et utilisées par l’Of-
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fice québécois de la langue française pour justifier une réorientation de sa politique reposent en partie sur la définition qui est faite d’un francophone. En effet, celui qui déclare parler majoritairement français à la maison est seul francophone. Une telle définition ne respecte pas la vision que nous avons de notre propre langue et ne reflète pas les réalités que nous vivons. Il est à craindre que la politique du Parti Québécois en matière de langue pousse le gouvernement à réduire le nombre d’immigrants. Car, malgré la politique stricte d’immigration choisie qui favorise les immigrants déjà francisés, le Québec attire toujours plus d’immigrants allophones. Si l’on en croit les rapports qu’on nous présente en guise d’épouvantail et les positions de formations politiques souverainistes, l’immigration d’allophones semble être une des causes du recul du français dans la province, malgré le nombre grandissant d’entre eux qui choisissent le français par rapport à l’anglais (51% en 2006 contre 52% en 2011). S’il est vrai qu’à Montréal la part des personnes utilisant le français à la maison est en déclin, un organe gouvernemental a-t-il un droit de regard sur la langue que nous parlons dans la sphère privée? Il paraîtrait presque naturel pour la seule province francophone du Canada de chercher à protéger sa langue; beaucoup ont peur de voir disparaître celle-ci. Cependant, pour s’assurer de l’avenir de la langue française au Québec, il faut avant tout en faire la promotion, spécialement dans l’espace public. Sphère publique L’OQLF prend son rôle à cœur lorsqu’il s’agit de promouvoir le français dans la sphère publique. En témoignent les récents rebondissements dans l’affaire qui oppose l’Office à six multinationales implantées au Québec. Celui-ci ne transige pas sur sa décision de juin de réinterpréter la loi 101 pour imposer aux enseignes qui utilisent une marque déposée en langue anglaise d’accoler un générique à leur devanture (ex. magasin, quincaillerie). La monopolisation du discours public par ces grand procès invite à croire que c’est la seule solution qu’on ait trouvée. Le Conseil du patronat du Québec, quant à lui, choisit de soutenir l’OQLF en insistant auprès des entreprises implantées au Québec sur les nombreux avantages qu’il y a à investir dans le français. Le conseil du patronat
plaide pour une méthode douce; mais il faut admettre que seules des mesures strictes peuvent contraindre des compagnies anglophones, à offrir leurs services en français, assurant ainsi aux francophones de la province un espace de travail où ils peuvent parler leur langue. Des moyens dérisoires pour des méthodes inopportunes. Ce qui devrait être la promotion d’une langue devient rapidement la défense de celle-ci contre sa rivale. Dans la province, et surtout à Montréal, le français se définit par opposition à «l’autre langue». Ce constat accablant pousse les communautés linguistiques l’une contre l’autre; on est alors appelé à choisir son camp. McGill (en) français À McGill le corps étudiant est composé de seulement 18% d’étudiants possédant le français pour langue maternelle et il ne semblerait pas être à l’avantage de McGill d’augmenter la proportion de francophones au sein de l’Université. La majorité de ces derniers provenant du Québec ou de France, ils ne paient pas autant que les autres étudiants internationaux. Alors que l’université prétend qu’elle «joue dans un marché mondial» et ne voudrait pas se priver d’étudiants internationaux de qualité; pourquoi ne promeut-elle pas l’apprentissage du français à ces mêmes étudiants? Récemment, la Post Graduate Student Society (PGSS) — qui ne possède pas de traduction officielle à son nom — a proposé de rendre optionnelle la traduction en français de ses procès verbaux. Ce qui semble au premier coup d’oeil être un autre recul du français à McGill serait en fait une redistribution des ressources vers des aspects plus importants, selon Jonhatan (blabla), président de l’Association. Toute décision sur cette motion a été reportée à plus tard. Pour le moment, un comité sera formé pour évaluer la politique de l’Association par rapport au français et devrait être en discussion avec l’ADELFIES (Association des Étudiant(e) s en Langue et Littérature Françaises Inscrit(e)s aux Études Supérieures) afin de trouver un terrain d’entente. La condition du français dans un contexte majoritairement anglophone, que ce soit à McGill ou en Amérique du Nord, ne doit pas être prise pour acquise. Par contre, n’oublions pas que l’identité francophone a avant tout sa place dans l’espace public et que la promotion d’une langue ne devrait pas se faire au détriment d’une autre. x
rÉdaction 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6784 Télécopieur : +1 514 398-8318 Rédacteur en chef rec@delitfrancais.com Nicolas Quiazua Actualités actualites@delitfrancais.com Secrétaires de rédaction Camille Gris Roy Alexandra Nadeau Mathilde Michaud Arts&Culture artsculture@delitfrancais.com Chef de section Anselme Le Texier Secrétaire de rédaction Anne Pouzargues Société societe@delitfrancais.com Fanny Devaux Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Samuel Sigere Coordonnatrice visuel visuel@delitfrancais.com Lindsay P. Cameron Infographie infographie@delitfrancais.com Vacant Coordonnatrice de la correction correction@delitfrancais.com Myriam Lahmidi Coordonnateur Web web@delitfrancais.com Mathieu Ménard Collaboration Simon Albert-Lebrun, Alexandra Appino-Tabone, Veronica Aronov, Sophie Blais, Théo Bourgery, Jonathan Brosseau, Audrey Champagne, Alexie Labelle, Guillaume de Langres, Annick Lavogiez, Baptiste Rinner, Pierrick Rouat, Louis Soulard, Jean-François Trudelle, Couverture Lindsay P. Cameron bureau publicitaire 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 514 398-6790 Télécopieur : +1 514 398-8318 ads@dailypublications.org Publicité et direction générale Boris Shedov Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert The McGill Daily coordinating@mcgilldaily.com Queen Arsem-O’Malley Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD) Nicolas Quiazua, Olivia Messer, Sheehan Moore, Erin Hudson, Joseph Henry, Matthew Milne, Farid Muttalib, Shannon Pauls, Boris Sheldov, Queen Arsem-O’Malley, Rebecca Katzman, Anselme Le Texier
L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.
Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec). Le Délit est fondateur et ancien membre de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).
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CAMPUS
Portes ouvertes de McGill Une journée de découverte Fanny Devaux Le Délit
L
a fin de semaine du 27-28 octobre, des tentes rouges étaient installées partout sur le campus de McGill. En effet, dimanche dernier se tenaient les «Portes ouvertes» de l’Université. Au cœur de l’été indien, cette journée symbolique transforme, pour quelques heures, le campus. Une centaine de bénévoles, beaucoup de familles, de nombreuses visites et des produits dérivés à l’effigie de l’école… Des activités et expositions sont proposées à plusieurs endroits. Le sous-sol du pavillon Bronfman accueillait les stands de la faculté des Arts. Michelle, une étudiante de second cycle en Géographie tient la table d’information de son département. Elle dit avoir voulu participer à cette journée parce qu’elle peut ainsi parler aux étudiants de sa propre expérience: «Je veux aider les jeunes à comprendre ce qu’est vraiment la géo. Et pour être plus attirant, on a collaboré avec Peace Treats [ndlr : un club de cupcake]. Avec autant de sucreries, j’espère que l’on aura des étudiants intéressés par notre programme!».
De nombreuses familles sont présentes et comptent sur l’occasion pour ouvrir les discussions sur le choix de l’université. C’est pour cela que Valérie et Angela sont là. En dernière année au Cégep du VieuxMontréal, elles errent entre les tables pour glaner le plus de renseignements possibles sur McGill. Angela confesse: «Quand on fait nos choix en février on va beaucoup se baser sur cette première impression». Et Valérie de s’étonner: «Je ne savais même pas que certains départements existaient! Le département de Sociologie par exemple… alors ça donne des idées!». Du côté des professeurs, c’est l’occasion de faire connaître les programmes, Lucia Chamanadjian, la directrice du programme de langue espagnole nous dit: «On vient chaque année. On ne sait jamais si ça joue dans le choix des étudiants, mais on espère!». Carli Cullen, étudiante en Sociologie de 2e année, participe à la journée en tant que guide: «J’avais envie de partager mon amour de McGill». Elle dit aussi que c’est lorsqu’elle est venue avec ses parents, depuis la Colombie-Britannique, aux «Portes ouvertes» de 2009 qu’elle a décidé que son
choix se porterait sur McGill. Carli a parti- BRÈVE: Ratification en ligne cipé comme tous les autres bénévoles - une Camille Gris Roy centaine nous dit-elle - à une formation. La Le Délit veille on les a prévenus: McGill attend plus de 8 000 visiteurs. Et la consigne est simple: Les deux motions approuvées à faire bonne figure. l’Assemblée Générale de l’Association Ce dimanche, un éventail représentaÉtudiante de l’Université McGill (AÉUM) tif de la structure administrative de McGill du 15 octobre ont été ratifiées en ligne la répondait «présent» sur le campus. Des semaine dernière. étudiants de premier et second cycles, des Selon l’article 29.7 de la Constitution professeurs, des employés: tous étaient là de l’AÉUM, adoptée le 1er mai 1999, les pour promouvoir l’image de l’école. x résolutions passées à l’Assemblée Générale doivent être ratifiées en ligne, une première depuis 2008. Le quorum pour la ratification doit être de 10%, selon l’article 29.8. Ce sont 2 931 étudiants sur les 21 975 électeurs inscrits, soit 13%, qui ont participé à ce processus de ratification. La première concernait la construction d’un mur d’escalade à McGill: 2 024 étudiants se sont prononcés. Il y a eu 530 votes contre et 377 abstentions. La seconde motion concernait le Breakout-Room du deuxième étage de l’édifice Shatner: la salle portera désormais le nom de Madeleine Parent. 2 002 ont voté Crédit photo: Zoe Carlton pour, 452 contre et 470 se sont abstenus. x
CAMPUS
La foire est de retour
Contre toute attente, la foire aux livres de McGill revient pour une 41e édition.
Alexandra Nadeau Le Délit
«I
l faut absolument que, non seulement la foire continue, mais qu’on continue d’attirer toujours un plus grand nombre de gens». C’est en faisant preuve d’optimisme et de conviction que Jonathan Haines et Fraser Dickson ont pris en main l’organi-
Crédit photo: Lindsay P. Cameron
sation de la traditionnelle foire aux livres de McGill. Malgré l’annonce de la fin de cet événement l’année passée, la foire s’est déroulée comme à l’habitude dans la magnifique salle Redpath, du 23 au 25 octobre dernier. L’année dernière, Le Délit annonçait la retraite officielle de Victoria Lees, ancienne coordonnatrice de la foire. Les bénévoles se faisant plutôt âgés, certains participant même à la foire depuis ses tous débuts en 1971, personne ne s’était proposé pour continuer de d’organiser cette tradition. Jonathan Haines était impliqué l’année dernière en tant que coordonnateur des jeunes bénévoles de la foire et c’est maintenant sa 5e année de participation. Fraser Dickson était un client de la foire, et les deux amoureux des livres considéraient que la foire devait continuer d’exister. Vicky, étudiante de deuxième année en Économie et en Sciences Politiques, parcoure les tables remplies de livres. «J’aime beaucoup les livres, et c’est la première fois que je viens à la foire», témoigne-t-elle. Elle n’était pas au courant
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qu’il y avait une telle foire l’année dernière, et M. Haines confirme que beaucoup d’étudiants de McGill ne connaissent pas l’événement. Il dit d’ailleurs qu’un des objectifs de la foire de cette année était d’attirer davantage les étudiants de McGill en faisant plus de publicité dans les médias sociaux et dans les journaux universitaires. Habituellement, c’était plutôt des gens plus vieux de la communauté qui fréquentaient la foire. Cet événement annuel est une occasion de faire de bonnes aubaines sur les livres achetés. Cette année, Haines et Dickson ont tenté d’amener des nouveautés à la foire, comme l’encan silencieux qui s’est déroulé et qui a permis la vente à 250$ d’une première édition d’un disque vinyle des Beatles qui se vend habituellement à 800$. Une partie des profits de la vente des livres va directement à McGill, afin de financer le programme de bourse pour les étudiants. L’année dernière, 75 000$ avaient été donnés à McGill, et ce montant d’argent a permis de financer les études de 40 étudiants de l’Université. Les types de livres que l’on retrouve à la foire varient dépendamment de qui fait des
dons. Cette année par exemple, un ancien professeur allemand de McGill a fait don d’une grande partie de sa bibliothèque, ce qui fait que beaucoup de livres en allemand se sont retrouvés sur les tables. Haines souligne toutefois qu’il y avait moins de livres en vente cette année, 600 comparé à 700 en 2012, «parce que tout le monde pensait que la foire était finie». Il espère recevoir davantage de dons pour l’année prochaine, dons qui sont reçus à partir du mois de février jusqu’à la mi-septembre. Myriam, étudiante de deuxième année en Droit à McGill, était bénévole pour une première fois lors de cette 41e édition. Elle témoignait sa joie de voir la foire continuer, et reconnaissait l’immense travail derrière la mise en place de celle-ci. La foire est orchestrée par des dizaines de bénévoles qui travaillent fort afin de trier et de mettre les prix sur les livres. Selon le coordonnateur de l’événement, «il faut une certaine expertise pour mettre les prix sur les livres». Malgré le grand nombre d’heures consacrées à la mise en place de l’événement, Jonathan Haines fera encore parti de la coordonnation de l’événement l’année prochaine. x
Actualités
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ÉLECTIONS ÉTATS-UNIS
Élections américaines et McGill Comment les étudiants étatsuniens de McGill peuvent-ils s’impliquer dans la campagne électorale? Camille Gris Roy Le Délit
Il offre cette session un cours sur l’histoire des campagnes présidentielles aux États-Unis. «Dans le contexte actuel, ce cours est pertinent, et le nombre d’étudiants inscrits dépasse la limite».
A
ux États-Unis, les élections présidentielles approchent à grands pas. Le 6 novembre 2012, les Américains auront à choisir entre le président démocrate sortant Barak Obama et le candidat républicain Mitt Romney. Environ 6% des étudiants de McGill sont originaires des États-Unis. Au début de la session d’automne 2011, McGill comptait 2 271 étudiants américains, selon les services d’inscription de l’Université. Les États-Unis constituent ainsi le premier pays international représenté à McGill. Plusieurs professeurs et employés de l’Université sont également d’origine américaine. Les élections étatsuniennes touchent donc une partie de la communauté mcgilloise et plusieurs ressources sont à la disposition de ceux qui s’intéressent à ces élections. Il est possible pour les citoyens américains de voter par correspondance. Sur son site Internet, l’Ambassade des ÉtatsUnis à Ottawa rappelle à ses ressortissants le principe du vote depuis l’étranger et explique les démarches à suivre. Chris est un étudiant américain en Sciences Politiques et Développement International à McGill, originaire de Boston. Il a récemment reçu son bulletin pour voter par correspondance. «En tant qu’étudiant américain, spécialisé en sciences politiques, j’ai le sentiment que cette élection est cruciale pour le développement futur des États-Unis», dit-il. Pour lui, il est important de voter, même depuis l’étranger. À McGill, l’association politique Democrats Abroad a pour mission, entre autres, d’aider les étudiants américains à voter et à s’impliquer dans cette
«Bien
que nous soyons une organisation avec une certaine inclinaison politique on aide tout le monde à s’inscrire pour voter, peu importe leurs opinions.»
Crédit photo: Lindsay P. Cameron
élection. Lishai Goldstein, présidente du club, explique au Délit: «J’ai créé ce club avec mon amie Ally Filler au printemps dernier. On a remarqué que beaucoup de nos amis américains n’avaient pas voté à l’élection de mi-mandat en 2010 parce qu’ils étaient intimidés par le processus de vote par correspondance […]. Notre but aujourd’hui est de lever le plus d’obstacles possibles en aidant les gens à s’inscrire puis en les accompagnant à chaque étape du processus de vote». Comme son nom l’indique, Democrats Abroad est une association politique affiliée au Parti Démocrate. Mais Lishai Goldstein insiste: «bien que nous soyons une organisation avec une certaine inclinaison politique, on aide tout le monde à s’inscrire pour voter, peu importe leurs opinions - on ne les leur demande d’ailleurs pas». Les étudiants américains de McGill peuvent donc participer à cette élection simplement en votant. Ils peuvent également s’investir davantage dans la campagne. Lishai Goldstein dit avoir
BRÈVE
Le français au PGSS Anne Pouzargues Le Délit La semaine dernière, le comité exécutif de la PGSS (Post-Graduate Students’ Society) a discuté d’une nouvelle motion visant à modifier sa politique de traduction. Le Président de la PGSS, Jonathan Mooney, a en effet proposé de rendre optionnelle la traduction en français des procès verbaux des instances exécutives de l’association. Un sondage ayant pour but de prendre en compte l’opinion des membres de la PGSS a été annoncé et devrait précéder un éventuel vote sur la motion. Les associations francophones se sont fortement opposées à cette idée. Mathieu Simard, président de l’ADELFIES (Association des Étudiant(e)s en Langue et Littérature Françaises Inscrit(e)s aux Études Supérieures) a ainsi confié au Délit dans un courriel: «Pour nous, tout cela dépasse largement la seule question des procès verbaux. La véritable question est: à long terme, la PGSS devrait-elle être une association bilingue? Si oui, alors il est nécessaire de traduire les procès verbaux en français». Si l’AÉUM (Association Étudiante de l’Université McGill) a une politique officielle de bilinguisme, la PGSS n’en a pas et son nom n’a pas de traduction française.
4 Actualités
Le vote de la motion serait donc un recul supplémentaire de l’usage des deux langues au sein des associations de Maîtrise et Doctorat. Le comité exécutif de la PGSS s’est réuni hier soir (lundi); à l’issu de la réunion, Jonathan Moody a éclairé Le Délit sur les intentions de l’association. Il a précisé qu’elle ne comptait pas diminuer le budget accordé aux traductions, mais simplement le déplacer: la traduction des procès-verbaux a en effet un coût conséquent, qui pourrait être «mieux utilisé, notamment pour traduire le site Internet». Réaction mitigée du côté de l’ADELFIES: selon Mathieu Simard, les dépenses de la PGSS sont en effet très élevées, et il conviendrait peut-être plutôt de diminuer d’autres coûts, comme ceux de l’organisation de certaines activités annexes, plutôt que de remettre en cause les traductions des procès verbaux. Cependant, les deux parties se sont voulus rassurantes. M. Mooney a précisé que la motion n’était qu’une «proposition»: un comité a été constitué pour discuter la proposition au sein de la PGSS. La PGSS rencontrera aujourd’hui (mardi) l’ADELFIES; celle-ci tiendra une Assemblée Générale jeudi, où la motion sera à nouveau discutée avec les membres. x
eu l’impression que beaucoup d’étudiants américains voulaient s’impliquer davantage. «Un de nos buts à Democrats Abroad est d’augmenter l’activisme politique au sein du Parti Démocrate». Elle raconte: «Avec l’aide de certains étudiants de McGill qui étaient stagiaires dans la campagne d’Obama l’été dernier, on a organisé une banque téléphonique hebdomadaire au Wiscosin, qui est un état-pivot crucial». L’association politique sert de «forum de discussion et de débat» selon Lishai Goldstein. Par ailleurs le service des relationsmédia de McGill a dressé une liste des experts en politique étatsunienne qui peuvent être consultés par tous ceux qui s’intéressent à cette élection. Gil Troy, professeur au département d’Histoire de McGill, est spécialisé en politique et histoire américaine. Dans un courriel au Délit, il déclare: «J’ai collaboré avec de nombreux médias; j’ai le sentiment d’être très impliqué, et tout cela m’intéresse beaucoup». Gil Troy a également donné plusieurs conférences sur la question.
Un certain engouement semble donc s’être développé autour de cette élection américaine à McGill. Mais le professeur Troy relativise: «Je suis bien conscient que je ne suis qu’un aimant pour ceux qui sont intéressés par la politique américaine, et que la plupart ne le sont pas, de toute façon». Il déclare: «Lors de la dernière campagne présidentielle, en 2008, j’avais ressenti une grande excitation de la part de mes étudiants. Certains prenaient même de leur temps libre pour être bénévoles pour Barak Obama – comme en 1992, pour Bill Clinton. Je ne ressens pas cette même excitation aujourd’hui. Et c’est vrai en général aux États-Unis aussi – c’est une campagne plus sobre […]». Chris avoue ignorer si les étudiants sont réellement très concernés. «Beaucoup de mes amis américains et moi-même avons suivi de près cette campagne, mais je ne sais pas exactement si c’est le cas de tous les étudiants». Toujours est-il que l’élection américaine a pris une place non négligeable à McGill. Et les enjeux de cette élection ne concernent pas uniquement les citoyens américains, mais tous ceux qui s’intéressent à la politique internationale. x
BRÈVE
Bangs versus Calver Alexandra Nadeau Le Délit
L
a requête de Christopher Bangs contre Jade Calver et Victor Cheng a été rejetée par le conseil judiciaire de l’AÉUM le 23 octobre dernier. Ceci met donc fin à la requête qui avait été déposée en avril 2012. Bangs accusait Calver et Cheng d’avoir contrevenu à 6 articles du règlement des référendums: les questions du référendum ayant été ratifiées en anglais seulement, pas de compte formel deswvotes mené par le Conseil pour ratifier la question, l’échec de faire paraître l’annonce dans les journaux étudiants, un minimum de 21 jours entre la ratification des questions et le référendum, minimum de 6 jours ouvrables pour la durée de la campagne et pas d’annonce faite de l’heure, la date et l’endroit du vote. Le conseil judiciaire a donc déclaré qu’il y avait eu un non-respect de plusieurs articles mentionnés (questions en anglais seulement, annonce des questions en retard et nombre insuffisant de jours de campagne). Toutefois, le conseil a dû évaluer si ces infractions au règlement des référendums étaient suffisantes avant de rendre sa décision quant à
la validité des résultats du référendum. Plus précisément, le conseil a examiné deux questions: 1) Est-ce que la violation de ces articles considérés individuellement a suffit pour invalider les résultats, 2) Si non, est-ce que la somme des ces infractions menacent l’intégrité du référendum de l’AÉFA. Finalement, le conseil judiciaire a décidé que ces infractions, évaluées séparément aussi bien qu’ensemble n’avaient pas suffi à l’invalidation du référendum de la session d’hiver. La requête de Bang est donc officiellement rejetée. x
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ÉLECTIONS AUX ÉTATS-UNIS
Romney et la presse étrangère Romney divise la presse internationale et cumule les erreurs diplomatiques. Louis Soulard Les élections américaines sont toujours pleines de surprises. Tous les quatre ans, un candidat précédemment inconnu des médias étrangers, qu’il soit démocrate ou républicain, se lance dans la course à la présidence. Il y avait eu Robert Dole en 1996 et John McCain en 2008. Le républicain Mitt Romney est le «petit nouveau» de 2012. Il est ainsi l’objet de toute l’attention médiatique, non seulement dans son pays, mais aussi dans le reste du monde. Erreurs diplomatiques Lors de ses déplacements à l’étranger, le candidat républicain à la Maison-Blanche multiplie les erreurs diplomatiques. Cet été, en visite à Londres, il se déclare mitigé face à la capacité de la ville à recevoir les Olympiques, déclarant à NBC: «Il y avait quelque chose d’un peu déconcertant. L’histoire selon laquelle la forme de sécurité privée n’avait pas assez d’effectifs, la supposée grève des agents d’immigration. Ce n’est évidemment pas quelque chose d’encourageant». Et le premier ministre britannique de rétorquer au quotidien britannique The Telegraph: «Évidemment, c’est plus facile si les Jeux Olympiques se tiennent au beau milieu de nulle part». (Romney a participé à l’organisation des Olympiques d’hiver à Salt Lake City en 2002, ndlr). Ce qui est devenu une anecdote amusante reflète néanmoins les tensions créées par le gouverneur du Massachusetts, dans un pays qui demeure l’allié politique par excellence des États-Unis. Opinions divisées Les trois débats précédant les élections américaines du 6 novembre sont désormais passés. Les deux candidats à la présidence divisent l’opinion populaire américaine et mobilisent les foules à l’étranger. Sans doute parce que l’élection américaine de novembre déterminera l’avenir des relations diplomatiques entre les États-Unis et les pays étrangers. L’entrain international suscité par la candidature d’Obama en 2008 n’est pas aussi prononcé quatre ans après - le bilan d’Obama est certes mitigé – mais une question se pose en ces temps de crise: quel est le candidat le «moins pire» pour diriger les États-Unis? De l’intérieur, les esprits restent indécis ainsi que le démontrent les sondages actuels: 47.2 % pour Obama, 47.2% pour Romney (Huffington Post, 26.10.12).
«Une
question se pose en ces temps de crise: quel est le candidat le «moins pire» pour diriger les États-Unis?»
Vision binaire Un article récent du New York Times présente une critique virulente de la conception de la politique internationale de Romney. Selon l’article, la vision du monde du candidat manque de contrastes et semble raviver des conflits passés. Romney considère encore la Russie com-
Crédit photo: Matthieu Santerre
me l’ennemi numéro 1 dont l’Amérique doit se méfier. Il ravive un élan patriotique, voire nationaliste, en rapportant qu’il diminuerait le nombre de délocalisations en Chine et ne laisserait pas le pays «s’écrouler comme la Grèce» (une expression utilisée à plusieurs reprises durant les trois débats). Romney entend redonner à l’Amérique le pouvoir stratégique, militaire et politique qu’elle possédait durant la Guerre froide; Romney effectue une association d’idées pour le moins déconcertante: sa nostalgie de l’Amérique de l’après-guerre le mène à penser qu’un monde divisé en deux blocs est préférable. En définissant la lutte au MoyenOrient comme une guerre «contre les ténèbres», il réhabilite les techniques de propagandes employées par les ÉtatsUnis durant la Guerre froide – la division du monde en deux blocs, partagé entre le côté des «méchants» et celui des «gentils». Hélas pour lui, même les «gentils» dont il se sent si proche semblent douter de lui. L’impopularité dont il souffre au Royaume-Uni après son apparition cet été n’est pas qu’un cas isolé. Le candidat a réussi à se mettre à dos la majeure partie des médias étrangers. En Russie, on craint un retour de tensions diplomatiques. Une déclaration du candidat lors d’une entrevue donnée à CNN en 2011 a donné le ton général de l’idée qu’il se faisait de la politique extérieure: «La Russie est notre ennemi géopolitique numéro un. Les Russes se rangent toujours derrière les pires acteurs politiques de ce monde». De quoi faire resurgir les fantômes enterrés de la Guerre froide. En Russie, on applau-
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dissait au contraire les efforts de collaboration entamés par Obama. La Chine à dos Romney s’est mis la Chine à dos d’une manière similaire. En déclarant la guerre au «made in China», au taux de change du yuan et en critiquant la politique sociale de Beijing, le candidat a établi la vision d’un 21ème siècle purement américain d’où la Chine est exclue. Des déclarations si ouvertes démontrent un clair manque de tact en matière de diplomatie. «Essayez de tenir tête à la Chine, gouverneur Romney», avertissait Barak Obama, moqueur, durant l’un des débats. Obama toujours populaire dans le monde «occidental» Dans le monde dit «occidental», en Europe, au Canada, en Australie, la candidature d’Obama en 2008 est encore dans tous les esprits et était le symbole d’un renouveau américain. Obama représentait la fin de l’ère Bush et d’un pays qui entendait dominer l’Occident. Quatre ans plus tard, Obama semble être encore la meilleure option possible. Les médias grecs et espagnols ont déjà pris le candidat républicain en grippe. En parlant de la Grèce, Romney affirme lors d’un meeting de campagne dans l’Ohio: «Nous ne prendrons pas le chemin de la Grèce. Nous allons faire en sorte que l’Amérique redevienne l’Amérique». Le candidat a tendance à voir dans l’Europe un modèle socialiste en contradiction avec sa politique néo-libérale et conservatrice. Le journal espagnol El Pais
(Madrid) rappelle que Romney, en critiquant les politiques économiques d’alliés historiques des États-Unis, ne fait ainsi que se les mettre à dos.
«Romney
entend redonner à l’Amérique le pouvoir stratégique, militaire, et politique qu’elle possédait durant la Guerre froide.» Seul allié: Israël? Le seul pays semblant trouver grâce aux yeux du candidat est Israël. «Je réaffirmerai nos liens historiques avec Israël et notre engagement total pour sa sécurité», a-t-il affirmé lors d’un discours à l’Institut militaire de Virginie. Mais c’est là le seul pays du MoyenOrient avec lequel il entend s’allier. Romney multiplie des déclarations dans lesquelles il mentionne la capacité des États-Unis d’intervenir au Moyen-Orient pour «réorganiser la région» à tout moment. Des déclarations qui sonnent creuses selon le Daily Star de Beyrouth – d’une part parce qu’il est candidat et parce qu’il n’affiche aucune proposition claire par rapport à la situation. Des discours, que des discours? Des promesses ou déclarations que le candidat républicain à la Maison Blanche adoucira certainement s’il est investi. Reste que selon les médias internationaux, sa vision d’un monde dominé par les États-Unis ne fait pas l’unanimité. x
Actualités
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MONTRÉAL
Le communautaire s’en mêle Discussion au Café Campus sur l’importance de l’action communautaire. Théo Bourgery
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’est au premier étage du Café Campus, sous des projecteurs multicolores et une boule disco, que se sont retrouvées lundi dernier 150 personnes, toutes animées d’une même envie: non celle de danser, mais plutôt de partager avec d’autres leurs expériences dans le milieu communautaire. Depuis maintenant dix ans, le Réseau Québécois de l’Action Communautaire Autonome (RQ-ACA) organise une «semaine nationale de visibilité», qui a pour but de «rendre visible le travail exceptionnel des 4 000 regroupements et organismes d’actions communautaires autonomes», selon leur site web. Avec les manifestations estudiantines toujours vives dans les mémoires, RQ-ACA a décidé cette année de voir grand: Josée Boileau, rédactrice en chef du journal Le Devoir, Francis Dupuis-Déri, professeur à l’UQAM et
François Parenteau, membre du groupe humoristique des Zapartistes ont été invités pour donner à des militants passionnés leur point de vue quant au rôle de la communauté dans le climat politique actuel. «Notre société ne parle plus des pauvres», a dit Mme Boileau, «on les a oubliés». Devant une avancée de la droite conservatrice, aussi bien au Québec que dans le Canada, les plus démunis, aux yeux de la journaliste, sont «exclus» de la vie politique. Il ne tient donc qu’aux groupes communautaires locaux et régionaux de faire un premier pas et d’offrir aux «analphabètes démocratiques» le droit à la parole. Comment? Jean, militant depuis de nombreuses années, déborde d’idées: il faudrait «créer une tribune du peuple» ainsi que rendre plus visibles les Assemblés Populaires Autonomes de Quartier (APAQ), créées pendant la crise et «basées sur la volonté d’agir ensemble dans un espace non-partisan». François Parenteau, aussi militant et comédien,
renchérit, en affirmant que l’humour est nécessaire pour faire passer le message et convaincre les «exclus» d’enfin se faire entendre. Cependant, la tâche est loin d’être évidente. Le RQ-ACA s’est heurté au gouvernement, qui ne veut rien entendre, à de nombreuses reprises. Comme l’explique Mme Boileau avec une ironie désolée, il faut «se plier aux demandes de l’État pour contester l’État». Selon un autre invité, Francis Dupuis-Déri, «le parti Coalition Avenir Québec (CAQ) considère de son côté les groupuscules communautaires comme “des jaloux [qui ne] sont [que] pour l’immobilisme”». Néanmoins, l’avancée sociale au sein de la communauté québécoise pendant et après la crise est indéniable. Erin Hudson, représentante communautaire à la production du journal The McGill Daily, raconte que «même si McGill n’était pas directement impliquée [dans la grève], les élèves ont voulu en savoir plus sur ce qui
se tramait». Pour Milène, étudiante en Psychologie à l’Université de Montréal, les manifestations lui ont permis de devenir politiquement impliquée et d’enfin se battre pour une cause qui lui semblait juste. Une mère en colère a également pris la parole à ce sujet lundi soir: «Cette révolte a permis à différents groupes sociaux de se retrouver et de partager!», a-t-elle affirmé. Il ne tient maintenant qu’aux groupes communautaires qu’un tel partage subsiste. Plongé dans l’ambiance électro du bar, qui ce soir-là faisait office de salle de conférence, c’est l’espoir qui se lit sur les visages. Celui que le RQ-ACA soit mieux reconnu par le gouvernement, autant au niveau local que national. Celui que le terme «communautaire» ne soit plus synonyme de «marxisme». Et que la voix soit donnée aux «exclus» et aux jeunes, pour un renouveau de démocratie. Le but est que le Québec puisse parler de changement, et ce sur une longue durée. x
POLITIQUE INTERNATIONALE
La démocratie en Israël existe-t-elle? Le journaliste Peter Beinart discute des relations entre juif Nord-Américain et Israël. Crédit photo: Lindsay P.Cameron
Sophie Blais Le Délit
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eter Beinart, journaliste américain, est venu à McGill le mercredi 24 octobre nous présenter les idées issues de son livre The Crisis of Zionism. Il s’est fait connaître du grand public en 2010 après la publication d’un long article dans *The New York Review of Books, intitulé «The Failure of the American Jewish Establishment», dans lequel il aborde la relation entre les jeunes juifs Nord-Américains et l’État d’Israël. En guise d’introduction, Peter Beinart a indiqué être conscient de la nature controversée de ce thème, relayant des anecdotes personnelles sur l’accueil contesté que son ouvrage a eu au sein même de sa famille. Selon lui, la création d’Israël a été une bénédiction pour le peuple juif, servant comme havre de paix à la suite des atrocités de la Seconde Guerre mondiale. Le mouvement sioniste a lui aussi permis le renouveau de la culture juive et de la langue hébraïque, lui donnant un espace pour se développer aux quatre coins du monde. Le problème selon Beinart, c’est que tous ces accomplissements sont menacés par les politiques même de l’État d’Israël. Il met en cause la nature démocratique des politiques de colonisation entreprises par Israël et appelle à ce que l’établissement juif nord-américain voit d’un œil critique ce qui se passe en Israël.
Il voit la colonisation de la Cisjordanie comme allant à l’encontre des principes constitutionnels d’Israël. Les Palestiniens vivant dans ce territoire n’ont pas les même droits que les Israéliens; n’ayant pas par exemple le droit de voter ni de voyager librement. Il a dénoncé les subventions accordées par l’État d’Israël aux Israéliens s’installant en Cisjordanie. En effet, selon lui, en promouvant l’installation d’Israéliens en Cisjordanie, «Israël est en train de pousser les Palestiniens là où nous ne voulons pas qu’ils aillent», dans une direction menaçant la solution à deux États. Son argument de fond est donc qu’un Israël démocratique doit mettre fin à l’occupation de la Cisjordanie et assurer la justice pour tous citoyens Israéliens, incluant les Arabes. Beinart a appelé à ce que le silence de la communauté juive nord-américaine cesse, qu’elle exprime son désaccord avec le gouvernement Israélien au pouvoir. L’écroulement de la nature démocratique d’Israël aura un impact grave sur le futur de l’État juif. En remettant en question leur vision des politiques de l’État d’Israël, l’avenir du pays et son image au niveau international pourront être sauvegardés. Pour conclure, Beinart a invité les juifs Nord-Américains à chercher des opportunités d’interaction avec les Palestiniens pour accroitre leur compréhension des enjeux du conflit pour les deux groupes directement concernés.
Son exposé a sûrement résonné dans l’esprit de plusieurs étudiants mcgillois présents, de même qu’il en a sans aucun doute importuné d’autres, à la vue du nombre important de mains qui se sont levées durant la séance de questions. Jeremy, étudiant en Gestion, présent à la conférence, nous a raconté s’être senti très concerné par les propos de Beinart, en tant que jeune juif NordAméricain: «Il nous a donné un aperçu, maintenant c’est à nous d’agir».
La venue de Peter Beinart a été le fruit d’une collaboration entre le McGill Students’ Progressive Zionist Club et le Middle East Student Association, soutenue par Canadian friends for peace now et the New Israel Fund, entre autres. Cet ancien rédacteur du New Republic tient aussi un blog «Open Zion» qui présente une variété de points de vue différents, contenant par exemple plusieurs articles de Gil Troy, professeur d’histoire à McGill. x
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6 Actualités
x le délit · le mardi 30 octobre 2012 · delitfrancais.com
POLITIQUE QUÉBÉCOISE
La jeunesse en force Léo Bureau-Blouin, invité d’honneur d’une soirée organisée par Forces Jeunesse. Pierrick Rouat
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undi le 22 octobre, une semaine avant la rentrée parlementaire, l’organisme Force Jeunesse a organisé un 6 à 8 à Montréal au restaurant Le Saint-Cyr, sur le thème de «la place et le rôle des jeunes dans les institutions démocratiques québécoises». Créé en 1998, Force Jeunesse (FJ) est un regroupement de jeunes travailleurs qui œuvrent à la défense et à l’amélioration des conditions de travail d’autres jeunes travailleurs. L’organisme comprend des associations étudiantes, des associations de jeunes syndiqués, des comités jeunesse de différents ordres professionnels et des membres individuels, unis par un intérêt commun pour l’avenir collectif de notre société.
Des objectifs ambitieux L’invité spécial de cette soirée était Léo Bureau-Blouin, nouveau député péquiste à l’Assemblée Nationale, dont le mandat d’adjoint parlementaire à la jeunesse suscite l’intérêt de Force Jeunesse. De telles soirées sont fréquemment organisées par FJ, explique Philippe-Olivier Giroux, président de l’organisme, «car elles offrent aux jeunes la possibilité de se créer un réseau professionnel pour avoir une plus grand influence et prendre leur place dans la société». Dans le cas de la soirée du 22 octobre, l’objectif avoué était aussi de se rapprocher du nouvel adjoint parlementaire à la jeunesse. Les enjeux sont de taille, à l’heure où la pyramide des âges s’inverse, où le poids démographique des 18-35 diminue (l’actuel conseil des ministres du gouvernement québécois, est composé à plus de 60% de membres âgés de plus 50 ans. Cette proportion se situait à 16% il y a trente ans) et où les retraites pèsent sur les finances publiques. Merlin T. Picard, vice-président aux communications de FJ, explique au Délit: «L’équité intergénérationnelle, [autrement dit le principe selon lequel l’utilisation des ressources publiques ne doit pas nuire à la capacité des générations futures d’en bénéficier également, ndlr], les perspectives d’emploi de la relève et l’organisation des jeunes en milieu de travail sont parmi nos plus grandes préoccupations».
«Pour Léo Bureau-Blouin, les
jeunes doivent prendre une place plus importante dans la société québécoise.»
Mais par-dessus tout, ce que souhaite FJ, c’est qu’à chaque décision publique les instances décisionnelles se posent la question: quels impacts peuvent avoir les décisions prises aujourd’hui sur la jeunesse de demain? C’est pourquoi l’organisme, depuis sa création, tente d’intervenir sur l’espace public et de faire valoir au Québec le poids de sa jeunesse. Parmi ses succès, on compte la modification de la loi sur les normes du travail pour l’interdiction des clauses «orphelin» (c’est-à-dire les clauses d’une convention collective qui prévoient des différences de traitement entre salariés, basées sur la date d’embauche) (1999). La mise sur pied d’une coalition d’organismes jeunesse incluant les ailes jeunesse des trois principaux partis politiques québécois demandant au gouvernement de débuter le remboursement de la dette publique (2005) est un autre succès.
Crédit photo: Romain Hainaut
Enfin, l’organisme a réussi à mener à la création du fond des générations (2006). Les enjeux actualisés Pour le président de FJ Philippe-Olivier Giroux, l’événement du 22 octobre avait pour objectif de «favoriser l’échange et la réflexion», toujours sous le thème de «la place et du rôle des jeunes dans les institutions démocratiques québécoises». Dans cette optique, Le Délit a rencontré M. Bureau-Blouin avant le début de la soirée. Le député est d’accord sur le fait que les jeunes doivent prendre une place plus importante dans la société québécoise et selon lui, ce sont des organismes comme FJ qui permettent la sensibilisation du gouvernement à l’importance de l’équité entre les générations et à l’importance d’agir pour les faire travailler ensemble. Comment inscrire ces efforts dans le contexte politique actuel? Le conflit entourant la hausse des frais de scolarité a suscité, de part et d’autre, un intérêt considérable pour les enjeux collectifs, mais comment entretenir cette énergie? Pour Léo BureauBlouin, il faut d’abord «organiser et publiciser le sommet sur l’enseignement supérieur, où toute la mobilisation et la réflexion pourront être canalisées pour initier des changements concrets». Ensuite, la place d’une jeunesse, autant pour FJ que pour le nouveau député, dépend de son engagement dans les institutions démocratiques. Selon ce dernier, l’engagement ce n’est pas uniquement faire de la politique à l’Assemblée nationale, c’est aussi «démarrer une entreprise, partir un organisme, participer à une simulation parlementaire»
x le délit · le mardi 30 octobre 2012 · delitfrancais.com
comme le Parlement Jeunesse du Québec. Il suffit de jeter un coup d’œil aux bénévoles de FJ pour être convaincu que l’engagement peut rapidement devenir une habitude. Des pistes de solutions Parmi les idées de M. Bureau-Blouin et de FJ, plusieurs se rejoignent. Le regroupement demande depuis longtemps de réserver une place aux jeunes sur les conseils d’administration d’organismes gouvernementaux, dont la Régie des rentes du Québec. En entrevue avec Le Délit, M. Bureau-Blouin a manifesté la volonté de «trouver des manières pour faire plus de place aux jeunes dans la fonction publique, notamment en leur trouvant des places sur les conseils d’administration des différentes sociétés». Son objectif: que de plus en plus, avec chaque nouvelle politique publique adoptée, la réflexion se fasse quant à l’impact qu’elle peut avoir sur les jeunes. Nul doute qu’une étroite collaboration entre l’adjoint jeunesse de la première ministre et les organismes incarnant cette jeunesse est nécessaire pour relever les nombreux défis que présentent les années à venir. Avec l’exode des jeunes des campagnes vers les villes, des revendications étudiantes clairement formulées, une balance démographique de plus en plus inégale, le clivage linguistique et le besoin de faire participer les jeunes anglophones dans les décisions à venir malgré une majorité qui n’appuie pas le mandat souverainiste du PQ, nous aurons tous fort à faire. Si la question de la jeunesse est complexe, elle se pose d’autant plus que le Québec, comme le Japon, l’Europe de l’Ouest ou l’Amérique du Nord, est arrivé à un stade
de son développement démographique qui désavantage numériquement les jeunes de 18-35 ans. Des pistes de réflexion existent, et elles commencent toutes par l’engagement des jeunes. Cet engagement apporte une expérience qui peut être partagée, et ce partage apporte la visibilité dont ces jeunes ont besoin pour faire leur place, comme en témoignent M. Bureau-Blouin et M. Giroux. Comment les étudiants peuvent-ils s’engager? En participant aux prochaines rencontres de FJ, à ses cocktails dans les semaines à venir, ou à son événement Maîtres chez vous, en début mars prochain, dont l’information est sur le site de l’organisme. Pour la communauté universitaire de McGill, par ailleurs, les occasions sont multiples. Les comités, clubs, journaux, simulations parlementaires auxquels les étudiants peuvent participer, dont la Fondation David Suzuki, Amnistie McGill, Emerging Markets Club et le Parlement Jeunesse du Québec sont autant d’exemples qui participent tous à promouvoir cet engagement. Pour terminer, M. Bureau-Blouin, questionné sur les deux rôles parfois conflictuels du député - porte-parole d’un côté et leader de l’autre - et la façon de les concilier, a déclaré au Délit: «Quand on élit quelqu’un, ce n’est pas juste un fax, c’est aussi une personne qui doit jouer un rôle de leadership et donner une vision à l’organisme, en tout respect des valeurs démocratiques». Peut-être que c’est aussi ça, faire partie de la jeunesse: jouer un double rôle. Vivre la tension d’appartenir à un ensemble auquel tout nous pousse à se conformer, tout en essayant de le dépasser. x
Actualités
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Société societe@delitfrancais.com
L’i m m i g r a t i o n africaine à Montréal
« Je ne suis pas raciste mais...»
Guillaume de Langres
S’il
fallait retenir une phrase trop courante en Europe en ce moment, ce serait celle-là: «Je ne suis pas raciste, mais…»
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es sociétés se divisent en deux: d’une part, les partisans d’un «politiquement correct» qui, comme l’autruche, s’enterre la tête dans le sable jusqu’à s’asphyxier; d’autre part, les réactionnaires qui se targuent de parler de «tabous», mais qui ne font que banaliser des idées et des non-sens autrefois source de honte. « Je ne suis pas raciste, mais… » La paix sociale À l’écart de la tourmente européenne, le Canada semble être un modèle de paix sociale tant la question de l’immigration est peu présente sur la place publique. Ayant interrogé plusieurs canadiens sur le sujet, une phrase revenait systématiquement: «mais nous sommes un pays d’immigration par nature». Comme une réplique humaniste au non-sens total de son homologue européenne. Faisant mine d’être scandalisé, l’air de dire que le pays ne serait pas concerné par cette question, le Canada serait dans une catégorie à part. Il y a une part de vérité, le Canada ne peut être traité comme ces vieux pays
x le délit · le mardi 30 octobre · delitfrancais.com
européens qui ont élaboré au fil des siècles un sentiment identitaire très fort. Les nations européennes ne savent pas toujours mettre des mots dessus, car c’est de l’ordre du ressenti. Elles ne savent pas forcément qui elles sont, mais n’ont aucune hésitation à dire ce qui fait qu’un «barbare» en est un. Le Canada abhorre ce genre de raisonnement, car ce serait en contradiction totale avec son interprétation de son histoire. Alors, le Canada estil fondamentalement différent de la vieille Europe, ou en estil simplement à une étape plus précoce d’un même processus ? Une terre d’accueil Peut-être pas. Il est probable que l’immigration devienne un sujet de plus en plus saillant dans le débat public, car il existe un vrai déséquilibre et une certaine injustice structurelle, et parce que la viabilité du multiculturalisme est fortement remise en cause. Une terre qui dit d’elle-même qu’elle est une terre d’accueil par nature, devrait offrir les
mêmes opportunités à tous. Or ce n’est pas toujours le cas. Le Délit s’est entretenu avec quatre personnes ayant quitté l’Afrique Sub-Saharienne pour venir s’installer à Montréal. Certaines ont obtenu le statut d’exilés, d’autres ont fuit des guerres, des génocides, et des pays chroniquement instables. D’autres, enfin, sont parties faute d’opportunités. Toutes viennent de pays francophones. F.M* a quitté la Côte d’Ivoire à 17 ans. Il commence par s’installer en France, y fait des études, et entre sur le marché du travail. Sept ans après être arrivé, il part pour le Canada. «La France a été une vraie désillusion. J’ai vite compris que mon diplôme d’ingénieur ne m’aiderait pas beaucoup. Je me suis retrouvé à faire des jobs qui ne m’intéressaient pas et pour lesquels j’étais largement surqualifié. Et puis, avoir l’impression de toujours devoir justifier son droit d’être là, d’étudier, de travailler, ce n’est pas agréable». Pourquoi le Canada ? «Ce pays avait une certaine réputation
dans la communauté ivoirienne. Une réputation d’endroit où on me laisserait tranquille, et où j’aurais plus d’opportunités». Lorsqu’on lui demande ce qu’il pense de sa vie ici, il sourit et se tait. Le Canada ne lui offrant pas plus d’opportunités à la hauteur de ses qualifications. S.T* est venue du Togo. «Toute mon enfance, j’ai été préparée à tout quitter pour aller étudier et vivre ailleurs». Son baccalauréat en poche, elle part directement pour le Canada. «Je voulais éviter à tout prix la France. C’était en 1998; il y avait beaucoup d’agitation autour de l’immigration, j’avais entendu qu’une église pleine de sans-papiers avait brûlé, alors non.» Elle choisi le Canada, sans pourtant l’idéaliser, le pays ne représentant rien de spécial à ses yeux. «Mais j’avais la possibilité d’étudier à faibles frais et en français. Et le passeport canadien me servirait sans doute à l’avenir». Elle s’installe à Gatineau, obtient son Bac en Administration des Affaires, et commence à travailler dans Crédit illustration: Mathieu Santerre
Crédit photo : Photodisc
« Le Canada est-il toujours un modèle de paix sociale de l’immigration par rapport au vieux continent? »
Crédit photo Noémie Smith
un centre d’appel. À l’époque, elle pensait repartir pour le Togo. Cela fait 14 ans qu’elle est installée, le Togo étant toujours aussi instable elle ne s’y sentirait pas en sécurité. Elle travaille désormais dans un autre centre d’appel, à Montréal cette fois. Elle a obtenu la citoyenneté, et se considère désormais comme Québécoise. Elle est contente de sa nouvelle vie, mais peint une fresque sombre de son expérience ici. «Pendant mes études, il y avait une ségrégation claire entre les Africains d’un côté, et les Canadiens de l’autre. Ça m’a beaucoup surprise. Puis, mon premier job était dans un immense centre d’appel, et c’était flagrant que tous les opérateurs étaient immigrants, et tous les superviseurs étaient blancs. Lorsqu’une canadienne était embauchée pour faire le même job que moi, elle pouvait être promue au bout de 6 mois. Tandis que nous, nous ne bougions pas. Mon superviseur était souvent surpris de voir que j’étais capable de faire des choses plus complexes, alors que ca lui semblait normal pour un Canadien blanc.
Mais au fur et à mesure des années, ça semblait s’améliorer, lentement.» Installée au Canada depuis 14 ans, elle dit n’avoir eu qu’un seul emploi à la mesure de sa formation, qui dura un an. «Je crois que la différence de culture affecte notre capacité à nous faire des réseaux, et c’est cela qui nous pénalise.» E.K* est arrivé du Mali. Il se considère comme exilé. «Je n’avais pas vraiment d’attentes. Je voulais juste trouver la paix.» Cela fait 10 ans qu’il passe d’un petit job à un autre, principalement dans la restauration. Impossible de savoir si son large sourire cache une frustration profonde ou une sérénité réelle. «Avant mon départ, j’avais entendu beaucoup de mauvaises choses sur la France. Mon père me disait d’y aller, mais mon frère qui y habitait me disait d’éviter. Je ne sais pas ce qui était vrai, mais le Canada me semblait être une option plus neutre. Je suis content de mon choix». Comme S.S*, il ne tient pas le Canada pour responsable de sa précarité chronique, du moins pas ouvertement. «Oui, il y a
Crédit photo: Noémie Smith
parfois des réactions bizarres, surtout chez les personnes âgées. Mais je sais que je viens d’ailleurs, et que ça peut déranger. Et je ne sais pas si mon pays traite mieux les étrangers…». Ce qui a de commun Ces quatre témoins ont des points communs: ils sont venus pour des raisons pratiques et par opposition à la France. Ils répètent qu’ils n’ont jamais été victimes de discrimination de la part d’individus, que personne n’a jamais voulu les humilier. Mais certains murmurent que ce processus est en réalité une lame de fond dans la société. «Ils ne sont pas racistes, mais pourquoi sontils sincèrement surpris de voir qu’un blanc et un noir avec le même diplôme ont les mêmes capacités?» Quant à leur réaction à la phrase surannée «mais nous sommes un pays d’immigration par nature», elle est sans pitié. Tous parlent du sentiment permanent de devoir sans cesse justifier qui ils sont, et pourquoi ils sont là, bien que cela s’estompe lentement avec le temps. Le passeport ne
change pas grande chose à leur statut social, et certains parlent parfois du Canada comme une prison de verre. C’est-à-dire que géographiquement parlant c’est un enfermement. Une fois entrés, la précarité professionnelle interdit à certains de s’acheter un billet d’avion pour retourner au pays. F.M* a quitté la Côte d’Ivoire à 17 ans et n’a pas pu y retourner pendant 10 ans, faute de moyens. Le Canada a su anticiper relativement tôt que la capacité d’accueil de sa population serait aussi importante que ses besoins économiques quand il s’agissait de définir sa politique en matière d’immigration. Le Canada et l’Europe diffèrent en bien des points, menant à penser que lorsque ce débat émergera ici, il ne donnera pas lieu à la même violence qu’en France ou en Angleterre, par exemple. L’Europe n’avait pas anticipé l’impact social des vagues d’immigration successives pendant l’après-guerre. Elle avait besoin de maind’œuvre à court terme, mais n’avait pas compris que l’immigration a des conséquences à long terme. Très tôt, le Canada a adopté une politique
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migratoire stricte, s’assurant qu’il avait l’infrastructure et les moyens d’accueillir. De plus, il n’y a pas ce rapport d’ex-colonisateur à ex-colonisé qui existe en Europe et qui complique le débat. Enfin, les nations européennes vivent une crise identitaire depuis qu’elles ne dominent plus le monde. Dans une quête sans fin, elles cherchent à définir ce qui fait qu’on est Anglais, Italien, Espagnol, Français ou Allemand. Savoir qu’on est une nation y est un concept très important, que personne n’a encore su rendre inclusif. Le Canada n’a pas ce même besoin. Il est allergique à des mots comme «nationalisme» ou «patrie», à moins qu’on ne parle du Québec. Être Canadien est une idée plus abstraite, qui n’est pas lié à une culture ou une religion par exemple. Mais au-dessus de tout, le Canada a su anticiper relativement tôt que la capacité d’accueil de sa population était aussi importante que ses besoins économiques quand il s’agissait de définir sa politique migratoire. Cela le sauvera de bien des maux. x
Société
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CHRONIQUE
Le méchant de l’histoire: le CRTC Jean-François Trudelle | Attention, chronique de droite!
Le 18 octobre dernier, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada (CRTC) s’opposait à l’achat d’Astral par Bell (BCE). Jean-Pierre Blais, président du CRTC, dit avoir agi dans l’intérêt des consommateurs canadiens. Dans l’intérêt des consommateurs canadiens, vraiment? Disons plus dans les intérêts de Québecor Média et des autres grands groupes de l’oligarchie de la télécommunication canadienne.
En ce moment, Québecor possède 35% des parts du marché des téléspectateurs francophones. Bell et Astral combinées auraient atteint 32%. Pourtant, Québecor s’opposait farouchement à la transaction. Ceux qui écoutent la télévision auront vu les publicités où un pauvre consommateur devient victime des mauvaises pratiques de convergence du nouvel empire Bell. J’avais une impression de déjà vu. Je ne sais pas d’où elle venait… George Cope, PDG de BCE, avait promis la création d’une nouvelle salle nationale de nouvelles francophones basée à Montréal, en plus d’une panoplie d’investissements culturels, notamment en musique, en cinéma et en télévision. Plus de 240 millions de dollars sur sept ans étaient sur la table. Au Québec, l’information télévisée est vraiment monolithique. Deux joueurs se partagent le
n’ont pas besoin de voir leur culture protégée par d’anciens employés des grands groupes médiatiques. Ils sont aptes à choisir leur câblodistributeur seul. Ils sont capables de zapper quand le programme qu’ils écoutent les emmerde, même si celui-ci est 100% Canadian. Ils sont aussi aptes à préférer AT&T à Rogers pour leur cellulaire. Le Canada est présentement le pays où les factures de cellulaire sont les plus chères, et ce n’est pas parce que nous sommes très étendus. Nous avons juste le malheur d’avoir des bureaucrates et des politiques qui considèrent le 47e parallèle comme une frontière pertinente dans un milieu qui devrait jouir d’un marché globalisé. Les avantages du libre-échange ne sont plus à démontrer. Pourquoi ne pas en profiter dans le milieu des télécommunications? La réponse se trouve dans la décision Bell-Astral. Le CRTC n’a pas comme man-
dat réel de se soucier du petit consommateur qui n’a pas des millions à dépenser sur des lobbyistes. Il doit protéger les joueurs en place, les asseoir dans leur confort et leurs profits et s’assurer qu’ils ne soient jamais dérangés par des innovateurs dans leur garage qui trouveraient le moyen de vous faire utiliser un téléphone cellulaire sans avoir à payer pour un forfait Voix. George Stigler, économiste américain de l’école de Chicago, appelait cela la «capture réglementaire» où des intérêts spéciaux prenaient le contrôle d’organismes supposément conçus pour défendre l’intérêt public. Aucune réglementation n’est donc préférable à une telle réglementation. Je traduis cela en termes que Jean-Pierre Blais devrait comprendre : vous ne devriez pas être à la tête du CRTC, parce que le CRTC ne devrait tout simplement pas exister. x
sion de leur dite condition, et c’est peu dire. Alors que notre ministre adorée se pâmait devant le dithyrambe onusien-canadien, la très inspirante Julia Gillard livrait un discours enflammé contre le sexisme et la misogynie au sein du parlement australien. Devant la motion de Tony Abbott, chef de l’opposition, exigeant la démission du président de la chambre suite à des messages textes tenant des propos sexistes et misogynes, la première ministre australienne a répliqué avec fougue et émotions pesées. Elle a à la fois défendu l’indéfendable – qui s’opposerait à la démission de Peter Slipper, président de la chambre? – et abordé l’éléphant dans la pièce, soit les propos sexistes récurrents provenant du chef de l’opposition. Dans un discours d’une quinzaine de minutes, Mme Gillard a renvoyé la balle dans le camp de M. Abbott: s’il souhaite réellement
aborder le sexisme et la misogynie présents au parlement australien, «ce n’est pas d’une motion qu’il a besoin, mais plutôt d’un miroir». Puis, s’il désire sincèrement enrayer ces problématiques, elle suggère qu’il écrive immédiatement sa lettre de résignation. On ne cesse de répéter que les femmes en politique sont jugées plus durement que les hommes. Or, des femmes comme Julia Gillard, qui se tiennent debout malgré toute leur vulnérabilité, rappellent la nécessité de leur présence en politique. Tout au plus, elles doivent s’assurer que la notion archaïque stipulant que la femme est subordonnée à l’homme ne refasse surface. Que les acquis ne s’envolent pas devant les gains et l’opportunisme politiques. En favorisant un débat sur la criminalisation de l’avortement, Mme Ambrose envoie ainsi le message que les femmes ne peuvent être maîtresses de leur
corps. Une femme violée qui tomberait enceinte ne pourrait se faire avorter; on la dépouillerait de sa dignité certains diront. Tout à fait. Ceci dit, comprenez-moi bien, il ne s’agit pas ici d’un débat sur l’avortement, mais bien du devoir politique que détiennent les femmes au pouvoir. Au-delà des allégeances politiques, il réside un devoir moral d’agir au sein du bien-être féminin, universel soitil. Au-delà des cultures, la femme demeure égale à l’homme. Chose certaine, on ne peut que s’inspirer du discours de Julia Gillard. Dorénavant, faisons preuve de courage, de sincérité et de sang-froid. Dénonçons le sexisme et la misogynie. Réclamons la totalité de nos droits. Exigeons de nos politiciens qu’ils fassent avancer le droit des femmes. Surtout, rappelons-nous que nous méritons mieux qu’une ministre Ambrose. x
gardes: étudie, lis, regarde un documentaire, prend des notes, participe en conférence, relis, lis tout fort, lis à l’envers, lis en chantant — on se dit, ouais, peut-être pourrais-je le vaincre cet examen au bout du compte. Mais souvent on glisse: étudie, lis, regarde un film, relis, épisode de Seinfeld, oh pourquoi pas un petit jeu d’échecs, et un p’tit verre de vin, vas-y sors les olives et les chips, un autre jeu d’échecs, et oh! Le soir est arrivé. Je dois avouer que récemment, ma performance scolaire brille bien moins que mes jeux
d’échecs, et que par conséquent je m’intéresse bien plus aux échecs qu’à mes études. Au lieu de Sciences Politiques, je regarde ces deux armées de bois, patientes et féroces, une blanche et une noire, prêtes à se jeter au cou de l’autre. J’aime l’histoire du pion faible, qui grâce à son travail et son entourage, réussit à traverser le champ de bataille pour finir promu en reine. La reine, la pièce la plus forte, était autrefois un simple ministre qui pouvait bouger peu, et fusse la popularité des reines durant le milieu du der-
nier millénaire, ou l’idée romantique qu’«un Roi n’est rien sans Reine», on créa la reine forte (ou «schacchi alla rabiosa» surnommée «la femme folle»). C’est cette histoire qui m’a donné l’idée de faire mes devoirs avec ma douce. Le roi devient vite faible si sa reine n’est plus là. Heureusement que nous sommes tous deux étudiants en sciences politiques! Si j’étais étudiant en mathématiques, j’aurais simplement joué une partie d’échecs, et vous pouvez être sûrs que j’aurais eu un échec en maths. x
marché: Radio-Canada et TVA. Avec un seul d’entre eux étant privé, il me semble qu’un peu plus de compétition n’aurait pas fait de tort. Le libre marché dicte que cette transaction devait avoir lieu. 99% des actionnaires d’Astral l’approuvaient. Elle aurait été bénéfique pour le milieu québécois de l’information. Oui, elle aurait créé un géant au Canada anglais, avec un peu moins de 43% des parts de marché télévisuelles, mais cela se règle aisément. Comment? En ouvrant la frontière canadienne aux investisseurs étrangers en télécommunications. Le CRTC, avec cette décision, a prouvé qu’il ne servait qu’à cartelliser l’industrie médiatique canadienne. Les grandes corporations comme Rogers, Telus, Québécor et autres ne peuvent demander mieux: inutile de conspirer pour extorquer les consommateurs, le gouvernement s’en occupe. Les Canadiens
Ambivalences au féminin Alexie Labelle | Court-Circuit politique
QU’Une ministre conservatrice de la condition féminine soit pro-vie. Et alors? Une ministre de la condition féminine pro-vie se voit octroyer un prix décerné par ONU «femmes-Canada» pour son travail remarquable pour les droits des femmes, malgré son appui à la réouverture du débat sur l’avortement. Ironie vous dites? Certainement.
On ne peut reprocher à Rona Ambrose d’avoir voté selon ses conviction personnelles (aussi douteuses soient-elles), puisque la liberté d’opinion demeure une véritable valeur qu’on tente de préserver dans cette démocratie (parfois douteuse elle aussi). Cependant, lorsqu’on prétend représenter les femmes, permettre un éventuel débat qui en bout de ligne limiterait le choix de cellesci demeure une ignominie. Oser prêcher pour le contrôle du corps féminin lorsqu’on se doit de faire honneur à toutes les femmes de ce pays ne peut être qu’une honte, voire une attaque à la femme du 21e siècle. Qu’elle ait été une simple députée conservatrice quasi-anonyme, la nouvelle serait vraisemblablement restée sous silence. Cela dit, la problématique réside dans le fait que ladite ministre des femmes se positionne à l’encontre de celles-ci, favorisant la régres-
Echec et maths
Simon Albert-Lebrun | Jeux de maux
«Je pense à toi jour ET nuit, toutes mes autres pensées me fuient…»
10 Société
Une phrase sur l’amour ou les devoirs, deux sujets qui ne s’associent pourtant pas souvent. On n’entendra pas dire «je me dois d’être amoureux» ou alors «je suis épris de mes devoirs». J’ai un esprit qui n’aime pas les problèmes, et quand il est forcé d’en résoudre, ma journée ne m’appartient plus, mes pensées non plus. Alors ma vie prend la tournure d’un jeu d’échecs. Étudier pour un examen devient une course frénétiquement lente contre un adversaire imaginaire. Un vrai jeu de stratégie, où je dois constamment être sur mes
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MUSIQUE
Chefs-d’œuvre de demain Réflexions d’un littéraire sur la musique contemporaine Baptiste Rinner
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uelle chose étrange que la musique contemporaine. Je ne vous parle pas du dernier album de Muse ou de la monstruosité Gangnam Style, mais de la musique savante de notre époque. Fini les Bach, Mozart, Beethoven, Chopin, Debussy; place à Thierry Pécou, Arnaud Petit, Philippe Leroux, et Philippe Hurel. Pour son premier concert de l’année, l’Ensemble de musique contemporaine de McGill a présenté des œuvres de ces quatre compositeurs français, connus dans le champ musical, méconnus du grand public. Le travail des compositeurs d’aujourd’hui se rapproche, en un sens, du travail de Stéphane Mallarmé en poésie; une sorte de retour aux sources mêmes des instruments, du son. La musique s’écrit ici pour elle-même, les notes sont décomposées, ce qui donne des morceaux amélodiques, principale critique adressée à la musique contemporaine. Mais, au contraire de Mallarmé qui est soi-disant illisible, on peut découvrir ces œuvres, puisque l’écoute est une expérience réceptive.
«La
pièce de musique est comme un pantin, attachée à chaque instrument par une corde.» On s’assied, donc, dans un siège confortable de la salle Pollack, imitant la petite centaine de personnes présentent ce soir-là. Ça (au sens que lui donne Tristan Corbière) commence, et dès les premières notes du Temps jusqu’au bout de la fibre de Thierry Pécou, on redécouvre le caractère sensiblement évanescent de la note de musique, du son, qui n’est, in fine, qu’une onde. Les vibrations nous atteignent, mais les notes, elles, se perdent. Éphémères, les morceaux sont oubliés aussitôt la dernière note effacée. Que peut-on retenir alors d’une telle expérience? Question intérieure posée alors
que le chef d’orchestre Marandola salue ses musiciens. Tour de passe-passe: musiciens et ingénieurs, et ce après chaque pièce, s’affairent pour modifier la disposition des instruments; on pousse le piano, on rapproche certaines chaises, en éloigne d’autres, bref, on déplace l’origine du son. La base de chaque genre musical, de la musique même, le son, pour nos compositeurs, est l’élément primordial de leur univers sans mélodie. Il circule autour de la salle, nous enveloppe, avant de disparaître en coulisse ou vers la rue Sherbrooke. Ces œuvres sont faites pour être écoutées en direct, pas à travers les écouteurs de notre iPod; assister à une performance comme celle-ci, c’est retrouver le sens de l’expérience musicale, la communion des sens. Sans s’assimiler au Gesamtkunstwerk (l’œuvre d’art totale) wagnérien, la performance de certaines pièces surprend par sa pluralité. Dans Le Ciel d’Arnaud Petit, outre la soprano, les musiciens parlent, poussent quelques cris indéterminés pour accompagner la magnifique Vanessa OudeReimerink. Il y a donc démultiplication des possibilités sonores, puisque les musiciens ne se limitent pas à la simple construction matérielle qu’est l’instrument; chanteurs, les membres de l’ensemble exploitent aussi au maximum leur instrument respectif, nous offrant des sons inédits. Le violoncelliste fait crisser ses cordes sur un glissando enivrant, la contrebassiste pince les siennes jusqu’à les arracher, alors que le pianiste, tranquillement, tapote sur le bord du Steinway. Tout cela est inscrit sur la partition, voulu par le compositeur. Le sens de communion évoqué plus haut prend forme: tout s’éclaire, dans ce qui pourrait s’apparenter à du nonsens musical. Cacophonique, ce dialogue entre instruments est en fait savamment étudié. La pièce de musique est comme un pantin, attachée à chaque instrument par une corde. Ce pantin se fait tirer de tous les côtés, gesticule au hasard des notes, des bruits, des sons.
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crédit photo: Lindsay P. Cameron
Menaçant de se faire écarteler par l’atrocité première des œuvres programmées, il révèle à travers cette danse collective une émotion ineffable.
«La
musique s’écrit ici pour elle-même, les notees sont décomposées.»
C’est tout le paradoxe de la musique contemporaine, profondément savante et érudite malgré l’impression chaotique qu’elle dégage pour le non-initié. Comment l’écouter alors? J’ai ma réponse: passivement. Au contraire des chefs-d’œuvre consacrés de la musique savante occidentale (le Lac des Cygnes de Tchaïkovski, la Cinquième Symphonie de Beethoven, Clair de Lune de Debussy, j’en passe, et des meilleurs) dont on connaît les thèmes a priori, la musique contemporaine s’écoute librement, aucune note n’est anticipée, chaque mesure conserve son élément de surprise. La musique contemporaine n’est pas aride, abjecte, bien que boudée par le plus grand nombre. Elle n’est pas n’importe quoi, mais plutôt je ne sais quoi, quelque chose qui échappe aux grilles d’analyses actuelles. Mais ce n’est pas un phénomène nouveau que de bouder les formes contemporaines d’art, c’est même récurrent. On n’a pas assez de recul aujourd’hui pour révéler les chefs-d’œuvre de demain. Passéiste, on se tourne vers les œuvres déjà consacrées, établies, sans questionner leur légitimité. Proust, à la publication du premier tome de La Recherche, a été majoritairement critiqué par les défaitistes de son époque. Peu se doutaient qu’il allait se révéler être, au fil du temps, le plus grand auteur du XXe siècle. Il en est de même pour nos quatre compositeurs, critiqués, délaissés par les masses. Et c’est peut-être là le propre des œuvres de génie. x
Illustration: Lindsay P. Cameron
Arts & Culture
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MUSIQUE
Lack of sleep Le Délit a suivi le lancement de wøøds, le premier album du groupe Lackofsleep. Jonathan Brosseau Le Délit
Crédit photo: Casa Studio Photographie
L’axe rock indé
L’axe vaporeux
«P
M
aperwolf» dévoile d’emblée la tangente rock indé de Lackofsleep. La chanson débute le premier album du groupe: Wøøds. Ses arrangements et son énergie contagieuse attirent autant l’oreille du mélomane que celle de l’amateur et ne sont pas sans rappeler la vigueur d’Arcade Fire. La ressemblance n’est pas si surprenante d’ailleurs, puisque Ryan Morey a travaillé à la postproduction de ces deux projets québécois. Vient ensuite «mother/son/ghost», la plus vieille création du quintet. Bien que
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travail et sueur soient perceptibles dans la construction de la pièce, l’auditeur ne s’y attache pas trop pour une raison inconnue. Le tempo est intéressant, les arrangements musicaux aussi, mais il y a quelque chose qui cloche. Puis, avec «youth anthem» et «bullet», l’envie de bouger revient. Décidément accrocheurs, les morceaux retrouvent l’esprit et la justesse de leur alliage rock et alternatif. «We never felt home and safe» et la voix rauque du chanteur résonne dans la tête après quelques écoutes seulement. x
alheureusement, la suite se complique. «polar switch», «morning dress», «goodnight gunfight», «at mt nibiru» réalisent un changement de ton peu bénéfique. D’un autre côté, ces pièces permettent au groupe d’exploiter son large registre. En réalité, c’est l’intention qu’on décèle. Le passage à l’alternatif, bien en vue ces temps-ci avec les Karkwa, Watson et compagnie, aurait pour but d’exposer les talents divers des musiciens. Cependant, les balades nostalgiques pourraient faire basculer le groupe dans des eaux que celui-ci pourrait
très bien laisser à d’autres. Les douces mélodies de clavier n’apportent rien au projet Lackofsleep. Bref, Lackofsleep offre un album cohérent, certes, dont le tempo descend de chanson en chanson, mais il aurait été nettement plus avantageux pour le groupe de s’en tenir à des rythmes britpop enflammés. x Lackofsleep wøøds (indépendant) En magasin depuis le 23 octobre
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Quand ça clique Le groupe présentait son album vendredi au Divan orange.
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e comparé et le comparant ne partagent peut-être pas un nombre si élevé de caractéristiques dans cette analogie, n’empêche que le spectacle de Lackofsleep aurait pu être de Patrick et Les Brutes dans son usage de l’espace scénique. Certes, dans ce groupe français aux allures provocantes, le chanteur est mis en lumière par le contraste créé avec les musiciens de son groupe; et c’était précisément le cas le 26 octobre pour le lancement de l’album wøøds. Charles L., fébrile, donnait toute sa verve sur scène. Replaçant la plupart du temps son chapeau, adressant des paroles peu assurées au public, il se démenait pour offrir un spectacle digne de ce nom aux parents, amis et fans récents du groupe. Le chanteur se nourrissait des encouragements de la foule, tapait des mains et surtout, chantait dans ce qui fait la particularité
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es membres du groupe placent leur équipement sur les planches alors que je fais mon entrée au Divan Orange. Je discute avec la jolie attachée de presse. Elle me dit que les gars sont un peu en retard et que je devrai faire l’entrevue pendant qu’ils peaufinent leur installation. Pas de problème. J’attrape une bière au passage et vais discuter avec le chanteur, Charles L., et le batteur, Didier B. Tout commence pour eux en 2010. Par le hasard des choses, cinq musiciens bourrés de talent se retrouvent à partager des moments de dérapage musical. Par hasard, certes, mais Sherbrooke a quelque chose à voir avec cette rencontre prolifique. Car, bien que tous les membres du groupe ne soient pas originaires de la ville, ils partagent collectivement un amour pour cette dernière,
du groupe: un mégaphone. En effet, par moments, il prenait l’objet, décoré d’une fleur, pour y énoncer les paroles de ses chansons. Le résultat, il faut l’avouer, est fort impressionnant et donne un fini particulier. Bref, une vraie bête de scène s’est présentée cette journée-là. Cependant, Félix B., Andy B. et Charles-Emmanuel, ainsi que Didier B., ont tous donné une prestation peu sentie. En vérité, guitariste, claviériste et batteur se sont montrés en spectacle sans y participer de toute leur âme. Ils échangeaient de temps à autre des regards complices, mais aucun lien n’a été fait avec la foule. Cela déçoit, particulièrement car la force du groupe réside dans le dynamisme de sa musique, la ténacité de son caractère. Ils semblaient être absorbés par leur instrument, vouloir exécuter leur prestation avec une technique irréprochable, au détriment de l’attraction viscérale,
voire pulsionnelle, que pourrait créer leur musique.Un peu dans la même direction, il est décevant de constater que le groupe a tout simplement joué son album du début à la fin, sans arrangements musicaux supplémentaires ni effets de style. C’est pourquoi, d’ailleurs, la foule s’est retrouvée un peu pantoise après 30 minutes lorsque le spectacle s’est terminé. Alors que tous, musiciens et spectateurs, commençaient à prendre du rythme et à se laisser emporter par les notes, la soirée semblait prendre fin à une heure précoce. Bien entendu, un rappel a été demandé. Et la foule, encore, s’est fait servir un amuse-gueule, pas mauvais du tout, mais beaucoup trop maigre pour la rassasier. Aussi, la mise en scène et le jeu des lumières étaient limités. Il y avait tentative de faire un rappel au titre de l’album par une peinture de cerf au fond. Pour le reste,
seul une lampe et un tronc d’arbre décoraient le tout. Il aurait aussi été possible de dire «jonchaient», parce que la disposition aussi avait des airs douteux. Cependant, et il faut le mentionner, la troupe possède du talent. Tout au long du spectacle, il était évident que les membres avaient du plaisir à jouer leurs compositions et à voir leur bébé enfin sur les tablettes. Du groove, il y en a eu, mais trop peu, malheureusement. Toutefois, comme les aptitudes augmentent les attentes, l’auditeur en veut davantage. Un peu plus rock, un peu moins nerveux, un peu plus long aurait augmenté considérablement la qualité du produit. Ce genre de considération, au reste, sait distinguer les hommes des garçons, les groupes en vogue et ceux qui ne lèveront jamais. Et il est important de les garder en tête. Surtout lors d’un lancement. x
ainsi que pour sa scène musicale. À leurs débuts, leur brio et leurs efforts font du groupe un incontournable de La Reine des Cantons de l’Est, où ils se produisent régulièrement. Ils performent au bar Le Tapageur, au Théâtre Granada et au Téléphone Rouge. Le résultat: un noyau dur de fans, dont l’amour pour le band est sans bornes. Bref, ça clique entre les membres du groupe, mais, encore plus important, avec le public. Les idées que Charles avait en tête germent et un projet de plus en plus sérieux prend forme. En 2011, ils savent qu’ils tiennent dans leurs mains quelque chose de prometteur. Sans prendre de décision ou délibérer sur le sujet, ils décident de persévérer dans cette aventure et de jouer, et de jouer encore, puisque c’est ce pour quoi ils vivent désormais.
La consécration favorisera une implication plus importante dans le collectif. En fait, Lackofsleep gagne le concours Sherbrooklyn 2011 et sa bourse de 10 000 dollars.. À partir de là, le groupe passe à une autre étape. Il n’est plus seulement un band de garage, mais un espoir prometteur de la scène émergente montréalaise. Une attention médiatique notable se pose sur eux. Radio-Canada, Bande à part, Pop Montréal et patati et patata. Ils investissent la totalité de la somme gagnée dans leur camionnette de tournée et leur premier album: wøøds. La décision s’est prise facilement. Tous étaient d’accord pour «parier sur l’avenir», le leur, celui de Lackofsleep. Depuis, on les associe beaucoup à We Are Wolfe. Du moins, c’est ce que me disent certains membres du groupe, alors que
d’autres s’affairent plus loin. Puis, une réponse sort de nul part. Entre synthétiseur, clavier et piano, Charles-Emmanuel dit une niaiserie. Ils blaguent et c’est évident que leur dernier opus les fait sourire à belles dents. Tout leur travail se cristallise sous une ravissante couverture. Ils sont heureux d’avoir à partir de maintenant une carte de visite à présenter aux label, aux producteurs et autres grands décideurs du showbiz québécois. Maintenant que cet objectif est accompli, ils espèrent faire la tournée du Québec pour montrer au monde ce dont ils sont capables et se faire connaître. En espérant que leur fourgonnette tiendra le coup et ne leur sucera pas tout leur argent en essence. Car cela priverait plusieurs de la chance de voir un band qui a de l’avenir. Et il s’appelle Lackofsleep. x
Crédit photo: Casa Studio Photographie
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Arts & Culture
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CINÉMA
Woody Allen au cinéma du Parc L’occasion de (re)découvrir les œuvres du cinéaste sur grand écran au cinéma du Parc! Louis Soulard
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oody Allen est l’un de ces réalisateurs mythiques dont la filmographie échappe à tous les superlatifs. Récompensé par quelquesuns des plus prestigieux prix de l’industrie, auteur de bientôt cinquante films, acteur, réalisateur, humoriste et scénariste, il est l’une de ces légendes cinématographiques qu’on a la chance d’avoir encore parmi nous. Son dernier film, To Rome With Love, est sorti cet été et son succès en salle démontre combien, à 77 ans, le réalisateur séduit encore le public. Sa force est d’avoir réussi, tout au long de sa carrière, à démontrer sa capacité à pouvoir raconter n’importe quelle histoire: des comédies aux influences burlesques (Take the Money and Run), des histoires d’amour (The Purple Rose of Cairo), des drames intimistes (Interiors) et même de la science-fiction (Sleeper).
Gracieuseté de MGM et The Weinstein Company
Le cinéma du Parc nous donne ainsi l’opportunité de nous immerger à nouveau dans l’univers du réalisateur. «C’est la première fois en Amérique du Nord, rappelle Raphaël Dostie, organisateur de la rétrospective, que l’intégrale des films de Woody Allen est montrée dans une salle de cinéma.» L’événement a commencé il y a déjà plus de deux semaines; «nous voulions montrer les films en ordre chronologique
pour que le spectateur observe l’évolution du style du réalisateur et comment il a su se réinventer au cours des décennies» rapporte l’organisateur dans une entrevue avec Le Délit. «Une telle rétrospective favorise une large audience; ses films sont si différents les uns des autres qu’ils peuvent toucher tout le monde». Ce type de rétrospective est en effet l’occasion de voir des films qui ne sont plus montrés dans les salles obscures.
Bien que la plupart des films soient projetés en format numérique, certaines copies en 35 mm ont été acquises spécialement pour l’occasion. L’accessibilité aux films est favorisée, dans le cadre de la rétrospective, par une programmation quotidienne: ils sont souvent montrés deux, voire même trois fois. Cela signifie qu’à presque n’importe quelle heure de l’après-midi ou de la soirée on peut décider d’aller se détendre devant l’un de ces films. Vous n’avez plus d’excuses pour ne pas y aller! «Comme nous l’avions escompté, la rétrospective est pour l’instant un succès», se félicite Raphaël Dostie. «Nous sommes contents de proposer aux spectateurs une alternative au Festival du Nouveau Cinéma qui a lieu au même moment à Montréal. Et de voir que Woody Allen plaît encore au public.» Je peux vous l’assurer, voir un film dans les conditions ori-
ginales de projection n’a rien à voir. Des films que je connaissais par cœur sont alors éclairés d’une nouvelle lumière; ils apparaissent plus profonds, plus denses. Les dilemmes intérieurs des trois sœurs de Hannah and her sisters, l’absurdité et les fous rires provoqués par Play it again Sam, le traitement délicat et ironique des intellectuels complexés de Manhattan. L’univers du réalisateur est certes varié, mais des similitudes demeurent. Derrière les blagues et les situations amusantes se trouve une véritable réflexion sur les intellectuels, New York et les grandes questions de la vie. x
Rétrospective Woody Allen Où: Cinéma du Parc Quand: jusqu’au 22 novembre Combien: 8,50 $ par séance
CINÉMA
Pop corn et terreur
Petit tour des films à voir ou à revoir pour l’Halloween Audrey Champagne
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egardez-vous encore sous votre lit? Chassez-vous les fantômes de votre garderobe ces temps-ci? Rien de mieux que de s’enfoncer dans son fauteuil préféré, emmitouflé dans nos vieilles couvertures avec un bol de friandises à sa portée. Avec les soirées automnales qui deviennent de plus en plus sombres, mornes et froides, c’est le climat idéal pour avoir peur; donc pourquoi ne pas visionner quelques films, histoire d’entretenir l’ambiance? Alors, pour cette période de l’année, je vous propose trois films juste assez monstrueux, pour se mettre dans l’esprit d’Halloween:
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Arts & Culture
Haute Tension est un film français de 2003 mettant en vedette Cécile de France et réalisé par Alexandre Aja. On y retrouve Marie et Alexa en vacances dans la maison de campagne de l’une d’elles, lorsqu’un mystérieux individu (un psychopathe assez dérangé, merci) s’y présente, assassine la famille au grand complet et kidnappe Alexa. Marie se lance donc à la rescousse de son amie sans savoir que l’aventure s’annonce plus compliquée et sanguinaire que prévu. Présentant des moments de suspense hors du commun, Haute Tension est violent et sanglant à souhait avec des cris garantis et un dénouement surprenant.
Mon deuxième choix s’arrête sur Sleepy Hollow. Sûrement déjà un classique d’Halloween pour plusieurs, Sleepy Hollow: La Légende du Cavalier sans tête (1999) est un drame fantastique de Tim Burton et récipiendaire de l’Oscar de la meilleure direction artistique! En 1799, le rationnel et scientifique inspecteur new-yorkais Ichabod Crane (Johnny Depp) mène une enquête dans le village de Sleepy Hollow où un cavalier sans tête décime la population. Il réalise rapidement que l’apparition est bien réelle et que les meurtres qu’elle commet ne sont pas sans raison. L’histoire nous captive rapidement: c’est tout juste assez lugubre et rempli de frissons et de rebondissements.
Illustration: Lindsay P. Cameron
Sur une note un peu plus satanique, le troisième film que je vous suggère est Amytiville: La Maison du diable (1979). Cette réalisation n’est peut-être pas la plus effrayante, ni la plus originale mais c’est certainement une des plus dérangeantes. L’histoire de cette maison possédée par des forces diaboliques est supposément inspirée de faits réels. On retrouve la famille Lutz qui emménage dans une maison dont le prix abordable les surprend: ce qu’ils ignorent c’est que la famille précédente fut entièrement assassinée par leur fils, possédé par le diable. Soyez sans crainte, on ne voit jamais le diable apparaître avec ses cornes et sa fourche, mais
sa présence affecte tous les membres de la famille d’une certaine façon, jusqu’à ce que l’existence dans cette maison devienne insupportable. Pour une soirée inquiétante et remplie d’émotions, c’est ce classique qu’il vous faut. On ne compte plus les films d’horreurs insipides qui hantent nos cinémas et j’ai sélectionné ces trois idées pour votre cinéma maison, parce que je crois qu’ils font honneur au genre: du divertissement assuré, avec quelques cris en bonus. J’espère que ces films sauront vous divertir en plus de vous donner une bonne dose de chair de poule et quelques cauchemars. Joyeuse Halloween! x
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CHRONIQUE
En quête de rires Du psy, des voisins ou de la jolie sorcière, qui saura divertir le public en quête de rires légers que nous sommes? Annick Lavogiez | Déambullations
Il est des jours où l’on se sent le cœur disponible et léger, l’esprit ouvert, l’œil aux aguets. La tombée des feuilles sur les escaliers, le soleil couchant sur l’arrivée de l’hiver, la buée sur les fenêtres, un rien rend heureux et encourage à changer de perspective, à aller voir ailleurs si on n’y est pas. Flânant dans cette humeur pendant une semaine un peu morne côté lectures, je me suis plongée dans des distractions plus légères que d’habitude, pour le plaisir de lire quelque chose de différent, et — qui sait? — de passer un bon moment. Voici un petit carnet de lecture de trois albums parus chez Dupuis. Les Psy – Une compil qui a du chien On est nombreux à avoir côtoyé le docteur Médart sur les
bancs d’école, mais tout aussi nombreux à ne pas avoir suivi ses déboires alors que l’âge nous menait vers d’autres lectures plus «sérieuses». Malgré tout, ce psy somme toute drôle et sympathique est resté quelque part dans notre imaginaire qui a grandi, mais pas vieilli. Ainsi, la tentation de se plonger, ne serait-ce qu’en souvenir du bon vieux temps, dans Les Psy – Une compil qui a du chien, est grande. Dessiné par Bédu et scénarisé par Cauvin, cet album de trente-deux pages en couleur met en scène le célèbre docteur face à des patients… canins. Rapidement, on se rend compte que ce ne sont pas tant les chiens qui sont complètement fous! Les gags fonctionnent plutôt bien, le docteur n’a rien perdu de son humour et ses patients sont toujours aussi déjantés. C’est agréable, drôle, réussi. Chers voisins Déssiné par Bercovici et scénarisé par Dal, Chers voisins explore les relations entre les voisins, depuis les débuts de l’humanité jusqu’à aujourd’hui, sous la forme d’une série de gags… qui ne prennent pas. Quelques bulles font sourire, quelques idées sont bonnes, mais le résultat est très mitigé. Les gags donnent
quasiment toujours dans la facilité et les chutes ne surprennent pas, ne séduisent en rien. On rit peu, voire pas du tout. Pour un peu, on se dirait même qu’on a davantage de bonnes histoires de voisinage à raconter qu’il n’y en a dans cet album d’un intérêt très moyen.
Gracieuseté des éditions Dupuis
Mélusine – Envoûtement La jolie Mélusine en a ras le pompon d’attendre le prince charmant; elle veut être aimée, et elle veut être aimée maintenant. La demoiselle blâme le monde sinistre dans lequel elle vit où les preux chevaliers n’osent pas traîner leurs épées. Elle décide donc de prendre les choses en main et se jette un envoûtement pour se rendre irrésistible… Le problème? Ça marche. Tout le monde tombe amoureux de la pauvre sorcière qui se rend vite compte qu’être adulée par tout le monde, c’est l’enfer. Le scénario n’est pas bien compliqué, mais le gag de départ fonctionne et tient en haleine pendant plusieurs pages, toujours charmantes et drôles. C’est sympathique, même si les derniers gags, qui n’ont plus rien à voir avec l’idée de départ, sont un peu moins réussis. Clarke (dessin) et Gilson (scénario) offrent malgré tout avec ce Mélusine – Envoûtement un vingtième album d’une série qui ne semble pas s’essouffler. x
EXPO
APOCALYPSE: NOW! L’inévitable apocalypse. Que faire? Dessiner! Veronica Aronov
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es caricatures transcendent la limite entre l’art, l’humour et la critique; surtout vis-à-vis de notre humanité autoaccablante et damnée. Jusqu’au 26 janvier, le musée McCord tient une exposition sur le sujet, «La fin du monde… En caricatures!». L’expo rassemble seize caricaturistes québécois, qui ont couvert près de 150 ans d’actualité d’accablement et de damnation, que ce soit affligeant ou auto-infligé. Plusieurs illustrations datent de la fin du 19e et début 20e siècles. Ces illustrations élaborent allégoriquement les maux tels que le choléra, la variole et la peste. La Commission de Santé était peu compétente à cette époque; il fallait que des illustrateurs tels Henri Julien, J.H. Walker et A.G. Racey exposent cette réalité dans les quotidiens. Les fléaux étant des éléments du passé, les caricatures du 20e siècle se concentrent sur les conflits et les guerres. Une des images dé-
crit Hitler faisant un de ses grands discours face à des rangées de pierres tombales, ou dansant le ballet avec la Mort. Sur d’autres représentations, la Terre se transforme en crâne pendant qu’une file de tanks se forme en serpent avec, à l’avant, la tête du Führer. Une série tout à fait partiale sur la guerre froide s’ensuit: les États-Unis sont menacés et c’est l’URSS qui en est la menace. Enfin, les fins du monde auto-prescrites se terminent sur plusieurs images très marquantes des années 1990 et 2000, comme les génocides dans l’ex-Yougoslavie des kosovars et bosniens, ou ceux du Rwanda. Les images sont bien évidemment très réconfortantes et optimistes. Un exemple: l’ONU se baigne dans le sang bosnien. D’un point de vue artistique, le travail du conservateur rend l’exposition un peu étouffante. On a l’impression d’être enfermé parmi ces images qui annoncent chacune une apocalypse plus ou moins drôle ou tragique. Il existe quand même un ordre parmi le désordre.
x le délit · le mardi 30 octobre 2012 · delitfrancais.com
On commence par notre fin la plus proche: la fin du calendrier maya, le 21 décembre 2012. Un astrophysicien dans une vidéo stratégiquement centrée nous assure que la fin ne viendra pas ce jour-là. Merci M. l’Astrophysicien! Puis s’ensuivent des fins qui n’en sont pas; il semble qu’on prêche l’insouciance. Comment estce possible, avec la tragédie des déboires de l’équipe de hockey, ou bien l’hiver, le gel et la dépression qui en résulte? Une légende nous annonce : «Les fins du monde posent des défis aux caricaturistes […] Elles sont des occasions de montrer la qualité esthétique et la force dramatique du dessin éditorial, et de révéler que si la caricature est d’abord un art du quotidien, elle n’est pas moins un art de l’universel». Il y a une tendance dans la caricature à se détacher du sujet représenté. C’est ce détachement qui permet au caricaturiste de se positionner vis-à-vis de son sujet et de le critiquer d’un extrême ou d’un autre. Il faut se détacher de
sa propre humanité en s’éliminant en tant que responsable potentiel pour pouvoir faire une critique du trait le plus humain: la peur de la finitude.
C’est en cela que cet art devient universel, à travers la subjectivité d’un regard, celui de l’artiste qui critique, qui commente. x
Gracieuseté de FPJG
Arts & Culture
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Gracieuseté de Patrick Jean
COUP DE CŒUR
Artiste, féministe, humaniste Un documentaire sur les hommes vis-à-vis de la condition féminine Alexandra Appino-Tabone
S
i vous visitez le site Internet du cinéaste belge Patrick Jean, vous verrez l’image d’une jeune femme au Viêt Nam, qui vend des ballons dans la rue. Elle a l’air ennuyée, même un peu triste et vulnérable. Il semble que le documentariste ait tendance à trouver et filmer la tristesse dans le monde, où qu’elle soit. On pourrait dire que c’est sa mission. Il représente les grands thèmes de notre société, comme la pauvreté dans les films Les enfants du Borinage et La raison du plus fort et le grand backlash du mouvement féministe au Québec dans le film La Domination masculine. Qu’il le fasse avec un œil critique sans perdre son mérite artistique fait de Patric Jean un artiste autant qu’un intellectuel. En fait, c’est son regard créatif qui donne la clairvoyance à un problème aussi difficile à définir que l’oppression des femmes. Il voulait faire La Domination masculine au Québec, comme il le dit dans le film, parce que le Québec est plus
avancé dans la cause féministe que les pays européens. Cependant, la montée du mouvement contre le féminisme a commencé paradoxalement à partir du massacre de Polytechnique de 1989, parmi certains hommes qui se sentaient menacés par le pouvoir que les femmes gagnaient alors. Aujourd’hui, le féminisme semble avoir régressé, pas seulement au Québec, mais partout dans le monde. Jean nous montre que le recul du féminisme dans un pays plus progressif suggère des implications pour les pays qui sont moins avancés. La hiérarchie des sexes imprègne la société, dans toutes ses expressions. Dès l’enfance, les rôles des sexes sont naturalisés dans le subconscient: dans les livres pour enfants qui représentent la mère dans la cuisine et le père dans sa chaise avec le journal, même les jouets emprisonnent les jeunes filles dans la maison. Le film commence avec Jean faisant un collage d’images de bâtiments dessinant un phallus. Ce n’est pas une blague; c’est un symbole du pouvoir masculin qui prévaut dans l’inconscient collectif depuis longtemps.
Perspective intéressante quant au féminisme que de commencer le film avec l’image du pouvoir masculin. De même, le titre suggère que le féminisme n’est pas tant un problème de femme qu’un problème d’homme. La séquence de la jeune femme vietnamienne se termine quand elle voit un homme qui l’approche, et tout de suite elle baisse les yeux. La portée de l’image n’est pas évidente, car elle représente non seulement toutes les femmes, mais l’effet d’une société patriarcale sur le subconscient de tous. C’est l’espoir du cinéaste, en vue de La Domination masculine, qu’un jour cette femme ne baisse pas les yeux; peut-être un jour ne vendra-t-elle pas de ballons dans la rue. Patrick Jean gagne mon coup de cœur pour reconnaître et faire savoir que ce n’est pas sa faute: que le pouvoir masculin n’est pas un problème de femme, mais un problème social d’une grande étendue que les hommes doivent également essayer de résoudre. Mais on y est à peine. x
Gracieuseté de Patrick Jean
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x le délit · le mardi 30 octobre 2012 · delitfrancais.com